agamben, une biopolitique mineure

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    Vacarme 10 / entretien Giorgio Agamben

    une biopolitique mineureentretien avec Giorgio Agamben

    entretien ralis par Stany Grelet & Mathieu

    Potte-Bonneville

    Giorgio Agamben est philosophe. Il a notamment thoris, dans laligne de Foucault, la biopolitique . Une structure de pouvoir trsancienne, dont il fait remonter la gnalogie lAntiquitoccidentale et qui na cess de spandre depuis, jusqu devenir laforme dominante de la politique dans les tats modernes : un tat

    dexception devenu la rgle . Lobjet propre de la biopolitique, cestla vie nue (z), qui dsignait chez les Grecs le simple fait de

    vivre , commun tous les tres vivants (animaux, hommes oudieux), distincte de la vie qualifie (bios) qui indiquait la formeou la faon de vivre propre un individu ou un groupe . Lobjet dela souverainet, selon Giorgio Agamben, cest non pas la viequalifie du citoyen, bavard et bard de droits, mais la vie nue etrduite au silence des rfugis, des dports ou des bannis : celle

    dun homo sacer expos sans mdiation lexercice, sur soncorps biologique, dune force de correction, denfermement ou demort. Au modle de la cit, cens rgir la politique occidentaledepuis toujours, il oppose celui du camp, nomos de lamodernit , paradigme de cette politisation de la vie nue qui estdevenu lordinaire du pouvoir. La structure de la politiqueoccidentale, nous dit-il, a nest pas la parole, cest le ban [1 (#nb1) ].

    Cette thse a une actualit vidente. Les mesures de sant publique,de mise au travail, de contrle de limmigration ou la prohibition

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    des drogues rvlent la nature minemment biopolitique despolitiques publiques contemporaines. Elles sappliquentprcisment des vies nues prises dans les catgories et lesdispositifs dun pouvoir qui les traitent comme telles - vies exposeset administres. On pense immdiatement aux sans-papiers, biensr, objets de camps trs littraux, trs rels. Mais aussi auxusagers de drogues, enjoints au soin ou incarcrs ; aux chmeurs,enjoints au travail ou condamns la misre dun welfare de plus enplus chiche ; ou bien dautres. a nest sans doute pas un hasard siles rcents dbats sur le PACS ont vu la prolifration de mtaphoresanimalires. Au Parlement mme, cur thorique des citsparlementaires, le bios cde le pas la z ds quon lgifre sur des

    vies.

    Mais Giorgio Agamben ne sen tient pas un diagnostic conceptuel. plusieurs reprises, il appelle et annonce, dune manire assezprophtique, une autre politique [2 (#nb2) ]. Celle-ci se dploiera

    ncessairement au lieu mme o sexerce la souverainet moderne,parce quon ny chappe pas. Celle-ci, pour tre autre , devrasinon sen abstraire, du moins laffronter, ou le subvertir. Or il sepourrait bien que les groupes les plus exposs au biopouvoir soient

    en train, depuis lexprience quils en font et les rsistances quilslui opposent, dinventer lalternative que Giorgio Agamben appellede ses vux. Pris dans les appareils du biopouvoir, sans vritableopportunit den sortir (comme chapper au pouvoir mdicallorsquon est atteint par le VIH, ladministration du welfarelorsquon na pas de revenus, aux guichets des prfectures, auxcentres de rtention ou aux zones dattente lorsquon na pas depapiers, etc. ?), ces groupes inventent une biopolitique mineure, en

    contrepoint de celle de ladversaire. En revendiquant de quoi vivre :des traitements anti-rtroviraux, un revenu minimum garanti, desdrogues lgales et sres, etc. En affrontant le pouvoir l o ilsexerce : au guichet des administrations, dans les bureaucratiessanitaires, dans les tribunaux ordinaires, etc. En cherchant, enquelque sorte, le bios de leur z.

    Si nous avons souhait vous rencontrer, cest en particulier pour

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    vous interroger sur lautre versant , si lon peut dire, de labiopolitique dont vous parlez. Un certain nombre de mouvements -ceux, prcisment, dont nous sommes issus ou dont nous sommesproches : celui des sans-papiers, celui des prcaires, celui desmalades du sida ou celui, mergent, des usagers de drogues - sedploient exactement dans le lieu politique que vous avez identifi :dans cette zone dindictinction entre public et priv, corps

    biologique et corps politique, z et bios , dans cet tatdexception qui est devenu la rgle . Or de ces mouvements vousparlez peu, ou indirectement. Ils rdent entre vos lignes, maisplutt comme objets (des camps, du welfare ou du pouvoir mdical)que comme sujets. Vous analysez avec prcision la biopolitiquemajeure, celle de lennemi, dont vous tracez minutieusement la

    gnalogie, dont le foyer, dites-vous, serait cet homo sacer , vienue expose au pouvoir souverain, et dont vous examinezattentivement les dispositifs, comme le camp ; mais vous dlaissezles biopolitiques de riposte ou de rappropriation, les biopolitiquesmineures, notre biopolitique, pour ainsi dire : celle dAC !, descollectifs de sans-papiers ou dAct Up. Vous en pensez pourtant lapossibilit, et la ncessit : Cest , dites-vous, partir de ceterrain incertain, de zone opaque dindiffrenciation, que nous

    devons aujourdhui retrouver le chemin dune autre politique, dunautre corps, dune autre parole. Je ne saurais renoncer sous aucunprtexte cette indistinction entre public et priv, corps biologiqueet corps politique, z et bios. Cest l que je dois retrouver monespace - l, ou en nul autre lieu. Seule une politique partant de cetteconscience peut mintresser. Mais vous nexplorez pas les formesconcrtes de lutte qui pratiquent, prcisment, la politique depuiscette conscience - et cette exprience - de ltat dexception. Or ny

    a-t-il pas l, justement, lorsque des chmeurs rclament un revenugaranti, lorsque des malades du sida exigent des traitements, oulorsque des usagers de drogue revendiquent des drogues sres,lembryon de cette autre biopolitique que vous appelez de vos

    vux ?

    Dans un sens, il faudrait plutt renverser la question. Cest plutt des acteursen question quil faudrait attendre une rponse. Cela dit, si les mouvements et

    les sujets dont vous parlez rdent entre mes lignes plutt comme objets que

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    comme sujets , cest que je vois l un problme majeur : la question du sujet,prcisment, que je ne peux concevoir quen terme de processus desubjectivation et de dsubjectivation - ou plutt comme un cart ou un resteentre ces processus. Qui est le sujet de cette nouvelle biopolitique, ou plutt decette biopolitique mineure dont vous parlez ? Cest un problme toujoursessentiel dans la politique classique, lorsquil sagit de trouver qui est le sujetrvolutionnaire, par exemple. Il y a des gens qui continuent de poser ceproblme dans le sens ancien du terme : celui de la classe, du proltariat. Ce nesont pas des problmes obsoltes, mais ds quon se pose sur le nouveauterrain dont on parle, celui du biopouvoir, de la biopolitique, le problme estautrement difficile. Parce que ltat moderne fonctionne, me semble-t-il,comme une espce de machine dsubjectiver, cest--dire comme unemachine qui brouille toutes les identits classiques et, dans le mme temps,

    Foucault le montre bien, comme une machine recoder, juridiquementnotamment, les identits dissoutes : il y a toujours une resubjectivation, uneridentification de ces sujets dtruits, de ces sujets vids de toute identit.Aujourdhui, il me semble que le terrain politique est une espce de champ debataille o se droulent ces deux processus : en mme temps destruction detout ce qui tait identit traditionnelle - je le dis sans aucune nostalgie bien sr- et resubjectivation immdiate par ltat ; et pas seulement par ltat, maisaussi par les sujets eux-mmes. Cest ce que vous voquiez dans votre

    question : le conflit dcisif se joue dsormais, pour chacun de ses protagonistes,y compris les nouveaux sujets dont vous parlez, sur le terrain de ce quejappelle la z, la vie biologique. Et en effet il nen est pas dautre : il nest pasquestion, je crois, de revenir lopposition politique classique qui spareclairement priv et public, corps politique et corps priv, etc. Mais ce terrain estaussi celui qui nous expose aux processus dassujettissement du biopouvoir. Il ya donc l une ambigut, un risque. Cest ce que montrait Foucault : le risqueest quon se ridentifie, quon investisse cette situation dune nouvelle identit,

    quon produise un sujet nouveau, soit, mais assujetti ltat, et quonreconduise ds lors, malgr soi, ce processus infini de subjectivation etdassujettissement qui dfinit justement le biopouvoir. Je crois quon ne peutpas chapper au problme.

    Sagit-il l dun risque ou dune aporie ? Toute subjectivation est-ellefatalement un assujettissement, ou peut-on dgager quelque chosecomme une maxime, une recette de subjectivation, qui permettrait

    dchapper lassujettissement ?

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    Dans les derniers travaux de Foucault, il y a une aporie qui me semble trsintressante. Il y a dune part tout le travail sur le souci de soi : il faut sesoucier de soi, dans toutes les formes de pratique de soi. Et en mme temps, plusieurs reprises, il nonce le thme apparemment oppos : il faut sedprendre de soi. Il dit plusieurs fois : On est fini dans la vie si lon sinterrogesur son identit ; lart de vivre, cest dtruire lidentit, dtruire lapsychologie. Donc il y a bien ici une aporie : un souci de soi qui doit aboutir une dprise de soi. Une manire dont on pourrait poser la question, cest :quest-ce que cest quune pratique de soi, non pas comme processus desubjectivation, mais qui naboutirait au contraire qu une dprise, quitrouverait son identit uniquement dans une dprise de soi ? Il faudrait pourainsi dire se tenir en mme temps dans ce double mouvement, dsubjectivationet subjectivation. videmment, cest un terrain difficile tenir. Il sagit

    vraiment didentifier cette zone, ce no mans land qui serait entre un processusde subjectivation et un processus contraire de dsubjectivation, entre lidentitet une non-identit. Il faudrait identifier ce terrain, parce que cest ce terrainqui serait celui dune nouvelle biopolitique. Cest prcisment ce qui fait, mesyeux, lintrt dun mouvement comme celui des malades du sida. Pourquoi ?Parce quil me semble que l, on ne sidentifie que sur le seuil dunedsubjectivation absolue, qui parfois peut tre mme le risque de la mort. Il mesemble quon se tient l dans ce seuil. Jai essay un peu dans le livre sur

    Auschwitz, propos du tmoignage, de voir le tmoin comme modle dunesubjectivit qui ne serait que le sujet de sa propre dsubjectivation. Le tmoinne tmoigne de rien dautre que de sa propre dsubjectivation. Le rescaptmoigne uniquement pour les Musulmans [3 (#nb3) ]. Ce qui mintressait

    dans la dernire partie de ce livre, ctait vraiment didentifier un modle dusujet comme ce qui reste entre une subjectivation et une dsubjectivation, uneparole et un mutisme. Ce nest pas un espace substantiel, cest plutt un cartentre deux processus. Mais l ce nest quun dbut. On touche peine ici une

    nouvelle structure de la subjectivit, mais cest trs compliqu, cest tout untravail faire. Il faudrait vraiment... Cest une pratique, pas un principe. Jecrois quon ne peut pas avoir de principes gnraux, sauf tre attentif ne pasretomber dans un processus de re-subjectivation qui serait en mme temps unassujettissement, cest--dire ntre un sujet que dans la mesure dune stratgieou dune tactique. Cest pour cela quil est trs important de voir dans lapratique que chacun ou que les mouvements ont deux-mmes comment sedessinent ces zones possibles. Et a peut tre partout, en travaillant partir de

    cette notion de souci de soi chez Foucault, mais en la dplaant dans dautres

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    domaines : toute pratique de soi quon peut avoir, mme cette mystiquequotidienne quest lintimit, toutes ces zones o lon ctoie une zone denon-connaissance ou une zone de dsubjectivation, que ce soit la vie sexuelleou nimporte quel aspect de la vie corporelle. L on a toujours des figures o unsujet assiste sa dbcle, ctoie sa dsubjectivation, tout cela, ce sont des zonesquotidiennes, une mystique quotidienne trs banale. Il faut tre attentif toutce qui nous donnerait une zone de ce genre. Cest encore trs vague, mais cestcela qui donnerait le paradigme dune biopolitique mineure.

    Vous prsentez lidentit comme un risque, une erreur du sujet. Nya-t-il pas, nanmoins, une paisseur matrielle des identits, neserait-ce que dans la mesure o ladversaire nous assigne elles,que ce soit par la loi (pensez aux lois sur limmigration) ou par

    linsulte (pensez aux injures homophobes), qui les rend pour ainsidire objectives ? En dautres termes, quelle marge dedsubjectivation nos conditions sociales nous laissent-elles ?

    Je travaille en ce moment sur les lettres de Paul. Paul pose le problme : Quest-ce que la vie messianique ? Quallons-nous faire maintenant que noussommes dans le temps messianique ? Quallons-nous faire par rapport ltat ? Et l il y a ce double mouvement qui a toujours fait problme, qui me

    semble trs intressant. Paul dit en mme temps : Reste dans la conditionsociale, juridique ou identitaire, dans laquelle tu te trouves. Tu es esclave ?Reste esclave. Tu es mdecin ? Reste mdecin. Tu es femme, tu es mari ? Restedans la vocation dans laquelle tu as t appel. Mais en mme temps, il dit : Tu es esclave ? Ne ten soucie pas, mais fais-en usage, profites-en. Cest--dire quil nest pas question que tu changes de statut juridique, ou que tuchanges ta vie, mais fais-en usage. Il prcise ensuite ce quil veut dire par cetteimage trs belle : comme si non , ou comme non . Cest--dire : Tu

    pleures ? Comme si tu ne pleurais pas. Tu te rjouis ? Comme si tu ne terjouissais pas. Es-tu mari ? Comme non-mari. As-tu achet une chose ?Comme non-achete, etc. Il y a ce thme du comme non . Ce nest mmepas comme si , cest comme non . Littralement, cest : Pleurant,comme non pleurant ; mari, comme non mari ; esclave, comme nonesclave. Cest trs intressant, parce quon dirait quil appelle usages desconduites de vie qui, en mme temps, ne se heurtent pas frontalement aupouvoir - reste dans ta condition juridique, dans ta vocation sociale - mais les

    transforment compltement dans cette forme du comme non . Il me sembleque la notion dusage, en ce sens, est trs intressante : cest une pratique dont

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    on ne peut pas assigner le sujet. Tu restes esclave, mais, puisque tu en faisusage, sur le mode du comme non, tu nes plus esclave.

    Comment un tel usage pourrait-il tre proprement politique, ousous conditions politiques ? Parce quil serait possible dy voir une

    conversion de pense strictement individuelle ou thique, ou mmereligieuse, en tout cas singulire et prive , disons, avec lesguillemets. Quelle relation cette conversion vis--vis de son proprestatut, qui permet de ne plus tre un sujet, entretient-elle avec lapolitique ? En quoi est-ce que a ncessite de la communaut, de lalutte, du conflit, etc. ?

    Bien sr, on considre parfois ce thme chez Paul comme relevant de

    lintriorisation. Mais je ne crois pas du tout quil sagisse de cela. Sonproblme, cest au contraire celui de la vie de la communaut messianique laquelle il sadresse. Par exemple, ce thme de lusage, on le voit ressortir sousune forme trs forte - une critique du droit - dans le mouvement franciscain, ole problme est celui de la proprit : ces ordres qui pratiquent la pauvretextrme refusent toute proprit, et en mme temps ils doivent faire usage decertains biens. Il y a cette occasion un conflit trs fort avec lglise, dans lesens o lglise veut bien admettre quils refusent un droit de proprit quil

    soit un droit de proprit de lindividu, ou un droit de proprit de lordre -parce quils le refusent mme en temps quordre -, mais elle voudrait quilsclassifient leur conduite de vie comme droit dusage. Cest quelque chose quiexiste encore : lusufructus, le droit duser, en tant que spar du droit deproprit. Eux insistent au contraire, et cest l le conflit : ils disent : Non, cenest pas un droit dusage, cest de lusage sans droit. Ils appellent cela ususpauper, lusage pauvre. Cest vraiment lide douvrir une zone de viecommunautaire qui fait usage, mais qui na pas de droit, et nen revendique

    pas. Dailleurs, les Franciscains ne critiquent pas la proprit, ils en laissenttous les droits lglise : La proprit ? Nous nen voulons pas. Nous nous enservons. On peut donc dire que ce problme est purement politique, ou dumoins communautaire.

    Nanmoins, est-ce tre absolument un hasard si les rfrences quevous convoquez pour penser cette alternative appartiennent lasphre religieuse ? Par moment, vous lire, il y a dans ladsignation de cette autre politique, ou de cette autre statut du

    politique, quelque chose comme un ton prophtique. Vous crivez

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    par exemple : Cest pourquoi, si lon nous permet davancer uneprophtie sur la politique qui sannonce, celle-ci ne sera plus uncombat pour le contrle ou la conqute de ltat par de nouveaux oudanciens sujets sociaux, mais une lutte entre ltat et le non-tat(lhumanit), disjonction irrmdiable des singularits quelconqueset de lorganisation tatique. Quelle place accordez-vous cesrfrences et ce ton-l dans votre travail ?

    Ce qui mintresse dans les textes de Paul, ce nest pas tellement le domaine dela religion, mais ce domaine ponctuel qui a affaire avec le religieux mais qui neconcide pas avec lui, qui est le messianique, cest--dire un domaine trsproche du politique. L, cest plutt un autre auteur qui a t dcisif pour moi,qui nest pas du tout religieux : cest Walter Benjamin, qui pense le messianique

    comme paradigme du politique, ou disons du temps historique. Cest pluttcela dont il est question pour moi. Et je pense en effet que la manire dont,dans la premire Thse sur le concept dhistoire, Benjamin introduit lathologie en tant quentit qui, mme cache, doit aider le matrialismehistorique remporter la partie contre ses ennemis, reste un geste trs lgitimeet trs actuel, qui nous donne, justement, les moyens de penser autrement letemps et le sujet. Alors vous parliez du prophte... Ces jours-ci, jtais en traindcouter les cours enregistrs de Foucault, notamment celui o il distingue

    quatre figures de la vridiction dans notre culture : le prophte, le sage, letechnicien, et puis celui quil appelle le parrsiasts, celui qui a le courage dedire la vrit. Le prophte parle au futur, et non pas en son nom, mais au nomde quelque chose dautre. Le parrsiasts, au contraire, avec lequel Foucaultsidentifie sans doute, parle en son nom, et doit dire ce qui est vrai maintenant,aujourdhui. Bien sr, il dit que ce ne sont pas des figures spares. Mais moi jerevendiquerais plutt la figure du parrsiasts que celle du prophte. Bon, leprophte, cest videmment trs important, et cest mme une catastrophe quil

    ait quitt notre culture : la figure du prophte, ctait celle du leader politiquejusqu il y a cinquante ans ; il a compltement disparu. Mais en mme temps,il me semble quon ne peut plus penser un discours qui sadresse au futur. Ilfaut penser lactualit messianique, le kairos, le temps de maintenant. Cela dit,cest un modle de temps trs compliqu, parce que ce nest ni le temps venir- leschatologie future, lternel -, ni exactement le temps historique, le tempsprofane, cest un morceau de temps prlev sur le temps profane qui, du coup,se transforme. Benjamin crit quelque part que Marx a scularis le temps

    messianique dans la socit sans classes. Cest tout fait vrai. Mais en mme

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    temps avec toutes les apories que cela engendre - les transitions, etc. - cest uneespce dcueil sur lequel la Rvolution a chou. On ne dispose pas dunmodle de temps qui permette de penser cela. En tout cas, je crois que lemessianique est toujours profane, jamais religieux. Cest mme la crise ultimedu religieux, le rabattement du religieux dans le profane. ce propos, je pense une revue qui vient dtre publie en France, par des jeunes gens que jeconnais, qui sappelle Tiqqun [4 (#nb4) ]. L, cest vraiment une revue

    messianique, parce que Tiqqun, dans la cabale de Luria, cest justement leterme de la rdemption messianique, de la restauration messianique. amintresse, parce que cest une revue extrmement critique, trs politique, quiprend un ton trs messianique, mais toujours de manire compltementprofane. Ainsi ils appellent Bloom les nouveaux sujets anonymes, lessingularits quelconques, vides, prtes tout, qui peuvent se diffuser partout,mais restent insaisissables, sans identit mais ridentifiables chaquemoment. Le problme quils se posent, cest : Comment transformer ceBloom, comment ce Bloom va-t-il oprer le saut au-del de lui-mme ?

    Cest l, peut-tre, que nous avons du mal vous suivre. Non pas surla posture messianique, mais sur les singularits quelconques .Comment dire ? vous entendre, la biopolitique nouvelle, cettepolitique qui sannonce, relve davantage de la fuite ou de la sortie

    que de la rsistance ou du conflit. Dun ct vous identifiez trsclairement un ennemi, un adversaire, trs massif, trs consistant,trs cohrent, dont on peut tracer des gnalogies longues, dont onpeut reprer des dispositifs rcurrents, etc. De lautre, face laconsistance de cet adversaire, tout se passe comme si vous plaidiezpour une sorte de politique de linconsistance, de la dissolution, delesquive : plutt que fabriquer des sujets collectifs, il faudraitapprendre se dprendre de soi ; plutt que revendiquer des

    droits, il faudrait imaginer des usages sans droit ; pluttquaffronter ltat, il faudrait sassumer comme un non-tat , etc.Or a-t-on toujours la latitude de fuir ? Il nous semble que lapuissance des appareils biopolitiques (pensez aux politiques desant publique, ladministration du welfare, au contrle delimmigration, etc) tient prcisment leur force, terrible, decapture. Pour dire a brutalement, pardonnez-nous, il se pourrait

    bien que la dsubjectivation soit un luxe, dont la possibilit ne

    soffre prcisment qu ceux qui chappent aux appareils du

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    biopouvoir. Comment se dprendre de soi, esquiver laresubjectivation, tre un non-tat, etc. lorsquon est sropositif , RMIste ou toxicomane , cest--dire pris, littralement, dansles catgories et les dispositifs du biopouvoir ? Nest-on pas, biensouvent, contraint dagir comme tels plutt que comme non, pourreprendre vos termes ? Bref, on peut avoir le sentiment que vousplaidez pour la mobilit et lesquive, l o la puissance de capture etlpaisseur matrielle de lennemi ne nous laissent pas dautre choixque de laffronter.

    Je vois bien le problme. Je crois que tout dpend de ce quon entend par fuite.Cest un motif que lon trouve chez Deleuze : la ligne de fuite , lloge de lafuite. Mais vous avez raison de protester. La notion de fuite, ce nest pas quil y

    ait un ailleurs o on puisse aller. Non, cest une fuite trs particulire. Cest unefuite qui na pas dailleurs. O serait lailleurs o lon pourrait senfuir ? Danscertains cas, quand le mur de Berlin tait debout, par exemple, il y avait desfuites videntes parce quil y avait un mur (mais est-ce quil y avait unailleurs ?). Pour moi, il sagirait de penser une fuite qui nimplique pas unevasion : un mouvement dans la situation o il a lieu. Cest uniquement en tantque telle que la fuite pourrait avoir une signification politique. Et puis il y a unautre problme qui me semble toucher la question que vous avez pose. Cest

    le problme quon trouve chez Marx quand il fait la critique de Stirner. DanslIdologie allemande, il consacre plus de cent pages au thoricien delanarchie, dont il rcuse la distinction entre rvolte et rvolution. Stirnerthorise la rvolte en tant quacte personnel de soustraction, goste. PourStirner, la rvolution, cest un acte politique qui vise le conflit contre uneinstitution, alors que la rvolte, cest un acte individuel qui ne vise pas dtruire les institutions. Il suffit tout simplement de laisser ltat tre, et neplus laffronter : il va se dtruire lui-mme. Il suffit donc de se soustraire - une

    fuite. Marx critique trs fortement ce motif, mais le fait quil lui consacre centpages montre bien que cest un problme srieux. cette oppositionrvolte/rvolution, il oppose une sorte dunit entre la rvolte et la rvolution.Il noppose pas un concept politique un concept anarchico-individuel, ilcherche lunit des deux : ce sera toujours pour des raisons gostes, pour ainsidire de rvolte, quun proltaire fera un acte directement politique. L, mme sicela pose dautres problmes, jaurais tendance penser comme Marx : uneespce dunit des deux gestes, ou bien dentre-deux, disons. Jaurais tendance

    penser non pas une coupe qui isole la fuite de la rvolution, comme on a

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    tendance le faire, mais que tout acte manant du besoin singulier dunindividu, le proltaire, qui na aucune identit, aucune substance, sera aussi,quand mme, un acte politique. Je crois quil ne faut pas opposer actionpolitique et fuite, rvolte et rvolution, mais essayer de penser lentre-deux.Mais cela fait problme pour Marx aussi. Cest tout le problme de la classe. Laclasse na pas de conscience, le proltariat existe en tant que sujet, mais il napas de conscience. Do le problme lniniste du parti : il faudra quelque chosequi ne soit pas diffrent de la classe, qui ne soit pas autre chose que la classe,mais qui sera pour ainsi dire lorgane de sa conscience. Cest une aporie, laussi. Je ne dis pas quil y a une solution ce problme, entre les lignes de fuitequi seraient un geste de rvolte, et une ligne purement politique. Ni le modleparti, ni le modle daction sans parti : il y a besoin dinventer. Parce quaprson tombe dans le problme de lorganisation politique, du parti-classe, qui va

    produire un nous : le parti est celui qui veille ce que toute action soitpolitique et pas personnelle, pas individuelle ; la classe, au contraire, estlorgane dune infinie production dactes non politiques, mais de rvoltesindividuelles. Mais le problme est rel.

    Cest dailleurs un problme qui se pose, en pratique, tous ceux quicherchent produire du collectif - et loccasion du nous - endehors de ces machines agrger que sont les partis politiques, et

    sans le secours dun principe gnral suprieur, que ce soit laRpublique, la Classe ou lHomme. Si vacarme se sent proche desassociations de malades, de chmeurs ou de prcaires, cestprcisment parce quelles inventent quelque chose comme unepolitique la premire personne, dans des formes dorganisationnouvelles, o les distinctions entre le social et le politique, la classeet sa conscience, le singulier et luniversel, etc. seffacent, et o lasignification politique des actes est immanente aux actes

    eux-mmes.

    Oui. Il faut inventer une pratique qui briserait la coque de ces reprsentations.Srement pas un sujet substantiel identifier, mais autre chose, quil mesemble avoir trouv chez Paul, pour revenir au travail en cours. Paul a affaireavec la loi juive qui partage les hommes en Juifs et non-Juifs, Juifs et Goyim.Quest-ce quil va faire avec cette division ? On prsente souvent Paul comme sictait le mentor de luniversalisme, quelquun qui aurait oppos ces

    divisions-l juif/non-juif un nouveau principe universel, pre de lglisecatholique, cest--dire universelle. Or quand on regarde son travail de prs,

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    cest exactement le contraire. Face cette division impose par la loi (ilconsidre au fond la loi comme ce qui divise, ce qui partage, juif/non-juif, maisaussi citoyen/non-citoyen, etc.), au lieu dopposer comme on aurait tendance,nous, au temps des droits de lhomme, un principe universel contre le partageethnique, il fait une chose trs subtile : il divise la division mme. La loi diviseen Juifs et non-Juifs ? Eh bien moi je vais couper cette division par une autrecoupe. Il y en a plusieurs, par exemple juif selon la chair et juif selon lesprit, lesouffle. Cette coupe chair/souffle va diviser la division exhaustive quipartageait lhumanit entre Juifs et non-Juifs. Ce nouveau partage va produiredes Juifs qui ne sont pas juifs, parce que ce sont des Juifs qui sont juifs selon lachair, et non selon lesprit, et des Gom qui sont gom selon la chair, mais pasgom selon lesprit. Cest--dire quil va produire un reste. Paul introduit unreste dans cette division Juif/non-Juif. Cest une espce de coupe qui coupe la

    ligne mme. Donc, au fond, cest beaucoup plus intressant : il noppose pas ununiversel, il met en chec la division de la loi, il introduit un reste. Parce que leJuif selon lesprit, il nest pas non-juif, il est aussi juif, mais on pourrait direque cest une espce de non-non-Juif. Partout, Paul travaille comme cela : ildivise la division au lieu de proposer un principe universel. Et ce qui reste, cestle sujet nouveau, mais indfinissable, toujours en reste parce quil peut tre detous les cts, du ct des non-Juifs, du ct des Juifs. Il y a l quelque chosede prcieux pour se reprsenter aujourdhui une notion de peuple, et peut-tre

    aussi pour penser ce que Deleuze disait quand il parlait de peuple mineur, dupeuple en tant que minoritaire. Cest moins un problme de minorits, quuneprsentation du peuple comme tant toujours en reste par rapport unedivision, quelque chose qui reste ou rsiste une division - pas comme unesubstance, mais comme un cart. Il sagirait de procder plutt comme cela,par division de la division, plutt quen se demandant : Quel serait le principeuniversel communautaire qui pourrait nous permettre de nous retrouverensemble ? Au contraire. Il sagit, face aux divisions que la loi introduit, aux

    coupes que la loi fait continuellement, de travailler ce qui fait chec enrsistant, en restant - rsister, rester, cest la mme racine.

    Cest exactement ce qui sest pass en France autour dessans-papiers. La loi dfinissait des critres, et tout le travail aconsist non pas invoquer un principe dhospitalit gnral, mais montrer que tous les critres produisaient des situations qui necorrespondaient plus aucun : des gens inexpulsables et

    irrgularisables, etc. Finalement, la stratgie des associations a

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    consist montrer que lon pouvait dmultiplier les critres defaon telle que personne ne correspond exactement lalternativeentre clandestin et rgulier. Il y a une ligne de repre qui ressort dea.

    Cest ce qui ma frapp chez Paul. Cest ce quon trouve dans la Bible, dans lafigure du prophte : le prophte parle toujours dun reste dIsral. Cest--direquil sadresse Isral comme un tout, mais lui annonce que seul un restesera sauv . Cest ce qui se joue chez Isae, chez Amos, dans le discoursprophtique. On dirait l que ce nest pas une portion numrique, mais la figureque tout peuple doit prendre dans linstant dcisif - en loccurrence, le salut oullection, mais cela peut tre nimporte quoi dautre. Le peuple doit se produireen reste, prendre la figure de ce reste. Il faut toujours le voir dans une situation

    dtermine : quest-ce qui, dans une telle situation, se poserait en tant quereste ? Cela ne correspond pas la distinction majorit/minorit. Cest autrechose. Tout peuple prend cette figure si linstant est vraiment dcisif.

    Cela dit, quelle place reste-t-il aux situations dtermines et aux instants dcisifs , justement, dans une critique de lpoque aussiradicale que la vtre ? vous lire, vous penchez davantage du ctde laporie, de limpasse et de lchec - notamment dans la manire

    dont vous renvoyez dos dos, l encore partir de Debord, lesfigures du totalitarisme et de la dmocratie - que du ct delopportunit, du coup, du kairos, comme vous dites. Dans voslivres, vous voquiez notamment une exprience de limpuissanceabsolue , et la solitude et le mutisme l o nous nous attendions la communaut et au langage . quoi pensiez-vous ?

    On ma souvent reproch, ou du moins attribu, ce pessimisme dont peut-treje ne me rends pas compte. Mais moi je ne le vois pas comme cela. Il y a unephrase de Marx que Debord cite aussi, que jaime bien, cest : La situationdsespre de la socit dans laquelle je vis me remplit despoir. Je partagecette vision : lespoir est donn pour les dsesprs. Je ne me vois pas sipessimiste. Non, pour rpondre votre question, je pensais lhorriblesituation politique des annes 1980. Je pense aussi la guerre du Golfe et auxguerres qui ont suivi, en Yougoslavie notamment. Disons que la nouvelle figurede la domination se dessine maintenant assez bien. Cest au fond la premirefois quon voit aussi nettement en uvre le modle spectaculaire. Pas

    seulement dans les mdias : il est pour ainsi dire mis en uvre politiquement.

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    Simone Weil dit quelque part que cest une faute de considrer la guerrecomme un fait qui concerne la politique extrieure - il faut la considrer aussicomme un fait de politique interne. Or il me semble que, dans ces guerres-l,on a prcisment une absolue indtermination, une absolue indiscernabilitentre politique interne et politique extrieure. Maintenant, ces choses sontdevenues triviales. On les trouve dans la bouche des experts : la politiqueextrieure et la politique intrieure, cest la mme chose. Mais jinsiste : il ny al aucun pessimisme psychologique ou personnel. Cest dailleurs une autremanire de poser le problme du sujet. Cest au fond ce que jaime beaucoupchez Simondon : on peut penser quil pense lindividuation, toujours, commecoexistence entre une principe individuel et personnel et un principeimpersonnel, non-individuel. Cest--dire quune vie est toujours faite de deuxphases en mme temps, personnelle et impersonnelle. Elles sont toujours en

    rapport, mme si elles sont nettement spares. Je crois quon pourrait appelerlimpersonnel lordre de la puissance impersonnelle avec laquelle toute vie esten rapport. Et on pourrait appeler dsubjectivation cette exprience quon faittous les jours de ctoyer une puissance impersonnelle, quelque chose qui enmme temps nous dpasse et nous fait vivre. Voil, il me semble que laquestion de lart de vivre, ce serait : comment tre en rapport avec cettepuissance impersonnelle ? Comment le sujet saura tre en rapport avec sapuissance, qui ne lui appartient pas, qui le dpasse ? Cest un problme

    potique, pour ainsi dire. Les Romains appelaient cela le gnie, principeimpersonnel fcond, qui permet dengendrer une vie. L aussi, cest un modlepossible. Le sujet ne serait ni le sujet conscient, ni la puissance impersonnelle,mais ce qui se tient entre les deux. La dsubjectivation na pas seulement unaspect sombre, obscur. Elle nest pas simplement la destruction de toutesubjectivit. Il y aussi cet autre ple, plus fcond et potique, o le sujet nestque le sujet de sa propre dsubjectivation. Permettez-moi, donc, de refuservotre accusation : je suis sr que vous tes plus pessimistes que moi...

    [1 (#nh1) ]Homo Sacer, le pouvoir souverain et la vie nue, Seuil, 1997 ; Ce qui restedAuschwitz, Bibliothque Rivages, 1999.

    [2 (#nh2) ]La communaut qui vient, thorie de la singularit quelconque, Seuil,1990 ;Moyens sans fin, notes sur la politique, Bibliothque Rivages, 1995.

    [3 (#nh3) ] Der Muselmann, le musulman dsigne, dans largot des camps,lhomme-momie, le mort vivant, celui qui a cess de lutter, qui a perdu touteconscience et toute volont. Ce terme renvoie probablement au sens littral du terme

    arabe muslim, signifiant celui qui se soumet sans rserve la volont divine (Ce qui

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    reste dAuschwitz, Bibliothque Rivages, p. 53). Selon lEncyclopedia Judaca, ilpourrait provenir de la posture typique de ces dtenus, blottis seuls, les jambesreplies la manire "orientale", le visage rigide comme un masque. . Pour Giorgio

    Agamben (Ibidem, p. 49), le musulman est le nom de lintmoignable : Le tmointmoigne en principe pour la vrit et la justice, lesquelles donnent ses paroles leurconsistance, leur plnitude. Or le tmoignage vaut ici essentiellement pour ce qui lui

    manque ; il porte en son cur cet "intmoignable" qui prive les rescaps de touteautorit. Les "vrais" tmoins, les "tmoins intgraux", sont ceux qui nont pastmoign, et nauraient pu le faire. Ce sont ceux qui "ont touch le fond", les"musulmans", les engloutis. Les rescaps, pseudo-tmoins, parlent leur place, pardlgation - tmoignent dun tmoignage manquant. Mais parler de dlgation na icigure de sens : les engloutis nont rien dire, aucune instruction ou mmoire transmettre. Ils nont ni "histoire" [...], ni "visage", ni "pense". Qui se charge detmoigner pour eux sait quil devra tmoigner de limpossibit de tmoigner. (Ibidem, p. 41-42).

    [4 (#nh4) ] Tiqqun, revue de mtaphysique critique.

    publi dans Vacarme 10 hiver 2000 (rubrique134.html)

    thmesAgamben Giorgio (mot313.html)

    les entretiens de VacarmeNancy Fraser : devenir pairs (article2005.html)

    Rgine Robin : lcriture la trace (article1967.html)Avital Ronell : qui est lappareil ? (article1944.html)Anne Cheng : le ressac de lhistoire (article1917.html)tienne Balibar : passeur du temps prsent (article1885.html)

    actuellement en librairies

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