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DcoDLEMONDEChaquemois,unsujetliéàl’actualitédesdroitshumainsouàl’évolutiondenossociétés,àdiscuterdansvotregroupeAmnestyOCTOBRE–Unclimatd'inégalités_______________________________________________________________________

LescatastrophesnaturellesaggraventlesinégalitésKatrina,Irma,Maria:lesouragansfrappentplusdurement les pauvres, et tendent même àrenforcerlepouvoiretlarichessedesélites.LEMONDEIDÉES–22.09.2017ParFrédericJoignot_________________________________________Irmageddon",a titréLibération.Pourtant,aussidévastateur soit-il, le cyclone Irma n'est pas lamain de la justice divine."Comme toutes lescatastrophes naturelles, il n'a pas affectépareillement les riches et les pauvres. Et il vacertainement renforcer lepouvoir et la richessedes élites, qui sauront en profiter",assureauMondeJohn Mutter, professeur en sciencesde laTerreetde l'environnementà l'universitéColumbia (New York), auteur deThe DisastersProfiteers.HowNaturalDisastersMaketheRich-Richer and the Poor Even Poorer(" Profiteursdu désastre. Comment les catastrophesnaturelles enrichissent les riches etappauvrissent encore les pauvres ", PalgraveMacmillan,2015,nontraduit).Iln'estpasleseulenvironnementaliste, chercheur en sciencessocialesou journalisted'investigationà fairececonstat terrible : les catastrophes naturellesaggraventlesinégalités.

SelonJohnMutter,cetteinégalitéestmanifesteavantmêmequ'undésastre survienne,dans cequ'il nomme la "phase 1"."C'est la période oùles sociétés situées dans les zones à risquedevraientsepréparerauxfléauxquilesfrappentrégulièrement, et qui se multiplient. Mais laplupart ne le font pas, ou mal": les dépensessemblent trop importantes aux pauvres et àl'administration, beaucoup espèrent êtrepréservésets'enremettent"auhasard".Voilàpourquoi, poursuit John Mutter," lespopulations aisées sont souvent mieuxpréparées à affronter une catastrophe ": ellesont les moyens de se faire construire deshabitats résistants ; mieux informées, elless'installent dans des lieux susceptibles d'êtreépargnés.

À La Nouvelle-Orléans, après le passage de l'ouraganKatrina,en2005Prenons Irma. Sur l'île de Saint-Barthélemy,paradisfiscalpourgrandesfortunes,lesmaisons

desrichespropriétairesontmoinssouffertqu'àSaint-Martin car elles ont été construites pardes cabinets d'architectes selon des normesanti-ouragansexigeantes.Sidestoituresontétéarrachées, celles rivetées aux charpentes ontrésisté, le bâti n'a pas cédé - c'est ainsi queplusieurs personnes ont pu se réfugier dans lavilla, encore debout, de Johnny Hallyday. Àl'inverse,danslesquartiersdeGrand-CaseetdeSandy-Ground, à Saint-Martin, dont lesrésidents ont souvent construit eux-mêmesleursmaisons,laplupartdeshabitationsontétébalayées. Et de nombreuses constructions endur, bricolées par des petits commerçants oudeshôteliers indépendants,n'ontpas supportélechoc.John Mutter montre qu'on retrouve cetteinégalité dans la préparation aux catastrophesdans tous les pays pauvres régulièrementmalmenés par des tempêtes : Birmanie,Philippines,Bangladesh...SansoublierHaïti :"ÀPort-au-Prince, la petite élite qui contrôlepresque toute l'île vit dans les hauteurs dePétion-Ville,dansdesmaisonsrobustes.Elleestépargnéeparlesinondationsquiaccompagnentles tempêtes tropicales, au contraire deshabitants pauvres de la ville basse. Et lors dutremblement de terre de 2010, si plusieurshabitations et l'hôpital de Pétion-Ville se sonteffondrés,lequartiern'apasétédétruit."L'inégalité entre les riches et les pauvres estaussipatenteen"phase2",c'est-à-dirependantla catastrophe. Les plus pauvres, en plus de seretrouver sans abri, éprouvent souventbeaucoup de difficultés à se renseigner surl'évolutionducataclysmeetà luiéchapper :"ÀLa Nouvelle-Orléans et à Biloxi, pendant lepassage de l'ouragan Katrina, enaoût 2005,précise John Mutter,les plusdésargentés avaient rarement des voitures ;tous n'ont pas pu quitter la ville à temps,contrairement aux plus aisés. Ils n'avaient pasnon plus les moyens de se réfugier dans desmotels au nord du Mississippi. Ce n'est pasexagérédedirequeKatrinafutundésastrepourlespauvresetunenuisancepourlesriches."

Même scénario au Népal, en Inde, auBangladeshpendant lamoussonmeurtrière,enaoût,ouenBirmanielorsducycloneNargis,en2008 : l'omniprésence d'un habitat précaire etl'absence de communications dans lescampagnes ont considérablement alourdi lebilan humain chez les plus pauvres. En 2013,aux Philippines, pendant le passage du typhonHaiyan, les petits paysans se sont retrouvéstotalementdémunis,enétatde famine,du faitde la lenteurdessecours. Ilyaeudespillages.Ceux-ci surviennent, remarque John Mutter,quand lesÉtatséchouentoutardentàvenirenaideauxhabitantsdéfavorisés.Biensouvent,lesresponsables profitent de ces pillages pourdénoncerl'incuriedecespopulations,etparfoismême pour déplacer les pauvres et récupérerleurterrain.Enfin, ces inégalités devant la catastrophe seperpétuent en "phase 3", après le drame, etsouvent s'aiguisent. Cela, dès les débuts de lareconstructionetde la reprised'activités.Ainsià Saint-Martin, 60% des gens survivent grâceaux allocations sociales et la moitié de lapopulation n'a pas d'assurance multirisque.Pour repartir dans la vie, pour rebâtir, acheterou louer des logements paracycloniques, ilsvontdevoirêtreaidésparlesfondsdesecours.Poureux,serelancervaêtrelentetdifficile."Àl'opposé,remarque John Mutter,le personneldes entreprises internationales, des chaînesd'hôtels, les businessmen, les gens aisés,disposant d'assurances et de fonds immédiats,vontserelogerviteetreprendreleursactivités."DéshérenceAprès la catastrophe, la rapidité de résiliencedes plus prospères et la lenteur duredressement des plus pauvres aggravent ladisparité sociale. Quelquefois, le désastre lui-même offre à certains l'opportunité des'enrichiraudétrimentdesdéfavorisés.Ainsi,àLa Nouvelle-Orléans, après Katrina, si la ville aprofité d'une aide fédérale importante, édifiédes digues, reconstruit,multiplié les avantagesfiscaux pour les entrepreneurs, la grande

majoritédespauvres, lesAfro-Américains,n'ena pas bénéficié. Ils ont dû abandonner leursquartiersdévastés,que lavillea laissésenétatde déshérence afin d'éviter leur retour. Desdizaines demilliers de personnes n'ont pas purevenir, tandisque lespromoteursdétruisaientles anciens logements sociaux et les écolespubliques, "gentrifiaient" certainsdistrictspoury loger la classe moyenne blanche, faisant devastes profits - le mouvement ATD QuartMondeaparléde"chasseauxpauvres".Les catastrophes n'aggravent pas seulement ladisparité entre riches et pauvres au sein dessociétés, mais aussi entre les pays du fait duréchauffementclimatique,celui-cicontribuantàmultiplier lesdésastresdans les régionsdusudde la planète. De nombreuses enquêtes faitespardesONGetdesjournalistesd'investigation-AntonyLoewen-steindansDisasterCapitalism("Le Capitalisme du désastre ", Verso, 2015, nontraduit), Naomi Klein dansTout peutchanger(ActesSud,2015)-décriventbiencetteextrême inégalité. Ainsi, selon une étudepubliéeendécembre2015par l'ONGOxfam, lamoitiélapluspauvredelapopulationmondiale,soit3,5milliardsdepersonnes,estresponsablede seulement 10% des émissions de CO2. Pasde chance, elle vit dans les pays les plusvulnérables aux aléas climatiques et les plustouchéspareux:d'aprèsOxfam,entre1990et1998, 94 % des catastrophes naturellesmajeures se sont produites dans le monde endéveloppement.Enparallèle,50%duCO2émissurTerreestimputableà10%deseshabitantslesplusriches,quisontaussilesplusépargnés.Cesétudesontmenédenombreuxchercheurs,des scientifiques, des ONG à parlerd'une"injustice environnementale etclimatique".Ce domaine est désormais trèsfouillé, la liste des essais et des recherchesl'abordant est longue : deux économistes del'université de Berkeley (Californie), RichardNorgaard et Thara Srinivasan, avaient marquélesespritsen2007encodirigeantuneétudequia fait date : les pays riches ont"une dette

écologiquede2300milliardsdedollars"enversles pays pauvres - un montant supérieur à ladette du tiers-monde, à l'époque évaluée à 1800milliardsdedollars.Fin 2016, l'ONG américaine EnvironnementalLaw Institute a publié une somme sur des casfrappants :Climate Justice.Case Studies inGlobal and Regional GovernanceChallenges("Justice climatique. Cas d'école dedéfis de gouvernance mondiale et régionale",nontraduit).Ce constat d'injustice climatique a desrépercussions internationales graves,notamment sur la fragilité actuelle des accordsmondiaux sur le réchauffement, comme ledémontre le sociologue américain J. T. RobertsdansA Climate of Injustice("Un climatd'injustice",MITPress,2006,nontraduit).S'ils n'arrêteraient pas les catastrophes, lestransferts de richesse permettraient au moinsd'égaliser les conditions de ceux qui s'ypréparent.VoltairelesuggéraitdanssonPoèmesur le désastre de Lisbonne(1756) : lescatastrophes naturelles sont des grandscritiquesdephilosophiepolitique.FrédéricJoignot

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