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I
À mon oncle Tino,
qui est toujours dans mon cœur
II
III
TABLE DES MATIÈRES
Introduction 1
CHAPITRE 1 : Des théories sur la traduction : les études
d’Antoine Berman
5
1.1. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain 5
1.1.1. Traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle 7
1.1.2. L’analytique de la traduction : les tendances
déformantes
9
1.1.3. Analyse d’une grande traduction : l’Énéide de Pierre
Klossowski
12
1.2. L’épreuve de l’étranger 15
1.2.1. La traduction au manifeste 16
1.2.2. Les théories sur la traduction des Romantiques
allemands
18
1.2.2.1. Goethe : traduction et littérature mondiale 19
1.2.2.2. A. W. Schlegel : la volonté de tout traduire 20
1.2.2.3. F. Schleiermacher : la traduction dans l’espace
herméneutico-linguistique
22
1.3. Hölderlin et le rapport avec l’Étranger 23
CHAPITRE 2 : Baptiste Beaulieu : le médecin devenu
romancier
29
2.1. Biographie 29
2.2. Œuvres 30
2.2.1. Alors voilà : les 1001 vies des Urgences 30
2.2.2. Alors vous ne serez plus jamais triste 32
2.2.3. La ballade de l’enfant gris 33
2.3. Toutes les histoires d’amour du monde 34
2.3.1. Thématiques traités dans le roman 37
2.3.1.1. L’amour 37
IV
2.3.1.2. La médecine et la mémoire du passé 39
2.3.2. Toutes les histoires d’amour du monde : un exemple
d’autofiction
40
CHAPITRE 3 : Proposition de traduction de Toutes les
histoires d’amour du monde
43
CHAPITRE 4 : Commentaire à la traduction 101
4.1. Observations de type morphologique 101
4.2. Observations de type lexical 107
4.3. Observations de type syntaxique 115
Conclusion 123
Interview à Baptiste Beaulieu : « J’ai découvert la plus belle
histoire d’amour que ce soit »
125
Le langage militaire : un exemple de concordancier 127
Bibliographie 129
Sitographie 131
Riassunto 135
1
INTRODUCTION
La traduction joue un rôle fondamental dans notre société. Pour s’en rendre
compte, il suffit de penser à ce qu’il ne pourrait jamais se faire sans elle. Pour fournir un
exemple, une personne occidentale qui n’a jamais étudié les langues orientales ne réussi-
rait pas à regarder un film ayant le chinois comme langue originale, sans le doublage ou
les sous-titres. Sans la traduction des modes d’emploi et des interfaces homme/machine,
il serait difficile d’employer correctement un ordinateur, un smartphone ou n’importe
quel appareil électroménager. En effet, la traduction ne concerne pas uniquement la litté-
rature : au contraire, elle contribue à améliorer la vie quotidienne des personnes en ren-
dant nouvelles technologies et innovations accessibles au grand public. En outre, elle fa-
cilite la communication entre les individuels ou les groupes de personnes, ce qui facilite
des échanges culturels ou commerciaux. Elle est, en somme, un long pont qui permet de
s’ouvrir au reste du monde et de faire sa connaissance.
Cependant, une traduction doit être bien faite pour marcher : malheureusement,
ce n’est pas toujours le cas. À ce propos, il est facile de trouver sur Internet des exemples
de mauvaises traductions qui, parfois, frisent le ridicule. Dans l’exemple suivant, pour
rendre en français le mot anglais « mug » le traducteur a choisi, au lieu de « tasse », un
autre sens qui n’avait rien à voir avec l’original :
Figure 1 : Une tasse très dangereuse.
2
Le même effet se produit dans l’exemple suivant, où le traducteur devait expliquer que le
produit de l’image, une assiette, pouvait être placé dans le four à micro-ondes et lavée
dans le lave-vaisselle. C’est ainsi que l’assiette s’est transformée en coffre-fort :
Figure 2 : Assiette ou coffre-fort ?
On pourrait continuer à l’infini, à cause de la grande quantité d’exemples de ce type, où
la professionnalité de la traduction a manifestement été largement sous-estimée. En tout
cas, ils sont la démonstration du fait que la traduction est une arme à double tranchant :
elle peut valoriser un texte si elle est bien exécutée ou le minimiser si elle a été faite de
manière superficielle.
La traduction a joué un rôle fondamental au cours de notre carrière d’étudiants de
langues étrangères. Par conséquent, il n’est pas surprenant qu’elle ait été choisie comme
sujet du mémoire de licence de master. Il a été convenu d’opter, par goût, pour une tra-
duction littéraire. L’œuvre à traduire ne devait pas avoir été déjà traduite vers l’italien :
pour éviter ce risque, la solution la meilleure était celle de choisir une œuvre contempo-
raine présentée comme nouveauté sur le site Internet d’e-commerce Amazon, à savoir le
roman Toutes les histoires d’amour du monde de Baptiste Beaulieu, dont il sera question
plus tard dans l’introduction. La consultation de l’ICCU (Istituto Centrale per il Catalogo
Unico)1 confirme l’absence de traduction italienne de ce roman français.
1 https://www.iccu.sbn.it/it/
3
Quant au mémoire, il sera divisé en quatre chapitres. Le premier sera consacré aux
théories sur la traduction et, en particulier, à celles d’Antoine Berman. Ses deux premières
sections porteront sur la lecture de deux essais de Berman : La traduction et la lettre ou
l’auberge du lointain et L’épreuve de l’étranger. Le premier résume les thématiques trai-
tées par l’auteur au cours d’un séminaire où il critiqua les théories de traduction tradition-
nelles. Dans ce cas, l’étude se concentrera, en particulier, sur les notions de « traduction
ethnocentrique » et de « traduction hypertextuelle » et sur les treize tendances défor-
mantes, identifiées par l’auteur, qui déforment idéalement à travers la traduction le con-
tenu exprimé par le texte original. La section consacrée à cette œuvre terminera par l’ana-
lyse que le même Berman fournit de la traduction de l’Énéide de Virgile effectuée par
Pierre Klossowsky. Cette traduction a été considérée comme significative par Berman
parce qu’elle a été une des premières à remettre en question les théories de traduction
traditionnelles. Quant au deuxième essai, L’épreuve de l’étranger, il consiste en une ana-
lyse comparative des théories de traduction formulées par les auteurs romantiques alle-
mands : la section consacrée s’attardera sur celles de Goethe, A. W. Schlegel et F.
Schleiermacher, sans oublier le manifeste de la traduction qui ouvre l’essai. Enfin, la troi-
sième et dernière section du chapitre sera consacrée entièrement à un traducteur allemand
présent dans les deux œuvres : c’est Friedrich Hölderlin, qui, dans ses traductions, a fait
preuve d’une attention particulière envers l’étranger, évidente dans ses poésies et sa tra-
duction de l’Antigone de Sophocle.
Le deuxième chapitre constituera une approche à la proposition de traduction. En
effet, il sera entièrement consacré à l’auteur du roman, Baptiste Beaulieu, qui a mené de
front les deux métiers de médecin et d’écrivain. Après sa biographie, l’analyse se con-
centrera sur les quatre œuvres que Beaulieu a publiées jusqu’à présent. Une attention par-
ticulière sera consacrée au roman faisant l’objet de la traduction, Toutes les histoires
d’amour du monde. L’analyse de l’œuvre s’arrêtera de manière détaillée sur les théma-
tiques traitées dans le roman et terminera par un approfondissement sur le genre de l’auto-
fiction, auquel Toutes les histoires d’amour du monde appartient. Il faut remarquer que
les renseignements repérés sur l’auteur et ses œuvres proviennent entièrement d’articles
en ligne et blogs, ce qui met en évidence la grande contemporanéité du sujet traité. En
effet, les recherches conduites sur des matériaux bibliographiques de critique littéraire
dans les publications papier n’ont porté aucun fruit.
4
Le troisième chapitre développe la proposition de traduction : pour faciliter leur
comparaison, le texte original en français et le texte traduit en italien seront présentés en
miroir. Vu la longueur du roman (480 pages), il a été convenu d’en traduire uniquement
les 80 premières, correspondant à la presque totalité de la première partie du roman. La
traduction a été menée principalement avec l’aide de trois dictionnaires en ligne : le bi-
lingue Garzanti et deux monolingues, le Trésor de la Langue Française informatisé pour
le français et le Garzanti informatisé pour l’italien. D’autres dictionnaires sur papier et
en ligne et des sites Internet spécialisés, mentionnés dans la bibliographie et dans la sito-
graphie, ont été utilisés dans des cas particuliers.
Enfin, le quatrième et dernier chapitre contiendra le commentaire à la traduction,
c’est-à-dire l’analyse des changements qui se sont produits dans la traduction par rapport
au texte original. Le chapitre sera divisé en trois sections différentes selon la branche
linguistique impliquée : la première section concernera les modifications de type mor-
phologique, la deuxième, celles de type lexical et la troisième, celles de type syntaxique.
Chaque section contiendra des exemples, tirés du texte original et de sa traduction, à tra-
vers lesquels seront expliquées les raisons pourquoi une certaine variation s’est produite.
L’étude prêtera une attention particulière aux exemples qui se sont révélés les plus diffi-
ciles à traduire et aux cas les plus curieux.
Le mémoire contiendra aussi deux annexes : une interview que Baptiste Beaulieu
a accordée au quotidien français 20 minutes à l’occasion de la sortie dans les librairies de
Toutes les histoires d’amour du monde et un petit concordancier contenant des mots du
texte original appartenant au langage militaire, leurs définitions dans les dictionnaires
monolingues français et leurs équivalents italiens.
5
CHAPITRE 1
Des théories sur la traduction : les études d’Antoine Berman
Parmi les théoriciens de la traduction, une place importante est occupée par An-
toine Berman. Traducteur, il a également été auteur d’ouvrages sur la traduction des textes
en prose et en poésie et directeur du Centre Jacques-Amyot de traduction et de termino-
logie.
À cette occasion, on prendra en considération deux d’entre ses œuvres plus cé-
lèbres : La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain et L’épreuve de l’étranger.
1.1. La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain
Publiée pour la première fois en 1985, cette œuvre constitue le résumé d’un sémi-
naire qui s’est déroulé au Collège International de Philosophie en 1984. Le texte est idéa-
lement divisé en deux parties : dans la première, l’auteur critique les théories tradition-
nelles, selon lesquelles la traduction doit restituer un texte dont le sens est encore plus
beau que l’original. La deuxième partie, au contraire, consiste dans l’analyse de trois
grandes traductions, jugées comme « littérales ».
Parmi les participants au séminaire, il y avait des traducteurs « professionnels » :
ceux-ci soutenaient que traduire littéralement signifiait « traduire mot-à-mot » ou, quand
cela n’était pas possible, comme dans le cas des proverbes, « trouver un équivalent ».
Berman critiqua cette méthode : si, d’un côté, elle rendait le sens du texte original plus
clair et plus proche de la langue traduisante, à savoir la langue vers laquelle on traduisait,
de l’autre, l’étrangeté propre au texte original n’était pas prise en compte dans la langue
traduisante. Le texte original était donc francisé et la langue traduisante n’était pas consi-
dérée comme une « auberge du lointain », d’où le titre de l’œuvre.
De plus, selon A. Berman, la traduction est un travail qui s’effectue en deux
phases. La première est celle de l’« expérience », selon laquelle qui traduit fait l’« expé-
rience des œuvres et de l’être-œuvre, des langues et de l’être-langue » (Berman 1999 :16),
mais aussi « d’elle-même, de son essence » (ivi : 16). La traduction possède donc un sa-
voir inhérent à elle-même. Quand le traducteur a fait l’expérience de ce savoir, il peut
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passer à la deuxième phase, dite de « réflexion ». Elle se fait à travers la traductologie,
qui consiste exactement en la « réflexion de la traduction sur elle-même à partir de sa
nature d’expérience » (ivi : 17). À ces deux aspects, on peut en ajouter un troisième, étroi-
tement lié à la philosophie : il s’agit du fait que la traduction peut être portée, et donc
influencée, par la pensée philosophique. À tel propos, A. Berman cite une réflexion sur
l’argument, écrite par le philosophe allemand Martin Heidegger :
Toute traduction est en elle-même une interprétation. Elle porte dans son être, sans
leur donner voix, tous les fondements, les ouvertures et les niveaux de l’interpréta-
tion qui se sont trouvés à son origine. Et l’interprétation n’est, à son tour, que l’ac-complissement de la traduction qui encore se tait […]. Conformément à leur es-
sence, l’interprétation et la traduction ne sont qu’une et même chose.
Vu qu’elle doit être expérience et traduction, la traductologie se voit comme une pensée
de la traduction et met en évidence ce que cette dernière a en commun avec la philosophie.
Cependant, il ne s’agit pas de la seule fonction qu’elle doit accomplir : en effet, elle doit
aussi réfléchir sur toutes les formes de traduction existantes, comme par exemple les tra-
ductions scientifique, juridique, de la littérature enfantine et ainsi de suite.
En annonçant le parcours à suivre, A. Berman affirme que la traduction est « tra-
duction-de-lettre, du texte en tant qu’il est lettre » (ivi : 25), mais cette affirmation est en
contraste avec le fait que la majorité des traductions tendent à prendre leurs distances de
la lettre : les théories de traduction arrivent même à condamner l’emploi du « mot-à-mot »
et les traductions trop littérales. Selon ces théories, la traduction est caractérisée par trois
traits : culturellement parlant, elle est « ethnocentrique », littérairement parlant, elle est
« hypertextuelle » et philosophiquement parlant, elle est « platonicienne ». Ces traits ca-
chent une dimension éthique, poétique et pensante à laquelle sont liées non seulement la
traduction, mais aussi la lettre. Pour y accéder, il est indispensable, comme l’écrit Ber-
man, de détruire la tradition ethnocentrique, hypertextuelle et platonicienne de la traduc-
tion. Cependant, avant d’effectuer cette destruction, il faut analyser ce qu’il faut détruire :
ce procédé s’appelle « analytique de la traduction » et consiste dans « la critique de l’eth-
nocentrisme, de l’hypertextualisme et du platonisme de la figure traditionnelle de la tra-
duction » (ivi : 26). L’analyse de la traduction étudie les trois traits et observe comment
ces derniers se manifestent dans une traduction. De plus, elle propose une triple dimen-
sion alternative à la traditionnelle, selon laquelle la traduction éthique s’oppose à celle
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ethnocentrique, la traduction poétique s’oppose à l’hypertextuelle et la traduction pen-
sante s’oppose à la platonicienne.
Pour son analyse, A. Berman part de l’« expérience historique du traduire », c’est-
à-dire ces grandes traductions qui ont mis en discussion la dimension traditionnelle en
faveur de l’alternative : en particulier, il examine la traduction du Paradis perdu de John
Milton effectuée par Chateaubriand, la traduction de l’Antigone de Sophocle écrite par
Friedrich Hölderlin et celle de l’Énéide de Virgile effectuée par Pierre Klossowski. L’ana-
lyse de ces deux dernières traductions sera expliquée dans les sections qui suivent.
1.1.1. Traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle
D’après Berman, la plupart des professionnels considèrent la traduction ethnocen-
trique et la traduction hypertextuelle comme les formes normales et « normatives » de la
traduction.
Une traduction est considérée comme « ethnocentrique » si elle renvoie à sa
propre culture, à ses normes et à ses valeurs et inflige une connotation négative à tout ce
qui se trouve en dehors de ceux-ci, appelé par Berman « l’Étranger ». Au contraire, une
traduction « hypertextuelle » est celle qui concerne les textes nés de la transformation
formelle d’un autre texte déjà existant, comme par exemple les imitations ou les parodies.
Ces deux types de traduction sont étroitement liés entre eux : en effet, la traduction eth-
nocentrique est nécessairement hypertextuelle, tandis que la traduction hypertextuelle est
nécessairement ethnocentrique.
La traduction ethnocentrique est une réalité historique née chez les anciens Ro-
mains. Si, au début, les auteurs latins écrivaient en grec, ensuite ils sont passés à la tra-
duction des textes grecs : elle s’effectuait en annexant et en latinisant tous les termes et
les formes grecs, ce qui donnait des exemples de syncrétisme1. Cicéron et Horace furent
les premiers théoriciens de la traduction annexionniste, mais c’est saint Jérôme qui, dès
l’avènement du Christianisme, a diffusé leurs idées à travers sa traduction de la Bible,
appelée Vulgata. Au début la traduction était vue comme un moyen pour construire la
culture romaine à travers l’annexion des formes étrangères. Ensuite, au contraire, elle est
1 Synthèse de deux ou plusieurs traits culturels d'origine différente, donnant lieu à des formes
culturelles nouvelles.
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devenue un instrument pour diffuser la parole de Dieu : grâce à la traduction de la Bible,
le monde entier pourrait la connaitre.
La traduction ethnocentrique se fonde sur deux principes, selon lesquels le sens
du texte original doit être adapté à la langue vers laquelle il est traduit. Le premier principe
affirme qu’« on doit traduire l’œuvre étrangère de façon que l’on ne “sente” pas la tra-
duction » (ivi : 35) : sur cette base, la traduction ne doit présenter aucune trace de la
langue d’origine, elle doit être écrite dans une langue normative et elle ne doit pas pré-
senter des anomalies lexicales ou syntaxiques. Le deuxième principe, qui est une directe
conséquence du premier, dit qu’« on doit traduire l’œuvre étrangère de façon à donner
l’impression que c’est ce que l’auteur aurait écrit s’il avait écrit dans la langue tradui-
sante » (ibidem). Quand un traducteur italien, par exemple, doit traduire une œuvre écrite
en français, il doit le faire comme s’il avait dû écrire cette œuvre en italien : si l’original
a produit un certain effet sur le lecteur français, la traduction devra le produire aussi sur
le lecteur italien. Par conséquent, la traduction doit faire recours à des procédés litté-
raires : c’est à ce point qu’elle devient hypertextuelle.
Une relation hypertextuelle s’instaure quand un texte est relié à un autre texte qui
lui est antérieur. L’imitation, la parodie et le pastiche sont des exemples d’hypertextua-
lité : ils consistent à sélectionner un certain nombre de traits stylistiques d’une œuvre et,
ensuite, à composer un texte qui reprenne ces traits, de façon qu’il semble avoir été écrit
par le même auteur. La traduction aussi doit reprendre les traits stylistiques d’une œuvre
mais, contrairement aux typologies textuelles citées, elle se limite à reproduire un texte
déjà existant.
Comme on l’a vu, la traduction ethnocentrique doit faire recours à des opérations
hypertextuelles : ce phénomène est évident dans les « belles infidèles », c’est-à-dire des
traductions remontant au classicisme français qui sont, à part entière, des transpositions
libres. En effet, à cette époque-là, le français était considéré comme la langue de la com-
munication, de la représentation et de la création littéraire par excellence : pour cette rai-
son, il ne tolérait pas la présence d’éléments linguistiques vernaculaires ou populaires.
Un exemple de ce phénomène repose dans la « traduction » effectuée par Voltaire d’un
célèbre vers d’Hamlet de William Shakespeare, « to be or not to be, that is the question » :
Demeure, il faut choisir, et passer à l’instant
De la vie à la mort et de l’être au néant.
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Toute traduction doit comporter un processus de transformation hypertextuelle, mais il
faut comprendre quelle place occupe-t-elle dans l’espace littéraire. Berman cherche à
l’expliquer avec l’exemple des « traductions poétiques », lorsque des poètes modernes,
comme par exemple Baudelaire ou Mallarmé, traduisent en toute liberté des poésies
écrites par d’autres auteurs, en employant les « lois du dialogue entre poètes » (ivi : 38)
comme justification de leur travail. Par conséquent, les textes qu’ils ont produits ne sont
pas de véritables traductions, mais plutôt des « recréations » libres et hypertextuelles. Un
autre aspect est lié à la poésie : celui de l’« intraduisibilité ». Comme l’affirme Berman,
la poésie est, par tradition, intraduisible en raison du rapport étroit entre « son » et sens
qu’elle instaure, et qui la rend vraie et authentique. Donc, l’intraduisibilité est vue comme
une valeur permettant à la poésie de s’auto-affirmer.
Berman conclut ses observations par une réflexion. Les textes hypertextuels sont
souvent vus comme viles copies, médiocres ou « de seconde main » : par conséquent,
étant elle aussi liée à l’hypertextualité, la traduction est considérée à son tour comme une
activité honteuse, ce qui pousse les traducteurs à s’excuser en avance auprès des lecteurs
en cas de fautes ou d’imperfections.
1.1.2. L’analytique de la traduction : les tendances déformantes
À travers l’analytique de la traduction, Berman examine les façons dont un texte
est déformé par sa traduction. Son analyse concerne non seulement les parties du système
de déformation, mais aussi les forces et les tendances qui « dévient la traduction de sa
pure visée. L’analytique se propose de mettre ces forces à jour et de montrer les points
sur lesquels elles s’exercent » (ivi : 49). Contrairement à ce qu’on pense, elles concernent
tout type de traduction, pas seulement l’ethnocentrique et l’hypertextuelle, parce qu’elles
déterminent « a priori » le désir de traduire du traducteur. Le travail de Berman est censé
« détruire » symboliquement ces forces et concerne celles qui s’exercent dans la prose
littéraire, un domaine de traduction dont il a fait l’expérience et qui, en général, a été
négligé. Selon l’expert, la prose littéraire se caractérise par le fait qu’elle enferme en soi-
même toutes les « langues » qui coexistent dans une certaine langue. Elle produit, au ni-
veau formel, une condition d’« informité » : bien qu’elle fasse en sorte que la prose soit
jugée négativement par rapport à la « belle écriture » de la poésie, c’est aussi l’aspect qui
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la rend riche. De plus, vu que la prose est considérée comme inférieure à la poésie, les
déformations produites par la traduction sont mieux tolérées, même si elles sont plus dif-
ficiles à remarquer.
Selon Berman, treize différentes tendances déformantes visent à détruire la lettre
des textes originaux :
La rationalisation. Ce procédé concerne les structures syntaxiques et la ponctuation
du texte original et consiste à recomposer des phrases et des séquences de phrases et
à « les arranger selon une certaine idée de l’ordre d’un discours » (ivi : 53). Un autre
exemple de rationalisation se trouve dans la traduction des verbes par des substantifs.
De cette façon, le texte traduit prend une structure plus linéaire que l’original, mais
par contre, le traducteur détruit la condition d’« imperfection » typique de la prose et
le texte perd toute trace de concrétude.
La clarification. Elle concerne la « clarté sensible des mots ou leur sens » (ivi : 54).
D’un côté, cette tendance rend explicite et défini ce qui était celé et indéfini dans le
texte original, mais de l’autre elle rend clair ce qu’il ne devait pas l’être.
L’allongement. En général, toute traduction est plus longue que le texte original, mais
souvent l’allongement n’ajoute rien au texte traduit : au contraire, il peut l’appauvrir
ou affecter la rythmique de l’œuvre. Berman cite, à tel propos, deux mauvaises tra-
ductions effectuées par Armel Guerne : celle du Moby Dick d’Herman Melville, qui
rend les exploits du capitaine Achab titanesques, et celle des Fragments de Novalis,
des poésies brèves qui se sont « aplaties » avec l’allongement.
L’ennoblissement. C’est le procédé qui vise à rendre la traduction même plus belle
que l’original du point de vue formel. Il s’agit de la dite « rhétorisation », qui consiste
à produire des phrases « élégantes » à partir du texte original. Ce procédé, qui est tout-
à-fait une réécriture, finit par banaliser les éléments rhétoriques et par leur donner une
place excessive : par conséquent, la prose perd sa richesse orale et sa dimension in-
formelle. Inversement, on obtient le même effet en employant des mots argotiques ou
propres du langage oral pour vulgariser le texte quand ce ne serait pas nécessaire.
L’appauvrissement qualitatif. Ce procédé consiste à remplacer des mots ou des ex-
pressions présents dans le texte original par des mots ou des expressions sans richesse
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sonore, signifiante ou iconique : cette dernière « produit une conscience de ressem-
blance » (ivi : 58). S’il est appliqué à la totalité de l’œuvre, il risque de détruire sa
signifiance.
L’appauvrissement quantitatif. Cette tendance porte sur le lexique et consiste dans le
fait qu’un texte en prose ayant plusieurs signifiants tend à en perdre lorsqu’il est tra-
duit vers une autre langue, par exemple en traduisant les trois mots espagnols « sem-
blante », « rostro » y « cara » par un mot identique pour les trois, « visages ». L’ap-
pauvrissement quantitatif est lié à l’allongement, parce que ce dernier fait ajouter à la
traduction des signifiants explicatifs qui ont une fonction uniquement ornementale.
L’homogénéisation unifie le tissu hétérogène du texte original sur tous les plans. C’est
une synthèse des tendances précédentes.
La destruction des rythmes. La déformation peut affecter la rythmique d’un texte, par
exemple dans sa ponctuation : Berman cite l’exemple d’un texte de Faulkner qui pré-
sentait quatre signes de ponctuation dans le texte original et vingt-deux dans sa tra-
duction en français.
La destruction des réseaux signifiants sous-jacents. Toute œuvre possède un « texte
sous-jacent », ou « sous-texte » : il s’agit d’un ensemble de réseaux formé sous la
« surface » du texte par des « signifiants clefs », qui restent donc cachés. Berman
prend par exemple le roman de l’écrivain argentin Roberto Arlt Les Sept Fous : le
texte original présente des augmentatifs (ex : « portalón », « jaulón », « gigantón »),
qui sont employés pour créer une ambiance effrayante et cauchemaresque. Cependant,
ils ont étés traduits en français par leur forme primitive (« portail », « cage »,
« géant »), ce qui a fait perdre l’effet voulu par l’auteur.
La destruction des systématismes. Un systématisme est, à dans un texte, un groupe de
signifiants majeurs : l’emploi d’un certain temps verbal ou d’un certain type de su-
bordonnée est un exemple de systématisme. Un systématisme est détruit quand le tra-
ducteur y introduit des éléments qu’il excluait auparavant, par exemple avec l’allon-
gement. Par conséquent, le texte traduit paraitra incohérent par rapport à l’original.
La destruction ou l’exotisation des réseaux langagiers vernaculaires. La prose inclut
par nécessité des éléments vernaculaires à cause de sa visée polylingue et de concré-
tude, vu que la langue vernaculaire est considérée comme plus iconique que la langue
cultivée. En plus, la prose a pour objectif « la reprise de l’oralité vernaculaire » (ivi :
12
64) : pour ces raisons, effacer les éléments vernaculaires d’une œuvre en prose équi-
vaut à l’endommager. Cependant, il est possible de les conserver à travers la soi-disant
« exotisation » : cela se produit avec des procédés typographiques, comme par
exemple l’écriture en italique, ou la traduction de l’élément avec un équivalent local
(ex. : le mot « lunfardo », qui indique un jargon argentin, est traduit en français par
« argot »).
La destruction des locutions. Cette tendance consiste à traduire des locutions figées
ou des proverbes propres à une certaine langue littéralement ou avec des expressions
équivalentes, ce qui signale de l’ethnocentrisme.
L’effacement des superpositions de langues. Dans une œuvre en prose, il peut exister
deux types de superposition de langues : la coexistence des dialectes avec une langue
cultivée ou la présence de plusieurs langues cultivées. Celui qui traduit cette œuvre
doit faire en sorte que cette superposition soit préservée.
Toutes ces tendances représentent la dite « lettre », à savoir « les dimensions auxquelles
s’attaque le système de déformation » (ivi : 67). Ce système définit une « figure tradition-
nelle du traduire » (ibidem) critiquée par les théories de la traduction.
1.1.3. Analyse d’une grande traduction : l’Énéide de Pierre Klossowski
L’attention se porte maintenant sur l’analyse, faite par Berman, d’une « grande
traduction », c’est-à-dire une traduction qui a mis en question les théories de traduction
traditionnelles : il s’agit de la traduction de l’Énéide de Virgile effectuée par Pierre Klos-
sowski.
Publiée en 1964, cette traduction provoque des réactions contrastantes : si certains
philologues la jugent négativement, d’autres la voient comme quelque chose qui va mar-
quer l’histoire de la traduction française. Son auteur, Pierre Klossowski, était non seule-
ment traducteur, mais aussi écrivain et essayiste, ce qui a beaucoup influencé son travail.
Précédemment, il avait traduit, entre autres, Rilke, Nietzsche, Kafka, Heidegger et Höl-
derlin, dont il sera question dans la dernière section de ce chapitre. Sa décision de traduire
l’Énéide va de pair avec la tendance, très répandue au XXe siècle, de retraduire des œuvres
classiques, comme les Bucoliques ou les Géorgiques du même Virgile ou l’Odyssée
d’Homère. Ces retraductions était vues comme le moyen par lequel la littérature moderne
13
pouvait retourner à ses origines épiques et mythiques : il s’agit donc d’un mouvement
historique dans lequel le lecteur moderne pouvait accéder aux œuvres qui ont construit sa
façon de penser et d’exister.
Or, il est nécessaire de faire un pas en arrière pour expliquer l’origine de ce mou-
vement. Les retraductions constituent une « mémoire rapatriante » pour le fait qu’elles
ont toujours été effectuées librement, mais, au XIXe siècle, on a assisté à un double ef-
fondrement de la tradition imitative, provoqué par la rupture de la littérature avec une
tradition qui fournissait une origine et des modèles et, surtout, par une emprise philolo-
gique, c’est-à-dire le fait que la philologie a pris le contrôle de l’accès aux textes de la
tradition. La traduction des textes classiques est devenue, par conséquent, une tâche des
philologues parce qu’ils étaient les seuls qui pouvaient, grâce à leur formation, fournir
une version fiable de ces textes. Cependant, ces traductions étaient illisibles à cause de
leur caractère trop érudit : c’est ainsi qu’au XXe siècle, le mouvement de retraduction se
donne pour objectif de rendre ces œuvres accessibles à tous.
Pour ce qui concerne la traduction de P. Klossowski, il existe deux problèmes liés
aux caractéristiques structurelles de l’Énéide. Le premier concerne la langue latine, qui
s’oppose syntaxiquement à la langue française par le fait que les mots peuvent suivre un
ordre libre dans la phrase. Il est impossible de maintenir cet ordre en français, mais par
ailleurs il ne faut néanmoins pas l’exclure complètement. Le deuxième problème est celui
du « dire épique » : étant strictement lié à l’ordre libre des mots latins, il est en fait im-
possible à reproduire dans la langue française, où l’ordre des mots n’est pas libre parce
qu’il doit obéir à des règles syntaxiques précises. Klossowski explique lui-même, dans la
préface de son œuvre, comment résoudre ces problèmes :
C’est pourquoi nous avons voulu, avant toute autre chose, nous astreindre à la tex-
ture de l’original ; suggérer le jeu des mots virgilien.
Donc, les jeux de mots latins ne sont pas copiés, mais évoqués. Klossowski prend par
exemple la traduction des vers qui suivent :
Ibant obscuri sola sub nocte per umbram Ils allaient obscurs sous la désolée nuit à travers
l’ombre,
14
perque domos Ditis uacuas et inania regna. À travers les demeures de Dis vaines et les
royaumes d’inanité.
Il est évident qu’ils n’ont pas été traduits littéralement : « sola sub nocte » est devenu
« sous la désolée nuit » et le mot « sola », qui signifie « déserte, solitaire », a été traduit
par « désolée ». Le « que » qui relie les deux vers disparait, « uacuas » (« vides », en latin)
est traduit par « vaines » et l’adjectif « inania » est rendu par un substantif, « inanité ».
Un autre exemple est dans le début de l’Énéide :
Arma uirumque cano, Troiae
qui primus ab oris
Les armes je célèbre et
l’homme qui le premier des
Troyennes rives
Italiam fato profugus
Lauiniaque venit
en Italie, par la fatalité fugitif,
est venu au Lavinien
litora…
littoral…
Cette traduction donne l’impression d’être littérale. Il est évident que le traducteur a pro-
duit une latinisation du français, mais sans faire un calque. Le talent de Klossowski réside
exactement dans le fait qu’il sait reproduire la syntaxe latine dans la langue française sans
la copier telle quelle. Comme l’écrit Berman :
Ce qui est traduit, c’est le système global des inversions, rejets, déplacements, et
non leur distribution factuelle tout au long des vers.
Ce que la traduction fait, c’est d’aller chercher dans la langue française les points où la
langue latine peut s’insérer sans trop l’endommager.
15
Dans d’autres cas, le respect de la syntaxe latine permet de restituer des traits du
dire épique, comme par exemple l’apparition du divin :
Et uera incessus patuit dea. Et véritable, par sa démarche, se révèle la déesse.
L’inversion sujet/verbe renforce la dimension épique de l’événement, ce qui ne se passe
pas, par exemple, dans la traduction philologique de l’Énéide effectuée par J. Perret :
Vraie déesse, à sa démarche elle apparut.
La traduction de P. Klossowski n’a pas été exempte des critiques. Certains philo-
logues l’ont accusée d’être un « fatras de latinismes assaisonné d’imitations » (ivi : 139),
d’autres l’ont jugée illisible. En tout cas, elle a eu deux conséquences. La première, c’est
le fait que l’Énéide est redevenue accessible au grand public : comme la déesse du vers
cité, elle a fait sa réapparition. La deuxième, et plus importante, c’est le fait que, avec
cette traduction, la langue française a reparcouru, une à une, toutes les étapes de son his-
toire : en effet, la latinisation fait évoquer les textes des grands auteurs français, des poètes
du XVIe siècle aux tragédies de Corneille et Racine. C’est là, comme Berman l’écrit,
l’objectif de P. Klossowski : « redonner à la langue la mémoire de son histoire jusqu’à
son origine, l’ouvrir à un avenir de possibilités insoupçonnées » (ivi : 137).
1.2. L’épreuve de l’étranger
Publié en 1984, L’épreuve de l’étranger est un essai où Berman examine les théo-
ries de traductions des Romantiques allemands et les compare avec les contemporaines.
Dans l’introduction de l’essai, Berman explique que les Romantiques allemands
ont produit, au cours du XIXe siècle, de grandes traductions qui renvoient toutes à une
autre traduction : celle de la Bible, effectuée au XVIe siècle par Luther. À travers cette
traduction, l’acte de traduire est devenu une partie intégrante de la culture allemande,
qu’il a contribué à construire, et il a permis à la langue allemande de s’auto-affirmer. Les
traductions des Romantiques allemands répondent au besoin de l’époque d’enrichir son
16
répertoire poétique et théâtral : la traduction s’intègre donc à la littérature et lui fait assu-
mer un caractère universel.
Cependant, avant de concentrer l’attention sur les théories romantiques, il faut se
pencher sur la préface de l’œuvre, qui, comme son titre le suggère, est un véritable mani-
feste de la traduction.
1.2.1. La traduction au manifeste
Comme l’observe Berman, la traduction est une activité controverse : en effet, si,
d’un côté, cette pratique intuitive n’exige aucune théorie, de l’autre, il est vrai que beau-
coup d’écrits lui ont été consacrés. Pendant longtemps, les experts du secteur ont essayé
de définir les « problèmes » de la traduction et ils sont parvenus à trois conclusions. Pre-
mièrement, la traduction était considérée comme une activité « cachée », dans le sens
qu’elle ne s’énonçait pas par elle-même. La deuxième, c’est le fait qu’elle est restée « im-
pensée » parce que ceux qui en traitaient l’assimilaient souvent à autre chose, comme par
exemple à une sous-littérature. Enfin, les analyses sur la traduction comportaient néces-
sairement des « points aveugles » ou non-pertinents. La traduction a donc eu besoin de
s’affirmer comme une pratique autonome. De plus, elle s’est toujours trouvée dans une
condition « ancillaire », liée aux concepts de « fidélité » et « trahison ». Comme l’ex-
plique Berman, la condition ancillaire consiste dans le fait que la traduction doit servir
symboliquement et en même temps deux maitres : la langue étrangère et le lecteur. Si le
traducteur décide de servir seulement la langue étrangère, en l’imposant à son propre es-
pace culturel, il risque d’apparaitre comme un traitre aux yeux des siens ; si cette dernière
circonstance ne se produit pas, il est possible que l’autre culture se sente privée d’une
œuvre qu’elle sentait comme sienne. Au contraire, si le traducteur ne sert que le lecteur,
avec le soi-disant précepte d’« amener l’auteur au lecteur », « il aura (…) trahi l’œuvre
étrangère et (…) l’essence même du traduire » (Berman 1984 : 15). Enfin, il faut dire que
toute culture tend à résister à la traduction : d’une part, cette dernière se plie à cette in-
jonction et elle donne les traductions ethnocentriques, dont on a déjà parlé. De l’autre,
elle s’y oppose par nature à cause de sa « visée éthique » : en effet, l’essence de la tra-
duction réside dans le fait qu’elle s’ouvre et dialogue avec l’étranger.
Selon Berman, on peut réfléchir sur la traduction sur la base de trois axes. Le
premier est celui de son histoire : à tel propos, la traduction serait née vers la fin du Moyen
17
Âge et pendant la Renaissance. À ces deux époques, les poètes avaient l’habitude d’écrire
leurs vers en plusieurs langues et parfois, ils en arrivaient même à s’auto-traduire. Par
conséquent, leur écriture tendait à être multilingue et souvent certains genres poétiques
étaient associés à une langue en particulier : l’italien, par exemple, était considéré comme
la langue de l’amour par excellence.
Ensuite, le deuxième axe est celui de l’éthique de la traduction, qui consiste « à
dégager, à affirmer et à défendre la pure visée de la traduction en tant que telle » (ivi :
17) : en termes simples, elle définit le concept de « fidélité ». C’est elle qui donne un sens
à ce qu’on écrit et le transmet par la traduction. Cependant, cette éthique « positive »
suppose à son tour une éthique « négative », à savoir la théorie des valeurs idéologiques
et littéraires qui détournent la traduction de sa visée. De plus, elle suppose aussi les « mau-
vaises traductions », c’est-à-dire les traductions ethnocentriques, qui nient systématique-
ment l’étrangeté des œuvres étrangères.
Enfin, le troisième et dernier axe concerne l’analytique de la traduction, qui com-
plète son éthique négative. Comme l’observe Berman, elle produit, au niveau linguistique
et littéraire, une « systématique de la déformation » (ivi : 18), face à laquelle le traducteur
assume une position ambivalente : d’une part, il veut forcer sa langue à se remplir de mots
étrangers, de l’autre il veut forcer l’autre langue à s’insérer dans sa langue maternelle. Il
doit se consacrer à la soi-disant « psychanalyse de la traduction », dans le sens qu’il doit
repérer les systèmes de déformation qui peuvent affecter son activité et opèrent incons-
ciemment au moment de faire des choix linguistiques ou littéraires. Ces systèmes relè-
vent, en même temps, des registres linguistiques, de l’idéologie, de la littérature et du
psychisme du traducteur.
En tout cas, la traduction a un caractère « approximatif » parce que chaque traduc-
tion gagne et perd toujours quelque chose. De plus, elle montre un côté original du texte,
qui était caché dans la langue de départ : de cette manière, l’œuvre se voit comme « ré-
générée » sur le plan culturel et social, mais aussi dans sa « parlance » propre. Berman
explique pourquoi :
En re-produisant le système-de-l’œuvre dans sa langue, la traduction fait basculer
celle-ci, et c’est là (…) un gain, une « potentialisation ». (…) Dans la langue d’arri-
vée, la traduction éveille des possibilités encore latentes et qu’elle seule (…) a le
pouvoir d’éveiller.
18
Outre la visée éthique, il en existe une autre de type métaphysique, liée à la pulsion
et au désir de traduire. Cette visée consiste dans le fait d’aller chercher le « “ pur langage ”
que toute langue porte en elle » (ivi : 21), celui qui se trouve au-delà des langues mater-
nelles, et pousse les traducteurs à vouloir tout traduire et devenir donc des polytraduc-
teurs. Les Romantiques allemands sont les traducteurs qui ont le plus purement incarné
cette visée : pour eux, c’est une occasion pour faire des expériences linguistiques et jouer
avec la langue allemande, généralement jugée comme raide. La polytraduction comporte
des conséquences : en effet, elle finit par dénaturer la langue maternelle et produit des
hiérarchies entre les langues, parce que les langues étrangères sont vues comme supé-
rieures à la langue maternelle. C’est pour cette raison qu’il faut établir un rapport dialo-
gique entre langue étrangère et langue maternelle.
En résumé, histoire, éthique et analytique sont les trois axes qui peuvent définir la
réflexion moderne sur la traduction. Cependant, il est possible d’ajouter un quatrième axe,
celui de la transtextualité. Pour l’expliquer, Berman prend par exemple le Don Quichotte :
bien qu’il soit considéré comme le plus grand roman espagnol, il s’agit en réalité de la
traduction d’un manuscrit en arabe. C’est une démonstration du fait que le lien entre lit-
térature et traduction est très fort.
1.2.2. Les théories sur la traduction des Romantiques allemands
Avant d’analyser les théories romantiques, Berman se penche sur la traduction de
la Bible effectuée par Martin Luther de 1521 à 1534 afin de rendre l’œuvre accessible au
peuple allemand. Pour ce faire, Luther choisit de traduire en employant une variante lo-
cale de l’allemand, qui est donc transformée en variante « standard », mais en conservant
les modes d’expression des parlers populaires. De cette manière, ce qui était au départ
une langue orale devient la forme de base de l’allemand écrit. Le latin, en tant que langue
écrite par excellence, est écarté, même si Luther travaille à partir de la Vulgata. Le texte
sacré par excellence est donc germanisé : historiquement, cette germanisation se produit
à une époque où l’Allemagne veut changer le rapport avec les textes sacrés et affirmer sa
propre religion nationale, en contraste avec le Catholicisme. Il nait ainsi un mouvement
qui trouve sa force exactement dans la Bible de Luther et provoque une césure religieuse,
mais aussi littéraire, parce que l’Allemagne voit la naissance et la formation de l’allemand
19
littéraire. De plus, en Allemagne, l’idée que la traduction est « création, transmission et
élargissement de la langue, fondation (…) d’un espace linguistique propre » (ivi : 49)
commence à se répandre. La traduction de Luther peut donc se considérer comme « his-
torique » parce qu’elle a marqué une époque en tant que traduction : toutes les traductions
effectuées ensuite la prendront comme référence et elle répandra l’idée que la traduction
peut contribuer à former et à développer sa propre culture nationale.
L’introduction concernant Luther terminée, il faut passer aux Romantiques alle-
mands. À cette occasion, on s’attardera sur trois des auteurs examinés par Berman :
Goethe, Schlegel et Schleiermacher.
1.2.2.1. Goethe : traduction et littérature mondiale
Goethe a traduit Diderot, Voltaire, Racine et Corneille et a inséré des fragments
de traductions dans deux de ses œuvres les plus célèbres, Les Souffrances du jeune Wer-
ther et Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister.
La réflexion de Goethe se penche sur le concept de « littérature mondiale », selon
lequel la traduction est vue comme un biais par lequel elle illustre et produit des échanges
interculturels et internationaux grâce auxquels les individus, les peuples et les nations
construisent leur propre identité et leurs rapports avec l’étranger. La littérature mondiale
est donc l’ensemble des œuvres qui ont atteint un statut universel et sont devenues le
patrimoine de l’humanité « cultivée » : elle comprend toutes les littératures nationales,
qui agissent les unes sur les autres, et les contemporaines, qui coexistent et se rencontrent
dans un seul espace. La traduction est importante parce qu’elle permet l’accès à cet es-
pace : par conséquent, toutes les langues doivent apprendre à en faire l’expérience et à
être à leur tour des langues-de-traduction. La traduction fait donc partie de la littérature
d’une nation.
Selon Goethe, la traduction est marquée par trois étapes, chacune associée à un
mode de traduction précis. La première est celle de la traduction en prose, qui sert à faire
connaitre l’étranger. La deuxième, c’est la traduction « parodistique », qui s’approprie de
l’étranger et elle l’adapte à notre façon de parler et penser. Enfin, la troisième, la dernière
et la plus importante, est celle de la traduction « superbe », qui veut rendre la traduction
20
identique au texte original. Elle est ainsi appelée parce qu’elle constitue une « ultime pos-
sibilité du traduire » (ivi : 97) et la transmission de l’étranger au familier s’achève avec
elle. C’est le mode qui, selon Goethe, rencontre le plus de résistances parce qu’il pousse
le traducteur à renoncer à l’originalité de sa propre langue : cependant, la traduction étant
identique à l’original, il en facilite la compréhension. En tout cas, ces trois modes peuvent
coexister et être employés en même temps.
Enfin, pour expliquer le rapport avec l’étranger, Goethe repère quatre époques de
la formation sociale :
Époque idyllique. Cette première époque voit la formation, dans une masse
d’individus, de certains cercles d’hommes cultivés, qui entretiennent des
rapports intimes et sont liés à leur propre langue maternelle.
Époque sociale ou civique. À un certain point, les cercles commencent à
s’accroitre et à se rapprocher, même s’ils restent encore séparés.
Époque la plus générale. Les cercles continuent à s’agrandir et finissent
par entrer en contact.
Époque universelle. Tous les cercles fusionnent en un seul grand cercle et
sont mis à l’égalité.
Ce qu’on vient de décrire, c’est le processus qui a amené à la création de la littérature
mondiale : il est suffisant de remplacer les cercles par les nations. Enfin, pour expliquer
le rapport avec l’étranger, Goethe utilise la soi-disant « loi de l’opposition », selon la-
quelle l’homme doit rencontrer et accueillir en lui ce qui s’oppose à sa nature : c’est le
cas, par exemple, du rencontre entre culture française et culture allemande du XIXe siècle,
qui a profité à toutes les deux. Le rapport avec l’étranger est contemporain et il se fonde
sur la culture grecque, qui est considérée comme « l’expression immédiate de la Nature »
(ivi : 102) pour le fait qu’elle représentait l’homme dans son harmonie : pour cette raison,
toutes les autres cultures y font référence.
1.2.2.2. A. W. Schlegel : la volonté de tout traduire
A. W. Schlegel a été non seulement traducteur, mais aussi philologue et critique :
on dit qu’il représente « l’unité des trois figures » (ivi : 208), vu que, quand il traduit, il
21
se laisse guider dans ses choix par la philologie et la critique. La théorie de la traduction
proposée par lui est surtout une théorie du langage poétique.
L’histoire de cette théorie commence en 1796, quand le maître de Schlegel,
Bürger, lui suggère de faire une traduction « poétique » de William Shakespeare. Schlegel
accepte, mais la traduction devra être non seulement poétique, mais aussi fidèle : cela
signifie qu’il traduira en respectant le texte anglais, sans le modifier, mais en même temps,
il en devra restituer sa métrique. C’est ainsi qu’il élabore la théorie selon laquelle toute
langue est « transformable sans mesure » (ivi : 212) et toutes les « formes » produites par
le travail poétique peuvent se transférer d’une langue à l’autre : donc, si la poésie produit
des formes, la traduction s’occupe de les reproduire et contribue à faire devenir le langage
« œuvre et forme ». C’est une théorie en contraste avec la traditionnelle de l’intraduisibi-
lité de la poésie, dont il a été question plus haut : en effet, même si la traduction a des
limites, il n’existe rien qu’il soit complètement intraduisible. Au contraire, comme dit-
Berman, « plus le texte à traduire est poétique, plus il est théoriquement traduisible et
digne d’être traduit » (ivi : 213). Quand il travaille sur un texte poétique, le traducteur fait
recours à des formes métriques étrangères, considérées comme « universels poétiques »,
qu’il introduit dans sa langue maternelle pour l’élargir poétiquement : l’allemand, par
exemple, étant une langue raide, doit faire recours au système métrique de l’italien. Toute
traduction est donc une « polytraduction ».
La conséquence de cette théorie, c’est le fait que si toute poésie est traduisible,
alors on peut tout traduire. Le traducteur romantique allemand ne connait aucune limite à
son désir de vouloir tout traduire, qui est aussi la tâche essentielle de tout traducteur. Par
conséquent, il est possible de parler d’ « omnitraduction » : tout traduire signifie traduire
des œuvres, passées ou étrangères, qui produiront la littérature à venir.
Pour terminer, il est possible de comparer le désir romantique de tout traduire avec
la passion pour la polytraduction de certains traducteurs modernes : Berman cite
l’exemple du traducteur Armand Robin, qui traduit non seulement en français, mais aussi
dans sa langue maternelle, à savoir le fissel, un dialecte breton.
22
1.2.2.3. F. Schleiermacher : la traduction dans l’espace herméneutico-linguistique
Pour aborder le domaine de la traduction dans l’espace herméneutico-linguistique,
Berman analyse les théories de deux Romantiques allemands : Schleiermacher et Hum-
boldt. À cette occasion, l’accent sera mis sur le premier.
Schleiermacher est considéré comme le fondateur de l’herméneutique moderne,
également connue sous le nom d’« herméneutique de la compréhension » : celle-ci rompt
avec l’herméneutique traditionnelle, qui visait à établir des règles pour interpréter les
textes sacrés, et se constitue comme une théorie de la dite « compréhension intersubjec-
tive », c’est-à-dire « des processus de “lecture” qui se donnent au niveau de la communi-
cation de sujets-consciences » (ivi : 227). La compréhension d’un texte se voit donc
comme produit expressif d’un sujet et phénomène de langage objectif. En effet, le langage
est son espace principal d’opération et aussi la dimension dans laquelle l’homme est à la
fois libre et assujetti : si, d’une part, il est soumis à la langue qu’il parle, de l’autre, il
forme de son côté la langue. Le langage n’est plus vu comme un instrument, mais comme
un milieu où l’homme se construit, prend conscience de soi-même et entre en relation
avec les autres.
Par conséquent, la traduction est intégrée dans un nouvel espace de jeu : celui du
langage naturel, où l’homme peut entretenir tout rapport entre sa langue maternelle et les
autres langues. Ainsi, en 1823, Schleiermacher tient une conférence « sur les différentes
méthodes de traduction ». Il explique que, lors de la traduction, il faut adopter une ap-
proche méthodique parce qu’on doit déduire les possibles méthodes de traduction, mais
aussi systématique parce qu’il faut exclure progressivement ce qui n’est pas acte de tra-
duire. Une fois l’exclusion terminée, il faut examiner les traductions existantes et élaborer
une méthodologie de traduction.
Enfin, en parlant de traduction, Schleiermacher établie trois distinctions. La pre-
mière est celle entre traduction généralisée et traduction restreinte : la traduction généra-
lisée consiste dans le fait que toute communication est un acte de traduction et de com-
préhension, tandis que la traduction restreinte est inter-langues et ne concerne pas tous
les actes de communication. La deuxième distinction oppose interprétation et traduction.
L’interprétation concerne la « vie des affaires », elle est orale et son contenu est objectif :
son langage est très simple parce qu’elle sert uniquement à désigner. La traduction, au
23
contraire, est liée à la « science » et à l’« art », c’est-à-dire à la philosophie et à la littéra-
ture. Elle est écrite et subjective parce que, grâce à elle, le traducteur s’exprime lui-même
et entretient une relation d’intimité avec sa langue maternelle.
Enfin, la troisième distinction concerne deux pratiques ayant le but de résoudre
les problèmes et les difficultés liés à la traduction : il s’agit de la paraphrase, qui fait
percevoir au lecteur l’étrangeté de l’auteur du texte original, et de la recréation, où l’au-
teur met de côté son étrangeté et se rend familier au lecteur. Ces deux méthodes concer-
nent, respectivement, la traduction non-ethnocentrique et la traduction ethnocentrique,
que Schleiermacher appelle « inauthentique » parce que, devant adapter le texte au lec-
teur, elle nie le rapport qui lie l’auteur à sa langue maternelle et l’idée même de langue
maternelle. Une langue où l’on fait recours à la tradition ethnocentrique ne s’est pas en-
core auto-affirmée : de plus, elle ne peut ni accueillir les autres langues, dans leur diffé-
rence, en son sein, ni se poser comme une langue cultivée. À tel propos, Schleiermacher
analyse les rapports que les cultures entretiennent avec la langue maternelle : la langue
française classique, par exemple, se voit comme prisonnière des canons et privilégie des
traductions ethnocentriques qui sont tout à fait des adaptations. Au contraire, l’allemand
classique et romantique est une langue vue comme « ouverte », « libre » et auto-affirmée,
qui produit des œuvres propres et privilégie les traductions non-ethnocentriques. Pour
terminer, Schleiermacher affirme que la traduction non-ethnocentrique, et donc authen-
tique, doit être un processus massif, systématique et, surtout, pluriel parce qu’elle con-
cerne plusieurs langues et littératures et parce qu’il est possible d’effectuer plusieurs tra-
ductions d’une même œuvre. La traduction massive contribue à construire un champ de
la traduction dans l’espace linguistique et littéraire.
Les trois auteurs romantiques ont été tous examinés : cependant, il faut en ajouter
un quatrième, Friedrich Hölderlin. Vu que Berman en parle dans les deux textes analysés,
il a été convenu de lui consacrer un sous-chapitre à part.
1.3. Hölderlin et le rapport avec l’Étranger
Au cours de sa vie, Hölderlin a été atteint de schizophrénie : pour cette raison, ses
traductions, qui ont été sa dernière production avant de la maladie, ont été longtemps
24
considérées comme « l’œuvre d’un fou » et seulement au XXe siècle, leur importance
dans l’histoire de la traduction a été reconnue.
Les traductions de Hölderlin sont liées au rapport avec l’étranger : c’est lui-même
qui les appelle « l’épreuve de l’étranger ». Même si elles ont été écrites en allemand, elles
présentent aussi des éléments linguistiques propres aux langues des textes originaux (et
en particulier le grec), au souabe (son dialecte maternel) et à l’allemand ancien, comme
par exemple les mots empruntés de la bible de Luther : en effet, son but est de renouveler
la langue allemande en redonnant aux mots présents dans le poème leur sens ancien à
travers la traduction.
L’attention de Hölderlin à l’égard de l’étranger se voit tout d’abord dans certains
poèmes écrits par lui-même. L’un des plus célèbres, « Migration », montre que, même si
un individuel est très attaché au propre, il est quand même attiré par l’épreuve de l’étran-
ger : en effet, après un long éloge au propre, le poète intègre le vers suivant :
Mais moi, c’est le Caucase où je prétends !
Cependant, un autre poème, « L’Unique », montre la double face de l’étranger : quand
quelqu’un l’aime trop, il finit par supplanter l’amour pour le propre :
Qu’est-ce donc, aux
Antiques rives heureuses
Qui m’enchaine ainsi, pour que je leur porte
Plus grand amour encore qu’à ma patrie ?
Cette double face est encore plus évidente dans un autre poème, « Mnémosyne » :
Un signe, tel nous sommes, et de sens nul,
Morts à toute souffrance, et nous avons presque
Perdu notre langage en pays étranger
Donc l’étranger est vu comme un péril qui seul l’amour pour la patrie peut conjurer :
Mais ce qu’on aime ? Un éclat de soleil
Au sol, c’est ce que voient nos yeux, et la poussière desséchée,
Et les ombreuses forêts de la patrie…
Ainsi, quand à la fin du poème, le poète retourne à l’étranger, ce dernier est présenté
comme un paysage de mort :
Achille sous le figuier, mon Achille
Est mort,
Et près des grottes marines, des ruisseaux
25
Voisins du Scamandre,
Le corps d’Ajax est étendu…
Donc le propre et l’étranger sont vus comme également dangereux : l’étranger peut anéan-
tir celui qui s’en approche trop, mais la patrie, et donc le propre, à long terme finit pour
dévorer celui qui s’y attache. Il est nécessaire de trouver un équilibre : un individu doit,
tôt ou tard, faire l’épreuve de l’étranger, mais en même temps, il ne devra jamais renier
sa propre patrie. La poésie est exactement la dimension où l’expérience du propre et celle
de l’étranger sont dominées et différenciées : c’est pour cette raison que Hölderlin fait
recours à l’allemand, y compris aux dialectes, et au grec simultanément.
La conséquence de tout cela, c’est le fait que quand Hölderlin traduit les poètes
grecs, il cherche à rendre en allemand ce qui était le sens premier des mots grecs : ce
faisant, ses traductions, quoiqu’écrites en allemand, présentent une touche exotique ap-
portée par la « grécisation ». Cette dernière est évidente dans la traduction de l’Anti-
gone de Sophocle, que Berman analyse de façon détaillée dans La traduction et la lettre
ou l’auberge du lointain. Ici, Hölderlin oppose deux mouvements simultanés : l’épreuve
de l’étranger et l’apprentissage du propre. Chacun des deux corrige ce qu’il y a d’excessif
dans l’autre : c’est un combat où la traduction intervient pour accentuer ce que l’original
a occulté, le soi-disant « feu du ciel ». Donc, cette accentuation est une manifestation,
mais aussi une violence parce qu’elle transforme certains traits de l’œuvre.
Pour son analyse, Berman s’arrête sur quatre opérations accomplies par Hölderlin.
La première est celle de la traduction littérale : Berman prend par exemple le début de la
pièce, où Ismène interpelle Antigone. On observe la traduction effectuée par J. Grosjean :
Qu’y a-t-il ? Quelque histoire t’assombrit, je le vois.
Le verbe grec traduit par « assombrit » a deux sens : le sens original, à savoir « avoir la
couleur de la pourpre », et un sens dérivé, c’est-à-dire « être sombre, tourmenté ». Cepen-
dant, Hölderlin choisit de le traduire par le sens original :
Qu’y a-t-il ? Tu sembles teindre une rouge parole.
En faisant ce choix, il dévoile un élément caché de la pièce. L’exemple suivant est tiré de
la traduction de Jean Grosjean :
Assis sur mon antique siège augural
26
Le mot grec traduit par « augural » signifiait d’abord « qui observe le vol des oiseaux ».
C’est exactement ce sens qu’Hölderlin choisit :
Sur l’antique siège, j’étais assis, regardant les oiseaux
La deuxième opération, c’est l’« intensification », qui se produit quand Hölderlin intro-
duit, dans le texte de Sophocle, des accentuations qui s’étendent parfois à des passages
entiers et en particulier aux débuts de scène. On observe le vers suivant, traduit à gauche
par Grosjean et à droite par Hölderlin :
Voilà celle qui a commis le délit. C’est elle. C’est elle qui l’a fait.
Dans l’exemple suivant, Hölderlin accentue la description statique de Grosjean :
Ainsi, en fut-il jusqu’à
l’heure ou le disque solaire
Et cela dura longtemps,
jusqu’à ce que, se dislo-
quant,
parvint resplendissant au zé-
nith
l’orbe du soleil vint s’incli-
ner à l’aplomb
et l’embrasa de son feu… de l’Ether et que s’embrasât
l’incendie…
La troisième opération à laquelle Hölderlin fait recours consiste dans l’emploi du souabe
et de l’allemand ancien : la justification peut se trouver dans le fait que, pour traduire le
grec originaire, il faut l’allemand originaire. Pour ne donner que quelques exemples, le
mot grec πονος, qui signifie « peine », est traduit par le mot allemand « arbeit » : au-
jourd’hui, ce dernier indique le travail, mais en souabe et en vieil allemand il indique
exactement la peine. Un autre exemple repose dans l’emploi des formes anciennes de
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l’allemand plutôt que des modernes : ainsi, le traducteur, pour le mot qui signifie
« sensé », préfère le mot ancien « gescheuet » au moderne « gescheit ». Enfin, la qua-
trième et dernière opération, à savoir les modifications apportées à l’original, est celle qui
montre le plus la volonté de Hölderlin de détruire la vision classique de l’art grec. La
modification la plus évidente consiste dans le remplacement des noms des dieux par
d’autres nominations. Ainsi, par exemple, Zeus devient « Père de la Terre » ou « Maitre
de la Terre », Arès, « Esprit de la Guerre », Aphrodite, « Divine Beauté » et Bacchus,
« Dieu du Plaisir ». D’une part, ces modifications servent au poète à effacer « l’imagerie
humanistico-baroque de l’Antiquité » (Berman 1999 : 95) et montrer l’essence des dieux
dans leur originalité orientale. De l’autre, en appelant les dieux « Père », « Esprit » etc.,
il les rapproche de la façon occidentale de représenter les divinités, c’est-à-dire comme
des esprits. L’Antigone est donc orientalisée et occidentalisée au même temps : il apparait
le « principe de limitation ou de sobriété », qui équilibre l’accentuation.
En conclusion, les analyses de Berman ont permis de montrer les changements
que la traduction a apporté non seulement à la littérature, mais aussi à l’histoire et à la
culture. L’acte de traduire a certainement rendu les livres écrits dans des langues étran-
gères accessibles à tous, mais en même temps il doit se conformer à des règles précises
pour respecter le texte original. Avec les théories d’Hölderlin, le travail sur les études
d’Berman s’achève. Le prochain chapitre s’approchera à la proposition de traduction en
présentant le roman qui en fera l’objet, Toutes les histoires d’amour du monde, et son
auteur, Baptiste Beaulieu.
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CHAPITRE 2
Baptiste Beaulieu : le médecin devenu romancier
2.1. Biographie
Né le 2 août 1985 à Toulouse, où il vit actuellement, Baptiste Beaulieu est le der-
nier de trois enfants, ayant deux grandes sœurs. Son père est conseiller financier dans une
banque, tandis que sa mère est cadre dans le siège de Toulouse de la Sécurité sociale.
En 1991, à l’âge de 6 ans, il part pour un voyage en Inde avec sa famille, qui se
révèlera être important pour son avenir : en voyant les conditions précaires dans lesquelles
beaucoup de personnes vivent dans ce pays, il comprend que sa vocation dans la vie est
de devenir médecin. Ainsi, en 2004, après avoir terminé ses études auprès des écoles
Michelet et Saint-Sernin de Toulouse, il entre à la faculté de Médecine de l’Université de
Toulouse. Au cours de sa carrière universitaire, il effectue des stages à Bombay et Hanoï
et un internat auprès de l’hôpital d’Auch, une ville près de Toulouse.
En 2012, Beaulieu fonde le blog Alors voilà, dans lequel il illustre des épisodes
qui se sont produits à l’hôpital où il est interne et qu’il se fait narrer par ses collègues et
ses patients. Le blog nait de la volonté de Beaulieu de présenter l’hôpital comme un lieu
moins dramatique que ce qu’on pense et de se réconcilier, en tant que patient, avec la
figure du médecin. Le succès est tel que l’année suivante, en 2013, Alors voilà reçoit le
premier prix « Alexandre Varney » au Congrès national des internes de médecine géné-
rale. La même année, Beaulieu obtient sa licence avec une thèse sur la réconciliation entre
les soignants et les souffrants et il fait publier son premier livre, Alors voilà : les 1001
vies des Urgences, inspiré exactement à son blog, par la maison d’édition Maza-
rine/Fayard, ainsi que les œuvres qui suivront. La déclaration que Beaulieu a faite à l’oc-
casion de la sortie en librairie de ce livre résume la philosophie sur laquelle se fonde Alors
voilà :
Je crois que si les gens ont peur du milieu hospitalier, c'est parce que ce qui se passe
à l'hôpital reste à l'hôpital. On imagine seulement la maladie, la mort, les odeurs cor-porelles et la douleur. On ne sait JAMAIS qu'il y a aussi de la poésie et de la grâce
dans certaines rencontres... Sans trash et sans mélo, je veux dire aux gens qu'il y a de
belles choses qui s'y passent.
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Aujourd’hui, Beaulieu travaille comme médecin généraliste dans son cabinet de
Toulouse trois jours par semaine. Il est aussi l’animateur de Grand bien vous fasse, une
émission de la radio française France Inter. Parmi ses passions, il y a la photographie : il
est possible d’admirer ses créations dans son compte Instagram.
2.2. Œuvres
Au total, Beaulieu a publié, jusqu’à présent, quatre œuvres, qui seront présentées
en ordre chronologique de publication. L’analyse commencera par son tout premier livre,
Alors voilà : les 1001 vies des Urgences, et terminera par l’avant dernier, La ballade de
l’enfant gris. Vu que son dernier roman, Toutes les histoires d’amour du monde, fera
l’objet de la proposition de la traduction, il retiendra toute notre attention dans une section
dédiée.
2.2.1. Alors voilà : les 1001 vies des Urgences
Alors voilà : les 1001 vies des Urgences est le premier livre de Beaulieu et il est
né de l’expérience personnelle de Beaulieu, en tant que médecin interne, et de son blog
Alors voilà. Publié en 2013, ce livre a été traduit en douze langues et il a reçu le prix
« France Culture/ Lire dans le noir », destiné aux livres audio. De plus, deux adaptations
ont été tirées : une en bandes dessinées, publiée en 2017 par la maison d’édition Rue de
Sèvres, et une théâtrale, qui a été mise en scène à partir de mars 2019.
Le récit du livre se déroule en une semaine à travers le point de vue du protago-
niste, un médecin interne qui travaille aux Urgences d’un hôpital. L’homme connait une
patiente, une femme malade terminale à laquelle il donne le surnom de « femme-oiseau-
de-feu » à cause de sa perruque rouge. La femme attend le retour de son fils Thomas, un
étudiant de Médecine bloqué en Islande à cause de l’éruption d’un volcan. Pour l’aider à
faire passer le temps, le médecin commence à lui décrire tout ce qui se passe aux Ur-
gences : on assiste donc à la narration de différentes situations qui concernent des diffé-
rents personnages, tels que les patients, les infirmiers ou les médecins-chefs.
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Étant inspiré du blog Alors voilà, le livre repose sur ses deux objectifs principaux,
déjà cités dans la biographie de l’auteur. Le premier, à savoir la réconciliation entre mé-
decin et patient, s’accomplit à travers le dialogue entre le protagoniste et la femme-oiseau-
de-feu. Même si elle ne suffira pas à sauver sa vie, la narration des histoires sert à la
femme pour retrouver les moments de sérénité que la maladie, les thérapies et l’absence
de son fils lui ont refusées. Quant à la dédramatisation de l’hôpital, elle se produit à travers
les histoires elles-mêmes, qui sont parfois bizarres. En effet, parmi les protagonistes des
épisodes narrés figurent un homme qui prend la pilule à la place de sa femme quand elle
l’oublie, un vieil homme qui vient de perdre sa femme et pense qu’il va mourir lui aussi
ou encore une mère qui fait boire du Coca à son bébé à la place de la camomille, ce qui
l’a fait devenir obèse.
La dédramatisation se voit aussi dans le langage employé, très informel et conver-
sationnel : onomatopées, mots écrits en lettres capitales, gros mots et listes, combinés à
l’absurdité de certaines situations, rendent l’hôpital un lieu sur lequel il est même possible
de plaisanter. Un exemple est dans ce passage, où le protagoniste et une de ses collègues
doivent soigner un adolescent en état d’ivresse :
Croyez-moi, il n’y a rien de plus pathétiquement ridicule qu’un(e) adolescent(e) com-
plètement rond :
– Parce que TOI, je t’aime bien, TOI ! Tu es gentil, TOI ! Pas comme Kévin et Mme
Pi, la prof de maths... Je t’aime BIEN... (…)
C’est alors que Chef Pocahontas intervient. (…) Chef Pocahontas est un petit bout de
femme qui regarde la Mort droit dans les yeux, l’air de dire : « J’ai fait douze ans
d’études, pétasse. » (…)
– Dis-moi, fiston, où est ton téléphone portable ?
– Ben... Dans... ma... poche... Burp !... Je t’aime bien, TOI !
Chef Pocahontas attrape l’appareil et filme chaque petit détail. (…) Puis elle remet le
mobile dans la poche de fiston. Quand il (elle) sera dégrisé(e), son téléphone lui dis-
pensera une belle leçon, plus percutante que n’importe quel discours moralisateur.
Enfin, le livre présente des analogies avec les Milles-et-une Nuits, le célèbre re-
cueil de contes orientaux. En effet, le protagoniste d’Alors voilà s’identifie avec la prota-
goniste du recueil, Shéhérazade. Dans les Milles-et-une Nuits, un sultan, trahi par sa pre-
mière femme, fait tuer toutes les jeunes filles qu’il épousera ensuite, craignant d’être
trompé à nouveau. Pour arrêter son plan diabolique, Shéhérazade, fille du grand vizir,
persuade le sultan de l’épouser : chaque nuit, pour éviter qu’il la tue, elle lui narre une
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histoire dont elle révélera le final le jour suivant. Le sultan est donc forcé de reporter
l’assassinat sans cesse et, à la fin de la mille-et-unième nuit, il renonce définitivement à
son plan. Comme Shéhérazade guérit le sultan de la folie à travers les histoires, ainsi le
médecin soigne sa patiente de la solitude et de la mélancolie.
2.2.2. Alors vous ne serez plus jamais triste
Alors vous ne serez jamais plus triste est le deuxième livre écrit par Baptiste Beau-
lieu. Publié en 2015, ce roman a gagné le Prix Méditerranéen des Lycéens en 2016. Sa
sortie en librairie a été anticipée par la publication, exclusivement sous forme numérique,
de l’histoire courte La mort est une garce. Dans ce conte, un médecin qui vient de mourir
et dont le corps se trouve à la morgue fait un bilan de sa vie avant que les médecins
légistes lui fassent l’autopsie.
Pour revenir à Alors vous ne serez jamais plus triste, l’œuvre a comme protago-
niste Mark, un chirurgien qui est en crise depuis qu’il est resté veuf. En effet, il a perdu
non seulement sa femme, mais aussi son envie de vivre : Mark ne sait plus comment
soigner ses patients, il est tombé en dépression et il a l’intention de se suicider. Un jour,
l’homme monte dans un taxi et il se rend compte que la conductrice, c’est une vieille
femme un peu excentrique, qui dit s’appeler Sarah Van Kokeliköte. La femme prétend
réussir à deviner quand les personnes vont mourir simplement en les regardant dans les
yeux : ainsi, pour convaincre le docteur à revenir sur sa décision, elle l’oblige à passer
avec elle les sept derniers jours de sa vie. Dès lors, Mark se retrouve propulsé dans un
monde féerique, où il incarne le personnage idéal du chevalier qui s’est perdu au cours de
son chemin. Sarah, au contraire, représente le personnage de la sorcière ou de la magi-
cienne qui l’aide à retrouver le droit chemin.
Ainsi, l’ambiance d’Alors vous ne serez jamais plus triste est celle d’un univers
fantastique en net contraste avec le premier livre de Beaulieu, qui se fondait sur la repré-
sentation de la réalité toute crue. Cependant, le roman partage avec le précédent l’idée,
d’ailleurs commune à toutes les œuvres de Beaulieu, que la littérature peut soigner l’âme
des lecteurs. En particulier, Alors vous ne serez jamais plus triste est une invitation aux
lecteurs à ne jamais perdre espoir quand ils doivent faire face à un moment difficile dans
leur vie.
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La singulière structure du roman est le dernier aspect à prendre en considération.
Comme l’auteur l’explique dans un avertissement au début du roman, ce livre est un
« conte à rebours » : en effet, la narration consiste en un véritable compte à rebours vers
ce qui pourrait être le dernier jour de la vie du protagoniste. Pour accentuer cet effet,
Beaulieu a choisi de numéroter les pages du livre en ordre décroissant.
2.2.3. La ballade de l’enfant gris
La ballade de l’enfant gris est le troisième livre de Baptiste Beaulieu. Paru en
2016, il a reçu le « Grand Prix de l’Académie française de pharmacie » et il est inspiré
d’une histoire vraie, à savoir la mort d’un enfant qui avait été un patient de Beaulieu.
Le roman raconte l’histoire de trois personnages dont les destins se croisent lors
de la narration. Le premier, c’est Jonas, dit Jo’, un médecin interne qui travaille au service
de Pédiatrie d’un hôpital et constitue l’alter ego de l’auteur. Le deuxième personnage,
c’est Noah, dit No’, un enfant de sept ans atteint d’une leucémie incurable : Beaulieu fait
entendre dès le début du livre quel sera son destin. No’ se demande toujours pourquoi sa
mère ne va pas le voir souvent à l’hôpital : par conséquent, Jo’, ému de compassion, finit
par s’attacher à lui. Enfin, le troisième personnage, c’est Maria, la mère de No’, qui a
disparu mystérieusement et se trouverait à l’étranger.
Pour ce qui concerne la structure du roman, l’œuvre est divisée en trois parties où
Beaulieu alterne la narration de ce qui se produit avant et après la mort de No’, un évène-
ment que l’auteur appelle simplement « la Déchirure ». Les vicissitudes qui ont lieu avant
la Déchirure sont narrées à la troisième personne, tandis que celles qui se produisent après
la Déchirure sont narrées à la première personne du point de vue de Jo’. C’est exactement
après la Déchirure que Jo’ décide de partir chercher Maria. Ses recherches l’amènent
d’abord à Rome et ensuite à Jérusalem : il espère que le voyage lui sert à se débarrasser
de la présence encombrante du fantôme de No’, qui le persécute et ne sera libre que quand
il aura connu toute la vérité sur sa mère.
En tout cas, La ballade de l’enfant gris invite le lecteur à réfléchir sur trois thé-
matiques. D’abord, ce roman reprend la question, déjà traitée dans les œuvres précé-
dentes, de la relation entre médecin et patient. En particulier, la distance émotive qu’il
doit y avoir entre ces deux figures est remise en cause, surtout quand le patient est un
enfant. Ensuite, le livre ouvre un débat sur l’amour. Quand Jo’ finalement retrouve Maria
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et qu’elle lui raconte son histoire, le lecteur est poussé à s’interroger sur deux questions :
en effet, il est invité à se demander si une mère doit forcément aimer son propre fils et si,
quand une personne en aime une autre, elle doit tout accepter de l’autre et tout partager
avec lui. Enfin, le roman est une critique implicite des préjugés et des rôles imposés par
la société : en particulier, l’auteur dénonce le fait que le destin des femmes est de devenir
des mères et, pour cette raison, la société leur met de la pression afin que la maternité
arrive dès que possible.
En résumé, les trois premières œuvres de Baptiste Beaulieu ont été analysées dans
les grandes lignes, avec une attention prêtée aux aspects les plus importants. Au contraire,
l’analyse de Toutes les histoires d’amour du monde, dont il sera question dans les sections
qui suivent, sera plus détaillée et approfondira non seulement l’intrigue et les thématiques
traitées, mais aussi le genre dont il fait partie, c’est-à-dire celui de l’autofiction.
2.3. Toutes les histoires d’amour du monde
Paru en 2018, Toutes les histoires d’amour du monde est le quatrième livre de
Baptiste Beaulieu et le dernier à être publié jusqu’à présent. Ce roman demi-épistolaire a
pour protagoniste, encore une fois, un médecin qui constitue l’alter ego de l’auteur : il
s’appelle Jean et il ne parle plus avec son père, Denis, depuis six mois.
Un jour, Denis va au cabinet de Jean pour le renseigner du fait qu’il a trouvé dans
une malle trois carnets pleins de lettres écrites par Moïse, père de Denis et grand-père de
Jean, qui est décédé six mois auparavant. Les lettres ont été écrites de 1960 à 2004, une
par année et toutes dans le même jour, le 3 avril. Moïse y a raconté toute l’histoire de sa
vie et le destinataire, c’est une femme, appelée Anne-Lise Schmidt, dont Denis et Jean
ignoraient l’existence. Cependant, Jean n’a pas le temps de réaliser ce qui est en train de
se passer parce que Denis est frappé d’un malaise : il est emmené à l’hôpital, où il révèle
à son fils qu’il avait décidé de partir en voyage pour se mettre sur les traces de son père,
mais maintenant son état de santé l’empêche de le faire. Jean, alors, lui promet de résoudre
le mystère de Moïse à sa place et commence à lire les lettres. La narration consiste donc
en une alternance entre le passé des lettres, que le lecteur lit avec Jean, et le présent, où
Jean mène sa recherche.
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L’histoire de Moïse commence le 3 juillet 1910, quand il nait, deuxième de trois
enfants, dans une famille pauvre qui vit à Fourmies, une petite ville dans le Nord de la
France. Cependant, quatre ans après, en 1914, la famille s’installe à Vireux-Wallerand,
un village dans les Ardennes où le père de Moïse, Georges, espère trouver un meilleur
travail. Juste au moment où la famille semble avoir trouvé un peu de bonheur, la Première
Guerre mondiale éclate : Georges est obligé de s’engager, mais il meurt au front deux ans
après. La Guerre terminée, la mère de Moïse, Marie, épouse son voisin Pierre, mais
l’homme meurt de tumeur après peu de temps. Quant à Marie, elle mourra dans les années
50 à cause d’un ulcère aux jambes.
À l’âge de quinze ans, Moïse connait une fille allemande, Hennie, qui est venue
passer ses grandes vacances en France. Il tombe amoureux d’elle, mais, l’été terminé, elle
doit retourner en Allemagne. Les années passent et, quand Moïse a dix-huit ans, il épouse
son amie d’enfance Couronnée après avoir découvert qu’elle est enceinte de leur fille
Louise. Cependant, Couronnée s’avère être une femme infidèle : en effet, elle trahira
Moïse plusieurs fois, même avec ses amis, et elle aura un autre fils avec un de ses amants.
Peu après le mariage, Hennie revient en France pour quelques jours : Moïse la rencontre
et tombe amoureux d’elle pour la deuxième fois, mais elle doit retourner en Allemagne
encore une fois.
En 1940, la Seconde Guerre mondiale éclate et la France est occupée par l’armée
allemande. Moïse s’engage, mais il est fait prisonnier par les Allemands et enfermé dans
un camp de travail. Un jour, il tombe malade : il est emmené à un hôpital militaire et
soigné par un médecin, Herr Doktor Schmidt, qui s’avérera être l’oncle de Hennie. Une
fois guéri, il est envoyé dans un autre camp de travail à Cologne, où il rencontre un ou-
vrier, Willy, qui s’avère être le frère de Hennie. Grâce à lui, Moïse retrouve Hennie,
tombe amoureux d’elle une troisième fois et s’installe chez elle. En 1943, Hennie tombe
enceinte, ce qui constitue un problème pour la famille Schmidt. En effet, le père de Hennie
et Willy s’était opposé au nazisme et, pour cette raison, il avait été arrêté et emprisonné
avec ses enfants. Hennie et Willy furent libérés, tandis que leur père mourut en prison.
Pour éviter que le bébé soit capturé par les nazis à son tour, Hennie et la femme de Willy,
Anna, font falsifier leurs papiers d’identité et elles échangent leurs dossiers médicaux.
Ainsi, le 3 avril 1944, nait Anne-Lise, la fille de Moïse et d’Hennie : elle est déclarée fille
de Willy et d’Anna et prend leur nom de famille, Schmidt. Cependant, le bonheur n’est
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pas destiné à durer longtemps. En 1945, Hennie se retrouve victime d’un bombardement :
blessée grièvement, elle meurt après peu de temps.
La Guerre terminée, Moïse décide de retourner en France, mais, avant de partir, il
confie Anne-Lise à Willy et Anna pour éviter qu’elle soit maltraitée à cause de ses ori-
gines allemandes. Il retrouve Couronnée, mais les deux époux divorcent quand Couron-
née découvre la trahison de son mari. Après le divorce, elle épousera un ami de Moïse,
Duvernois : ils s’installeront à Beyrouth avec Louise et son mari, mais ils retourneront en
France après avoir tout perdu. En 1947, Moïse va voir les Schmidt à Cologne, mais, une
fois arrivé à leur maison, il se rend compte qu’il n’y a personne : grâce à un ami de famille,
le pasteur Müller, il découvre que Willy, Anna et Anne-Lise se sont installés aux États-
Unis.
L’année suivante, Moïse écrit à un journal pour raconter son histoire. Une femme,
Paulette, lui répond : les deux se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre. Ils se
marient en 1950 et, en 1953, nait Denis. En 1956, le pasteur Müller va voir Moïse : il lui
donne des nouvelles des Schmidt et il lui montre des vidéos de Hennie, maintenant gran-
die. Entretemps, Moïse a commencé à travailler comme garçon de salle d’opération dans
un hôpital. Un jour, il doit amener à la morgue le corps d’une petite fille qui lui rappelle
Anne-Lise : c’est alors qu’il décide d’écrire une lettre par an le 3 avril, le jour de l’anni-
versaire d’Anne-Lise. En 2004, à l’âge de 94 ans, Moïse écrit sa dernière lettre et dit
définitivement adieu à Anne-Lise :
Parfois je pense à ce qui est arrivé, puis à ce qui aurait pu arriver et n’a jamais été, et
je mords l’intérieur de mes joues, j’ai honte de cette immense douleur, et je pleure
encore comme celui qui sait bien que, finalement, le bonheur est un projet surhumain
sur cette terre.
Pourtant j’ai espoir qu’un jour une personne découvre mon secret : je ne t’ai jamais
oubliée, je t’ai aimée comme un papa sait aimer, au point de me priver de toi, et cet
amour-là n’a jamais ni changé ni faibli. Et j’ai écrit pour que tu saches, un jour peut-
être, qui était ton père : un homme qui n’a pas failli.
La lecture des lettres est terminée : à la fin du livre, Jean a recousu la relation avec son
père et maintenant ils peuvent commencer à chercher Anne-Lise conjointement.
Toutes les histoires d’amour du monde est un roman presque autobiographique.
En effet, il narre un épisode de la vie de l’auteur, même si certains éléments ont été in-
ventés : cet aspect sera approfondi dans la dernière section du chapitre. Baptiste Beaulieu
a vraiment trouvé les lettres écrites par son grand-père en 2013, dix ans après sa mort.
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Maintenant, il veut trouver Anne-Lise : pour cette raison, il donne quelques indications
pour la recherche à la fin du livre et dans son blog et il invite ses lecteurs à le contacter
s’ils ont des renseignements utiles.
2.3.1. Thématiques traitées dans le roman
L’analyse effectuée dans cette section concernera les trois principales thématiques
traitées dans Toutes les histoires d’amour du monde : l’amour, la médecine et la mémoire
du passé.
2.3.1.1. L’amour
Le thème de l’amour est évident dès le titre du roman. En effet, il suggère que le
livre ne concerne pas une, mais plusieurs histoires d’amour : un amour qui, dans la nar-
ration, se présente sous trois formes différentes.
La première forme d’amour relevée est celle de l’amour entre père et fils ou fille,
qui se manifeste de manière différente selon les personnages. Pour ce qui concerne Denis
et Jean, au début du livre, leur relation est conflictuelle, mais elle devient progressivement
sereine grâce aux lettres et à un jeu-vidéo de guerre, avec lequel père et fils jouent con-
jointement. Ensuite, Moïse entretient des relations différentes avec ses enfants. Si celle
avec Louise est presque inexistante, celle avec Denis est plutôt froide et détachée : dans
la lettre du 3 avril 1962, il arrive même à se définir comme « un parent incapable de
câliner son propre enfant » (Beaulieu 2018 : 33). La relation avec Anne-Lise, au contraire,
est tellement affectueuse qu’il semble montrer une préférence marquée à son égard.
La deuxième forme est celle de l’amour entre homme et femme, qui n’est pas
toujours heureux. Pour analyser cet aspect, il est nécessaire de comparer les relations que
Moïse entretient avec les femmes qu’il aime. D’abord, l’amour pour Couronnée est un
amour d’enfance idyllique qui se révèle être une illusion quand Moïse devient adulte.
Quant à Paulette, même s’il l’a épousée et s’il a eu un fils avec elle, Moïse ne la considère
pas comme la femme de sa vie : au contraire, son véritable amour est celui pour Hennie,
qu’il n’oubliera jamais et qui est terminé trop tôt.
La troisième et dernière forme analysée est celle de l’amour entre deux hommes.
Celle de l’homosexualité est une thématique chère à Beaulieu : en effet, il est homosexuel
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et activiste pour les droits des membres de la communauté LGBT. Dans le passé, par
exemple, l’écrivain a dénoncé des cas d’homophobie chez les médecins et, en 2016, il a
même reçu des menaces de mort après avoir publié un éditorial contre l’homophobie sur
le site internet Huffington Post. Pour revenir à Toutes les histoires d’amour du monde, le
protagoniste aussi est homosexuel, étant un alter ego de Beaulieu. Cependant, dans ce
roman, l’homosexualité est vue comme un tabou ou, simplement, comme un état dont les
personnages ont honte. En effet, elle est exactement la cause de la rupture entre Jean et
Denis : Jean révèle à son père son homosexualité quand Moïse meurt, mais Denis ne l’ac-
cepte pas et les deux hommes ne se parlent plus depuis ce jour. Pour éviter que ses proches
lui posent des questions gênantes, Jean décide même de ne pas aller aux obsèques de son
grand-père. Finalement, quand père et fils commencent à se réconcilier, Denis accepte
l’homosexualité de son fils : c’est là que Jean avoue à son père qu’il a un compagnon,
appelé simplement « l’Amoureux », et il le lui présente.
Enfin, le récit présente aussi les histoires des personnages rencontrés par Jean pen-
dant sa recherche, qui sont toutes liées par le fil rouge de l’amour :
Histoire de Kayoosh et Kasim : elle est narrée par Françoise Robinet, la petite-fille de
la garde champêtre qui avait aidé la famille de Moïse au cours de la Première Guerre
mondiale. Jean la rencontre par hasard dans le train qui le mène à Vireux : elle tra-
vaille comme psychologue pour les organisations non gouvernementales et, un jour,
elle est envoyée au camp de réfugiés de Calais. Là, elle connait Kayoosh et Kasim,
un couple de conjoints irakiens qui vivent au camp avec leurs enfants. Craignant de
perdre les enfants, Kasim décide de se suicider en s’immolant par le feu et, quand elle
le découvre, Kayoosh se tue à son tour.
Histoire de Marie Neveux, l’arrière-petite-fille de Prosper, un voisin de la famille de
Moïse. Elle a accouché d’un enfant mort-né en 1993 et, pour cette raison, elle n’a pas
réussi à aimer ses autres enfants pendant des années. Aujourd’hui, elle travaille dans
un bar et elle fait du bénévolat dans le service de réanimation néonatale d’un hôpital.
Histoire d’Henri, qui travaille pour une association bénéfique qui aide les personnes
pauvres ou sans domicile fixe.
Histoire de Martine, Yvette et Victor : Martine est la petite-fille de Jean Francotte, le
meilleur ami de Moïse. Infirmière, elle s’occupe d’Yvette, une vieille femme qui a
élevé seule son neveu Victor. Cependant, à un certain moment de sa vie, ce dernier a
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décidé de n’avoir plus de relations avec Yvette et il est décédé de SIDA quelques
années après la mort de sa grand-mère.
Histoire de Richard, le petit-fils d’Esther, une femme juive que Moïse a rencontrée à
l’hôpital militaire. Artisan, il a été toxicomane et il a épousé Titine, une fille malade
d’anorexie qui a guéri grâce à l’amour pour son mari. Ils ont un fils homosexuel, qui
est justement le compagnon de Jean.
2.3.1.2. La médecine et la mémoire du passé
Vu que son activité principale est la médecine, il n’est pas étonnant que Baptiste
Beaulieu installe la médecine dans ses œuvres et le roman Toutes les histoires d’amour
du monde ne fait pas exception. En effet, le protagoniste travaille comme médecin et
d’autres personnages travaillent ou ont travaillé dans ce domaine professionnel. Au cours
de la narration, certains personnages tombent malades et leur maladie est décrite par l’au-
teur de façon détaillée. De plus, le contexte du passé permet à l’auteur de comparer la
médecine de l’époque avec la médecine moderne : pour donner un exemple, quand Pierre,
le beau-père de Moïse, tombe malade, la tumeur est soignée, par ailleurs sans succès, à
travers des morceaux de radium appliqués directement sur les plaies. Aujourd’hui,
compte tenu des progrès de la médecine, employer cette technique serait impensable.
Cependant, contrairement aux autres livres de Beaulieu, l’hôpital n’est pas le lieu
central du livre. Il est plutôt un lieu de transition vers un moment considéré comme fon-
damental pour la poursuite de la narration : en effet, c’est exactement à l’hôpital que Jean
promet à son père qu’il l’aidera à dévoiler le secret de Moïse. Ce dernier « retrouve »
Hennie quand il est à l’hôpital militaire, grâce à une photo de la fille que Herr Doktor
tient dans sa poche, et il commence à écrire les lettres tandis qu’il travaille dans un hôpital.
De toute façon, le roman reprend l’idée de la littérature comme médicament, déjà traitée
en Alors vous ne serez jamais plus triste. En ce cas, ce sont les lettres qui constituent un
médicament idéal, vu qu’elles aident le protagoniste à renouer le lien avec son père.
La dernière thématique traitée dans cette section, c’est la mémoire du passé, qui
est continuellement rappelée grâce à l’alternance entre passé et présent. De plus, elle se
révèle fondamentale pour Jean parce qu’elle l’aide à comprendre le présent et à construire
l’avenir. Vu qu’elle est symbolisée par les lettres, on peut affirmer qu’elle aussi sert à
soigner, au moins d’un point de vue psychologique : pour cette raison, il est possible de
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la connecter avec le thème de la médecine. Enfin, la présence de la mémoire est renforcée
par l’existence, dans le texte, de certaines photographies en noir et blanc, presque toutes
appartenant à une collection privée de Baptiste Beaulieu. L’une d’entre elles a une liaison
avec le mystère des lettres : cette liaison sera dévoilée seulement à la fin du roman.
2.3.2. Toutes les histoires d’amour du monde : un exemple d’autofiction
Toutes les histoires d’amour du monde est la narration d’un épisode de la vie de
l’auteur, mais avec des éléments fictionnels : pour cette raison, il est légitime de la tenir
pour un exemple d’autofiction.
Le mot « autofiction » est un néologisme, inventé en 1977 par l’écrivain français
Serge Doubrovsky, qui décrit un genre littéraire où se produit la narration de la vie de
l’auteur faite par l’auteur lui-même, mais, à la différence de l’autobiographie, des élé-
ments de fiction y apparaissent. L’autofiction se détache de l’autobiographie et du « pacte
autobiographique » entre auteur et lecteur, théorisé par Philippe Lejeune. Comme Dou-
brovsky l’écrit lui-même :
L'autofiction, c'est la fiction que j'ai décidé en tant qu'écrivain de me donner de moi-
même, y incorporant, au sens plein du terme, l'expérience de l'analyse, non point seu-
lement dans la thématique mais dans la production du texte.
Doubrovksy utilise le mot « autofiction » pour la première fois pour décrire son roman
Fils. Le livre raconte une journée de la vie du protagoniste, c’est-à-dire le même Dou-
brovksy, par le biais d’une séance de psychanalyse. La narration se produit à travers un
monologue intérieur avec flux de conscience, pareil à celui de l’Ulysse de James Joyce et
caractérisé par la présence de phrases déstructurées, jeux de mots et allitérations et par le
nombre réduit de signes de ponctuation. Doubrovsky affirme avoir employé une langue
« obsessionnelle, répétitive » où « les mots s'appellent les uns les autres » (Le Monde).
Le monologue est parfois brisé par les interventions du psychanalyste, qui parle en an-
glais : en effet, le récit se déroule à New York, où Doubrovksy a vécu pendant de nom-
breuses années.
Le mot « fils », qui donne le titre au livre, a un double sens. Au singulier, il indique
un rapport de filiation imaginaire de l’auteur avec l’écrivain Marcel Proust : en effet, le
livre présente des analogies avec À la recherche du temps perdu. Au pluriel, au contraire,
le mot indique le réseau de liens, rêves et souvenirs qu’un individu produit : ce réseau
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présente parfois des nœuds qui rendent la vie douloureuse et dramatique et ils se présen-
tent sous forme de monstres ou de fantômes à chasser par le biais de la psychanalyse.
Le protagoniste, Serge, représente l’alter ego de l’auteur et il a une double person-
nalité. Il a la sensation de ne pas réussir à trouver sa place dans le monde, mais en même
temps, il peut occuper chacune d’entre elles. Serge est patient, mais aussi analyste de soi-
même : ce stratagème lui permet de se transformer en un personnage de fiction.
Toutes les histoires d’amour du monde présente aussi des différences avec la réa-
lité, à commencer par les personnages. Dans le roman, Beaulieu a un alter ego, Jean, qui
a une sœur adoptive, Anna-Lisa (à ne pas confondre avec Anne-Lise), qui n’existe pas
dans la réalité. Les cinq histoires d’amour aussi sont inventées : elles sont un autre expé-
dient que Jean utilise, en les narrant, pour se rapprocher de son père. Denis a compris que
les histoires sont un fruit de l’imagination de son fils, mais il fait semblant d’y croire par
amour pour Jean. Cependant, il n’est pas clair si ces deux éléments sont les seuls à relever
de la fiction. En effet, l’histoire de Moïse est tellement complexe et détaillée que le lecteur
a du mal à croire à tout ce qui se passe : il est possible que des éléments contenus dans
les lettres aient été inventés de toutes pièces. Dans l’autofiction, il y a toujours des élé-
ments fictionnels, mais seul l’auteur les connait. C’est au lecteur d’établir quels sont ces
éléments et si y croire ou pas. Ce qui est sûr, c’est le fait que les lettres, dans la mesure
où elles apparaissent dans le livre, ont été remaniées par Jean/Baptiste : en effet, au cours
du temps, l’encre s’est effacée et les lettres, désormais, sont presque illisibles.
L’analyse du genre de l’autofiction met un terme au travail sur Baptiste Beaulieu,
un auteur contemporain qui sait comment faire converger son activité principale de mé-
decin et ses propres expériences de vie à l’intérieur de l’écriture. Une démonstration de
ce constat peut reposer dans le succès obtenu par ses œuvres, qui lui a permis de gagner
plusieurs prix. Enfin, l’attention peut se concentrer sur la traduction vers l’italien de
Toutes les histoires d’amour du monde ou, plus précisément, d’une partie du roman à
cause de la longueur de ce dernier.
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chas
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no
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…
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, c’
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oir
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io p
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che
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e:
“Ora
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sarà
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, cic
cio
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io”.
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l es
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ïse.
54
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, m
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rès
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aveva
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ini.
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“Per
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r de
tous
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ouss
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, M
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m’a
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anso
n !
J’a
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cher
ché
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ret
rouver
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po
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le.
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pas
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dan
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no
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sûr
que
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r so
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u’o
n b
rûle
, c’
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l’am
our.
Tu s
eras
la
der
niè
re à
t’e
n a
ller
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, m
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te,
et t
ant
pis
po
ur
mo
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T’o
ubli
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’aura
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endu l
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que
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sicu
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quel
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gnat
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ne
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bin
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che
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la
po
rtan
do l
a cr
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su
lle
spall
e. Q
uanto
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pia
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quel
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anzo
ne!
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cerc
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i ri
tro
var
la,
ma
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mpo
ssib
ile.
No
n s
i sc
egli
e ciò
che
rest
a
nell
a m
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ori
a, m
a so
no
si
curo
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e l’
ult
imo
ri
co
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e si
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ore
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arai
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andar
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a,
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L
iset
te,
paz
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imenti
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i m
i avre
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ilo
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rest
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no
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sé «
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lasc
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“dei
pez
zi
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flebit
e su
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gam
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ma”
dic
eva
Pet
it-
3 É
tan
t P
etit
-Geo
rges
le
frèr
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né
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Moïs
e, i
l es
t im
poss
ible
qu
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soit
née
avan
t P
etit
-Geo
rges
et
aprè
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e.
64
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rges
. C
’éta
it u
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me
po
telé
e, m
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tère
sec
, «
mêm
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Geo
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mais
on,
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ère
confi
squ
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ns,
me
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ras,
puis
me
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dar
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le,
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be
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ross
e et
ro
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me
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ra g
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ross
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del sa
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erso
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les
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pas
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cit
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bea
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di
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71
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Ren
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»
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.
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72
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“Ah,
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êm
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hi
dim
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eure
inst
itutr
ice
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monde
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de
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ard,
mad
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ette
.
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spri
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, tr
ès s
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rande
am
atri
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, ell
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ses
espo
irs
dans
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cie
nce
et
le p
rogrè
s.
Seb
bene
foss
e se
ver
a, la
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iovane
maes
tra,
la
si
gno
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aufr
ette
,
dim
ost
rò n
ei
mie
i co
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onti
un’i
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nit
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mia
mad
re,
così
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“cap
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cose
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na
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e che
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aso s
e la
sig
no
ra G
aufr
ette
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la
più
inte
llig
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del
pae
se.
Dall
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ac
uta
, m
olt
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sagg
ia,
gra
nde
am
ante
del
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mat
em
atic
a,
ripo
neva
tutt
e le
sue
sper
anze
nell
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ienza
e nel pro
gre
sso.
« C
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la
rais
on,
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qu
i m
ettr
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la
Guer
re !
La
rais
on !
Pas
les
cano
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! »
“È l
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ne,
Mo
ïse,
che
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terà
fin
e all
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ra!
La
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ione!
No
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canno
ni!
”
Je l’a
imais
bie
n :
un jo
ur,
je
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po
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un o
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té e
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de
pin
,
échangé
contr
e une
bo
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caro
ttes
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nnie
r ru
sse.
Le
vo
levo
bene:
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iorn
o le
po
rtai
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colp
ito n
el le
gno
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,
che
avevo
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enuto
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di
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qu
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pas
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elle
m’a
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bra
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s so
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oucho
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x. O
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gali n
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revo
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so
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Prè
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conso
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mani:
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100
101
CHAPITRE 4
Commentaire à la traduction
Le commentaire d’une traduction analyse et explique les modifications apportées
au texte traduit par rapport à l’original.
Toutes les modifications analysées dans ce chapitre sont le fruit d’un travail dans
le travail : en effet, elles ont été repérées au fur et à mesure que la traduction progressait.
Chaque type de modification est accompagné d’un ou plusieurs exemples. De plus, les
observations ont été divisées selon la branche linguistique analysée, à savoir lexique, syn-
taxe et morphologie : c’est par cette dernière que l’analyse commencera.
4.1. Observations de type morphologique
Vu que la langue française a une morphologie pareille à celle de la langue ita-
lienne, les modifications de type morphologique ont été inférieures en fréquence par rap-
port aux autres, dont il sera question dans les paragraphes suivants. Il est quand même
nécessaire leur consacrer de l’attention.
Dans la plupart des cas, les changements morphologiques apportés dans la traduc-
tion consistaient en remplacements, qui pouvaient concerner des mots appartenant à la
même catégorie grammaticale ou à deux catégories différentes.
Quant au premier cas, deux phénomènes ont été relevés au cours du travail. Le
premier consistait dans le changement de pronom : en particulier, le pronom personnel
complément d’objet indirect pluriel « leur » est remplacé, en italien, par le complément
indirect singulier « gli ». Ce phénomène a été appliqué dans le passage suivant, où la mère
de Moïse informe ses enfants du fait que les soldats allemands ont réquisitionné leur
chambre :
Je suis obligée de leur céder la
vôtre, les garçons.
Sono costretta a cedergli la
vostra, ragazzi.
102
En italien, l’emploi du « loro » en tant que pronom personnel complément d’objet indirect
est restreint au langage écrit. Donc, son insertion dans une réplique d’un dialogue aurait
été jugée comme peu spontanée et lourde. En plus, dans ce cas, elle aurait été même peu
cohérente avec le langage typique de la classe sociale du personnage qui parle, une femme
provenant d’un milieu populaire. Cependant, parfois le pronom « gli » peut être employé
au dehors du langage oral, comme dans le passage qui suit, où Moïse décrit les prisonniers
russes :
Ils étaient hirsutes, (…) grima-
çant quand on leur collait une
baïonnette au creux des reins
pour qu’ils montent eux-mêmes
les baraquements entourés de
barbelés.
Erano irsuti, (…) facevano una
smorfia quando gli si incollava
una baionetta al fondoschiena
perché montassero da soli le
baracche circondate di filo
spinato.
En ce cas, le pronom « gli » a rendu plus coulissante une phrase complexe particulière-
ment longue. Enfin, le dernier type de variation concerne les changements de temps ver-
bal, qui peuvent se produire pour des raisons différentes. À cette occasion, trois d’entre
elles seront prises en considération. D’abord, les changements de temps verbal peuvent
être opérés pour donner à une phrase une connotation de possibilité ou de certitude. La
phrase qui suit est tirée du prologue du roman :
Combien de temps auras-tu mis pour écrire votre histoire, à tous les deux ?
Le verbe au futur antérieur « auras-tu mis » a été observé. Comme chacun le sait, le futur
antérieur est employé, tant en français qu’en italien, également pour faire une supposition,
ce qui semblait être le cas de cette question. Cependant, elle était suivie par une réponse :
Une existence entière.
Du coup, la phrase n’exprimait plus une possibilité, mais une certitude. Si, en français,
l’emploi du futur antérieur était acceptable en ce cas, en italien, il ne l’était pas. Il valait
mieux employer un autre temps verbal qui exprimait mieux l’idée de certitude, à savoir
le passé composé :
Quanto tempo ci hai messo a scrivere la vostra storia, la storia di tutti e due?
Un’intera esistenza.
103
Ensuite, les temps verbaux peuvent être modifiés pour mettre en évidence la ponctualité
d’une action que le texte original fait sembler comme progressive. À cet effet, le passé
simple remplace l’imparfait et le plus-que-parfait originaux dans l’exemple qui suit :
Sitôt son service militaire ter-
miné, mon père avait dû épouser
ma mère rapidement.
Non appena ebbe terminato il
servizio militare, mio padre
dovette sposare mia madre
rapidamente.
Vice-versa, une action ponctuelle dans le texte original a été transformée en durative :
Il a eu l’air réjoui. Aveva un’aria felice.
Pour les phrases exprimant des actions progressives dans le passé, l’imparfait a été rem-
placé en italien par une périphrastique composée du verbe « stare » et du gérondif :
Quelques minutes après, je tenais
sa tête en attendant les secours.
Qualche minuto dopo, gli stavo
tenendo la testa aspettando i
soccorsi.
Enfin, la phrase suivante contenait une action apparemment progressive. En réalité, cette
action allait s’accomplir et elle a été traduite par une autre périphrastique, composée de
« stare per » et un verbe à l’infinitif :
Nous étions en train d’adopter ta
sœur.
Stavamo per adottare tua sorella.
La dernière, mais non la moindre, raison concerne le respect de la « consecutio tempo-
rum », à savoir la concordance des temps verbaux des propositions subordonnées avec
ceux des phrases principales auxquelles elles sont liées. L’exemple qui suit a été observé :
Lorsqu’il me fit la remarque suivante (…), je n’ai pas su répondre autrement.
104
Subordonnée et principale auraient dû présenter le même temps verbal en italien. Par
conséquent, le passé composé de la principale a été transformé en un passé simple :
Quando mi fece l’osservazione seguente (…), non riuscii a rispondere altrimenti.
Ce phénomène peut concerner aussi plusieurs phrases à la fois qui sont liées entre elles,
par exemple par un rapport de succession temporelle. Un exemple repose dans les lignes
qui suivent, où Françoise Robinet narre le suicide de Kayoosh :
Elle venait d’apprendre le projet suicidaire de son époux. Elle asperge sa robe et les
murs de leur case d’essence.
Les deux phrases constituaient une succession d’actions, mais si la première était au
passé, la deuxième contenait un verbe au présent, « asperge ». Dans la traduction, il a été
nécessaire de mettre la deuxième phrase aussi au passé, pour donner un effet de continuité
avec la première :
Aveva appena saputo del progetto suicida di suo marito. Cosparse il suo vestito e i muri
della loro baracca di benzina.
Enfin, la continuité doit se produire aussi quand une des phrases contient un verbe au
subjonctif :
Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Qu’il s’assoie et confesse…
La première phrase était au passé, tandis que la deuxième contenait un subjonctif présent :
une présence due probablement au faible emploi du subjonctif imparfait dans la langue
française. L’italien, au contraire, en fait un usage plus fréquent et c’est ce temps qui a été
employé dans la traduction :
Non so bene cosa mi aspettassi. Che si sedesse e confessasse…
Maintenant, l’attention se porte sur le remplacement de mots appartenant à deux
catégories grammaticales différentes et, en particulier, sur l’emploi des adjectifs posses-
sifs dans la langue française. Cependant, avant d’expliquer comment ils sont remplacés
dans la langue italienne, il est nécessaire de remarquer comment leur usage en français
est plus large qu’en italien. Dans la phrase suivante, par exemple, Moïse décrit sa mère :
Ma mère, Marie de son prénom, Bastien de son nom, (…) ne sortait que depuis son dix-
septième anniversaire.
105
Le français « de son prénom/nom » a été traduit en italien par « che faceva di nome/co-
gnome » : par conséquent, l’adjectif possessif présent dans le texte original a disparu dans
la traduction. Quant au syntagme « ne sortait que depuis son dix-septième anniversaire »,
la traduction littérale « usciva solo dal suo diciassettesimo compleanno » n’aurait pas
marché en italien. Par conséquent, il valait mieux faire un changement total, un phéno-
mène dont il sera question dans la deuxième section du chapitre et qui a fait disparaitre
l’adjectif possessif une deuxième fois. Ainsi, la phrase originale a été traduite comme
suit :
Mia madre, che faceva Marie di nome e Bastien di cognome, (…) aveva il permesso di
uscire solo da quando aveva compiuto 17 anni.
Après avoir fait cette constatation générale, il faut concentrer l’attention sur un cas parti-
culier. Il convient de noter la phrase suivante, où Moïse parle de son père :
Il m’amusait en faisant passer son allumette sous les quatre pieds de la lampe à pétrole.
Dans ce passage, le problème se posait dans la traduction de « son allumette ». La traduc-
tion littérale « il suo fiammifero » aurait fait penser au lecteur italien que le père de Moïse
n’avait qu’une seule allumette et il l’utilisait pour allumer la lampe tous les jours, mais,
puisque cette allumette n’était pas magique et que les allumettes sont jetables, ce n’était
pas possible. Au contraire, il était plus probable qu’il possédait plusieurs allumettes et
qu’il en allumait une chaque soir. En effet, en français, un adjectif possessif peut être
employé à la place de l’article défini simple quand il se réfère à une catégorie générale.
Par conséquent, en italien, « son allumette » a été traduite par « un fiammifero » :
Mi faceva divertire facendo passare un fiammifero sotto ai quattro piedi della lampada
a petrolio.
Le troisième cas de changement morphologique concernait l’accord du nombre
avec le sujet d’une phrase et le conséquent changement de nombre, une opération qui a
été effectuée plusieurs fois au cours du travail :
« Qu’est-ce que c’est ?
– Des lettres », a-t-il grommelé.
“Cosa sono?”
“Delle lettere” ha borbottato.
106
Tout le monde s’arrêtait à
l’ombre de ces arbres quelques
instants.
Tutti si fermavano per qualche
istante all’ombra di quegli alberi.
Enfin, le dernier changement concerne les noms altérés et notamment les diminu-
tifs. Même si la langue française prévoit la présence de certains suffixes pour les former,
leur usage est plus limité qu’en italien. Par conséquent, le diminutif de certains substantifs
français ayant un suffixe dans la traduction italienne se crée simplement à travers l’adjec-
tif « petit » antéposé au substantif :
En haut de la grande côte qui
plongeait dans le pays, il y avait
deux immenses châtaigniers de
mer encadrant une petite cha-
pelle, les troncs à demi rongés par
les ours.
Sulla cima del grande pendio che
si spingeva verso il paese,
c’erano due enormi ippocastani
che circondavano una cappellina,
con i tronchi rosicchiati per metà
dagli orsi.
Heureusement, nous avions une
petite chatte, Minette.
Per fortuna, avevamo una gattina,
Minette.
Certains substantifs italiens demandent quand même l’adjectif « piccolo » :
Man Fine, ma grand-mère mater-
nelle, déposa dans mon landau
une petite bible à la couverture
beige.
Nonna Fine, la mia nonna
materna, mise nella mia
carrozzina una piccola Bibbia
dalla copertina beige.
Comme déjà dit au début de la section, les variations de type morphologique
étaient peu fréquentes par rapport aux autres. En revanche, on ne peut en dire autant de
celles de type lexical, qui étaient présentes dans une plus large mesure et desquelles il
sera question dans la section qui suit.
107
4.2. Observations de type lexical
Quant au lexique, le travail s’est un peu compliqué. Bien que la traduction de
Toutes les histoires d’amour du monde n’ait pas présenté des gros problèmes en général,
parfois la sémantique a produit des difficultés qui représentent quand même des pistes de
réflexion.
Tout d’abord, une des tâches essentielles du traducteur est de choisir le bon mot,
à savoir choisir le mot qui rend mieux le sens du texte original. Il n’est pas toujours un
travail facile, surtout quand il a à faire avec des mots polysémiques, qui possèdent plu-
sieurs sens. En l’espèce, Toutes les histoires d’amour du monde s’est révélé être un roman
très riche en ce dernier type de mots : vu leur grande quantité, l’analyse ne s’attardera que
sur certaines d’entre elles. La première se trouve dans la phrase qui suit, tirée du prologue
du roman :
Blonde, la mine réjouie, on la voit entrer dans un parc d’attractions et adresser un salut
poli vers le cameraman.
L’attention s’est concentrée sur « parc d’attractions ». Le site Internet de traduction en
contexte Reverso Context proposait, parmi les possibles traductions vers l’italien, « parco
di divertimenti », « luna park » et « parco giochi ». Au premier regard, toutes les trois
semblaient être appropriées, mais la vérité était toute autre. Pour la trouver, il a fallu faire
une analyse plus approfondie, qui a demandé la lecture de l’œuvre dans son intégrité. En
effet, vers la fin du roman le lecteur découvre que l’auteur se réfère à un parc Disneyland :
Ce que tu faisais, je ne m’en rappelle presque plus, tu te baignais dans la mer (…), puis
vous sortiez d’un grand parc où il n’y avait que des fleurs (j’appris plus tard que c’était
le premier parc Disneyland au monde, en Californie).
Évidemment, il n’était pas possible de considérer Disneyland comme un « parco giochi »,
à savoir un petit parc de quartier avec quelques manèges et rien d’autre. En plus, l’appeler
« luna park », « fête foraine » en italien, aurait été réducteur. Donc, en ce cas, « parco di
divertimenti » était la traduction meilleure :
Bionda, dall’aspetto felice, la si vede entrare in un parco di divertimenti e rivolgere un
saluto educato al cameraman.
108
Ce cas représente une démonstration du fait qu’il est impensable de traduire une œuvre
sans l’avoir lue complètement auparavant. La narration du prologue continue avec un
autre exemple de phrase ayant un mot polysémique :
Tu sais que tu ne la reverras pas, c’est fini. Alors, j’imagine que tu as dû accueillir
chaque seconde du film, chaque grain, chaque photon.
Ici, c’était le mot « film » à poser des problèmes. Probablement un traducteur novice ne
l’aurait pas traduit, étant donné que ce terme est présent aussi dans la langue italienne.
Cependant, le « film » italien a un sens plus restreint que le français : en effet, il n’est
utilisé que pour indiquer un long-métrage destiné au cinéma ou à la télévision. Le « film »
français, au contraire, se réfère à n’importe quelle « œuvre cinématographique enregistrée
sur film » (Le Petit Robert 2016 : 1045), à savoir sur une bande de pellicule. Donc, ce
mot peut assumer aussi le sens générique de « vidéo ». Dans le cas présent, le film de la
phrase, c’est une petite vidéo de famille, tournée par un réalisateur amateur et destinée à
être vue par peu de personnes. Par conséquent, « video » était l’équivalent italien plus
approprié :
Allora, immagino che hai dovuto accogliere ogni secondo del video, ogni granello, ogni
fotone.
Le dernier mot à être pris en considération se trouvait dans la phrase suivante, où Jean
assiste au malaise de son père Denis :
Je l’ai vu soudain agripper sa poitrine de la main droite et s’effondrer sur le côté en
emportant les carnets avec lui, vers le sol.
Le mot en question, c’est le gérondif « en emportant ». Le verbe « emporter » signifie
« portare via » en italien : cependant, bien que correcte, cette traduction semblait un peu
trop générique et, en plus, ne donnait pas assez d’intensité dramatique à l’événement. Il
valait mieux choisir un équivalent plus spécifique, dans ce cas « trascinare » :
All’improvviso l’ho visto afferrare il petto con la mano destra e collassare sul fianco
trascinando i quaderni con sé, verso il pavimento.
La règle du choix du bon mot s’applique bien dans la traduction des faux amis, à
savoir des mots qui présentent une ressemblance avec des autres mots appartenant à une
autre langue, mais dont le sens est complètement différent. Un exemple de faux ami se
trouve dans la phrase suivante :
109
Il a pris le Moleskine posé sur mes genoux, (…) puis sorti un cliché jauni.
Ici, il faut observer le mot « cliché », qui est employé également dans la langue italienne,
mais uniquement avec le sens d’ « idée banale généralement exprimée dans des termes
stéréotypés » (Cntrl). Par contre, en français, ce mot indique aussi une photographie. En
particulier, il s’agit d’une image prise avec un temps d’exposition très court : en italien,
elle est appelée « istantanea ». Donc, dans ce cas, « cliché », c’est un faux ami et la tra-
duction vers l’italien a été comme suit :
Ha preso la Moleskine appoggiata sulle mie ginocchia, (…) poi ha tirato fuori
un’istantanea ingiallita.
Par extension, « cliché » peut aussi indiquer une photographie en général :
Avant de nous séparer, nous nous
sommes promis de rester en con-
tact : je la tiendrais au courant de
mes recherches, tandis qu’elle
m’enverrait une copie du cliché
de ses grands-parents.
Prima di separarci, ci siamo
ripromessi di rimanere in
contatto: io l’avrei tenuta al
corrente delle mie ricerche,
mentre lei mi avrebbe inviato una
copia della foto dei suoi nonni.
Maintenant, l’analyse se déplace vers un autre exemple :
Il part se réfugier au fond de sa case, nous crie : “Si on m’enlève les enfants, je m’im-
molerai par le feu.” »
Le substantif « case » fait avoir le déclic au traducteur italien : en effet, il est très pareil à
« casa », c’est-à-dire la maison, le lieu où une personne vit. Cependant, « casa » n’est pas
la bonne traduction : d’ailleurs, le sujet de la phrase, c’est un homme qui vit dans un camp
de réfugiés, un lieu où le logement est provisoire. Par conséquent, les établissements qui
se trouvent à son intérieur ne sont pas des véritables maisons, mais plutôt des héberge-
ments rudimentaires où les services sont inexistants. Ce concept est exprimé en italien
par le terme péjoratif « baracca » :
Va a rifugiarsi nella sua baracca, ci urla: “Se mi tolgono i bambini, mi darò fuoco.””
Enfin, les substantifs ne sont pas la seule catégorie grammaticale à posséder des faux
amis. En effet, ce phénomène concerne aussi les adverbes, comme dans le cas de la phrase
suivante :
110
Voilà sans doute la raison pour laquelle nous évitions soigneusement de nous retrouver
dans la même pièce depuis six mois.
Au premier regard, il aurait fallu traduire « sans doute » par son équivalent italien, « senza
dubbio », mais un problème se présentait aux yeux du traducteur. En réalité, la phrase
précitée exprimait une possibilité : donc, il aurait été erroné de traduire l’adverbe par un
autre qui, au contraire, exprimait une certitude. Il fallait un adverbe de probabilité, comme
par exemple « probabilmente » :
Probabilmente è questo il motivo per cui evitavamo con cura di ritrovarci nella stessa
stanza da sei mesi.
Une autre difficulté pour le traducteur réside dans la traduction des expressions
idiomatiques, une tâche qui parfois s’avère être presque impossible à cause du lien très
strict que ces expressions ont avec leur langue d’origine. Pourtant, il peut faire appel à
des stratégies de traduction : au cours du travail, deux d’entre elles ont été identifiées. La
première, appliquée dans la traduction de la phrase qui suit, consiste en trouver une ex-
pression équivalente dans la langue cible :
Croyez-moi sur parole, de la tête au cœur, il n’y a pas UN mot de cette mystérieuse,
extraordinaire et injuste histoire qui ne vous concerne pas.
L’expression « de la tête au cœur » a un équivalent italien : « da cima a fondo ». Il s’ensuit
que c’est ce dernier qui a été employé :
Credetemi sulla parola, da cima a fondo, non c’è UNA parola di questa misteriosa,
straordinaria e ingiusta storia che non vi riguardi.
Cependant, cette stratégie n’est pas toujours appropriée. En effet, certaines expressions
figées sont si liées à la langue française qu’il est impossible d’en trouver un équivalent
dans l’italienne. C’est ce qui se produit dans la phrase suivante, où Moïse décrit son père
Georges :
Mon père était fort grand, la barbe fournie en couenne de lard, et toute piquetée de
marguerites de cimetière, comme on disait à l’époque.
C’est maintenant que l’analyse se concentre sur l’autre stratégie repérée. D’abord, « la
barbe fournie en couenne de lard » était à observer. Quand une expression figée n’a pas
d’équivalent dans la langue d’arrivée, il vaut mieux expliquer son sens : dire que la barbe
de Georges est « fournie en couenne de lard » signifie dire qu’elle est dure, exactement
comme la couenne de lard. Dans la traduction italienne, l’expression a été transformée,
111
par conséquent, en une similitude, « dura come la cotenna del lardo ». Quant à « piquetée
de marguerites de cimetière », une opération supplémentaire s’est rendue nécessaire. Les
« marguerites de cimetière », ce sont des poils blancs, donc il a fallu l’expliquer en italien
par « peli bianchi ». Cependant, la suite de la phrase, « comme on disait à l’époque »,
demandait que l’expression originale apparaisse aussi dans la traduction. Ainsi, elle a été
traduite littéralement et mise entre guillemets pour mettre en évidence le fait qu’elle n’est
pas propre à l’italien. Le résultat final a été comme suit :
Mio padre era molto alto, aveva la barba dura come una cotenna e tutta punteggiata di
peli bianchi, di “margherite del cimitero”, come si diceva all’epoca.
Parfois, le traducteur peut se faire tromper. En effet, certains textes sont si riches en ex-
pressions idiomatiques qu’il peut même arriver à considérer comme telles celles qui ne le
sont pas. C’est le cas de la phrase suivante :
Les griffures de son visage, mon oncle en accusait les branches et les sous-bois.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « en accusait les branches et les sous-bois »
n’est pas une expression figée. L’auteur veut expliquer, tout simplement, que l’oncle de
Moïse, Jacques, donnait la faute des blessures provoquées par sa femme violente aux
branches et au sous-bois. Donc, la phrase a été traduite littéralement :
Mio zio dava la colpa dei graffi sul suo viso ai rami e al sottobosco.
Enfin, il faut mentionner deux expressions qui ne sont pas des locutions figées proprement
dites. Les deux ont subi une transformation totale dans la traduction, afin de rendre le
même sens que l’original et, au même temps, résulter fluides à lire en italien :
La vie était trop rude, et mes pa-
rents durent se résoudre au pire.
La vita era troppo dura e i miei
genitori dovettero prendere la
decisione peggiore di tutte.
Convenons-en, ce n’était pas sa
meilleure idée.
Diciamoci la verità, non era la
cosa migliore che avesse mai
fatto.
112
De plus, au cours de la traduction, deux cas particuliers ont exigé un travail plus
approfondi. Le premier a été repéré dans cette phrase :
Il nous procura du blé que nous passâmes dans un tournis très fin pour en retirer un son
bien aéré.
La traduction des mots « tournis » et « son bien aéré » a donné du fil à retordre. D’abord,
les dictionnaires consultés définissaient « tournis » comme « vertige » ou « maladie qui
atteint les bœufs », mais il était évident qu’aucun des deux sens n’était approprié. Quant
à « son aéré », il devait être traduit par « crusca aerata », mais il n’était pas clair s’il était
le terme technique correct. Il a fallu demander l’aide d’un expert, dans ce cas un père qui
travaille dans le domaine de l’agriculture. Il a supposé que le tournis auquel la phrase se
référait pouvait être un moulin, puis il a fait une affirmation qui a amené sur la bonne
voie : « Di solito, si dice che la crusca viene vagliata… ». C’est ce dernier mot, « va-
gliata », qui a fait avoir le déclic. Il dérive du nom d’un instrument agricole, appelé « va-
glio » en italien. Une recherche sur des dictionnaires italiens a permis de découvrir que le
« vaglio », c’est un tamis, « setaccio » en italien, employé en agriculture pour séparer les
grains de blé de la balle. De plus, en italien, les expressions « passare al vaglio » et « pas-
sare al setaccio » ont aussi un sens figuré, à savoir « analyser scrupuleusement quelque
chose ». À la lumière de ces considérations, il est très probable qu’il s’agissait du « tour-
nis » de la phrase, même si les dictionnaires français n’en donnaient pas d’attestation.
Quant à « aéré », il est évident que « setacciato » était son équivalent. Par conséquent, la
phrase a été traduite comme suit :
Ci procurò del grano che passammo in un vaglio molto fine per ricavarne una crusca
ben setacciata.
En tout cas, il faut se demander pourquoi aucun dictionnaire n’accorde au mot « tournis »
le sens de « machine agricole ». Il est possible qu’il ait perdu au cours du temps et qu’il
soit devenu désuet, ce qui sans doute s’est produit pour un mot contenu dans la phrase
suivante, prononcée par le voisin de Moïse, Pierre :
« Vous, les enfants, vous aurez droit à une énorme rabasse ! »
La « rabasse » dont Pierre parle, c’est un mets typique de la cuisine française et, plus
précisément, une pomme cuite dans le pain. Vu que ce mot est propre à la langue et à la
culture française, il n’a pas d’équivalent italien et, dans les faits, il est intraduisible. En
113
plus, il fait remarquer un détail curieux. Le texte original présente une note de bas de page
qui explique aux lecteurs le sens du mot « rabasse » : il est probable que cette gourman-
dise soit méconnue même aux Français et qu’elle soit un mets du passé qui a disparu des
cuisines contemporaines. Cette hypothèse est renforcée par les faits que sur Internet les
renseignements sur ce sujet sont inexistants. La décision finale a été celle de laisser le
mot « rabasse » en langue originale, mais écrit en italique, pour produire l’exotisation
théorisée par A. Bernal, dont il a été question dans le premier chapitre. La note aussi a été
traduite :
« Vous, les enfants, vous aurez
droit à une énorme rabasse !»
“Voi bambini avrete diritto a
un’enorme rabasse!”
Pomme cuite à l’intérieur d’une
pâte à pain encore chaude (note
de l’éditeur, NdE).
Mela cotta all’interno di una
pagnotta ancora calda (nota
dell’editore).
Le travail a amené au repérage d’un autre détail curieux : la présence, dans le texte
original, de deux fautes, qui ont été corrigées dans la traduction. La première repose dans
la phrase suivante, où Moïse décrit un souvenir de son enfance duquel son père Georges
aussi est protagoniste :
Plus tard, c’est la nuit noire, juchée sur ses épaules, je regarde un grand feu autour du-
quel des jeunes gens dansent en rond.
Le mot « juchée » a suscité quelques perplexités : il faisait penser que c’était la nuit à être
assise sur les épaules de Georges, ce qui était peu plausible. Au contraire, il était plus
probable que, dans les intentions de l’auteur, c’était Moïse qui devait être juché sur les
épaules de son père. Par conséquent, le deuxième « e » ne serait qu’une faute de frappe
et le participe passé « juché » devrait être accordé au masculin, ce qui a été fait dans la
traduction vers l’italien :
Più tardi, è buio pesto. Appollaiato sulle sue spalle, guardo un grande falò intorno al
quale dei ragazzi ballano in cerchio.
La deuxième phrase analysée contient une faute encore plus frappante :
Une sœur, enfant mort-née après moi et avant Petit-Georges, elle n’en parlait jamais.
114
Dans le roman, Petit-Georges est décrit comme le frère ainé de Moïse, le « moi » de la
phrase : donc, cette sœur ne pouvait pas être née après Moïse et avant Petit-Georges. Peut-
être l’auteur voulait écrire « avant moi et après Petit-Georges », mais il s’est fait tromper
par la distraction. Il a fallu remédier dans la traduction :
Di una sorella, nata morta dopo Petit-Georges e prima di me, non parlava mai.
Pour terminer l’analyse lexicale, il convient de s’attarder sur un phénomène qui
sert de « pont » vers la section suivante : le changement de préposition. Souvent, certaines
constructions de la langue française contenant une préposition en demandent une diffé-
rente lorsqu’elles sont traduites vers l’italien. Ce phénomène est évident dans ces lignes,
tirées de l’épilogue du roman :
Ce que tu as ressenti quand la bobine a commencé de tourner ? Difficile à dire…
Pour commencer cette analyse, la proposition « ce que tu as ressenti » a été traduite par
« cos’hai provato », pour rendre la traduction vers l’italien plus fluide. Ensuite, l’attention
s’est concentrée sur la subordonnée temporelle « quand la bobine a commencé de tour-
ner » et en particulier sur le syntagme « a commencé de tourner ». La construction verbale
française « commencer de + verbe à l’infinitif » se traduit en italien par « iniziare a +
verbe à l’infinitif ». Par conséquent, la phrase a été traduite par « quando la bobina ha
iniziato a girare ». Enfin, il ne restait que le « difficile à dire » à traduire. D’abord, dans
la traduction, il a fallu ajouter le présent indicatif du verbe « être » devant l’adjectif « dif-
ficile ». En effet, en italien, les phrases nominales sont peu employées dans le langage
écrit. Ensuite, la traduction du syntagme prépositionnel « à dire » présentait une situation
opposée à celle d’« a commencé de tourner ». Si, dans ce dernier syntagme, la préposition
« de » était remplacée par « a » en italien, dans « à dire », c’est exactement l’inverse qui
se produisait. Le « difficile à dire» français a été traduit par « difficile da dire», vu qu’en
italien, en général, les verbes impersonnels composés d’« être » et d’un adjectif sont sui-
vis de cette préposition. Donc, le résultat final, c’était :
Cos’hai provato quando la bobina ha iniziato a girare? È difficile da dire…
Un autre exemple repose dans la phrase suivante, où le frère ainé de Moïse, Petit-Georges,
fait un avertissement à l’autre frère de Moïse, le petit René :
115
Il faut bien travailler à l’école,
René, parce que sinon on nous
enverra à la Guerre comme papa.
Bisogna andare bene a scuola,
René, perché sennò ci
manderanno in Guerra come
papà.
Il est vrai que la construction « à la guerre » est employée aussi en italien (« alla guerra »),
mais dans ce cas elle n’est pas la solution appropriée. En effet, la construction française
« enverrer à la guerre » a comme équivalent italien « mandare in guerra ».
Ces observations faites, il est évident que le changement de préposition implique
aussi des modifications dans la syntaxe du texte : la section qui suit les analysera de ma-
nière détaillée.
4.3. Observations de type syntaxique
La dernière partie du commentaire est consacrée aux observations et, surtout, aux
variations de type syntaxique.
En termes de syntaxe, l’allongement a été repéré plusieurs fois au cours du travail.
Comme expliqué dans le premier chapitre, toute traduction tend à être plus longue par
rapport au texte original. Ce phénomène dérive de la nécessité d’adapter certaines struc-
tures syntaxiques à la langue italienne. En particulier, l’allongement est employé surtout
pour éviter des ambiguïtés, comme dans l’exemple suivant :
Je veux que tout soit comme avant, qu’on revienne à ce jour lointain quand tu m’as
regardé dans les yeux, à la maternité, et que tu m’as couronné père quoi qu’il arrive.
Le mot « maternité » a été pris en considération. Son équivalent italien « maternità » in-
dique le service hospitalier où les mères peuvent accoucher leurs enfants, mais aussi le
période d’abstention du travail pour la mère pendant les mois qui précèdent et suivent la
naissance de son fils. Vu que, dans ce cas, l’auteur se réfèrait au service hospitalier, il
valait mieux ajouter, dans la traduction, l’équivalent italien du mot « service », « re-
parto » :
Voglio che tutto sia come prima, che ritorniamo a quel giorno lontano in cui mi hai guardato negli occhi, al reparto maternità, e mi hai incoronato padre qualsiasi cosa
accada.
116
Un autre exemple repose dans la phrase suivante, où la grand-mère de Moïse lui fait une
promesse le jour de sa naissance :
Quand on vient avec le vin de messe, le Christ reste toujours à nos côtés.
En ce cas, le verbe « vient » ne pouvait pas être traduit par un simple « viene ». Étant
donné que le contexte était celui d’une naissance, il était une abréviation de la locution
« venir au monde », qui est également employée en italien. Il fallait donc ajouter au verbe
« viene » le syntagme prépositionnel « au monde » pour rendre le même sens que le texte
original :
Quando si viene al mondo con il vino della comunione, Gesù resta sempre al nostro
fianco.
L’allongement se produisait aussi à travers l’ajoute de certains adverbes, utilisés pour
accentuer une négation :
Après être entré dans mon bureau sans une bise, (…) il a farfouillé
dans un sac à dos.
Dopo essere entrato nel mio ufficio senza neanche darmi un
bacio, (…) ha rovistato in uno
zaino.
N’as-tu pas rêvé ? Non avrai mica sognato?
Ce type de modification a comporté des changements supplémentaires qui concernaient
les verbes. Dans le deuxième, le verbe au passé composé est passé au futur antérieur en
italien pour mettre en évidence le fait que l’auteur faisait une supposition. Dans le premier
exemple, au contraire, la préposition italienne « senza » ne régit pas le syntagme nominal
« un bacio » : par conséquent, il a fallu ajouter le verbe « darmi », « donner à moi » en
italien, entre « senza » et « un bacio ». L’adaptation à l’italien se voit aussi dans les
phrases suivantes :
Il a blêmi, a bafouillé, et s’est re-
tiré dans sa chambre.
È impallidito, ha farfugliato qualcosa e si ritirato in camera
sua.
117
Je lui détaillai cette rencontre
inattendue, puis le nom de jeune
fille de Françoise.
Gli raccontai nei dettagli
quell’incontro inatteso, poi gli
dissi il cognome da nubile di
Françoise.
D’abord, le verbe italien « farfugliare » est transitif, donc il a fallu ajouter après lui le
pronom indéfini « qualcosa », « quelque chose » en français. Puis, le verbe « détailler »
se traduit par « raccontare nei dettagli » : vu qu’il régit le substantif « incontro », mais
pas « cognome », il a été nécessaire d’ajouter un autre verbe avant de ce dernier.
Les modifications dans les structures syntaxiques sont influencées aussi par les
changements de signes de ponctuation. La première application de ce phénomène repose
dans les dialogues, dont la structure est différente selon la langue. En français, les ré-
pliques d’un dialogue sont toutes inscrites dans le même couple de guillemets, ce qui les
fait sembler comme une seule unité. En italien, au contraire, les répliques sont séparées
entre elles, comme le montre l’exemple suivant :
« Il nous a menti pendant des an-
nées, Jean. Il nous a menti à tous.
– Qui?
– Ton grand-père.»
“Ci ha mentito per anni, Jean. Ha
mentito a tutti.”
“Chi?”
“Tuo nonno.”
La deuxième application repose dans l’emploi de la virgule. Souvent, le texte original
présentait des périodes très longues où les subordonnées étaient séparées entre elles par
des virgules. Pour rendre le texte traduit plus coulissant, les virgules ont été remplacées
par des points et les périodes ont été ainsi divisées en phrases :
Bien sûr, j’ai souffert de la faim
et du froid, les longues soirées
d’hiver sans lumière, juste le cou-
vercle du poêle entrouvert, nous
soupions de bonne heure pour
nous coucher tôt et économiser le
goûter et le bois du poêle.
Certo, ho sofferto la fame, il
freddo e le lunghe serate
d’inverno senza luce, c’era solo il
coperchio della stufa socchiuso.
Cenavamo di buon’ora per
andare a letto presto e risparmiare sulla merenda e sulla legna per la
stufa.
118
Heureusement, nous avions une
petite chatte, Minette, et c’est sur
elle que j’ai reporté mon attache-
ment, près d’elle aussi que j’al-
longeais mon corps, les nuits de
grand gel.
Per fortuna, avevamo una gattina,
Minette, ed è su di lei che ho
riversato il mio affetto. È anche
vicino a lei che mi stendevo, nelle
notti di grande gelo.
En certains types de subordonné, la virgule a été remplacée par une partie du discours. Le
tableau qui suit présente une subordonnée relative traduite en utilisant un pronom relatif
et deux subordonnées, une consécutive et une causale, où la virgule est substituée par une
conjonction :
Je me souviens d’un soir, Petit-
Georges avait dit en se serrant le
ventre…
Mi ricordo di una sera in cui
Petit-Georges aveva detto,
stringendosi la pancia…
J’ai tellement faim, je pourrais
manger le cul d’un canard qui ne
vole pas !
Ho talmente fame che potrei
mangiare il culo di un’anatra che
non vola!
L’école continuait tant bien que
mal, mais uniquement avec des
institutrices, les hommes étaient
au front.
La scuola bene o male
continuava, ma solo con delle
maestre perché gli uomini erano
al fronte.
Quand la période est trop longue, les deux points assument la même fonction que le point :
Man Fine, ma grand-mère mater-
nelle, déposa dans mon landau une petite bible à la couverture
beige, aux coins ferrés de cuivre,
mignonne comme tout parce
qu’elle était neuve, et qu’on ne
voyait pas tous les jours des ob-
jets neufs par chez nous, encore
moins des livres.
Nonna Fine, la mia nonna
materna, mise nella mia carrozzina una piccola Bibbia
dalla copertina beige con gli
angoli di rame, davvero carina
perché era nuova: da noi oggetti
nuovi non si vedevano tutti i
giorni, tanto meno dei libri.
Les deux points sont employés aussi pour introduire une explication :
119
Il jouait de l’accordéon, animait
des bals le dimanche, faisait val-
ser les jeunes dans les estaminets,
et c’est ainsi qu’ils tombèrent
fous amoureux.
Suonava la fisarmonica, animava
le feste la domenica e faceva
ballare il valzer ai giovani nelle
bettole: fu così che si
innamorarono follemente.
C’était pas une bonne manière de
s’aimer, et quand ça criait trop,
Jacques flanquait toute sa famille
dehors et, bien sûr, la tribu arri-
vait chez nous, souvent en pleine
nuit.
Non era un bel modo di amarsi:
Jacques metteva alla porta tutti i
componenti della sua famiglia
quando urlavano troppo e,
ovviamente, la tribù veniva da
noi, spesso nel cuore della notte.
Enfin, les deux points peuvent être utilisés pour séparer des actions en séquence :
Maman était dans les douleurs
quand les gens gagnèrent l’office,
et lorsqu’ils repassèrent une
heure après, j’étais là.
La mamma era entrata in
travaglio quando la gente entrò in
chiesa per la messa: quando
questa tornò, dopo un’ora, ero là.
Un autre type de modification syntaxique, c’est le changement de l’ordre des syn-
tagmes à l’intérieur d’une phrase. Ce phénomène s’est présenté plusieurs fois au cours du
travail, vu que l’ordre des mots dans la langue italienne est plus libre que dans le français.
Les syntagmes peuvent être déplacées en avant ou en arrière dans la phrase ou inverser
leur position, à groupes de deux :
Elle promène son Jacques un peu
partout, comme ça…
Porta a passeggiare così il suo
Jacques, un po’ ovunque…
Quand ça criait trop, Jacques
flanquait toute sa famille dehors.
Jacques metteva alla porta tutti i
componenti della sua famiglia
quando urlavano troppo.
Ma mère résista quand même
deux ans.
Mia madre comunque si oppose
per due anni.
Tout le monde s’arrêtait à l’ombre de ces arbres quelques
instants.
Tutti si fermavano per qualche
istante all’ombra di quegli alberi.
120
Ensuite, certains mots peuvent être supprimés dans la traduction parce que la
langue cible ne le demande pas. Dans la phrase suivante, par exemple, le pronom tonique
« eux » a été éliminé parce que, en italien, la structure « aspettare in essi » n’existe pas :
Peut-être l’idée des mots (…) qui avaient patienté si longtemps en
eux.
Forse per l’idea delle parole (…) che avevano aspettato così a
lungo.
Quand la phrase présente une répétition, la langue française répète le substantif autant
que le déterminant. En italien, par contre, c’est uniquement le substantif à être répété,
tandis que le déterminant se transforme en article zéro :
Ces pages et ces pages… Quelle pagine e pagine…
Le dernier phénomène à être traité, c’est une autre suppression, à savoir celle qui
concerne des entières structures syntaxiques. Souvent, les structures supprimées sont
celles qui sont moins employées dans la langue italienne par rapport à la langue française.
C’est le cas, par exemple, des présentatifs et de la dislocation du sujet :
C’est une institutrice, madame
Gaufrette, qui vint.
Un’insegnante, la signora
Gaufrette, arrivò.
Elle n’était pas la plus intelligente
du village par hasard, madame
Gaufrette.
Non era un caso se la signora
Gaufrette era la più intelligente
del paese.
La coordination aussi tend à être supprimée : en effet, en général, elle est vue d’un mau-
vais œil parce qu’elle tend à rendre les textes moins coulissants. D’habitude, les subor-
données lui sont préférées, comme dans l’exemple qui suit. En ce cas, la subordonnée
employée est relative :
121
Ça tétanisait ma mère à chaque
fois, et elle rougissait.
Ogni volta lasciava di stucco mia
madre, che arrossiva.
Maintenant, la phrase suivante est à observer :
Sans compter que madame Robinet, la femme du garde champêtre (elle tenait une ferme
où nous allions chercher du lait avant-guerre), continua à nous en fournir, et sans qu’on
la paye, en plus !
Ce passage contient une longue parenthèse. Elle aurait pu être préservée dans la traduc-
tion, mais ainsi faisant le texte aurait perdu sa fluidité. Par conséquent, elle a été suppri-
mée, tandis que la virgule a été remplacée par les deux points introduisant une séquence
d’actions :
Senza contare che la signora Robinet, la moglie della guardia campestre, aveva una
fattoria dove andavamo a prendere il latte prima della guerra: continuò a fornircene e
senza che la pagassimo, per giunta!
La dernière suppression, avec laquelle le travail sur la traduction s’achève, concerne le
discours direct. En particulier, dans la langue italienne, quand un discours direct est inséré
dans un autre discours direct, il vaut mieux le transformer en indirect :
« Il crie trop fort, expliqua papa
en abandonnant Petit-Georges
devant la porte de mes grands-pa-
rents. Mieux vaut que vous le pre-
niez quelque temps parce que, la
nuit, quand je me promène avec
lui dans les bras, je pense sou-
vent : “Si ce n’était pas à moi, je
te balancerais ça par la fe-
nêtre !” »
“Piange troppo forte” spiegò
papà abbandonando Petit-
Georges davanti alla porta di casa
dei miei nonni. “È meglio che ve
lo prendiate per un po’ perché di
notte, quando cammino con lui in
braccio, spesso penso che se non
fosse mio figlio lo butterei dalla
finestra!”.
Pour conclure ce chapitre, il faut faire une constatation. Commenter une traduction
signifie comparer deux systèmes linguistiques, en mettant en évidence leurs similitudes,
mais aussi et surtout les différences entre eux. Bien que les deux soient néolatines, en
réalité, le français et l’italien présentent des caractéristiques qui les distinguent nettement
l’un de l’autre et qui ne se trouvent dans aucune autre langue. Cet argument sera traité de
manière plus approfondie dans les conclusions.
122
123
CONCLUSION
Ce mémoire a permis d’approfondir un monde, celui de la traduction, où rien n’est
tenu pour acquis, ni laissé au hasard. En effet, il est comparable à un grand puzzle où
chaque pièce est fondamentale pour la bonne réussite du travail et, pour cette raison, elle
nécessite une observation très minutieuse. Tout le travail a eu comme objectifs principaux
ceux de savoir produire correctement une traduction littéraire passive, à savoir de la
langue étrangère (le français, dans ce cas) vers la langue maternelle (l’italien) ; et, une
fois la traduction complétée, celui de savoir en effectuer une analyse comparative pour
identifier les ressemblances et les différences entre les deux langues associées. De plus,
il a présenté un auteur contemporain émergent, encore peu connu du grand public, et il a
donné un aperçu général sur les théories d’un grand expert de traduction.
Dans la traduction littéraire, il est important d’entrer dans l’esprit du traducteur et,
surtout, dans celui des lecteurs. Destinée à un public plus grand et varié, la traduction sera
évaluée par un nombre de personnes bien plus grand que les lecteurs en langue originale
et il est important de cerner leur(s) horizon(s) d’attente. Dans La traduction et la lettre ou
l’auberge du lointain, Antoine Berman critiquait le fait de devoir adapter le texte original
à la langue d’arrivée : la vérité, c’est que, tôt ou tard, le traducteur est obligé de le faire,
même partiellement. Bien que le texte original doive être respecté, s’il est traduit trop
littéralement, le lecteur peut se sentir désorienté ou même dupé. La solution idéale serait
de trouver le juste équilibre entre langue source et langue cible, ce qu’essaie de faire le
présent travail.
La traduction de Toutes les histoires d’amour du monde fournit une ultérieure dé-
monstration d’une thèse que les traducteurs éprouvent grâce à leur travail : chaque langue
a inévitablement ses spécificités idiomatiques. Il est vrai que des langues ayant les mêmes
origines, dans ce cas le français et l’italien, peuvent présenter des ressemblances, mais,
en réalité, ces ressemblances ne constituent qu’un pourcentage minimal de la langue dans
son intégralité. Si le français et l’italien étaient deux langues parfaitement correspon-
dantes, la traduction serait un jeu d’enfant. Or, des points opaques du lexique, des éche-
veaux de phrases compliqués, des tournures idiomatiques mettent à l’épreuve le transfert
d’une langue à l’autre, même voisine.
124
Maintenant, il faut s’attarder sur un aspect qui a beaucoup frappé : la traduction
d’« en accusait les branches et le sous-bois ». Pour le traducteur, faire le départ entre une
expression originale et une expression idiomatique encore jamais rencontrée peut s’avérer
un parcours de surprises continues. L’expérience du traducteur l’amène à « passer au
tournis » tous les termes rencontrés au cours du travail pour en sonder le fonctionnement.
De plus, quand un traducteur travaille fréquemment avec les expressions idiomatiques, il
apprend à en détecter la structure : ainsi, quand il a à faire à un syntagme qui lui rappelle
une expression idiomatique, il pourrait être tenté de l’étiqueter comme telle, à tort. Les
expressions idiomatiques étaient récurrentes dans le texte : ce mémoire peut servir comme
base de laquelle partir pour effectuer des études lexicographiques plus approfondies.
Enfin, il est juste de prononcer un mot sur Baptiste Beaulieu. Continuer à traduire
ses œuvres servirait à faire connaitre un auteur émergent qui est encore peu connu en
dehors de son pays, même si des traductions de ses trois premières œuvres ont déjà été
effectuées vers d’autres langues et en particulier vers l’allemand et l’espagnol. En effet,
nulle analyse académique n’est encore recensée dans les bibliographies spécialisées. Ce
mémoire peut contribuer en ce sens : les auteurs émergents méritent la juste considération
de la part des maisons de presse, des lecteurs, des critiques littéraires et des chercheurs.
Ce travail sur Baptiste Beaulieu peut inciter à lire, étudier et divulguer aussi les autres
œuvres publiées par l’auteur, qui méritent d’être prises également en considération.
En résumant, la traduction de Toutes les histoires d’amour du monde peut être
considérée comme une contribution au panorama de la traduction littéraire. Cependant, il
faut souligner qu’elle n’est qu’une proposition : vraisemblablement, elle est destinée à
rester ainsi, mais l’avenir n’est pas écrit et néanmoins toutes les traductions le sont.
125
INTERVIEW À BAPTISTE BEAULIEU : « J'AI DÉCOUVERT LA
PLUS BELLE HISTOIRE D'AMOUR QUI SOIT»
À l’occasion de la sortie dans les librairies de Toutes les histoires d’amour du
monde, Baptiste Beaulieu a accordé l’interview qui suit au quotidien français 20 minutes.
Comment vous est venue l’idée de ce roman ?
J’ai trouvé trois vieux carnets dans lesquels mon grand-père racontait sa vie. Cela
a été un double choc, personnel et familial : d’abord parce que c’était plutôt quelqu’un de
taiseux qui ne s’épanchait pas et ensuite, parce que j’ai découvert qu’il avait vécu la plus
belle histoire d’amour qui soit… Sauf que ce n’était pas avec ma grand-mère. Évidem-
ment, il a fallu faire un gros travail de réécriture derrière car ce n’était pas un écrivain.
Dans le livre, la maladie est très présente, c’est le lien avec votre profession
de médecin qui fait ça ?
La question s’est posée de couper certains passages, en particulier celui sur le
cancer qui affecte l’un des personnages au début du livre. Mais la maladie dit aussi la
réalité d’un corps malmené dans les années d’avant-guerre. Un corps qui boit, fume et
finit par mourir dans d’atroces souffrances. D’autant que les traitements médicaux étaient
encore balbutiants. Pour traiter les tumeurs, les médecins posaient des morceaux de ra-
dium directement sur les plaies. Cela en dit énormément sur la médecine à l’époque.
Dix ans après avoir commencé à exercer la médecine, est-ce que votre regard
sur la profession a changé ?
Pendant nos études, on a tendance à croire que les médecins peuvent tout guérir.
Quand on commence à exercer, la réalité nous rattrape : bien sûr, on arrive à guérir cer-
tains patients, heureusement d’ailleurs mais il y en a aussi beaucoup qui ne réagissent pas
aux traitements et qui meurent.
126
Vous êtes très présents sur les réseaux sociaux ?
En une dizaine d’années, j’ai aussi vu les réseaux sociaux franchir la barrière de
la médecine. Des médecins mais aussi des étudiants en médecine se mobilisent pour faire
évoluer les pratiques. C’est aussi un espace d’expression privilégié. Si j’avais pu m’ex-
primer sur Twitter pour partager mes doutes et mes peines comme c’est le cas parfois,
j’aurais sans doute moins pleuré. À l’époque, en tant que médecin et gay, c’était difficile
de répondre aux remarques homophobes notamment envers les patients LGBT. J’avais
l’impression d’être en minorité. Ce n’est plus le cas. Si on me disait ça aujourd’hui, je me
sentirais soutenu par toute une communauté LGBT et des soignants présents sur les ré-
seaux.
Pensez-vous que vous allez réussir à trouver l’amoureuse de votre grand-
père ?
Oui car j’ai écrit ce livre pour cette raison. D’ailleurs, les lectrices et les lecteurs
sont invités à m'aider à la retrouver. Anne-Lise Schmidt aurait 73 ans aujourd’hui, et je
souhaite vivement la voir pour finir l’histoire. Souvent, j’imagine nos retrouvailles, on se
verrait, on tomberait dans les bras l’un et l’autre et on pleurerait ensemble. Je sais, je suis
très sentimental. Mais ce serait réellement magnifique, non ?
127
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129
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RIASSUNTO
La traduzione ricopre un ruolo molto importante nella società attuale in quanto
facilita gli scambi culturali e commerciali e rende accessibili al grande pubblico non solo
le opere letterarie, ma anche le nuove tecnologie e innovazioni. Per questo motivo è stata
scelta come argomento di questa tesi di laurea. L’opera oggetto della traduzione è
letteraria: si tratta, infatti, del romanzo contemporaneo Toutes les histoires d’amour du
monde di Baptiste Beaulieu, che in questa tesi è stato tradotto dal francese all’italiano. I
quattro capitoli in cui la tesi è divisa contengono, oltre alla proposta di traduzione, le
teorie di un noto traduttore, una presentazione dell’autore del romanzo e delle sue opere
e un’analisi comparativa tra il testo originale e la sua traduzione.
Il primo capitolo illustra le teorie del traduttore Antoine Berman, soffermandosi
in particolare su due dei suoi saggi. Il primo, intitolato La traduction et la lettre ou
l’auberge du lointain, costituisce il riassunto di un seminario che l’autore tenne nel 1984.
Il testo di quest’opera è idealmente diviso in due parti: nella prima, Berman critica le
teorie di traduzione classiche, secondo le quali il testo tradotto dev’essere perfino più
bello dell’originale. Nella seconda parte, invece, l’autore analizza tre grandi traduzioni.
La prima parte dello studio di quest’opera si sofferma sui concetti di “traduzione
etnocentrica” e “traduzione ipertestuale”, due tipi di traduzione strettamente legati tra
loro. La traduzione etnocentrica è incentrata sulla cultura, sulle norme e sui valori propri
del traduttore ed esclude tutto ciò che ne è al di fuori: a quest’ultimo Berman dà il nome
di “Étranger”, “straniero” in francese. In questo tipo di traduzione, il testo tradotto non
deve presentare nessuna traccia della lingua originale e, di conseguenza, il traduttore deve
lavorare pensando a come potrebbe essere il testo originale se fosse stato scritto nella
lingua di destinazione. La traduzione ipertestuale, invece, riguarda i testi nati dalla
trasformazione di testi già esistenti, dei quali vengono ripresi i tratti stilistici per produrre
un nuovo testo. La seconda parte dell’analisi de La traduction et la lettre ou l’auberge du
lointain, illustra le tredici “tendenze deformanti” individuate da Berman, ossia i tredici
modi in cui i testi originali, in particolare quelli in prosa, vengono deformati attraverso la
loro traduzione. Infine, l’ultima parte della sezione contiene l’analisi, effettuata dallo
stesso Berman, della traduzione dell’Eneide di Virgilio eseguita da Pierre Klossowski, la
cui importanza risiede nel fatto che ha messo in discussione le teorie di traduzione
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classiche. A seguire, l’attenzione si sposta verso il secondo saggio analizzato, L’épreuve
de l’étranger, in cui Berman studia le teorie di traduzione degli autori romantici tedeschi
mettendole a confronto con quelle contemporanee. In particolare, in questa tesi vengono
presentate le teorie di Goethe, A. W. Schlegel e F. Schleiermacher. Goethe elaborò il
concetto di “letteratura mondiale”, ovvero l’insieme delle opere letterarie che
costituiscono il patrimonio culturale dell’umanità e che diventano accessibili attraverso
la traduzione. Schlegel si soffermò sul desiderio dei traduttori di tradurre qualsiasi cosa,
mentre Schleiermacher studiò la traduzione in quanto inserita all’interno di uno spazio
ermeneutico-linguistico. L’analisi delle teorie dei tre autori romantici è preceduta da
quella della prefazione del saggio, che si può considerare un vero e proprio manifesto
della traduzione. L’ultima parte del capitolo è dedicata a Friedrich Hölderlin, un autore
trattato in entrambi i saggi di Berman che dimostrò di avere un’attenzione particolare nei
confronti di ciò che è “straniero”: tale attenzione è evidente nelle sue poesie e nella sua
traduzione dell’Antigone di Sofocle, delle quali viene proposta un’analisi.
Il secondo capitolo è interamente dedicato a Baptiste Beaulieu, l’autore del
romanzo tradotto nella tesi. Beaulieu ha accostato il mestiere di scrittore a quello
principale di medico di base e il suo blog, Alors voilà, è molto conosciuto in Francia.
Dopo un breve riepilogo della sua biografia, vengono presentate le quattro opere
pubblicate dall’autore fino ad ora. All’opera oggetto della proposta di traduzione, Toutes
les histoires d’amour du monde, viene dedicata un’attenzione particolare. Il romanzo
narra la storia semiautobiografica di un uomo, Jean, che non parla più con suo padre Denis
da sei mesi. Tuttavia, padre e figlio si riconcilieranno grazie a una serie di lettere in cui
Moïse, padre di Denis e nonno di Jean, racconta la storia della sua vita. La lettura delle
lettere porterà alla scoperta di un segreto che lo schivo Moïse ha tenuto nascosto per molti
anni. Dopo la presentazione della trama, l’analisi si sposta verso i tre temi trattati nel
romanzo: l’amore e le forme in cui si presenta, la medicina, tema comune a tutte le opere
di Beaulieu, e la memoria del passato. Infine, il capitolo termina con un approfondimento
sul genere letterario a cui Toutes les histoires du monde appartiene, ossia quello
dell’autofiction. Con questo termine, ideato dallo scrittore francese Serge Doubrovsky, si
intende un genere letterario che unisce la narrazione della vita dell’autore, fatta in prima
persona dall’autore stesso, a elementi fittizi.
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Il terzo capitolo è dedicato alla proposta di traduzione: pur adattando il testo
francese alla lingua italiana, è stata eseguita nel rispetto dello stile originale e delle
specificità della lingua francese. Toutes les histoires d’amour du monde ha una lunghezza
di 480 pagine, ma ne sono state tradotte solo le prime 80, corrispondenti alla quasi totalità
della prima parte del romanzo. La traduzione è stata effettuata con l’aiuto del dizionario
bilingue Garzanti e di due dizionari monolingue, ovvero le versioni online del Trésor de
la Langue Française per il francese e del dizionario Garzanti per l’italiano. Altri dizionari
e siti Internet specializzati, citati nella bibliografia e nella sitografia, sono stati usati
all’occorrenza in casi particolari. Per facilitarne il confronto, testo originale e testo
tradotto sono stati inseriti in una tabella speculare.
Il quarto e ultimo capitolo della tesi consiste nel commento alla traduzione, ossia
nell’analisi delle modifiche che sono state apportate alla traduzione rispetto al testo
originale. Il capitolo è diviso in tre parti, nelle quali le modifiche vengono presentate
secondo l’ambito della linguistica coinvolto. La prima parte riguarda le modifiche di tipo
morfologico, meno frequenti rispetto alle altre, la seconda quelle di tipo lessicale e la
terza quelle che riguardano la sintassi del testo. Un’attenzione particolare viene riservata
agli esempi la cui traduzione ha presentato alcune difficoltà o che hanno destato curiosità,
come ad esempio la presenza di due errori nel testo originale.
Infine, l’analisi, che ha portato alla luce fenomeni sia generali che particolari, è
corredata da due appendici. La prima consiste in un’intervista che Baptiste Beaulieu ha
rilasciato al quotidiano francese 20 minutes in occasione dell’uscita nelle librerie di
Toutes les histoires d’amour du monde. La seconda appendice, invece, consiste in un
“concordancier”, una tabella in cui vengono presentate alcune parole del testo originale
francese appartenenti al linguaggio militare: per ognuna vengono menzionati la rispettiva
definizione nei dizionari monolingue francesi e il proprio equivalente italiano.
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