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Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
100
Sommaire
I. INTRODUCTION _________________________________________________________ 101
II. QUELQUES POINTS SUR LA NOTION D’INTERFÉRENCE____________________ 102
III. DÉTERMINATION D’UN MÉCANISME D’USURE ____________________________ 104 III.1. Rappels sur les matériaux ________________________________________________ 104
III.1.1. Approfondissement des caractéristiques des matériaux_________________________________ 105
III.2. Résultats de la tenue en étanchéité _________________________________________ 115
III.3. Observations des faciès d’usure ___________________________________________ 115 III.3.1. Analyse de la 1ère lèvre (+déflecteur) _______________________________________________ 116
III.3.2. Analyse de la 2nde lèvre (+déflecteur)_______________________________________________ 128
III.3.3. Conclusion des observations des systèmes usés_______________________________________ 133
III.4. Evolutions des propriétés des lèvres ________________________________________ 135 III.4.1. Spectrométrie mécanique ________________________________________________________ 135
III.4.2. Mesures de nanoindentation______________________________________________________ 137
III.4.3. Analyses complémentaires _______________________________________________________ 143
III.5. Conclusions générales sur les mécanismes d’usure mis en jeu lors de l’utilisation des
joints et sur l’influence du paramètre ‘charges’ ___________________________________________ 144
IV. INFLUENCE DE LA MATRICE SUR LA TENUE DES JOINTS TESTÉS EN
CONDITIONS RÉELLES _______________________________________________________ 145 IV.1. Rappels sur les matériaux de l’étude _______________________________________ 145
IV.2. Le banc d’essai BDJE ___________________________________________________ 146
IV.3. Résultats de la tenue en étanchéité _________________________________________ 146
IV.4. Observations des surfaces d’usure _________________________________________ 147
IV.5. Caractérisations complémentaires : évolutions des propriétés ? _________________ 148 IV.5.1. Analyse thermique _____________________________________________________________ 148
IV.5.2. Spectrométrie mécanique ________________________________________________________ 148
IV.6. Conclusions sur l’influence de la matrice____________________________________ 151
V. CONCLUSIONS SUR LE COMPORTEMENT DES JOINTS EN CONDITIONS
RÉELLES ____________________________________________________________________ 153
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ___________________________________________ 155
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
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I. Introduction
Un premier axe d’étude dans notre problématique, visant à améliorer la compréhension des
relations entre les propriétés viscoélastiques et le comportement tribologique des élastomères
chargés utilisés comme joints d’étanchéité, consiste à déterminer, dans le cadre d’une utilisation
en système réel, les différents mécanismes d’usure et les modifications physico-chimiques mis en
jeu. Afin d’améliorer la compréhension de ces mécanismes divers, cette analyse sera couplée avec
une étude de paramètres matériaux (matrice ou charges) au niveau de la tenue en étanchéité du
matériau, de l’usure engendrée et des évolutions de propriété constatées.
Dans cette étude, des joints fournis par la société Paulstra sont testés dans des conditions
représentatives des conditions d’utilisation, i.e. montés sur les roulements, avec des chargements
radiaux et axiaux, ceux-ci étant sollicités en présence de boue pendant quelques centaines
d’heures (bancs BFRE ou BDJE). A la fin de la période d’essai (200h à 400h), les roulements sont
démontés pour être analysés.
L’objectif étant de caractériser de manière complète les différents modes d’usure possibles
(abrasion, adhésion, fatigue…), il a été nécessaire d’employer une large gamme de techniques
expérimentales. Certaines techniques ont permis d’obtenir des informations sur l’évolution
topologique des joints (observations microscopiques, MEB…), d’autres ont été utilisées pour
caractériser les propriétés viscoélastiques des joints avant et après usure (spectrométrie
mécanique, nanoindentation…), et enfin diverses méthodes ont été mises en œuvre pour obtenir
des informations structurales sur les élastomères (gonflement…).
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
102
II. Quelques points sur la notion d’interférence
Lors du montage du roulement à billes, l’ensemble du joint est monté en force entre la
bague intérieure et la bague extérieure, et les lèvres se voient comprimées contre les déflecteurs
antagonistes. La possibilité est donc donnée de moduler un paramètre distance que l’on nomme
« interférence » et dont la plage de fonctionnement peut être calculée à partir de la position de la
pointe de lèvre frontale/face du joint (B), de l’épaisseur de déflecteur (A) et de la position du
déflecteur/joint monté (C) (cf. Figure 1).
Figure 1 : Schéma d’une lèvre ; paramètres pour le calcul de l’interférence
L’interférence est aujourd’hui considérée comme un paramètre très influent sur la performance
des joints et il apparaît important d’évaluer les plages de fonctionnement théoriques des lèvres et
de s’assurer du bon comportement du joint sur cet intervalle.
Il est apparu que la durée de vie était dépendante de cette interférence ; il existe un optimum
d’interférence où la durée de vie en étanchéité des joints est maximale (cf. Figure 2).
Figure 2 : Evaluation de la durée de vie en étanchéité avec l’interférence_banc BDJE
Cette notion d’interférence fait intervenir une répartition de pression différente dans la zone de
contact entre la lèvre et le déflecteur , et c’est ce paramètre qui semble important pour la durée de
vie des joints (cf. Figure 3).
AC
E
F
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
103
A
C
E
F
Figure 3 : Répartition de la pression dans la surface de la lèvre en contact avec le déflecteur pour des
interférences de 0,86 (A), 1,1 (C), 1,3 (E) et 1,46 (F) mm (positionné sur la Figure 2).
Ces simulations par Elements Finis (logiciel Abaqus) de la distribution de pression dans la lèvre ont été
réalisées par la société SNR en considérant la lèvre comme hyperélastique en contact avec un plan rigide.
En effet, à interférence moyenne (A), le contact est plutôt ponctuel en bout de lèvre et la
pression se répartit « en cloche » sur la surface ; ce pic de pression est bénéfique pour empêcher
les particules de pénétrer mais s’avère trop ponctuel pour assurer une bonne étanchéité sur le
long terme. Si l’on augmente l’interférence (C), la surface en contact augmente et deux pics
apparaissent sur la répartition de pression le long de la surface ; la pression extérieure est
supérieure, puis, si l’interférence augmente encore, les deux pics deviennent d’amplitude égale et
on se situe à l’optimum d’interférence vis-à-vis de la durée de vie. Cependant, la tendance
s’inverse très rapidement du fait d’une modification de la répartition de pression dans le contact ;
la pression devient supérieure pour le pic intérieur, et la durée de vie des joints s’écroule (E puis
F). En effet, dans cette configuration de la distribution de pression, les particules de pollution
peuvent venir « s’engouffrer » dans le contact, et, une fois cette zone modifiée, causer la perte
d’étanchéité du roulement.
Concernant les différentes distributions de pression et la courbe de durée de vie en
fonction de l’interférence qui en découle, il faut tout de même préciser ici que ces calculs ont été
réalisés dans l’hypothèse d’une totale indépendance vis-à-vis de l’aspect matériau. Or, on est en
droit de supposer que selon les propriétés mécaniques du matériau utilisé pour fabriquer les
joints, la courbe durée de vie/interférence peut être décalée vers les plus hautes ou plus faibles
interférences et ceci peut avoir son importance dans notre étude matériau sur système réel.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
104
III. Détermination d’un mécanisme d’usure
Dans cette première partie du chapitre, nous nous emploierons donc à déterminer les
mécanismes d’usure mis en jeu au niveau des lèvres en élastomères chargés, dans le système joint
d’étanchéité de roulement à billes, à dresser un historique de l’état des différentes propriétés du
joint au cours de son utilisation, et enfin à comparer différents matériaux modèles pour préciser
l’influence du paramètre matériaux ‘charges’.
Pour ce faire, des joints préparés avec le jeu de matériaux présenté dans le Chapitre 2 (§ II-4-1),
présentant des différences en terme de charges, sont montés sur des roulements standards chez
SNR et sont testés sur le banc d’essai spécifique BFRE (cf. description dans le chapitre 2 § III-A-
1-a), avec une vitesse de rotation de 1000tr/min (environ 1m/s), avec des durées d’essai de 200h,
300h, 350h (2 séries réalisées à cette durée) et 400h.
Ainsi, nous obtenons des informations concernant la tenue en étanchéité des matériaux, en
fonction du paramètre ‘charges’, une observation des faciès d’usure des joints pour différents
temps d’essai et la possibilité d’étudier l’évolution des propriétés mécaniques des lèvres usées.
III.1. Rappels sur les matériaux
Le Tableau 1 regroupe quelques informations nécessaires pour la suite des investigations,
concernant les matériaux testés dans cette étude. On rappelle ici que la taille normalisée est
déterminée à partir des valeurs d’indice Iode fournies.
Type d’échantillon H A B C E I L M
Type de charges SANS Noir A
Noir A
Noir C
Noir E
Noir I Charges claires Charges claires + agent
de couplage % de charges (masse) 0 3 1 36 36 50 32 42 42 + 0.95
Taille normalisée 2 2 3 4 1 Dureté shore 46 70 75 70 71 72 72 74
Tableau 1 :Tableau récapitulatif des données matériau pour cette étude
On peut rappeler ici que l’analyse des caractéristiques des charges présentes dans la matrice
élastomérique se déroulera au regard de la taille, du taux et de la nature des charges, par
comparaison entre les différents matériaux, comme détaillé au chapitre précédent.
Un point supplémentaire concernant les dénominations utilisées dans la suite s’avère important.
Ainsi, pour plus de clarté, les échantillons ont été identifiés en fonction de leur historique. Le
choix adopté pour cette dénomination est le suivant : la première lettre représente le matériau
étudié, les chiffres la durée de l’essai sur BFRE, et les lettres finales (b ou pb) indiquent la
présence ou non de boue pendant l’essai. Exemple: L200b : élastomère L, usé à 200h en présence de boue.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
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III.1.1 Approfondissement des caractéristiques des matériaux
III.1.1.1. Analyse de la dispersion des charges
Avant de présenter différentes caractéristiques mécaniques, il semble important de préciser
la dispersion des charges dans la matrice, afin de s’assurer que les échantillons peuvent être
comparés au regard des seuls paramètres ‘charges’ variables énumérés ci-dessus.
Une observation au MEB des plaques d’échantillons a permis de vérifier une dispersion
homogène des charges pour tous les matériaux. Un exemple de cliché obtenu pour l’échantillon
E est donné sur la Figure 4, sur lequel une taille d’aggrégats de l’ordre de 500 nm peut être
observée (de par la résolution du MEB, les particules élémentaires ne sont pas accessibles).
Figure 4 : Observation au MEB de la taille et de la dispersion des charges ; ech. E
De plus, les différences en terme de taille de charges entre les échantillons ont également
pu être confirmées et l’on pourra retrouver les autres clichés de ces observations en Annexe 1.
III.1.1.2. Caractérisations mécaniques
a) ETUDE DE LA VISCOÉLASTICITÉ DES MATÉRIAUX
L’aspect dissipatif étant important dans le frottement des élastomères, il a semblé
intéressant de caractériser les propriétés viscoélastiques des échantillons.
Ainsi, des lèvres de joints ont été testées sur un pendule de torsion spécifique de manière à
déterminer l’évolution globale des propriétés viscoélastiques avec la température. En effet, cet
appareil autorise l’utilisation d’un échantillon de petite taille (5x1x0,8 mm) découpé directement
dans une lèvre, comme le montre la Figure 5.
Figure 5 : Schéma de la zone découpée dans la lèvre (rectangle rouge :largeur x épaisseur)
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
106
Les évolutions des propriétés viscoélastiques des différents échantillons sont représentées
sur la Figure 6. Du fait de l’influence des charges sur le module vitreux, les courbes de module
élastique G’ ont été calées par rapport à la valeur déterminée à l’aide du modèle auto-cohérent
généralisé de Christensen et Lo, basé sur la théorie de Kerner [Christensen et Lo, 1979]. En effet,
dans son manuscrit de doctorat, [Reynaud, 2000] a montré que ce modèle pouvait être appliqué
pour déterminer les modules vitreux de polymères chargés.
0.001
0.01
0.1
1
10
170 190 210 230 250 270 290 310T (en K)
mod
ule
norm
alis
é K
erne
r
0.01
0.1
1
10tan δ
G' A neufG' E neufG' I neufG' L neuftand A neuftand E neuftand I neuftand L neuf
Figure 6 : Evolution des propriétés viscoélastiques des différentes joints neufs
Concernant les 3 matériaux renforcés avec le Noir de Carbone, les caractéristiques du pic de tan δ
(relaxation α) semblent identiques en terme de position (vers 261 K), et, à moindre mesure, en
terme de largeur de pic (le pic de l’échantillon I semblant légèrement moins large). Pour ce qui
des modules caoutchoutiques, le matériau I, présentant une surface spécifique plus élevé que le A
pour un même taux de charges, exhibe un module supérieur. Le matériau E se situe dessus du A,
car l’effet néfaste d’une sruface spécifique plus faible est contrebalancé par l’effet bénéfique d’un
taux de charges plus élevé.
L’élastomère L (charges claires) se différencie un peu des échantillons renforcés avec le Noir de
Carbone : le pic de tan δ s’est légèrement décalé vers les plus basses température et semble un
peu plus large, de plus la relaxation β est moins visible. Au contraire des grandes déformation,
son module caoutchoutique apparaît plus élevé que celui des échantillons A et E.
b) ANALYSE DE L’EFFET PAYNE DANS NOS MATERIAUX
L’étude de l’effet Payne de nos matériaux ne peut être réalisé sur les lèvres comme précédemment
car l’appareil de mesure ne permet pas d’étudier de si petits échantillons. Ainsi, ces essais de
spectrométrie mécanique (Metravib RDS) ont été réalisés sur des échantillons découpés dans des
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
107
plaques de matétiaux à une température de 30°C et à une fréquence de 5Hz (les autres paramètres
sont détaillés dans le chapitre 2).
Les résultats correspondant aux variations du module de conservation G’ et du module de
perte G’’ sont représentés sur la Figure 7 et la Figure 8.
0
2
4
6
8
10
0.0001 0.001 0.01 0.1Cisaillement dynamique γ
G' (
MPa
) éch Aéch Béch Céch Eéch Héch Iéch Léch M
Figure 7 : Module élastique G’ en fonction du taux de cisaillement (à 30°C et 5 Hz)
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
1.2
0.0001 0.001 0.01 0.1Cisaillementdynamique γ
G"
(MPa
)
éch Aéch B éch Céch Eéch Héch Iéch Léch M
Figure 8 : Module de perte G’’ en fonction du taux de cisaillement (à 30°C et 5 Hz)
éch. A B C E H I L MG' 0 (MPa) 4.3 5.9 4.1 4.9 1.1 6.1 8.0 5.2∆ G' (MPa) 1.8 2.8 1.6 2.2 0.27 3.5 5.1 2.2
G''max (MPa) 0.59 0.86 0.57 0.67 0.12 0.98 1.02 0.64 Tableau 2 : Récapitulatifs des valeurs de G’0, ∆G’ et G’’max (à 30°C et 5 Hz)
A partir de ces deux courbes et de ce tableau, nous pouvons étudier l’influence des
différents paramètres relatifs aux charges suivant plusieurs critères viscoélastiques : le module
élastique initial G’0, l’effet Payne (chute de G’0 à G’final) et le maximum de module de perte G’’max.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
108
Tout d’abord, on peut noter que l’effet Payne est observable sur tous les matériaux, hormis
le matériau H non chargé ; l’effet Payne n’apparaît effectivement qu’en présence de renforts.
En ce qui concerne l’influence du taux de charges, on note que l’échantillon B, avec un taux
de charges plus élevé, présente des valeurs de G’0, G’’max et d’effet Payne plus élevées que
l’échantillon A.
De même, on peut conclure, par comparaison des échantillons A/I ou C/B, qu’une
augmentation de la surface spécifique des Noirs de Carbone engendre une augmentation des
valeurs de G’0, G’’max et d’effet Payne (par exemple, le matériau I possède des propriétés plus
élevées que celles du A, et idem pour le B par rapport au C). Une des explications avancées pour
expliquer l’effet Payne mettant en jeu une désadhésion entre la charge et la matrice, on peut
comprendre qu’un échantillon possédant des charges avec une plus grande surface spécifique, et
donc une plus grande surface de contact charges/matrice, présente une effet Payne plus élevé.
Pour ce qui est des échantillons avec des charges claires, il est net que le matériau L (sans agent de
couplage) présente des valeurs de modules plus élevées que les échantillons chargés au Noir de
Carbone (on retrouve d’ailleurs le résultat obtenu sur le pendule de torsion), mais surtout que
l’échantillon M (avec agent de couplage). Cela correspond d’ailleurs aux résultats obtenus par
[Ramier, 2004] pour des charges de silice dans un élastomère styrène-butadiène (SBR). Il a noté
des modifications des liaisons charge/charge et charge/matrice par la présence d’agent de
couplage à la surface des charges, et donc des valeurs de module élastique plus faibles pour les
échantillons avec agent de couplage. On retrouve tout de même bien l’effet consolidation attendu
au-dessus de 10% (la courbe de M passe au-dessus de celle de L). Ainsi, on pourrait conclure que
l’effet bénéfique de l’agent de couplage n’est effectif que pour des déformations élevées.
Enfin, des mesures supplémentaires, réalisées à 70°, montrent une influence notable de la
température, qui diminue les modules avant et après effet Payne, ainsi que l’importance même de
la chute de module en valeur absolue. On retrouve tout de même les positions relatives des
courbes entre matériaux. On peut aussi remarquer que la température a une influence d’autant
plus forte que les modules sont élevés à l’ambiante, ce qui est cohérent avec l’hypohtèse d’une
désadhésion interfaciale thermiquement activée.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
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c) CYCLES DE TRACTION AUX GRANDES DÉFORMATIONS – MESURE D’HYSTÉRESIS
Des cycles de traction aux grandes déformations nous ont permis d’évaluer l’hystérésis des
différents échantillons, qui correspond à l’énergie dissipée lors d’un cycle de sollicitation. Cette
hystérésis est à relier à la capacité d’amortissement des chocs ou de sollicitations répétées.
Cependant, l’hystérésis entraîne une dissipation d’énergie, donc un échauffement qui peut
conduire à des ruptures de chaînes ou à des pertes d’adhésion charge-matrice, et donc à une
diminution de la résistance à l’usure.
Des éprouvettes de type haltère (4mm x 2mm ; longueur effective 24mm) ont été
découpées dans les plaques pressées, puis sollicitées à une température de 25°C avec une vitesse
de traverse de 36mm/mn jusqu’à un allongement maximum de 200%, 4 cycles de
charge/décharge sont réalisés. Ainsi, l’hystérésis est déterminé en mesurant l’aire sous un cycle.
En outre, les valeurs des modules sécants à 10% et 150% ont été déterminées afin d’étudier en
parallèle l’hystérésis et le rapport des modules à 150/10 %. Ce rapport est intéressant puisqu’il
compare les grandes déformations qui peuvent être la cause de cavitations dans le matériau ou
même de rupture des chaînes, à des déformations moindres où se produisent des phénomènes de
perte d’adhésion entre les renforts et les chaînes : effet Payne. C’est donc une grandeur à relier
aux essais tribologiques où l’on sait que deux phénomènes d’usures sont en compétition :
• L’usure par fatigue, qui interviendrait surtout pour les faibles déformations (10%) car elle
s’explique plutôt par le caractère viscoélastique de l’élastomère et sa rigidité lorsqu’il est peu
sollicité.
• L’usure par abrasion, qui serait plus mise en jeu pour des déformations élevées (150%) car
s’expliquant par l’étirement des chaînes.
En résumé, ce rapport de module traduit un compromis entre deux types d’usure qui
apparaissent plus ou moins pendant les différents modes de fonctionnement du roulement.
0
0 .5
1
1 .5
2
2 .5
3
3 .5
4
4 .5
A B C E I L M
H y s t é r é s is R a p p o r t d e s m o d u le s 1 5 0 /1 0
Figure 9 : Mesures d’hystérésis et du rapport des modules à 150%/10% des matériaux ‘charges’
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
110
Tout d’abord, il semble qu’une augmentation du taux de charges ait pour effet d’augmenter
l’hystérésis et le rapport des modules, comme on peut le constater en comparant les matériaux A
et B, pour lesquelles le rapport, par exemple passe de 2,5 à 3,5. Ceci signifie donc que
l’augmentation du taux de charges a d’autant plus d’effet que la déformation est importante.
Pour ce qui est de l’influence de la surface spécifique des charges, l’hystérésis et le rapport
des modules paraîssent plus élevés pour les échantillons avec les charges de plus grande surface
spécifique (B par rapport à C et I par rapport à A).
De plus, en s’intéressant au matériau E qui a des propriétés qui sont le résultat de deux
effets antagonistes (un fort taux de charges, mais des charges de faible surface spécifique), on
remarque qu’il se situe à des valeurs inférieures à B et C. Ainsi, ceci nous permet de conclure que
pour les propriétés étudiées ici, la surface spécifique des charges auraient une influence plus
importante que le taux de charges.
Enfin, par l’étude des matériaux renforcés par des charges claires, nous avons observé que
la présence d’agent de couplage (M) modifie considérablement les propriétés d’hystérésis et le
rapport des modules, certainement du fait de liaisons charges/matrice plus importantes.
Ces résultats sur l’hystérésis aux grandes déformations corroborent ceux obtenus en
spectrométrie mécanique, à plus petites déformations, concernant l’influence des différentes
caractéristiques des charges sur les valeurs de G’’.
III.1.1.3. Etude de l’influence d’un vieillissement des échantillons
Dans le système roulement à bille, on sait que les lèvres en élastomère sont en présence de
graisse durant une grande partie de leur utilisation. Il a donc semblé intéressant de s’attarder sur
les différents effets d’un vieillissement des matériaux de l’étude, avec ou sans graisse.
Pour cela, des échantillons massifs de nos matériaux ont donc été maintenus pendant 7 jours à
100°C, dans l’air, avec ou sans présence de graisse (celle utilisée dans les roulements). Ces
vieillissements, ainsi que la plupart des mesures qui s’en suivent, ont été réalisés au sein de la
société Paulstra.
a) CARACTÉRISATIONS PHYSICO-CHIMIQUES
(i) Variations de poids et de volume
Ces mesures ont été effectuées uniquement sur les échantillons vieillis en présence de
graisse. Les différents matériaux de l’étude montrent des tendances plus ou moins prononcées à
l’absorption, avec des valeurs variant entre 5% et 10%, qui sont loin d’être négligeables.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
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A
E I
L
A
E I
L
0
2
4
6
8
10
12
varia
tion
en %
poidsvolume
Figure 10 : Variations de poids et de volume après vieillissement dans la graisse
Concernant l’influence des paramètres ‘charges’, on peut observer une plus grande capacité
d’absorption de graisse de la part des échantillons A et L. On peut relier ces observations à
l’influence des paramètres “charges” sur la mobilité des chaînes de macromolécules et sur le
degré apparent de réticulation. En effet, les liaisons charges/matrice réduisent la mobilité des
chaînes et introduisent une réticulation supplémentaire en quelque sort. La possibilité de
gonflement du matériau est donc atténuée.
(ii) Mesures de gonflement
0
0.5
1
1.5
2
2.5
A E I L
neufairgraisse
Figure 11 : Mesure de gonflement effectuée sur les échantillons neufs et vieillis
Tous les échantillons montrent la même tendance en ce qui concerne l’évolution du taux de
gonflement : celui-ci diminue lorsque l’échantillon est vieilli et il diminue d’autant plus que le
vieillissement a lieu en présence de graisse (cf Figure 11). Ces mesures sont toutefois à prendre
avec précaution car plusieurs phénomènes peuvent se produire en même temps :
• La réticulation peut continuer pendant le vieillissement de l’élastomère. Les nœuds de
réticulation sont donc de plus en plus nombreux et le gonflement est donc de plus en plus faible.
Pour l’échantillon L, la réticulation peut également continuer entre la matrice et les charges.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
112
• Si l’élastomère est gonflé par la graisse, il absorbera d’autant moins le solvant. Le taux de
gonflement observé sera donc plus faible. Ceci peut expliquer les différences observées.
Il est donc difficile d’identifier le rôle de la graisse sur la post-réticulation de l’élastomère. La seule
conclusion que l’on peut tirer de ces mesures est que la réticulation continue lors du
vieillissement thermique de l’élastomère. La rigidité aura donc tendance à augmenter.
b) PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES
(i) Spectrométrie mécanique
Afin d’observer l’influence de la graisse sur le vieillissement des élastomères, et
particulièrement sur l’évolution de leurs propriétés viscoélastiques, les échantillons massifs vieillis
ont été sollicités en torsion à faible déformation (10-5) durant une montée en température de -
100°C à 83°C à 1°C/min.
Un exemple de mesures effectuées sur les joints de type L neufs et vieillis dans l’air et en
présence de graisse est représenté sur la Figure 12. On observe quelques points notables :
3 Légère augmentation du module à la température ambiante, accompagné d’un léger décalage du
pic de relaxation principale, pour l’échantillon vieilli dans l’air. Ceci peut être expliquée par
une post-réticulation de l’élastomère pendant le vieillissement. En effet, les matériaux ont été
vieillis à une température de 100°C pendant 7 jours, ce qui peut leur permettre de finir de
réticuler, ou même de sur-réticuler par le biais d’une légère oxydation.
3 Apparition d’un nouveau pic de relaxation vers 200K et léger décalage du pic de Tα de
l’élastomère vers les basses températures, pour les échantillons vieillis dans la graisse. Cela
pourrait résulter d’une plastification très limitée du NBR par la graisse. En outre, le second
pic de relaxation à 200K peut être expliqué par la présence de la graisse.
0.001
0.01
0.1
1
170 210 250 290 330Température (K)
G'/G
' 170K
0.01
0.1
1tan δ
G' neufG' vieilli graisseG' vieilli airtand neuftand vieilli graissetand vieilli air
Figure 12 : Evolution des propriétés viscoélastiques avec le vieillissement ; exemple du matériau L
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
113
(ii) Modules sécants
4
5
6
7
8
A E I L
mod
ule
séca
nt à
100
% a
llong
emen
t (M
Pa)
non vieillivieilli airvieilli graisse
0
10
20
30
40
50
60
70
A E I L
mod
ule
séca
nt à
100
% a
llong
emen
t (M
Pa)
var. % airvar. % graisse
Figure 13 : Variations des modules sécants avec le vieillissement, à 100% d’allongement ;
(à gauche, en absolu ; à droite, variation en relatif)
Les échantillons montrent tous la même tendance : une augmentation importante des
modules lors du vieillissement, quel que soit l’environnement, du fait de la post-réticulation
engendrée par l’oxydation des matériaux. L’augmentation est plus marquée en présence de
graisse, certainement du fait de la présence de graisse adsorbée, qui gonfle le matériau et pré-étire
les chaînes. Les valeurs de modules obtenues pour les matériaux avec Noir de Carbone restent
tout de même assez proches et supérieures à celles du matériau avec charges claires, en absolu.
(iii) Propriétés à la rupture
Le vieillissement à l’air semble peu affecter la résistance à la rupture, tout en abaissant
nettement l’allongement. Ceci est probablement dû à une augmentation du taux de réticulation
par le biais de l’oxydation des matériaux.
Le vieillissement en présence de graisse montre lui une forte tendance à diminuer à la fois
la résistance et l’allongement à la rupture des échantillons. Ainsi, les chaînes étant pré-tendues du
fait de la présence de graisse, elles présentent une capacité d’allongement plus faible.
0
5
10
15
20
25
30
A E I L
rési
stan
ce à
la r
uptu
re (M
Pa)
non vieillivieilli airvieilli graisse
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
A E I L
allo
ngem
ent à
la r
uptu
re (M
Pa)
non vieillivieilli airvieilli graisse
Figure 14 : Variations des propriétés à la rupture avec le vieillissement
( à gauche résistance ; à droite allongement)
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
114
c) CONCLUSIONS SUR LES EFFETS D’UN VIEILLISSEMENT DES MATÉRIAUX
Un vieillissement, tel que celui réalisé ici, influence les propriétés des élastomères étudiés.
En effet, lors du vieillissement à l’air, on a pu observé une post-réticulation des échantillons,
vraisemblablement due à la fin de la vulcanisation et/ou à une réaction d’oxydation. Ainsi, les
échantillons dégradés présente une Tα et des modules sécants plus élevés, et une chute de
l’allongement à la rupture. En ce qui concerne le vieillissement en présence de graisse, on
retrouve bien entendu la post-réticulation évoquée précédemment, mais en plus il semblerait que
la présence de graisse au sein des échantillons induise une pré-tension des chaînes, qui augmente
donc les modules sécants et diminue l’allongement à la rupture. Il est important de garder en
mémoire ces variations pour l’analyse des corrélations entre les différentes propriétés mécaniques
et les caractérisations tribologiques.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
115
III.2. Résultats de la tenue en étanchéité
Pour vérifier si l’étanchéité était encore assurée ou non au terme des essais sur banc, les
graisses du roulement (présentes entre les corps) sont généralement analysées pour connaître leur
teneur en eau (tritimètre automatique). Dans la plupart des cas de notre étude, le fait que l’étanchéité
soit encore assurée ou non est évident à l’observation, de par l’aspect de la graisse entre les lèvres
et dans le roulement ; ainsi, seule la graisse des joints testés à 350h a été analysée au tritimètre.
L’ensemble des résultats sur l’étanchéité des joints est représenté dans le tableau suivant :
Etanchéité du roulement encore assurée
Etanchéité du roulement plus assurée
Etanchéité du roulement assurée, mais étanchéité de la première lèvre perdue.
Matériau
Durée de l’essai A E I L
200h
300h
350h
400h
Tableau 3 : Résultats d’étanchéité des essais sur BFRE, avec boue
N.B. : la case correspondant aux essais à 350h est divisée en deux car deux campagnes d’essais ont été effectuées.
L’information principale que l’on peut tirer de ces résultats est que tous les matériaux de
cette étude ont des comportements en essai d’étanchéité très voisins.
III.3. Observations des faciès d’usure
Les joints à cassette utilisés dans notre étude sont formés de 2 parties distinctes : le joint en
élastomère et le déflecteur antagoniste en acier inoxydable, comme représenté sur la Figure 15 (on peut
remarquer la présence de 2 lèvres assurant la fonction d’étanchéité). Ainsi, chacune des 2 lèvres
en élastomère et leur antagoniste respectif (déflecteur) sont observées séparément après
démontage du roulement, au microscope optique pour étudier le profil des lèvres et au
Microscope Electronique à Balayage pour une observation plus fine des surfaces usées.
Pour étudier les clichés d’usure, deux paramètres principaux ont été choisis : la présence ou non
de boue et l’influence du temps de test.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
116
Déflecteurmétallique
Lèvres en élastomère
Armaturemétallique
Entrée de pollution
Graisse
1ère2ème
Figure 15 : Schéma du système étudié
III.3.1 Analyse de la 1ère lèvre (+déflecteur)
Remarque préliminaire : les clichés ont été orientés de manière à ce que l’intérieur du roulement soit situé vers la gauche de l’image (sauf indication contraire).
III.3.1.1. Etat initial des lèvres
Avant de commencer les commentaires sur les observations des joints usés, il est bon de
regarder l’état de surface et le profil des joints neufs afin de connaître précisément leur état initial.
Le contour est très régulier, toute variation du profil sera alors facile à observer. On note aussi la
présence de rainures (Figure 16) sur toute la surface de la lèvre. Ces rainures, très régulières en
terme d’espacement et de taille (de l’ordre de la dizaine de microns), proviennent du profil du
moule de fabrication, et seront donc par la suite nommées rainures de mise en œuvre. La surface
initiale des lèvres n’est donc pas lisse. Cet état de surface initial peut jouer un rôle sur les
phénomènes d’endommagement au cours de l’utilisation. En effet, si la surface présente
initialement un certain relief, il peut être plus facile pour les particules de venir se loger à
l’interface et accélérer ainsi les processus d’abrasion.
Figure 16 : Rainures de mise en œuvre sur l’extrémité de la lèvre neuve
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
117
III.3.1.2. Usure sans boue
a) LÈVRES
Les photographies obtenues ont été numérisées puis traitées afin d’obtenir une image
précise des profils. Les observations réalisées indiquent une évolution globale de la forme de la
lèvre (Figure 17).
Figure 17 : Lèvre L 400h sans boue. Déformation globale de la lèvre
L’hypothèse concernant cette évolution est la suivante : sous les effets combinés de contraintes
importantes imposées à la lèvre et, de par le frottement sur le déflecteur, une élévation assez
importante de la température au contact (quelques dizaines de degrés au-dessus de la température
de fonctionnement), la lèvre du joint se déforme d’une manière régulière, et l’élastomère continue
de réticuler faiblement sous l’effet de la température. Une fois que le joint n’est plus sollicité, la
température redescend, mais la lèvre ne peut recouvrir toute sa déformation et conserve une
déformation rémanente régulière, telle que l’on peut l’observer sur les profils. C’est ce
phénomène que nous nommerons désormais dégradation thermomécanique. Cette
modification importante du profil peut toutefois jouer un rôle néfaste pour l’étanchéité (manque
de pression de contact si la lèvre est trop courbée). Ce phénomène semble toutefois être
beaucoup plus lent que des phénomènes d’abrasion et ne semble pas à priori critique en terme de
durée de vie du roulement.
L’usure observée par MEB sur les surfaces des lèvres testées sans boue est assez
particulière : il y a modification de la surface sur l’extrémité de la lèvre, mais la perte de matière
est insignifiante. C’est visible sur la Figure 18, où l’on peut noter dans le carré bleu la disparition
des rainures de mise en œuvre, comme une sorte de ‘polissage’ des surfaces, et un applatissement
de l’extrémité de la lèvre.
Cette évolution peut être expliquée par une réticulation sous contraintes, issue d’une dégradation
thermomécanique telle que détaillée précédemment, mais localisée ici en bout de lèvre.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
118
Figure 18 : Extrémité de la lèvre E 300h sans boue, vue générale de côté et détail vu de dessus
En parallèle, des mesures des dimensions a et b du profil (cf. Figure 19-b) ont été réalisées
pour décrire de manière quantitative ce mode d’usure. Seule une augmentation régulière de la
distance a avec le temps d’essai, dont les résultats sont présentés sur la Figure 20, a été observée.
a)
ab
b) Figure 19 : joint L, usé à 300h sans boue ; a) profil b) méthode d’analyse des profils
0
50
100
150
200
250
A200b
A300b
E200b
E300b
I200b
I300b
L200
bL3
00b
larg
eur z
one
usée
, en
µm
pas d'usure visible
A
L
I
E
Figure 20 : mesure d’usure (a) sur les joints testés sans boue
En ce qui concerne l’analyse matériaux sur l’usure sans boue, on remarque que le matériau I
ne présente que peu d’évolution, alors que, au contraire, la distance a augmente considérablement
pour le matériau E. Ainsi, nous pouvons constater que le matériau I et le matériau E sont
également les deux extrêmes en terme de résistance à la rupture et de rapport de module à
150%/10% d’allongement (à relier à l’hsytérésis), le I étant le plus résistant avant et après
vieillissement et celui dissipant le moins d’énergie. Ensuite, le matériau A a un comportement en
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
119
usure intermédaire, ainsi qu’une résistance à la rupture et une hystérésis intermédiaire. Il semble
qu’il y ait une corrélation directe entre la résistance à la rupture et l’hystérésis des matériaux et la
tenue à l’usure sans boue des joints. Néanmoins, ces comportements différents peuvent aussi
provenir de causes plus indirectes, telles qu’une lubrification par les charges.
b) DÉFLECTEURS
Les observations de la surface au MEB ne montrent la présence d’aucune rayure d’abrasion
significative (Figure 21). On peut tout de même noter la présence de fines rayures de mise en
œuvre, comme sur la surface neuve (Figure 21 à gauche) et de temps en temps la présence d’une
rayure plus importante, comme au centre de la photo de droite, provenent vraisemblablement
d’une ou plusieurs charges saillantes en bout de lèvres. L’usure par abrasion n’a pas lieu lors des
tests sans boue. Enfin, un transfert d’élastomère peut être présent (observé uniquement sur le
déflecteur E200pb, Figure 22)
Figure 21 : Surface de déflecteur ; gauche Neuf, droite I 300h sans boue
Figure 22 : Dépôt d’élastomère observé sur le déflecteur E200pb
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
120
III.3.1.3. Usure avec boue
a) LÈVRES
(i) Profils d’usure
a) b) Figure 23 : Profils de joints usés avec boue ; a) A 200h, b) L 400h
La première des remarques que l’on peut faire de l’observation des profils usés avec boue
concerne la localisation des modifications, qui se situent uniquement en bout de lèvre. Seule la
partie en contact semble jouer un rôle. On pourra donc s’attendre à une modification très locale
des propriétés viscoélastiques et mécaniques de la lèvre.
De plus, on observe deux types de profils bien distincts :
3 des profils où la zone a est bien régulière (Figure 23-a) ;
3 des profils où la zone a est irrégulière (Figure 23-b).
Ces deux profils peuvent être reliés à deux modes d’endommagement distincts : dégradation
thermo-mécanique (expliquée précédemment) et usure par abrasion, respectivement.
Au bout d’un certain temps d’usure, l’usure par abrasion rentre en jeu : matière arrachée de
manière plus ou moins aléatoire de la lèvre, et profil qui évolue de manière plus irrégulière
(augmentation brutale de la distance a). Ceci correspond à certains profils observés (I 300h avec
boue, L 400h avec boue,…) (Figure 23-b). Dans ce mode d’usure le joint va se dégrader de
manière beaucoup plus rapide et entraîner la perte d’étanchéité du système.
(i) Modification de la surface
Tout d’abord, on observe différents profils et surfaces d’usure en fonction du temps de
fonctionnement du roulement :
- Amorçage de l’usure : Lorsque le temps d’usure est encore faible, on observe une légère
modification du profil à l’extrémité de la lèvre, la surface n’est que très peu dégradée, de
toutes petites rayures apparaissent (Figure 24). On peut encore observer en partie la
présence des rainures de mise en œuvre. Ces observations peuvent être reliées au mode
d’usure précédemment qualifié de dégradation thermomécanique.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
121
Figure 24 : A 200h boue ; amorçage de l’usure_fines rayures en bout de lèvres (rectangle bleu)
- Amorçage de l’abrasion : Au bout d’un temps d’usure plus élevé (e.g. 300h), on observe une
modification progressive de la surface (Figure 25). Des rayures d’abrasion plus importantes
apparaissent (provoquées soit par des petites particules à l’interface, soit par les rayures du
déflecteur), d’abord vers l’extrémité de la lèvre, puis se propageant vers l’intérieur du
contact. Le profil de la lèvre évolue plus rapidement sous l’effet de cette abrasion.
Figure 25 : A 300h boue ; amorçage de l’abrasion_nombreuses rayures en bout de lèvre
- Abrasion très importante : Dès que la première lèvre n’assure plus l’étanchéité, des particules de
plus en plus nombreuses et de plus en plus grosses vont venir à l’interface entre la lèvre et
le déflecteur. L’abrasion de la lèvre va augmenter de manière dramatique, le profil perd sa
régularité et on peut noter une usure importante en bout de lèvre (Figure 26).
Figure 26 : Extrémité de la lèvre I 350h boue
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
122
Des observations plus locales apportent des informations complémentaires. Différents types
particuliers de dégradation locale ont été observés :
+ Des traces d’impact : les traces d’impact de particules présentent parfois une régularité très
importante en terme de taille et d’espacement. Ceci correspond aux traces d’une particule
roulant à l’interface, indentant ainsi la surface de l’élastomère de manière régulière à chaque
tour.
+ Des particules enchâssées : de petites particules de silice enchâssées dans les lèvres ont pu être
observées (Figure 27). Ces particules vont venir jouer un rôle extrêmement néfaste en
terme d’abrasion, puisqu’elles vont venir « labourer » la surface du déflecteur pendant un
certain temps. De la matière étant cependant arrachée à la lèvre peu à peu au cours de
l’usure, ces particules vont finir par être évacuées, avant d’être éventuellement remplacées
par d’autres. Il existe une taille limite au-delà de laquelle les particules ne peuvent plus venir
s’enchâsser ainsi dans la lèvre. Seules des petites particules (10µm) ont été observées.
Cependant, on peut supposer que si des particules plus importantes viennent se coincer à
l’interface, l’élastomère peut accommoder une partie de la déformation causée par ces
particules. Celles-ci peuvent alors jouer un rôle abrasif de manière efficace, sans toutefois
être enchâssées définitivement dans la lèvre.
Figure 27 : Particule de Si enchâssée dans la lèvre I200b
+ Des fissures à l’extrémité de la lèvre (Figure 28) : ces fissures n’ont été observées que sur la
lèvre I200b et ont a priori été créées par le cisaillement de la surface élastomère. L’extrémité
est la partie de la lèvre où les déformations sont les plus grandes ; par ailleurs, le système en
rotation soumet la lèvre à du cisaillement qui, combiné au durcissement du matériau, peut
entraîner la fissuration de la pointe. De plus, une fois ces fissures créées, de la pollution
peut y pénétrer, ce qui peut encore accélérer la dégradation de la lèvre.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
123
Vue de dessus
Figure 28 : Fissures sur I 200h boue
La principale information fournie par l’analyse EDX des lèvres est la présence très importante de
particules de sable et de silice (2 composantes principales de la boue, cf. Chapitre 2), à la surface
et surtout sous la surface de la lèvre. Cette présence sous la surface indique la probable formation
de vagues de détachement au cours de l’usure, qui peuvent alors recouvrir les particules présentes à
l’interface.
(ii) Mesures quantitative de l’usure
Comme précédemment, des mesures des distances a et b (Figure 19-b) ont été effectuées
sur les lèvres à l’aide des observations optiques et au MEB et sont représentées sur la Figure 29;
l’évolution du volume perdue est représentée sur la Figure 30. Les joints n’assurant plus
l’étanchéité sont représentés en rouge ; le joint I350b1 est un cas plus particulier puisque seule la
première lèvre n’assure plus l’étanchéité.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
A200b
A300b
A350b
-1
A350b
-2E20
0bE30
0b
E350b
-1
E350b
-2I20
0bI30
0b
I350b
-1
I350b
-2L2
00bL3
00b
L350
b-1
L350
b-2L4
00b
dist
ance
a, e
n µm
0
50
100
150
200
250
300
A200b
A300b
A350b
-1
A350b
-2E20
0bE30
0b
E350b
-1
E350b
-2I20
0bI30
0b
I350b
-1
I350b
-2L2
00bL3
00b
L350
b-1
L350
b-2L4
00b
dist
ance
b, e
n µm
Figure 29 : Mesures des distances a (gauche) et b (droite) pour chaque échantillon
0
50
100
150
200
250
300
350
A200b
A300b
A350b
-1
A350b
-2E20
0bE30
0b
E350b
-1
E350b
-2I20
0bI30
0b
I350b
-1
I350b
-2L2
00bL3
00b
L350
b-1
L350
b-2L4
00b
volu
me
perd
u, e
n µm
3
Figure 30 : Evolution du volume perdue (=a/2(1-b/b0))avec la durée d’essai, pour chaque échantillon
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
124
Au regard de ces différents résultats, il apparaît difficile de tirer des conclusions claires sur
l’influence des paramètres matériaux ; les matériaux présentent des évolutions trop proches des
distances a et b. Il semblerait donc que pour ce mode d’usure par abrasion auquel sont soumis les
joints testés avec boue, ni les différences en terme de propriétés mécaniques ou de tenue au
vieillissement constatées n’influent de manière notable la résistance à l’usure de nos matériaux,
peut-être encore trop proches dans leurs propriétés en général.
Néanmoins, nous avons pu déterminer une valeur seuil, pour les distance a et b et donc aussi
pour le volume enlevé, à partir de laquelle l’étanchéité n’est plus assurée. En effet, nous avons pu
constater que le système perdait son étanchéité lorsque la valeur de a dépassait la valeur seuil de
400µm et que b devenait inférieure à 100µm, et donc que la valeur du volume perdue était
supérieur à 125 environ. De plus, il semblerait que l’évolution du volume perdu soit progressive,
jusque la perte d’étanchéité où elle évolue brutalement et dépasse le seuil définit précédemment.
b) DÉFLECTEURS
(i) Analyse par EDX des déflecteurs
Différents types de particules ont été observés sur les déflecteurs testés en présence de boue :
∏ Des particules « pures » de pollution, comme des grains d’argile, de silice…
∏ Des particules résultant d’un mélange des constituants de la boue : Mg+Si+Cl+Ca…
∏ Des particules résultant d’un mélange de la boue et de l’élastomère : C+O+S+Ca…
∏ Des dépôts de pollution et/ou d’élastomère dans les accidents topographiques de la surface.
∏ Des particules de fer, provenant de l’usure du déflecteur (taille moyenne : de 1 à 5µm).
(ii) Observations au MEB
L’observation la plus évidente lorsque l’on compare les échantillons entre eux est la différence
entre les systèmes testés en présence de boue et ceux testés sans boue (cf. Figure 31). S’il y a eu
projection de boue, on observe des rayures en nombre et tailles variables sur le déflecteur.
La présence de ces rayures peut être directement reliée à la présence de particules abrasives
présentes dans la boue lors des tests. Seules des particules dures peuvent en effet entraîner
l’apparition de rayures d’abrasion aussi importantes sur un acier.
a) b) Figure 31 : Comparaison des surfaces des déflecteurs ; a) avec boue, b) sans boue
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
125
Sur tous les déflecteurs testés en présence de boue et assurant encore la fonction d’étanchéité à la
fin des tests, on observe 2 populations bien distinctes de rayures (tailles différentes) :
1ère série de petites rayures (Figure 32-a), de petites tailles, de l’ordre de 1 à 2 µm. Ces rayures
sont déjà présentes au bout de 200h.
2ème série de grosses rayures (Figure 32-b), dont la taille est de l’ordre de 10 à 20 µm. Ces
rayures n’apparaissent en général qu’au bout de 300h (voir Annexe 2).
On peut d’ores et déjà noter que l’espacement entre les rayures semble être très régulier.
a) b) Figure 32 : Rayures représentatives sur déflecteur E300b ; a)1ère série b) 2ème série
L’observation de la distribution des tailles de rayures amène plusieurs remarques :
La largeur de la distribution augmente au cours de l’usure.
Les rayures voisines ont souvent la même taille ou les rayures de même taille sont
souvent voisines.
Ceci nous permet de préciser les mécanismes d’usure : ainsi, en comparant la taille des rayures
avec les populations de particules en présence, on s’aperçoit que dans les deux cas on retrouve
deux classes bien distinctes. De plus, lorsque des particules provoquent de l’abrasion sur une
surface, les rayures observées sont classiquement d’une taille égale au dixième de la particule. Les
petites rayures pourraient donc être dues aux particules de silice (granulométrie 15µm), alors que
les grosses rayures trouveraient leur origine dans les particules du sable BTF (granulométrie
distribuée entre 40 et 150 µm).
Les particules de silice, plus petites, viendraient facilement se coincer à l’interface dès le début des
essais, entraînant l’apparition de cette population de petites rayures très régulières et présentes sur
les observations dès 200h. Leur petite taille leur permettrait par ailleurs de passer rapidement de
l’autre côté de la première lèvre du joint.
Les particules du sable, de par leur taille plus importante, nécessitent plus de temps pour parvenir
à l’interface. Par contre, une fois qu’elles sont présentes, l’abrasion est beaucoup plus rapide et
des rayures beaucoup plus importantes (15 à 30µm) vont prendre naissance. Puisque la taille des
rayures est directement reliée à la taille des particules qui les créent, la vitesse d’abrasion est elle-
même directement reliée à la taille des particules présentes à l’interface.
Etant donné la régularité de la taille de rayures consécutives, deux possibilités sont à considérer :
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
126
Soit il n’y a qu’une particule (ou un nombre peu important) coincée à l’interface. Dans ce
cas, celle-ci provoque la naissance d’une première rayure sur le déflecteur, puis va
« sauter » lors du balayage de la lèvre sur le déflecteur, avant de donner naissance à une
autre rayure qui lui sera identique (Figure 33).
Figure 33 : Similitude de rayures consécutives sur L 200h boue.
Les flèches de couleur identiques indiquent les rayures similaires.
Soit il y a une quantité considérable de particules de taille semblable à l’interface, ce qui
semble assez probable au vu de la distribution. Ces particules viennent toutes au contact
les unes des autres et vont rayer la surface antagoniste à la manière d’un peigne. Ceci
expliquerait la régularité des rayures (observées sur le déflecteur I à 300h, par exemple).
Par ailleurs, il reste suffisamment de place entre les grosses particules pour que des petites
particules de silice viennent s’y loger et entraîner l’apparition de petites rayures entre les
grosses (Figure 34)
Rayures de type 2 Rayures de type 1 Figure 34 : Régularité des rayures sur I 300h boue
lèvre
Grain de sable
Grain de silice
Figure 35 : Mécanisme proposé pour la formation des rayures
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
127
Lorsque l’étanchéité de la première lèvre n’est plus assurée (la boue pénètre après la
première lèvre, sans forcément pénétrer dans le roulement), le profil d’usure du déflecteur évolue
fortement. L’abrasion est beaucoup plus importante et la régularité des rayures disparaît. La zone
usée devient plus large et plus profonde (cf. Figure 36).
a) b) Figure 36 : Déflecteur I testé avec boue ; a) 300h, b)350h
On peut également observer, dès le début des essais, une dégradation de la surface du
déflecteur (Figure 37), dans la partie intérieure de la zone de contact. Cette dégradation peut être
due à une oxydation par la pollution présente (présence de pics d’oxygène lors de l’analyse EDX).
D’autre part, des dépôts d’élastomère sont observables dans ces accidents de surface ; et ce
phénomène a été observé sur la plupart des déflecteurs testés à 200h et 300h en présence de
boue. Nous pouvons donc également émettre l’hypothèse d’une oxydation en surface des
élastomères, puis d’un dépôt de cette couche oxydée sur les déflecteurs.
Figure 37 : dégradation de la surface du déflecteur E 300h boue, probablement due à l'oxydation
Les joints testés avec le matériau L présentent un comportement un peu différent des
autres : les rayures sont moins profondes (Figure 38) ; il semblerait donc que les grosses
particules ne soient pas venues à l’interface. De plus, la profondeur de la zone abrasée sur le
déflecteur reste faible. Ajoutés aux observations sur les lèvres, ces résultats nous indiquent une
usure préférentielle de la lèvre pour le matériau L.
Rayures de type 2 Rayures de type 1 Figure 38 : Rayures maximales observées sur le déflecteur L300b (gauche) et sur le I300b (droite)
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
128
III.3.2 Analyse de la 2nde lèvre (+déflecteur)
Afin de compléter les résultats précédents et d’obtenir une description complète de l’usure,
la seconde partie des joints (2ème lèvre + déflecteur antagoniste) a été observée au MEB.
Dans le but de simplifier les explications, des schémas de ces parties sont représentés sur la
Figure 39, regroupant ainsi les principales caractéristiques des observations. On pourra remarquer
que, du fait de la géométrie du système, les observations n’ont pas été réalisées strictement avec
les mêmes angles d’observation que pour la 1ère lèvre. Ainsi, pour cette étude, nous nous sommes
principalement intéressés à l’observation des surfaces des lèvres et des déflecteurs.
Figure 39 : schéma représentant le joint et le déflecteur observés (cercle rouge), vue de dessus des clichés
Certaines de ces caractéristiques seront utilisées par la suite : ◊ MEO : fines rainures de Mise En Œuvre ; ◊ Ljp : largeur de la zone polie sur le joint (sans rainures de MEO) ; ◊ Ldr : largeur de la zone rayée sur le déflecteur.
III.3.2.1. Usure sans boue
a) LEVRES
La surface des joints, initialement rainurée lors de la mise en œuvre, présente une zone
polie en bout de lèvre, sans aucune rainure de MEO, comme le montre la Figure 40.
Figure 40 : joint usé I 300h sans boue ; zone polie (ech.=100 µm)
Ldr
Graisse+ boue
DéflecteurDéflecteur
Ljp
graisse+ boue
Relief MEORelief MEO
JointJoint
lèvre
Déflecteurmétallique
Lèvre en élastomère
Graisse
Entrée de pollution
bout de lèvre :
zone polie
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
129
Afin de déterminer l’influence des paramètres matériaux, la largeur de cette zone polie a été
mesurée et les données correspondantes sont regroupées dans le tableau suivant (Tableau 4).
éch. A E I LLjp (en µm) 50 200 100 250
Tableau 4 : Valeurs de Ljp pour chaque matériau (300h sans boue)
Dans un premier temps, on pourrait penser que la largeur de zone polie est directement reliée à la
taille de la zone de contact, définie par les propriétés mécaniques de l’élastomère (cf. II, p.102).
Or, par exemple, le matériau A ne semble pas avoir les meilleurs propriétés mécaniques et
pourtant c’est l’échantillon qui présente l’usure la plus faible (zone polie la plus étroite). Par
ailleurs, comme pour la 1ère lèvre, étant donné que l’on a affaire à de l’usure sans boue, la
dégradation thermomécanique évoquée précédemment doit être prise en compte et il semble
donc intéressant de regarder la tenue au vieillissement des échantillonset l’évolution des
propriétés mécaniques. Ainsi, nous pouvons constater que les matériaux E et L, qui présentent la
zone polie la plus large, semblent avoir de moins bonnes résistances à la rupture avant et après
vieillissement en présence de graisse, corroborant ainsi nos conclusions du paragraphe III.3.1.2.a).
b) DEFLECTEURS
Quelle que soit la durée de l’essai sur BFRE, aucune rayure significative n’a été observée
sur la surface des déflecteurs (un exemple est donné sur la Figure 41).
Figure 41 : déflecteur E usé 300h sans boue ; aucune rayure (ech.=10 µm)
Comme pour la 1ère système lèvre/déflecteur, on peut noter une surface de déflecteur qui semble
‘attaquée’. Encore une fois, nous pouvons nous poser la question de savoir si cela provient
effectivement d’une oxydation de la surface du déflecteur en acier inoxydable ou de dépôt
d’élastomère oxydée dans les irrégularités de la surface du déflecteur.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
130
III.3.2.2. Usure avec boue
a) LÈVRES
L’ajout de boue dans les essais sur BFRE a pour effet d’accélérer l’évolution des surfaces
des échantillons. En effet, un échantillon usé 200 heures avec boue a la même allure qu’un
échantillon usé 300 heures sans boue, notamment au niveau de la largeur de zone polie qui peut
même être supérieure et pour laquelle les différences entre matériaux semblent moins
prononcées.
Concernant l’évolution des faciès d’usure avec le temps d’essai, on distingue deux périodes :
- entre 200 heures et 300 heures, la Ljp augmente et quelques rayures apparaissent dans la
zone polie (cf. Tableau 5) ;
- à partir de 350 heures, une évolution catastrophique consistant en une augmentation de la
distribution des rayures dans la zone polie, mais aussi l’apparition de quelques rayures
supplémentaires dans la zone présentant encore des rainures de mise en œuvre (Figure 42).
Figure 42 : Joint A usé 350h avec boue ; rayures verticales présentes sur toute la surface (ech.=500µm)
ech.Ljp 200h (en
µm)Ljp 300h (en
µm)A 150 400E 200 400I 250 350L 300 400
Tableau 5 : Largeur de zone polie pour les échantillons usés avec boue 200h et 300h
La même tendance que pour la 1ère lèvre, quant à l’apparition des rayures et leur évolution, a
pu être constatée sur les clichés de la 2nde lèvre. Cependant, l’apparition des rayures semble plus
tardive ; on retrouve donc les mêmes mécanismes d’usure (abrasion avec formation de rayures)
mais avec un décalage temporel. Ce décalage provient à priori du temps nécessaire pour les
particules abrasives pour arriver à la 2ème lèvre.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
131
(i) Remarque :
Là encore quelques particularités ont pu être observées (cf. Annexe 3) :
- des rayures horizontales, semblant provenir de particules passant la lèvre en une seul fois,
- des fissures sur le joint A usé 300 heures,
- le bout de la lèvre I très usé,
- le joint E apparaissant comme totalement « poli » et avec de nombreuses rayures, mais
étant toujours étanche.
b) DÉFLECTEURS
En comparaison des observations sur les échantillons testés sans boue, la différence
principale réside dans la présence de séries de rayures (de dimension de l’ordre du µm), comme le
montre la Figure 43.
Figure 43 : déflecteur L usé 200h avec boue ; série de rayures (ech.=10µm)
En ce qui concerne l’évolution de l’usure avec la durée d’essai, pour les essais arrêtés à 200
et 300 heures, on a pu noter une zone de largeur à peu près constante, d’environ 0,3 mm,
présentant des séries de rayures.
A partir de 350 heures, une évolution catastrophique a pu être observée : elle se manifeste par
une augmentation de Ldr, une augmentation de la distribution des rayures et une augmentation de
leur profondeur, comme on le voit sur la Figure 44. Les résultats pour les différents matériaux
sont regroupés dans le Tableau 6, où la largeur de la zone rayée a été mesurée après 350h de test
pour deux séries d’essai.
ech.Ldr série1 (en
mm)Ldr série2 (en
mm)A 1.1 1.65E 0.5 XI 1.5 2L 1.4 1.2
Tableau 6 : tableau de largeur des zones rayées ; après 350h d’essai
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
132
Figure 44 : Déflecteur L usé 350h ; évolution catastrophique (ech.=200µm)
De ces observations des déflecteurs usés en présence de boue (antagonistes de la 2ème
lèvre), on peut noter une assez forte similitude avec les observations réalisées sur les déflecteurs
antagonistes de la 1ère lèvre. Ainsi, l’apparition des rayures d’abrasion se déroule en un processus
progressif, avec une augmentation en nombre et en taille avec la durée d’essai et une évolution
dramatique pour le joint à partir d’une certaine durée. Cependant, une différence notable a pu
être observée : l’absence totale de rayures de type 2 (grosses rayures de l’ordre de 10µm). Cela
signifierait que les grosses particules de boue (typiquement les grains de sable, de taille environ
100 µm) n’ont pas passé la première lèvre ou sont encore bloquées entre les deux lèvres dans la
graisse, alors que le système global (le roulement) a déjà perdu son étanchéité.
Remarque :
En plus des séries de rayures notifiées précédemment, la présence de quelques rayures obliques,
provenant du passage de particules non enchâssées, a été constatées (Figure 45).
Figure 45 : Déflecteurs usés 350h avec rayures obliques (ech.=200µm)
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
133
III.3.3 Conclusion des observations des systèmes usés
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’observation des systèmes testés
sans boue sur banc BFRE. Le mode principal d’usure rencontré lors de tels essais apparaît être
une dégradation thermomécanique, sous l’effet combiné de l’élévation de température dûe au
frottement et des efforts importants sur la lèvre. Cette dégradation engendre donc
vraisemblablement une post-réticulation et/ou une oxydation de l’élastomère, qui modifie le
profil global de la lèvre, mais aussi de manière plus intense l’extrémité de la lèvre, notamment la
zone de contact avec le déflecteur.
Ensuite, les observations par MEB et EDX des différentes séries de roulements testés sur
bancs avec boue ont permis de mettre en évidence différents comportements et de montrer que
la perte d’étanchéité de l’ensemble du joint se faisait en plusieurs étapes (Figure 46) :
+ En premier lieu, des particules de silice viennent à l’interface. Leur petite taille leur permet
de passer rapidement de l’autre côté de la 1ère lèvre. L’angle de contact entre la lèvre et le
déflecteur étant beaucoup plus faible du côté ‘‘entre-deux lèvres’’, ces particules peuvent rester
facilement coincées à l’interface. Sous l’effet de la pression, elles peuvent venir s’enchâsser à la
surface de la lèvre. Mais une partie peut aussi être entraînée vers la 2nde lèvre.
+ Les particules présentes à l’interface commencent à effectuer une usure par abrasion sur le
déflecteur. Dans la majorité des tests jusqu’à 300h, la graisse présente entre les deux lèvres du
joint conserve un aspect très propre. Même si des particules sont présentes à l’interface et
entraînent l’apparition de rayures, la boue ne pénètre pas encore de manière significative entre les
deux lèvres. De nombreuses rayures de petite taille (type 1) apparaissent sur le déflecteur.
+ Facilitées par la présence de ces petites rayures, des particules de plus en plus grosses
arrivent à l’interface. Selon leur taille, elles pénètrent plus ou moins loin dans la zone de contact.
+ Les premières petites particules arrivent à l’interface entre la 2nde lèvre et son déflecteur, et
commencent l’abrasion, comme précédemment pour la 1ère lèvre. Il est vraisemblable de penser, à
cette étape, qu’il ne s’agit pas seulement de silice présente dans la boue mais également des débris
de déflecteurs qui jouent le rôle de particules abrasives sur la 2nde lèvre.
+ La formation de rayures de plus en plus grosses (type 2) au niveau de la 1ère lèvre autorise
peu à peu des rentrées de pollution de plus en plus importantes dans la cavité entre les deux
lèvres. La graisse du joint I testé à 350h montre un aspect très sale, bien que la fonction
d’étanchéité soit encore assurée. La boue a donc pénétré dans la chambre entre les deux lèvres,
sûrement en quantité importante, mais n’a pas encore dépassé la 2ème lèvre. Par ailleurs, la
profondeur de la zone abrasée augmente et l’abrasion de la 1ère lèvre aussi. On peut donc
supposer que les particules à l’interface sont en nombre plus important et peuvent également
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
134
avoir des tailles plus importantes. Plutôt que de s’enchâsser dans la lèvre, celles-ci se contentent
de rouler entre les deux surfaces en contact, ce qui explique la disparition de la régularité des
rayures.
+ Les rayures de type 1 créés au niveau de la 2nde lèvre augmentent en nombre et en taille et
autorisent alors de plus en plus de pollution à pénétrer dans le roulement. Ainsi, le système perd
définitivement sa fonction d’étanchéité avant même que les grosses particules abrasives, si elles
sont passées entre les 2 lèvres, aient pu arriver à la 2nde lèvre et créer des rayures de type 2.
Figure 46 : Schéma de synthèse des différentes étapes de la perte d’étanchéité du joint
D’autre part, d’autres points peuvent être soulignés au vu de ces résultats :
Tout d’abord, il a été conclu que les deux lèvres avaient les mêmes processus d’usure, mais
avec un décalage temporel du fait de la géométrie du système. Par conséquent, on peut considérer
que les résultats trouvés sur la 1ère lèvre seraient identiques sur la 2ème, ainsi l’étude peut se
concentrer seulement sur la 1ère lèvre pour effectuer des mesures complémentaires.
Il est à noter ensuite qu’il ressort de ces essais sur banc BFRE que les matériaux testés, avec
différentes quantité ou nature de charges, offraient très peu de différence en terme de tenue à
l’étanchéité. D’autre part, au niveau de l’usure engendrée, les seules différences nettes entre
matériaux l’ont été pour le mode d’usure sans boue, ne mettant en jeu que la dégradation
thermomécanique. Ainsi, les matériaux présentant de meilleurs résistances à la rupture après
vieillissement en présence de graisse semble être également ceux qui montrent le moins d’usure.
En ce qui concerne les charges claires, nous arrivons tout de même à la conclusion, qu’en terme
d’usure engendrée, leur apport n’est pas bénéfique, comparé aux Noir de Carbone. Au vu des
caractéristiques mécaniques des différents matériaux, il aurait été intéressant d’étudier plus en
détails le matériau M, qui possède également des charges claires mais avec un agent de couplage,
ce qui aurait, on peut le supposer, certainement amélioré sa résistance à l’usure.
Enfin, il faut rappeler ici qu’une évolution globale de la forme de la lèvre, résultant de la
post-réticulation engendrée par la dégradation thermomécanique, a été observée. On peut donc
supposer une éventuelle évolution des propriétés mécaniques du joint au cours de l’usure. Cette
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
135
évolution est donc à confirmer par le biais de caractérisations mécaniques supplémentaires sur les
échantillons usés sur BFRE.
III.4. Evolutions des propriétés des lèvres
Afin de caractériser, dans un premier temps, l’évolution globale des propriétés
viscoélastiques au cours de l’usure, des mesures de spectrométrie mécaniques ont été réalisées sur
les lèvres usées sur BFRE. Puis, dans le but d’accéder à des valeurs plus locales du module, des
mesures de nanoindentation ont été pratiquées sur ces mêmes lèvres enrobées dans une résine.
III.4.1 Spectrométrie mécanique
Les lèvres des joints usés sur BFRE ont été testées sur un pendule de torsion spécifique de
manière à déterminer l’évolution globale des propriétés viscoélastiques avec le temps d’essai, en
présence ou non de boue. En effet, cet appareil autorise l’utilisation d’un échantillon de petite
taille (5x1x0,8 mm) découpé directement dans une lèvre, comme le montre la Figure 47.
Figure 47 : Schéma de la zone découpée dans la lèvre (rectangle rouge :largeur x épaisseur)
III.4.1.1. Usure sans boue
L’observation des différentes données obtenues (exemple sur la Figure 48 pour le matériau
E, on retrouve les autres courbes dans l’Annexe 4) nous amène à la conclusion que les propriétés
viscoélastiques varient peu avec le temps d’utilisation. L’intensité des pics de tan δ ne diminue
que faiblement et le module à la température ambiante augmente peu (Tableau 7). Ceci
correspond à une légère post-réticulation de l’échantillon ; ainsi, sous l’effet de l’élévation de
température dans le contact et/ou d’une oxydation de l’élastomère, la réticulation peut se
poursuivre et contribuer à rigidifier l’échantillon au cours de son utilisation. Les variations
observées sont toutefois faibles et n’ont a priori pas de grosses conséquences sur la tenue en
étanchéité du joint.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
136
0.001
0.01
0.1
1
170 190 210 230 250 270 290 310T (en K)
mod
ule
norm
alis
é (G
'/G' 0)
0.01
0.1
1
10tan δ
G' neufG' 200pbG' 300pbtand neuftand 200pbtand 300pb
Figure 48 : Joint E usé sans boue ; évolution des propriétés viscoélastiques
sans boue augmentation (%)A 200h 90
300h 115E 200h 10
300h 15I 200h 20
300h 50L 200h 0
300h 0400h 70
Tableau 7 : Récapitulatif des variations des modules caoutchoutiques (300K), sans boue
Nous pouvons tout de même nous interroger sur le cas particulier du matériau A qui
semble évoluer de manière beaucoup plus signficative que les autres échantillons, en terme de
module caoutchoutique. Pourtant, il ne semblait pas présenter un caractère porté vers l’évolution
de ses propriétés lors des tests préliminaires réalisés sur les échantillons vieillis thermiquement, ni
lors des mesures réalisées sur l’usure observée.
III.4.1.2. Usure avec boue
L’évolution des propriétés viscoélastiques est plus importante que dans le cas de l’usure
sans boue, et ce pour tous les échantillons (exemple du matériau E sur la Figure 49, les autres
courbes sont en Annexe 4). Ainsi, nous pouvons noter une augmentation globale du module
caoutchoutique (Tableau 8) avec le temps d’usure, ainsi qu’un léger décalage du pic de tan δ vers
les plus hautes températures, associé à une légère baisse des maxima et à une faible diminution de
la largeur des pics. On peut donc faire l’hypothèse que l’élastomère continue de réticuler au cours
de l’usure, du fait d’une dégradation par oxydation.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
137
0.001
0.01
0.1
1
170 190 210 230 250 270 290 310T (en K)
mod
ule
norm
alis
é (G
'/G' 0)
0.01
0.1
1
10
tan δ
G' neuf
G' 200b
G' 300b
tand neuf
tand 200b
tand 300b
Figure 49 : Joint E usé avec boue ; évolution des propriétés viscoélastiques
En ce qui concerne l’influence des paramètres matériaux, nous pouvons constater dans le
Tableau 8 que les matériaux A et I semblent présenter les évolutions les plus significatives. Cela
apparaît encore une fois comme légèrement contradictoire avec les caractéristiques mécaniques
de ces matériaux en terme de vieillissement. Par ailleurs, on peut également constater un
comportement proche pour les joints de type E et L : le module évolue peu, que ce soit avec
boue ou non. Cepedant, ceci peut trouver une explication dans le fait que ces matériaux
présentent une usure plus importante et plus rapide, et donc n’ont certainement pas le temps
d’évoluer de manière significative, contrairement aux joints A et I qui montre une usure moindre.
avec boue augmentation (%)A 200h 170
300h 250E 200h 35
300h 55I 200h 45
300h 175L 200h 30
300h 60400h 75
Tableau 8 : Récapitulatif des variations de module caoutchoutique (300K), avec boue
III.4.2 Mesures de nanoindentation
Cette technique a été utilisée dans le but de déterminer les propriétés du joint d’une
manière plus locale. Il est ainsi possible de regarder l’évolution du module en fonction de la
distance à la zone de contact ou de la profondeur dans le joint.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
138
Il faut préciser ici que seul le joint de type I a été étudié dans cette partie, au regard de la
présence ou non de boue lors du test et de la durée d’essai sur BFRE. Effectivement, lors de
l’usure sans boue, il s’agit du matériau présentant le moins d’usure et on peut donc supposer que
si on note une augmentation du module pour ce matériau, elle sera supérieure pour les autres
matériaux. De plus, lors des tests avec boue, tous les matériaux présentaient une usure quasiment
identique.
III.4.2.1. Procédure expérimentale
Les tests de nanoindentation ont été réalisés suivant la méthode simple décrite au Chapitre
2, III-2. Une précision sur les notations utilisées au cours de cette étude doit être faite. En effet,
les essais ont été réalisés avec des conditions aux limites différentes, suivant les informations
recherchées : valeurs éloignées du bord de contact, permettant l’utilisation d’indents relativement
profonds assurant une bonne reproductibilité des mesures, ou valeurs proches du bord
nécessitant l’utilisation d’indents à faible enfoncement, au détriment de la reproductibilité. Ainsi,
une notation particulière a donc été employée suivant la condition limite utilisée : E1 représente la
valeur du module mesurée avec des indents de 1 µm d’enfoncement maximal, pour les essais
réalisés proches du bord ; alors que E5 et E10 correspondent à des essais réalisés avec des Fmax de
5 mN et 10 mN (correspondant à des essais à enfoncement de 7 µm à 17 µm), pour les essais
réalisés à cœur du matériau. Dans tous les cas, il a été vérifié que les valeurs de modules
pouvaient être comparées de manière qualitative aux valeurs du module d’un échantillon neuf, par
exemple.
III.4.2.2. Résultats expérimentaux
a) QUELQUES POINTS DE REFLEXION AVANT L’ETUDE DES RESULTATS
Nous venons de voir que pour obtenir des résultats précis, avec une bonne reproductiblité,
durant nos essais de nanoindentation, il vallait mieux utiliser des enfoncements importants.
Lorsqu’il s’agit d’effectuer des mesures au cœur même de la lèvre, c’est-à-dire assez loin du bord
de celle-ci, cela ne pose pas de problème particulier.
Cependant, lorsque l’on désire se rapprocher du bord de contact, à l’extrémité de la lèvre, cela
devient plus délicat. En effet, on travaille avec un enrobage rigide et des échantillons mous (les
joints en élastomères sont montés dans de la résine en PU rigide) ; on n’échappe donc pas au
phénomène d’effet de bord (modélisation de cet effet de bord par R. Gaertner, GEMPPM,
communications privées). Ce phénomène est représenté sur la Figure 50.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
139
rigide mou Figure 50 : Représentation du phénomène d’effet de bord
Lorsqu’un indent est réalisé dans un matériau mou, le volume impliqué dans la mesure est
compris dans une demi-sphère d’influence de rayon de 7 à 10 fois le rayon de contact équivalent
[Cameron, 1967]. Ainsi, si l’indent est réalisé proche de l’interface entre les deux matériaux, la
réponse mesurée est une réponse combinée des propriétés du matériau mou et des propriétés du
matériau rigide. De plus, le transfert de contraintes, donnant la réponse des matériaux, est
fortement dépendant de la qualité de l’interface, qui elle-même dépend du soin pris pour
l’enrobage et le polissage. Par conséquent, dans l’hypothèse de propriétés constantes dans toute la
lèvre, la courbe de module obtenue aurait l’allure de la courbe du bas de la Figure 51, avec la
présence d’une augmentation ‘artificielle’, due à l’effet de bord, pour des indents proche du bord.
En outre, dans l’hypothèse émise sur l’évolution des propriétés du matériau lors de l’usure, on
suppose que l’on est en présence d’un gradient de propriétés dans la lèvre depuis la zone de
contact avec le déflecteur jusqu’au cœur de la lèvre. Il faudra donc s’assurer que l’évolution
constatée par nos mesures n’est pas due à l’effet de bord.
Par conséquent, l’ensemble des effets agissant sur nos mesures de nanoindentation (effet de bord,
gradient de propriété) sont regroupés sur la Figure 51.
gradient de propriété
effet de bord
E
dist. bord
à cœur
Figure 51 : Représentation schématique de l’évolution du module E avec la distance au bord ;
effet de bord et gradient de propriétés
Une première série de mesures sera réalisée ‘à cœur’ avec des Fmax de 5 et 10 mN pour réduire la
dispersion des mesures. Nous ne devrions observer aucun gradient, seulement des valeurs de
module variables selon les conditions de sollicitations tribologiques.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
140
En ce qui concerne les deuxièmes séries de mesure, plus proche du bord et avec des profondeurs
d’enfoncement de 1 µm, elles devraient permettre de mettre en évidence un gradient de module
en se rapprochant du bord de contact. Cependant, les résultats des mesures réalisées dans la zone
d’influence de l’effet de bord ne seront pas prises en compte, pour éviter la confusion.
b) ETUDE DES MATÉRIAUX ‘’à CŒUR’’
Les séries d’indents réalisées sur les lèvres sont représentées sur la Figure 52. Deux séries
ont été pratiquées : l’une avec Fmax=5mN et des indents séparés d’une distance au bord de 40 µm
à 100µm, servant à déterminer si les valeurs de modules sont constantes dans cette zone ; l’autre
avec Fmax=10 mN et des indents espacés de 100µm (d’une cinquantaine de microns du bord de
contact jusqu’au cœur de la lèvre), afin de déterminer avec précision ce qu’on appellera le module
‘à cœur’ des lèvres neuves et usées.
350 µm
Neuf
Figure 52 : Représentation schématique de la série d’indents ( ) pour l’étude à coeur (lèvre neuve)
La synthèse des résultats relatifs à la première série de mesures réalisées sur les lèvres est
représentée sur la Figure 53. La première conclusion que l’on peut tirer de ces mesures est que,
pour une distance au bord supérieure à 40 µm, les valeurs de module peuvent être considérées
comme constantes. Ainsi, pour une étude plus locale des modules visant à confirmer la présence
d’un gradient de module, il ne sera pas nécessaire de s’éloigner de plus de 40 µm du bord, et l’on
pourra donc utiliser des enfoncements plus faibles pour réaliser une cartographie plus locale.
0
10
20
30
40
50
60
70
40 60 80 100distance au bord (µm)
E5 (
MPa
)
300h avec boue
200h avec boue
Neuf
Figure 53 : Evolution du module avec la distance au bord (distance > 40µm)
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
141
Afin de préciser l’évolution des propriétés engendrée par l’usure, on peut s’intéresser
maintenant qualitativement aux valeurs des modules ‘à cœur’ pour nos échantillons testés sur
BFRE. Les valeurs des modules obtenues en nanoindentation dans la seconde série d’indents,
ainsi que celles obtenues précédemment en spectrométrie mécanique, sur les différents
échantillons neufs et usés sont regroupées dans le Tableau 9 :
Pendule
E 10 (MPa) augmentation/Neuf (%)
augmentation/ Neuf (%)
Neuf 17.2 / /300h sans boue 25.2 47 50200h avec boue 31.6 84 60300h avec boue 35.6 107 165
Nanoindentation
Tableau 9 : Synthèse des résultats sur l’évolution du module – étude globale (joint I)
Ces résultats peuvent être analysés selon 3 aspects :
◊ comparaison avec les résultats fournis par la spéctrométrie mécanique : on note bien la même tendance
pour les résultats des deux tests ;
◊ influence de la présence de boue : pour les échantillons usés avec boue, on observe une
augmentation du module plus importante que celle pour les échantillons usés sans boue (à durée
d’essai égale) ;
◊ influence du temps d’usure : plus le temps d’essai sur BFRE a été long, plus la valeur du module
est élevée ;
En conclusion, on notera une évolution à cœur et globale des propriétés des échantillons,
selon la présence ou non de boue et la durée du test BFRE.
c) ETUDE LOCALE (distance au bord < 40 µm)
De manière à compléter ces résultats et à mettre en évidence le gradient éventuel de
module en se rapprochant du bord, des séries d’indents plus locales ont été pratiquées sur nos
échantillons. Pour cette étude locale, des indents avec hmax=1 µm (enfoncement) ont été pratiqués
pour des distances au bord de contact allant de 5 µm à 40 µm (distance minimale des essais à cœur) (cf.
Figure 54).
On ne considérera que les valeurs de module obtenues pour des distances au bord de
contact supérieures à 10 µm (rayon de la sphère d’influence d’un indent d’une profondeur de 1
µm). En effet, pour des distances plus proche du bord, il est trop difficile de dissocier l’influence
de l’effet de bord, de l’influence d’un gradient éventuel de propriétés.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
142
40µm
Figure 54 : Positions des indents pour l’étude locale (schéma d’une lèvre usée 300h avec boue)
L’ensemble des résultats obtenus avec les différents échantillons est regroupé sur la Figure 55.
0
50
100
150
200
5 10 15 20 25 30 35 40distance au bord (µm)
E1 (
MPa
) I neuf
I 300h avec boue
I 200h avec boue
I 300h sans boue
Figure 55 : Evolution du module avec la distance au bord – étude locale
Ces résultats appellent plusieurs remarques :
Tout d’abord, il faut rappeler ici que, pour des distances au bord supérieures à 40 µm, les
valeurs de module ont été trouvées constantes, pour tous les échantillons ;
L’échantillon Neuf ne présente pratiquement aucun gradient pour des indents plus proches
du bord ; même si on note un faible effet de bord au-dessous de 10 µm.
Au contraire, pour les échantillons usés, on observe un gradient de propriété ; plus on se
rapproche du bord de contact, plus le module est élevé. De plus, la comparaison de ces
gradients en relatif (valeurs normalisées par rapport à la valeur constante du module à 40 µm),
amène la remarque qu’ils semblent quasiment identiques. Ainsi, les écarts entre échantillons,
de plus en plus importants en se rapprochant du bord, proviennent principalement des
valeurs de module ‘à cœur’ différentes ;
Enfin, on retrouve bien les différentes évolutions des valeurs de module observées dans
l’étude globale ; pour une distance au bord donnée, le module augmente : quand l’essai est
réalisé en présence de boue ou quand la durée de l’essai augmente.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
143
III.4.2.3. Conclusions sur les mesures de nanoindentation
Grâce à ces essais de nanoindentation, l’évolution du module en fonction des paramètres
du test tribologique (temps et présence de boue) a pu être analysée. Les résultats confirment
l’hypothèse de l’augmentation du module avec la présence de boue et la durée d’essai, vérifiée
également avec les mesures de spectrométrie mécanique.
En plus de l’évolution globale du module de la lèvre lors de l’essai, nous avons réalisé une analyse
plus précise pour détecter une évolution locale du module dans les échantillons, à proximité du
bord de contact. Nous avons retrouvé, à une distance au bord donnée, les mêmes variations du
module avec la présence de boue et la durée d’essai, que précédemment. De plus, il apparaît que
l’usure des joints entraîne l’apparition d’un gradient de module à proximité du bord de
l’échantillon. Même si la réalisation expérimentale de la mesure ne permet pas d’avoir des
résultats significatifs dans une zone très près du bord (à moins de 10 µm), il n’en demeure pas
moins que la présence de ce gradient est clairement mise en évidence : plus on se rapproche du
bord, plus le module est élevé. Enfin, le gradient semble être le même pour tous les échantillons
usés ; le module atteignant près du bord une valeur double de celle ‘à cœur’.
Il faut d’ailleurs signaler que la présence d’un tel gradient de module entre bord et le cœur
de l’échantillon du fait d’une oxidation du matériau a déjà été mis en évidence, notamment par
[Celina, Wise et al., 1998]. Dans leur étude des profils d’oxidation de caoutchoucs nitrile, vieillis
thermiquement à divers température, ils ont ainsi pu mettre en évidence, en plus d’un gradient
d’oxidation, la présence d’un gradient de module entre le bord de l’échantillon, fortement vieilli,
et le cœur, quasiment indemne.
D’une manière plus générale, il apparaît de ces essais que la nanoindentation est un moyen
d’investigation efficace pour étudier les propriétés proches de la surface de contact, comme pour
les joints en élastomères chargés par exemple.
III.4.3 Analyses complémentaires
Afin de compléter ces résultats, des analyses infrarouge ont été effectuées par la société
Paulstra. Ainsi, pour tous les échantillons, on observe une oxydation de la surface avec apparition
de produits hydroxyles, carboxyliques et carboxylates. Par ailleurs, ce phénomène est plus marqué
pour les joints testés sans boue. La présence de la boue semble donc permettre à ces produits
d’oxydation de s’évacuer par l’usure des lèvres engendrée, comme le confirme l’absence
d’augmentation de la quantité de produits formées avec la durée de l’essai.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
144
III.5. Conclusions générales sur les mécanismes d’usure mis
en jeu lors de l’utilisation des joints et sur l’influence du
paramètre ‘charges’
Toutes ces observations et mesures sur les joints utilisés en conditions réelles nous ont
permis d’acquérir de nombreuses connaissances quant à leur comportement.
Dans un premier temps, par le biais de diverses caractérisations, on a pu noter les différents
effets que pouvaient avoir le taux de charges, la surface spécifique des charges ou encore la nature
des charges sur les propriétés des élastomères. Ainsi, nous avons observé une augmentation des
propriétés viscoélastiques dans leur ensemble due à une augmentation du taux ou de la surface
spécifique des charges, une évolution des propriétés aux grandes déformations et à la rupture
également ; toutes ces variations de propriétés mécaniques trouvant une explication dans les
études présentées dans le Chapitre 1.
Ensuite, cette étude a permis de déterminer le mécanisme d’usure des joints sollicités en
conditions réelles (avec boue) ; il est basé sur une abrasion régulière des surfaces antagonistes par
un 3ème corps (particules de boue et éventuellement débris de déflecteurs). Nous avons ainsi pu
mettre en place un scénario d’endommagement reprenant toutes les grandes étapes de ce
mécanisme.
En plus de cette usure par abrasion, les lèvres sont également sujettes à une dégradation
thermomécanique. Sous l’effet combiné de la température et des contraintes, les lèvres en
élastomères subissent une oxydation, et il en résulte une post-réticulation. Cette augmentation du
nombre de nœuds du réseau de l’élastomère a pour conséquence une augmentation du module de
la lèvre, que ce soit à l’échelle globale de la lèvre entière, ou que ce soit à une échelle plus locale
avec une augmentation plus importante en absolu vers l’extrémité au contact, certainement due à
une élévation de température plus importante au contact.
Enfin, la trop grande dispersion des résultats empêche de conclure sur l’influence des
charges et de leurs caractéristiques sur les performances tribologiques relatives des différents
élastomères. Ainsi, comme on l’a vu, tous les échantillons testés présentent des résultats voisins à
la tenue en étanchéité. De plus, même si quelques pistes ont pu être proposées, notamment en
terme de tenue au vieillissement, il nous semble fort difficile de déterminer des corrélations
claires entre les caractéristiques tribologiques et les propriétés mécaniques étudiées
précédemment ; les matériaux étant de toute évidence trop proches.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
145
IV. Influence de la matrice sur la tenue des joints testés
en conditions réelles
Nous avons pu mettre en évidence dans la partie précédente les différents mécanismes
d’usure rencontrés lors de l’utilisation des joints d’étanchéité dans des conditions quasi-réelles.
Cependant, nous n’avons pas noté de différences de comportements quant à la tenue à
l’étanchéité ou quant aux mécanismes mis en jeu entre les différents matériaux étudiés, dont le
paramètre variable était les charges.
Ainsi, cette seconde partie de notre étude nous amène à étudier l’influence d’autres paramètres
matériau sur le comportement tribologique sur banc réel de nos élastomères chargés : la
composition et la préparation de la matrice.
En effet, des joints ont été préparés avec les matériaux nommés A_240, A_120 et O_240, puis
montés dans des roulements, testés sur le banc BDJE au sein de la société SNR, démontés et
analysés. Nous obtenons ainsi des informations sur la tenue en étanchéité, sur l’usure engendrée
par de tels tests (observations des parties antagonistes), de même que sur l’évolution des
propriétés viscoélastiques des lèvres.
IV.1. Rappels sur les matériaux de l’étude
Les matériaux testés présentant une modification de la matrice sont regroupés dans le Tableau 10.
O
Temps Vulcanisation (185°C) 120s 240s 240s
Tg (°C) -33 -28 -13
A
Tableau 10 : Données caractéristiques des matériaux de l’étude A_120, A_240 et 0_240
Pour rappel (les différentes caractéristiques de ces matériaux sont regroupés dans le Chap.2_II.1.2 et II.1.3), le
matériau A_240 sert de base ; il est d’ailleurs le plus proche de la formulation industrielle
standard. Le matériau A_120 présente une sous-réticulation et le matériau 0_240 présente un taux
d’ACN plus élevé, et donc une température de transition Tg plus haute également (∆Tg ≈ 15°).
IV.2. Le banc d’essai BDJE
Ce type d’essai, développé au sein de la société SNR, vise à déterminer la durée de vie en
étanchéité des joints montés dans les roulements à billes (banc postérieur au BFRE). Le choix de
ce banc pour cette deuxième série de mesure s’est fait au regard des informations
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
146
complémentaires qu’il apporte vis-à-vis du banc BFRE. Effectivement, sur ce type de banc l’essai
s’arrête lorsque la perte d’étanchéité est détectée, ainsi nous disposons d’une valeur précise de la
durée de vie du roulement.
Un ensemble du roulement à bille, comprenant notamment l’ensemble lubrifié avec de la graisse
standard (MOBIL XHP 103), est directement monté sur ce banc qui comprend un arbre en
rotation à 1000tr/min (1m/s). L’interférence a été choisie entre 0,5 et 0,55mm pour limiter la
durée des essais qui avoisine les 200h à 400h. Le tout est ensuite immergé dans un bain de boue
comprenant 100g de sable d’Arizona et 5g de sel pour un litre d’eau. Seul un des 2 joints du
roulement est au contact de la boue, l’autre sert de référence. Un détecteur de perte d’étanchéité
est placé juste derrière l’ensemble joint, afin de détecter le moment où les deux lèvres ne jouent
plus leur rôle ; l’essai est alors arrêté. En tout, 5 essais par matériau ont été réalisés.
IV.3. Résultats de la tenue en étanchéité
Dans la plage d’interférences utilisée pour ces essais sur banc BDJE (0,5-0,55 mm), il n’y a
pas de corrélation nette entre la durée de vie et la valeur de l’interférence ; c’est pourquoi nous
allons considérer la moyenne des durées de vie mesurées pour chaque matériau (Figure 56).
Figure 56 : Durée de vie moyenne en étanchéité pour les 3 matériaux
Il apparaît alors que les matériaux A_240 et A_120 présentent des durées de vie comparables, la
faible sous-réticulation du A_120 jouant un rôle minime sur ces essais. Cependant, on peut noter
une grande différence de tenue en étanchéité entre le matériau A_240 et le matériau O_240, qui
est nettement moins performant, d’un facteur 2 quasiment.
IV.4. Observations des surfaces d’usure
Les observations des surfaces d’usures des différents joints testés sur BFRE ont été
réalisées après démontage, au sein de la société SNR. L’ensemble des clichés des lèvres avec leur
déflecteur antagoniste, pour tous les tests sur les 3 matériaux, sont représentés ci-dessous :
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
147
Figure 57 : Clichés des lèvres et déflecteurs usés sur BDJE pour le A_240 (haut) et le O_240 (bas)
Tous ces clichés, ainsi que ceux du A_120, se retrouvent en plus grand format dans l’Annexe 5
On peut alors remarquer que, pour un même matériau, la tenue à l’étanchéité et l’usure sont
légèrement dispersées. Globalement, quelques grandes tendances se dégagent tout de même.
Il semble que lorsque la lèvre frontale présente une usure progressive, le déflecteur présente
également une forte usure. A contrario, quand la lèvre ne paraît pas usée, l’antagoniste ne l’est pas
non plus (Figure 57). Cette remarque est également valable pour la lèvre radiale.
Concernant l’aspect ‘matériau’, il faut noter que les lèvres préparées à partir des matériaux A_120
et A_240 présentent en majorité une usure assez importante. Alors que, dans la quasi-totalité des
cas, les lèvres du matériau O_240 sont très peu usées, mais présentent une déformation en bout
de lèvre, comme nous l’avons déjà pu observé surtout sur les lèvres testés sans boue, lors de
l’étude précédente. Il faut par ailleurs souligner que les essais sont stoppés dès que la perte
d’étanchéité est constatée, ce qui signifie que l’usure observée n’a pas été obtenue pour des temps
de frottement identiques. Cependant, il y a de très fortes chances, au vu des résultats précédents
sur les essais BFRE, que, même pour des essais de 200 ou 300h, le matériau A_240 présente déjà
une usure significative. Ceci pourrait être vérifié en réalisant une campagne d’essais sur des joints
A_240 et en arrêtant les essais après des durées équivalentes à la durée de vie des joints O_240
(200-250 h environ).
A.240 JTn°1 DFn°4
Détection à 483 H
A.240 JTn°4 DFn°3
Détection à 321 H
A.240 JTn°5 DFn°5
Détection à 527 H
0.240 JTn°11 DFn°11
Détection à 237 H
0.240 JTn°14 DFn°14
Détection à 187 H
O.240 JTn°12 DFn°12
Détection à 275 H
A.240 JTn°2 DFn°1
Détection à 368 H
0.240 JTn°15 DFn°13
Détection à 260H
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
148
En résumé, le matériau A_240 présente une tenue en étanchéité 2 fois plus longue que le
matériau O_240, mais s’use beaucoup plus ; le matériau O_240 ne présentant généralement que
très peu d’usure des systèmes lèvre/déflecteur, mais une déformation significative de l’extrémité
de la lèvre, caractéristique de la dégradation thermomécanique évoquée dans le paragraphe
précédent (p.117). Il semblerait que la tenue à l’usure et l’étanchéité soient deux propriétés
antagonistes, nécessitant un compromis pour leur optimisation respective.
IV.5. Caractérisations complémentaires : évolutions des
propriétés ?
Dans la partie précédente, il a été noté une évolution des propriétés, notamment de la
viscoélasticité, des joints en élastomères chargés, lors de l’usure en conditions quasi-réelles. Par
conséquent, des caractérisations complémentaires (DSC et spectrométrie mécanique) ont été
réalisées sur les joints en A_120, A_240 et O_240, afin de confirmer cette évolution sur ces
matériaux.
IV.5.1 Analyse thermique
Plusieurs échantillons d’une vingtaine de milligrammes ont été prélevés à l’extrémité des
lèvres usées. Ces échantillons, placés dans une capsule de DSC, sont soumis au protocole
suivant : une mise en température à -60°C, puis un plateau de 10 mn à cette température, et enfin
une montée à 5°C/mn jusque 40°C. Par l’analyse de l’évolution de la capacité calorifique
massique, on détermine la Tg du matériau.
Les tests pratiqués sur les lèvres usées en BDJE n’ont permis de détecter aucun évolution notable
de la température de transition vitreuse Tg avec l’usure, éventuellement du fait du manque de
précision d’un tel test vis-à-vis des variations de propriétés supposées.
IV.5.2 Spectrométrie mécanique
Comme on a pu le noter précédemment, un des appareils de spectrométrie mécanique
développés au GEMPPM autorise la caractérisation d’échantillons de petites tailles, telles que les
lèvres, ou extrémités de lèvres, de joint d’étanchéité. Ainsi, on a pu s’attacher à étudier l’évolution
des propriétés viscoélastiques de nos lèvres A_240 et O_240 usées sur BDJE.
Concernant le protocole particulier de ces essais, les échantillons ont été sollicités en torsion à
une fréquence de 0,1 Hz lors d’une montée en température de 173K à 353K à 1K/mn.
En ce qui concerne la découpe des échantillons, nous avons appliqué le même principe, expliqué
précédemment p.135, que pour les échantillons testés sur BFRE. De plus, des essais ont été
réalisés également sur des échantillons de la même lèvre de largeur plus faible (correspondant à
une portion de lèvre plus proche de l’extrémité) et nous n’avons obtenu que des différences
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
149
faibles en terme de position du pic de tan δ et de module caoutchoutique, certainement du fait de
la limite de résolution de l’appareil. Ainsi, nous étudions ici l’évolution globale des propriétés de
la lèvre, quelle que soit la largeur de l’échantillon.
IV.5.2.1. Comparaison des échantillons neufs
0.001
0.01
0.1
1
210 230 250 270 290 310Température (K)
G' (
GP
a)
0.01
0.1
1
10
tan δ
G' AG' Otan Atan O
Tα = 251,9 KTα = 264,6 K
(O)
(O)
(A)
(A)
Figure 58 : Evolution des propriétés viscoélastiques avec la température ; éch. neufs A_240 et O_240
Dans un premier temps, en observant les valeurs des maxima de tan δ (température de
relaxation α, Tα), on retrouve bien à peu près les 15° d’écart prévus initialement lors de la
formulation, et observés également en DSC sur la Tg.
De plus, en se plaçant à température ambiante T≈298K, on peut noter des valeurs de module G’
et de tan δ supérieures pour le O_240. Ainsi, on peut affirmer qu’à température ambiante, les
lèvres de O_240 sont plus rigides que celles du A_240 et dissipent plus. De plus, si l’on se place à
des fréquences plus élevées (plus proches de celles rencontrées dans le système réel), ce qui
équivaut à se décaler vers des températures plus basses du fait de l’équivalence temps-
température, les différences entre les matériaux sont encore plus nettes.
IV.5.2.2. Comparaison des lèvres usées
Les propriétés viscoélastiques des lèvres neuves testées sur BDJE présentent moins de
différences que celles observées pour les joints testés sur BFRE. De plus, concernant la
température au pic de tan δ, les variations dues à une évolution des propriétés viscoélastiques
sont assez faibles (∆T≈1K environ), et même parfois proches de la résolution de l’appareil.
Cependant, des différences plus ou moins importantes de module caoutchoutique peuvent être
observées. D’ailleurs, les échantillons O_240 présentent toujours la différence la plus élevée, et
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
150
comme on peut le voir sur la Figure 59, le module caoutchoutique d’une lèvre usée peut
représenter le double de celui de la lèvre neuve. Concernant les échantillons A_240, aucune
évolution significative n’a été observée.
0.001
0.01
0.1
1
220 240 260 280 300 320Température (K)
G'/
G' 0
0.01
0.1
1
10
tan δ
G'/G'0 neufG'/G'0 usétan neuftan usé
Figure 59 : Comparaison de l’évolution du module G’ et de tan δ ; éch. O_240 neuf et usé
Il a été noté auparavant que, en général, les lèvres de O_240 présentent peu d’usure et sont
moins performantes en étanchéité, ; on sait maintenant aussi qu’elles se rigidifient au cours du
test sur BDJE. A contrario, les lèvres en A_240, présentant une usure marquée, n’évoluent que
très peu de manière globale ; si évolution il y a, elle doit être plus locale, et l’on peut également
supposer que la partie de la lèvre qui évolue le plus doit être arrachée lors de l’usure.
Les divergences de conclusions auxquelles nous avons abouti après les mesures de
spectrométrie mécanique sur les lèvres testées sur BFRE et sur BDJE peuvent trouver une
explication dans les différences existant entre les deux bancs d’essai. Par exemple, lors du test sur
BFRE, le joint est soumis à une projection de boue, alors que sur BDJE le joint est constamment
immergé dans un bain de boue. De cette façon, la chaleur inhérente au frottement peut être plus
facilement dissipée dans ce bain, ainsi l’élévation de température au niveau de l’élastomère est
moins marquée, donc la réaction d’oxydation sous contraintes (thermiques et mécaniques) est
moins importante, et en conclusion, la rigidification de la lèvre et le décalage de Tα sont moins
notables.
IV.6. Conclusions sur l’influence de la matrice
Des joints préparés à partir des matériaux A_240, A_120 (taux de réticulation plus faible) et
0_240 (Tg supérieure) ont été testés sur banc d’essais BDJE en conditions proches de la réalité
(montage constructeur et présence de boue). Sur ce type de banc, l’essai est arrêté lorsque le
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
151
système perd son étanchéité. Après les tests, les roulements sont démontés et les surfaces
frottantes antagonistes sont observées, puis des caractérisations physico-mécaniques sont
effectuées sur les lèvres.
Ainsi, l’influence des modifications de la matrice des élastomères chargés utilisés a pu être
analysée en terme de tenue à l’étanchéité, usure engendrée et évolution des propriétés engendrée.
Nous avons donc constaté, d’une part, pour le matériau A_240 une bonne tenue en étanchéité
malgré une usure marquée des lèvres et des déflecteurs ; alors que, d’autre part, le matériau
O_240 semble ne s’user que faiblement mais présente une tenue en étanchéité médiocre.
A partir de ces résultats, une réflexion nous amène à proposer une explication pour les
différences observées dans ce système d’étude.
Dans un premier temps, il est bon de rappeler que, au niveau des propriétés mécaniques des 2
matériaux, le module d’élasticité du O_240 est supérieur à celui du A_240, à température initiale
d’essai (température ambiante). On peut alors supposer que les différences de comportement
tribologique et de tenue en étanchéité proviennent d’une combinaison de facteurs.
En effet, la surface, conditionnant les propriétés tribologiques, va plutôt jouer sur l’usure
des lèvres ; alors que la rigidité, une propriété volumique, intervient plutôt au niveau de la
souplesse de la lèvre, donc des caractéristiques de contact avec le déflecteur, telle que la
répartition de pression en particulier, et par conséquent sur l’étanchéité de la lèvre.
Dans le cas du matériau A_240, de par la souplesse de la lèvre, on peut imaginer que celle-ci vient
réaliser au mieux son rôle d’étanchéité par une meilleure répartition de la pression dans la zone de
contact et sans doute une zone de contact plus importante. En contrepartie, au cours de sa vie,
cette lèvre va s’user plus facilement du fait d’une surface présentant une plus faible résistance. On
peut alors envisager que l’aire de contact et le profil de pression sont modifiés dans cette zone,
d’où la perte d’étanchéité qui intervient par la suite.
Dans le cas des joints composés du matériau O_240, en terme de tenue tribologique, sa surface
semble plus résistante. Cependant, à cause de son module d’élasticité plus important, la souplesse
de la lèvre est moindre, ce qui entraîne une répartition de pression moins bien équilibrée, dans
une zone de contact moins importante. De plus, on peut supposer également que la lèvre
s’accommode moins facilement aux fluctuations et aux débattements inhérents à l’utilisation du
roulement. Ainsi, les lèvres en O_240 remplissent de façon plus médiocre leur fonction
d’étanchéité et le roulement devient plus rapidement inutilisable. Cependant, une autre raison
peut être avancée pour expliquer l’apparente meilleure résistance à l’usure et la tenue en
étanchéité médiocre du O_240. En effet, nous avons décrit au début du chapitre l’influence que
pouvait avoir la notion d’interférence sur la tenue en étanchéité des joints. Pour le moment, cette
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
152
notion est décrite de manière indépendante des caractéristiques matériaux du joint. Seulement, on
pourrait considérer que, pour les matériaux A_240 et O_240 présentant des modules
caoutchoutiques allant du simple au double à l’état neuf, les courbes interférence/durée d’essai
s’en retrouvent peut-être décalées, vers des interférences plus faibles pour le O_240. Ainsi, en
positionnant les joints de O_240 à la même interférence que ceux de A_240, on ‘définit’ au
préalable des conditions de pression de contact différentes, engendrant dans le cas du O_240 une
tenue en étanchéité plus faible et des sollicitations inférieures conduisant à une apparente
meilleure résistance à l’usure.
En conclusion, les résultats indiquent seulement pour l’instant le problème d’interférence et
ne permettent pas de conclure sur la bonne résistance à l’usure du matériau O_240. Pour cela,
nous allons donc tester ces deux matériaux sur un banc tribologique classique, à paramètres
contrôlés, dans des conditions mieux définies et les mêmes pour nos deux matériaux.
V. Conclusions sur le comportement des joints en
conditions réelles
Dans ce premier chapitre de notre étude expérimentale, l’objectif était de déterminer et
d’analyser les différents mécanismes d’usure engendrés par l’utilisation des joints d’étanchéité
dans des conditions réelles. De plus, un examen de l’influence de différents paramètres matériau
des élastomères chargés (charges et matrice) a été réalisé pour compléter ces investigations.
Pour cela, des joints préparés par la société Paulstra, avec différentes séries de matériaux
ont été montés dans des roulements à billes, testés sur banc d’essais SNR (BFRE et BDJE), puis
analysés après essai. Diverses caractérisations ont été employées (observations microscopiques,
investigations physico-chimiques, mécaniques) afin d’acquérir une connaissance globale de nos
matériaux avant et après les tests d’usure.
Ainsi, à partir de tous les résultats obtenus et analysés, nous avons pu tirer plusieurs
conclusions principales de cette étude :
3 Dans un premier temps, ces analyses ont permis la détermination d’un mécanisme d’usure
des joints, basé sur une abrasion régulière des surfaces antagonistes (lèvre et déflecteur) par un
3ème corps ; un scénario d’endommagement a été proposé permettant de suivre pas à pas
l’évolution de l’usure et de la tenue en étanchéité du système ;
3 En complément à cette abrasion, nous avons pu mettre en évidence l’existence d’une
oxydation de la surface des lèvres, sous l’effet combiné de l’élévation de température et des
contraintes mécaniques imposées. Cette dégradation thermomécanique engendre une
évolution du module de la lèvre (rigidification), de manière globale ainsi que localement avec la
présence d’un gradient de propriétés mécanique vers le bord de contact ;
3 Enfin, concernant l’aspect matériau et l’influence de différents paramètres sur la tenue en
étanchéité et à l’usure, les conclusions sont les suivantes :
∑ Charges variables : aucune discrimination n’a pu être mise en évidence entre les
matériaux testés par ce type d’essais ; comme on l’avait déjà noté dans le chap.2, les
matériaux étudiés sont sûrement trop proches en terme de propriétés pour présenter
des comportements discriminants en tribologie ;
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
154
∑ Taux de réticulation variables : encore une fois, nous n’avons pu tirer de
conclusions précises sur l’influence en terme de tenue à ces essais particuliers entre
les matériaux présentant des différences de taux de réticulation, qui étaient elles-
même assez faibles ;
∑ Composition de la matrice variable : à contrario, dans ce cas précis, des
divergences ont été notées que ce soit à la tenue en étanchéité ou à la résistance à
l’usure ; le matériau semblant présenter la meilleure résistance à l’usure étant le moins
performant en étanchéité. Nous avons analysé ce point précis, et une explication a
ainsi été proposée.
Pour la suite de l’étude, il serait intéressant de s’appuyer sur des essais en laboratoire sur des
appareils à paramètres contrôlés, qui seraient plus ‘simples’ et plus progressifs, fournissant des
informations en continu. De plus, il semble notamment important de mieux comprendre les
différences de comportement observées entre les matériaux A_240 et O_240, afin de tenter
d’établir des relations entre leurs propriétés mécaniques et l’ influences que celles-ci pouraient
avoir sur le comportement tribologique. Par conséquent, la suite de cette étude sera concentrée
uniquement sur ces deux matériaux.
Chapitre 3 : Analyse des mécanismes d’usure des joints sur système réel
155
Références Bibliographiques
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Ramier, J. "Comportement mécanique d'elastomères chargés, influence de l'adhésion charge/polymère, influence de la morphologie." Thèse de doctorat. Ecole Doctorale Matériaux: INSA Lyon, 2004,
Reynaud, E. "Etude des relations Structure-Propriétés mécaniques de thermoplastiques renforcés par des particules inorganiques nanoscopiques." Thèse de doctorat. Ecole Doctorale Matériaux: INSA Lyon, 2000,
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