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Amnesty International DOCUMENT PUBLIC RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE La peine de mort en 1998 index AI : ASA 17/57/99 ÉFAI 00 RN 7

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Amnesty International

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RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

La peine de mort en 1998

index AI : ASA 17/57/99 •

ÉFAI 00 RN 7 •

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AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI Index AI : ASA 17/57/99 DOCUMENT PUBLIC Londres, décembre 1999

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

La peine de mort en 1998 Résumé* Au cours de l’année 1998, Amnesty International a dénombré en Chine 2 701 condamnations à mort et 1 769 exécutions confirmées. Ces chiffres tiennent compte d’un certain nombre de condamnations prononcées en 1997 qui n’ont été connues qu’en 1998. Le chiffre relatif aux sentences capitales n’inclut pas en revanche un nombre important de condamnations à mort probablement prononcées mais dont on a simplement eu connaissance par déduction à partir d’informations ambiguës.

On pense que ces chiffres restent très en deçà de la réalité. Ils sont basés sur les informations rendues publiques qu’Amnesty International a rassemblées, comme il est indiqué dans le document public qui accompagne ce rapport. En Chine, une partie seulement des condamnations et des exécutions sont portées à la connaissance du public, les informations les concernant étant diffusées de manière sélective par les autorités compétentes.

Ces chiffres minimums pour l’année 1998 révèlent un État qui condamne à mort en moyenne 51 personnes par semaine — ce qui a été observé tout au long des années 90 — et qui procède à davantage d’exécutions que tous les autres pays du monde réunis.

En septembre 1998, la Cour populaire suprême a indiqué que le nombre des exécutions avait très fortement baissé à la suite de la révision du Code pénal entrée en vigueur en octobre 97. Cette affirmation aurait plus de poids si les faits,

* La version originale en langue anglaise du document résumé ici a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre : People’s Republic of China: The Death Penalty in 1998. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI – avril 2000. Vous pouvez également consulter le site ÉFAI sur internet : http://efai.i-france.com

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c’est-à-dire les chiffres et les cas individuels, étaient connus. Or, tel n’est pas le cas puisque les statistiques nationales relatives à la peine de mort continuent de relever du secret d’État.

Ce rapport présente un tableau général du recours à la peine de mort en Chine pendant l’année 1998 et examine les caractéristiques des décisions judiciaires, ainsi que l’impact de la révision du Code de procédure pénale de 1997 (entrée en vigueur en janvier 1997) et de celle du Code pénal (portant sur le recours à la peine capitale). Un autre document public intitulé People’s Republic of China: The Death Penalty Log in 1998 [République populaire de Chine. Relevé des cas de peine de mort en 1998] (index AI : ASA 17/56/99) accompagne et complète le présent rapport.

Amnesty International est inconditionnellement opposée à la peine de mort car ce châtiment constitue à ses yeux la pire forme de traitement cruel, inhumain et dégradant et viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains. En outre, l’Organisation dénonce la manière dont la peine capitale est appliquée en Chine, les conditions dans lesquelles se déroulent les procès — précipitation et iniquité — et le très large champ d’application de la peine de mort.

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AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI Index AI : ASA 17/57/99 DOCUMENT PUBLIC Londres, décembre 1999

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

La peine de mort en 1998 Au cours de l’année 1998, Amnesty International a dénombré en Chine 2 701 condamnations à mort et 1 769 exécutions confirmées. Ces chiffres tiennent compte d’un certain nombre de condamnations prononcées en 1997 qui n’ont été connues qu’en 1998. Ils n’incluent pas en revanche les nombreuses condamnations dont on a eu connaissance par déduction, à partir d’informations ambiguës, notamment d’articles parus dans la presse chinoise en 1998 qui faisaient état d’exécutions “ collectives ” sans préciser les noms ni le nombre des condamnés.

On pense que ces chiffres relatifs aux sentences capitales et aux exécutions restent très en deçà de la réalité. Ils sont basés sur les informations rendues publiques qu’Amnesty International a rassemblées, comme il est indiqué dans le document public qui accompagne ce rapport. En Chine, une partie seulement des condamnations et des exécutions sont portées à la connaissance du public, les informations les concernant étant diffusées de manière sélective par les autorités compétentes. Ces chiffres tiennent compte des informations relatives à des exécutions de prisonniers politiques, à des exécutions publiques et à des mineurs condamnés à la peine de mort, ces deux derniers types de cas étant contraires à la législation chinoise.

Ces chiffres minimums pour l’année 1998 révèlent un État qui condamne à mort en moyenne 51 personnes par semaine et procède à davantage d’exécutions que tous les autres pays du monde réunis, ce qui a été observé tout au long des années 90.

Entre 1990 et la fin de 1998, Amnesty International a enregistré en Chine plus de 25 000 condamnations à mort et plus de 16 760 exécutions, soit une moyenne annuelle d’au moins 2 800 condamnations et 1 850 exécutions confirmées.

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Amnesty International est inconditionnellement opposée à la peine de mort car ce châtiment constitue à ses yeux la pire forme de traitement cruel, inhumain et dégradant et viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains. Par ailleurs, l’Organisation juge préoccupante la manière dont la peine de mort est appliquée en Chine, le très large champ d’application de la peine de mort, ainsi que la rapidité et l’inéquité des procès.

Au cours de la décennie écoulée, la criminalité a considérablement augmenté en Chine et les campagnes de répression lancées au niveau régional comme au niveau national n’ont pas eu à long terme d’effet significatif sur son évolution.

La peine de mort frappe principalement les personnes d’un faible niveau d’éducation et d’un rang social modeste. Il est révélateur que, dans une large mesure, les délits de cols blancs tels que la corruption, le détournement de fonds ou l’escroquerie soient punis d’une peine de mort assortie d’un sursis de deux ans plus fréquemment que les autres infractions sanctionnées par la peine capitale

Les études scientifiques n’ont jamais pu prouver que la peine de mort avait un effet plus dissuasif que d’autres châtiments. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a indiqué, en 1997, qu’il estimait que “ la peine de mort ne constitue pas une méthode appropriée pour lutter contre la criminalité croissante que connaît la Chine ” et que “ la peine capitale devrait être supprimée pour les crimes économiques et les infractions à la législation sur les stupéfiants ”1.

En septembre 1998, la Cour populaire suprême a indiqué que le nombre d’exécutions avait considérablement diminué à la suite la révision du Code pénal. Le 11 février 1998, le juge Zhang Jin, membre de cette cour, a déclaré que “ la forte réduction du nombre d’infractions punies de mort [dans le Code pénal amendé] montre que la Chine accorde beaucoup de valeur à la vie des criminels2 ”.

Le 6 octobre 1998, le quotidien semi-officiel Guangming Daily a donné un aperçu des “ garanties prévues par la législation chinoise pour la protection des droits humains en matière judiciaire ” et a expliqué que “ concernant l’application de la peine de mort, la Chine a toujours eu pour principe de limiter au maximum le nombre d’exécutions, de n’y recourir qu’en cas d’absolue nécessité et seulement pour les crimes particulièrement graves révélant une profonde perversité, et lorsque le maintien de l’ordre social ne pourrait être assuré sans ces exécutions ”.

De telles déclarations faisant état d’une application limitée de la peine capitale ne sont pas corroborées par les constatations qu’Amnesty International a pu faire en 1998 et au cours des années précédentes. Cette affirmation ne serait pas mise en doute si elle se fondait sur des faits : chiffres et exemples de cas individuels. Or, l’Organisation ne dispose d’aucune preuve concernant une telle diminution. Ainsi, les affirmations relatives à “ une forte diminution ” des condamnations capitales ne sont appuyées sur aucune donnée factuelle ou chiffrée de source chinoise

1. Rapport 1996. E/CN.4/1997/60/Add.1 2. Agence de presse officielle Xinhua (Chine nouvelle), 11/02/98

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officielle. Bien au contraire, les statistiques relatives à la peine de mort demeurent secrètes.

En avril 1998, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Bacre Waly Nidaye, a déclaré qu’il poursuivait ses démarches en vue de se rendre en Chine : “ Depuis 1992, j’ai sollicité l’autorisation de me rendre en Chine pour des raisons identiques à celles pour lesquelles je suis allé aux États-Unis : le recours à la peine de mort et son intensification, non conformes aux normes internationales3 ”. En avril 1998, la Commission des droits de l’homme des Nations unies a demandé instamment aux États d’adopter un moratoire sur les exécutions et de s’employer à abolir la peine de mort. Il a été indiqué qu’il existe dans la majorité des pays un courant manifeste en faveur de l’abolition de cette peine. Mais des exceptions demeurent, c’est le cas de la Chine. Mary Robinson, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a déclaré : “ J’espère que le jour viendra où [...] par consensus, nous mettrons la peine de mort hors la loi, car, en ma qualité de Haut commissaire, je dois dire qu’elle est contraire à mon sens de la dignité de la personne humaine4 ”.

Amnesty International a exprimé ses préoccupations au sujet de la peine de mort en Chine dans le document intitulé République populaire de Chine. La peine capitale en Chine : nouveaux records et nouvelles transgressions de la loi (index AI : ASA 17/38/97). Les modifications des dispositions du Code de procédure pénale relatives à la peine de mort sont décrites dans le document : République populaire de Chine. La réforme législative et les droits de l’homme (index AI : ASA 17/14/97, mars 1997).

On trouvera dans les pages suivantes un certain nombre d’informations reçues par Amnesty International au cours de l’année 1998. Ce rapport est destiné à être lu conjointement avec le document public intitulé : People’s Republic of China: The Death Penalty Log in 1998 [République populaire de Chine. Relevé des cas de peine de mort en 1998] (index AI : ASA 17/56/99) et qui consiste en une liste chronologique des condamnations et des exécutions signalées en Chine en 1998, établie par Amnesty International. L’Organisation n’est pas en mesure de confirmer l’exactitude de chacune de ces informations qui proviennent de sources diverses, en particulier des médias officiels chinois.

Les orientations de la politique pénale

Poursuite de la campagne “ Frapper fort ”

La campagne nationale de répression de la criminalité lancée le 28 avril 1996 sur le thème “ Frapper fort ”, s’est traduite cette année-là par des exécutions massives dont le nombre a dépassé le record enregistré en 1983, et par de nombreux exemples de justice expéditive. La campagne s’est poursuivie pendant les années 1997 et 1998, contre certaines infractions comme le trafic de drogue, la corruption, la fraude concernant la taxe sur la valeur ajoutée ou encore, au 3. Reuters, 16/04/98 4. Reuters, 3/04/98

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Xinjiang, le “ séparatisme ”. Depuis 1997, dans de nombreuses provinces, des campagnes “ Frapper fort ” ont été lancées au niveau local ou régional contre la criminalité en général ou contre certaines catégories d’infractions.

Pendant ces campagnes, les accusés sont souvent condamnés à la peine capitale et exécutés pour des infractions qui, à un autre moment ou dans une autre région, auraient été sanctionnées par des peines moins sévères. Parfois, le lancement d’une campagne de ce type donne lieu à d’énormes rassemblements. Ainsi, le 25 août, 164 personnes ont été condamnées à mort à l’issue du jugement de 88 affaires, devant la foule qui s’était rassemblée à l’occasion de cette campagne à Guangzhou, et dans dix autres districts de la province. Selon certaines sources, “ plusieurs ” exécutions ont suivi ces condamnations5. Le 3 avril, à Tianjin, quatre personnes ont été exécutées à l’issue d’un de ces rassemblements de condamnation publique organisé dans le cadre d’une campagne “ Frapper fort ”6.

Le 11 décembre 1998, les Nouvelles juridiques ont publié une information selon laquelle, depuis septembre 1998, une campagne “ Frapper fort ” dirigée contre la “ criminalité violente ” avait donné lieu, dans la seule province de Liaoning, à dix rassemblements de condamnation publique pour juger des criminels ayant “ gravement porté atteinte à l’ordre public ”. À l’occasion de ce qui a été décrit comme la plus importante exécution collective ayant jamais eu lieu à Shenzhen, 30 personnes ont été mises à mort à la suite de leur condamnation par le tribunal populaire intermédiaire de cette ville, dans le cadre de la campagne nationale “ Frapper fort ” ; au total, 53 personnes ont été condamnées au cours d’un rassemblement de condamnation publique pour des infractions allant du meurtre au vol qualifié et au vol simple, et 39 peines capitales ont été prononcées7.

Selon le Quotidien du Xinjiang, 13 personnes ont été exécutées après avoir été condamnées par le tribunal populaire d’Ürümqi, le 27 août 1998. Ce quotidien citait les propos d’un fonctionnaire disant que ces exécutions s’inscrivaient dans le cadre de “ la politique […] de répression de la criminalité ”. Le 10 juin 1998, dix exécutions avaient eu lieu à Guangzhou, dans le sud de la Chine. Ces peines capitales sanctionnaient des infractions de natures diverses. Il s’agissait, d’après certaines informations, des premières exécutions depuis l’“ intensification ” de la campagne “ Frapper fort ” au début du mois de juin. On ne dispose pas d’informations permettant de savoir si cette “ intensification ” était due à une initiative nationale ou régionale8.

En mai, dans la province du Jiangxi une série de rassemblements de condamnations publiques ont été organisés au cours desquels 555 personnes ont été condamnées et “ un certain nombre ” exécutées9. À Pékin, on a signalé, au mois de mai également, que tous les tribunaux avaient “ récemment ” décidé de participer à la campagne “ Frapper fort ” pour lutter contre le cambriolage et le vol10. À Tianjin, pendant le dernier trimestre de 1998, les autorités auraient décidé

5. Nouvelles du soir de Yangcheng, 25/08/98 6. Quotidien de Tianjin, 04/04/98 7. Reuters, 27/8/98 8. Quotidien du Sud, 11/06/98 9. Nouvelles des tribunaux populaires, 21/05/98 10. Nouvelles du soir de Beijing, 04/05/98

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de sévir contre le vol et la contrebande de véhicules automobiles. Au total, 288 suspects ont été arrêtés et 135 placés en détention.

À Shenzhen, le 24 avril, s’est tenu un grand rassemblement au cours duquel ont été condamnés 40 délinquants impliqués dans plus de 11 affaires. On pense que 14 d’entre eux ont été condamnés à mort et ont été “ escortés ” dès la fin du rassemblement jusqu’au lieu de leur exécution pour y être fusillés11. Le 29 juin 1998, 37 personnes, dont une femme, ont été condamnées à mort au cours d’un rassemblement public qui s’est tenu dans un stade de Guangzhou. Ces condamnations ont été suivies de huit exécutions. Sur ces 37 condamnés, 33 avaient fait appel mais tous ces recours avaient été rejetés. D’après certaines sources, le rassemblement comptait 7 000 personnes au nombre desquelles se trouvaient des enfants des écoles12.

Rassemblements publics et exhibition des prisonniers Le Code de procédure pénale interdit les exécutions publiques mais ne prohibe pas expressément l’exhibition des prisonniers condamnés à la peine capitale. L’exhibition humiliante de ces prisonniers, à l’occasion d’importants rassemblements publics, devant la foule rassemblée à cette occasion sur le trajet qui les mène vers le lieu d’exécution demeure courante, malgré l’existence, depuis les années 80, d’un ensemble de décisions réglementaires d’origine gouvernementale ou judiciaire qui interdisent cette pratique13. Les prisonniers sont généralement montrés au public les mains attachées dans le dos, les bras liés par une corde, avec parfois un écriteau pendu à leur cou, où sont inscrits leurs crimes. Comme les années précédentes, des rassemblements de masse et des rassemblements de condamnation publique, parfois retransmis à la télévision et dans bien des cas suivis d’exécutions immédiates, ont eu lieu dans toute la Chine en 1998.

Amnesty International estime que de telles pratiques constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant qui s’ajoute à la cruauté inhérente à la peine de mort.

Après une manifestation contre la drogue qui a eu lieu devant la gare de Chengdu, neuf condamnés à mort auraient été exhibés devant la foule à l’arrière du camion qui les a menés au lieu de leur exécution. Selon certaines informations, ils étaient incapables de dissimuler leur peur et l’un d’eux “ tremblait de tous ses membres ”14.

Le 24 juin, 5 000 personnes auraient assisté à un rassemblement organisé à Baoshan, dans la province du Yunnan, au cours duquel trois condamnations capitales ont été prononcées.

11. Quotidien juridique de Shenzhen, 04/05/98 12. Nouvelles du soir de Yangcheng, 30/06/98 13. Cette interdiction a été réitérée en 1998. Interprétation de la Cour suprême relative à l’application du Code de procédure pénale ( n° 23) : “ les exécutions seront annoncées. Les expositions publiques (youjie shiwei) et les pratiques humiliantes pour ceux qui doivent être exécutés sont interdites ”. 14. Quotidien de la campagne du Sichuan, 24/06/98

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Certains rassemblements sont organisés dans le cadre d’une action spécifique de répression de la criminalité ou pour condamner un groupe de personnes impliquées dans une affaire particulière ou un type de crime en particulier. Ainsi, en avril, le tribunal populaire intermédiaire n° 1 de Tianjin a jugé au cours d’un rassemblement des individus qui avaient tué leur épouse. Trois condamnés ont été exécutés après le rassemblement15.

Les Nouvelles du soir de Qianjiang ont relaté le 2 avril 1998 les trois dernières heures de la vie de Yan Chengcheng, exécuté le 10 mars pour “ blessures volontaires ”. Il aurait été condamné au cours d’un rassemblement public intitulé “ Rassemblement public Frapper fort ”. Selon le journal, il a été amené sur l’estrade menotté et les pieds entravés, et quand la sentence de mort a été prononcée, la mère de la victime a crié “ Vengeance ! ”. Yan a alors été poussé dans le fourgon de la prison et la pluie n’a pas empêché la foule de se presser sur l’itinéraire du véhicule.

Le 5 juin, dans le district de Xigu, à Lanzhou (province du Gansu), un rassemblement de condamnation publique a été organisé au centre culturel de la raffinerie de Lanzhou, qui aurait réuni plus de 1 300 personnes. Un des accusés a été condamné à mort et son exécution a eu lieu après un réexamen de l’affaire par le tribunal populaire supérieur de la province du Gansu. Il ne semble pas que l’affaire ait été soumise à la Cour populaire suprême. Dix autres personnes ont été placées en détention16.

Amnesty International dénonce certains traitements cruels et dégradants fréquemment infligés aux condamnés à mort, consistant à leur faire généralement porter des menottes et parfois des entraves aux pieds, depuis le moment de leur condamnation jusqu’à celui de leur exécution. Les accusés qui comparaissent au cours des rassemblements de condamnation publique sont contraints de rester debout face à la foule, les mains attachées derrière le dos, avec une pancarte sur la poitrine indiquant leur nom et les crimes dont ils sont accusés.

Les soldats qui les escortent les obligent habituellement à garder la tête baissée. Dans certains cas, ils ont des chaînes aux pieds et sont bâillonnés à l’aide d’une corde ou d’un fil de fer fortement serrés attachés derrière leur tête, qui sont destinés à les empêcher de parler ou de crier. Ces pratiques violent les normes internationales relatives au traitement des détenus.

Exécutions publiques Amnesty International est préoccupée de constater que certaines exécutions ont eu lieu en public, ce qui est contraire à la législation chinoise comme au droit international.

Le 20 janvier 1998, 11 Ouïghours ont été exécutés après la tenue d’un rassemblement de condamnation publique organisé par le tribunal populaire intermédiaire de la préfecture d’Ili, et au cours duquel ont été jugés 45 “ auteurs de crimes graves ” impliqués dans quatre affaires différentes. L’une des 11 personnes exécutées était Abdusilim Kari ou Abbas Kari (en chinois 15. Nouvelles des femmes chinoises, 21/04/98 16. FBIS, 1/07/98

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Abudousilimu Kahaer). Trois des accusés ont été condamnés à la peine capitale assortie d’une période de sursis de deux ans. Ces prisonniers étaient accusés d’avoir “ menacé la sécurité de l’État et mené une action de propagande réactionnaire d’envergure ”, et aussi d’avoir “ incendié des voitures de police, tué des gens du peuple, et tué et blessé des cadres du premier échelon ”17. Selon des sources non officielles, les 11 condamnés à mort ont été exécutés publiquement le 20 janvier 1998 dans le village de Jelilyuzi, au nord de la ville de Gulja (Yining). Ils avaient été arrêtés à la suite d’un incident survenu dans le village le 26 juillet 1997, lorsque des policiers armés avaient débarqué d’un fourgon pour arrêter 15 villageois. D’après ces informations, les autres habitants de Jelilyuzi ne croyaient pas à la culpabilité de ces quinze personnes, et l’un d’entre eux, Abbas Kari, cinquante ans, enseignant en religion, a tenté d’intervenir. Il a été immédiatement cerné par les policiers armés et emmené vers leur fourgon. Ses étudiants ont essayé de le délivrer. Un affrontement s’en est suivi qui a pris rapidement le caractère d’une violente confrontation au cours de laquelle le fourgon de la police a été incendié par les étudiants en religion et plusieurs autres personnes, dont quelques policiers, ont été tuées ou blessées. Des renforts de policiers armés sont arrivés peu après et ont arrêté 42 personnes, dont Abbas Kari et 26 de ses étudiants. Abbas Kari et trois de ses étudiants se trouvaient, semble-t-il, parmi les 11 condamnés exécutés en public le 20 janvier 1998.

Les périodes d’intensification de la répression pénale On constate que dans les périodes qui précèdent les principaux événements de la vie collective, les jours fériés et anniversaires, les autorités accentuent généralement leur politique de répression pénale en multipliant les condamnations et les exécutions. Le graphique reproduit ci-après montre que les pics de répression se situent au début et à la fin de l’année, ainsi que durant les périodes précédant le nouvel an chinois fêté en février, l’anniversaire de la fondation de la République de Chine, le 1er octobre, et la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues, le 26 juin.

Le 29 septembre, c’est-à-dire l’avant-veille de la fête nationale, le tribunal populaire intermédiaire de Luoyang a organisé un rassemblement de condamnation publique qui, selon certaines sources, a réuni des dizaines de milliers de personnes18.

Ces périodes d’intensification de la répression et les campagnes “ Frapper fort ” lancées au niveau régional ou national augmentent les risques d’erreurs judiciaires et entachent les condamnations d’inégalité et d’arbitraire. La même infraction est sanctionnée avec une bien plus grande sévérité pendant une campagne “ Frapper fort ” qu’en temps ordinaire.

Le 16 janvier 1998, dans la province du Guangdong, Zong Hake et Pu Yingshun ont été exécutés avec d’autres condamnés après un rassemblement de condamnation publique. Ils étaient accusés d’infractions liées à la législation sur les stupéfiants. Ils ont alors été conduits jusqu’au lieu d’exécution et tués. Après

17. Journal du Xinjiang, 22 janvier 1998 18. Nouvelles de la sécurité publique de Guizhou, 18 décembre 1998

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la lecture de la sentence, un des juges du tribunal populaire intermédiaire de Guangzhou aurait déclaré solennellement : “ À l’approche de la fête du printemps, certains malfaiteurs caressent l’illusion de pouvoir bénéficier d’une aubaine qui leur permettra de rentrer chez eux pour la fête, mais leur sort sera le même que celui de ces condamnés ”19.

Dans la seule ville de Pékin, 89 condamnés ont été exécutés au cours des semaines précédant le Nouvel an chinois. Certains propos auraient été tenus selon lesquels ces exécutions étaient “ une garantie donnée à tous les niveaux du système judiciaire pékinois d’assurer aux habitants de la capitale une nouvelle année lunaire stable et paisible ”. Les autorités auraient fait savoir qu’elles entendaient poursuivre la campagne “ Frapper fort ” pendant tout le Nouvel an chinois20.

Le 21 janvier 1998, Xie Jianmin et Zhao Qijun ont été exécutés pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants et pour meurtres. Le but de ces exécutions aurait été de “ purifier l’air ”21. Pendant la semaine du 23 au 29 avril 1998, cinq personnes ont été condamnées à mort dans le cadre d’une grande campagne de répression lancée dans la province du Hebei à l’occasion de la Fête du travail du 1er mai. Deux d’entre elles étaient accusées d’avoir volé des marchandises aux passagers d’un bus, pour une valeur de 18 000 yuan (environ 2 100 euros). On reprochait aux trois autres d’avoir volé neuf motos et d’avoir blessé quatre personnes lors de ce vol22.

19. Quotidien du peuple, 16/01/98 repris par SWB 09/02/98 20. South China Morning Post, 25/01/98 21. Quotidien de Gansu, 09/02/98 22. Nouvelles politiques et juridiques du Hebei, 08/05/98

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Nature des infractions Comme les années précédentes, la peine de mort a été prononcée et appliquée pour sanctionner une grande variété d’infractions. Il est difficile de déterminer le nombre exact de crimes sanctionnés par la peine capitale en raison de l’imprécision des termes dans lesquels sont rédigés plusieurs des articles du nouveau Code pénal. On a toutefois constaté, depuis les années 80, une augmentation régulière du nombre d’infractions punies de mort. Les modifications apportées au Code pénal en 1997 ont confirmé cette augmentation en incluant de nouveaux crimes dans le champ d’application de la peine capitale et en requalifiant certaines infractions. De nombreux crimes sont punis de mort s’ils ont un caractère “ d’extrême gravité ”, mais la loi ne précise pas comment il faut interpréter cette formule.

Infractions commises en 1998

1) D/C/E/F Détournement de fonds/corruption/escroquerie/fraude fiscale

2) E/TE et F Enlèvement, trafic d’enfants et de femmes

3) A/CA Affrontements/comportement antisocial

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4) AP/MT Attentat à la pudeur/mauvais traitements infligés à des enfants

Infractions liées à la législation sur les stupéfiants En 1998, 461 personnes au moins ont été condamnées à mort pour trafic ou détention de drogue et il est avéré qu’un grand nombre de ces condamnés ont été exécutés le 26 juin ou aux alentours de cette date qui est celle de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues.

À l’occasion de rassemblements organisés dans les villes de Foshan et de Shantou, dans la province du Guangdon, le 24 juin, il y a eu 12 condamnations à mort et 11 exécutions. Des peines de prison ont été prononcées contre 32 autres accusés qui étaient impliqués, semble-t-il, dans des affaires remontant à 199523.

Le 23 juin 1998, au cours d’un rassemblement contre la drogue devant la gare principale de Chengdu, dans la province du Sichuan, cent-dix-sept personnes ont été jugées24. Wang Junli et Shen Wei ont été exécutés le 25 juin 1998 après avoir été condamnés par le tribunal intermédiaire des transports ferroviaires de Pékin.

Ye Zhaoxiong a été condamné à mort aux alentours du 29 janvier 1998 pour trafic de drogue. Selon la presse chinoise, deux autres accusés ont, dans la même affaire, été déclarés coupables de production et de trafic de drogue, crimes pour lesquels “ la seule punition propre à apaiser l’indignation populaire est la mort25 ”.

Conduite en état d’ivresse Il semble que cette sorte d’infraction soit de plus en plus fréquente, et aussi de plus en plus souvent sanctionnée par la peine de mort. Wang Guojun a été condamné à la peine capitale pour meurtre le 20 mars 1998, à Tianjin, après avoir été reconnu coupable de conduite en état d’ivresse et d’avoir blessé mortellement une personne qui est décédée sur le bord de la route où elle avait été laissée. Le tribunal aurait fait application des “ nouvelles ” dispositions du Code pénal qui prévoient une peine de sept d’emprisonnement au minimum. Sept autres individus accusés de faits analogues ont été condamnés en même temps que Wang Guojun.

Bian Qingming, moniteur dans une auto-école, a été condamné à mort le 2 décembre 1998 pour avoir eu “ un comportement dangereux pour la sécurité publique ” en ayant causé un accident alors qu’il conduisait en état d’ivresse. Une personne avait été tuée et sept autres blessées dont une gravement. Le 28 août 1998, Bian aurait absorbé six litres de bière et quelques alcools avant de rentrer chez lui au volant d’une Jeep de l’entreprise qui l’employait. Son patron, qui se sentait incapable de conduire parce qu’il avait lui-même trop bu, lui avait demandé de le remplacer. L’accident a eu lieu peu de temps après. L’avocat de Bian a plaidé que son client était trop ivre pour comprendre ce qu’il faisait et qu’il n’avait pas commis cet acte intentionnellement. Le tribunal a décidé que Bian savait que la loi interdisait la conduite en état d’ivresse et qu’il devait être

23. Nouvelles du soir de Yangcheng, 25/06/98 24. Journal de la campagne du Sichuan, 24/06/98 25. Nouvelles du soir de Xinmin, 29/01/99

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“ sévèrement sanctionné pour avoir, par son comportement, causé un grave préjudice à la société ”.

Infractions économiques Des peines de mort ont été prononcées pour sanctionner diverses infractions économiques commises sans violence, telles que la fraude fiscale, la fraude sur la taxe sur la valeur ajoutée, la fabrication de fausse monnaie, le détournement de fonds et le vol de cartes de crédit.

Luo Feng, trente-deux ans, gérant d’une société d’informatique à Pékin, a été condamné à mort le 22 juin 1998. Il était accusé d’avoir détourné des fonds d’un montant de 3,9 millions de yuan et d’avoir accepté des pots-de-vin. D’après les actes judiciaires, Luo Feng a été reconnu coupable de détournement de fonds mais le tribunal a admis que les sommes avancées par l’accusation étaient inexactes et rejeté l’un des chefs d’inculpation. Les avocats de Luo Feng avaient réfuté les accusations portées contre leur client sur plusieurs points importants.

Vol Aux termes du Code pénal amendé, la peine capitale ne peut être appliquée qu’en cas de vol qualifié portant sur des “ sommes particulièrement importantes provenant d’institutions financières ” ou sur des “ biens culturels de grande valeur ”. Théoriquement, cette réforme aurait dû se traduire par une importante réduction du nombre de personnes exécutées pour vol, et la Cour populaire suprême a annoncé dans son rapport de septembre 1998 qu’une telle réduction avait été constatée, sans toutefois citer de chiffres. Or, il semble que les exécutions pour vol se soient poursuivies après la modification du Code pénal et Amnesty International en a enregistré en 1998 comme en 1997. On ne peut encore dire quelle incidence cette modification légale aura réellement dans la pratique. Les informations disponibles sont en général trop succinctes pour permettre de savoir si les exécutions et les sentences de mort ont été motivées par le vol seul ou par un concours d’infractions dont le vol.

La radio de Hong Kong et d’autres médias ont signalé que, le 28 septembre, sept exécutions avaient eu lieu à la suite d’un rassemblement de condamnation publique tenu par un tribunal local de district de la province du Sichuan. Selon ces sources, l’une des personnes exécutées était un garçon de dix-neuf ans, accusé d’avoir volé 60 yuan26.

En juillet 1998, ou à peu près à cette époque, cinq condamnations capitales ont été prononcées (dont deux assorties d’un sursis de deux ans) à l’encontre de voleurs d’objets provenant de “ sépultures antiques ”27.

Autre exemple, le cas de Chen Rongbao, dix-neuf ans, exécuté en août 1998 après avoir été condamné par le tribunal populaire intermédiaire de Suzhou pour vol qualifié et vol simple. Avec d’autres, il serait monté à bord d’un bateau à Shanghai et aurait volé à des passagers un total de 70 000 yuan (environ 8 400 euros), un téléphone mobile, un récepteur de radiomessagerie, une chemise, 26. RTHK Radio 3 Hongkong, 29/09/98 et UPI, 29/09/98 27. Nouvelles juridiques du Henan, 17/07/98

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une montre et des cigarettes. Les voleurs se sont enfuis en sautant dans le fleuve et l’un d’eux s’est noyé28.

Crimes contre des fonctionnaires En 1998, une très grande importance a été accordée à la répression sévère des crimes commis contre des fonctionnaires.

Un paysan, Lei Yuanling, a été exécuté le 26 septembre 1998 pour tentative de meurtre contre un fonctionnaire. D’après les informations dont on dispose, il aurait été arrêté le 2 mars 1998 par deux agents du bureau local des services de l’agriculture, alors qu’il allait vendre deux sacs de riz de sa production qu’ils lui ont confisqués. Plus tard, Lei Yuanling a aperçu les deux fonctionnaires occupés à déjeuner et, dans un accès de colère, il les a attaqués.

Le cas de Rehem Sajeden offre un autre exemple de confrontation avec des fonctionnaires. Le 15 juillet 1998, un Ouïghour du nom de Rehem Sajeden29 a été exécuté à Aksu immédiatement après la tenue d’un rassemblement de condamnation publique par le tribunal populaire intermédiaire du district d’Aksu, auquel ont participé 5 000 personnes. Selon la presse officielle, Rehem Sajeden avait, le 10 mai 1998, tué la responsable du service local du planning familial et du bureau de contrôle des naissances, une femme ouïghoure, qui était venue chez lui “ pour parler à sa femme du contrôle des naissances ”. Cette visite était effectuée dans le cadre des contrôles et examens médicaux menées auprès des femmes de la région en âge de procréer. Toujours selon la même source, Rehem Sajeden s’est enfui après le meurtre, mais trois jours plus tard, il s’est rendu à la police et “ a avoué son crime ”. Il a été jugé le 16 juin 1998 par le tribunal populaire intermédiaire d’Aksu, qui l’a déclaré coupable d’“ homicide volontaire ” et condamné à mort. Son appel devant le tribunal populaire supérieur de la région autonome ouïghoure du Xinjiang a été rejeté30.

Les ressortissants étrangers et l’extradition Les autorités chinoises ont également fait exécuter un grand nombre de personnes qui n’étaient pas des ressortissants de la République populaire de Chine, en particulier des nationaux de Hong Kong et de Taïwan. On ne connaît pas leur nombre exact mais on pense qu’il s’agit de plusieurs dizaines d’individus dont beaucoup étaient originaires de ces deux territoires. Les condamnations capitales frappant des citoyens de Hong Kong, Macao et Taïwan doivent être confirmées par la Cour populaire suprême, mais l’on ignore si cette garantie a eu réellement pour effet de réduire le nombre de condamnations ou de permettre aux condamnés de bénéficier plus souvent du sursis de deux ans.

Ainsi, un ressortissant de Hongkong, Chueng Tze-Keung, a été exécuté le 5 décembre 1998 avec quatre autres condamnés, après le rejet de leurs appels. Le cas de Chueng a soulevé une controverse parce qu’il avait été jugé en Chine

28. Journal de Suzhou, 13/08/98 29 Les Ouïghours sont un peuple indigène de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine. 30. Quotidien du Xinjiang, 17 juillet 1998

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continentale pour des infractions commises à l’origine à Hong Kong, et parce que, les autorités de Hong Kong n’ayant pas revendiqué leur compétence pour juger l’affaire, on avait considéré qu’elles renonçaient à leur autonomie judiciaire et à leur compétence au profit des juridictions de la Chine continentale, ce qui n’était pas de bon augure pour l’avenir. La peine de mort n’existe pas à Hong Kong. En outre, selon les déclarations des autorités de Hong Kong, celles-ci ne disposaient pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites à l’encontre de Chueng pour les crimes qui ont motivé sa condamnation à la peine capitale en République populaire de Chine.

À la mi-juillet, les autorités chinoises ont lancé au niveau national une importante opération de répression contre la contrebande dans le but d’améliorer le recouvrement des taxes à l’importation et de démasquer les fonctionnaires corrompus. En octobre, un homme d’affaires de Hong Kong, Zou Weiquan, a été exécuté pour avoir fait entrer en contrebande sur le territoire chinois du matériel électrique et diverses autres marchandises. Liu Jiachen, vice-président de la Cour populaire suprême a déclaré : “ Les gens de Taïwan, de Macao ou de pays étrangers qui se livreront à des actes de contrebande en Chine seront punis selon la loi chinoise. Le cas échéant, ils pourront être condamnés à mor31t ”.

Pour la première fois, un citoyen suisse a été condamné à mort avec un sursis de deux ans. Il s’agit de Manfred A. (son patronyme n’a pas été communiqué) qui était accusé du meurtre d’une jeune fille appartenant à une minorité ethnique. Les faits remontaient à avril 1997 et le procès a eu lieu en octobre 1997. Le verdict n’a été connu que le 23 juin 1999. D’après certaines informations, l’Office fédéral suisse des Affaires étrangères a “ tout mis en œuvre pour éviter la peine de mort ”32.

Le sursis de deux ans Les autorités chinoises affirment souvent que le fait d’assortir certaines condamnations capitales d’un sursis de deux ans montre combien elles sont scrupuleuses dans l’usage qu’elles font de la peine de mort. Elles ajoutent que la majorité des bénéficiaires du sursis voient leur peine commuée en réclusion à perpétuité à l’expiration des deux ans. Du fait que les statistiques relatives à l’application de la peine de mort sont toujours considérées comme un secret d’État, il est impossible à Amnesty International de vérifier la véracité de ces affirmations. Toutefois, l’Organisation note avec satisfaction que l’une des modifications apportées au Code pénal, augmente, en théorie, les chances des prisonniers de cette catégorie d’échapper à l’exécution au terme de ces deux années.

Il demeure que la commutation de peine n’est pas accordée à tous les condamnés qui bénéficient d’un sursis. Wang Fujian, exécuté dans la province du Henan le 13 octobre 1998, avait été condamné pour meurtre le 16 octobre 1997 à la peine capitale avec un sursis de deux ans. En mars 1998 sa femme se serait rendue à la

31. AFP, 09/10/98 32. SCMP, 25/06/99

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prison pour demander le divorce, à la suite de quoi, Wang avait à deux reprises tenté de s’évader. Il a été repris et la commutation de peine lui a été refusée33.

“ Séparatisme ”34 et exécutions publiques En 1997 et 1998, le “ séparatisme ” a constitué une cible prioritaire pour les campagnes “ Frapper fort ”. Au cours de l’année 1997, la répression visant les personnes soupçonnées d’être des nationalistes musulmans et des chefs religieux s’est intensifiée, après plusieurs attentats à la bombe attribués à des groupes d’indépendantistes clandestins ouïghours et après des manifestations anti-chinoises organisées par des Ouïghours. Dans la province du Xinjiang, les troubles se multiplient et l’on constate une tendance persistante à user de la peine de mort contre les membres de l’ethnie ouïghoure accusés d’atteintes à la sécurité de l’État. D’après les données dont dispose Amnesty International, en 1998, environ 30 Ouïghours ont été condamnés à la peine capitale après avoir été jugés coupables de ce chef d’accusation ou de crimes connexes.

La région autonome ouïghoure du Xinjiang est la seule région de la République populaire de Chine où des prisonniers politiques ont été exécutés en grand nombre au cours des dernières années. La plupart étaient accusés d’infractions liées à des activités clandestines d’opposition, à des manifestations de rue, des affrontements violents avec les forces de sécurité ou des actes “ terroristes ”. Les autorités chinoises n’ont publié des informations que sur certaines de ces affaires. Les prisonniers politiques sont souvent jugés secrètement, suivant des procédures qui, selon certaines sources, sont expéditives. Les procès sont purement formels, et les sanctions sont généralement décidées d’avance par les autorités. Les condamnations sont le plus souvent fondées sur des aveux forcés et sur des déclarations obtenues sous la torture. Les familles sont souvent exclues des procès et on connaît peu de cas d’accusés ayant bénéficié de l’assistance d’un avocat. Les recours en appel sont invariablement rejetés.

Le 25 mai 1998, trois Ouïghours accusés de vol à main armée et de meurtre ont été condamnés à mort. Un fonctionnaire du tribunal local aurait déclaré qu’il s’agissait de trois criminels de droit commun. Mais un service d’écoute de la radio a relevé qu’une radio locale avait indiqué que les condamnés avaient été convaincus d’incitation à la rébellion séparatiste dans le Xinjiang et du meurtre de trois paysans chinois han, meurtre qui s’inscrivait dans la stratégie dite “ en tuer un pour faire peur à des milliers ” de colons chinois installés dans leur “ patrie ”. Les responsables politiques ont refusé de s’exprimer au sujet de cette affaire35.

En octobre 1998, selon des sources non officielles, un groupe de jeunes Ouïghours, parmi lesquels se trouvaient Abdusalam Shamseden et Abdusalam Abdurahman, ont été condamnés à mort après avoir été reconnus coupables de délits politiques, à l’issue d’un procès secret devant le tribunal populaire intermédiaire de la préfecture d’Ili. Ils étaient accusés d’avoir constitué un groupe

33. Nouvelles des tribunaux populaires, 22/10/98 34. Pour plus de détails sur la situation dans la région autonome de Xinjiang Ouïgour, voir le document d’Amnesty International intitulé : République populaire de Chine. Graves violations des droits humains dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (index AI : ASA 17/18/98) 35. Reuters, 25/05/98

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politique et d’être impliqués dans des “ activités armées visant à renverser le gouvernement ”. Ces activités auraient été liées aux émeutes qui ont eu lieu en février 1997 à Gulja (Yining). Le 20 octobre 1998, 10 Ouïghours, dont deux femmes, auraient été exécutés après un rassemblement de condamnation publique organisé à Ürümqi. Ils étaient accusés d’activités “ séparatistes ”. Six étudiants en religion se trouvaient, semble-t-il, parmi eux.

Circonstances atténuantes et peines excessives De nombreux cas individuels répertoriés par Amnesty International ont pour trame des histoires désolantes, marquées par la détresse et des bouleversements affectifs, sur fond de misère et de violence. Même si les circonstances atténuantes ne peuvent constituer une excuse pour les actes commis, l’histoire de certaines des personnes exécutées — elles sont des milliers — provoque un sentiment de malaise, montrant, par exemple, une femme poussée à bout qui tue son mari sans préméditation et peut-être en état de légitime défense, ou une personne qui tente de sortir de son extrême dénuement en ayant recours au vol et à la violence. Amnesty International ne cherche pas à justifier les crimes sanctionnés mais, en faisant connaître l’histoire de ces condamnés, elle fait entendre leur voix, ce qui s’oppose à la cruauté et à la finalité de la peine.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a fait une déclaration au sujet des circonstances atténuantes en matière d’infractions sanctionnées par la peine capitale. Le 30 septembre 1998, elle a adressé un appel aux autorités de Trinidad et Tobago en faveur d’une femme, Indravani Pamela Ramjattan, condamnée à mort en mai 1995 pour le meurtre de son compagnon. Elle demandait que cette femme ne soit pas exécutée en faisant valoir, entre autres, que les mauvais traitements, les brutalités et les viols que lui avait fait subir son compagnon, auraient dû être admis, par les autorités chargées de l’enquête et par les tribunaux, comme constituant des circonstances atténuantes, ce qui n’avait pas été le cas.

“ La rapporteuse spéciale estime que la violence au foyer telle que celle dont il est question ici devrait désormais être obligatoirement considérée par toute la jurisprudence comme circonstances atténuantes pour tout crime commis sous l’emprise de telles pressions. La peine capitale est une sentence trop sévère pour un crime commis dans de telles circonstances. ”

Les cas rapportés ci-après montrent que la Chine méconnaît les circonstances atténuantes telles que la légitime défense et la provocation extrêmement violente, et condamne à mort des personnes qui, bien souvent, ont été pendant de nombreuses années victimes de violences.

Ainsi, une femme de trente-six ans, Sun Changlan, a été exécutée le 24 avril 1998 après avoir été déclarée coupable du meurtre de son mari. Celui-ci avait pour habitude de la battre, ainsi que leur fille, et de lui prendre ses salaires pour les dépenser au jeu. Une nuit de juillet 1997, alors qu’il la rouait de coups, elle l’a poignardée. Elle a ensuite été arrêtée et inculpée de meurtre.

Xie Shuigui a été condamnée à mort pour avoir arrangé l’assassinat de son frère aîné. Celui-ci la battait et la violait tellement souvent que son mari a fini par divorcer. Son frère s’était impliqué dans des activités criminelles et la maltraitait

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quand elle refusait de l’aider. Il battait et maltraitait également sa propre femme et son jeune frère qui a finalement développé une maladie mentale et quitté la maison. Quand le frère aîné a commencé à maltraiter son père après la mort de sa mère, Xie a décidé de mettre un terme à cette situation.

Zhang Hanbin a été exécuté le 15 janvier 1998 pour le meurtre de son fils. Cet homme se serait retrouvé dans la misère après avoir été gravement malade pendant trois ans, au terme desquels sa femme avait divorcé, lui laissant la charge de leur fils de neuf ans. Les autorités locales, constatant que Zhang n’avait pas les moyens de l’élever, ont confié l’enfant à une famille d’accueil du voisinage. Le lendemain, celle-ci a dit à Zhang que son fils ne cessait de pleurer et qu’il était inconsolable. Zhang l’a donc repris chez lui. Ne voyant aucune issue à sa situation, il a décidé de se suicider. Il a tué son fils à coups de gourdin puis a tenté de se donner la mort par le même moyen. N’y étant pas parvenu, il s’est pendu mais la corde s’est, semble-t-il rompue ; il a été ranimé, puis jugé pour meurtre.

La récidive est souvent prise en considération pour la détermination de la peine. Elle peut motiver l’aggravation de celle-ci jusqu’à la peine capitale. Ainsi, le 23 mars 1998, le tribunal populaire intermédiaire de Shaoguan a condamné Zhong Wangxing à la peine de mort et à une amende de 20 000 yuan (environ 2 400 euros) pour avoir, le 13 décembre 1997, volé dans un bus 30 yuan (environ 3,5 euros) dans la poche d’un voyageur et blessé grièvement à coups de couteau une voyageuse. Son appel a été rejeté par le tribunal populaire supérieur de la province. Son exécution a eu lieu après un rassemblement de condamnation publique organisé le 5 juin 1998. Zhong Wangxing avait, dans le passé, séjourné dans un camp de rééducation par le travail pour vol à la tire.

Le critère hautement subjectif d’“ indignation populaire ” est souvent utilisé par les tribunaux pour justifier la condamnation à mort d’un accusé qui aurait, dans d’autres circonstances, encouru une peine moins sévère. Le 25 novembre 1998, Zhu Mingdong a été exécuté à la suite d’un rassemblement de condamnation publique tenu dans le canton de Xiangzhou par le tribunal populaire intermédiaire du district de Liuzhou. Zhu Mingdong était accusé d’avoir participé avec d’autres villageois à une expédition punitive armée au cours de laquelle deux personnes auraient perdu la vue. La sévérité de la sentence aurait été motivée par le grave préjudice causé à la société et par l’“ indignation populaire ”. Selon certaines sources, la famille de Zhu aurait protesté contre le jugement en insistant sur le fait que les victimes avaient recouvré la vue, ce à quoi le tribunal a répondu que l’agression leur avait tout de même causé un grave traumatisme.

Le 30 avril 1998, Li Shiqing a, selon certaines informations, été exécuté pour avoir commis un meurtre. Le 28 août 1994, quelqu’un l’avait accusé de pêcher sans autorisation. Il avait poignardé son accusateur qui était mort des suites de ses blessures. En mai 1995, le tribunal populaire intermédiaire de Taizhou l’a condamné à mort avec un sursis de deux ans. La mère de la victime et, semble-t-il, 531 de ses voisins ont demandé l’ouverture d’une enquête et une condamnation plus sévère. Le 26 août 1996, le comité permanent de l’assemblée populaire de Taizhou a ordonné une nouvelle enquête sur l’affaire, estimant qu’il n’y avait pas lieu d’envisager une mesure de clémence. Le tribunal populaire supérieur de la province du Zhejiang a ordonné un nouveau procès le 31 décembre 1996. Le 26 février 1997, le tribunal populaire intermédiaire de Taizhou a condamné Li

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Shiqing à mort. Son appel a été rejeté et le 29 décembre 1997, le tribunal populaire supérieur provincial a confirmé la condamnation. Son exécution a eu lieu aux alentours du 30 avril 1998.

La torture Amnesty International continue de recenser des cas où les aveux extorqués sous la torture ont souvent abouti à des erreurs judiciaires. L’un de ces cas est celui de Gao Ding qui a été condamné par le tribunal populaire intermédiaire de Harbin le 13 septembre 1996, pour meurtre et vol à main armée. Il aurait rétracté les aveux qu’il disait avoir fait sous la contrainte. Gao Ding a fait appel et a été rejugé après l’arrestation d’un coaccusé, et condamné à mort le 20 mai 199836.

Une autre affaire, marquée par la torture et l’erreur judiciaire, s’est déroulée dans la province du Henan, dans la ville de Pingdingshan, canton de Ye. En 1996, après une série de cambriolages, de meurtres et d’agressions au cours desquels plusieurs personnes ont été blessées, après le vol d’une somme de 1800 yuan et de plusieurs bicyclettes, un homme nommé Zhou Shaodong, considéré comme le principal suspect, a été arrêté le 18 février. Il aurait refusé d’admettre la “ preuve ” de sa culpabilité supposée. Dans le cadre de la campagne nationale “ Frapper fort ” lancée en 1996, le bureau de la Sécurité publique du canton de Ye a décidé de donner la priorité à cette affaire et a mis sur pied une équipe spéciale d’enquêteurs en vue de hâter la préparation du procès. Ils ont finalement estimé avoir “ totalement vaincu la résistance de Zhou ”. Le 7 mai, un autre suspect, du nom de Zhou Guanjun, a été arrêté. Au terme de l’enquête, les deux suspects avaient avoué plus d’une dizaine de crimes. La police a alors déclaré que l’affaire était résolue. Le 14 mai 1996, elle a organisé un rassemblement sur les lieux où les crimes avaient été commis et “ les deux accusés ont été exhibés au public, portant 48 jin [environ 20 kg] de chaînes, pour être vus de tous ”. Le 12 novembre 1996, une cérémonie eut lieu au cours de laquelle une médaille a été remise à ceux qui avaient résolu l’affaire.

Cependant, les pères des deux accusés ne croyaient pas à la culpabilité de leur fils car Zhou Guanjun se trouvait à un mariage la nuit des faits, et Zhou Shaodong était chez un de ses amis nommé Ma pendant la période considérée. Tous deux se sont assuré le concours d’avocats du cabinet Yinhai, du canton de Wuyang et ont demandé au médecin du village de leur accorder son soutien. Ce médecin a personnellement interrogé les personnes qui avaient assisté au mariage et a obtenu de quatre membres du parti communiste et de deux cadres du village qu’ils témoignent dans le procès. Il a exposé tout cela dans un rapport qui a été remis à la police par Zhou Jinmu, le père de Zhou Guanjun. Le fonctionnaire qui a reçu ce rapport a déclaré qu’il n’avait aucune valeur. Le bureau de la Sécurité publique du canton de Ye aurait pour sa part déclaré que la situation ne pouvait en rien être modifiée parce que les deux accusés avaient reconnu être les auteurs des crimes. “ En entendant cela, et comprenant que son fils serait exécuté, Zhou Jinmu a acheté un cercueil et des vêtements funéraires pour son fils ”37.

36. Le peuple et la loi, septembre 1998 37 Nouvelles des femmes chinoises, 15/05/98

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Cependant, les familles ont persisté dans leurs efforts. En janvier 1997, l’avocat et le médecin se sont rendus de nouveau sur les lieux des crimes et ont enquêté pendant trois jours pour recueillir d’autres éléments de preuve concernant le lieu où se trouvaient les accusés. Ils ont en outre rédigé une déclaration juridique dénonçant l’irrégularité des arrestations et des détentions prolongées. Or, un responsable du bureau de la Sécurité publique du canton de Ye, en prenant connaissance, leur aurait répondu que l’existence des aveux des deux accusés rendait inutile toute recherche de nouveaux éléments de preuve quels qu’ils soient. Le bureau de la Sécurité publique de Pingdingshan a exprimé le même avis.

En octobre 1997, alors que les deux accusés étaient en détention depuis cinq cents jours, un nouveau vol avec violence a été perpétré à Lehe, et ses auteurs présumés ont fourni des précisions sur les vols et agressions dont Zhou Shaodong et Zhou Guanjun étaient accusés. Finalement, ces deux hommes ont été remis en liberté et ont raconté comment, pour leur extorquer des aveux, on les avait torturés et passés à tabac.

Plus tard, Zhou Guanjun a témoigné en ces termes : “ Dès que je suis arrivé au poste de police, ils m’ont attaché avec une corde, m’ont fait agenouiller sur le sol et m’ont demandé si j’avait tué quelqu’un. Quand j’ai dit non, ils m’ont frappé. Les policiers Cha et Gao m’ont frappé avec des matraques électriques. Ils ont aussi utilisé des fils électriques pour m’attacher et m’envoyer des décharges. Quand j’ai perdu connaissance, ils m’ont ranimé avec de l’eau froide. Ils m’ont fait agenouiller sur des débris de verre et m’ont plongé la tête dans de l’eau boueuse. Quand ils me frappaient je disais que j’avais tué [les victimes]. Quand ils s’arrêtaient, je disais que je ne l’avais pas fait ”38.

De son côté, Zhou Shaodong a déclaré : “ Ils m’ont attaché et m’ont ordonné de dire que la première agression avait eu lieu à xx, la suivante à xxx, etc. Quand je ne répétais pas correctement, ils me frappaient à coups de ceinturon et de matraque, jusqu’à ce que je m’évanouisse. À la fin, le policier Lan a fait un geste que je devais imiter tandis qu’on me filmait en vidéo. C’était un geste qu’avaient exécuté les criminels ”.

Les deux hommes portent encore des cicatrices laissées par les tortures et Zhou Shaodong marche à présent en boitant.

Le 31 octobre 1997, alors que ces deux hommes devaient être libérés après l’arrestation des autres suspects, des fonctionnaires de la Sécurité publique leur ont proposé un marché : ils recevraient 30 000 yuan (environ 3800 euros) s’ils acceptaient de ne plus parler de cette affaire.

Autre cas, celui de Zhang Jiaqing, condamné à mort le 31 mars 1993 par le tribunal populaire intermédiaire de Fuyang. Il était alors accusé d’avoir violé et tué une jeune fille le 12 août 1992. Après six jours d’interrogatoire il avait avoué être l’auteur du crime. Mais il avait refusé de signer le compte-rendu de ses aveux, affirmant qu’ils lui avaient été extorqués sous la contrainte. Dix témoins ont déclaré qu’au moment du crime, Zhang travaillait avec eux. Selon l’accusation, Zhang avait serré la gorge de sa victime jusqu’à ce qu’elle perde

38. Nouvelles des femmes chinoises, 15/05/98

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connaissance, mais l’autopsie n’a révélé aucun signe de strangulation. Le 24 juin 1993, le tribunal populaire supérieur provincial d’Anhui, estimant que les faits n’étaient pas clairement établis, a ordonné un nouveau procès. Le 20 décembre 1993, à l’issue de la deuxième audience devant le tribunal de Fuyang qui avait rendu la première décision, et bien que les débats n’eurent apporté aucun élément nouveau, Zhang Jiaqing a, cette fois encore, été condamné à mort et à des dommages et intérêts. Le tribunal populaire supérieur provincial a ordonné un troisième procès, à l’issue duquel Zhang Jiaqing a été condamné à la réclusion à perpétuité et à des dommages et intérêts. Mais le 20 octobre 1997, le tribunal populaire intermédiaire de Fuyang a admis qu’il ne pouvait pas être l’auteur du crime et l’a déclaré innocent. Finalement, il a été libéré en novembre 1997 après avoir attendu la mort en prison pendant plus de cinq ans39.

Le 25 avril 1996, Li Huikun a été condamné à la peine capitale par le tribunal populaire intermédiaire de Yueyang pour le meurtre de sa femme. Lorsqu’il a fait appel de cette sentence, on a découvert qu’on l’avait torturé à trois reprises pour le contraindre à faire des aveux. Le tribunal populaire supérieur provincial a ordonné un nouveau procès au motif que le mobile n’était pas suffisamment établi. Le tribunal populaire intermédiaire a alors condamné Li Huikun à la détention à perpétuité. Faisant droit au nouvel appel formé par Li Huikun, le tribunal populaire supérieur provincial aurait, le 16 février 1998, reconnu son innocence et annulé cette condamnation40.

Couverture médiatique Les statistiques relatives à l’utilisation de la peine de mort demeurent un secret d’État, même si aux termes de l’article 212 du Code de procédure pénale “ l'exécution des condamnés à mort sera annoncée publiquement mais ne se

déroulera pas en public ”. Les critiques formulées dans le pays au sujet du maintien

du secret n'ont pas été prises en considération.

En 1998 comme au cours des années précédentes, les informations officielles faisaient état d’exécutions “ nombreuses ” ou “ collectives ” sans indiquer les noms ni le nombre des personnes exécutées41. Lorsqu’elle rend compte de cas de peine de mort, la presse fait souvent preuve de grandiloquence. Ainsi, le 15 janvier 1999, on pouvait lire dans le Quotidien juridique ce commentaire sur l’exécution d’un meurtrier : “ au cours de l’été 1998, une balle vertueuse a mis fin à la vie scélérate de Cao Chunsheng ”.

Le 1er juillet 1998, Zeng Sheng a été condamné à mort pour avoir accepté des pots de vin. La sentence a été prononcée par le tribunal populaire intermédiaire de Maoming, dans la province du Guangdong. La presse a rapporté qu’en entendant la sentence, Zheng “ a uriné dans son pantalon et n’a pu prononcer une parole ”42.

39. Journal de la jeunesse, 01/06/98 40. La politique et le droit aujourd’hui, 13/03/98 41. Ces informations ne figurent pas dans le relevé des cas de peine de mort et ne sont pas prises en compte dans le calcul du nombre total des sentences capitales. 42. Quotidien juridique, 24 septembre 1998

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Au sujet du cas de Sun Jie – une femme – et de Song Wei, condamnés pour meurtre et vol avec violence, le Quotidien juridique de Liaoning a publié le commentaire suivant : “ Les mains de Sun Jie tremblaient quand elle a reçu le texte du jugement. D’incontrôlables larmes de regret coulaient sur son visage. Mais aucun flot de larmes ne pourrait effacer son crime ”43.

La révision du Code pénal L’Assemblée populaire nationale a adopté en mars 1997 des modifications du Code pénal de 1980, qui sont entrées en vigueur en octobre 1997. Comme Amnesty International l’a fait observer en 1998, le Code pénal, dans sa nouvelle version, punit de la peine capitale près de trois fois plus de crimes que dans sa version antérieure. Cela s’explique par le fait que presque toutes les extensions du champ d’application de cette peine adoptées dans l’intervalle par le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale y ont été intégrées44.

Le 17 novembre 1998, Ma Yulan a été condamné à mort pour avoir pratiqué le proxénétisme et tenu une maison close. C’était, semble-t-il, la première fois que le tribunal populaire intermédiaire n°1 de Pékin, appliquant la nouvelle législation, prononçait une peine capitale pour sanctionner une infraction de cette nature.

Wang Jian a été condamné à mort à Shanghai aux alentours du 14 septembre 1998 pour “ falsification de documents financiers ”. Il s’agissait, semble-t-il, là encore de nouvelles dispositions du Code pénal qui étaient appliquées pour la première fois à Shanghai45.

Les tribunaux De nombreuses personnes sont, chaque année, jugées et condamnées par des tribunaux qui font partie de l’institution judiciaire et qui s’ajoutent aux juridictions locales, régionales et provinciales. Les tribunaux dont on connaît le mieux les activités sont ceux spécialisés dans la criminalité qui sévit dans les transports ferroviaires. Selon le Quotidien du Sud, le nombre des infractions commises dans les trains a considérablement augmenté, en particulier les cas de voyageurs victimes de vol qualifié et les affaires de transport de drogues46. Dans la province du Guangdong, on a observé une augmentation de la criminalité dans les trains de 40 p. cent par rapport à 1997 — malgré un recours intensif à la peine capitale par les tribunaux chargés de la répression des infractions liées au chemin de fer — dans les affaires de vol qualifié et d’infractions liées au trafic de drogue commis dans les trains.

43. Quotidien juridique de Liaoning, 1er avril 1998 44. Pour plus de détails voir : République populaire de Chine. La peine de mort en 1997 (index AI : ASA 17/28/98) et People’s Republic of China: The Death Penalty Log 1997 [République populaire de Chine. Relevé des cas de peine de mort en 1997] (index AI : ASA17/32/98) 45. Nouvelles de Shanghai libérée, 15/09/98 46. Quotidien du Sud, 11/12/98

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Les recours Il est très rare que les condamnés obtiennent satisfaction en appel. Dans certains cas en revanche, le parquet ou les familles des victimes interjettent appel contre une décision qu’ils jugent trop clémente et ces appels aboutissent souvent. Il n’est pas rare que le condamné et le parquet fassent appel l’un et l’autre et que cela aboutisse à une aggravation de la peine.

Ainsi, Ma Zengde était accusé d’avoir tué en mai 1992 une jeune fille de quatorze ans. Son procès a eu lieu devant le tribunal populaire intermédiaire de la préfecture de Binzhou qui n’a pas retenu sa culpabilité faute de preuves suffisantes. Cependant, le parquet ayant fait appel, l’affaire a été portée devant le tribunal populaire supérieur de la province du Shandong, qui l’a déclaré coupable. Il a été exécuté aux alentours de la mi-juillet 1998. Il ne semble pas que le parquet ait produit plus de preuves qu’en première instance47.

Le 10 juillet 1997, le tribunal populaire intermédiaire de Baoji a condamné à mort Mei Xudong avec un sursis de deux ans. Selon certaines informations, à la suite d’un différend à propos d’une partie de cartes, il avait, le 26 février 1996, arrosé d’essence un homme et y avait mis le feu. L’homme était mort deux mois plus tard. La défense a vainement invoqué la démence. On a dit que le tribunal s’était montré clément parce que l’accusé avait payé d’importants frais d’hôpital pour les soins de la victime et versé 15 000 yuan (environ 1 786 euros) à sa veuve sur ordre du tribunal. L’affaire a été portée devant le tribunal populaire supérieur de la province du Shaanxi (probablement sur appel du parquet) et le 9 décembre 1997, Mei Xudong a été condamné à mort. Son propre appel a été rejeté le 29 juillet 1998 et il a finalement été exécuté le 27 août 1998.

Le 30 avril 1998, Wu Zhongming et Zheng Shuiyao ont été condamnés respectivement à la peine de mort sans sursis et à la peine de mort assortie d’un sursis de deux ans. D’après certaines sources, le 5 décembre 1998, ils avaient été jugés avec d’autres pour contrebande. Wu Zhongming a été condamné à la réclusion à perpétuité et Zheng à dix-neuf ans de prison. Leurs appels ayant été rejetés le 24 décembre, le tribunal populaire supérieur de la province du Jiangsu a, le 30 avril, statué définitivement sur l’affaire en portant la peine de réclusion à perpétuité à la peine capitale et celle de dix-neuf ans de prison à la peine de mort assortie d’un sursis de deux ans. On ignore si les deux condamnés ont été exécutés.

Les jeunes de moins de dix-huit ans et les femmes enceintes En vertu du Code pénal amendé, la peine de mort n'est plus applicable aux personnes

âgées de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction présumée, ni aux femmes

enceintes. Auparavant, les adolescents âgés de seize à dix-huit ans et les femmes enceintes pouvaient être condamnés à mort avec un sursis de deux ans. Il est

cependant difficile de savoir si les peines de ceux qui sont déjà condamnés à mort

avec sursis seront commuées. Compte tenu de la rareté des affaires de ce type

signalées par le passé, il est peu probable que les amendements dont il est question se

traduisent par une baisse sensible du nombre de condamnations à mort.

47. Quotidien juridique, 15/07/98

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En 1997, plusieurs jeunes dont l'âge a été mis en doute ont été condamnés à mort, de même qu’un certain nombre d’accusés qui semblaient effectivement âgés de moins de dix huit ans à l’époque de l’infraction. Ces cas constituent des violations non seulement de la législation chinoise mais aussi des normes internationales en matière de droits humains.

En août 1998, une jeune femme de vingt ans originaire de la province du Sichuan, Liu Ying, a été condamnée à mort avec un sursis de deux ans. Elle était accusée d’avoir, le 25 décembre 1995, pulvérisé de l’acide sulfurique sur sa mère. Elle était alors âgée de dix-sept ans.

Dans une autre affaire, à Pékin, vers le 3 décembre 1998, sept personnes reconnues coupables de diverses infractions ont été exécutées, dont Hu Ronghua qui, selon les informations dont on dispose, n’était âgé que de dix-sept ans à la date de son exécution48.

Les nouvelles dispositions légales semblent n’avoir pas été appliquées dans une autre affaire où, le 21 août 1998, le tribunal populaire intermédiaire de Guangzhou a condamné Ouyang Jiangbao à la peine de mort avec un sursis de deux ans pour vol simple et vol avec violence. Dix personnes au total auraient été condamnées à mort et Ouyang aurait bénéficié du sursis parce qu’il avait moins de dix huit ans au moment des faits. Or, en vertu de la loi en vigueur la peine de mort n’aurait de toute façon pas dû être prononcée à son encontre49.

Les injections létales et la transplantation d’organes L’exécution par injection létale, qui remplace la fusillade par un peloton

d’exécution, a été introduite en Chine avec le nouveau Code de procédure pénale, en 1997. La première exécution de ce type aurait eu lieu dans la province du Yunnan le

28 mars 199750, sur décision du tribunal populaire intermédiaire de Kunming après des “ milliers ” d’expérimentations sur des animaux. En septembre, on a

appris que 22 personnes au total avaient été exécutées par injection létale sur décision

de ce même tribunal en 199751. Toutefois, en novembre 1997, ce dernier a déclaré

qu’il avait désormais l’intention de ne pas communiquer le nombre exact de

personnes exécutées par injection létale. En février 1998, des informations venant de HongKong signalaient que les autorités de Kunming venaient d’exécuter par injection létale un quatrième “ groupe ” de condamnés. Elles précisaient en outre que le plus rapide avait mis trente et une secondes pour mourir et le plus lent cinquante-huit secondes52. D’autres provinces ont commencé à appliquer cette nouvelle méthode d’exécution en 1998, notamment la province du Hunan où le tribunal populaire intermédiaire de Changsha a fait exécuter Yang Meng le 9 mai 1998. Ce condamné, qui était paralysé, avait demandé expressément à être exécuté par injection létale, ce qui lui a été accordé après approbation du tribunal populaire supérieur de la province du Hunan.

48. Nouvelles du soir de Pékin, 5/12/98 49. Quotidien du Sud, 22/08/99 50. Quotidien juridique, 9/11/97, Xinhua, 4/11/97, SCMP, 5/11/97 51. AFP, 29/09/97 et Reuters, 29/09/97 citant Liaoning Daily Weekend 52. Sing Pao, 03/02/98

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Les autorités chinoises affirment que cette pratique est plus “ humaine ” et qu’elle a

été choisie pour des raisons de “ civilisation ”53. Selon des représentants du tribunal

populaire intermédiaire de Kunming, l’adoption de l’injection létale comme métho-de d’exécution rend la pratique chinoise en matière de sanctions plus conforme aux pratiques internationales. Toutefois, les États-Unis sont le seul autre pays au

monde à avoir recours à l’injection létale comme méthode normale d’exécution54.

Les Nouvelles juridiques du Zhejiang ont publié le 2 février 1998 un débat sur le recours à l’injection létale. Le journal indiquait que, selon l’opinion des politiques et des juristes, l’adoption de cette méthode “ marque un progrès dans le sens de la civilisation, mais certains pensent que cette manière propre de mourir n’est pas de nature à calmer l’indignation populaire ” et ajoutait qu’elle peut même être considérée comme “ une mort trop douce pour des criminels ”.

D’après certaines informations, “ des médecins nommés par les tribunaux compétents procèdent aux injections. ”55. La participation de médecins au processus des exécutions est contraire aux normes universellement reconnues en matière d’éthique médicale. L’Association médicale chinoise est membre de l’Association médicale mondiale qui est opposée à la participation des professionnels de la santé aux exécutions.

Il existe des arguments décisifs en faveur de l’arrêt immédiat des exécutions judiciaires. En outre, le fait de tirer partie des compétences des médecins, des techniques médicales et des substances médicamenteuses pour mettre fin à la vie humaine sur ordre de l’État constitue un perversion de la médecine qui devrait être combattue vigoureusement par les organisations des professions de santé. Il y a par ailleurs de bonnes raisons de craindre que cette méthode ne soit utilisée pour

faciliter le prélèvement d’organes sur les prisonniers exécutés, à des fins de

transplantation ; de nombreuses informations ont confirmé l’existence d’une telle

pratique en Chine. L’injection létale peut être utilisée pour exécuter une personne

sans endommager ses principaux organes.

Au printemps de l’année 1998, deux individus ont été arrêtés à New York. Ils étaient soupçonnés d’être impliqués dans un trafic d’organes humains provenant de prisonniers qui avaient été exécutés dans la province du Hainan, dans le sud de la Chine. On ignore si des responsables politiques sont, dans une mesure quelconque, impliqués dans cette affaire. On sait toutefois qu’une importante société étrangère spécialisée dans la dialyse rénale s’est retirée d’une coentreprise à laquelle était associée la Chine, après avoir eu connaissance de certaines informations relatives au trafic d’organes56.

53. Quotidien du Hebei, 9/07/97 54 Le Guatémala a eu recours à cette méthode d’exécution une fois en 1998, et les Philippines l’on également utilisée. Taïwan est actuellement le seul pays qui l’a inscrite dans sa législation mais ne l’a jamais pratiquée. Pour plus de détails, voir le document intitulé Lethal Injection: The Medical Technology of Execution [Injection létale : utilisation de la technologie médicale pour les exécutions] (index AI : ACT 50/01/98). 55. Xinhua, 14/05/98 et voir le document intitulé Lethal Injection: The Medical Technology of Execution [Injection létale : utilisation de la technologie médicale pour les exécutions] (index AI : ACT 50/01/98/corr) 56. Scotland on Sunday, 08/03/98

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Les autorités chinoises ont nié que des organes prélevés sur des prisonniers exécutés aient fait l’objet d’un commerce. Toutefois, le seul document officiel disponible traitant de la question des trafics d’organes ne contient aucune référence à des dispositions pénales spécifiques et l’on peut s’interroger sur la portée juridique et l’efficacité de ce document. En fait, Amnesty International n’a jamais eu connaissance de poursuites judiciaires engagées à l’encontre de responsables de tels actes57.

Si vous souhaitez disposer d’informations complémentaires sur cette question ou entreprendre une action, veuillez consulter le document intitulé People’s Republic of China: The Death Penalty Log in 1998 (index AI : ASA 17/56/99) [République populaire de Chine. Relevé des cas de peine de mort en 1998] et le document interne CHIRAN (ASA 17/62/99).

57. Pour plus de détails, voir : République populaire de Chine. La peine de mort en 1997 (index AI : ASA 17/28/98)

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre People’s Republic of China: The Death Penalty in 1998. Seule la version anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI –avril 2000.

Vous pouvez également consulter le site ÉFAI sur internet : http://efai.i-france.com

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