cea saclay 32-06 · david elbaz (p.11), daniel gillet (p.19), etienne klein (p.3-4, p.14-16) andré...
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DOSSIER Le Temps
■ Gammagraphies de la Vénus de Milo p.17
■ Un programme de recherche finalisée pour la sécurité nationale p.18
LE JOURNALCentre CEA de Sac lay
2e
TR
IME
ST
RE
20
06
> N
°3
2
Éditeur
CEA (Commissariat à l’énergie atomique)
Centre de Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Directeur
Yves CaristanDirectrice de la publication
Danièle ImbaultRédacteur en chef
Christophe PerrinRédactrice en chef adjointe
Sophie AstorgIconographie
Chantal Fuseau Conception graphique
Mazarine 2, square Villaret de Joyeuse
75017 Paris Tél. : 01 58 05 49 25
Sommaire n° 32Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2Dossier : le temps . . . . . . . . . . . . . . . . page 3Gammagraphies de la Vénus de Milo. . . . . . . . . . . . . . page 17Un programme de recherche finalisée pour la sécurité nationale . . page 18Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 19
Crédits photos
CEACNRS / D. GentyCEA / C. DupontCERN / M. BriceCEA / L. MédardCEA / C. Fuseau
CEA / IPEVIRD / G. Cabioch
CNRS / D. CotCEA / JM Elalouf
CERN / P. Loiez et L. GuiraudCERN / M. Droege
CNRS / P. LatronP-L. Martin
C. Sand, Département archéologique de
Nouvelle-Calédonie.CEA / F. Vigouroux
©Dargaud-Lombard 2006 DRAC / J. Clottes
DRAC Rhône-Alpes - Ministère de la culture et dela Communication – Service
régional de l’archéologie© Adagp, Paris 2006 Arman
(Arman Fernandez, dit) “L’heure de tous” (détail - 1985)
NASA et ESA
Photos de couverture : À gauche, “L’heure de tous”; à droite en haut, ours à la grotte Chauvet ; en bas, tunnel du LEP au CERN.
Éditorial
A ujourd’hui, un des
regards les plus
audacieux et les plus
déconcertants porté sur
le temps vient de la
physique, c’est pourquoi
il nous paraît intéressant
d’aborder ce thème dans le Journal de
Saclay.
Physicien au CEA, spécialiste du temps,
Etienne Klein ouvre ce dossier pour
parler de cette « chose introuvable dont
tout le monde parle, mais que personne
n’a jamais vue ».
Il ne faut pas confondre le temps et la
durée, qui en est un des effets les plus
sensibles ; mais comment parler de l’un
et non de l’autre ? En marge de réflexions
sur la nature du temps, nous avons donc
également choisi de présenter certains
des travaux menés au centre CEA de
Saclay en rapport avec la durée. On
pense immédiatement à la datation et
aux techniques utilisant la radioactivité.
Rappelons à ce sujet que Saclay abrite
deux laboratoires uniques en France :
ARTEMIS1 pour la mesure de carbone
radioactif (carbone 14) et le Laboratoire
national Henri Becquerel pour la métrologie
des sources radioactives.
Nombreuses sont les thématiques
faisant intervenir des durées extrêmes,
soit très longues, soit très courtes. Nous
n’avons pu retenir que quelques exem-
ples. Pour les longues durées, nous
avons choisi d’évoquer l’histoire des
galaxies, la corrosion à l’échelle de millé-
naires et l’analyse d’ADN2 préhistorique.
Pour les courtes durées, la physique des
particules au CERN3 et la physique
attoseconde4 fournissent chacune des
exemples frappants.
En plus de ce dossier, très « transversal »
et pluridisciplinaire, des articles permettent,
une fois encore, de montrer la diversité
des travaux menés à Saclay dans des
domaines tels que les sciences de la
matière, l’énergie nucléaire, les sciences
du vivant ou la recherche technologique.
Enfin, alors que des initiatives d’envergure
se multiplient concernant le plateau de
Saclay et que des échéances importantes
se profilent, je veux parler ici de l’élabo-
ration du contrat de plan Etat-Région,
des projets fédératifs de Fondation et du
PRES5, je tiens à souligner que le centre
CEA saura se mobiliser, aux côtés des
autres acteurs, et s’impliquer dans cette
dynamique si importante pour le déve-
loppement économique régional et, plus
largement, pour la recherche euro-
péenne.
Yves Caristan,
Directeur du centre CEA de Saclay.
1 ARTEMIS : voir p.6.
2 ADN : acide désoxyribonucléique, véhicule descaractères héréditaires.
3 CERN : Organisation européenne pour la recherchenucléaire, située à la frontière franco-suisse près deGenève.
4 Attoseconde : 10-18 seconde.
5 PRES : Pôle de recherche et d’enseignementsupérieur.
Ont également participé à la rédaction du journal :Jean-Marc Elalouf (p.10),
David Elbaz (p.11),
Daniel Gillet (p.19),
Etienne Klein (p.3-4, p.14-16)
André Ménez (p.19),
Thierry Roll (p.15).
N° ISSN 1276-2776 - Centre CEA de Saclay Droits de reproduction, texte et illustrations
réservés pour tous pays
Coopération franco-chinoise en recherche électronucléaireDu 28 au 31 mars 2006, le CEA a participé au salon international
Nuclear Industry China 2006 qui réunit, à Pékin, les principaux repré-
sentants du secteur nucléaire civil dans le monde.
Le CEA entretient depuis plus de vingt ans des relations de coopéra-
tions bilatérales avec la Chine, dans les domaines de la recherche et
développement nucléaires, de la recherche fondamentale, de la
recherche technologique (fusion contrôlée, nouvelles technologies de
l’énergie) ou encore de la formation.
A l’occasion de cette manifestation, le CEA a présenté quelques-unes
d’entre elles, notamment celle qui concerne la fission nucléaire. Cette
coopération passe en particulier par l’échange d’ingénieurs et de cher-
cheurs dans les domaines de la recherche et développement sur les
réacteurs avancés à eau, le traitement des déchets radioactifs ou
encore les réacteurs du futur.
3
Le Temps
Les historiens des sciences s’accordent sur un point : le
véritable coup d’envoi de la physique « moderne » fut la
découverte, par Galilée en 1604, de la loi de la chute des
corps. Pourquoi ? Parce que cette loi a ouvert au temps
les portes de la physique, et bouleversé la représentation
que les hommes s’en faisaient. Jusqu’alors, la notion de
temps était restée centrée sur des préoccupations quoti-
diennes, servant essentiellement de moyen d’orientation
dans l’univers social, en conformité avec le cours global
des événements terrestres.
Une variable pour mesurer le mouvement
Galilée, lui, cherchait le statut à
accorder au temps pour
rendre possible la mesure
du mouvement et fonder
une véritable science de la
dynamique. Il
finit par décou-
vrir que si le
t e m p s ,
plutôt que
l ’ e s p a c e
parcouru,
était choisi
comme varia-
ble, alors la chute des corps
dans le vide obéissait à une
loi très simple : la vitesse
acquise est proportionnelle à
la durée de la chute, et elle
est indépendante de la
masse et de la nature du
corps (un kilo de plomb
choit comme une tonne
de fer).
Ce résultat capital
venait contredire la
théorie d’Aristote, laquelle
postulait depuis deux
lancinants millénai-
res que la vitesse de chute était d’autant plus rapide que
le corps était plus massif. Il consacra en outre la première
mathématisation du temps.
Le temps newtonienC’est sur elle que Newton viendra fonder sa mécanique
éponyme, distinguant le temps tel qu’il est vécu (et qu’on
qualifie aujourd’hui de « subjectif »), du temps physique
qui, lui, est universel et absolu. Newton précise que le
temps physique s’écoule uniformément, du passé vers
le futur, selon un cours invariable, « sans relation avec
l’extérieur ».
Le temps newtonien se présente ainsi comme une sorte
d’idéalité, comme un contenant universel et imperturbable.
C’est un temps neutre, indépendant de l’espace, et parfai-
tement indifférent aux phénomènes qui se produisent en
son sein.
Cette conception newtonienne du temps permet de
donner au mot « maintenant » un sens
dénué d’ambiguïté : ce qui se passe
« maintenant » pour moi se passe égale-
ment « maintenant » pour tous les autres
observateurs dans l’Univers. En d’autres
termes, le concept de simultanéité est
absolu : à tout instant, deux observateurs
peuvent synchroniser leurs montres, et
celles-ci demeureront synchronisées quels
que soient les déplacements et les vitesses des deux
observateurs. Toutes deux demeurent en phase avec le
temps newtonien.
Un temps lié à l’espace, l’énergie, la matièreMais au XXe siècle, la physique a enchaîné les révolutions :
relativités restreinte et générale, physique quantique,
cosmologie. Tous ces bouleversements ont remis en
cause, chacun à sa façon, le statut antérieur du temps. Au
bout du compte, le temps physique a perdu un peu de son
identité supposée et beaucoup de son indépendance : il
s’est retrouvé lié à l’espace, associé à l’énergie, ancré
dans la matière. Dans la prairie des concepts physiques, il
y a eu comme des glissements de terrain.
Arrêtons-nous un instant sur la théorie de la relativité, qui
LE TEMPS DES PHYSICIENSDepuis Galilée, les progrès de la physique transforment, voire bousculent, la représentation du temps.
Il n’y a ni espace nitemps a priori : à chaquemoment, à chaque degréde perfectionnement denos théories du mondephysique, correspond uneconception de l’espace etdu temps.
Paul Langevin
1
4
Le Temps
vient de fêter son premier centenaire. Que démontre
Einstein en 1905 ? Que le temps physique n’est pas
newtonien, qu’il est en réalité couplé à l’espace, de sorte
qu’il dépend de la dynamique. Une horloge ralentit le
rythme de ses battements aux yeux de tout observateur
qui ne l’accompagne pas dans son mouvement.
La longévité des particules rapidesCe phénomène est couramment observé sur les particules
instables, les muons par exemple (ce sont des sortes
d’électrons lourds). Leur durée de vie « propre », celle
mesurée lorsque l’on est au repos par rapport à eux, vaut
quelques microsecondes (au bout de ce temps-là, ils se
désintègrent en d’autres particules plus légères). Mais la
durée de vie mesurée d’un muon ne coïncide avec cette
durée propre que s’il apparaît et disparaît en un même
point de l’espace, c’est-à-dire est immobile par rapport à
l’observateur. Sinon, sa durée de vie effective est augmen-
tée d’un facteur qui dépend de sa vitesse par rapport à
l’observateur : plus il va vite, plus il « dure » longtemps, au
point que si sa vitesse est proche de celle de la lumière
dans le vide, il a tout loisir de se manifester pendant une
durée bien supérieure à sa durée de vie propre.
La simultanéité : une notion relativeDe plus, en théorie de la relativité, la notion de simultanéité
cesse d’être absolue : ce qui nous est présent à un certain
instant n’existe plus, ou pas encore, pour un observateur
en déplacement par rapport à nous. Il devient donc impos-
sible de définir un « instant présent » où se manifesteraient
tous les phénomènes se produisant au même moment
dans tout l’Univers. Le mot « maintenant » se trouve ainsi
privé de signification. On ne peut plus parler de l’Univers
comme d’un métronome universel, car existent désormais
autant d’horloges fondamentales qu’il y a d’objets en
mouvement uniforme, et il est impossible de les synchro-
niser de façon pérenne : on peut certes ajuster leurs
cadrans à un certain moment, mais les heures indiquées
cesseront de coïncider quelques instants plus tard.
Chaque observateur constatera que les durées indiquées
par les horloges autres que la sienne seront dilatées.
La « grande affaire » de la physiqueLe fait remarquable est qu’à chaque fois qu’elle a dû
approfondir sa conception du temps, la physique a
augmenté son efficacité opératoire, investi des champs
vierges, découvert de nouveaux phénomènes. C’est ainsi
que, pour résoudre un problème relatif au temps, des
physiciens théoriciens des années 1930 ont été amenés à
prédire l’existence … de l’antimatière.
Pour la physique, tout progrès dans la théorisation du
temps semble se traduire par d’immédiats dividendes.
Le temps serait-il devenu sa « grande affaire » ?
Etienne Klein
3
2
© Adagp, Paris 2006 Arman (Arman Fernandez, dit)
“L’heure de tous” (détail - 1985).
Montage du détecteur ATLAS (novembre 2005), destiné à
équiper le futur collisionneur de protons du CERN, vu depuis
le tunnel de l’accélérateur. Des équipes du CEA Dapnia ont
participé à la conception et à la construction d’ATLAS.
Simulation d’une collision de deux protons dans le futur
collisionneur de protons du CERN, vue le long du tunnel.
Les couleurs des traces émanant du centre montrent
les différents types de particules engendrées par la collision.
3
2
1
5
Le Temps
UN INVENTAIRE DES TEMPS DE VIE DES ATOMES
Chargé de concevoir des étalons primaires pour la
métrologie des rayonnements ionisants, le Laboratoire
national Henri Becquerel (LNHB) doit notamment
dresser un catalogue des temps de vie de tous les
atomes radioactifs.
En France, le LNHB est responsable de la conception et
du développement de tous les étalons primaires destinés
à la métrologie des rayonnements ionisants. En amont, il
doit collecter toutes les mesures de périodes radioactives
disponibles, et si nécessaire, entreprendre des mesures.
Le cas s’est présenté pour un élément à vie longue,
produit dans les réacteurs nucléaires, le sélénium 79 (79Se).
La méconnaissance de sa période se traduisait par une
incertitude importante sur l’activité de cet élément, qui
pénalisait la gestion des déchets nucléaires.
Une mesure indirecteC’est pourquoi le LNHB a entrepris de revisiter la période
du 79Se, pourtant extrêmement difficile à isoler. Au
programme des expériences : séparation chimique de 79Se
à partir d’une solution de retraitement du combustible à
l’usine COGEMA de La Hague, mesure de la masse de79Se présent en quantités infinitésimales dans l’échantillon
au centre CEA de Cadarache1 et enfin, mesure absolue de
son activité au LNHB. A partir de là, il a été possible de
calculer la période radioactive recherchée. La qualité des
résultats obtenus a finalement conduit à diviser par six
l’activité initialement considérée.
Impossible à réaliser directement, la mesure de très
longues périodes radioactives passe en effet par des
mesures de masse et d’activité. La mesure des courtes
périodes consiste plus simplement à suivre la décrois-
sance de la radioactivité sur une durée pouvant atteindre
quelques années.
1 Mesure de masse par ICPMS : couplage torche à plasma et spectrométrie
de masse.1
5
2
Qu’est-ce qu’une période radioactive ?Les atomes radioactifs sont par nature instables. Au bout d’une
période radioactive, propre à chaque élément, la moitié des
atomes se sont désintégrés en atomes fils. Exprimée en becquerels
(Bq), l’activité du corps est le nombre moyen de désintégrations
se produisant par seconde. Pour une masse de produit radioactif
donnée, l’activité est d’autant plus grande que la période radio-
active de l’élément est courte.
Le saviez-vous ?
MESURER DES DURÉESLa métrologie des rayonnements ionisants et la climatologie reposent l’une et l’autre sur des mesures
de durées extrêmement fines.
L’activité du sélénium 79 est mesurée de manière absolue
au Laboratoire national Henri Becquerel par scintillation
liquide, en vue de déterminer la période radioactive
de cet élément.
Garantir la dose de rayonnement délivrée par un accélérateur de
radiothérapie ou mesurer l’activité d’une solution injectable destinée
à un examen de médecine nucléaire : ces contrôles réglementaires
sont réalisés quotidiennement avec des appareils qui doivent
eux-mêmes être vérifiés périodiquement. Sur la photo, examen
de scintigraphie.
2
1
6
Le Temps
PROFESSION CHRONOLOGUEAu Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement
(LSCE), la datation est à la fois un outil précieux et un
thème de recherche fédérateur, au service de la climato-
logie, de l’archéologie et des sciences de la Terre.
La nature recèle de nombreux indices des climats passés :
la glace, les sédiments, le bois, les stalagmites ou encore
les squelettes coralliens témoignent de conditions clima-
tiques que seule une analyse isotopique1 peut révéler. Or
ces informations n’ont de sens que si elles sont ordonnées
sur un calendrier. Les substrats qui enregistrent l’alter-
nance des saisons, comme le bois ou certains sédiments
lacustres, se prêtent bien à l’exercice. Pour chaque région
climatique et chaque essence, les dendrochronologues
ont en effet accumulé des profils de cernes provenant
d’arbres et de fossiles, sur une période couvrant près de
10 000 ans. Ainsi des chercheurs du LSCE étudient-ils le
climat des derniers siècles à partir de carottes forées dans
les charpentes de monuments anciens comme le château
de Fontainebleau.
Carbone 14 et datations croisées Les autres matériaux exigent des mesures plus sophistiquées
utilisant la radioactivité. La plus connue d’entre elles, la
datation par le carbone 142, s’applique à des échantillons
dérivés d’organismes vivants, vieux de moins de 45 000
ans. Elle a pour principal défaut de ne pas être une mesure
absolue. Pour caler les âges 14C sur le calendrier, les
chercheurs du LSCE multiplient les datations croisées.
Ainsi, les stalagmites se prêtent aussi bien à des analyses
par 14C que par uranium – thorium, une technique qui
autorise une datation absolue. Pareillement, les coraux de
surface3 contribuent à la calibration des âges 14C, indépen-
damment des informations climatiques que ces objets
portent.
1
La Terre et les météorites L’âge de la Terre a été mesuré à partir de météorites, plus
anciennes que les plus vieux matériaux terrestres à notre
portée. La Terre et les météorites ont en effet une origine
commune. La méthode radioactive utilisée (rubidium – strontium)
a conduit à fixer l’âge de la Terre à 4,5 milliards d’années.
Le saviez-vous ?
Dendrochronologie : 0 – 12 000 ans
Carbone 14 : 0 – 45 000 ans
Uranium – thorium : 0 – 450 000 ans
Potassium – argon : 0 – 3 500 000 ans
ARTEMISARTEMIS est un accélérateur pour la recherche en sciences de la Terre, environnement et muséologie. L’installation, cofinancée par le CEA, le CNRS,l’Institut de recherche et développement, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, le Ministère de la culture et de la communication et le Conseil régional d’Ile-de France, peut traiter plus de 4 500 échantillons par an. Elle est implantée sur le centre CEA de Saclay au Laboratoire de mesure du carbone 14 (unité mixte). ARTEMIS permet de mesurer le carbone 14 sur des échantillons de quelques milligrammes seulement. La technique se prête notamment à la mesure des pigments utilisés dans les grottes ornées préhistoriques.
7
Le TempsAu service de l’archéologiePour remonter au-delà de 45 000 ans, les archéologues
utilisent les éclats de silex chauffés. Imaginez un homme en
train de tailler un silex au coin du feu : des éclats tombent
dans le foyer… Ces objets sont analysés aujourd’hui par
thermoluminescence : quand on les chauffe, ils émettent
une lumière ténue qui trahit la durée d’exposition du silex
aux rayonnements ionisants4 depuis son dernier chauffage.
Cette technique, ainsi que la luminescence optiquement
stimulée, qui lui est apparentée, constitue une des spécialités
du LSCE. Elles sont utilisées pour étudier l’évolution des
populations préhistoriques au cours des derniers 500 000 ans.
Les fouilles archéologiques situées dans des zones tecto-
niques comme le Rift africain bénéficient, quant à elles, de
la datation de basaltes et de cendres volcaniques, respec-
tivement par potassium – argon et argon – argon. Avec
une fréquence moyenne de l’ordre de 10 000 ans, les
éruptions permettent de « quadriller » la période étudiée.
Des coquilles dans les sédimentsPour les climatologues, les glaces polaires et les sédiments
marins sont une mine : ces matériaux ont notamment
emmagasiné continûment diverses informations reliées à
la température sur des périodes qui peuvent atteindre le
million d’années.
Les carottes marines peuvent être datées grâce à des
mesures de 14C sur des coquilles d’organismes unicellulaires
(foraminifères) ou de crustacés (ostracodes) ou par des
mesures U-Th sur des coquilles de mollusques (ptéropodes),
pour peu que ces animaux évoluent dans les eaux de
surface.
Pour améliorer la précision, il faut rechercher des repères
absolus comme des cendres volcaniques, datables par
Ar-Ar. Une autre piste est fournie par le paléomagnétisme.
Comme les laves, les sédiments peuvent enregistrer des
informations relatives à la polarité et à l’intensité du champ
magnétique terrestre. Certaines anomalies magnétiques
bien documentées peuvent ainsi constituer des repères,
car les laves, porteuses de ces informations, peuvent être
datées précisément par K-Ar ou Ar-Ar.
Comprendre les transitions climatiquesNe contenant ni carbone ni uranium, les carottes de glace
ne peuvent généralement pas être datées directement.
L’information de température (et d’humidité) qu’elles
portent5 est utilisée pour calculer la quantité de neige
déposée. La datation est fournie par un modèle qui prend
en compte à la fois ce calcul, le tassement mécanique de
la couche de neige et les variations d’insolation dues à des
paramètres astronomiques. Les grands cycles climatiques
sont aujourd’hui bien identifiés mais il reste à comprendre
les transitions. Où le changement démarre-t-il ? Comment
se propage-t-il ?
La réponse à ces questions passe par des datations
encore plus précises. Dans cette perspective, de multiples
recoupements sont effectués. Les mêmes événements
climatiques rapides peuvent ainsi être identifiés dans
d’autres archives, comme les stalagmites qui enregistrent
les variations de température via l’activité microbienne des
sols. Ces stalagmites, présents sur tous les continents,
offrent l’avantage de permettre des datations très préci-
2
Le corail et l’âge des masses d’eau océaniquesLe corail profond contient du 14C d’origine atmosphérique, qui
est arrivé là avec les grands courants océaniques. La datation
U-Th réalisée sur le corail permet de corréler cette mesure
avec la teneur atmosphérique concomittante. Le 14C sert ici à
dater les masses d’eau.
Le saviez-vous ?
Des chronomètres radioactifs L’incorporation d’un élément radioactif à un objet peut être datée de manière absolue par la mesure des teneurs en père restant et en fils(voir encadré p.5). C’est notamment le cas des méthodes potassium–argon (K-Ar), argon – argon (Ar-Ar) ou uranium–thorium (U-Th). Dans une datation K-Ar sur basaltes (ou Ar-Ar sur cendres volcaniques), le potassium radioactif contenu dans ces roches engendre un gaz, l’argon, qui s’est trouvé piégé dans l‘échantillon après l’éruption. La mesure du potassium (père) et de l’argon (fils) permet dedater celle-ci. La méthode U-Th utilise l’aptitude des coraux et de certains mollusques (ptéropodes) à incorporer l’uranium océanique respectivementdans leur squelette et leur coquille. Ce processus s’interrompant à la mort de l’animal, la mesure de l’uranium (père) et du thorium(descendant stable) permet de dater cet événement.
Carbone 14 : des mesures à calibrer Le 14C est produit dans la haute atmosphère sous l’effet des rayonnements cosmiques. Les végétaux et les êtres vivants l’incorporent durant la photosynthèse et dans la chaînealimentaire. La mesure de 14C permet de dater la fin de ces échanges de carbone, c’est-à-dire leur mort. Dans le cas du 14C, le fils est un gaz (azote 14) qui ne peut pas êtredifférencié de l’azote commun. La teneur initiale en 14C au sein du carbone de l’échantillonreste inconnue. En effet, le champ magnétique terrestre a considérablement varié, sa polarités’est même renversée. Comme il joue un rôle de bouclier vis-à-vis des rayonnements, la teneur atmosphérique en 14C a également beaucoup varié. La méthode n’est donc qu’unemesure relative, qu’il faut calibrer. Il faut quantifier, au moyen de datations croisées, la différence entre les âges absolus et les âges 14C. Les résultats conduisent à des précisionstrès inégales sur les âges 14C suivant la période considérée.
Photo : grotte ornée de calcaire corallien située sur le site de Fetra-Hé, dans l'île de Lifou (îles Loyauté) en Nouvelle-Calédonie. Ces mains négatives ont été datées par des chercheurs du LSCE par la méthode du carbone 14 en spectrométrie de masse par accélérateur(Tandétron à Gif-sur-Yvette). Il y a près de 2 600 ans, des artistes les ont produites en mâchant du charbon puis en le soufflant sur leursmains. Des dessins de coq et d'anneau (symbole de l'eau dans la culture kanake) témoignent d'occupations plus récentes de la grotte.Ces recherches menées en collaboration avec le Musée de Nouvelle-Calédonie permettent de reconstituer l'histoire du peuplement duPacifique à partir de l'Asie du Sud-est. Venues dans de grandes pirogues, ces populations néolithiques ont également laissé des poteriesaux décors géométriques pointillés (poterie Lapita) sur un espace insulaire de plus de quatre mille kilomètres d'étendue.
Zoom
8
Le Temps
ses pour les derniers
450 000 ans.
Une voie de progrès
consiste par ailleurs à
rechercher des indica-
teurs valables en tous
points du globe pour
réaliser des datations
synchrones et recons-
tituer de manière encore
plus fiable des séquen-
ces d’événements
climatiques.
1 Les isotopes d’un élément ont tous les mêmes propriétés chimiques
mais diffèrent légèrement par leur masse.
2 Les mots en couleur et en gras sont expliqués dans le Zoom.
3 Seuls les êtres vivant dans la couche océanique superficielle sont en
équilibre avec le 14C atmosphérique.
4 Ionisant : capable d’arracher un ou plusieurs électrons aux atomes.
5 Plus précisément le rapport 18O / 16O (oxygène 18 sur oxygène 16).
Aux Canaries, la lave a jadis recouvert une forêt, transformant
le bois en charbon : des mesures de 14C et de potassium – argon
ont pu être comparées sur des échantillons contemporains.
Les stalagmites (ici la grotte de Villars, en France) recèlent
des informations climatiques datables par la méthode
uranium - thorium.
Découpe des carottes de glace et préparation des échantillons
(qui seront analysés ultérieurement en Europe), sur le site de
forage en Antarctique.
3
2
1
Dater un bassin de géothermiePour évaluer l’intérêt d’un site de géothermie, la datation par
K-Ar de la dernière activité volcanique majeure renseigne sur
les potentialités thermiques du bassin.
Le saviez-vous ?
3
9
Le TempsENQUÊTER À DE GRANDES DISTANCES TEMPORELLESL’analyse de vestiges anciens, qu’ils soient archéologiques ou astronomiques, permet de reconstituer
des événements passés ou de prédire l’avenir.
LA CORROSION SUR DES MILLIERSD’ANNÉES
La question posée est simple : cet acier tiendra-t-il des
milliers d’années ? La réponse est à rechercher du
côté de la modélisation et des fers anciens.
Le stockage profond de déchets nucléaires à haute activité
et vie longue requiert des conteneurs qui restent étanches
pendant plusieurs milliers d’années. Comment garantir
qu’un acier tiendra sur de telles durées ? Les spécialistes
de corrosion du Département de physico-chimie1 (DPC)
ont imaginé une méthodologie innovante qui fait appel aux
connaissances les plus récentes sur l’évolution des inter-
faces et aux analogues archéologiques, autrement dit aux
fers anciens qui ont échappé à la destruction. Un exemple
fameux est fourni par les colonnes votives en Inde : malgré
la mousson, ces monuments se sont très peu corrodés en
plus de mille cinq cents ans. Plusieurs causes sont avan-
cées pour expliquer cette
« anomalie » : la compo-
sition du minerai et les
conditions climatiques
auraient concouru à la
formation d’une couche
d’oxyde durablement
protectrice.
Identifier et modéliser un mécanismeLes essais en laboratoire permettent aux chercheurs du
DPC d’identifier les mécanismes de corrosion qui sont
ensuite modélisés en vue de réaliser des prédictions. Les
analyses, réalisées au DPC et au laboratoire Pierre Süe2,
de structures en fer du Palais des Papes d’Avignon ou de
fers de l’époque gallo-romaine ont ainsi permis de valider
mécanismes et prédictions. Les comparaisons portent en
particulier sur les couches de rouille (épaisseur, structure,
composition) et les vitesses de corrosion.
Pour les conteneurs, la préférence
des chercheurs du DPC va a priori
à des aciers ordinaires, composés
essentiellement de fer, qui ont
tendance à se corroder de manière
uniforme et lente3, plutôt qu’à des
aciers réputés inoxydables. En
effet, l’inox est recouvert d’une
couche superficielle très mince
qui bloque en principe la corrosion généralisée mais ne
protège pas contre les piqûres, susceptibles de percer le
matériau de plusieurs centimètres en un an. La teneur en
carbone, phosphore ou silicium, la conception des soudures
et plus fondamentalement, le choix entre fonte et acier,
sont aujourd’hui des options ouvertes.
1 Le DPC appartient à la Direction de l’énergie nucléaire.
2 Le Laboratoire Pierre Süe appartient à la Direction des sciences de la
matière. Il compte une équipe spécialisée dans l’étude de matériaux
métalliques archéologiques pour la prévision de leur comportement futur.
3 La vitesse de corrosion peut typiquement atteindre un centième de
millimètre par an, ce qui représente une couche de dix millimètres
d’épaisseur après 1 000 ans.
Dispositif expérimental permettant d’étudier la corrosion
des métaux en situation de stockage géologique profond.
Cristaux de rouille.
Colonnes votives de Delhi, en Inde.3
2
1
1
2
3
10
Le Temps
ADN ET DATATION À LA GROTTECHAUVET
L’ADN extrait d’os trouvés à la grotte Chauvet recèle
des informations inattendues sur la fréquentation de la
grotte et sur les ours.
Découverte en 1994, la grotte Chauvet livre peu à peu ses
secrets. Voyageons dans le temps jusqu’au paléolithique
supérieur, il y a quarante mille ans. Les sociétés humaines
connaissent de profonds bouleversements. Les derniers
Néandertaliens disparaissent et l’homme de Cro-Magnon
est déjà là. Ce premier grand1 Européen est notre ancêtre.
Il nous a légué ses gènes et ses traits culturels. Il a inventé
un art, miraculeusement conservé sur les parois des grottes,
qui évoque un sentiment de proximité humaine complète.
Une enquête scientifiqueLa grotte Chauvet est un site paléolithique majeur, avec
lequel seule la grotte de Lascaux soutient la comparaison.
Les dessins et gravures s’y comptent par centaines. Les
fresques de Lascaux, âgées de dix-huit mille ans, ont
ébloui le monde entier. Celles de Chauvet, datées au
LSCE2 (Laboratoire des sciences du climat et de l’environ-
nement), ont trente-deux mille ans. On imagine la surprise
des archéologues qui avaient prudemment avancé un âge
voisin de celui de Lascaux lors de la découverte de la
grotte. La recherche peut-elle apporter d’autres surprises ?
Pour la première fois, des techniques de pointe de biologie
ont été appliquées dans une grotte à peintures pariétales,
à l’initiative d’un chercheur de la Direction des sciences du
vivant, Jean-Marc Elalouf. Ces techniques, qui sont aussi
celles de la police scientifique,
consistent à faire parler les
gènes en analysant des quan-
tités infimes de matériel. Avec
une difficulté particulière : après
plusieurs milliers d’années
sous terre, l’ADN est dans un
piètre état ! À Chauvet, ce sont
des os d’ours que l’on peut
analyser. Présents par centaines, ils vont permettre de
reconstituer l’histoire de la grotte.
Plusieurs lignées d’ours des cavernesPremière constatation : leur ADN nous apprend qu’il s’agit
d’ours des cavernes, une espèce éteinte depuis quinze
mille ans. Ceci montre que la grotte, dont l’entrée naturelle
est comblée par un éboulis, n’est plus accessible depuis
de nombreux millénaires.
L’analyse de l’ADN révèle aussi que plusieurs lignées
d’ours des cavernes, retrouvées de l’Espagne à la
Belgique, ont fréquenté la
grotte. Ainsi, la grotte était
située sur un territoire suffi-
samment fréquenté par les
ours pour éviter la reproduction
en autarcie.
Enfin, la datation des os
contenant de l’ADN révèle que les ours, comme les
hommes, allaient dans la grotte il y a trente-deux mille ans.
On peut en déduire une probable alternance saisonnière.
Durant la saison froide, les ours, qui n’admettent aucune
promiscuité lors de l’hibernation, occupaient la caverne ;
libérée au printemps, elle pouvait alors accueillir les plus
anciens artistes de l’humanité.
1 Taille moyenne voisine de 1,75 m.
2 Ces mesures ont été réalisées au moyen d’un accélérateur de particules
couplé à un spectromètre de masse (voir page 6).
1
2
3
Un des quinze ours dessinés dans la grotte Chauvet. La forme
de la tête est typique de l’ours des cavernes.
Empreinte d’ours des cavernes sur sol argileux.
Prélèvement d’un échantillon animal dans la grotte Chauvet.
Le port des gants évite que la pièce archéologique soit
contaminée par l’ADN du chercheur.
3
2
1
11
Le Temps
REMONTER L’HISTOIRE DES GALAXIES
L’observation conduit les astrophysiciens du Dapnia1 à
distinguer différentes générations d’étoiles dans notre
Galaxie et à écrire une histoire de la formation des
étoiles dans l’Univers.
Après avoir répertorié étoiles et amas stellaires, les astro-
nomes ont cherché à remonter l’histoire de leur formation.
Une tâche difficile quand on sait qu’une étoile passe la
majeure partie de son existence à convertir de l’hydrogène
en hélium2 à un rythme régulier, ce qui ne permet pas de
savoir depuis combien de temps ce phénomène a débuté.
De nombreux progrès ont pourtant été récemment
accomplis.
Les âges de la Voie Lactée3
L’âge des étoiles peut être mesuré à partir de la composition
chimique du gaz dont elles sont nées. Ce gaz est lui-même
nourri des atomes éjectés par les générations d’étoiles
précédentes.
De telles études montrent que notre Galaxie a vécu
plusieurs âges. Une première génération d’étoiles est née
d’un gaz constitué d’éléments synthétisés au cours des
trois premières minutes qui ont suivi le Big Bang. Les étoiles
huit à cent fois plus massives que le Soleil, qui explosent
en supernovae en moins de trente millions d’années, sont
les premières à ensemencer le gaz interstellaire avec une
composition bien spécifique en oxygène, silicium, magné-
sium et un peu de fer.
Durant le deuxième âge, près d’un milliard d’années plus
tard, une grande quantité de fer est produite lors de
l’explosion d’étoiles de trois à sept masses solaires.
L’oxygène et le magnésium sont cette fois absents. Pauvres
en oxygène et riches en fer, les étoiles du deuxième âge se
distinguent aisément de celles du premier âge.
Observer loin l’Univers jeuneIl existe une autre manière de remonter le temps : observer
des galaxies lointaines dont la lumière a voyagé pendant
plusieurs milliards d’années avant de nous parvenir.
Pour connaître l’« activité » d’une galaxie, une astuce
consiste à observer les étoiles massives présentes.
Celles-ci sont certes formées en faibles proportions mais
elles produisent la majorité de la lumière observable et ont
une durée de vie éphémère à l’échelle cosmologique. Une
étoile de vingt masses solaires rayonne en effet autant que
cent mille Soleils et ne vit que huit millions d’années. En
comptabilisant les étoiles massives de galaxies de plus
en plus distantes, les astrophysiciens ont pu dessiner
l’histoire cosmique de la formation d’étoiles dans
l’Univers. Cette étude indique que la plupart des étoiles
sont nées dans des phases de « flambées » de formation
d’étoiles qui se sont produites sporadiquement durant les
dix derniers milliards d’années de l’Univers, dont l’âge est
aujourd’hui estimé à 13,5 milliards d’années.
1 Dapnia : Laboratoire de recherche sur les lois fondamentales de
l’Univers.
2 Les réactions nucléaires sont la source de la lumière des étoiles.
3 Notre Galaxie (la Voie Lactée) compte plus de cent milliards d’étoiles
et près de 10 % de gaz interstellaire.
26 mille ans
4,2 ans8 minutes1 seconde
2,3 millions d’années
15 milliards
d’années
Regarder loin, c’est regarder dans le passé : la lumière de la Lune nous parvient une seconde après son émission, celle du Soleil,huit minutes plus tard. Nous voyons l’étoile la plus proche du système solaire (Proxima du Centaure) telle qu‘elle était il y a un peuplus de quatre ans, le centre de notre Galaxie tel qu’il était il y a 26 000 ans et la galaxie la plus proche de la nôtre telle qu’elle étaitil y a 2,3 millions d’années. La lumière la plus ancienne (le fond diffus cosmologique) remonte à quinze milliards d’années. Cettepremière lumière a jailli après la formation des atomes, quelques centaines de milliers d’années après le Big Bang.
12
Le Temps
LA COURTE VIE DU BOSON ZLe temps de vie d’une particule peut être déterminé en
mesurant la probabilité de matérialisation de la particule
en fonction de l’énergie dépensée pour la créer.
Les particules élémentaires constituent un étrange
bestiaire : ainsi, les particules de matière interagissent
entre elles en s’échan-
geant… d’autres particules,
de nature différente, dites
messagères. Par exemple
le grain de lumière (ou
photon) est la messagère
de l’interaction électroma-
gnétique. Les accélérateurs
de particules ont permis de
montrer que des messagers
existent également pour
deux autres interactions
fondamentales gouvernant,
l’une la cohésion du noyau
de l’atome, et l’autre la
désintégration des noyaux radioactifs. Cette dernière,
appelée interaction faible, admet trois messagers, dont le
boson Z. Au grand collisionneur LEP1 du CERN, l’énergie
libérée par le choc frontal d’un électron et d’un positron2
était suffisante pour donner naissance à cette particule.
Une fois créé, un Z se désintègre très rapidement en d’au-
tres particules, mesurées dans les détecteurs. On parle de
« voies de désintégrations » du Z, qui varient d’une collision
à l’autre et qu’il faut identifier par des mesures sur les
particules finales. Grâce à ces mesures, on a pu remonter
aux caractéristiques du Z, comme sa masse ou son temps
de vie.
Temps de vie et énergieLe temps de vie du Z est extrêmement bref : 2,6.10-25
seconde ! Pour comprendre comment les physiciens ont
pu mesurer très précisément cette durée, il faut s’attarder
sur la notion de masse. A chaque particule est associée
une masse qui correspond à son « énergie au repos » mais
dans un cadre régi par la mécanique quantique, cette
masse varie un peu d’un Z à l’autre. Il existe une valeur de
masse préférentielle, mais il est également possible,
quoique moins probable, de produire des Z à des masses
légèrement différentes de celle-ci. La probabilité d’obtenir
un Z de masse donnée a la forme d’une courbe « de réso-
nance » dont la largeur est directement reliée à l’inverse du
temps de vie de la particule. Entre 1989 et 1995, au LEP,
les physiciens des particules ont enregistré quelque
17 millions de matérialisations de Z pour reconstruire point
par point cette courbe de résonance. Les caractéristiques
du Z ont ainsi été mesurées avec une précision sans
précédent. « La finalisa-
tion des résultats vient
de s’achever. Grâce au
LEP, la compréhension
de l’interaction électrofai-
ble a fait un pas de
géant », se réjouit Vanina
Ruhlmann-Kleider, physi-
cienne au Dapnia.
1 LEP : Large Electron and
Positron collider.
2 Positron ou positon :
antiparticule de l’électron.
EXPLORER LES BRÈVES DURÉESDes phénomènes fugaces comme la « vie » d’une particule dans un accélérateur ou une réaction
chimique échappent aux chronomètres les plus performants. Des artifices permettent cependant leur
analyse temporelle très fine.
1
Tunnel du LEP au CERN qui a fonctionné de 1989 à 2000.
Le grand collisionneur de protons (LHC) est aujourd’hui
en construction dans ce même tunnel.
1
Les points rouges correspondent à la courbe de réso-nance du Z et ont été mesurés sur un très grand nombrede collisions. Les énergies de collision sont expriméesen gigaélectronvolts et les probabilités d’interaction enpicobarns (pb), une unité de mesure typique des taux decollisions.
La qualité des résultats expérimentaux obtenus sur laparticule Z au CERN permet de statuer sur le nombred’espèces de neutrinos. Les courbes correspondent àdes prédictions avec respectivement deux, trois ouquatre espèces de neutrinos. Les points expérimentauxsont présentés avec une barre d’erreur multipliée pardix pour être visible. Les mesures démontrent qu’ilexiste trois espèces de neutrinos.
13
Le TempsCOURSE AUX IMPULSIONS LASER
ULTRA-BRÈVESLa course aux impulsions lumineuses ultra-brèves a
conduit à la découverte d’étonnants comportements
de la matière.
Depuis une vingtaine
d’années, des physi-
ciens du DRECAM1
utilisent des lasers
à impulsions ultra-
brèves pour étudier
les interactions entre
laser et matière. Ces
impulsions, appelées
aussi trains d’ondes en référence à la nature ondulatoire
de la lumière, durent une trentaine de femtosecondes2.
Lancés à la vitesse de la lumière, ces trains ont une extension
spatiale de l’ordre du millième de millimètre. Dans cette
image, les « wagons » représentent les ondulations du
champ électromagnétique constitutives de la lumière.
Aujourd’hui, des spécialistes de lasers sont capables de
produire des trains à un seul wagon qui ne durent que
quatre femtosecondes.
Une brièveté record Pour descendre en dessous de cette barrière, il faut
surmonter plusieurs limites gouvernées par les lois de la
physique. Il faut d’abord raccourcir les wagons eux-mêmes,
c’est-à-dire aller vers des couleurs plus énergétiques. Il
faut ensuite lever l’obstacle de la « pureté » de la couleur
de l’impulsion (sa largeur spectrale) qui interdit des durées
d’impulsions plus courtes : il faut élargir son spectre.
C’est exactement ce qu’ont réalisé des chercheurs du
DRECAM à partir de la découverte en 1988 d’un méca-
nisme physique inattendu qu’ils ont observé, interprété et
optimisé : la génération d’harmoniques d’ordre élevé3.
1
2
FemtochimieGrâce aux lasers femtosecondes, les chimistes peuvent mesurer
les mouvements de vibration des molécules, qui peuvent
préluder à la rupture de liaisons chimiques. La « femtochimie »
permet d’analyser en détail les mécanismes réactionnels et
ouvre la possibilité de contrôler l’orientation d’une réaction
chimique.
Tester des crèmes solaires dans le noirLe principe de la protection solaire repose sur le mécanisme
suivant : des molécules actives absorbent les rayons lumineux
nocifs puis restituent une partie de cette énergie par émission
infrarouge. Or dans l’intervalle, les molécules « saturées »
ne remplissent plus leur fonction. Avec leurs lasers, des
chercheurs du DRECAM ont pu tester dans l’obscurité de leurs
laboratoires l’efficacité réelle de l’écran…
Le saviez-vous ?
Visualisation du phénomène de génération d’harmoniques en
ultraviolet, à partir d’impulsions laser femtoseconde infrarouges.
Enceinte à vide d’expérimentation sur l’interaction entre laser
et matière.
2
1
En focalisant des impulsions femtosecondes sur un jet de
gaz, ils ont observé l’émission d’impulsions lumineuses à
la composition spectrale extraordinaire. Elles comptent
une série de couleurs (jusqu’à plusieurs centaines !),
correspondant chacune à un multiple de l’énergie de l’im-
pulsion initiale (infrarouge). Résultat : une émission ultra-
violette, un spectre très large et… des impulsions d’une
brièveté record atteignant 130 millièmes de femtoseconde !
1 DRECAM : Département de recherche sur l’état condensé, les atomes
et les molécules.
2 Femtoseconde : 10-15 seconde.
3 L’impulsion laser arrache un électron à l’atome de gaz, l’accélère puis
sous l’effet des oscillations du champ électromagnétique, l’électron
revient sur l’atome en lui cédant son énergie cinétique ; l’atome libère
cette énergie en émettant un flash ultraviolet.
Zoom
14
Le Temps
Chacun d’entre nous a pu ressentir le temps comme une
prison sans barreaux, une prison que nous voudrions
pouvoir quitter pour aller et venir à notre guise de part et
d’autre du présent, bref pour « voyager dans le temps ».
Mais que signifie au juste « voyager dans le temps » ?
Serait-ce revivre en boucle les moments heureux ?
Retrouver des proches disparus ? Changer d’époque sans
changer d’âge, comme dans La Machine à explorer le
temps de H.G. Wells ou Le Piège Diabolique de E. P.
Jacobs ? Ou bien changer d’âge sans changer d’époque,
comme tentent de nous le faire croire vendeurs de crèmes
et autres chirurgiens esthétiques ? Serait-ce observer
passivement le passé et le futur, grâce à une sorte de
téléportation temporelle qui désolidariserait notre temps
personnel du temps du monde ? Ou remonter dans le passé
pour transformer la réalité historique ?
Imagination et incohérencesLes auteurs de science-fiction n’ont pas manqué d’imagi-
nation pour mettre en scène ces diverses possibilités,
mais souvent au prix d’incohérences. Car l’idée même de
voyage dans le temps implique un écart - difficile à mettre
en scène - entre le temps propre de celui qui voyage et le
temps extérieur dans lequel il voyage. Elle suppose en
effet que coexistent, au sein d’un seul et même monde,
deux temps différents,
celui du voyageur tempo-
rel d’une part, celui de
l’Univers de l’autre. Si
ces deux temps ne font
plus qu’un, il n’y a plus
de voyage…
Principe de causalitéEn la matière, que dit la
physique ? La représen-
tation que les physiciens
se sont fait du cours du
temps a toujours (depuis
Newton) été contrainte par le « principe de causalité ». Ce
principe impose une chronologie absolue aux événements
qui sont causalement reliés les uns aux autres. Ce faisant,
il interdit les voyages dans le temps, en rendant impossible
toute modification des événements qui ont déjà eu lieu.
Le principe de causalité fait du passé une forteresse
imprenable. En pratique, son énoncé et ses conséquences
dépendent de la théorie considérée. Par exemple, en
physique newtonienne, la causalité implique que le cours
du temps soit linéaire et non cyclique, de sorte qu’aucun
observateur ne puisse passer deux fois par le même
instant.
La preuve par l’antimatièreEn théorie de la relativité restreinte, elle interdit qu’une
particule puisse se propager plus vite que la lumière dans
le vide. En physique des particules, des théoriciens ont
compris, dès les années 1930, qu’elle rendait
nécessaire l’existence même de l’antimatière, c’est-à-dire de
particules de même masse que les particules ordinaires,
mais de charge électrique opposée. L’existence des anti-
particules a été constatée expérimentalement peu de
temps après avoir été prédite, ce qui démontra l’impossibi-
lité des voyages dans le temps dans le cadre de la
physique des particules.
À ce propos, en 1998, une expérience du CERN baptisée
CPLEAR, à laquelle des physiciens du Dapnia ont participé,
a donné des résultats très importants. Elle a démontré que
le rythme auquel certaines particules, appelées les « kaons
VOYAGER DANS LE TEMPSLa physique offre divers arguments contre la possibilité du voyage dans le temps mais est-ce bien son
dernier mot ?
1
©Dargaud-Lombard 2006
En 1998, l’expérience CPLEAR du CERN, à laquelle des physiciens
du Dapnia ont participé, a démontré pour la première fois une
différence entre un processus mettant en jeu des particules
quasi-élémentaires et le processus temporellement inversé.
Dans une horloge atomique, la mesure du temps est
basée sur la fréquence d’un oscillateur à quartz contrôlée
par un phénomène de résonance atomique.
Libre représentation des hypothétiques trous de ver,
des sortes de raccourcis de l’espace-temps.
3
2
1
15
Le Temps
neutres », se transforment en leurs antiparticules n’est pas
exactement le même que celui du processus inverse. Ainsi
fut mesurée, pour la première fois, une différence entre un
processus mettant en jeu des particules quasi-élémentaires
et le processus temporellement inversé. Mais le point
remarquable est que, même dans cette situation très
originale, la causalité continue d’être respectée.
Des raccourcis dans l’espace-temps ?Aujourd’hui, on parle beaucoup des possibilités que
pourraient offrir d’hypothétiques « trous de
ver », qui seraient des sortes de raccourcis
dans la topologie de l’espace-temps.
Qu’est-ce à dire ? Sur le papier, un trou de
ver possède deux entrées pouvant être
distantes l’une de l’autre de plusieurs
millions d’années-lumière, mais un
« tunnel » dans l’espace-temps permet de
les relier par un chemin beaucoup plus
court : il suffirait donc de passer par ce tunnel pour
parcourir en quelques fractions de seconde les années-
lumière qui séparent les deux entrées, sans avoir à
dépasser la vitesse de la lumière. Mais cette
possibilité toute théorique est annihilée dans
l’œuf par le fait que les trous de ver, s’ils
existent, sont fondamentalement insta-
bles : leur tunnel serait aussitôt détruit
par la moindre particule qui y pénétrerait. Cette
conclusion a été érigée en
principe par Stephen Hawking,
qu’il a appelé la « conjecture de
protection chronologique » : les
machines à voyager dans le temps ne peuvent que s’au-
todétruire instantanément si l’on cherche à les construire.
Voilà qui n’est guère encourageant.
Ralentir l’horlogeMais en un certain sens, il reste une possibilité, qui
consiste à jouer avec le phénomène de « ralentissement
des horloges », inhérent à la théorie de la relativité, que
nous évoquions plus haut. En 1911, le physicien Paul
Langevin chercha à illustrer l’étrangeté apparente de ce
phénomène en énonçant le paradoxe dit « des jumeaux ».
Imaginons deux jumeaux, Paul et Jules, initialement sur
Terre, avec leurs montres synchronisées. Un beau matin,
Paul part à bord d’une fusée très rapide dans l’espace,
tandis que Jules, lui, reste sur Terre.
Des jumeaux qui n’en sont plusLorsque Paul revient, il constate que la durée de son
voyage mesurée par sa montre est plus courte que celle
indiquée par la montre de Jules. Paul et Jules ne sont
donc plus jumeaux, seulement frères : Jules, le « statique »,
est devenu l’aîné de Paul, le voyageur.
Quelle est la morale de cette histoire ?
Qu’en voyageant vite dans l’espace, on
peut explorer le futur d’un autre observa-
teur, si celui-ci ne se déplace pas.
Ce résultat, pour étonnant qu’il soit pour le
sens commun, est parfaitement conforme
aux prédictions de la relativité, et il a été
expérimentalement établi, non pas avec
des êtres humains, mais avec des horloges atomiques
embarquées à bord d’avions très rapides. En un certain
sens, à défaut de former la jeunesse, les voyages rapides,
très rapides, la préservent.
Etienne Klein
Il ouvre la fenêtre. Un instant après, il revientde plusieurs heures devol.
Henri Michaux
2
3
16
Le Temps
Durant ces dernières décennies, les physiciens ont
accompli des progrès extraordinaires en matière d’unifica-
tion des interactions fondamentales. Ils sont d’abord
parvenus à identifier puis à classifier de très nombreuses
particules. Et puis surtout, ils ont démontré que la force
électromagnétique et la force « nucléaire faible » (respon-
sable de certains processus radioactifs), bien que très
dissemblables en apparence, n’étaient pas indépendantes
l’une de l’autre : dans un passé très lointain de l’Univers,
elles ne faisaient qu’une seule et même force, qui s’est par
la suite dissociée.
Cette démarche unificatrice a pu être étendue, dans une
certaine mesure, à l’interaction nucléaire forte, responsa-
ble de la cohésion des noyaux atomiques. Le résultat
obtenu, qui permet de décrire trois des quatre forces
fondamentales grâce à des principes mathématiques
semblables, est d’une puissance considérable. Il constitue
le « modèle standard » de la physique des particules, qui
a été très finement testé grâce à de gigantesques
collisionneurs de particules.
Les faiblesses du modèle standardLa messe est-elle dite pour autant ? Non, car des problèmes
persistent. D’abord, à très petite distance, les principes sur
lesquels le modèle standard s’appuie entrent en collision
les uns avec les autres, de sorte que les équations ne
fonctionnent plus. C’est l’indice qu’une nouvelle physique
devient nécessaire pour décrire les phénomènes qui se
sont déroulés à plus haute énergie, dans l’Univers primordial.
Ensuite, le modèle standard laisse à la marge la quatrième
force, la gravitation, aujourd’hui décrite par la relativité
générale. Comment l’intégrer ? Ou, si on ne peut pas
l’intégrer, comment construire un cadre synthétique
permettant de décrire à la fois la gravitation et les trois
autres forces ? L’affaire s’annonce délicate, car l’espace-
temps du modèle standard de la physique des particules
est plat et rigide, tandis que celui de la relativité générale
est souple et dynamique.
D’étranges théoriesMais une théorie en cours d’élaboration, dite des « super-
cordes », semble prometteuse. Les particules n’y sont
plus représentées par des objets de dimension nulle, mais
par des objets longilignes - des supercordes - qui vibrent
dans un espace-temps pouvant avoir plus de quatre
dimensions, par exemple dix, voire vingt-six ! Les
dimensions supplémentaires d’espace-temps seraient
« compactifiées », comme enroulées sur elles-mêmes, sur
des distances si petites qu’elles nous seraient impercepti-
bles. D’autres théories, tout aussi étranges, mettent en
scène un temps discontinu et non plus lisse (c’est-à-dire
un temps qui passe, puis ne passe plus, puis se remet de
lui-même à passer...).
Si les équations continuent à être aussi audacieuses, le
temps pourrait donc bientôt cesser d’être ce qu’il était.
Au moins dans les calculs compliqués des physiciens.
Etienne Klein
OUVERTURE VERS D’AUTRES CONCEPTSLes physiciens s’acheminent vers une révolution conceptuelle qui nous réserve encore des surprises.
1
Jürg Käppeli, Stefan Theisen (Albert Einstein Institut, Golm) et
Pierre Vanhove (SPhT, Service de physique théorique du CEA)
calculent des interactions entre supercordes évoluant dans un
espace courbe de type Calabi-Yau.
1
17
Actualités
La Vénus de Milo, qui attire au Louvre de nombreux visi-
teurs chaque année, doit être prochainement déplacée
pour permettre la rénovation de la salle qui lui est consa-
crée. Pour cela, il faut vérifier si l’assemblage des deux
blocs de marbre qui la constituent est solide et si la statue
présente des zones fragilisées en profondeur. Le
Département antiquités grecques, étrusques et romaines
du musée du Louvre a ainsi fait appel au Service système
et technologies pour la mesure du CEA LIST1 pour une
radiographie du bassin de la Vénus. Avec le soutien du
Service de protection contre les rayonnements du centre
de Saclay, pendant deux nuits consécutives, le LIST a
réalisé des gammagraphies2 pour visualiser l’intérieur de la
statue. Chaque nuit, l’exposition du film radiologique a
duré neuf heures. Cette technologie est habituellement
utilisée en milieu industriel pour analyser des matériaux ou
des pièces usinées, réaliser des études de faisabilité,
tester et concevoir des équipements de contrôle industriel.
Des cavités et des pièces métalliquesComment procède-t-on à un tel examen ? La source
radioactive de cobalt 603 contenue dans le projecteur de
gammagraphie est guidée à proximité de la statue au
moyen d’une télécommande électrique. Le rayonnement
gamma de la source traverse la statue et vient impressionner
des films argentiques disposés à l’opposé. Selon la
densité et l’épaisseur des matériaux rencontrés, il est plus
ou moins atténué, ce qui se traduit sur le film par des
densités optiques différentes, c’est-à-dire des niveaux de
gris plus ou moins sombres.
Ces radiographies ont permis de dévoiler la présence de
GAMMAGRAPHIES DE LA VÉNUS DE MILO AU LOUVREAvant d’être déplacée, la célèbre statue a subi un test de « contrôle non destructif » réalisé par des spécialistes
de Saclay.
cavités, ainsi que plusieurs inserts métalliques, notamment
deux pièces verticales, insérées dans la Vénus probable-
ment à la fin du XIXe siècle, pour consolider la jonction
entre les deux blocs de marbre.
1 LIST : Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies au
sein de la Direction de la recherche technologique.
2 On utilise ici indifféremment les termes radiographie et gammagraphie.
Il faut noter que dans le domaine médical, le terme radiographie se réfère
aux rayons X de faible énergie.
3 La source de cobalt 60 émet des rayons gamma de 1,17 et 1,33 MeV
(106 électronvolt). L’électronvolt est une unité utilisée en physique
atomique et nucléaire qui vaut 1,6.10-19 joule.
1
Idéal de la beautéCélèbre sculpture antique (130 à 100 avant J.C.), la Vénusde Milo symbolise l’idéal de la beauté féminine. Elle futdécouverte en 1820 près d’un théâtre antique à Mélos,une île de la mer Égée. Identifiée comme la déesseAphrodite, cette femme au buste dénudé est constituée de deux blocs, selon la technique des pièces rapportées.Les jambes sont taillées dans un premier bloc complétéd’un second des hanches à la tête.
2
Gammagraphies du bassin de la Vénus de Milo.
Préparatifs pour l’examen aux rayons gamma de la célèbre
statue, au musée du Louvre.
2
1
18
Actualités
Détection d’agents pathogènes par analyse immunologique
sur bandelettes. Ces tests sont développés au Service de
pharmacologie et d’immunologie à Saclay.
Cette plate-forme robotisée de chimie combinatoire
implantée à Saclay réalise la synthèse de nouvelles molécules,
leur purification et leur caractérisation. Elle permet de fabriquer
rapidement plusieurs milliers de molécules différentes à partir
d'une structure commune. Cette installation a bénéficié
d’un soutien du Conseil régional d’Ile-de-France et du Conseil
général de l’Essonne.
2
1
UN PROGRAMME DE RECHERCHE FINALISÉE
POUR LA SÉCURITÉ NATIONALEDes équipes de Saclay participent à la lutte contre une agression biologique et chimique.
Ces dernières années, la menace liée à l’utilisation
d’agents biologiques s’est nettement précisée. Le CEA est
un acteur majeur de la recherche en matière de sécurité.
En particulier, il conduit le programme interministériel de
lutte contre les menaces NRBC, qui vise à assurer la
sécurité des citoyens contre d’éventuelles agressions
nucléaire, radiologique, biologique et chimique, avec un
accent particulier sur l’aspect biologique.
Préparer des outilsAu sein de ce programme, la Direction des sciences du
vivant (DSV) a été sollicitée pour préparer les outils
indispensables pour la détection, le diagnostic, le traite-
ment et la décontamination des agents majeurs de la
menace biologique et chimique. Cette action mobilise
environ 24 équipes, auxquelles se sont jointes 12 équipes
de l’Institut Pasteur, de l’IRSN1, du CNRS, du CRESSA2,
du Muséum national d’histoire naturelle, de l’AFSSAPS3 et
de l’INSERM4. Au CEA, les
Directions de la recherche
technologique et des scien-
ces de la matière, en relation
avec la DSV, mettent
actuellement au point des
systèmes miniaturisés
adaptés à l’emploi sur le
terrain des outils évoqués
précédemment.
Tests et inhibiteursde toxinesA Saclay, trois unités de la
DSV sont particulièrement
impliquées dans ces
recherches. Le Service de
pharmacologie et d'immunologie fabrique des anticorps
monoclonaux destinés à la réalisation de tests de détection.
Le Département d'ingénierie et d'études des protéines
met au point des tests in vitro destinés à la recherche
d’inhibiteurs des agents du risque bilogique. Ce travail est
réalisé en collaboration avec le Service de marquage
moléculaire et de chimie bioorganique.
1 Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
2 Centre de recherche du service de santé des armées.
3 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
4 Institut national de la santé et de la recherche médicale.
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Actualités
LIVRESNous vous proposons une sélection de livres grand public, écrits par des chercheurs de Saclay.
■ « Les constantes fondamentales »,
Roland Lehoucq, Jean-Philippe Uzan, éd. Belin, 487pages, 05/2005, 30 €.
■ « Qu’est-ce que la matière ? », Françoise Balibar, Jean-Marc Lévy-Leblond, Roland Lehoucq, éd. LePommier, 04/2005, 192 pages, 8,50 €.
■ « Il était sept fois la révolution », Etienne Klein, éd. Flammarion, 237 pages, 03/2005, 19 €.
■ « Les Nanotechnologies doivent-elles nous fairepeur ? », Louis Laurent et Jean-Claude Petit, éd. LePommier, coll. Les Petites Pommes du Savoir, 62 pages,03/2005, 4 €.
■ « Les nanosciences, nanotechnologies et nanophysique »,coordinateurs des auteurs : Marcel Lahmani, Claire Dupas,Philippe Houdy, coauteurs : Jean-Philippe Bourgoin,Arianna Filoramo et Marcelo Goffman, éd. Belin, 605pages, 11/2004, 47,50 €.
■ « Le climat : jeux dangereux », Jean Jouzel, AnneDebroise, éd. Dunod, 212 pages, 11/2004, 20 €.
■ « Climat : chronique d’un bouleversement annoncé »,Didier Hauglustaine, Jean Jouzel, Hervé Le Treut, éd. LePommier, 188 pages, 10/2004, 8,50 €.
■ « L’effet de serre : réalité, conséquences et solutions »,René Ducroux, Philippe Jean-Baptiste, CNRS Editions, 95pages, 10/2004, 15 €.
■ « Les tactiques de Chronos », Etienne Klein, éd.Flammarion, 219 pages, 10/2004, 7,20 €.
■ « Energie noire, matière noire », Michel Cassé, éd. OdileJacob, 306 pages, 08/2004, 25,50 €.
■ « Petit voyage dans le monde des quanta », EtienneKlein, éd. Flammarion, 224 pages, 04/2004, 8,20 €.
■ « Demain, la physique », ouvrage collectif (auteurs :Aspect, Balian, Balibar, Brézin, Cabane, Fauve, Kaplan,Léna, Poirier, Prost), éd. Odile Jacob, 377 pages, 03/2004,29 €.
■ « Faire de la science avec Star Wars », Roland Lehoucq,éd. Le Pommier, 128 pages, 10/2005, 6,50 €.
Les chercheurs s’adressent aussi aux enfants
pour partager avec eux des questions de science.
■ « Le climat, de nos ancêtres à vos enfants », ValérieMasson-Delmotte, Bérengère Dubrulle, éd. Le Pommier,coll. Les Minipommes, 59 pages, 09/2005, 7,60 €.
■ « La lumière à la loupe », Roland Lehoucq, éd. Le Pommier, coll. Les Minipommes, 59 pages, 09/2005,7,60 €.
■ « Les atomes de l’univers », Etienne Klein, éd. Le Pommier, coll. Les Minipommes, 05/2005, 7,60 €.
■ « Il était une fois le soleil », document jeunessecomposé des textes primés lors du concours réalisé par leCEA à l’occasion de l’exposition « Soleil» de la Cité dessciences et de l’industrie, éd. Le Pommier, 62 pages,11/2004, 15 €.
■ « Le Soleil, notre étoile », Roland Lehoucq, éd. LePommier, coll. Les Minipommes, 57 pages, 09/2004, 8 €.
Renseignements pratiques :Accès : ouvert à tous, entrée gratuiteLieu : Institut national des sciences et techniques nucléaires, Saclay (voir plan)Horaire : 20 heuresOrganisation/renseignements : Centre CEA de Saclay, Unité communication et affaires publiquesTél : 01 69 08 52 10Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Les Jeudis du CEAJeudi 15 juin 2006 à 19h30,La « cybersociété » face aux pirates informatiques, avec Laurent Oudot, expert en sécurité des systèmes informatiques (CEA Direction des applications militaires Ile-de-France).
Renseignements : Lieu : café de la FNAC Vélizy, centre commercial Vélizy 2, Entrée libre
Lundi 12 juin
« Le temps existe-t-il ? »par Etienne Klein, physicien au CEA.
« Le temps est un aigle agile dans untemple », a écrit Robert Desnos. Unaigle qui rappelle celui de Prométhée : ildévore jusqu’aux entrailles un foie quirepousse sans cesse ; agile, sans aucundoute, parce qu’il se dérobe sans cesse ;quant au temple, il traduit le caractère
hiératique du temps, qui n’évolue pas lui-même mais faitévoluer le monde.Comme on le voit, cette définition renferme des notionscontradictoires (comme celles d’invariance et de mobi-lité). La notion de temps est, par nature, emplie d’ambi-valences, et associée à des images pastoujours nettes. D’abord, le temps,existe-t-il vraiment ? Un être quin’existe qu’en cessant d’être, est-ceencore un être ? Ne s’agit-il pas plutôtd’une illusion ? De fait, au cours … dutemps, les philosophes ont convoqué àpeu près autant d’arguments pourprétendre que le temps existe que pourprétendre qu’il n’existe pas. Mais dans cette affaire, laphysique a-t-elle quelque chose à dire ?Et si oui, quoi ?
DEUX CONFÉRENCES POUR EN SAVOIR PLUS
Lundi 19 juin
« La physique a-t-ellebesoin du temps ? »
par Marc Lachièze-Rey, physicien au CEA.Nous exprimons notre expériencequotidienne du temps par ce qu’on peut qualifier notre temps intuitif. Laphysique newtonienne est fondée sur l’existence d’un temps physique,construit comme une généralisation denotre temps intuitif.
Mais l’expérience physique nous a montré depuis que laplupart des notions temporelles comme la durée, lasimultanéité ou la succession chronologique n’ont pas de
pertinence physique. Les théories de larelativité se fondent sur cette disparitiondu temps. Elles abandonnent les notionsd’espace, de temps et de chronologie etse fondent sur celles d’espace-temps etde structure causale. La physique relati-viste est ainsi une physique sans temps,mais avec causalité. D’où l’un desgrands débats actuels : faut-il suivre la
voie de la relativité et consacrer une physique sans temps(mais avec causalité ?) ou bien vaut-il mieux renier lemessage relativiste et réintroduire le temps comme unecomposante essentielle de la réalité physique ?
« Le temps, entre réalité et illusion »Le centre CEA de Saclay organise chaque trimestre des conférences destinées à présenter au grand public l’actualitéscientifique et technique.
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