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CENTENAIRE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALELA BATAILLE D’AMIENS

Centenaire de la bataille d’Amiens

Cathédrale Notre-Dame d’AmiensLe 8 août 2018

Couverture : Des hommes de la 95e batterie de siège de l’artillerie de la garnison royale chargent un obusier de 233 mm près de Bayencourt pendant la bataille d’Amiens, le 8 août 1918. ©Imperial War Museum (Q 10377)

Toutes les informations données dans la présente publication sont correctes, à notre connaissance, à la date d’impression. Notre responsabilité ne saurait être engagée en cas d’omissions ou d’inexactitudes. Tous les efforts ont été mis en œuvre pour localiser et joindre les titulaires de droits.

Maquette par Park Studio.

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CENTENAIRE DE LA BATAILLE D’AMIENS

Cathédrale Notre-Dame d’Amiens

Le 8 août 2018

Son Altesse Royale le duc de Cambridge, KG, KT

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Je suis honoré d’être parmi vous, en cette magnifique cathédrale, pour commémorer le centenaire de la bataille d’Amiens.

Il y a cent ans, jour pour jour, les forces alliées de Grande-Bretagne, d’Australie, du Canada, de France et d’Amérique lancèrent une attaque surprise dont le retentissement sur le cours de la guerre serait déterminant. Revenues dans la ville qui donna son nom à la bataille, ces nations tiennent aujourd’hui à reconnaître son importance et à honorer la mémoire des combattants.

La bataille d’Amiens marqua un moment historique du conflit mondial qui, depuis quatre ans, infligeait des ravages sans précédent, semant la mort et la dévastation sur son passage. Un conflit qui n’avait épargné que très peu de populations dans le monde et semblait ne jamais vouloir s’achever. L’Armistice fut néanmoins signé trois mois après la bataille d’Amiens et, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois, les canons se turent.

La bataille d’Amiens – et les combats qui se poursuivirent durant l’été de 1918 – redonna espoir et optimisme aux Alliés après quatre longues années de carnage et d’impasse. Nous avons collectivement commémoré de nombreuses grandes batailles et campagnes de la Grande Guerre ; il importe que le succès de la bataille d’Amiens prenne sa juste place dans notre histoire commune.

Nous sommes réunis en ce jour pour reconnaître cette importance et pour rendre grâce à tous ceux qui contribuèrent à mettre un terme à la Guerre.

Mme Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

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Le gouvernement du Royaume-Uni, main dans la main avec les gouvernements de l’Australie, du Canada, de la France et des États-Unis d’Amérique, vous souhaite la bienvenue en ce jour de commémoration du centenaire de l’une des batailles les plus marquantes de la Première Guerre mondiale.

Forts de la réussite des opérations à la seconde bataille de la Marne les semaines précédentes, les Alliés poursuivirent sur leur lancée en adoptant certaines tactiques à Amiens : le secret et l’effet de surprise, la frappe aérienne ciblée menée par la Royal Air Force, l’organisation de l’attaque par étapes pour permettre le repos et le regroupement et, surtout, la coordination de la coalition militaire alliée. C’est ensemble, sous le commandement stratégique général du maréchal Foch, que les troupes britanniques, australiennes, canadiennes, françaises et américaines repoussèrent l’armée allemande. Cette avance décisive serait suivie par une « Offensive des cent jours » et aboutirait à la signature de l’armistice sur le front occidental.

En ce jour de commémoration, nos pensées se tournent vers les terribles épreuves traversées par les habitants de cette ville et des champs de bataille environnants, mais aussi vers les souffrances et le découragement immenses des troupes allemandes. Nous rappelons à notre souvenir, avec un profond respect, tous ceux qui combattirent dans les deux camps. Leur courage, leur héroïsme et leur talent rendirent possible ce que le monde attendait depuis si longtemps : le silence des canons.

1O DOWNING STREETLONDON SW1A 2AA

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En présence de :

Son Altesse Royale le duc de Cambridge

Le/La représentant(e) de la République française

Mme Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Son Excellence, M. Joachim Gauck, ancient président de la République fédérale d’Allemagne

L’honorable Seamus O’Regan, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale, du Canada

L’honorable Darren Chester, ministre des Anciens combattants, ministre du Personnel des forces armées et adjoint du Premier ministre pour le Centenaire de l’Anzac, Australie

Son Excellence Patricia O’Brien, ambassadrice d’Irlande en France

Son Excellence Jamie D. McCourt, ambassadeur des États-Unis en France

Les représentants des nations qui participèrent aux combats de l’été 1918 sur le front occidental

CETTE CÉRÉMONIE DE COMMÉMORATION EST ORGANISÉE PAR LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD, EN PARTENARIAT AVEC LES GOUVERNEMENTS D’AUSTRALIE, DU CANADA, DE FRANCE ET DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

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Allocution de bienvenue de l’évêque d’Amiens, Monseigneur Olivier Leborgne

« La paix soit avec vous. » C’est par ces premiers mots de Jésus ressuscité à ses disciples que commence habituellement la liturgie catholique quand elle est présidée par un évêque. « La paix soit avec vous ! » Il me semble que ces mots sont appropriés alors que nous nous retrouvons dans cette cathédrale pour nous souvenir de la bataille d’Amiens qui en 1918 a été décisive en vue de la victoire.

Je suis heureux de vous accueillir dans cette cathédrale, signe d’espérance en cette terre de Somme depuis bientôt huit cents ans. Je voudrais saluer tout particulièrement les représentants de nos alliés qui, venant pour certains de l’autre bout du monde, ont été essentiels pour mettre fin à la grande guerre. Des soldats de Grande-Bretagne et d’Irlande, d’Australie, du Canada, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud et des États-Unis d’Amérique sont venus se battre aux côtés de l’armée française. Ils ont fait le sacrifice de leur vie pour nous permettre de sortir de ce conflit désastreux. Il est important que nous puissions ensemble les honorer.

Je salue aussi les représentants de l’Allemagne qui nous ont rejoints. C’est tous ensemble que nous voulons construire l’avenir.

Car, nous ne sommes pas rassemblés dans cette cathédrale seulement pour nous souvenir. Notre présence ici, faisant mémoire de l’absurde qui a traversé la première guerre mondiale, est aussi un engagement résolu pour la paix. Nous le savons, celle-ci ne peut se construire que dans la justice et la vérité. Le sens de la mémoire est toujours tourné vers l’avenir qui appelle notre responsabilité.

Je vous souhaite une belle commémoration.

LA CÉRÉMONIE

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Lecture par Son Altesse Royale le duc de Cambridge

Je suis heureux de célébrer aujourd’hui avec vous ce grand centenaire, en cette cathédrale historique de Notre-Dame d’Amiens.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, Amiens s’est trouvée au cœur du conflit. Parce qu’elle fut très proche des lignes de front alliées durant la majeure partie du conflit, la présence de militaires dans ses rues, ses boutiques, ses cafés et ses hôtels devint vite normale. Des milliers de soldats s’y sentirent chez eux, loin de chez eux.

Amiens fut avant tout une ville de liaisons, sa voie ferrée assurant un lien vital entre Paris et le Nord. C’est ici que les armées de France et de l’Empire britannique se rejoignirent. Amiens rapprocha les Alliés.

Bon nombre de ses bâtiments furent détruits par les bombardements allemands d’avril 1918. Heureusement, cette magnifique cathédrale fut épargnée.

Pendant l’été 1918, elle servit de tremplin pour l’offensive qui mènerait les Alliés à la victoire sur le front occidental. Les armées française, américaine et britannique ayant fait reculer les Allemands à la seconde bataille de la Marne, tout était en place pour une riposte alliée coordonnée, dans le vrai sens du terme.

Ce qui débuta ici le 8 août fut l’œuvre d’une vraie coalition, sous le commandement stratégique du grand homme français que fut le maréchal Foch. Une bataille livrée de concert par les armées de nombreuses nations, conjuguant courage humain et ingénuité mécanique et aérienne. Le résultat fut dévastateur.

Amiens symbolisa l’entente cordiale, la coopération sans laquelle la victoire était impossible. Il est donc profondément approprié que cette même coalition internationale soit de nouveau réunie à Amiens en ce jour, aux côtés de notre ancien ennemi, dans un esprit de paix et de partenariat.

Il est également juste que nous soyons rassemblés ici, en ce lieu magnifique, si profondément gravé dans la mémoire de ceux qui combattirent. Après la guerre, une plaque commémorative fut posée par l’Imperial War Graves Commission « À la mémoire des 600 000 soldats des armées de la Grande-Bretagne et de l’Irlande tombés au champ d’honneur en France et en Belgique 1914-1918 ». D’autres plaques furent par la suite posées par les autres nations, à la mémoire de leurs morts. La chapelle des Alliés, où nous renouvellerons aujourd’hui les liens noués pendant la Grande Guerre, est le témoin immuable de l’attachement qui perdure entre ceux qui vinrent ici se battre il y a plus de cent ans et les Amiénois.

Nous revenons ici aujourd’hui pour entendre les récits de ceux qui vécurent cet été historique de 1918, pour honorer les morts de toutes les nations, pour commémorer tous ceux qui participèrent à cette grande entreprise, et pour célébrer les liens d’amitié qui unissent nos nations.

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AVANT LA BATAILLE

Lecture

Récit de Marguerite Comte, infirmière de la Croix-Rouge, décrivant l’atmosphère qui régnait à Amiens lors du passage de 11 000 réfugiés entre le 22 et le 27 mars 1918 rench reader

Le samedi 23 mars, l’inquiétude devient générale. La lecture des communiqués annonçant le recul progressif de l’armée anglaise, les réfugiés de plus en plus nombreux, lamentables, traversent la ville et affolent bon nombre d’Amiénois qui déjà s’apprêtent à partir […]. Le lundi 25 mars est une journée d’angoisse. Le matériel militaire des régions d’Albert, Bray, Chaulnes et Montdidier afflue sur Amiens, soit par chemin de fer, soit par camions automobiles qui roulent à toute vitesse et augmentent encore l’effroi des habitants d’Amiens qui assiègent littéralement les commissariats de police pour obtenir des sauf-conduits. Les banques de la ville se préparent fiévreusement à une évacuation éventuelle. Partout, c’est la panique […]. Au matin du 26 mars, les nouvelles qui circulent sont de plus en plus alarmantes.

Lecture

Récit d’un correspondant Havas, le 22 avril 1918

Quand je suis rentré dans Amiens, que j’avais vu il y a quinze jours, j’ai éprouvé tout de suite la même angoisse que j’avais ressentie, naguère, en pénétrant dans Arras et dans Armentières. J’ai eu immédiatement le pressentiment du désastre que j’allais contempler. Les fils électriques des tramways et les fils télégraphiques pendent lamentablement à travers les rues, un obus avait crevé une conduite d’eau que quelques braves s’efforçaient d’aveugler de place en place. Des chiens tués par des explosions ou abattus baignent dans leur sang. La belle promenade de la Hotoie était piquetée de trous de marmites. Chaque rue, chaque quartier avait 1, 2, 3 maisons effondrées au hasard d’une bombe d’avion ou d’obus.

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Lecture par le capitaine de corvette Kai Schöenfeld, Marine allemande

En allemand

Lettre de Wolfgang Panzer à sa famille, le 3 août 1918

La situation ici est plus étrange que partout ailleurs sur la ligne de front. Les villages d’Artois et de Flandre française, même ceux situés à plusieurs kilomètres de la première position, ont été réduits à des tas de gravats, et je suis encore parfois saisi d’angoisse quand je retrace sur la carte notre parcours de ce printemps, d’un lieu de carnage de la bataille de la Somme à un autre. Tous nos compatriotes auraient dû être présents ; ainsi ils auraient peut-être été mieux à même de juger du bien-fondé de la décision de battre en retraite à la Marne. Nous envisageons les événements sans surprise et sans la moindre crainte, et je remercie mon créateur de nous avoir donné des commandants courageux et responsables, sachant céder avec confiance ce qui ne pourrait être conservé qu’au prix de pertes insensées et futiles. Nous sommes remarquablement indemnes, tandis que l’ennemi, dans sa fureur aveugle, envoie à sa perte une division après l’autre. Tout finira pour le mieux. C’est tout pour aujourd’hui.

Votre Wolf qui vous aime.

Musique Advance and Retreat from GallimaufryInterprétée par un orchestre militaire international, dirigé par l’orchestre Central de la Royal Air ForceComposée par Guy Woolfenden

Lecture

Note du maréchal Foch, commandant en chef des armées alliées, au général Debeney, remise par le colonel Desticker au général Debeney le matin du 9 août 1918

Il est bien entendu que la première armée française doit atteindre Roye au plus tôt y tendre la main à la IIIe. Quand le résultat sera obtenu, la situation seule indiquera ce qu’il y aura à faire : s’arrêter ou aller encore de l’avant.

C’est précisément parce qu’on ne le peut fixer aujourd’hui qu’il ne faut s’interdire aucune possibilité. Dans ce but et à aucun prix il ne faut renvoyer de D.I. en arrière. Celles qui ne peuvent plus avancer sont doubles, passent en 2ₑ ligne, et appuient jusqu’à ce que soit obtenu le résultat voulu par le commandement supérieur.

Donc : aller vite, marcher fort, en manœuvrant, par devant ; appuyer par derrière avec tout le monde jusqu’à obtention du résultat. Ces trois conditions réalisées éviteront les pertes dans quelques jours.

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Lecture par le général Curtis M. Scaparrotti, commandant suprême des forces alliées en Europe

Texte du général Pershing – en réponse aux offensives du printemps – adressé à Premier ministre Georges Clemenceau, au maréchal Foch et au maréchal Pétain, au quartier général de Foch à Clermont, le 28 mars 1918

Je viens pour vous dire que le peuple américain tiendrait à grand honneur que nos troupes fussent engagées dans la présente bataille. Je vous le demande en mon nom et au sien. Il n’y a pas en ce moment d’autres questions que de combattre. Infanterie, artillerie, aviation, tout ce que nous avons est à vous. Disposez-en comme il vous plaira. Il en viendra encore d’autres, aussi nombreux qu’il sera nécessaire. Je suis venu tout exprès pour vous dire que le peuple américain sera fier d’être engagé dans la plus belle bataille de l’histoire

Lecture par un officier supérieur de l’armée australienne

Message du général Monash aux troupes la veille de la bataille

Pour la première fois dans l’histoire de notre corps, les cinq divisions australiennes dont il est formé prendront part à la plus importante bataille qui jamais fut livrée. Par le fini de nos plans d’attaque et de tous les engagements pris, par l’envergure des opérations, par le nombre des participants et la profondeur des positions ennemies que nous proposons de culbuter, cette bataille sera sans doute l’une des plus mémorables de toute la guerre. L’œuvre à accomplir demain mettra peut-être à l’épreuve l’endurance de bon nombre d’entre vous ; mais je ne doute nullement que, malgré la fièvre du combat, l’épuisement et l’effort physique, chaque homme ira jusqu’au bout de ses forces pour atteindre son but ; pour l’AUSTRALIE, pour l’Empire et pour notre cause.

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Lecture par le brigadier général Gregory Smith, commandant de la Formation Europe canadienne, représentant des forces armées canadiennes auprès de SHAPE

Ordre spécial du général Currie au corps canadien en mars 1917 [repris lors des offensives allemandes du printemps 1918]

Sous les ordres de vos officiers dévoués, vous avancerez dans le prochain combat ou vous tomberez sur place, face à l’ennemi. À ceux qui tomberont, je dirai : « Vous ne mourrez point, car vous entrerez dans l’immortalité. Vos mères ne pleureront point votre destinée, mais elles seront fières d’avoir enfanté de tels fils. Votre patrie reconnaissante honorera vos noms à jamais et Dieu vous recevra dans son sein. »

Lecture par un officier supérieur britannique

Extrait du journal du maréchal Haig – 7 août 1918

À 14 h 45, je suis parti pour Flixecourt, où je me suis entretenu avec le général Rawlinson.

Tout se déroule sans accroc et l’ennemi semble ignorer ce qui l’attend ! Je me suis ensuite rendu au QG du corps canadien à Dury, où j’ai rencontré le général Currie qui commande le corps. Ce dernier m’a expliqué qu’il avait fallu se démener pour être prêts à temps, mais que tout avait été obtenu à l’exception de 2 canons à longue portée. Les plateformes sont prêtes à les recevoir et ils seront là ce soir. La nuit dernière a été notre moment le plus crucial. Si les Allemands avaient bombardé la zone canadienne, nous n’aurions pas pu riposter hier.

La situation est très différente ce soir, et nous sommes prêts !

Chant Over ThereInterprété par le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne et un orchestre militaire international, dirigé par l’orchestre Central de la Royal Air ForceComposé par George M. Cohan

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LA BATAILLE

Lecture

Extrait de Un bleuet du 94 R.I., mémoires d’Alphonse Thuillier, commandant en second de la 10e compagnie

L’attaque du 8 août, au petit jour, se déclencha sur un front de 80 kilomètres, nous avions les Anglais à notre gauche, c’était des troupes canadiennes.

Quand se déclencha le tir de barrage, le ciel devint tout rouge d’un seul coup. Nous sommes partis à l’attaque, le petit jour pointait.

Une mitrailleuse allemande en position en haut du ravin de notre côté, c’est-à-dire face à nous, se mit à nous arroser de rafales. Nous dûmes nous coucher et ramper pour gagner les trous d’obus pour nous abriter et tâcher de la contourner. Le fusilier mitrailleur avec moi tira une rafale sur le tireur de la mitrailleuse, quand moi-même je mettais en joue l’officier qui était là, aussitôt, il leva les bras, et me souvenant de la tuerie de l’année précédente à Verdun, je déviais le canon de mon fusil et lui tirais ma balle au ras de l’oreille. La mitrailleuse ne tirant plus, tous les tirailleurs dans la plaine purent s’approcher tranquillement pour prendre le ravin où était postée une batterie de la grosse artillerie allemande. Les artilleurs allemands, qui pendant le pilonnage de notre artillerie s’étaient mis dans des abris, furent fait prisonniers, des grenades spéciales furent lancées dans le gueule des canons pour les détériorer et qu’ils ne puissent resservir en cas de contre-attaque ennemie et que nous soyons forcés de reculer.

Notre progression avait été d’environ une dizaine de kilomètres.Pendant notre avance de la journée, nous avons vu des cadavres de soldats Français qui avaient été tués lors de l’avance allemande, en Mars, et qui étaient restés sur le terrain, à l’emplacement où ils étaient tombés.

Comme bilan de la journée d’attaque du 8 août 1918, il y eut un mort, un de trop malheureusement, le fusilier mitrailleur de la section, mais il y eut de nombreux blessés.

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Lecture par le sous-lieutenant Collette Broome, Artillerie royale

Le général de division Montgomery, commandant britannique de la quatrième armée (XIIIe corps), extrait de The Story of the Fourth Army in the Battles of the Hundred Days (publié en 1919). À propos des Américains à Amiens et de l’offensive du 9 août aux bois de Gressaire

« ... les Américains ont tout balayé devant eux et la résistance allemande s’est effondrée. La retraite de l’ennemi s’est faite dans une telle précipitation qu’un commandant de bataillon allemand s’est enfui de son abri, abandonnant ses ordres, ses plans et son standard téléphonique. Dans leur fougue, les Américains ont devancé les Britanniques sur la gauche, et c’est grâce à eux que l’objectif a été si rapidement atteint sur le front de la 58e division. »

Lecture par le major Ryan Pearce, corps blindé australien

Le soldat Southey, corps australien De Forgotten Voices Of The Great War de Max Arthur et Imperial War Museum publié par Ebury Press

Le matin du 8 août commença par un brouillard très épais, et quand notre barrage fut lancé, un formidable barrage, nous nous interrogeâmes sur nos chances de réussite. Cela ne nous empêcha pas d’aller de l’avant, face à une opposition relativement faible. Quelques Allemands se rendirent vite, d’autres se battirent jusqu’au bout. Alors que nous avancions sans vraiment savoir où nous étions, le soleil finit par percer, révélant une campagne que nous n’avions plus vue depuis bien longtemps. Elle était indemne, couverte de terres cultivées variées, et ce fut alors que nous commençâmes à nous dire « Sapristi ! La guerre touche à sa fin. Nous touchons au but. » Nous nous sentîmes infiniment grandis par tout ce qui avait été accompli.

Reproduit avec l’autorisation de The Random House Group Ltd. ©2002

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Lecture par le capitaine Yves Germain, Marine royale canadienne

Extrait du journal de guerre du lieutenant-colonel Tremblay, commandant du 22e bataillon du corps expéditionnaire canadien

« La nuit dernière a été tranquille, l’ennemi ne semble pas se douterqu’une attaque terrible est imminente. Des milliers et des milliersd’hommes ont été concentrés dans nos premières lignes et un outillage deguerre formidable n’attend que le signal pour déclencher contre l’ennemiun bombardement effroyable. Enfin à 4h20 ce matin la tempête éclate avecune violence inouïe et sous couvert de ce rideau d’acier qui fait toutsauter dans les tranchées ennemies, notre infanterie avance supportéepar les tanks.

Nous avons pris au cours de la journée du matériel de guerreconsidérable, des canons, des mitrailleuses par centaines, lesprisonniers se comptent par milliers. L’attaque française au aussi étéun grand succès. Enfin, c’est la plus belle journée que les alliés onteu depuis le commencement de la guerre. L’ennemi a été nettement battuaujourd’hui et notre confiance dans le succès final remontée. Nos pertessont de 40 hommes ».

Lecture

Le commandant de char d’assaut Wilfred Bion à propos du 8 août 1918, extrait de The Day We Won the War par Charles Messenger

À 21h50, les bombardiers Handley Page devaient commencer à voler le long du front ; le bruit de leurs moteurs était censé couvrir le grondement des moteurs des chars d’assaut pour ne pas éveiller l’attention de l’ennemi. Nous entendîmes bientôt le son intermittent bien caractéristique... À ce moment-là, à un peu plus de trois kilomètres, nous entendîmes le grondement du premier moteur au démarrage... À la suite du premier, chaque char aida à dissimuler le bruit des autres. À mesure qu’ils démarraient, chaque conducteur mettait le moteur au ralenti pour réduire le grondement à un murmure sourd, qui se fondait dans un bruit indifférencié, semblable à celui de la circulation sur les routes ; il y avait vraiment lieu de croire que l’ennemi serait dupé.

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Reading par le lieutenant Marc Meissner, armée allemande

Extrait des mémoires d’après-guerre de Paul von Hindenburg, chef d’état-major de l’armée allemande, au sujet de la bataille d’Amiens, le 8 août 1918

Le matin du 8 août, notre paix relative fut brutalement interrompue. Nous entendîmes clairement le bruit du combat qui venait du sud-ouest. Les premiers rapports des quartiers généraux aux alentours de Péronne étaient inquiétants. D’importants escadrons de chars d’assaut ennemis avaient percé nos lignes des deux côtés de la route Amiens – Saint-Quentin. On ne savait rien d’autre.

Le voile d’incertitude fut levé dans les quelques heures qui suivirent, bien que nos lignes téléphoniques aient été rompues à maints endroits. Plus aucun doute n’était possible : l’ennemi avait pénétré profondément dans nos positions et des batteries avaient été perdues.

Ce 8 août, il nous fallut réagir comme nous l’avions si souvent fait dans des situations tout aussi menaçantes. Les succès initiaux de l’ennemi n’avaient pour nous rien de nouveau. Nous avions connu la même chose en 1916, puis en 1917, à Verdun, Arras, Wytschaete et Cambrai. Cela s’était produit récemment à Soissons et nous étions sortis vainqueurs. Mais ce jour-là, la situation était particulièrement grave. La profondeur de pénétration de l’ennemi était surprenante. Les chars, plus rapides qu’auparavant, avaient surpris les états-majors divisionnaires dans leurs QG et arraché les lignes téléphoniques qui communiquaient avec le front.

Je ne me fis aucune illusion quant aux répercussions politiques de notre défaite le 8 août. Nos batailles du 15 juillet au 4 août pouvaient être considérées, tant à l’étranger que chez nous, comme la conséquence d’un coup manqué mais audacieux, une éventualité commune à toutes les guerres.

En revanche, l’échec du 8 août fut révélé à tous les regards comme la conséquence d’une franche faiblesse. Échouer à l’attaque était une chose, être vaincus en défense en était une autre. Le butin de guerre dont notre ennemi pourrait désormais s’enorgueillir dans le monde entier était éloquent.

Le peuple allemand et nos alliés étaient réduits à écouter les nouvelles dans le plus vif état d’inquiétude. Il s’agissait dès lors, plus que jamais, de maintenir notre sang-froid et de faire face à la situation, sans illusions, mais sans excès de pessimisme.

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ACTE DE SOUVENIR

Levons-nous

Des couronnes seront déposées près des plaques commémoratives par des jeunes

Musique Evening Hymn, Last Post et SunsetInterprétée par un orchestra militaire international, dirigé par l’orchestre Central de la Royal Air Force et le Chœur national des jeunes de Grande-BretagneArrangée par le lieutenant-colonel Barrie Hingley

Lecture par le maître de 1re classe Jenna McKay, Cadets de la Marine royale canadienne

Promesse de se souvenir

Ils étaient jeunes, jeunes comme nous,Ils ont servi, donnant généreusement d’eux-mêmes.Nous leur promettons, en dépit du temps qui passe,De porter le flambeau et de ne jamais oublier.Nous nous souviendrons d’eux.

Lecture par le sergent Heidi Kelly, Cadets de l’Aviation royale du Canada

Promesse de se souvenir

Ils étaient jeunes, jeunes comme nous,Ils ont servi, donnant généreusement d’eux-mêmes.Nous leur promettons, en dépit du temps qui passe,De porter le flambeau et de ne jamais oublier.Nous nous souviendrons d’eux..

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Lecture par le sergent Quentin Davis, équipe de combat de la brigade d’infanterie, armée américaine

Citation de George S Patton

Qu’il est stupide et vain de pleurer les morts. Nous devrions plutôt remercier Dieu qu’ils aient vécu.

Lecture par Cadet des forces armées australiennes

These Fellowing Men de Dame Mary Gilmore

Ils ne sont pas morts ; ni même brisés ;Seule leur poussière à la terre est retournée :Car tous ces hommes renaîtrontChaque fois que d’eux nous parlerons.

Lecture

Hymne (première strophe), extrait du recueil Les Chants du crépuscule de Victor Hugo (1835)

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère ;Et, comme ferait une mère,La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau !

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Lecture par Sydnee Thorne, école militaire (Duke of York Royal Military School) de Douvres

Pour les soldats tombés, de Laurence Binyon

Ils ne vieilliront pas comme nous, qui leur avons survécu ;Ils ne connaîtront jamais l’outrage ni le poids des années.Quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore ;Nous nous souviendrons d’eux.

Une minute de silence

Musique Hymn to the Fallen Interprétée par le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne et un orchestre militaire international, dirigé par l’orchestre Central de la Royal Air ForceComposée par John Williams

Veuillez vous asseoir

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APRÈS LA BATAILLE

Lecture par by un/e représentant/e des forces armées canadiennes

Le chanoine Frederick George Scott CMG DSO, aumônier en chef de la première division du corps expéditionnaire canadien, extrait de son livre The Great War As I Saw It.

Ici et là je croisai des blessés qui rentraient à pied, et de nombreux prisonniers allemands. Les champs étaient parsemés de fusils, la baïonnette plantée à terre, indiquant où gisaient les blessés. Je constatai qu’il s’agissait principalement d’Allemands, tous atrocement blessés et qui réclamaient de l’eau. Ces pauvres hommes me firent pitié, car je savais que leur attente serait longue avant qu’ils soient mis sur des brancards ou soignés, compte tenu de la rapidité de notre avance. Je m’approchai de chacun, l’un après l’autre, pour lui donner un peu d’eau des gourdes que je portais à la ceinture. Je crois que les Allemands que je vis ce matin-là étaient en train de mourir, blessés au ventre. Après m’être occupé autant que possible de leurs besoins physiques, je m’employai à assouvir ceux de leur âme. Puisqu’ils étaient tous catholiques, je retirai le crucifix que je portais autour du cou et le leur tendis. Ils levèrent leurs mains tremblantes et le saisirent avec ferveur, puis l’embrassèrent pendant que je récitai le Notre Père en allemand. Ces mêmes gestes furent répétés maintes fois ce jour-là. Un homme atrocement blessé à l’abdomen m’exprima sa reconnaissance en me baisant la main lorsqu’il me rendit le crucifix. Une heure plus tôt, cette même rencontre eût été entre ennemis mortels ; quelle étrange pensée !

21

Lecture

Après un mauvais rêve de Gerrit Engelke, 1918

En allemand

Je suis un soldat, debout dans le champJe ne connais personne au monde.Aussi ne puis-je célébrer cette pluie,Si tendrement inquiète, humide et lourdeCar cette nuit ton image a brisé mon sommeilEt m’a rapproché de toi.

Je suis un soldat, debout dans le champFusil au bras et loin du monde.Chez moi, je fermerais portes et fenêtresEt resterais seul longtemps,Blotti au creux du canapé, Les yeux clos, à penser à toi.

Je suis un soldat, debout dans le champ.Ici l’ancien monde des hommes prend fin.La pluie chante, en mèches ruisselantes.Je ne puis rien faire – seulement tirer.Ignorant pourquoi, comme malgré moiDans le ciel gris, un coup éclate !

Lecture par le lieutenant Delphine Astier, corps royal des transports de l’armée australiennet

Citation du lieutenant Harold Williams, 5e division de l’armée impériale australienne, blessé à la bataille de Péronne et transporté au poste d’évacuation sanitaire de Daours

Le fait que ces femmes puissent travailler tant d’heures dans un tel lieu sans s’effondrer en disait long sur leur volonté et leur sens du devoir. L’endroit puait le sang, les bandages antiseptiques et les corps crasseux. Les infirmières voyaient la guerre sans la fièvre de l’attaque. Elles voyaient les soldats dans leur plus piteux état : blessés, ensanglantés, sales, empestant le sang et la saleté. Les nerfs étaient mis à si rude épreuve que l’on avait du mal à croire qu’une femme puisse supporter cela et rester saine d’esprit.

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Lecture par un/une représentant/e des forces armées canadiennes

Lettre du soldat canadien Frank Cousins à sa mère, le 12 novembre 1918

Ma chère mère,

Le jour remarquable et tant attendu est enfin arrivé et je ne saurais décrire les événements de la semaine écoulée. Il s’est tant passé de choses depuis ce matin du 8 août où nous avons été tirés de notre sommeil dans le camion par les premiers tirs d’artillerie lourde du barrage à Amiens. Nous n’aurions jamais pensé qu’en moins de quatre mois, la victoire serait nôtre. Je peine à réaliser que tout est fini et pour moi, ici, la vérité ne pourra être pleinement appréciée tant que nous ne serons pas rentrés au pays. Mais la guerre n’est plus – pour notre époque du moins – et nous pouvons à nouveau « avoir la vie, le mouvement et l’être », autrement dit, être des humains.

Lecture par le sergent de première classe Kennerly Pence, équipe de combat de la brigade d’infanterie, armée américaine

Le chef de bataillon Bell de l’armée américaine au général de corps d’armée britannique Butler, le 11 août 1918

La division est fière d’avoir participé à cette bataille historique avec les vaillantes troupes britanniques sous vos ordres. Permettez-moi de vous transmettre mes sincères félicitations pour l’excellent travail de vos armées et d’exprimer l’espoir confiant d’autres victoires de nos armes combinées.

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Lecture par Madame Brigitte Fouré, maire d’Amiens

Extrait du journal d’Herménégilde Duchaussoy, maire d’Amiens 1916 – 1919

Jeudi 8 août : La journée du 8 août restera célèbre dans l’histoire comme étant le début d’une bataille qui dura trois mois, délivrant d’abord Amiens, prouvant l’usure des armées allemandes et nous donnant enfin la victoire.Dans son ordre du jour, le général Pétain s’écrie : « Soldats de France, je salue vos drapeaux qu’illustre une gloire nouvelle ! »

Le communiqué du 10 août redevient pour tous les Amiénois vagabonds « le plus beau feuilleton à suivre ». Nos troupes ont enlevé Pierrepont. Dans la journée, après avoir conquis Davenescourt, nous attaquons au Sud de Montdidier, puis abordons Faverolles. J’avais les larmes aux yeux en lisant le communiqué, c’est la victoire et c’est la délivrance d’Amiens, on va pouvoir réintégrer. Nous ne serons plus des réfugiés ! Pour moi, plus de « chez nous », notre maison étant inhabitable. Il faudra chercher un nouveau gîte familial.

12 août : l’officier du service forestier et son interprète veulent bien me conduire à Amiens. J’ai vu le commandant Quirot des sapeurs-pompiers de Paris et le sous-préfet Pignet qui ne s’occupe plus d’évacuation. Dans la journée, le roi Georges, venant du front, a visité la cathédrale et décoré le préfet et le commandant d’armes. A Flixecourt, il a offert le thé, notamment au maréchal Foch. La ville est bien triste. Malgré le « déjà vu », je suis toujours vivement impressionné par nos monuments bombardés et nos maisons démolies ou incendiées.

13 août : Amiens est vide, les magasins sont sans marchandises et les usines sans métiers et sans matières premières, sans charbon. Evidemment la population ne pourra être appelée à regagner Amiens, « qu’après une organisation complète et permanente du ravitaillement et des moyens matériels d’habitation ».

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Lecture par Madame Theresa May, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Extrait des mémoires de guerre de David Lloyd George, 1918

Le fait est que l’armée britannique elle-même n’avait pas conscience de l’ampleur et de l’effet du triomphe qu’ils venaient de remporter ce jour-là. Ils ne voyaient pas plus loin que les offensives du passé, quand un gain de quelques kilomètres à l’issue d’une attaque était tout ce qu’ils pouvaient espérer accomplir. Ils n’ignoraient pas les dangers d’une avancée trop profonde, car les Allemands resserraient invariablement leurs rangs, faisaient venir leurs réserves et contre-attaquaient avec brio et adresse. Ils n’avaient pas encore compris qu’ils étaient aujourd’hui face à un ennemi qui avait perdu une grande part de son élan et de sa force combattive.

Les rapports de bataille reçus du front par le Cabinet montraient à quel point même les vainqueurs ne mesuraient pas toute l’ampleur du triomphe qu’ils venaient de remporter. Le terrain conquis n’était pas particulièrement vaste. L’effet de la victoire était moral plus que territorial. Elle révélait, tant aux alliés qu’aux ennemis, l’état de détérioration du pouvoir de résistance allemand. De manière plus irréversible encore que lors de la contre-offensive française du 18 juillet, les Allemands furent conduits par l’attaque britannique du 8 août à réaliser que tout espoir de victoire était perdu.

Après la défaite de juillet, bien qu’étant parvenus à la conclusion que leur offensive avait finalement échoué, ils espéraient encore réorganiser efficacement leur armée en défense impénétrable. Après la bataille d’Amiens, même cela parut impossible. Ludendorff l’admet : « Le 8 août a mis en évidence l’effondrement de notre force combattive et, eu égard à nos problèmes de recrutement, m’a ôté tout espoir de découvrir une mesure stratégique susceptible de rétablir la situation en notre faveur. Il faut mettre fin à la guerre. »

Levons-nous

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Musique Hymnes nationauxTous, entonnés par le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne

L’hymne national du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

God save our gracious Queen!Long live our noble Queen!God save the Queen!Send her victorious,Happy and glorious,Long to reign over us,God save the Queen.

Hymne national de la République française

Allons enfants de la Patrie,Le jour de gloire est arrivé!Contre nous de la tyrannie,L’étendard sanglant est levé,L’étendard sanglant est levé,Entendez-vous dans nos campagnesMugir ces féroces soldats?Ils viennent jusque dans nos brasÉgorger nos fils , nos compagnes!

Aux armes, citoyens,Formez vos bataillons,Marchons, marchons!Qu’un sang impurAbreuve nos sillons!

Veuillez vous asseoir

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RÉAFFIRMATION DE L’AMITIÉ

Les représentants des chefs d’état et de gouvernement déposeront des gerbes dans la chapelle des Alliés en symbole de l’amitié entre les Alliés, l’Allemagne et la ville d’Amiens.

Musique De Profundis (Psalm 130) – plain-chant grégorientInterprétée par le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne

Veuillez rester assis

Musique de clôtureBrigg Fair (arr. traditionnel anglais de Percy Grainger)Calme des nuits (Camille Saint-Saëns)Seig sind die Toten (Heinrich Schütz)Ubi Caritas (Maurice Duruflé)Viel freuden mit sich bringet (arr. traditionnel allemand de Ben Parry)Interprétée par le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne

Musique Benedictus de la messe de Saint Thomas d’AquinInterprétée par Le Chœur national des jeunes de Grande-Bretagne et un orchestre militaire international, dirigé par l’orchestre Central de la Royal Air Force Composée par Martin Ellerby

Veuillez rester assis jusqu’à ce que les représentants des chefs d’État et de gouvernement aient quitté les lieux. Vous serez invités à sortir de la cathédrale par les placeurs.

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MENTIONS

L’orchestre Central de la Royal Air ForceDirecteur musical le capitaine Christopher I’Anson, BMus (Hons) LRSM LTCL LLCM RAFTambour-major : le sergent P. Phelan, Bmus (Hons) LLCM

Le Chœur national des jeunes de Grande-BretagneDirecteur artistique : Ben Parry

Trompettistes internationaux :Le caporal Timothy Hynd, l’orchestre Central de la Royal Air ForceLe caporal Matthew Creek, orchestre de l’armée australienneLe caporal Davide De Silva, Governor General’s Foot Guard, Canada

La musique de prélude enregistrée jouée dans la cathédrale est l’œuvre du compositeur français Jacques de la Presle :Le Jardin mouillé Chanson de la rose , La branche d’acacia, Heureux ceux qui sont morts O morts (texte de Dorin) Petite berc Suite en sol euse Guitaire

Né le 5 juillet 1888 à Versailles, Jacques Guillaume de Sauville de la Presle a suivi des études musicales au Conservatoire de Versailles, puis au Conservatoire de musique et de déclamation de Paris. Il tient avant la guerre l’orgue de l’église Notre-Dame de Versailles, puis le grand orgue de l’église St-Pierre-de-Chaillot, à Paris. Il officie dans les environs d’Amiens, lorsqu’il est sérieusement gazé, le 15 août 1918. Il passe alors sept mois d’hôpital entre la vie et la mort. Rendu à la vie civile, il reprend ses études musicales et mène une carrière de compositeur et de professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris, avant de s’éteindre à Paris le 6 mai 1969.

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La garde d’honneur du Royaume-Uni est composée du 1er bataillon du Royal Anglian Regiment, « The Vikings »Le lieutenant-colonel Phillip Moxey MBE, commandant de régiment, et le major C. J. Holmes sergent-major de régimentLe commandant Drew Reed, commandant de la garde d’honneur, et l’adjudant-chef G. George, sergent-major de la garde d’honneur

Contingent des porte-drapeaux britanniquesComposé de membres de la European Joint Support Unit, SHAPEL’Adjudant-chef (RQMS) Bruce McAulay, régiment de l’artillerie royaleLe sergent-chef Scott Rainsly, corps logistique royalLe sergent Richard Mitchell, régiment de la RAFLe caporal-chef David Archer, régiment de la RAFLe caporal-chef Stephen Hall, régiment royal irlandais

Escorte du drapeau australien :Porte-étendard : le capitaine Isaac Williams, corps royal des ingénieurs de l’armée australienneEscorte : le sergent Tyron Tynan, corps royal des électriciens et mécaniciens de l’armée australienneEscorte : le caporal-chef Samantha Mackie, corps royal de la police militaire australienneHaie d’honneur :Le major Nathan Holdforth, corps médical royal de l’armée australienneLe caporal-chef Brad Devlin, corps médical royal de l’armée australienne

Escorte du drapeau canadien :Le sergent Jean Paul Cloutier, forces armées canadiennesLe caporal Tyrell Burge, forces armées canadiennesLe caporal Justin Lewis, forces armées canadiennesHaie d’honneur :Le sergent Éric Belley, police militaire canadienneLe sergent Martine Leboeuf, forces armées canadiennesLe caporal Maxime Savoie-Chenard, forces armées canadiennes

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Escorte du drapeau allemand :Porte-étendard : le sergent-chef Alain Alexander Beaujeant, Armée de l’air allemandeEscorte : le capitaine Moritz Jost, Armée allemandeEscorte : le lieutenant Jens Christoph Pirzkall, Armée allemande

Porte-drapeaux américains :Le sergent Tyler Cheshire, équipe de combat de la brigade blindéeLe sergent Ian Ramey, équipe de combat de la brigade d’infanterie

L’University College London Institute of Education, qui a organisé un programme pour des jeunes d’Allemagne, d’Australie, du Canada, des États-Unis, de France et du Royaume-Uni dans le cadre des commémorations du centenaire de la bataille d’Amiens.

Les élèves diplômés du National Citizen Service qui ont contribué à l’organisation de cet événement commémoratif.

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Quand arrive 1918, toutes les nations belligérantes sont affaiblies par des années de guerre. La vaste offensive alliée engagée à Ypres à la fin de 1917 n’a pas réalisé ses objectifs ambitieux et les troupes de l’Empire britannique en sont sorties très diminuées. L’Amérique a rejoint leur cause, mais il faudra du temps pour mobiliser ses effectifs. En octobre, l’Italie est ébranlée par une défaite calamiteuse à Caporetto, tandis que sur le front oriental, les armées russes sont fragilisées par la révolution politique qui secoue le pays.

Pendant ce temps, l’Allemagne commence à transférer ses troupes d’est en ouest. Après l’échec de leur guerre sous-marine à outrance, les dirigeants allemands veulent saisir l’initiative sachant que l’arrivée massive de soldats américains anéantirait probablement tout espoir d’une fin des hostilités à leur avantage. À la fin de janvier 1918, le haut commandement allemand décide d’attaquer au nord et au sud de Saint-Quentin (Aisne). Dans ce secteur, à l’est des anciens champs de bataille de la Somme, les défenses tenues par les Britanniques sont faibles. À la mi-mars, les Allemands sont prêts à lancer la Kaiserschlacht (bataille du Kaiser).

L’OPÉRATION « MICHAEL » : LA SOMME, 21 MARS – 5 AVRIL 1918Aux premières heures du jeudi 21 mars 1918, une épaisse brume enveloppe la plus grande partie des 80 km de front occupés par les 5e et 3e armées britanniques, d’Arras à La Fère. Aux

alentours de 4 h 40, plusieurs milliers de canons allemands ouvrent soudain le feu et le silence est déchiré par le grondement de ce bombardement d’artillerie massif. Cinq heures durant, les obus explosifs et à gaz causent des ravages sur les centres de commandement et de communication britanniques. L’ennemi pilonne également les postes d’artillerie lourde en retrait du front, avant de s’attaquer aux garnisons des défenses avancées britanniques.

À 9 h 40, l’infanterie allemande attaque, menée par les troupes d’assaut d’élite. Dissimulée par le brouillard et la fumée, elle dépasse vite les soldats britanniques du front, sous le choc. Elle progresse avec précaution autour des centres de résistance, cherchant toujours à gagner du terrain. Des nouvelles alarmantes de percées allemandes graves arrivent de la section sud du front de la 5e armée. La situation empire dans l’après-midi et les Britanniques subissent de lourdes pertes. La 5e armée reçoit un ordre de retrait limité pendant la nuit.

Ailleurs, et plus particulièrement au nord, les Allemands progressent plus lentement. Grâce aux divisions françaises envoyées pour épauler les Britanniques, une offensive allemande est repoussée à Arras. Les commandants allemands la détournent alors vers le nœud ferroviaire stratégique d’Amiens.

Les armées allemandes sont à moins de 25 km de Paris quand les dirigeants politiques et militaires français et

LE PRINTEMPS 1918 : « JUSQU’AU DERNIER HOMME »

L’offensive allemande du printemps 1918 : une troupe d’assaut allemande avance vers les positions ennemies à travers des nuages de fumée. ©Imperial War Museum (Q 47997)

Des officiers français et américains coupent des fils de fer barbelés pour préparer le passage d’une patrouille en direction de Badonviller, le 17 mars 1918. ©Imperial War Museum (Q 70258)

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britanniques se réunissent à Doullens, le 26 mars : le Premier ministre français George Clemenceau, le secrétaire d’État à la Guerre britannique Lord Milner, les commandants respectifs des deux armées Phillipe Pétain et Douglas Haig, le chef d’état-major général de l’Empire britannique Henry Wilson et son homologue français Ferdinand Foch sont tous présents à la conférence. Il est convenu que la coopération doit impérativement être renforcée et Foch reçoit l’ordre de coordonner les armées alliées.

À la conférence de Beauvais, le 3 avril, en présence du Premier ministre britannique Lloyd George, Clemenceau déclare : « Un pouvoir de direction suprême me paraît indispensable à l’achèvement du succès ». Il propose de confier à Foch « la direction stratégique des opérations » tout en laissant aux commandants nationaux la responsabilité de la conduite tactique et du travail d’état-major pour la préparation et l’exécution des plans de bataille. Malgré quelques réserves, les dirigeants

L’infanterie de la 22e division française et de la 20e division britannique en faction le long d’une ligne de trous de tirailleur nouvellement creusés qui couvrent une route près de Nesle, le 25 mars 1918. ©Imperial War Museum (Q 10810)

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américains et britanniques acquiescent et Foch est nommé Commandant suprême, ou généralissime, des forces alliées.

Cette nomination sera décisive étant donné que le soutien réciproque devient indispensable pour freiner les attaques allemandes. L’offensive « Michael » est sans précédent eu égard à son ampleur, au terrain conquis, aux pertes subies, aux prisonniers capturés, aux pièces d’artillerie perdues et aux dépôts abandonnés, mais aucune percée n’est réalisée. En 16 jours de combat intense, les forces alliées font bloc, permettant ainsi aux réserves d’arriver progressivement et d’endiguer l’attaque.

L’OPÉRATION « GEORGETTE » : FLANDRES, 9 – 29 AVRIL 1918 Le 9 avril, les armées allemandes lancent une deuxième grande offensive, en Flandres cette fois. Bien que de moins grande ampleur que l’opération « Michael », elle démarre du bon pied et fait naître un sentiment de crise militaire et politique beaucoup plus profond que lors des batailles de la Somme. Pendant 21 jours de combat intense, d’une complexité parfois déroutante, les attaques allemandes en série visent les points faibles le long de la ligne, en particulier au sud d’Ypres, où les forces armées portugaises subissent de cruelles pertes. Les troupes allemandes avancent vers le carrefour ferroviaire de Hazebrouck et autour de la ville symbolique d’Ypres, menaçant d’isoler les armées britanniques et belges au nord.

Le 11 avril, après l’abandon de la crête de Messines, l’infanterie allemande est à moins de huit kilomètres de Hazebrouck. Douglas Haig publie un ordre du jour spécial, exhortant ses troupes à : « poursuivre le combat. Chaque position doit être tenue jusqu’au dernier homme : il ne doit y avoir aucune retraite. Le dos au mur et convaincus de la justice de notre cause, chacun d’entre nous doit se battre jusqu’au bout. »

Repoussée sans être percée, la défense alliée épuisée est peu à peu renforcée par les réserves. Cependant, la progression allemande au 14 avril contraint le commandement britannique à raccourcir la ligne et à renoncer au terrain conquis l’année précédente autour de Passchendaele. Des assauts féroces arrachent le mont Kemmel aux Français le 25 avril, mais ce sera la dernière réussite importante des Allemands et l’opération « Georgette » sera bientôt annulée.

LA DÉFENSE D’AMIENS : LES COMBATS DE VILLERS-BRETONNEUX, 24 – 25 AVRIL 1918Pendant que le combat continue en Flandres, la ville stratégique d’Amiens (Picardie) devient un appât irrésistible pour le commandant allemand Erich Ludendorff, qui renouvelle son attaque sur les défenses les plus à l’est, à Villers-Bretonneux. Son objectif : prendre le contrôle de la ville et des hauteurs environnantes, d’où l’artillerie pourrait systématiquement détruire Amiens et la rendre inutile aux Alliés.

Le 24 avril, au petit matin et dans un brouillard dense, un bombardement violent anéantit les défenses de Villers-Bretonneux, ouvrant la voie à l’infanterie et aux chars allemands qui prennent le contrôle des positions alliées. Une contre-attaque surprise est lancée au clair de lune le même jour. Les 13e et 15e brigades australiennes sont le fer de lance de l’opération, épaulées par la 54e brigade britannique. Dans l’obscurité et la confusion, l’infanterie australienne perce les lignes allemandes et reprend la ville aux premières heures du 25 avril. La progression allemande vers Amiens est stoppée une fois pour toutes.

L’ÉCHEC DES OFFENSIVES ALLEMANDESPour les six semaines entre le 21 mars et la fin avril, le bilan des pertes de

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l’Empire britannique est estimé à 240 000 (blessés, tués ou capturés) et celui de la France à 92 000. Les forces allemandes ont quant à elles perdu près de 348 000 soldats. Malgré ce lourd tribut humain, et les épuisantes tentatives de percée des lignes alliées, l’armée ennemie reste puissante. Ludendorff sanctionne une série d’attaques de diversion contre les forces françaises, américaines et britanniques au sud, entre la fin mai et la mi-juillet, dans l’intention d’éloigner les réserves alliées du front de Flandres où il espère lancer une autre grande offensive.

La première de ces attaques a lieu le 27 mai, le long du Chemin des Dames ; elle porte le nom de code « Blücher ». Quand le jour s’achève, les forces allemandes ont traversé l’Aisne et avancé de plus de 17 km. Quand elles atteignent la Marne deux jours plus tard, elles ne sont qu’à quelque 80 km de Paris. Les forces armées françaises et américaines parviennent cependant à freiner l’avance, laissant les Allemands dans un saillant profond et vulnérable.

Une autre offensive allemande, baptisée « Opération Gneisenau », est lancée le 9 juin pour tenter d’améliorer cette position précaire et d’attirer encore plus de réserves françaises. Les Allemands attaquent vers le Matz et, contre toute attente, parviennent à conquérir presque 10 km le premier jour. Mais la résistance française s’est durcie. Grâce à une utilisation très efficace des chars et des avions, la contre-attaque du 11 juin arrête l’avance allemande. Les renseignements français ont anticipé l’offensive ennemie suivante, lancée le 15 juillet. Les troupes du Kaiser parviennent à traverser la Marne des deux côtés de Reims, mais elles ne progressent pas vraiment.

LA SECONDE BATAILLE DE LA MARNELe 18 juillet, les Alliés lancent une contre-attaque surprise, qui marque le début

de ce que l’histoire appellera la seconde bataille de la Marne. Sur un front de 55 km, les 10e et 6e armées françaises, épaulées par des unités américaines, britanniques et italiennes, se lancent à l’assaut des lignes allemandes autour du saillant de la Marne. Un « barrage roulant » protège l’avance, suivi de quelque 470 chars, pendant que des avions français et britanniques s’assurent la maîtrise du ciel. L’ennemi est forcé de rétrograder vers ses anciennes lignes, entre Reims et Soissons, de l’autre côté de la Marne. Le 3 août, une poche de résistance est éliminée à Château-Thierry et les forces alliées dégagent la route de Paris à Strasbourg. Affaiblies par des rations inadéquates et par une épidémie de grippe, les forces allemandes ne parviennent pas à résister ; les Alliés capturent 35 000 prisonniers. Le 6 août, Foch est nommé maréchal de France. La seconde bataille de la Marne marque un tournant dans la Grande Guerre : ayant survécu à l’offensive du printemps, les Alliés vont maintenant passer à l’attaque.

PRÉPARATION DE L’OFFENSIVELe 24 juillet, tandis que les combats de la seconde bataille de la Marne continuent, Foch et les commandants des forces armées britanniques, américaines et françaises – Douglas Haig, John J. Pershing et Phillipe Pétain – sont réunis au château de Bombon, au sud-est de Paris. Le généralissime expose un plan d’offensive alliée, après plusieurs mois de combats défensifs. Il parle d’un effort coordonné et, aspect capital du plan, d’un enchaînement de grandes offensives, d’une « série de mouvements » : des assauts-surprise violents à répétition, sur l’ensemble du front occidental, ponctués exclusivement de pauses brèves, censés infliger une succession de coups qui accablerait l’armée du Kaiser. Il s’agit avant tout de s’emparer de trois voies ferrées stratégiques pour les Alliés : la ligne Paris-Avricourt dans le secteur de

Des soldats américains traversent Saint-Martin-au-Laërt, le 8 juillet 1918. ©Imperial War Museum (Q 46445)

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la Marne, la même ligne dans le secteur de Verdun, près de Saint-Mihiel, et la ligne Paris-Amiens, qui sera prise à l’issue d’une attaque alliée à Amiens.

Le terrain à l’est de la capitale picarde est prometteur : une rase campagne onduleuse, une terre dure qui rendra les chars plus efficaces et, peut-être plus important encore, des défenses allemandes limitées. Compte tenu de la proximité du front, les autorités françaises évacuent la population civile d’Amiens. Touchée par l’artillerie allemande, y compris la cathédrale, la ville échappe toutefois à la destruction. La présence de lignes de chemin de fer vitales donne à Amiens son importance stratégique, et c’est ici que les lignes britannique et française se rejoignent. Comme à la Somme en 1916, la bataille d’Amiens sera une opération conjointe.

LES ARMÉES DE 1918La seconde bataille de la Marne s’est avérée décisive : elle a remonté le moral des Alliés après des mois de combats défensifs et provoqué une crise de confiance du commandement allemand. Quand arrive l’été 1918, la balance des forces sur le front occidental ne penche plus de leur côté. Si les effectifs allemands sont à leur plus haut niveau en juin 1918, avec un peu plus de 1 600 000 soldats, les pertes à venir, qui ne pourront pas être remplacées, entraîneront leur diminution progressive. Foch est conscient des avantages psychologiques et matériels des Alliés, mais aussi de la nécessité d’une coordination plus efficace pour en tirer parti : pour l’offensive d’Amiens, la 1ère armée française rejoindra la 4e armée britannique.

Les soldats américains ont alors déjà commencé à arriver, par centaines de milliers chaque mois. La prise de Cantigny (près de Montdidier) par la 1ère division américaine le 28 mai en est la preuve :

l’infanterie américaine est capable de vaincre les troupes allemandes aguerries. Tant les effectifs croissants que l’impact potentiel des forces américaines ont une influence profonde sur la pensée stratégique dans les deux camps. Le 1er mai 1918, 430 000 soldats du corps expéditionnaire américain (AEF) sont en France ; ils sont plus de 650 000 à la fin du mois. En novembre, ils forment la plus grande armée du front occidental.

Malgré les lourdes pertes subies lors des offensives allemandes de mars et d’avril, les forces de l’Empire britannique sont réorganisées et réapprovisionnées, en hommes et en matériel. Quand arrive 1918, l’armée britannique s’est transformée en une organisation multinationale gigantesque et complexe, composée de cinq « armées » de plus de soixante divisions de combat – dont cinq australiennes, quatre canadiennes, une néozélandaise et deux américaines. En août 1918, elle compte quelque 2 400 000 hommes. Les unités australiennes et canadiennes, malgré leur manque de force et de renforts, sont souvent compétentes et aguerries. Bon nombre des remplacements qui arrivent du Royaume-Uni au front sont des appelés. Certains n’ont pas plus de dix-huit ou dix-neuf ans et la plupart n’ont aucune expérience militaire.

Les programmes d’entraînement sont devenus plus complexes et sont mieux adaptés aux besoins qu’ils ne l’étaient auparavant. Dès le 5 avril, pendant la première phase de l’offensive allemande, les soldats reçoivent des « Notes sur les combats récents » qui analysent les enseignements tirés des 21 et 22 mars. Les décisions sont de plus en plus déléguées, laissant davantage de place à l’innovation et à l’initiative. Des barrages « roulants », précis et contrôlés protègent l’infanterie, désormais entraînée à se battre en petites unités, armées de

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mitraillettes, de mortiers et de grenades à fusil. Ils sont soutenus par des chars, dont le Whippet et le nouveau Mark V, parfois par des avions. Tout cela demande un effort industriel énorme : les usines britanniques et américaines fabriquent les armes, les munitions et le matériel, qui sont ensuite acheminés par des unités logistiques efficaces.

LE HAMELLe soir du 3 juillet, les troupes de la 4e division australienne et quatre compagnies d’infanterie américaines se préparent à lancer une attaque-surprise sur les lignes allemandes autour du village de Le Hamel, à proximité de Villers-Bretonneux. L’opération limitée, censée améliorer les lignes défensives alliées et obtenir un poste d’observation le long de la vallée de la Somme, est préparée dans le moindre détail ; rien n’est laissé au hasard. L’infanterie, les chars, les avions et l’artillerie, qui interviendront ensemble, reçoivent un entraînement spécial et des ordres précis.

À 3 h 10, le 4 juillet, l’infanterie et les chars avancent, couverts par un barrage roulant dévastateur. Des détachements spéciaux attaquent les positions ennemies lourdement défendues, tandis que le reste des attaquants avance vers les objectifs. Le tour est joué en environ 90 minutes, au prix de 1 000 soldats australiens et américains tués ou blessés. Le bilan des pertes humaines est très lourd dans le camp ennemi, qui perd également plus de 1 000 soldats capturés. Cette bataille est un signe avant-coureur de l’offensive alliée qui se prépare, à plus grande échelle, et qui commencera à Amiens le mois suivant.

Bon nombre d’enseignements ont été tirés des offensives précédentes : l’effet de surprise pourrait être critique, la mobilité et la flexibilité priment, et le succès est impossible sans la collaboration efficace

de toutes les armes. Le général Monash, commandant du corps australien, déclarera :

“ ... le vrai rôle de l’infanterie n’est pas de s’épuiser en actes d’héroïsme physique, ni de se sacrifier au feu implacable des mitrailleuses, ni de s’empaler sur les baïonnettes ennemies... mais au contraire, d’avancer en étant le plus protégée possible par le plus grand éventail possible de ressources mécaniques, sous la forme de canons, de mitrailleuses, de chars, de mortiers et d’avions ; d’avancer avec le moins d’obstacles possible ; d’être dégagée autant que possible de l’obligation de se battre pour avancer...”

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Le 8 août 1918, à 4 h 20, juste avant le point du jour, près de 100 000 fantassins canadiens, australiens et britanniques, soutenus par des centaines de chars, avancent sur un front d’un peu plus de 22 km, derrière un barrage d’artillerie dévastateur. Dans la brume opaque, l’effet de surprise sur l’armée allemande est total. Pendant que les Français attaquent au sud, la quatrième armée avance : les troupes de choc à la tête du corps d’élite canadien sur la droite, et celles du corps australien au centre, atteignent leurs premiers objectifs aux alentours de 7 h 30. Soutenues par des chars qui écrasent les

barbelés et des avions de mitraillage au sol, elles accomplissent leur mission en début d’après-midi. Le combat a plus ou moins cessé quand sonnent 14 heures. Les seuls revers sont essuyés sur les flancs extrêmes de l’attaque et plus particulièrement au nord de la Somme, où le 3e corps britannique se heurte à une résistance allemande farouche. L’opération est un succès retentissant pour les Alliés et un triomphe de la coopération de toutes les armes. Les pertes humaines allemandes sont estimées à 27 000 morts, blessés ou capturés. L’armée ennemie et ses dirigeants viennent de subir un choc physique et psychologique écrasant.

LA BATAILLE D’AMIENS : 8 – 11 AOÛT 1918

Des soldats américains se mettent en rang pour recevoir leur décoration du roi George, le 6 août 1918, à Molliens-au-Bois (France). Photo : US Signal Corps, US National Archives

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PRÉPARATIONSTout repose sur l’effet de surprise et le secret. Les réunions préparatoires n’ont pas toutes lieu au même endroit ; la reconnaissance est discrète ; les ordres sont émis au dernier moment possible ; tous les mouvements ont lieu la nuit, couverts par des patrouilles aériennes ; le tir d’artillerie est soigneusement orchestré au fur et à mesure de l’ajout de canons, pour éviter toute augmentation manifeste de la puissance de tir. Une campagne disciplinée est menée pour préserver le secret, et un plan élaboré est dressé pour dissimuler la présence d’unités australiennes supplémentaires et du corps canadien, car leur réputation de troupes d’assaut alerterait les Allemands. Les Alliés prennent leurs positions à Amiens deux heures seulement avant l’attaque principale.

Le front d’attaque allié s’étend plus ou moins de l’Ancre, au nord, jusqu’aux alentours de Moreuil, au sud : environ 32 km au total. Le secteur de 22 km de la 4e armée britannique va de l’est de Ville-sur-Ancre à la route qui relie Amiens à Roye, tandis que la 1ère armée française du général Debeney opère au sud de la route, sur un front d’environ 11 km. La 4e armée vise l’ancienne « ligne de défense extérieure d’Amiens », à une distance de 9 à 13 km. Parce qu’une telle distance demande un effort physique éreintant de la part de l’infanterie attaquante, il est décidé de diviser l’avance en trois « étapes » ou « bonds » distincts. Des pauses sont prévues dans les intervalles pour le repos et la fusion des unités, qui permettront également aux forces de réserve de

Des hommes de la 95e batterie de siège de l’artillerie de la garnison royale chargent un obusier de 233 mm près de Bayencourt pendant la bataille d’Amiens, le 8 août 1918. ©Imperial War Museum (Q 10377)

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rattraper les autres et de traverser la première vague d’unités attaquantes pour avancer vers l’objectif suivant.

Les troupes attaquantes de la 4e armée sont soutenues par plus de 2 000 pièces d’artillerie. Un fantassin australien qui participe au combat matinal du 8 août décrit l’efficacité terrifiante du barrage de protection :

“À l’heure H, le bombardement s’annonça par une explosion terrifiante. Les obus fusèrent sans interruption, faisant un bruit de trains express. Des éclairs poignardèrent la brume. La terre sembla trembler sous le choc... Compagnie après compagnie, section après section, avancèrent dans le banc de brume. À l’avant, le barrage faisait un bruit de grosse caisse gigantesque. Nous savions que quand ce premier rideau d’obus tomberait, les hommes des 2e et 3e divisions australiennes, les Tommies sur notre gauche, et les Canadiens sur notre droite, en formations de combat, avanceraient derrière ce mur de la mort ambulant, pour attaquer la ligne de front des tranchées allemandes...”

AVANCES Un front d’environ 6,5 km entre la route d’Amiens à Roye et la ligne de chemin de fer Amiens-Chaulnes a été confié à

trois divisions du corps canadien sur la droite, à côté de la première armée française. La 3e division canadienne, à l’extrême droite, doit traverser les marécages difficiles de la vallée de Luce et rencontre une résistance allemande féroce à Railway Wood. À gauche, la 2e division canadienne fonctionne bien avec les Australiens sur sa gauche et dépasse le village de Marcelcave, soutenue par les chars, en moins d’une heure. Les bois de Morgemont et de Hangard sont le théâtre de violents combats, mais le corps atteint ses objectifs en début d’après-midi : une avance d’environ 13 km est effectuée.

Le front du corps australien s’étend sur environ 7 km, de la ligne de chemin de fer Amiens-Chaulnes à la Somme. Sur un terrain plus favorable que celui des Canadiens, et soutenus par quatre bataillons de la 5e brigade de chars, les Australiens progressent considérablement et profitent de l’excellent tir de suppression de l’artillerie. Le seul revers important est essuyé à l’extrême gauche de l’avance australienne, où la 4e division est gravement ralentie par l’ennemi qui se défend d’une position dominante sur l’éperon de Chipilly. Les forces australiennes atteignent néanmoins leur objectif aux alentours de 12 h 30.

Au nord de la Somme, le 3e corps britannique est fortement perturbé par une incursion allemande le 6 août, juste

Des soldats préparent un canon de 30 kg à moins d’un kilomètre des lignes ennemies pendant la bataille d’Amiens, en août 1918. Photographie : Bibliothèque et Archives Canada PA-040172

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avant l’assaut allié. Les Britanniques sont censés soutenir le flanc gauche des Australiens et s’emparer des positions qui surplombent la Somme, mais le terrain est difficile, le soutien de chars limité, et la résistance allemande obstinée. Tandis que la 12e division prend Morlancourt, les unités au sud du front progressent peu, particulièrement aux positions défendues avec acharnement par les Allemands à l’éperon de Chipilly. À la fin de la journée, le corps n’a pas avancé de plus de 3 km.

Attaquant au sud de la 4e armée, douze divisions de la 1ère armée française protègent l’assaut principal mené par les Canadiens et les Australiens, qui deviendra la 3e bataille de Picardie dans l’histoire de France. Sans chars et sur un terrain difficile, les soldats français avancent vers Roye et gagnent environ huit kilomètres en un jour. Quelques unités poussent jusqu’à Faverolles, à l’est de Montdidier. Le 10 août, elles rejoignent les lignes qu’elles tenaient en 1914.

ARMES COMBINÉESLa puissance aérienne alliée joue un rôle important avant et pendant l’attaque du 8 août. Bien qu’elle surpasse les

Allemands en nombre d’engins, toute activité aérienne sérieuse lui est rendue impossible par le brouillard, qui ne commence à se dissiper qu’aux alentours de 9 heures. Par la suite, dans les airs, les avions bombardent et mitraillent le matériel allemand : postes de mitrailleuse, artillerie, camions et voitures, véhicules de transport à cheval. L’après-midi, le commandement de la RAF concentre les attaques sur les ponts de la Somme pour tenter d’entraver les mouvements allemands. La RAF subit de lourdes pertes car de plus en plus de chasseurs allemands entrent dans l’arène.

Les chars et les véhicules blindés jouent eux aussi un rôle crucial. Leur effet sur le moral de l’infanterie lors de l’assaut initial ne saurait être estimé. Les 340 chars Mark V présents au début, plus les renforts, se chargent des poches de résistance, des nids de mitrailleuses et des enchevêtrements de barbelés. Mais les chars sont lents, manquent de fiabilité mécanique et peuvent difficilement être dissimulés. Profitant de cette vulnérabilité, les canonniers allemands s’en donnent à cœur joie quand le brouillard commence à se dissiper.

Un bombardier lourd Handley-Page 0400 est remorqué par un tracteur. Deux de ces avions décollent la nuit de la bataille et font des allers-retours au-dessus des lignes de front, à une altitude dangereusement basse et dans le noir, pour noyer le bruit des moteurs des chars qui se rassemblent pour l’attaque. Photographie : RAF Museum

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RÉSULTATSÀ la fin de la journée, la ligne de la 4e armée a avancé de presque 13 km par endroits. Le bilan des pertes humaines est estimé à moins de 9 000 blessés, morts et capturés. Même si aucune position stratégique importante n’a été arrachée à l’ennemi, la menace allemande qui pesait sur les chemins de fer à Amiens est désamorcée. Les combats sont surtout parvenus à

infliger des dégâts à l’armée du Kaiser. Environ 9 000 soldats allemands sont tués ou gravement blessés. Les pertes d’armes et de matériel sont elles aussi lourdes.

Le nombre de prisonniers allemands est estimé à 18 000 : 15 000 capturés par la 4e armée et 3 000 par les Français. Cette tournure des événements est particulièrement troublante, car elle met en cause les limites de la détermination de l’ennemi. Le moral allemand semble fléchir. On observe des changements dans le comportement des soldats, au combat et lorsqu’ils sont capturés : beaucoup ne sont pas blessés et affichent une étrange volonté de se rendre. Ludendorff parlera plus tard d’un « jour de deuil » de l’armée allemande. L’histoire officielle de l’Allemagne affirme sans ménagements : « Quand le soleil se couche sur le champ de bataille le 8 août, la plus grande défaite subie par l’armée allemande depuis de début de la guerre est un fait accompli. »

9 – 11 AOÛT 1918Ayant pris le contrôle de l’ancienne « ligne de défense extérieure d’Amiens » l’après-

Des hommes de la 5e brigade australienne tout près de Warfusée-Abancourt, le 8 août 1918. AWM E04922

Des canonniers de l’artillerie royale à cheval examinent un canon allemand de 77 mm et une mitrailleuse Maxim capturés au bois Malard lors de la bataille d’Amiens, le 9 août 1918. ©Imperial War Museum (Q 6931)

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midi du 8 août, les forces de l’Empire britannique assistent au spectacle des nombreux dépôts de munitions allemands qui brûlent au loin. Le 9 août, au petit matin, le village de Le Quesnel est capturé par les forces canadiennes. Mais un long retard s’ensuit, dû à une confusion concernant les ordres opérationnels. D’autres attaques canadiennes et australiennes sporadiques sont lancées plus tard dans la matinée et au début de

l’après-midi. Certaines sont soutenues par l’artillerie, d’autres par des chars, mais l’infanterie avance parfois sans cette assistance vitale. Les quelque 400 chars présents la première journée ne sont plus qu’environ 150. Bon nombre des équipages qui ont survécu sont éreintés par la chaleur insupportable à l’intérieur des chars pendant le combat, ainsi que par les tirs ennemis incessants.

Des brancardiers australiens du 53e bataillon traversent les rues endommagées d’Harbonnières, le 9 août 1918. AWM E02845

La capture de la crête de Chipilly par la 5e division (Londres), le 9 août 1918. Les signaleurs de l’artillerie de campagne royale utilisent des héliographes dans une tranchée allemande capturée la veille. ©Imperial War Museum (Q 9191)

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À l’éperon de Chipilly, le 131e régiment d’infanterie américain (affecté à la 58e division du 3e corps britannique) participe à une attaque contre des positions allemandes solides décrites dans l’histoire officielle de la Grande-Bretagne comme

une « petite forteresse ». Cette hauteur, qui se dresse en pente raide au-dessus des marais de la Somme, est protégée par une vallée étroite couverte de mitrailleuses, dont certaines dans des emplacements fortifiés. Elle n’en est pas moins capturée à la tombée de la nuit. Cependant, malgré cette importante victoire, les Alliés ne gagnent qu’un peu moins de 5 km.

Le 10 août est une belle journée d’été, ponctuée d’attaques au coup par coup qui se heurtent à une résistance allemande opiniâtre. La 3e armée française parvient à avancer à l’extrême droite du front, Montdidier est occupée, mais des problèmes de communication et un commandement inquiété par les contre-attaques allemandes limitent les avances ailleurs. La topographie est désormais plus difficile, car elle comprend les lignes de tranchées de l’année précédente,

Les véhicules blindés de la brigade motorisée canadienne de mitrailleuses avancent vers l’est lors de la bataille d’Amiens, le 9août 1918. Photographie : Bibliothèque et Archives Canada PA-003016

Des soldats australiens du 6e bataillon se reposent dans une tranchée capturée le 10 août 1918. Les tranchées du secteur dataient pour la plupart des combats de la Somme en 1916. AWM E02866

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avec leurs trous d’obus et leurs barbelés dissimulés par l’herbe haute, mais aussi les tranchées abandonnées dont les défenseurs allemands profitent.

Les systèmes téléphoniques mis en place par les Alliés sont maintenant loin derrière eux et malgré les efforts des signaleurs, des relais de coureurs, de cyclistes et de cavaliers, les communications sont relativement lentes et peu fiables. Les canons allemands ciblent impitoyablement les véhicules blindés britanniques et les pertes de chars s’alourdissent. Cette « guerre semi-ouverte » s’accompagne de problèmes particuliers. La plus grande avance de la 4e armée, dans le secteur canadien, est d’environ 3 km. Le beau temps persiste le 11 août, mais les gains de la 4e armée sont négligeables. Réorganisés, les défenseurs allemands lui opposent une résistance de plus en plus farouche.

La bataille d’Amiens est achevée. Quatre jours de combat ont abouti à des gains

énormes, mais les opérations offensives cessent pendant que commence la préparation d’une autre attaque au nord d’Albert. En trois jours de combat, l’Empire britannique et les forces alliées ont capturé plus de 29 800 prisonniers et 240 pièces d’artillerie, au prix d’environ 22 000 pertes humaines (blessés, tués et capturés), dont près de 6 000 soldats du corps australien et plus de 9 000 du corps canadien. Les forces américaines perdent plus de 1 400 hommes. Les armées françaises, pendant ce temps, ont capturé plus de 11 300 prisonniers et plus de 250 canons d’artillerie, perdant un total de 24 000 hommes entre le 6 et le 15 août. C’est une vraie force multinationale qui se bat, composée de soldats américains, australiens, britanniques, canadiens et français (de la métropole et des colonies) ; une victoire de la coopération et de la coordination, qui donne le coup d’envoi des trois mois qui aboutiront à la capitulation de l’Allemagne.

Un convoi de coffres d’artillerie traverse le village de Ressons-Sur-Matz le 11/12 août 1918. ©Jacques RIDEL/SPCA/ECPAD/Défense - SPA 58 W 2409

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D’AMIENS À L’ARMISTICE

Après le succès des Alliés à Amiens, une série d’attaques coordonnées chasse les Allemands des anciens champs de bataille de la Somme. Ils se réfugieront derrière les redoutables défenses préparées de la ligne Hindenburg, jusqu’à ce qu’elles aussi soient prises. Le 4 octobre, l’Allemagne adresse une demande d’armistice au président américain Woodrow Wilson. Les combats continuent pendant les négociations, jusqu’à la signature de l’armistice qui met fin aux hostilités sur le front occidental le 11 novembre.

La campagne entre la bataille d’Amiens et l’armistice sera baptisée « l’offensive des cent-jours », en écho des guerres napoléoniennes. Des soldats de toutes part du monde combattent : les armées française et belge ; les forces de l’Empire britannique, d’Australie, du Canada, d’Inde, de Terre-Neuve, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud et des Antilles, mais aussi de toute la Grande-Bretagne et l’Irlande ; les forces américaines et bon nombre d’unités alliées, dont celles du Portugal, de l’Italie et du Siam (aujourd’hui la Thaïlande). Chaque armée a un rôle important à jouer, mais cet exposé porte

Des soldats canadiens se mettent à l’abri du feu ennemi dans un fossé le long de la route d’Arras à Cambrai en septembre 1918. Photographie : Bibliothèque et Archives Canada PA-003153

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plus particulièrement sur la contribution des forces de l’Empire britannique.

LA BATAILLE D’ALBERT, 21 – 23 AOÛT 1918 LA SECONDE BATAILLE DE BAPAUME, 31 AOÛT – 3 SEPTEMBRELe 21 août, à 4 h 55, cinq divisions de l’armée britannique avancent dans le brouillard sur un front de 11 km, dans le sillage d’un barrage roulant précis. Le but étant au départ de prendre la ligne de chemin de fer d’Arras à Albert, en plein cœur des champs de bataille de la Somme, les préparations se font dans le plus grand secret et l’effet de surprise sur les forces allemandes est total. La ville d’Albert est prise par les Alliés le lendemain. Le 23 août, les armées britannique et française attaquent sur un front de 53 km, se rapprochant encore plus de Bapaume et Péronne.

Le 31 août, à 5 heures, la 5e brigade australienne prend d’assaut les hauteurs stratégiques du mont Saint-Quentin. Le combat sanglant n’aboutit à aucune percée. Le lendemain matin, la 6e brigade australienne attaque et prend peu à peu le contrôle du village perché. Pendant ce temps, la 14e brigade fonce sur Péronne ; à la fin de la journée, elle a pris le contrôle de la plus grande partie de la ville. Les positions ennemies apparemment fortes sont brisées, et les troupes allemandes battent en retraite derrière la ligne Hindenburg.

LA BATAILLE DE LA SCARPE, 26 – 30 AOÛTLA PRISE D’ASSAUT DE LA LIGNE DROCOURT-QUÉANT, 2 – 3 SEPTEMBRE 1918 Alors que les forces allemandes peinent à se remettre des attaques sur les champs de

La bataille de la ligne Drocourt-Quéant. Des sapeurs britanniques posent la voie ferrée à Écoust, le 6 septembre 1918. ©Imperial War Museum (Q 7059)

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bataille de la Somme, l’armée britannique change de cap et dirige son attention vers le nord : vers les positions allemandes aux environs de la Scarpe, près d’Arras, et les défenses de la ligne de chemin de fer Drocourt-Quéant. À 3 heures, le 26 août, dans le crachin et l’obscurité, les 2e et 3e divisions canadiennes avancent, épaulées par la 51e division d’infanterie (Highland). Malgré un succès initial, elles sont ralenties pendant les jours qui suivent par des conditions météorologiques de plus en plus défavorables et une résistance allemande opiniâtre. À l’issue d’un combat acharné le 30 août, les défenses allemandes sont en partie percées et l’avance est interrompue pour préparer un assaut total sur la ligne Drocourt-Quéant.

Pendant les deux jours qui suivent, l’artillerie britannique pilonne la masse dense d’enchevêtrements de barbelés qui protège les défenses allemandes. C’est à 5 heures, le 2 septembre, dans

un demi-jour matinal, que les 1ère et 4e divisions canadiennes lancent l’assaut sur les crêtes exposées, derrière un barrage d’artillerie intense, tandis que la 4e division britannique avance sur leur gauche. Les chars écrasent les barbelés et se concentrent sur les points forts allemands. Les premiers objectifs sont atteints avant 9 heures, et des bataillons d’arrière-garde traversent les premières vagues d’attaquants et avancent hors de portée du soutien d’artillerie. À l’issue d’un combat violent, la ligne Drocourt-Quéant est percée à la tombée de la nuit et les unités du corps canadien s’élancent en rase campagne. Pendant la nuit du 2 au 3 septembre, les forces allemandes battent en retraite et les forces britanniques avancent avec précaution. Ils arrivent à distance de tir de la ligne Hindenburg.

LA LIGNE HINDENBURGLe Siegfried Stellung – connue des Alliés sous le nom de « ligne Hindenburg » –

Des soldats australiens du 45e bataillon tirent sur les troupes allemandes en retrait le long de la ligne Hindenburg, le 18 septembre 2018. AWM E03260

Des chars partent à l’assaut alors que des divisions américaines et australiennes lancent leur attaque sur la ligne Hindenburg, le 29 septembre 1918. Ils transportent des armatures en bois solides qui leur permettront de traverser les tranchées. AWM H12514

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est une série de zones efficacement défendues, qui s’étend de Tilloy (près d’Arras) au nord, aux environs de Vailly (sur l’Aisne) au sud. Ces positions imposantes sont un obstacle redoutable à la progression des armées alliées. Construites entre septembre 1916 et mars 1917, elles comportent d’importantes fortifications en béton armé et représentent un travail de génie colossal. Leur construction demande de vastes quantités de matériaux et de main-d’œuvre, dont le travail forcé des civils et des prisonniers de guerre russes. Pour l’armée allemande, la défense de la ligne Hindenburg est l’ultime tentative de prolonger le combat jusqu’en 1919.

SAINT-MIHIEL, 12 – 15 SEPTEMBRE 1918Après des avances prudentes entre le 3 et le 10 septembre, les commandants alliés sont impatients de profiter de la retraite des forces allemandes. Il leur faudra éliminer les positions allemandes au saillant de Saint-Mihiel pour prendre le contrôle de la ligne Paris-Avrecourt. Les 12 et 13 septembre, quelque 264

000 soldats alliés partent à l’assaut sur un front d’environ 65 km entre Les Éparges et la Moselle. L’opération est de grande envergure, soutenue par plus de 1 400 avions, 3 100 canons et plus de 250 chars. Fait à noter, près de 216 000 soldats américains mènent l’assaut aux côtés de 48 000 Français. Un combat féroce continue et le saillant est peu à peu éliminé. Le 15 septembre, 4 000 soldats allemands sont faits prisonniers. Quand la bataille s’achève, les Alliés ont perdu 7 000 hommes.

LA BATAILLE DE HAVRINCOURT, 12 SEPTEMBRE 1918 LA BATAILLE D’ÉPEHY, 18 SEPTEMBRE 1918 Les troupes de l’Empire britannique approchent des défenses extérieures de la ligne Hindenburg, où elles convoitent de meilleures positions pour l’observation et pour la préparation de l’assaut principal. Le 12 septembre, à 5 h 25, les brigades d’infanterie de la division de Nouvelle-Zélande, de la 37e division et de la 62e division (2nd West Riding) attaquent

Trois soldats se reposent près du village d’Épehy capturé le jour-même par la 12e division britannique, le 18 septembre 1918. ©Imperial War Museum (Q11326)

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les hauteurs d’Havrincourt. Pendant un combat rapproché féroce, les contre-attaques allemandes réfutent toute idée de détérioration du moral ennemi. Le matin du 18 septembre, après s’être assemblée dans le noir sous une pluie diluvienne, l’infanterie de la 4e armée attaque près d’Épehy. Malgré le mauvais temps, le terrain détrempé, le manque de visibilité et la résistance allemande, les progrès sont considérables, notamment pour le corps australien qui réussit à dépasser les lignes allemandes. À la tombée de la nuit, les armées britanniques ont avancé d’environ 3 km et capturé plus de 9 000 prisonniers allemands. Encouragés, les commandants alliés commencent à préparer une percée.

LA BATAILLE DU CANAL DU NORD, 27 SEPTEMBRE – 1ER OCTOBRE 1918 LA BATAILLE DU CANAL DE SAINT-QUENTIN, 29 SEPTEMBRE – 2 OCTOBRE 1918

La dernière semaine de septembre, plusieurs grandes offensives alliées sont lancées sur le front occidental. Les 1ère et 3e armées britanniques doivent prendre d’assaut la prolongation nord de la ligne Hindenburg, vers Cambrai. Le 27 septembre, à 5 h 20, après une nuit de forte pluie, les soldats des 4e et 1ère divisions canadiennes quittent leurs postes de rassemblement exigus et attaquent derrière un barrage roulant dévastateur. Grâce aux nuages de fumée dense poussés vers les lignes allemandes, les troupes canadiennes qui mènent l’assaut traversent vite le canal. Les Royal Engineers commencent immédiatement la construction de ponts pour le passage des soldats, de l’armement et des munitions de l’autre côté de la barrière capturée. Après des combats féroces, les Canadiens s’emparent des hauteurs stratégiques du bois de Bourlon et les troupes alliées avancent ailleurs, menaçant Cambrai. En deux jours, les forces de l’Empire britannique ont

Un Américain blessé lors de l’assaut sur la ligne Hindenburg est secouru par des soldats australiens, le 30 septembre 1918. AWM E03384

Le général de brigade britannique Campbell s’adresse aux hommes de la 137e brigade (46e division) au pont de Riqueval, sur le canal de Saint-Quentin (qui fait partie de la ligne Hindenburg allemande). Ils le traverseront le 29 septembre 1918. ©Imperial War Museum (Q 9534)

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progressé de presque 10 km, capturant 10 000 prisonniers allemands et 200 canons.

Une autre attaque sur la ligne Hindenburg est lancée le matin du 29 septembre, cette fois sur le canal de Saint-Quentin. Deux divisions américaines se trouvent parmi les troupes attaquantes. Déconcertées par le brouillard et les barbelés, elles progressent lentement et subissent de lourdes pertes, tandis que les unités australiennes qui les épaulent sont entraînées dans une lutte intense pour le contrôle de hauteurs stratégiques. Ailleurs, les soldats de la 46e division (North Midland) dépassent les défenses extérieures allemandes, traversent le canal et capturent les ponts survivants intacts. Malgré quelques revers, les deux opérations réussissent, et deux positions stratégiques sur la ligne Hindenburg sont emphatiquement percées.

MEUSE-ARGONNE, 26 SEPTEMBRE – 11 NOVEMBRE 1918Le 26 septembre, les forces américaines et françaises attaquent les lignes allemandes en Argonne, près de Verdun. Une offensive féroce et sanglante débute pour gagner du terrain le long de la Meuse ; elle durera jusqu’aux derniers instants de la campagne sur le front occidental. Les soldats de la 1ère armée américaine combattent aux côtés de la 4e armée française en trois phases successives qui font reculer les armées allemandes, tout d’abord jusqu’à l’Aisne, puis à Sedan (Ardennes) au début de novembre. Le bilan des pertes humaines américaines est de plus de 26 000 morts et 96 000 blessés. L’offensive Meuse-Argonne sera le plus grand combat du corps expéditionnaire américain pendant la Grande Guerre.

LA BATAILLE D’YPRES, 28 SEPTEMBRE – 2 OCTOBRE 1918LA BATAILLE DE LA LIGNE DE BEAUREVOIR, 3 – 5 OCTOBRE 1918 Pendant que les troupes alliées attaquent la ligne Hindenburg en France, la série

d’offensives coordonnées par Foch se poursuit le 28 septembre en Flandres, et les forces alliées sous commandement belge attaquent autour d’Ypres. L’avance est rapide malgré le mauvais temps et le terrain difficile : la 9e division (écossaise) dépasse Westhoek ; la 29e division avance vers Gheluvelt ; la 14e dépasse « The Bluff », et les forces belges remportent des succès comparables. Les assauts alliés continuent le 29 septembre mais des pluies torrentielles ralentissent le mouvement vers l’avant. Avec l’arrivée des réserves allemandes, la première phase de l’opération en Flandres s’achève le 2 octobre.

Les Allemands tentent alors désespérément d’empêcher les Alliés d’avancer plus au sud après la percée des défenses du canal de Saint-Quentin. Entre le 30 septembre et le 2 octobre, les forces alliées repoussent les Allemands vers leurs dernières défenses préparées : la ligne de Beaurevoir, à environ 3 km derrière la partie principale du système Hindenburg. Les deux camps se livrent un combat féroce et intense mais, le 5 octobre, les infanteries australienne et britannique finissent par prendre le contrôle de ces dernières positions allemandes. Plus rien ne les sépare de la rase campagne.

LES NÉGOCIATIONS DE L’ARMISTICEAu début d’octobre, l’Allemagne adresse une demande d’armistice au gouvernement américain, fondée sur les « quatorze points » énoncés quelques mois auparavant par le président Woodrow Wilson. La percée de la ligne Hindenburg n’est que l’un des facteurs qui déclenchent une crise du commandement allemand. Le front occidental, grand théâtre d’opération des Alliés, n’est pourtant que l’un des différents fronts sur lesquels les Empires centraux subissent une pression grandissante à la fin de l’année 1918. Le 29 septembre, la Bulgarie capitule après une offensive alliée en Serbie et dans les montagnes au nord de Salonique. L’échec est écrasant pour Ludendorff. Victime

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d’une dépression nerveuse, il conseille à la couronne allemande de demander l’armistice immédiatement. Dans les semaines qui suivent, les alliés de l’Allemagne essuient chacun des défaites dévastatrices : en Palestine, la bataille de Megiddo précipite l’effondrement de l’effort de guerre de l’Empire ottoman ; au nord de l’Italie, la bataille de Vittorio Veneto marque un tournant dans la campagne contre l’Autriche-Hongrie. Chacun demandera l’armistice en octobre et début novembre. Les attaques alliées coordonnées continuent pendant les négociations avec l’Allemagne.

LA BATAILLE DE CAMBRAI, 8 – 9 OCTOBRE 1918 LA BATAILLE DE COURTRAI, 14 – 19 OCTOBRE 1918 LA BATAILLE DE LA SELLE, 17 – 25 OCTOBRE 1918 En Argonne, sur l’Aisne, et en Flandres, les difficultés logistiques et le début des pluies d’automne gênent considérablement les communications, le transport du ravitaillement et l’avance de l’artillerie lourde. Douglas Haig, au commandement

des forces de l’Empire britannique, cherche à redonner de l’élan aux attaques alliées en lançant un grand assaut de l’armée commune au sud de Cambrai. L’opération a pour but d’intensifier la pression sur les Allemands en retraite et de percer la ligne défensive qu’ils ont rapidement improvisée. L’attaque débute à 1 heure, le 8 octobre, dans le noir et sous la pluie, suivie d’autres assauts avant l’aube. Les avances sont importantes malgré les contre-attaques allemandes, dont certaines utilisent des chars britanniques capturés. Les troupes néozélandaises et la 63e division (Royal Naval) remportent quelques succès notables, tandis que la 4e armée, avec le 2e corps américain, rejoint l’avance soutenue par les forces françaises. Quand la nuit tombe, les Allemands ne peuvent plus s’accrocher à leurs positions à Cambrai. Ils abandonnent la ville au petit matin et se replient derrière la Selle.

En Flandres, il faut presque deux semaines pour rétablir les routes sur le champ de bataille transformé en marécage avant de pouvoir reprendre les opérations offensives. Au nord, les forces françaises et belges

Le maréchal britannique Haig et Georges Clemenceau, Premier ministre de la République française, en conversation avec un prêtre français qui resta à Cambrai pendant l’occupation allemande, le 13 octobre 1918. ©Imperial War Museum (Q 9549)

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avancent vers Gand, soutenues par la 2e armée britannique près de la Lys, tandis que la 5e armée dépasse Lille, au sud. À partir du 14 octobre, une série d’attaques coordonnées repousse les Allemands vers la Lys, puis encore plus loin. Les forces alliées occupent Courtrai le 19 octobre.

Pendant ce temps, les forces britanniques se préparent à attaquer les positions allemandes mises en place hâtivement le long de la Selle. Après un arrêt de six jours pour les préparations et les bombardements d’artillerie, les soldats de la 4e armée attaquent dans un brouillard épais, à 5 h 20 le 17 octobre. L’infanterie et les chars, précédés d’un barrage roulant, avancent sur un front de 16 km au sud de Le Cateau. À la tombée de la nuit, les défenses ennemies sont percées et Le Cateau est capturée. Un combat intense continue les 18 et 19 octobre, alors que la 4e armée, épaulée par la 1ère armée française, a avancé de plus de 8 km vers le canal de la Sambre à l’Oise. Les attaques coordonnées continuent pendant plusieurs jours, et plus de 20 000 prisonniers allemands sont capturés par les forces attaquantes.

LA BATAILLE DE VALENCIENNES, 1ER – 2 NOVEMBRE 1918 LA BATAILLE DE LA SAMBRE, 4 NOVEMBRE 1918 À la fin d’octobre 1918, il ne fait plus de doute que l’Allemagne est en train de perdre la guerre. Sur le front occidental, la désintégration de ses armées est de plus en plus évidente. Les commandants alliés ont bon espoir qu’un autre coup dur pourrait inciter le haut-commandement allemand à accepter les conditions de l’armistice avant la fin de l’année. En préparation, le corps canadien et le 22e corps britannique attaquent Valenciennes, bastion allemand, le 1er novembre. Après un jour de combat intense autour du canal de l’Escaut au Rhin et des défenses qui encerclent les aciéries de Marly, les troupes allemandes sont forcées de se replier.

Les forces allemandes en retraite tentent désespérément de s’accrocher à la ligne du canal de la Sambre à l’Oise et à la forêt de Mormal. Sur un front de près de 64 km s’étirant à peu près de Condé au nord, à Oisy au sud, sur la Sambre, trois armées britanniques lancent une grande offensive censée amorcer l’effondrement total de l’ennemi.

Le 4 novembre, juste avant l’aube, l’infanterie avance dans un brouillard épais, sur un terrain difficile, derrière un bombardement de soutien. L’attaque de la 1ère division britannique sur le canal entraîne de lourdes pertes humaines, tandis que la 32e division se heurte à une résistance allemande farouche près d’Ors, où le poète Wilfred Owen tombe au champ d’honneur. L’infanterie, le génie et les pionniers parviennent quand même à prendre le contrôle des têtes de ponts stratégiques. Au nord, l’infanterie alliée cherche à chasser les Allemands de leurs positions dans les bois denses de Mormal, tandis que la division néozélandaise effectue une prise spectaculaire de la vieille citadelle de Le Quesnoy.

Ce sera la dernière « bataille » formelle de la guerre pour les forces de l’Empire britannique. Des combats sporadiques continuent les jours suivants, pendant que les troupes britanniques et canadiennes se rapprochent de la ville minière belge de Mons, lieu familier de la première confrontation entre le corps expéditionnaire britannique et l’armée allemande en 1914.

L’ARMISTICE, 11 NOVEMBRE 1918Entre la mi-juillet et la mi-novembre, les Alliés ont subi un peu plus d’un million de pertes (blessés, tués et disparus) : plus de 530 000 soldats français, environ 410 000 soldats des forces de l’Empire britannique et 127 000 soldats américains. Les forces allemandes, quant à elles, ont perdu plus de 1 100 000 hommes, dont 380 000 prisonniers.

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Au début de novembre 1918, les armées allemandes sur le front occidental sont presque à bout de forces. Repoussées avec acharnement par des avances alliées impitoyables, et disposant de peu de réserves pour renflouer les rangs, elles voient leur moral s’évanouir. Les alliés de l’Allemagne l’ont abandonnée en Europe méridionale et au Moyen-Orient. Sur le front intérieur allemand, la faim et les bouleversements politiques font régner une ambiance de crise militaire, politique et sociale aigue.

Le 6 novembre, une commission de l’armistice est nommée à Berlin, présidée par le ministre Matthias Erzberger, avec à ses côtés des représentants militaires et diplomatiques. Le lendemain, à l’invitation de Foch, ils se rendent sur les lignes françaises dans le secteur de Haudroy, près de La Capelle (Aisne). Un cessez-le-feu est ordonné et la délégation est conduite dans des voitures françaises jusqu’à un train spécial qui l’amène, dans la matinée du 8 novembre, à une voie de garage ferroviaire près de Rethondes, au fin-fond de la forêt de Compiègne

(Oise). C’est là que l’attend un autre train contenant le QG mobile du maréchal Foch, chef de la Commission alliée. Informés des conditions des Alliés, les représentants ont jusqu’à 11 heures le 11 novembre pour accepter. Les demandes de cessez-le-feu immédiat des Allemands leur sont refusées. Pendant ce temps, l’Allemagne est en plein bouleversement. La république est déclarée le 7 novembre et, deux jours plus tard, l’empereur Guillaume II abdique sous la pression des émeutes qui éclatent à Berlin.

Le 11 novembre, au point du jour, les délégués allemands entrent dans le wagon-restaurant de Foch, aménagé pour la signature de l’armistice. À 5 heures, après plusieurs heures de discussion et de modifications mineures, Erzberger devient le premier signataire, suivi de ses trois collègues. Foch signe pour la France et l’amiral Wemyss, chef d’état-major de la Marine, pour la Grande-Bretagne. À 11 heures, par une journée maussade et froide, l’armistice entre en vigueur, mettant officiellement fin aux hostilités sur le front occidental.

Un groupe d’infirmières de l’armée australienne à bord du navire transport de troupes Osterley pendant le voyage de retour en Australie, à la fin de 1919. AWM D00988

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À LA MÉMOIRE D’AMIENS

Bon nombre de ceux qui périrent en août 1918 reposent dans des tombes marquées tout autour d’Amiens et plus loin derrière les lignes, où les installations médicales et les hôpitaux traitaient les blessés. L’Imperial War Graves Commission fut créée par charte royale en 1917, un an avant la bataille. Elle commença à enregistrer et marquer les tombes dès l’été 1918 et, dans certains cas, à orner les cimetières militaires existants de fleurs et de buissons. Après la guerre, l’IWGC s’attela à sa tâche colossale de création de cimetières et de monuments durables.

Aujourd’hui, ce sont les jardiniers de la Commonwealth War Graves Commission qui s’occupent de l’entretien de ces jardins du souvenir tout au long de l’année. L’un des plus célèbres se trouve à Villers-Bretonneux, où un mémorial situé à côté du cimetière honore la mémoire de 10 000 soldats des forces australiennes morts en France sans sépulture. Tout près, à l’Adelaide Cemetery, un soldat inconnu australien fut exhumé, puis réenterré au mémorial australien de la guerre à Canberra. De nombreuses pierres tombales gravées de la feuille d’érable canadienne se trouvent au cimetière britannique de Caix.

Le cimetière militaire britannique de Vis-en-Artois, Haucourt (France). Photographie : Commonwealth War Graves Commission

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Les victimes des combats d’août 1918 – dont des soldats de plusieurs régiments britanniques – sont aussi enterrées dans les nombreux cimetières voisins, notamment Beacon Cemetery et Heath Cemetery, près d’Harbonnières.

Un mémorial construit à Vis-en-Artois, près d’Arras, porte les noms de plus

de 9 000 soldats sans sépulture morts en France entre la bataille d’Amiens et l’armistice. Il est l’œuvre de John Reginald Truelove et abrite une sculpture remarquable d’Ernest Gillick représentant Saint George terrassant le dragon. Des mémoriaux semblables à Arras et Pozières, sur la Somme, honorent les soldats qui périrent en tentant de repousser l’avancée allemande au printemps.

Les tombes des soldats français sont réparties dans les nombreux cimetières qui entourent Amiens. Elles sont presque 2 740 à Saint-Acheul, et environ 1 300 à Saint-Pierre. Des monuments honorent les forces américaines à Cantigny et Bellicourt, tandis que le cimetière américain de la Somme, près de Bony, contient les tombes de plus de 1 800 soldats de l’AEF. Les noms de plus de 300 d’entre eux sont gravés sur les murs des disparus. Plus de 22 000 soldats allemands sont enterrés au cimetière militaire allemand de Vermandovillers, dont environ 13 000 dans 15 fosses communes.

En juillet 1923, une plaque fut inaugurée à la cathédrale d’Amiens. Créée par Henry Philip Cart De Lafontaine, elle fut la première des nombreuses plaques commémoratives posées dans les années 1920 et 1930 par l’Imperial War Graves Commission dans les cathédrales de France et de Belgique.

Plaque commémorative, cathédrale d’Amiens. Photographie : archives diocésaines d’Amiens

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LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME D’AMIENS

C’est en la magnifique cathédrale Notre-Dame, érigée au XIIIe siècle, qu’est célébré le centenaire de la bataille d’Amiens. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981, cet édifice gothique de 145 mètres de longueur sur 70 mètres de largeur est le plus vaste de France. Si la région environnante est le théâtre de féroces combats pendant la Première Guerre mondiale, la ville d’Amiens, elle, reste derrière les lignes de front. Occupée quelques semaines seulement au début des hostilités, elle servira plus tard de garnison aux Alliés. Les Amiénois protègent leur cathédrale, qui résiste aux attaques. En 1916, des sacs d’argile sont empilés devant le jubé, les bas-reliefs du transept et les stalles pour toute la durée de la guerre. Sculpté aux XVIe et XVIIe siècles, le jubé évoque des scènes de la vie de saint Firmin et de Jean le Baptiste.

Le 17 novembre 1918, après l’armistice, une messe d’action de grâce est célébrée en la cathédrale, qui devient vite un lieu de souvenir. Ses plaques commémoratives sont dédiées au maréchal Foch, au général Marie-Eugène Debeney, libérateur de Montdidier et au lieutenant Raymond Asquith, fils du Premier ministre britannique de l’époque. Elles honorent aussi la mémoire des soldats venus du monde entier se battre sur le front de Somme, dont ceux de l’armée impériale australienne, du Royal Canadian Dragoons, The Newfoundand Regiment et des officiers du 6e régiment du génie de l’armée américaine. Dans

le déambulatoire, côté sud, une plaque gravée de 159 noms et une urne de bronze en contenant plusieurs milliers d’autres commémorent les paroissiens de Notre-Dame morts pour la France.

La chapelle du Sacré-Cœur, où pendent les drapeaux de six nations alliées, est aujourd’hui couramment appelée « chapelle des Alliés ». Elle est inaugurée le 2 novembre 1920, date à laquelle plusieurs drapeaux ont déjà été offerts à la cathédrale.

Le 3 août 1919, la cathédrale reçoit le drapeau australien des mains du général Birdwood, officier britannique au commandement du corps d’armée australien à partir de 1916. Le même jour, il fait don à la ville d’Amiens d’un canon allemand de 380 mm capturé par les Australiens à Proyart, en août 1918. Le drapeau australien est remplacé en 1971 et l’original envoyé au musée de la guerre de Canberra.

Le 29 décembre 1920, c’est le général Rawlinson, commandant de la 4e armée britannique à la bataille d’Amiens, qui présente le drapeau de sa nation à l’évêque. L’original est toujours présent dans la chapelle, ainsi que celui de l’Afrique du Sud.

Le Blue Ensign de Terre-Neuve-et-Labrador fut présenté le 27 août 1922 par Sir Richard Squires, K.C.M.G, alors premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, pendant l’inauguration de la plaque de Terre-Neuve-et-Labrador.

Protection des stalles du chœur, 1916. Photographie : archives diocésaines d’Amiens

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En l’honneur et à la mémoire des soldats et des victimes de la Première Guerre mondiale, le gouvernement britannique organise un programme national d’évènements, d’animations culturelles et d’activités éducatives commémoratives du centenaire. Le ministère du Numérique, Culture, des Médias et du Sport, avec l’appui du 10 Downing Street, du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, du ministère de la Défense, du ministère de l’Éducation et du ministère des Collectivités locales, entre autres, et en association avec ses principaux partenaires (Imperial War Museums, Commonwealth War Graves Commission, Arts Council England, Historic England et Heritage Lottery Fund), est chargé de la réalisation des projets relatifs aux commémorations. Le secrétaire d’État à la Culture, aux Médias et aux Sports préside le groupe consultatif d’experts responsable de veiller à ce que ce programme quadriennal de commémorations soit digne de ce chapitre crucial de l’histoire mondiale.

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