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Et si on parlait du coût du capital?
Nasser Mansouri-GuilaniÉconomiste, CGT
Congrès d’UD 69, 6 mars 2013
En guise d’introduction Eh oui, la France est un pays capitaliste Dans une économie capitaliste, il y a un
conflit permanent entre le travail et le capital
La bataille idéologique fait partie intégrante de ce conflitCf. entre autres, le débat sur la le « coût du travail » et la « compétitivité »
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Premier point:Le travail est un atout
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Ce qui crée de la richesse nouvelle, de la « valeur ajoutée », c’est bien le travail humain
Valeur ajoutée = richesse nouvelle = biens et services nécessaires pour satisfaire les besoins sociaux et économiques
Ni la machine, ni l’argent ne créent de la valeur
De l’argent en tant que tel ne peut pas fructifier. Une machine, même des plus sophistiquées et
perfectionnées, ne produit pas non plus en soi de la valeur
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Les machines, équipements et matières transmettent leur valeur au prorata de leur participation à la production
La force de travail ne transmet pas seulement sa valeur, elle produit aussi une « valeur ajoutée ».
Un partage de la valeur ajoutée au détriment des travailleurs
Dans l’ensemble de l’économie, la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières
augmente de 8 points entre 1950 et 1982 (de 62% à 74%)
recule de 10 points entre 1982 et 1989 (à 64%) oscille depuis autour de 54-65%
Chaque point de valeur ajoutée de ces sociétés représente 10 milliards d’euros par an
10 points de baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée de ces entreprises = 100 mds € par an
Part de la masse salariale dans la Valeur ajoutée
58,0
60,0
62,0
64,0
66,0
68,0
70,0
72,0
74,0
76,0
En
%
Le recul de l’industrie intensifie la déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés L’industrie continue de perdre des emplois Inversement, se développent des emplois de
services, dont une part non négligeable à faible rémunération et le plus souvent précaires (cf. commerce, services aux particuliers…)
Conventions collectives généralement plus favorables dans l’industrie que dans les services
Ces évolutions tirent vers le bas les salaires et leur part dans la valeur ajoutée
Part de l’industrie dans l’économie (en %)
Qu’est-ce que le salaire? Le salaire est l’expression de la valeur de
la force de travail Le salaire est aussi un revenu; deux
effets: Individuel, bien-être individuel Économie générale (macroéconomique)
Impact sur la consommation, donc sur l’activité économique
Recettes de l’État et de la Sécurité sociale; bien-être de la société
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Le salaire est historiquement et socialement défini
Le niveau et l’évolution des salaires correspondent au niveau du développement économique et social d’un pays. Cela explique la différence des salaires dans
le temps dans un pays comme la France Cela explique aussi les différences des
salaires entre pays.
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Le salaire exprime la valeur de l’ensemble des biens et services nécessaires pour la reproduction de la force de travail
Il correspond à ce qui est nécessaire pour assurer une vie décente.
La définition d’une vie décente est conditionnée par les luttes sociales.
Exemple: il est aujourd’hui acquis que les travailleurs doivent avoir droit aux congés payés. Tel n’a pas été le cas il y a cent ans. C’est grâce à leurs luttes que les travailleurs ont obtenu ce droit, à tel point qu’aujourd’hui personne n’ose le remettre ouvertement en cause.
La conception, la détermination, de salaires est une construction sociale. Elle peut se faire dans un cadre plus ou moins socialisé. Ce cadre est défini, lui-même, par des luttes sociales.
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En France, le salaire est composé de deux parties :
salaire net: directement versé au salarié cotisations sociales: c’est la partie du salaire mise
dans un « pot commun » Les cotisations sociales forment une partie du
salaire qui au lieu d’être directement versée au salarié sert à financer la protection sociale
Les cotisations sociales constituent bien la partie socialisée du salaire.
Elles ne sont pas du « salaire différé ». La notion de salaire différé ignore totalement la
logique de solidarité et de mise en commun qui est inhérente au concept de salaire socialisé.
Les cotisations sociales dites « patronales » font aussi partie intégrante du salaire.
Le patronat mène une bataille idéologique pour présenter cette partie du salaire comme une « charge » qui pèserait sur les entreprises. C’est faux.
Conscient du fait que la part employeur des cotisations fait partie intégrante du salaire, le patronat exerce une forte pression pour réduire cette part.
Pour satisfaire le patronat, l’État prend en charge une partie de ces cotisations.
Appliquée au nom de l’emploi, cette politique coûte en année pleine 30 milliards d’euros au budget de l’État (20 milliards sur les emplois dits à bas salaires)
sans résultats probants en matière d’emploi mais avec des effets pervers:
Trappe à bas salaires Déclassement Impact négatif sur la formation professionnelle
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La baisse des cotisations sociales dites patronales permet d’améliorer la marge (« excédent brut d’exploitation », « profits bruts », « plus-value ») des entreprises
Ces marges pourraient ensuite être distribuées, notamment sous la forme de dividendes, aux actionnaires et propriétaires.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), décidé en 2012 dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi obéit à la même logique J-M. Ayrault: cette mesure permet de réduire le
« coût du travail » de 6% C’est un nouveau cadeau (20 mds€) au
patronat Attention: le CICE s’ajoute aux exonérations actuelles Les patrons seront servis deux fois:
À l’entrée: baisse de cotisations À la sortie: baisse de l’impôt
Ce nouveau cadeau coûte particulièrement cher
Ministre de l’Économie: cela permet de créer 300000 emplois 20 milliards d’euros par an/300000 emploi =
70000 euros par emploi C’est trop cher
Il faut utiliser cet argent pour développer les services publics, créer des emplois dans les services qui manquent du personnel: éducation, santé, aide aux personnes âgées…
Deuxième point:Un alourdissement du « coût du
capital » au détriment de l’emploi, des salaires et de l’investissement productif
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Un partage secondaire de la valeur ajoutée au détriment de l’investissement productif
La différence entre la valeur ajoutée et le salaire (y compris les cotisations sociales) représente le profit brut (plus-value).
C’est ce que les économistes et comptables appellent « Excédent brut d’exploitation » (EBE)EBE = VA – rémunération des salariés
EBE/VA = Taux de marge
L’EBE sert à trois choses : Payer les taxes et impôts par l’entreprise Financer les investissements pour maintenir,
voire développer, les capacités de production :
équipements et bâtiments recherche-développement et innovation formation des salariés
Rémunérer les capitaux : Les créanciers (charges d’intérêt) Les propriétaires et actionnaires (dividendes)
Coût du capital = rémunération du capital = intérêts et dividendes versés
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Coût du capital (charges d'intérêt + dividendes) / VA
0
5
10
15
20
25
30
35
40
1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 19881989 1990 1991 1992 1993 1994 19951996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 20032004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Prélèvements financiers / VA Dividendes / VA
Le coût du capital augmente régulièrement par rapport à la masse salariale
2525
Dividendes distribués et intérêts versés en % de la masse salariale
0
10
20
30
40
50
60
1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
En
%
dividendes sur masse salariale intérêts sur masse salariale dividendes et intérêts
Revenus versés par les entreprises non financières (en milliards d’euros)
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Conclusion: ce qui handicape la France, ce n’est donc pas le « coût du travail » mais bien le coût du capital, c’-à-d les prélèvements financiers
En 1950, pour 100 euros de masse salariale (salaire brut+cotisations sociales dites patronales), les entreprises versaient 9,5 euros de dividendes et 4,5 euros de charges d’intérêt
Aujourd’hui, pour 100 euros de masse salariale, les propriétaires reçoivent 36 euros et les créanciers 10 euros.
Aujourd’hui, les prélèvements financiers (dividendes et intérêts versés) équivalent à la moitié de la masse salariale des sociétés non financières
Ce qui handicape la France, est bien donc le coût du capital
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"Coût du travail" et "coût du capital"
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
en
% d
e l
a v
ale
ur
ajo
uté
e
masse salariale/valeur ajoutée coût du capital/valeur ajoutée
D’où vient le problème?
Un mode de gestion des entreprises et des choix de politique économique qui: dévalorisent le travail, le considèrent
comme un coût qu’il faut réduire Favorisent la financiarisation de l’économie
Il en résulte: Un faible dynamisme de l’emploi Un chômage massif et persistant Une multiplication des emplois précaires Des salaires faibles
30
Montanten % de la
valeur ajoutée
en % de la masse
salarialeValeur ajoutée 1 004,1Masse salariale 668,7 67Salaires et traitements bruts 514,0Cotisations soc. effectives à la charge des employeurs 154,7Excédent brut d'exploitation 287,3 29Dividendes et autres revenus perçus 147,9 15 22dont : Dividendes 145,0Revenus distribués 237,8 24 4dont : Dividendes versés aux acionnaires 211,8 21 32Investissement 202,3 20 30
valeur ajoutée, masse salariale et dividendes des entreprises
Source : Insee, Comptes nationaux
Troisième point: mener la bataille idéologique contre le patronat et les libéraux Les profits d’aujourd’hui ne font ni les
investissements de demain ni les emplois d’après demain
Compétitivité, parlons-en La hausse des salaires est nécessaire
pour dynamiser l’activité économique
Les profits d’aujourd’hui ne font pas les investissements de demain
L’argent versé aux actionnaires est autant d’argent qui ne va ni aux salariés ni à l’investissement productif
Depuis le milieu des années 1980, les dividendes versés aux actionnaires augmentent régulièrement: au détriment des salaires (cf. plus haut) au détriment de l’investissement productif
Taux de marge et taux d’investissement (en % de la valeur
ajoutée)
Investissement et dividendes versés (sociétés non financières)
0,0
50,0
100,0
150,0
200,0
250,0
300,0
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
En m
illia
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d'eu
ros
DIVIDENDES VERSES INVESTISSEMENT
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La compétitivité, parlons-en
Compétitivité: la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité (définition de l’Union européenne).
Compétitivité-coût compare l’évolution des « coûts salariaux unitaires » de la France avec celle de ses partenaires commerciaux.
Le coût salarial unitaire: l’évolution du coût du travail en tenant compte de l’évolution de la productivité du travail.
Par exemple, si le « coût du travail » augmente de 1 % et la productivité du travail de 3 %, on dira que le coût unitaire a baissé de 2% ; autrement dit, la compétitivité-coût, s’est améliorée.
Compétitivité hors coûts, (de même que la compétitivité hors prix) recouvre des facteurs tels que la qualité, le contenu en innovation, l’ergonomie et le design des produits offerts. Ces facteurs constituent désormais un critère déterminant dans les échanges commerciaux.
Compétitivité-prix à l’exportation compare l’évolution de nos prix d’exportation à celle de nos partenaires.
Le taux de change a un impact important sur la compétitivité-prix : une dépréciation de la monnaie nationale entraînera une amélioration de la compétitivité-prix.
Par exemple pour l’automobile, le poids de chaque partenaire commercial exprime l’importance du marché d’automobile pour la France (mesurée par la part de l’automobile dans les exportations de la France) et la part détenue par le concurrent sur ce marché.
Tous les partenaires commerciaux n’ont pas le même poids dans le commerce extérieur de la France. Le poids de chacun des partenaires mesure la concurrence exercée par celui-ci sur chacun des marchés d’exportation de la France.
Les échanges commerciaux de la France avec les pays de la zone euro constituent plus de la moitié de nos échanges extérieurs, ce qui amoindrit l’importance de la « compétitivité-prix » compte tenu du fait que la question de variations de taux de change ne se pose pas dans les échanges commerciaux entre les pays membres de cette zone.
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La France, le pays où le travail ne coûte pas si cher que cela
Le « coût du travail » en France, y compris les cotisations sociales, se situe dans la moyenne des pays qui ont à peu près le même niveau de développement économique et social.
En revanche, la France se situe dans le peloton de tête en ce qui concerne la productivité apparente du travail
Coût du travail compte tenu de la productivité du travail
Valeur Rang
Danemark 140 1
Suède 125 2
Finlande 112 3
Autriche 105 4
UEà15 100
Allemagne 96 5
Italie 93 6
Pays-Bas 88 7
UE à 27 87
France 84 839
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Les principaux concurrents de la France sont les pays à hauts salaires
Contrairement à une idée reçue et largement répandue par le patronat et les libéraux, les produits français sont surtout concurrencés par ceux provenant des pays, tels l’Allemagne, qui ont un niveau de développement économique et social plus ou moins proche du nôtre
La concurrence des pays à bas salaires est pour l’essentiel circonscrite à un nombre limité de secteurs où l’absence d’une stratégie industrielle globale affaibli le potentiel de la
France
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La hausse des salaires est nécessaire pouraccroître la consommation et accélérer la croissance économique
La consommation des ménages compte pour 57 % du PIB
L’évolution du PIB dépend largement de cette consommation
Au cours des années 2000, la consommation des ménages explique deux tiers de la croissance de l’activité économique en France
La croissance économique suit l’évolution de la consommation
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La consommation des ménages tire la croissance économique
-4,0
-2,0
0,0
2,0
4,0
6,0
8,0
10,0
Consommation des ménages Produit intérieur brut
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En guise de conclusion Sous la pression patronale, le débat est focalisé sur le « coût
du travail », alors que c’est le vrai problème réside dans le coût du capital
Le travail est un atout, non un coût; mener la bataille idéologique
Pour sortir de la crise, il faut: valoriser le travail: emplois stables et qualifiés, salaires, conditions
de travail… Enjeux d’une Sécurité sociale professionnelle Enjeux d’un nouveau statuts du travail salarié
Dévaloriser le capital: réduire les prélèvements financiers Droits des salariés pour peser sur la stratégie des entreprises Place de la politique économique Enjeu de la syndicalisation pour créer des rapports de forces
favorables aux travailleurs Enjeux de la formation syndicale
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