e-revue mensuelle illustrée histoire des objets et
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E-revue mensuelle illustrée
Histoire des objets et instruments médicaux
Numismatique médicale
www.clystere.com / n° 69 1 sommaire
CLYSTERE
Sommaire n° 69 – Octobre 2019
REMUE-MENINGES (Guy Gaboriau, Louis-Jean Dupré)
HISTOIRE DES INSTRUMENTS
- Un chirurgien, un document, une trousse d'instruments : toute une histoire ! (Philippe Mereau)
- Le VEEDEE, appareil à main pour massage vibratoire (Bernard Petitdant)
- La notice d’utilisation du spiroscope du médecin Jos Jullien : plus qu’unmanuel d’utilisation, une invitation à mieux vivre (Laurent Jullien)
- S’endormir par auto-administration de chloroforme à domicile avecl’appareil de Crombie (Louis-Jean Dupré)
NUMISMATIQUE MEDICALE
- Un plomb de scellée de la liqueur hygiénique du Père Kermann (Jean- PierreMartin)
- Pièces de parement d'uniforme de l'hospice du Cayla, Courbevoie (Jean-Pierre Martin)
OSNI : Objets Scientifiques Non Identifiés
COURRIER DES LECTEURS
L'ENVOI SYMPA !
CLYSTÈRE(ISSN 2257-7459)
Conception –réalisation : © Dr Jean-Pierre Martin
Abonnement gratuit sur : www.clystere.comUU U1 5T15T15T
Comité scientifique :
Frédéric Bonté (Docteur en pharmacie, membre de l’Académie Nationale de Pharmacie, France)
Quentin Désiron (Chirurgien vasculaire, Chu de Liège, Belgique)
Louis-Jean Dupré (Anesthésiste retraité, France)
Gaboriau Guy (Anesthésiste, France)
Richard-Alain Jean (Docteur en médecine, égyptologue, spécialiste de la médecine égyptienne)
Bernard Petitdant (Cadre kinésithérapeute, spécialiste de l’histoire de la kinésithérapie)
CLYSTERE est réalisé uniquement avec des logiciels libres
La Revue
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REMUE MENINGES
Cette nouvelle rubrique, à l'initiative de Guy Gaboriau et Louis-Jean Dupré, se propose de faire réfléchir les
lectrices et lecteurs de Clystère sur des objets tirés des collections des uns et des autres, voire de musées. Les
premiers objets présentés dans cette rubrique sont issus de la collection de Guy Gaboriau. Les bonnes
réponses seront publiées dans le prochain numéro, chaque objet faisant alors l'objet d'un commentaire court
accompagné d'au moins une référence bibliographique. Les deux animateurs de cette rubrique, Guy Gaboriau
et Louis-Jean Dupré, attendent bien sûr vos réponses, mais également des photos d'autres instruments peu
courants qu'ils pourraient soumettre à la sagacité des lecteurs.
Seront considérées comme bonnes les réponses donnant le nom de l'instrument et son usage.
Pour faciliter le traitement des réponses, merci d'utiliser le lien « mail » situé après chaque photo.
Petite précision, tous les instruments présentés dans cette rubrique doivent avoir été identifiés avec certitude
par celle ou celui qui les propose (les instruments non identifiés restant quant à eux présentés dans le
rubrique OSNI (Objets Scientifiques Non Identifiés)).
Bonne réflexion à toutes et tous.
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Remue-méninges n° 1 : un curieux porte-clefs...
cet objet qui évoque un porte-clefs mesure 7 cm de hauteur et n'a son nom ni dans le Littré, ni le Robert,
mais uniquement dans le dictionnaire du Moyen Français et le Larousse en six volumes de 1928-1933...
Réponses à : Guy Gaboriau et Louis-Jean Dupré.
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Remue-méninges n° 2 : non, il ne s'agit pas d'un coton-tige !
Cet instrument en forme de "coton tige" est en vermeil et nacre et mesure 17 cm de long pour un peu moins
d'un cm de large.
Réponses à : Guy Gaboriau et Louis-Jean Dupré.
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Un chirurgien, un document, une trousse d'instruments : toute une histoire !
Philippe MÉREAU
contact : philippe.mereau@sfr.fr
Nous sommes en 1814 : la campagne de France est la fin de la guerre liée à la sixième coalition
(Angleterre, Russie, Autriche, Prusse). Elle se déroule de la fin décembre 1813 à Avril 1814. Paris
capitule fin mars et Napoléon Bonaparte s’établit au château de Fontainebleau. Il abdique début
avril, le sénat ne reconnaissant plus Napoléon comme Empereur et proclame sa déchéance. Le 11
avril, il est contraint de signer une abdication par le traité de Fontainebleau et fait ses adieux aux
soldats qui l’entourent (Les Adieux de Fontainebleau).
Du côté du service de santé, le baron Larrey,
fidèle depuis toujours à l’Empereur, est à Paris1,
2, 3. Il est alors inspecteur général et chirurgien
en chef de la grande armée depuis 1812 [Fig.1].
C’est la fin de sa vingt-quatrième campagne. Il
sera à la tête de l’hôpital de la garde royale
appelé l’hôpital du gros caillou, avec le titre de
chirurgien en chef de la maison du roi
(officiellement à partir du 1er juillet 1814
jusqu’au 15 avril 1815). Commence alors une
période de licenciement pour les officiers de
santé.
Dès le début de 1814, afin de remercier le dévouement des chirurgiens ou officiers de santé Larrey
rencontre le Comte Pierre Daru, intendant général de la maison de l’Empereur et de la grande
armée. En 1814, il est ministre chargé de l’administration de la guerre [Fig. 2]. Il lui fait part de ses
1- Triaire, Napoléon et Larrey. Chez Mame & fils 1902.2- Soubiran André, le baron Larrey, chirurgien de Napoléon. Fayard, 1966.3- Marchioni Jean, Place à Monsieur Larrey, Actes sud, 2003.
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Fig. 1: Portrait de Dominique Larrey
intentions de gratification pour certains chirurgiens ou officiers de santé, ce qui lui sera accordé.
Ainsi il se met en relation avec un grand coutelier du moment, à savoir le coutelier Grangeret,
nommé vers 1806 coutelier de sa majesté l’Empereur. Il lui demande de concevoir des « étuis
portatifs d’instruments » de chirurgien [Fig. 3, 4]. Début mai 1814, il peut ainsi écrire à quelques
chirurgiens sous aide-major ou officiers de santé qu’il juge mériter ces lettres de remerciements et
de dévouements. Une des premières lettres connues, écrite le 1er mai 1814, est adressée à Monsieur
Segard, sous aide major des ambulances légères du quartier général [Fig. 5] :
« Le ministre de l’administration, Monsieur le comte Daru, m’ayant accordé, dans le tems au nom
du gouvernement, plusieurs étuis portatifs d’instrumens de chirurgie pour les chirurgiens que je
croÿerais digne de cette récompense, j’ai l’honneur de vous informer, Monsieur, que je vous ai
porté sur la liste de ceux qui l’ont mérité. Recevez donc, Monsieur, l’un de ces étuis comme un
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Fig. 2: le Comte Pierre Daru
témoignage de ma satisfaction pour les services que vous avez rendu pendant la campagne de 1813,
et notamment à l’affaire de Hoetkirchen (Hochkirch) près de Bautzen, où vous avez eu le bras droit
emporté par un boulet en pansant les blessés sur le cham de bataille.[Le baron Larrey l’avait opéré
à Bautzen de son bras4).
Je me plais à vous rendre cette justice et je regrette que vous ne puissiez plus désormais donner à
Nos Braves le secours que vous leur avez constamment portés avec tout le zèle et de dévouement ».
4- Lettre du 7 juin 1814 : certificat de blessure de D.Larrey concernant le chirurgien Segard , collection de l’auteur.
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Fig. 3: Étiquette de coffret fabriqué par le coutelier Grangeret. ©collection de l’auteur
Fig. 4: Grangeret, coutelier de L’EMPEREUR, rue des St Pères, n° 45 àParis. © collection de l’auteur
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Fig. 5: Lettre de Dominique Larrey au chirurgien sous aide major Segard. ©collection de l’auteur.
Une deuxième lettre connue est en main privée, datée du même jour et remercie également un
chirurgien sous aide major des ambulances du quartier général (chirurgien Brielwaz ?) « Pour son
dévouement lors de la 3e campagne et sera pour vous un nouveau motif d’émulation ». Ce
document est doté du cachet d’armoiries de baron (nomination en 1809 après la bataille de
Wagram), dont la description est la suivante :
« Ecartelé : au I, d'or au dromadaire contourné d'azur, adextré d'un palmier desinople, le tout
soutenu d'une terrasse du même; au II, du francquartier des Barons Officiers de Santé attachés aux
Armées; au III, d'azur à trois chevrons d'or; au IV, coupé : au 1, d'argent, à la barre dentelée de
gueules chargée d'une raie (poisson) du champ; au 2, d'or, à la pyramide alaisée de sable » [Fig. 6].
www.clystere.com / n° 69 11 sommaire
Fig. 6: Cachet de cire avec armoiries de Larrey . ©collection de l’auteur
Nous connaissons deux trousses, vues en vente ces dix dernières années : l’une attribuée à Monsieur
Pambrun, officier de santé, en main privée, et une autre à Monsieur Alexis Larrey, cousin de
Dominique Jean Larrey [Fig. 7].
Pour la petite histoire, c’est Alexis (fils) qui soigna Dominique Larrey atteint du typhus en Espagne
en avril 1809.
Dans ses mémoires il écrit : « j'aurais probablement péri sans les secours vigilants et assidus de
mon élève, Alexis Larrey, mon cousin, jeune homme intelligent et donnant déjà de grandes
espérances. A mon arrivée à Burgos, j'avais totalement perdu l'usage de mes sens et de mes forces...
je conserverai toujours le souvenir des soins attentifs que Monsieur le Chirurgien en Chef
Beaumarchef et Monsieur le Docteur Maisonade médecin de Burgos me prodiguèrent dans cette
circonstance5."
5- Mémoires et chirurgie de D.Larrey , 4 tomes , 1812-1817
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Fig. 7: Trousse de présent au chirurgien sous aide major Alexis Larrey. © collection de l’auteur
Cette trousse réglementaire de taille 16 X 8 cm est en cuir rouge, avec une fermeture en métal
argenté à trois rabats, un intérieur en velours rouge, les rabats intérieurs étant en cuir vert entourés
de dorures. A l’intérieur, une inscription en dorure [Fig.8] :
« A Mr Larrey Alexis, officier de santé, chirurgien,
Pour la conduite distinguée qu’il a tenu
Pendant la campagne de 1814 à la grande armée ».
Toute référence à cet article doit porter la mention :
Mereau P. : Un chirurgien, un document, une trousse d'instruments : toute une histoire ! . Clystère(www.clystere.com), n° 69, octobre 2019.
www.clystere.com / n° 69 13 sommaire
Je remercie les lecteurs de Clystère qui pourraient me communiquer toutes informations sur des
pièces similaires, trousses ou documents.
Fig. 8: « A Mr Larrey Alexis, officier de santé, chirurgien, pour la conduite distinguée qu’il a tenu pendant la campagne de 1814 à la grande armée ». © collection de l’auteur
Le VEEDEE, appareil à main pour massage vibratoire
Bernard PETITDANT
Cadre de Santé - Masseur Kinésithérapeute
Institut Lorrain de Formation en Masso-Kinésithérapie,
57bis rue de Nabécor F54000 NANCY
contact : bpetitdant@cegetel.net
Introduction
Les appareils à masser, nécessairement miraculeux, sont un marché prospère au début du XXe siècle. Le
Veedee ne fait pas exception. Le Science Museum1, le Museum of Applied Art and Science2 et le Heritage
Blog3 le disent fabriqué en Allemagne et distribué par la Veedee Compagny, 96 Southwark Street, London. Or,
le livret de l’appareil4 disponible sur le site archive.org5, en quatrième page de couverture, indique que J.E.
Garratt, 96 Southwark Street, London est détenteur des brevets, fabricant et seul propriétaire.
La dénomination Veedee viendrait de la déclaration de Jules César «Veni, vidi, vici». Certains y voient la
marque de l’acronyme anglais «V.D.» pour venereal diseases. Cette version est peu probable, car le livret de
l’appareil6 nous indique encore que dans les pays scandinaves, en Allemagne, en Autriche, en Suisse et en
Russie l’appareil est vendu sous le nom de «VENIVICI».
Description
J.E. Garratt propose à la vente trois mallettes : la mallette du médecin, la mallette familiale et la mallette de
voyage. Nous présentons la mallette familiale qui était vendue 2 livres 12 shilling et 6 pences dont nous ne
pouvons donner d’équivalence, les convertisseurs de monnaies débutant dans les années 1950. C’est une
mallette de bois de 41cm de long, sur 16.5 cm de large et 10 cm de haut, couverte d’un papier imitant le cuir
et tapissée à l’intérieur de velours violet. Elle contenait le Veedee, quatre concusseurs, un embout, une
burette d’huile, une bouteille d’huile et un chiffon de nettoyage. Seuls le Veedee et trois concusseurs sont en
place [Fig. 1].
1- http://broughttolife.sciencemuseum.org.uk/broughttolife/objects/display?id=927962- https://maas.museum/inside-the-collection/2014/05/05/treasure-from-the-collection-the-wonderfull-world-of-massagers/
3- https://heritageblog.rcpsg.ac.uk/2016/05/19/veedee-massager-c1903/ 4- Garratt J.E. The Veedee and how to use it London :Veedee Company ; sd 5- https://archive.org/details/b28148927/page/n6 6- Garratt J.E. The Veedee and how to use it London :Veedee Company ; sd
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Le Veedee
L’appareil [Fig. 1 et 2], fait essentiellement de métal chromé, mesure 38 cm de haut, 7.5 cm de large au
niveau du carter contenant les engrenages et le disque à la base fait 8 cm de diamètre. Il pèse 647 g. Il se
compose de haut en bas d’une poignée de bois verni s’encastrant dans une virole qui contribue à la fixation
de la poignée à l’armature de l’appareil. Cette armature est composée de deux tiges métalliques, de section
rectangulaire, parallèles, vissées en haut à la virole et en bas à un cylindre métallique. Entre ces deux tiges se
trouve, à la partie moyenne de l’appareil, le carter contenant des engrenages, un volant d’inertie et une roue à
rochet [Fig. 3] actionnés par la manivelle métallique à poignée de bois verni visible sur la face avant. La roue
à rochet conduit à une rotation de la manivelle uniquement dans le sens horaire. Toujours entre les tiges de
l’armature sous le carter se trouve une tige de section ronde qui transmet le mouvement de rotation de la
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Fig. 1 : Vue générale de la mallette ouverte avec le Veedee et trois concusseurs.
manivelle au disque [Fig. 2]. Elle se termine par un élément carré de 6 mm de côté et une tige filetée. Ce
disque est percé au centre d’un trou rectangulaire de 7 sur 10 mm et porte, sur sa face inférieure, au dessus de
ce trou « VEEDEE » [Fig.4] et quatre marques. La plus éloignée du trou est notée 3, puis 2 et 1. La
quatrième n’est pas annotée. Sous le trou on lit J.E. GARRRATT / 96 Southwark Street / LONDON.S.E.
Le trou rectangulaire s’encastre dans l’élément carré du bout de la tige et peut donc coulisser. Il est maintenu
en place par une rondelle et un écrou. Lorsque la largeur du trou la plus éloignée des marques est en butée
contre l’élément carré, la rondelle affleure la marque non annotée et le disque est centré, lorsque l’autre
largeur est en butée le disque est excentré au maximum. Plus le bord de la rondelle, qui sert de repère, sera
déplacé vers la marque 3 plus le disque sera excentré et plus les vibrations seront importantes [Fig.4].
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Fig. 2 : En haut, vue latérale du Veedee, noter, entre les armatures, la tige transmettant le mouvement de rotation au disque. En bas, vue postérieure.
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Fig. 4 : Vue inférieure du disque, à gauche sans son écrou, ni sa rondelle, son trou rectangulaire est en butée, le disque est excentré au maximum. A droite le disque avec son écrou et sa rondelle dont le bord affleure le repère 1 le disque est légèrement excentré.
Fig. 3 : Contenu du carter d’après le brevet 156412 (Garratt J.E. Improvements in vibratory massage apparatus N°156412, date of application Jan. 5, 1920, accepted Jan.13, 1921.), c1 engrenages démultipliant les rotations de la manivelle, c2 (en surimpression) engrenage tronconique assurant la rotation de la tige ronde d, c3 roue à rochet et son cliquet.
À sa face supérieure, le disque est gravé : PATENTED / N° 23852 OF 1903 / N° 4210 OF 1904. On peut être
surpris qu’un brevet de 1904 porte un numéro inférieur à celui de 1903 [Fig. 5]. Cela est possible si les
brevets n’ont pas été déposés dans le même pays.
La tige de l’armature sur la face avant est marquée « PAT.D 77880 » pour « Patented » et le N° de l’appareil
[Fig. 6]. Sous le cylindre unissant les deux barres de l’armature il y en a un autre percé de trois trous filetés,
deux diamétralement opposés se trouvent à l’opposé des barres de l’armature le troisième est à l’aplomb de
la barre arrière. Ces trous sont destinés à la fixation des concusseurs, [Fig.5].
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Fig. 5 : Vue supérieure du disque, noter, immédiatement au dessus de lui, deux des trois trous de fixation desconcusseurs.
Les 3 concusseurs
Il s’agit des concusseurs N°1, N°3 et 24 [Fig.7] de la liste des accessoires du Veedee. Un concusseur est
l’accessoire, qui fixé à l’appareil, entre en contact avec la peau pour transmettre les vibrations.
Le concusseur N°1 [Fig. 7(1)] est un disque de caoutchouc de 3.5 cm de diamètre et de 6 mm d’épaisseur,
une tige est fixée en son centre et se termine par un pas de vis destiné à sa fixation sur l’appareil. Il est utilisé
pour les vibrations musculaires. Ce concusseur fait partie des 2 accessoires compris dans le prix d’achat de
tout Veedee.
Le concusseur N°3 [Fig. 7(2)] est une plaque rectangulaire incurvée de 9.5 cm sur 4.5 cm. Une tige, de
même longueur mais avec un filetage plus long, est fixée en son centre sur la face convexe. Ce concusseur
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Fig. 6 : Deux Veedee porteurs de chiffres différents, il s’agit donc bien du numéro de l’appareil et non du numéro de brevet.
est conçu pour s’adapter aux galbes corporels. Il est recommandé pour le traitement du double menton et du
goitre.
Le concusseur N° 24 [Fig. 7(3)] se compose de 2 roulettes de 3.5 cm de diamètre montées sur un axe,
supporté par un cadre, qui les réunit à la tige de fixation sur le Veedee. Ce concusseur est conçu pour vibrer
la colonne vertébrale, l’écartement de 2.5 cm des roulettes et leur diamètre permettent de passer de part et
d’autre de la ligne des processus épineux.
Le concusseur absent de la boite est le N°4. C’est une boule creuse en caoutchouc de 1.4 pouces de
diamètre (3.5 cm environ) destiné à vibrer les zones sensibles et douloureuses, les saillies osseuses, le visage
et le cuir chevelu. C’est le second accessoire inclus avec tout Veedee.
L’embout absent de la boite sert à la fixation sur l’appareil du concusseur N°24, même s’il nous semble
possible de l’utiliser sans embout.
Le livret7 n’est pas cité dans l’équipement standard des boites. Il était vendu 6 pences. Entre la couverture
avant et arrière et les 48 pages de mode d’emploi et de description des indications, se trouve une liste des
utilisateurs de l’appareil sur 8 pages. Ils sont cités dans un ordre de préséance qui peut parfois nous
surprendre, ce sont des personnalités du Royaume Uni mais aussi du Commonwealth. Cette liste commence
par la famille royale d’Angleterre, les membres de familles royales étrangères et de la noblesse anglaise puis
7- Garratt J.E. The Veedee and how to use it London :Veedee Company ; sd
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Fig. 7 : Les trois concusseurs présents dans la malette.
les officiers de marine, les religieux, les diplomates et les hommes politiques, les artistes, les hommes de loi,
les scientifiques, les journalistes et les romanciers et enfin les officiers de l’Armée de Terre jusqu’au grade de
capitaine. Nous verrons plus loin les autres indications qui y figurent.
Cependant, il nous faut noter que, contrairement au livret d’appareils du même genre8, 9, celui-ci présente
d’authentiques éléments anatomiques : une vue sagittale de la colonne vertébrale, une vue horizontale d’une
vertèbre, une coupe médiane de la tête et du tronc montrant la distribution des nerfs crâniens et des nerfs du
système sympathique, une table indiquant par quelles racines un membre ou un organe est innervé. Nous
avons également trouvé, avec surprise, une table des « douleurs référées », Le terme «douleur référée» est
utilisé pour une douleur localisée non pas dans le site d'origine mais dans des zones pouvant être adjacentes
ou éloignées d'un tel site, généralement comprises dans les mêmes métamères. L’un des exemples classiques
est la douleur d’épaule gauche et/ou de la mâchoire lors d’une crise d’angor pectoris. Actuellement une des
cartographies utilisées pour les douleurs référées est celle de Jarricot. Le Docteur Henri Jarricot (1903-1989),
de Lyon, était médecin, ostéopathe et acupuncteur. Il cartographia précisément des zones fixes de dermalgies
réflexes en lien avec les viscères. Il soutint sa thèse en 193210. Au Royaume Uni, la référence est plutôt Jonas
Henrik Kellgren (1911-2002) qui, avant de proposer la classification rhumatologique connue sous le nom de
Kellgren-Lawrence, avait étudié la physiologie de la douleur11, à la fin des années 1930. Pour cela il
s’injectait du liquide dans les muscles et les articulations pour savoir si la douleur ressentie était en relation
avec la zone injectée.
Datation
Les sites déjà présentés12, 13, 14, datent le Veedee des premières années du XXe siècle jusqu’en 1930. Comme
John Edwin Garratt se dit titulaire des brevets nous avons recherché les brevets portant son nom en tant
qu’inventeur sur le site Espacenet15. Deux brevets portent son nom. Le premier16 date de 1907, si la silhouette
générale de l’appareil ressemble à celui que nous venons de décrire, s’il présente également un disque qui
peut être excentré, il diffère complètement du Veedee car le mécanisme est mis en mouvement exclusivement
par un moteur électrique réglable par un rhéostat.
Par contre le second brevet17 de 1920 présente très précisément le Veedee. Il n’y a aucune concordance entre
8- Martin J.P. Le Pulsoconn du Dr Macaura Clystère 2013 ;19 : 14-189- Petitdant B. Le Docteur Macaura et son Pulsoconn, appareil de massage vibratoire Kinesither Rev 2018 ;18(199) :36-4210- Jarricot H. Sur certains phénomènes douloureux : viscéralgies, dermalgies réflexes cellulite et quelques phénomènesreflexes d’origine dermique. Thèse médecine : Lyon ; 193211- Kellgren J.H. On the distribution of pain arising from deep somatic structures with charts of segmental pain areas Clin Sci 1939 ; 4:35–46.12- http://broughttolife.sciencemuseum.org.uk/broughttolife/objects/display?id=9279613- https://maas.museum/inside-the-collection/2014/05/05/treasure-from-the-collection-the-wonderfull-world-of-massagers/ 14- https://heritageblog.rcpsg.ac.uk/2016/05/19/veedee-massager-c1903/ 15- https://worldwide.espacenet.com/?locale=fr_EP 16- Garratt J.E. Improvements in and relating to massage apparatus, N°8256, date of application 9th Apr. 1907, accepted 9th Apr. 1908.17- Garratt J.E. Improvements in vibratory massage apparatus N°156412, date of application Jan. 5, 1920, accepted
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ces brevets et les informations gravées sur le disque. Nous avons fait une recherche avec ces numéros de
brevets sur Espacenet. Aucun des résultats obtenus ne correspond aux brevets du Veedee. Nous avons tenté
deux autres recherches en associant les années 1903 ou 1904 d’abord à l’occurrence « massage » puis à
l’occurrence « vibrating », sans résultat.
Il ne nous est donc pas possible de dater avec précision le Veedee. En se fiant aux informations gravées sur
l’appareil c’est la partie la plus ancienne de la fourchette de dates qui est à considérer, alors que le brevet de
J.E. Garratt nous conduit plus d’une quinzaine d’années plus tard.
Utilisation
Nous sommes à une époque où les gauchers étaient systématiquement contrariés donc, que ce soit pour un
automassage ou pour une application par un tiers et quelle que soit la région massée, le Veedee est tenu de la
main gauche et la manivelle actionnée de la main droite. Le concusseur est vissé dans le trou surplombant la
région à masser.
Indications
Dans le livret, les indications sont subdivisées en 5 groupes : les douleurs, les troubles liés à la congestion de
l’organe, les troubles organiques et fonctionnels, les troubles nerveux et enfin les indications esthétiques.
La douleur
Le Veedee fait cesser instantanément presque toutes les sortes de douleurs. Pourquoi ? Car les nerfs vibrent
et lorsque nous sommes en bonne santé, ils vibrent en harmonie, s’il y a douleur c’est parce qu’un nerf n’est
pas en harmonie avec ses voisins. Les vibrations du Veedee lui permettent de revenir à l’unisson. Telle est, en
résumé, l’explication trouvée dans le livret. Mortimer-Granville18, l’inventeur du premier vibro-masseur
électrique, est cité pour appuyer ces affirmations.
Les troubles liés à la congestion
Ils regroupent rhumatismes, tumeurs, lumbago, goutte, abcès, constipation
Les troubles organiques et fonctionnels
Ils rassemblent pêle-mêle indigestion, faiblesse visuelle, asthme, grippe et rhume, les troubles hépatiques,
intestinaux, rénaux, pulmonaires et gynécologiques.
Les troubles nerveux
Ils intéressent des entités bien différentes les unes des autres comme la sciatique, l’insomnie, une langueur
générale, l’hystérie, les paralysies, l’impuissance, les membres, les muscles et les articulations « contractés ».
Ces listes figurent en introduction, la plupart des pathologies citées sont reprises, ensuite, sur une page
Jan.13, 1921.18- Petitdant B. La vibrothérapie sous toutes ses formes. « Death is stagnation, life is vibration » Clystère 2017 ; 61 : 4-44
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environ comprenant toujours la description des symptômes, le détail des réglages et de la posologie de
l’application du Veedee et pour certaines des conseils hygiéno-diététiques. Cette page spécifique se termine
toujours par des extraits de courriers d’utilisateurs enthousiastes nommément cités et de médecins dont
l’anonymat est préservé.
L’utilisation du Veedee à des fins cosmétiques n’est pas détaillée en introduction mais dans le chapitre dédié.
On trouve la lutte contre le double menton et les rides, le moyen d’avoir un teint clair, l’œil brillant, la
poitrine avantageuse, de combler les cous décharnés, d’arrondir les bras amaigris et sans surprise la repousse
des cheveux. Après quelques considérations esthétiques c'est le concusseur à utiliser et la posologie qui sont
indiqués.
Posologie
Dans les généralités sur l’appareil, des considérations sur la posologie sont indiquées comme de commencer
en tournant la manivelle assez lentement, de placer le disque sur la graduation 1 ou 1.5, d’augmenter la
vitesse de rotation en fonction du ressenti, de faire des séances courte de 5 à 10 mn. Une posologie plus
spécifique figure dans le paragraphe détaillé consacré à la pathologie avec le type de concusseur à utiliser, les
réglages, la région à vibrer etc, …
Conclusion
Le Veedee est l’un des nombreux appareils de massage vibratoire actionnés par une manivelle en vente au
début du XXe siècle. Nous n’avons pas réussi à savoir s’il avait une origine germanique, ni à découvrir les
brevets indiqués sur l’appareil. Il se démarque de la concurrence car s’il se rencontre parfois en boite de
carton, il est aussi souvent en mallette d’aspect luxueux et appuie sa réputation sur des utilisateurs
appartenant à un rang social élevé ou au corps médical.
Toute référence à cet article doit porter la mention :
Petitdant B. : Le VEEDEE, appareil à main pour massage vibratoire. Clystère (www.clystere.com),n° 69, octobre 2019.
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Remerciements : Cet appareil a rejoint notre collection grâce à la gentillesse et à la générosité de Philippe
Mereau, qu’il en soit, une nouvelle fois, bien sincèrement remercié.
La notice d’utilisation du spiroscope du médecin Jos Jullien : plus qu’un manueld’utilisation, une invitation à mieux vivre.
Laurent JULLIENPhD.
Institut des maladies génétiques IMAGINEHôpital Necker – Enfants malades
Contact : ljullien@hotmail.fr
Cet article est un complément de celui paru dans le n°51 de Clystère de juin 2016, intitulé "Le SPIRO du
docteur Jos Jullien". Il présente le manuel d’utilisation du spiroscope du médecin ardéchois1.
La brucellose, également connue sous le nom de fièvre de Malte ou fièvre ondulante, est une maladie
infectieuse, touchant avant tout les populations rurales, transmise essentiellement à l’homme par les animaux
d'élevage. L’incidence de la maladie est telle qu’au début du siècle dernier, elle devient un véritable enjeu de
santé publique pour l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen. A titre indicatif, en France
métropolitaine, plus de 3 000 nouveaux cas sont recensés pour la seule année 1938 et toutes les régions, à
l’exception de la Bretagne, sont touchées par ce fléau2. Malgré la forte prévalence de la maladie, la prise en
charge thérapeutique est très lacunaire et dès le milieu des années 30, le médecin ardéchois Jos Jullien3,
spécialiste internationalement reconnu de la brucellose, travaille à l’élaboration d’un nouveau procédé
thérapeutique au sein du "centre de traitement de la fièvre ondulante" de Joyeuse4. Ses efforts se concentrent
avec succès sur un vaccin non spécifique, la Paronduline, destiné à combattre les complications liées à la
pathologie chez l’homme 5,6.
En parallèle de ses activités de recherche clinique, le docteur Jullien met au point, en 1934, un spiroscope à
eau, Le SPIRO7 [Fig. 1], un appareil médical simple et ingénieux « de contrôle, d’entraînement et de
1- Dr Jos Jullien, Spirotechnique, bréviaire de la respiration, 20 pages, 1936. 2- M. Lisbonne et M. Janbon, Brucellose (fascicule 8037 A), Encyclopédie médico-chirurgicale, maladies infectieuses,
1939, p. 1-3.
3- Laurent Jullien, Le médecin ardéchois Jos Jullien (1877-1956), un savant à la carrière hors norme, Revue d’Histoire
de la Pharmacie, septembre 2019.
4- Jos Jullien, Le Centre de traitement de la fièvre ondulante de Joyeuse, Largentière, E. Mazel, 1934, 20 pages.
5- Jos Jullien, Essai de traitement de la mélitococcie humaine par vaccinothérapie non spécifique. Premiers résultats
favorables obtenus (avec projection), Deuxième congrès international de pathologie comparée, Volume 2, Numéro 2,
1931.
6- Jullien et R. Lautier, Le traitement de la Mélitococcie humaine par vaccinothérapie non spécifique, 1932.
7- Spiroscope. Brevet FR783105-A (8 juillet 1935).
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gymnastique respiratoires », comme moyen de lutte contre les symptômes pulmonaires de la brucellose8.
Élaboré, non pas pour les professionnels de santé mais bien pour les patients, l’appareil, simple d’utilisation
et peu onéreux, permet de réaliser, avec les conseils d’un médecin, des exercices d’entraînement et de
rééducation respiratoire. La spirotechnique est applicable aux enfants comme aux adultes, aux sujets sains
qui veulent simplement s'entraîner, comme aux malades, alités ou non.
Le SPIRO s’accompagne d’un petit livret explicatif qui expose de manière méticuleuse les indications
médicales pour lesquelles la spirométrie, et l’usage du SPIRO en particulier, sont bénéfiques9. Cette notice se
présente sous la forme d’un petit document de 20 pages, sans schémas ni photos, intitulé "Spirotechnique" :
« C’est un petit bréviaire de la respiration que nous vous offrons, sous le titre de Spirotechnique et sous une
forme forcément un peu sèche et condensée. Le sujet est immense et se prête à des développements qui
touchent à toutes les formes de l’activité humaine. On pourrait écrire aussi bien une philosophie qu’une
physiologie de la respiration. Savoir respirer aboutit à se donner une technique de vie, de volonté, d’activité
8- Laurent Jullien, Le SPIRO du docteur Jos Jullien, Clystère, n° 51, p. 28-45, juin 2016.
9- Dr Jos Jullien, Spirotechnique, bréviaire de la respiration, 20 pages, 1936.
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Fig. 1 : Exemplaire du "SPIRO du Dr Jullien" avec sa boite. © Collection particulière.
». La couverture [Fig. 2] reprend l’illustration de la boite du SPIRO. Sur un fond bleu pastel, une jeune et
élégante femme réalise une démonstration d’utilisation de l’appareil alors que devant elle, se dresse un
exemplaire de l’appareil avec en lettre majuscule l’inscription : "SPIRO du Docteur Jos Jullien".
L’illustration, en plus d’une utilité ornementale, possède un intérêt technique puisqu’elle renseigne sur la
manière de tenir le SPIRO lors des exercices respiratoires. Le document, non daté, a été selon toute
vraisemblance édité en 1936 puisque les références les plus récentes datent de l’année 1935.
L’utilisation de la spirotechnique en santé n’est pas nouvelle et a été démocratisée dans les années 1910 par
la docteur Joseph Pescher10. Ce livret rédigé par Jullien s’inspire, dans sa conception et dans ses objectifs, de
l’ouvrage de Pescher : L'Entraînement respiratoire par la méthode spiroscopique. Applications pratiques en
hygiène, en prophylaxie, en thérapeutique, publié en 192111. Conçu comme un ouvrage simple et didactique,
il est plus facile à lire qu’un ouvrage scientifique et moins succinct qu’un simple mode d’emploi. Il est conçu
pour devenir un document de référence, à la fois philosophique et scientifique, pour toute personne désirant
s’approprier la spirotechnique et invite le lecteur à découvrir les clés pour vivre en meilleure santé. Il aurait
10- Joseph Pescher, Une nouvelle méthode de gymnastique respiratoire. Le procédé de la bouteille, Paris Médical, 23novembre 1912.11- Joseph Pescher, L'Entraînement respiratoire par la méthode spiroscopique. Applications pratiques en hygiène, enprophylaxie, en thérapeutique, A. Maloine et fils, Paris, 1921.
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Fig. 2 : Couverture et première page du livret "Spirotechnique, bréviaire de la respiration" (1936). © Collectionparticulière.
tout aussi bien pu s’intituler : "Respirer c’est vivre, mieux respirer c’est mieux vivre" ».
Les premières pages rappellent le concept de la spirotechnique et l’intérêt de s’exercer régulièrement à une
gymnastique respiratoire : « La spirotechnique est, en un mot, l’art d’exercer le souffle. La respiration,
fonction primordiale de la vie, dont l’exercice ne peut pas être interrompu sous peine de mort pendant plus
de quelques minutes, la respiration comprend deux temps : l’expiration, le souffle qui libère l’organisme des
déchets de toutes les fonctions organiques, l’inspiration qui rend aux poumons l’air pur dont l’organisme a
besoin pour vivre. A la base de la culture respiratoire parfaite est l’expiration complète. […] 20.000 litres de
sang et 10.000 litres d’air pur, soit 500 litres environ d’oxygène doivent passer par jour dans le poumon. Un
homme adulte normal doit expirer facilement (souffler) 4 à 5 litres d’air, une femme adulte normale 2 ½ à 3
litres, un enfant de 7 ans, plus d’un litre. Seul, un appareil peut vous montrer que votre respiration n’atteint
pas ces chiffres, et est donc insuffisante. Il vous faut également un appareil pour ramener votre souffle aux
taux normal et rééduquer votre respiration. […] L’exercice au Spiro correctement exécuté, le plus simple, le
plus attrayant des exercices respiratoires, met à la portée de tous la régénération par l’air qui est
primordiale et doit être pratiqué partout, avec le minimum de perte de temps. Il est très simple grâce au
Spiro, d’arriver à être un bon respirateur. […] Il faut mettre un compteur à la disposition du sujet qui désire
contrôler sa capacité respiratoire et la ramener à la normale au maximum si elle est insuffisante12 ».
L’auteur poursuit en présentant l’appareil et un protocole d’utilisation très précis13 [Fig. 3]. Le SPIRO permet
de mettre en pratique, sans difficulté, la gamme d’exercices et de conseils énoncés par les méthodes
spiroscopiques. Peu encombrant et donc facilement transportable, il permet de réaliser les exercices aussi
bien chez soi que sur son lieu de travail ou en extérieur. L’auteur poursuit en mettant à disposition du lecteur
une description rigoureuse des cas pathologiques pour lesquels une rééducation respiratoire est nécessaire,
voire indispensable. L’usage de l’appareil est très varié et son utilisation est répartie en 3 grands thèmes : la
prophylaxie, les indications médicales et les indications chirurgicales.
12- Dr Jos Jullien, Spirotechnique, bréviaire de la respiration, 20 pages, 1936.13- Pour plus d’informations, voir l’article : Laurent Jullien, Le SPIRO du docteur Jos Jullien, Clystère, n° 51, p. 28-45,
juin 2016.
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Hygiène générale, hygiène scolaire, culture physique et sports.
L’usage du SPIRO est recommandé en prévention et préconisé notamment en milieu scolaire afin de
développer les capacités respiratoires des plus jeunes : « C’est au cours des années d’enfance, au cours des
périodes de développement qui vont de l’enfant à l’adulte que se joue et se décide l’avenir des individus.
[…] A l’école où se reconnaissent tous les types des insuffisants respiratoires, enfants normaux et anormaux
doivent être soumis à la spirotechnique. Aucune méthode ne permet mieux que la spirotechnique,
l’enseignement respiratoire par le maître qui montre le fonctionnement de l’appareil, le contrôle de
l’exercice fait par l’élève. Aucune gymnastique n’est plus facile, plus raisonnée, plus attrayante. En milieu
scolaire, l’exercice gagne encore à être pratiqué collectivement par groupe de 5 élèves par exemple qui
respirent dans 5 appareils suspendus à une potence ». A Marseille, le docteur Henriette Hoffer, médecin-
psychiatre et pédagogue, fondatrice de l’école qui porte son nom, un établissement spécialisé dans la
"rééducation des enfants inaptes à suivre les classes normales", est l’une des premières à suivre les principes
de cette technique et à utiliser quotidiennement le spiroscope individuel conçu par Jos Jullien pour la
rééducation et la gymnastique respiratoire de ses élèves14 [Fig. 4].
14- Henriette Hoffer, L'enfance déficiente, Bibliothèque médico-pédagogique, Editions Jacques Vautrain, 1937.
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Fig. 3 : Page de présentation du SPIRO. "Spirotechnique, bréviaire de la respiration" (1936).© Collection particulière.
L’usage du SPIRO s’adresse aussi à tous ceux qui, à l’image des sportifs, exercent une activité physique et
souhaitent optimiser leurs capacités pulmonaires : « Il y a grand intérêt à mettre à disposition des culturistes,
quelle que soit la méthode qu’ils pratiquent, un spiromètre individuel, du type Spiro. La spirotechnique se
met au premier rang des exercices préconisés. Spiro avant l’exercice, au cours de la séance, après
l’exercice, permet aux muscles leur fonctionnement et leur détente. L’équilibre nerveux est assuré par
l’apport de sang aéré aux centres cérébraux et bulbaires. De plus, la monotonie et la fatigue de l’exercice
musculaire sont vigoureusement corrigées par la détente et une véritable "joie respiratoire". […] L’exercice
au Spiro combat l’essoufflement, ramène rapidement à la normale le chiffre de la tension artérielle, régénère
les muscles, désintoxique l’organisme et équilibre le système nerveux ».
Indications médicales.
La notice liste les cas pathologiques pour lesquels une rééducation respiratoire est nécessaire. L’usage du
SPIRO est alors fortement recommandé pour une atténuation significative des symptômes. « L’expérience
montre que les exercices quotidiens au Spiro ont un effet constant sur :
1°) Les dyspnées15 et particulièrement sur les dyspnées d’origine toxique.
15- Dyspnée : difficulté respiratoire.
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Fig. 4 : Exercices de respiration effectués par les enfants de l’école Henriette-Hoffer à l’aide du spiroscope de JosJullien. Photo extraite de L'enfance déficiente de Henriette Hoffer – 1937.
2°) L’augmentation anormale du taux de l’urée et des polypeptides sanguins : Le PH sanguin, qu’il soit
altéré du côté de l’acidose ou du côté de l’alcalose, tend au retour à la normale.
3°) L’hypertension artérielle : Nous avons par la spirotechnique obtenu des abaissements de tension
chez les sujets qui avaient tenté sans succès toutes les autres techniques.
4°) L’obésité : C’est au niveau du poumon que se détruisent les graisses contenues en excès dans le
sang et dans l’organisme. Une spirotechnique énergique poursuivie avec constance fait
immanquablement perdre du poids aux obèses et sa pratique interdit l’envahissement graisseux de
l’économie.
5°) La respiration méthodique doit être prescrite aux malades atteints de diabète urique et de goutte.
6°) De nombreux troubles nerveux de tous ordres, quelle que soit leur origine, sont améliorés par la
technique de l’expiration volontaire, renforcée et constante ».
Le SPIRO est également préconisé dans :
- les cas de pathologies oto-rhino-laryngologiques, tels que les sténoses16 : « L’insuffisance
respiratoire consécutive aux sténoses des voies aériennes supérieures, nez, cavum, pharynx, et ses
conséquences, est bien connue de tous les praticiens et, en particulier, des spécialistes qui sont
appelés à intervenir sur ces sténoses. […] Les exercices au Spiro trouvent là une indication
formelle. […] Le contrôle radiographique de l’amplitude des mouvements diaphragmatiques qui
augmente très rapidement et de l’illumination des sinus donnent une démonstration très frappante
des bons effets de la spirotechnique. […] Les exercices respiratoires constituent le meilleur
préventif contre les coryzas17aigus et chroniques, une fois enlevées, bien entendu, toutes les « épines
irritantes » ou sténosantes ».
- les cas de ptoses gastriques18 ou d’aérophagie : « l’exercice au Spiro représente la partie active de
la correction et de la cure des ptoses gastriques, dont la partie passive est représentée par le port
des ceintures ».
- ou encore les anomalies du squelette du thorax, de la colonne vertébrale, et de maladie de la
plèvre : « La spirotechnique qui met en jeu la musculature externe du thorax (cou, épaules, parties
antérieures et postérieures du thorax) et sa musculature interne (diaphragme), qui agit aussi en
améliorant la santé générale, corrige toutes les malformations thoraciques quelle qu’en soit
l’origine. Les scolioses au début, en particulier, doivent recevoir comme complément de traitement
les exercices au Spiro correctement et longtemps pratiqués. Les affections pleurales qui ne sont pas
d’origine tuberculeuses et qui peuvent être, en pratique, distinguées en pleurésies purulentes,
pleurésies-fibrineuses pleurésies sèches sont justiciables de la rééducation respiratoire au spiro
16- Une sténose est une modification anatomique qui se traduit par le rétrécissement d'une structure.
17- Coryza : désigne une rhinopharyngite en médecine humaine.
18- Ptose : terme générique désignant la position anormalement basse d'un organe ou d'une partie d'organe, ou sadescente consécutive au relâchement des muscles ou des ligaments assurant sa fixation. La ptôse gastrique, ougastroptose, est un allongement vertical anormal de l'estomac, avec abaissement en position debout. Elle s'accompagned'un retard d'évacuation du contenu gastrique.
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dans les conditions suivantes :
1°) Pleurésies purulentes. Aussitôt après l’ouverture et le drainage, il est de règle classique de
prescrire à l’opéré des exercices au spiromètre. Le Spiro est particulièrement apprécié à cause
de son faible encombrement par les malades assis et alités. […]
2°) Pleurésies séro-fibrineuses et pleurésies sèches. C’est après la disparition de la fièvre, la
résorption de l’épanchement que doivent être institués les exercices respiratoires. Ils ont pour
but d’éviter la constitution des adhérences et de permettre aux feuillets pleuraux leur jeu
normal ».
Lutte contre la tuberculose.
Un chapitre entier est consacré à la tuberculose. Il faut dire que durant cette première moitié du XXe siècle,
la tuberculose représente l’une des principales causes de décès et d’hospitalisation en Europe. Il s’agit donc,
à cette époque, d’une réelle question de santé publique. La notice insiste sur les effets positifs et rapides en
prophylaxie, d’une gymnastique respiratoire régulière et soutenue : « Nous savons […] que nous disposons
d’un moyen extrêmement puissant de prémunition contre la tuberculose : l’exercice respiratoire. La culture
physique (neuro-musculaire), les sports, surtout s’ils aboutissent à la fatigue et au surmenage, n’offrent
aucune assurance suffisante contre le développement de la tuberculose, s’ils ne sont pas accompagnés
d’exercices respiratoires, dosés et contrôlés par la méthode de spirotechnique. Les exercices au Spiro, qui
sont des exercices de douceur, de dosage, de progression et de contrôle, doivent être pratiqués (en plein air
le plus possible) par tous les enfants et particulièrement par les sujets qu’on appelle prédisposés,
prétuberculeux, et qui sont, avant tout, des insuffisants respiratoires ». Il rappelle tout de même que
« l’existence de lésions pulmonaires tuberculeuses en activité est une contre-indication absolue à tout
exercice respiratoire ». L’idée d’appliquer la gymnastique respiratoire pour atténuer les symptômes de la
tuberculose pulmonaire n’est pas nouvelle19,20,21, mais avec cette invention, elle est désormais à la portée de
tous pour un coût relativement bas. Il est à noter qu’une notice spécifique à l’attention des tuberculeux
semble avoir été rédigée par le docteur Jullien, comme le suggère ces quelques mots : « Nous traiterons dans
une note particulière de la rééducation respiratoire des tuberculeux pulmonaires dont les lésions [sont]
stabilisées, et des tuberculeux qui ont subi soit la phrénicectomie22, soit la collapsothérapie de Forlanini23 ».
19- Pierre Lagarde, La gymnastique respiratoire dans le traitement de la tuberculose pulmonaire (méthode du Dr. GRosenthal), J.-B. Baillière et fils, Paris, 1903.20 - Joseph Pescher, L'Entraînement respiratoire par la méthode spiroscopique. Applications pratiques en hygiène, en
prophylaxie, en thérapeutique, A. Maloine et fils, Paris, 1921.21- Joseph Pescher, Les applications du spiroscope dans la prophylaxie et le traitement de la tuberculose pulmonaire,Communication, Bulletin de la Société de Médecine de Paris, 9 mai 1924.22- La phrénicectomie ou phrénicotomie correspond à la section du nerf phrénique, entraînant une paralysie partielle dudiaphragme.23- Méthode thérapeutique médicale ou chirurgicale destinée à mettre le poumon au repos en provoquant son
affaissement partiel ou total pour faciliter la cicatrisation des lésions.
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Indications chirurgicales
L’utilisation du SPIRO est aussi recommandée dans le cadre d’une intervention chirurgicale, en préparation
d’une part et en prévention des effets indésirables consécutifs à l’acte opératoire d’autre part : « Les
exercices respiratoires institués suivant notre technique doivent entrer dans la pratique chirurgicale, au
nombre des moyens adjuvants qui concourent à la réussite de l’acte opératoire. Rappelons brièvement que
l’exercice de l’expiration maxima agit en ramenant vers la normale les troubles respiratoires et cardiaques,
en désintoxiquant énergiquement l’organisme, effet qui se traduit par la diminution du taux d’urée et des
polypeptides sanguins, la baisse de la tension artérielle quand elle est trop élevée; en exerçant une action à
la fois tonique et sédative sur les fonctions nerveuses aussi bien centrales que périphériques. Les exercices
s’insèrent dans la période préopératoire, dans l’acte opératoire (période préanesthésique), dans la période
post-opératoire. L’appareil Spiro rend la pratique de ces exercices très faciles aux malades alités ».
Période préopératoire. La pratique de la spirotechnique en amont de l’opération permet de limiter les effets
secondaires en lien avec l’acte chirurgical : « Ces exercices tendent à mettre les sujets qui le pratiquent
régulièrement à l’abri de deux graves complications post-opératoires : 1°) la congestion pulmonaire, 2°) la
dilatation aiguë de l’estomac. Les complications congestives du côté de l’appareil pulmonaire dont la
fréquence est particulièrement élevée chez les opérés, qui ont subi l’anesthésie générale à l’éther, est
presque toujours évité si ces objets pré-opératoires, ont été soumis à un entraînement spirométrique et à
l’emploi préventif des lavements créosotés. L’entraînement volontaire des fonctions du diaphragme
prudemment mais correctement institué est appelé à combattre mécaniquement la dilatation aiguë de
l’estomac. A l’action purement musculaire s’ajoute certainement une action sur le centre phrénique ».
Période pré-anesthésique. La spirotechnique offre également aux patients qui seraient anxieux à l’idée
d’être endormi, un moyen de relaxation en concentrant leur attention sur un exercice simple à accomplir mais
répétitif : « Tous les praticiens recommandent un certain nombre de soins et de prescriptions qui
s’appliquent aux sujets alors qu’ils sont déjà étendus sur la table et prêts à être mis sous le masque qui
servira à l’anesthésie générale. Une des pratiques les plus simples qui a le double but de dériver l’attention
du sujet en combattant son émotion et de déplisser en quelque sorte ses alvéoles pulmonaires pour qu’elles
offrent le plus grand champ d’absorption possible aux vapeurs anesthésiques, est de faire faire pendant
quelques minutes aux malades des expirations, contrôlées au Spiro ».
Période post-opératoire. Enfin, de retour du bloc opératoire, l’exercice au SPIRO permet une évacuation
plus rapide des vapeurs anesthésiques, réduisant les risques de nausées : « Dès le retour de l’opéré à la
conscience, la reprise immédiate d’exercices au Spiro permet l’évacuation plus rapide par le poumon de
l’anesthésique volatil, dont l’absorption aura été d’autant moins grande que l’opéré aura mieux expiré au
début de l’anesthésie. Ces exercices ont, en outre, l’effet de diminuer la fréquence des nausées et des
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vomissements ». La spirotechnique aide aussi à prévenir certaines complications liées à l’opération :
écrasement des alvéoles pulmonaires, formation de caillots de sang dans les poumons et infections
pulmonaires.
Au final, cette notice ne se présente pas seulement comme un simple manuel d’utilisation mais s’apparente
plus à une philosophie de vie en bonne santé, un "catéchisme de la joie de vivre", selon les propres mots de
l’auteur. C’est sans doute en ce sens qu’elle prend ses marques par rapport aux modes d’emploi des autres
appareils médicaux.
Toute référence à cet article doit porter la mention :
Jullien L. : La notice d’utilisation du spiroscope du médecin Jos Jullien : plus qu’un manueld’utilisation, une invitation à mieux vivre. Clystère (www.clystere.com), n° 69, octobre 2019.
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S’endormir par auto-administration de chloroforme à domicile avec l’appareil de
Crombie
Louis-Jean DUPRE
contact : ljdupre@wanadoo.fr
Moins d’un an après la première anesthésie à l’éther, le chloroforme a été introduit pour traiter les douleurs
des accouchements par James Young Simpson (1811-1870), professeur d’accouchement à l’université
d’Édimbourg. La découverte des propriétés anesthésiques de cet agent est restée célèbre. Simpson avait été
marqué par ce qu’on lui avait rapporté des douleurs de sa mère pour sa propre naissance et voulait
absolument trouver le moyen d’apaiser les douleurs de l’enfantement. Il avait pris l’habitude de tester
différents agents potentiellement antalgiques, chez lui, le soir après dîner avec deux de ses assistants George
Skene Keith (1819-1910) et James Mathew Duncan (1826-1890) en présence des membres de sa famille.
C’est le 4 novembre 1847, que l’inhalation du chloroforme versé dans de petits gobelets provoqua la perte de
conscience des trois testeurs. Sa fille, Evelyne Blantyre Simpson (1856-1920) grâce aux témoignages de
certains participants en fait une très amusante description avec l’état d’agitation et les comportements
incongrus des testeurs au début, puis au réveil1 [Fig.1].
Très rapidement le chloroforme fut utilisé à la « Royal Infirmary of Edimburg », la première démonstration
publique eut lieu le 15 novembre 1847. Simpson publia ses résultats après ses cinquante premiers cas, en
décembre 1847. Rapidité, facilité, efficacité sont pour Simpson, les points fort du chloroforme auxquels il
faut ajouter l’absence de sensations désagréables, en particulier l’odeur et l’absence d’un appareillage
spécifique2.
1- Simpson EB. Sir James Simpson’s introduction of chloroform. New York, éditeur inconnu, 1894, pp 412-420. 2- Simpson JA. Discovery of a new anaesthetic agent, more efficient than sulfuric ether. Lancet 1847 ; 2 : 549-50.
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Le chloroforme était initialement administré en gouttes versées sur une éponge, un mouchoir, un morceau de
lin ou de papier appliqué sur la bouche et les narines [Fig.2]. Mais l’engouement pour l’anesthésie que ce
soit avec l’éther ou avec le chloroforme fut en ce milieu du XIXe siècle extraordinaire. Les médecins
convaincus « qu'une même dose produisait toujours un même effet, éprouvèrent le besoin de se servir
d'appareils, leur permettant de doser pour ainsi dire la quantité de substance inhalée. Il leur sembla que
l'usage de ces appareils était une garantie de plus contre tout accident3. »
3- Dutertre ARE. De l’emploi du chloroforme dans les accouchements naturels. Thèse Médecine, Paris, 1884, n°229 : p 255.
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Fig. 1 : Premiers essais du chloroforme au domicile de Simpson au 52 Queen street d’Edimbourg. A gauche, Simpsonqui se relève, Keith qui essaie de renverser la table avec ses pieds, alors que Duncan, endormi s’est affalé sur la table.© Welcome Collection.
De très nombreux modèles d’inhalateurs ont été conçus, parfois de façon très artisanale comme cet appareil
réalisé par les Augustines de Québec, constitué d’une feuille de plomb enroulée pour s’adapter à la bouche et
contenant de la peluche imbibée de chloroforme4 [Fig. 3]. Les inhalateurs de première génération sont alors
constitués d’un récipient contenant une éponge ou un linge, dans lequel est versé le chloroforme, et d’un
masque avec des soupapes plus ou moins sophistiquées pour assurer l’inspiration, expiration.
L’administration de l’anesthésie se fait surtout sur un patient assis, l’inspiration déclenchant l’évaporation du
chloroforme (ou de l’éther). Ces appareils sont trop nombreux pour être évoqués ici, mais ont peut citer
l’appareil de John Snow (1813-1858) qu’il utilisa pour les 8è et 9è accouchements de la reine Victoria en
1853 et 57 [Fig4], l’appareil de Frédéric Charrière (1803-1876) très bien décrit dans son catalogue de 18485
[5] ([Fig.5], l’appareil de Edward William Murphy (1802-1877) , très simple et très utilisé par les
parturientes qui en faisait usage, seules en fonction de leurs besoins6 [Fig.6], et enfin celui de Julian, John
Chisolm (1830-1903), ou « inhalateur de poche », qui a rendu beaucoup de services, pendant la guerre
4- Marsden W. Chloroform in Quebec. The British American Journal of Medical and Physical Science 1848; 3: 288-9.5- Charrière. Appareils pour l'inhalation du chloroforme, pouvant aussi servir pour l'inhalation de l'éther, avec notes et figures explicatives E. Thunot et Co, Paris, 1848, 16p.6- Bause GS. The 1847 Murphy chloroform inhaler. Anesthesiology, 2010;113:778.
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Fig. 2 : La technique de la goutte. L’anesthésiste de la main gauche, tient un masque recouvert de 12 couches de tulle,alors que de la main droite, il verse goutte après goutte le chloroforme contenu dans un flacon stilligouttes. Extrait dufilm de Charles Harbert : « Chloroform administration » vers 1930. © Welcome Collection.
d’indépendance aux États Unis7 [Fig.7].
7- Hambrecht FT, Rhode M, Hawk A. Dr Chisolm’s Inhaler ? A rare confederate medical invention. The Journal of the South Carolina Medical Association, Mai 1991: 277-80.
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Fig. 3 : L’inhalateur conçu par les Augustines de Quebec à la demande du docteur William Marsden en 1848. Appareilminimaliste qui s’est révélé efficace. © Collections du Monastère des Augustines, Hôtel-Dieu de Québec.
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Fig. 4 : Inhalateur à chloroforme de John Snow (1847) composé de deuxcanistères, le plus grand pour de l’eau froide, l’autre introduit dans le premier,pour le chloroforme, et d’un tube flexible. Il est présenté ici avec un masquefacial en laiton doublé de velours © Welcome Collection.
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Fig. 5 : L’appareil de Charrière en 1747, est assez proche de celui de Snow,mais sans récipient à eau. L’extrémité supérieure évasée, permet de remplir encours d’anesthésie, il peut aussi être utilisé avec de l’ether © WelcomeCollection.
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Fig. 6 : L’inhalateur de Edward William Murphy conçu en 1848 a été trèsutilisé en obstétrique. Dans le boitier dont le couvercle se dévisse, du cotonpréalablement chauffé sur lequel est versé le chloroforme, l’air aspiré par lapatiente entre par les fentes du couvercle et se charge en chloroforme,l’expiration se fait par la petite fente entre masque et réservoir. La parturientes’administre elle-même le chloroforme à la demande. © Welcome Collection.
En 1867, Ferdinand Adelbert Junker von Langegg (1828-1921), médecin viennois, conçoit un appareil
révolutionnaire pour l’administration du chloroforme, puisque l’agent anesthésique est pour la première fois
pulvérisé avec de l’air insufflé par une petite poire8 [Fig.8] L’appareil comporte un petit ballon entre la poire
et le flacon de chloroforme qui permet un débit plus régulier de chloroforme. En pratique, l’anesthésiste tient
le masque de la main gauche, fixe le flacon de chloroforme sur son torse, pour qu’il reste vertical et tient la
poire dans sa main droite. Le tuyau entre pompe et flacon pour ne pas couder est souvent passé au tour du
cou du praticien [Fig.9, 10]. C’est sur ce principe que le célèbre physiologiste Auguste Désiré Waller (1856-
1922), connu pour avoir imaginé le premier électrocardiographe avec des électrodes de surface en 1887, a
réalisé son propre inhalateur. Un plus grand volume peut être obtenu avec une pompe au pied et un plus
grand flacon. Il avait même créé un laboratoire de physiologie à son domicile où il faisait participer femme et
enfants. Il a travaillé sur les concentrations efficaces de chloroforme, n’hésitant pas, comme de nombreux
chercheurs à l’époque, à être son propre cobaye9 [Fig.11].
8- Thomas KB. Ferdinand Edelbert Junker. Anaesthesia, 1973; 28: 531-4.9- Besterman E, Creese R. Waller – Pionneer of electrocardiography. British Heart Journal, 1973; 42: 61-4.
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Fig. 7 : L’inhalateur de Chisolm dans sa version originelle, les embouts narinaires sont rétractables pour diminuerl’encombrement. © Douglas Arbittier, www.medicalantiques.com
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Fig. 8 : L’appareil de Junker avec la poire pour remplir le petit ballon qui régule le débit, le flacon de chloroformeavec le crochet pour le fixer sur le torse de l’opérateur et le maintenir vertical, le masque avec sa valve expiratoire. ©Welcome Collection.
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Fig. 9 : Anesthésie avec l’appareil de Junker. Il s’agit probablement de Junker lui-même qui collabore avec SpencerWells. Le masque dans la main gauche, le flacon attaché à sa redingote, la poire dans la main droite. In: Wells TS.Diseases of the ovaries, J et A Churchill, London, 1872, p 332.
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Fig. 10 : Anesthésie avec l’appareil de Junker. L’anesthésiste tient la poire dans sa main droite, le flacon dechloroforme est contre sa poitrine avec le tuyau qui passe autour de son cou. Extrait du film de Charles Harbert : «Chloroform administration » vers 1930. © Welcome Collection.
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Fig. 11 : Waller, expérimente sur lui le chloroforme à son domicile, avec un inhalateur de type Junker modifié,manipulé avec une pompe au pied. © Welcome Collection.
John Mann Crombrie (1844-1884), formé à Aberdeen, était chirurgien en cancérologie au Royal Brompton
Hospital à Londres. C’est ce qui l’a sans doute sensibilisé aux problèmes des douleurs chroniques. Il fait une
communication en 1872 sur les auto-injections sous cutanées de Morphine pour traiter les douleurs et la
publie l’année suivante. Il suggère de remplacer les injections hypodermiques, par de petits sétons de fil de
soie imbibés de suppositoires de morphine. Ces fils sont passés au moyen d'une aiguille, à travers un pli de la
peau, dans le point où l'on veut porter le médicament; le fil est alors tiré très-lentement, par une de ses
extrémités, de manière à ce qu'en passant sous la peau, il y laisse la substance médicamenteuse dont il est
imprégné. Il a fait fabriquer des fils de soie, chargés de 1/6, 1/4 et 1/2 de grain de morphine qui sont vendus
avec les aiguilles. L’idée est quand même un peu rocambolesque10,11. Sans vouloir dénigrer les antalgiques
tels que l’opium et ses dérivés, Crombie considère que les meilleurs antalgiques sont le chloroforme et
l’éther, dont l’administration imposait jusqu’ici un personnel spécifique. C’est pourquoi il a inventé un
appareil simple pour pouvoir s’endormir et calmer ses douleurs avec du chloroforme à domicile, sans
l’implication d’une tierce personne. En 1873, il publie un premier opuscule, sous le titre : « The induction of
sleep and insensibility to pain by the self-administration of anesthetics ». Une deuxième édition paraîtra en
187612,13 [Fig.12].
Son appareil est manifestement inspiré de l’inhalateur de Junker, apparu quelques années auparavant, à la
différence qu’il n’existe pas le ballon entre poire et flacon de chloroforme qui assure un débit continu, même
à l’arrêt des pressions sur la poire. La poire en caoutchouc sur l’appareil de Crombie est reliée directement
par un tuyau souple à un flacon de chloroforme, permettant à chaque impulsion d’envoyer deux ou trois
minims (1 minim = 0,06mL) de chloroforme. Du flacon part un autre petit tube vers l’inhalateur qui n’est
autre qu’un cône rempli de papier buvard ou coton [Fig.13]. Crombie explique qu’avec son appareil il est
possible d’atteindre le sommeil sans aller jusqu’au coma car dès que le patient s’endort, sa main s’ouvre et
laisse tomber la poire « comme le jouet tombe de la main d’un enfant qui dort14». L’auteur précise
soigneusement l’installation du patient qui doit être allongé, avec la tête légèrement relevée. La chambre est
modérément chauffée, le patient ne doit pas avoir froid, en particulier aux pieds et aux mains, quitte à utiliser
bouillottes ou chaufferettes. L’appareil de Crombie est d’abord fabriqué par S. Maw, Son & Thompson,
Aldersgade street à Londres, puis par Mackey & Co. Bouverie street, à Londres. L’inventeur insiste sur la
qualité du matériel qu’il valide lui-même pour chaque appareil.
10- Crombie JM. A new and easy method for the subcutaneous application of morphia without the risk, pain and expense of the hypodermic syringe. Mackey & co. London, 1873, 11p.11- Nouvelle manière hypodermique d’administrer les médicaments. Lyon Médical, 1873 ; 5 : 570.12- Crombie JM. The induction of sleep and insensibility to pain by self-administration of anaesthetics. J & A Churchill,London, 1873, 39p.13- Crombie JM. The induction of sleep and insensibility to pain by self-administration of anaesthetics 2°ed. J & A Churchill, London, 1876, 58p.14- Crombie JM. The induction of sleep and insensibility to pain by self-administration of anaesthetics. J & A Churchill,London, 1873, 39p.
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Fig. 12 : L’édition originale du livre de Crombie publié en 1873 chez J &A Churchill à Londres [11].
Dans la publication de 1876, la notice d’utilisation précise quand même qu’un avis médical est nécessaire
avant d’utiliser l’appareil. Dans cet ouvrage, l’auteur publie aussi des extraits des commentaires flatteurs
paru dans la presse médicale en 1873,1874. The Practitioner, The British Medical Journal, The London
medical record, The Westminster Review, The Reporter, The Word of Science…mais il se garde bien d’y
faire figurer les critiques et restrictions apportées15. Mais plus que le danger éventuel, il lui est surtout
reproché de faciliter une nouvelle forme d’addiction. L’auteur d’une des critiques souligne aussi un aspect
mercantile indéniable16.
Ce qui est très étonnant c’est que le risque vital de la technique n’est pas du tout évoqué. Des observations de
mort à l’induction d’anesthésie au chloroforme, chez des sujets jeunes et bien portants, ont été rapportées
depuis 184817,18. Le premier décès est sans doute celui très discuté de Hannag Greener, cette jeune fille de 15
ans, en bon état général, morte le 28 juillet 1848 lors de l’anesthésie au chloroforme pour l’extraction d’une
15- Crombie JM. The induction of sleep and insensibility to pain by self-administration of anaesthetics 2°ed. J & A Churchill, London, 1876, 58p.16- Reviews and notices. The British Medical Journal. 14 june 1873, pp 672-3. 17- Sur les dangers de l’inhalation du chloroforme. Académie de médecine, séance du 31 octobre.In :L’abeille Médicale, 1848 ; 5 : 255-6.18- Snow J. On the fatal case of inhalation of chloroform. Edinburgh Medical and Surgical Journal.1 july 1849, 75-87.
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Fig. 13 : Comment s’endormir et calmer ses douleurs, avec l’appareil de Crombie [12].
racine dentaire et malgré une tentative de réanimation avec du brandy !19 . Près de 10% des décès
apparaissent avec les premières bouffées de chloroforme20. La cause de ces décès est à l’époque très
largement discutée, attribuée le plus souvent au mode d’administration ou à un chloroforme de mauvaise
qualité. La « syncope chloroformique » est la sensibilisation par le chloroforme de la fibrillation ventriculaire
à l’adrénaline endogène ou exogène. Cette notion ne sera reconnue que dans la deuxième décennie du XXe
siècle avec les travaux de A. Goodman Levy (1856-1954)21. Mais dès 1848, Charles Emmanuel Sedillot
(1804-1883) promoteur en France du chloroforme avait mis en garde « on ne saurait se dissimuler que
l'usage du chloroforme entre des mains inhabiles offrirait infiniment plus de danger 22».
Robert Lawson Tait (1845-1899) célèbre chirurgien gynécologique, n’a que 32 ans, lorsqu’il publie la
première édition de « Diseases of women » en 1877. Il évoque l’utilisation de l’appareil de Crombie, pour le
traitement des douleurs rebelles du cancer de l’utérus. Il pense qu’il peut être utilisé en toute sécurité par des
patientes intelligentes, mais qu’il vaut cependant mieux l’utiliser sous le contrôle d’un praticien
expérimenté23. Cette réticence à administrer le chloroforme à domicile, fait que l’appareil de Crombie ne
connaîtra pas un grand succès. Son auteur essaiera de l’introduire en obstétrique, mais là encore sans grand
résultat.
L’appareil de Crombie a été conçu dans cette période euphorique de la moitié du XIXe siècle où l’on pensait
que les anesthésiques allaient définitivement prendre le pas sur les souffrances physiques. C’est l’époque de
« la victoire sur la douleur24 ». Cet inhalateur est surtout intéressant car il est le premier appareil d’analgésie
auto-contrôlée à domicile. Il faudra attendre plus d’un siècle avant l’apparition des petites pompes à batterie
permettant l’analgésie auto-contrôlée par voie I.V. ou péridurale en dehors des établissements hospitaliers
[Fig. 14].
19- Knight PR. An unexplained death. Hannah Greener and chloroform. Anesthesiology 2002 ; 96 :1250–3 20- Sanson AE. Chloroform: its action and administration. Lindsay & Blakiston, Philadelphia, 1868, p101.21- Denison MHA. Chloroform. Br J Anaesth, 1965; 37: 655-660.22- Sedillot C. De l’insensibilité produite par le chloroforme et l’éther et des opérations sans douleurs. JB Baillère, paris, 1848, p 105.23- Tait L. Diseases of women. Williams and Norgate, London, 1877, p98.24- Fülöp-Miller R. La victoire sur la douleur. Histoire de la découverte des anesthésiques. Traduit par J Benoist-Méchin. Albin Michel, Paris, 1940, 462p.
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Toute référence à cet article doit porter la mention :
Dupré LJ. : S’endormir par auto-administration de chloroforme à domicile avec l’appareil de Crombie.Clystère (www.clystere.com), n° 69, octobre 2019.
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Fig. 14 : Pompes d’auto-analgésie pour injections IV (vert) et péri-nerveuses (jaune) pour une utilisation ambulatoire,commercialisées par Sorenson Medical et très utilisées par l’auteur dans les années 1990. © Louis-Jean Dupré.
Remerciements : Madame Ariane Blanchet Robitaille, conservatrice des collections du Monastère des
Augustines, Hôtel-Dieu de Québec.
Un plomb de scellée de la liqueur hygiénique du Père Kermann
Jean-Pierre MARTIN
E-mail : contact@clystere.com
Nous présentons un petit plomb de scellée de la liqueur hygiénique du Père Kermann [Fig. 1], que
l'on trouvait accroché au goulot des bouteilles vendues dans le commerce [Fig. 2], fin XIXe, début
XXe.
Ce plomb de forme circulaire à un de diamètre de 12 mm et pèse 3,48 g. La tranche est lisse.
Sur l'avers on trouve l'inscription « LIQUEUR DU PERE KERMANN ». Dans le champ on trouve
un portrait du Père Kermann, lisant, l'index gauche appuyé sur sa tempe, dans une attitude de
profonde réflexion. Cette illustration se retrouve sur les étiquettes publicitaires de la liqueur.
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Fig. 1 : Plomb de scellée de la Liqueur du Père Kermann. Coll. De l'auteur.
Au revers, le plomb porte d'inscription « ALTERI FAC QUAE TIBI FIERI VELLES » (Fait à
l’autre ce que tu aurais voulu qu’il t’ait été fait). Au centre, dans un triangle, un globe surmonté
d'une croix.
Il existe un variante de ce plomb, portant à l'avers la mention « DOCTEUR KERMANN », et sur le
revers, « LEX VERITAS » (La loi de la vérité) sous le triangle.
La liqueur du Père Kermann (jaune ou verte) était une véritable panacée, puisqu'elle était efficace
dans les malaises, les faiblesse, les indispositions nerveuses, les évanouissements, promptement
dissipés en prenant quelques gouttes sur un morceau de sucre ou dans un peu d'eau. Elle pouvait
également être inhalée, ou appliquée en friction sur les tempes et les poignets. Même les symptômes
d'une apoplexie disparaissaient après des frictions sur le front. Les coupures lavées avec cette
liqueur guérissaient en quelques jours, et on se préservait des suites des meurtrissures par des
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Fig. 2 : Plomb de scellé en place sur le goulot d'une bouteille. Détaild'une publicité. Coll. privée.
frictions, ou en appliquant pendant quelques heures une compresse imbibée de liqueur. Le mal de
mer était évité en tenant fortement serrée sur l'épigastre une boule de linge imbibée de liqueur1.
Il est bien évident qu'une liqueur aussi efficace ne pouvait avoir une origine banale. C'est aux
sources du fleuve des Amazones, où le père Kermann aurait passé vingt années (il est revenu à
Bordeaux en 18502), que l'on trouvait des peuplades d'indiens, qui atteignaient une extrême
longévité, et prétendaient ne devoir leur santé qu'à leur cañe compuesta, une espèce d'eau de vie de
sucre dans laquelle ils faisaient infuser les plantes mêmes qui contenaient le principe actif de l'eau
spiritueuse du Père Kermann : uacoo , fleurs, menthe, etc.
Les indiens s'en enduisaient le corps à chaque nouvelle lune, et à la moindre indisposition ils
provoquaient la sueur par de fortes frictions avec cette cañe, qui leur servait aussi dans leur toilette
et les soins de bouche.
La fièvre jaune trouvait, toujours dans cette eau, l'agent le plus puissant pour la combattre, c'était en
tout cas l'opinion de M. E. Rohen, un naturaliste français qui explora pendant trente ans l'Amérique
du sud : « Aux premiers symptômes, céphalalgies, douleurs lombaires, frissons, face rouge, puis
pâle, livide, administrez, toutes les cinq minutes, une tasse d'infusion de sureau avec une cuillerée
de cañe composée, en nature ou bien rectifiée : Eau spiritueuse du père Kermann. Faites de
vigoureuses frictions avec le même liquide, et, quand la transpiration sera établie, donnez trente
gramme d'huile de ricin, ou tout autre purgatif. Puis faites observer un régime sévère pendant la
convalescence, et le malade sera hors de danger ».
Le père Kermann aurait été un moine médecin, qui partit au Brésil au début du règne de Louis XVI.
Il y élabora divers élixirs avec des plantes locales, contenant notamment de la quinine pour lutter
contre les diverses fièvres locales. Il serait revenu à Bordeaux en 1850, où il se mit à produire des
élixirs et des vins fortifiants qu'il distribuait gratuitement à ses patients. A sa mort, âgé de 109 ans
selon les sources, son affaire fut dirigée par son ami et héritier Sieuzac qui s'associa en 1840 avec
François Cazanove, un catalan installé à Bordeaux (notons ici que les données ne sont pas
cohérentes, avec la mort du Père Kermann vers 1840, alors qu'il est censé être revenu du Brésil en
1850). Cazanove augmenta le degré alcoolique des élixirs, les transformant en liqueurs plus
goutteuses et se conservant mieux3. L'entreprise Cazanove était située à Bordeaux, 13-17 rue
Turenne, l'usine de fabrication étant localisée rue de la Taupe.
1- Théodore : Eau spritueuse du père Kermann. L'Industrie de la Gironde : arts, littérature, sciences & commerce. Ed. Théodore Leract, Bordeaux, 21-09-1861. 2- Notice publicitaire liqueur du Père Kermann. Coll. Privée, communication personnelle.3- Londeix O. : Lillet 1862-1985, le pari d'une entreprise girondine. Grappes et millésimes, Presses Universitaires de Bordeaux, 1998, 21-22.
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On peut supposer que Cazanove mourut sans héritier autre que sa sœur, Louise (elle même veuve de
Théophile Marcou, ancien maire de Carcassonne et président du conseil général, député et sénateur
de l'Aude), dont elle tenait sa fortune. A sa mort, Louise légua en 1911 un patrimoine de 1 500 000
fr. au département de l'Aude pour la création, en autres, d'un asile destiné à recevoir les enfants
abandonnés, et auquel serait donné le nom Cazanove-Marcou4. Un article de 1919 parle des
successeurs de Cazanove sans les préciser5. En 1930 l'entreprise semble appartenir à la maison B.
Léon Croizet6. Nous n'avons pu tracer plus avant l'histoire de cette entreprise, qui, après avoir
semble-t-il rayonné dans l'ancien empire colonial français, aurait été cédée en 1983 ?
Alors quid du Père Kermann ? Il a pu exister, ou être une pure invention, dont l'histoire aux accents
rocambolesques et la longévité supposée de 109 ans, s'inscrivent bien dans cette deuxième moitié
du XIXe siècle, riche en découvertes exotiques (les Amériques) ou scientifiques (électricité,
caoutchouc, etc.). La maison Cazanove, comme d'autres telles Le Bon Marché à Paris, avait bien
compris les ficelles de la promotion publicitaire, et a inondé de ses encarts à la gloire de la liqueur
du Père Kermann, les journaux métropolitains et des territoires coloniaux. Les objets dérivés
(cendriers, buvards, porte-clefs, etc...) furent également nombreux et sont faciles à trouver.
Victime de son succès, cette liqueur fut contrefaite notamment par la liqueur du Père Armand, dont
la forme de la bouteille, l'étiquette étaient des copies quasi conformes de celle du Père Kermann7.
Toute référence à cet article doit porter la mention :
Martin JP. : Un plomb de scellée de la liqueur hygiénique du Père Kermann. Clystère(www.clystere.com), n° 69, octobre 2019.
4- Anonyme : Legs d'un million et demi au département de l'Aude. Le Temps, 16 juin 1911, 4.5- Dionne P. : Une effarante liquidation des stocks de rhum. La Lanterne, n° 15-382, 6 septembre 1919.6- Publicité. Bulletin nautique. Sport nautique d'Alger, 1930, n° 5.7- 6531 : Imitation frauduleuse. Bouteilles. Etiquettes. Ressemblances ne pouvant être attribuées au hasard. Trib. Civ. Mirande 28 avril 1909. In Recueil des sommaires de la jurisprudence française. Paris, 1909. Bibliothèque de la Cour de cassation, 2013-400125.
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Remerciements : à Louis-Jean Dupré et Guy Gaboriau pour leur aide dans la traduction des mentions
latines figurant sur le plomb de scellée.
Pièces de parement d'uniforme de l'hospice du Cayla, Courbevoie
Jean-Pierre MARTIN
E-mail : contact@clystere.com
L'hospice du Cayla [Fig. 1], situé 66 rue Armand Sylvestre à Courbevoie, a été fondé par la
comtesse de Baschi du Cayla en 1879. Cet établissement municipal à direction laïque accueillait
gratuitement des vieillards valides des deux sexes, ayant 20 ans de domicile dans la ville de
Courbevoie, sans ressources et âgés de plus de 75 ans1.
Nous avons déniché un lot de cinq pièces métalliques dont la nature et l'utilité n'étaient pas
évidentes au premier abord.
Ces pièces uniface dans un triste état sont probablement faites d'un alliage qui pourrait être de fer et
d'aluminium, comme le suggèrent les traces de rouilles (oxyde de fer) et blanchâtres (oxyde
1- Paris charitable et bienfaisant. Publié par l'Office central des oeuvres de bienfaisance.Plon-Nourrit, Paris, 1912, 708.
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Fig. 1 : Hospice du Cayla, Courbevoie.Coll. Privée.
d'aluminium) nombreuses. Après nettoyage à la laine d'acier 000 et une finition au nettoyant
multimétaux, de la moins abîmée des cinq, l'étude a pu être menée. Ces pièces métalliques de forme
ronde ont un diamètre de 34 mm pour un poids de 8,07 g. Elles ne portent des inscription que sur
une seule face : titulature circulaire « VILLE DE COURBEVOIE. HOSPICE DU CAYLA ». Dans
le champ, au centre, une étoile à 5 branches dont le fond est strié [Fig. 2] et dont la signification est
mystérieuse (sans rapport avec les armoiries de Courbevoie ou de la comtesse du Cayla).
Ce qui a attiré notre attention ce sont les deux trous percés en périphérie de la pièce, orifices
prolongés vers l'extérieur par une sorte de gouttière [Fig. 3].
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Fig. 3 : orifice et gouttière passe-fil. Coll. De l'auteur.
Fig. 2 : Pièce métallique à l'emblême de l'Hospice du Cayla à Courbevoie. Coll. De l'Auteur.
Nous avons immédiatement pensé que ces deux orifices devaient servir à passer un fil, en
l’occurrence de couture, pour fixer cette pièce, en la plaquant, sur un vêtement, casquette ou poche
de veste. L'emplacement des orifices permet d'éliminer avec certitude que cette pièce servait de
bouton. L'étude des quatre autres pièces a permis de découvrir, sur deux d'entre elles, des morceaux
de fil résiduels, confirmant l'hypothèse [Fig. 4].
Au total, nous pouvons conclure que ces pièces métalliques étaient des éléments décoratifs des
uniformes de l'hospice du Cayla, cousues soit sur une casquette, soit sur une veste. Il s'agit
d'éléments du petit patrimoine métallique des établissements hospitaliers français, qu'il convient de
préserver, au même titre que les boutons d'uniforme dont nous avons déjà parlé dans Clystère2,3.
Toute référence à cet article doit porter la mention :
Martin JP. : Pièces de parement d'uniforme de l'hospice du Cayla, Courbevoie. Clystère(www.clystere.com), n° 69, octobre 2019.
2- Martin JP. : Les boutons d'uniformes des établissements civils de santé. Clystère, www.clystere.com, n° 10, mai2012, 16-19.3- Martin JP : Monnaies, jetons, billets de nécessité, jetons de pointage, boutons d’uniformes,médailles d’enfantsabandonnés : objets méconnus du patrimoine hospitalier. Document Internet (www.clystere.com) Les cahiers deClystère, n° 3, V1.2, Septembre 2017.
www.clystere.com / n° 69 58 sommaire
Fig. 4 : morceau de fil résiduel sur l'une des pièces. Microscope USB X 150. Coll. De l'auteur.
Ariane Blanchet-Robitaille, conservatrice du Monastère des Augustines (Québec, Canada) (site web) sollicite
l'aide des lecteurs de Clystère pour identifier divers objets de la collection médicale témoignant de la mission
hospitalière des Augustines au Québec depuis 1639. Les instruments proviennent de la collection de
dentisterie. Attention ces instruments peuvent aussi n'être pas dentaires, voire, non médicaux, et incomplets.
Toutes les images sont © Monastère des Augustines, Québec.
Réponses à : ablanchet@monastere.ca (en précisant si possible le numéro de l'objet).
Objet n° 1 :
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COURRIER DES LECTEURS
La pince présentée dans le n° 68 par Annic'k Le Mescam (Conservatoire du Patrimoine Hospitalier
de Rennes CPHR) a été identifiée rapidement par le Dr Quentin Désiron. Il s'agit d'une pince pour
dilater le col utérin (ou dilatateur utérin de Jobert de Lamballe). On en trouve un modèle similaire
dans l'ouvrage intitulé « Arsenal de la chirurgie contemporaine » de Gaujot et Spillman, publié en
1867.
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A propos de l'article « Les Bdellomètres » de Louis-Jean Dupré (Clystère n° 68), le Dr Quentin
Désiron, CHU de Liège (Belgique) a fait les commentaires suivants :
C’est avec beaucoup d’intérêt que je viens de lire votre article sur le bdellomètre de Sarlandière. Cet
article est très intéressant et il rappelle par ailleurs certains aspects historiques mémorables de la
thérapeutique par émissions de sang.
Pour compléter cet article je souhaite porter
à votre connaissance la place non
négligeable qu’a apportée le mécanicien et
fabricant d’instruments de physique
renommé, Louis Deleuil, dans le
perfectionnement du scarificateur «dans le
vide» du bdellomètre de Sarlandière.
Une référence bibliographique indique en
effet clairement que Sarlandière fit appel à
Deleuil pour le perfectionnement du
scarificateur (In Bazar parisien, Paris.1826.
p138).
Sarlandière fit exposer son premier modèle
de bdellomètre à l’exposition du Louvre en
1819 et en 1823 ce fut le modèle
perfectionné par Deleuil qui fut présenté
dans le même cadre. Deleuil proposait des variantes du scarificateur qui portait sur le nombre de
lames qui pouvait être de 2 jusqu’à
25 lames. Deleuil dépose et obtient
un brevet de 5 ans en février 1823
pour ce scarificateur d’un nouveau
genre.
Comme vous l’avez mentionné ce
bdellomètre fut appliqué aussi chez
les animaux certainement et en partie
sous l’impulsion du vétérinaire
Leblanc, et ce, dès 1824 (In Recueil
www.clystere.com / n° 69 71 sommaire
Fig. 9: Louis Deleuil
de Médecine Vétérinaire. Tome I. Paris. 1824. pp 271-278).
Je vous invite à aller sur le site de l’INPI /brevets anciens et à consulter la rubrique Deleuil. Vous y
trouverez d’ailleurs le dessin de son scarificateur nouveau et de son mode d’utilisation. Dans le
dessin de l’instrument le scarificateur comporte 16 lames.
Vous trouverez ci-joints quelques documents iconographiques concernant Deleuil et l’objet de son
brevet mais également un listing récapitulatif des scarificateurs et autres sangsues mécaniques qui
ont fait l’objet de dépôts et d’obtention de brevets depuis Deleuil.
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Dominique Delon, après la lecture de l’article du Dr Dupré sur les bdellomètres (Clystère n° 68)
s'interroge sur un instrument qu'elle possède mais qui reste complètement mystérieux pour elle. Elle
trouve qu'il ressemble beaucoup à la sangsue utérine de Reese (figure 19 de l'article de LJ Dupré).
Qu’en pensent les lecteurs de Clystère ?
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L'envoi sympa !
Un visiteur du site Clystère, qui a souhaité conserver l'anonymat, m'a autorisé à reproduire ici
l'image d'un objet qu'il m'avait adressé pour identification. Il s'agissait d'une filière Delamotte pour
identifier le calibre des sondes urinaires. La particularité de cette filière est de ressembler à un
cendrier ou un vide-poche... Delamotte était un fabricant parisien d'instruments en caoutchouc,
localisé au 68 rue Jean-Jacques Rousseau.
Toute participation (articles, images, etc..) sera la bienvenue !
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FEVRIER 2020
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