affaire valada matos das neves c. portugal

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  • 7/24/2019 Affaire Valada Matos Das Neves c. Portugal

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    PREMIRE SECTION

    AFFAIRE VALADA MATOS DAS NEVES c. PORTUGAL

    (Requte no73798/13)

    ARRT

    STRASBOURG

    29 octobre 2015

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de laConvention. Il peut subir des retouches de forme.

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    ARRT VALADA MATOS DAS NEVES c. PORTUGAL 1

    En laffaire Valada Matos das Neves c. Portugal,La Cour europenne des droits de lhomme (premire section), sigeant

    en une Chambre compose de :Andrs Saj,prsident,Khanlar Hajiyev,Mirjana Lazarova Trajkovska,Julia Laffranque,Paulo Pinto de Albuquerque,Linos-Alexandre Sicilianos,Dmitry Dedov,juges,

    et de Sren Nielsen,greffierde section,Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 6 octobre 2015,Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 73798/13) dirigecontre la Rpublique portugaise et dont un ressortissant de cet tat, M. RuiPedro Valada Matos das Neves ( le requrant ), a saisi la Cour le25 novembre 2013 en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegardedes droits de lhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. Le requrant a t reprsent par MeR. Matias, avocate Lisbonne.

    Le gouvernement portugais ( le Gouvernement ) a t reprsent par sonagente, MmeM. F. da Graa Carvalho, procureure gnrale adjointe.

    3. Le 17 septembre 2014, la requte a t communique auGouvernement.

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    4. Le requrant est n en 1963 et rside Queluz.5. Le 10 dcembre 1990, alors quil tait en dernire anne

    darchitecture paysagiste luniversit, le requrant fut engag par la mairiede Lisbonne, pour une priode dun an, comme stagiaire au sein dudpartement dhygine urbaine et des rsidus solides de la directionmunicipale des infrastructures et de lassainissement.

    6. Au terme de son stage, le 10 dcembre 1991, la mairie de Lisbonneconclut avec lui un contrat visant la prestation de services d architecte ausein du dpartement o il avait effectu son stage, pour une priode dun an.

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    7. Le contrat fut reconduit annuellement.8. partir de lanne 1998, il fut demand au requrant de coordonner

    un projet de dveloppement urbain Lisbonne au sein dun cabinet dappuiau maire de Lisbonne.

    9. Le 30 juillet 2002, la mairie de Lisbonne mit un terme aux activitsdudit cabinet, se dispensant ainsi des services du requrant.

    10. Le 9 juin 2003, le requrant assigna la mairie de Lisbonne, le maireet la municipalit de Lisbonne devant le tribunal administratif de Lisbonne(Tribunal Administrativo de Crculo de Lisboa) demandant lareconnaissance du contrat de travail qui le liait avec la mairie de Lisbonne.Il rclama le droit la catgorie professionnelle de conseiller en architecture

    paysagiste, demandant que lui soient verss les salaires, les indemnits etdes dommages et intrts fonds sur lexistence dun tel contrat de travail.

    11. Le 29 octobre 2003, les dfendeurs prsentrent leurs conclusions enrponse, soulevant deux exceptions, lune tire de labsence de qualit(ilegitimidade passiva) de la mairie et de la municipalit de Lisbonne et,lautre, tire de la prescription.

    12. Le 17 novembre 2003, le requrant prsenta son mmoire enrplique.

    13. En avril 2004, en vertu de la rforme du code de procdure destribunaux administratifs, laffaire fut transfre au tribunal administratif etfiscal de Lisbonne.

    14. Le 3 janvier 2006, le requrant demanda au tribunal des informationssur le progrs de la procdure.

    15. Le 6 janvier 2006, le tribunal rpondit que la procdure tait encours et quil devait attendre.

    16. Entre 2007 et 2008, le requrant se renseigna plusieurs reprises surlavancement de la procdure auprs du greffe du tribunal.

    17. Par une ordonnance du 6 novembre 2009, le tribunal fit partiellementdroit aux exceptions qui avaient t souleves par les dfendeurs,considrant que seul le maire de Lisbonne avait qualit pour ester en justice.Il estima en outre quil ntait pas ncessaire dentendre des tmoins, lesdocuments joints au dossier permettant dtablir suffisamment les faits.

    18. Le 25 novembre 2009, le tribunal invita les parties prsenter des

    mmoires complmentaires (alegaes complementares).19. Le 17 juin 2011, le tribunal invita nouveau les parties prsenterleurs mmoires complmentaires, ce que le requrant fit le 11 juillet 2011 etles dfendeurs, le 20 septembre 2011.

    20. Dans un avis juridique prsent au tribunal le 7 fvrier 2012, leministre public reconnut lexistence dun contrat de travail, depuis le27 novembre 1991, entre la mairie de Lisbonne et le requrant. Il estimaitainsi que ce dernier devait tre admis la catgorie professionnelledarchitecte paysagiste.

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    21. Le 11 juillet 2012, le requrant adressa une lettre au tribunal danslaquelle il se plaignait du retard pris pour examiner sa cause.

    22. Le tribunal administratif de Lisbonne pronona son jugement le5 mars 2013. Faisant partiellement droit au requrant, le tribunal considraquil existait un contrat de travail entre ce dernier et la mairie de Lisbonnedepuis le 10 dcembre 1990. Il estima en outre que devaient lui trereconnus les catgories et carrires professionnelles conformment auxdiffrentes fonctions quil avait exerces.

    23. Le 18 mars 2013, le maire de Lisbonne forma un appel contre lejugement. Le tribunal admit le recours avec effet suspensif et renvoyalaffaire devant le tribunal central administratif du Sud.

    24. Le 17 mai 2013, le requrant demanda au tribunal centraladministratif du Sud de dclarer lextinction de linstance dappel au motif

    que le maire dfendeur navait pas prsent son mmoire en appel(alegaes de recurso)dans le dlai qui lui tait imparti.

    25. Par une ordonnance du 27 mai 2013, le tribunal central administratifpronona lextinction de linstance.

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A. La Constitution

    26. Larticle 20 4 de la Constitution de 1976 consacre le droit une

    dcision judiciaire dans un dlai raisonnable . Larticle 22 dfinit parailleurs la responsabilit civile de ltat et de ses organes et agents dans lestermes suivants :

    Ltat et les autres entits publiques sont civilement responsables,conjointement avec les membres de leurs organes et leurs fonctionnaires ou agents,de toutes les actions ou omissions commises par ceux-ci dans lexercice ou causede lexercice de leurs fonctions et dont il rsulte des violations des droits, liberts etgaranties ou un prjudice pour autrui.

    B. La loi no67/2007 du 31 dcembre 2007

    27. La loi no67/2007 du 31 dcembre 2007, dans sa rdaction issue de laloi n 31/2008 du 17 juillet 2008, dans ses parties pertinentes se lit ainsi :

    Article 7Responsabilit exclusive de ltat et des autres personnes morales de droit public

    1. Ltat et les personnes morales de droit public sont exclusivement responsablespour les dommages qui rsultent dactions ou omissions illicites, commises par fautelgre, par les titulaires de ses organes, fonctionnaires ou agents, dans l exercice de lafonction administrative et en raison de celui-ci.

    (...)

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    3. Ltat et les autres personnes morales de droit public sont aussi responsableslorsque les dommages nont pas t causs par un comportement concret du titulairede lorgane, dun fonctionnaire ou dun agent dtermin, ou dont la responsabilit

    pour lacte ou pour lomission ne peut tre tablie, mais doivent tre attribus aufonctionnement anormal du service.

    4. Il existe fonctionnement anormal de service lorsque, en tenant compte descirconstances et des standards moyens de rsultat, si une manire dagir capabledviter les dommages produits pouvait tre raisonnablement exige du service.

    Article 8Responsabilit solidaire en cas de dol ou faute grave

    1. Les titulaires dorganes, fonctionnaires et agents sont responsables desdommages qui rsultent dactions ou domissions illicites pratiques avec dol ou avecune dmarche ou un zle manifestement infrieurs ce qui taient attendus deux eu

    gard au poste occup.2. Ltat et les personnes morales de droit public sont responsables de faon

    solidaire avec les titulaires respectifs des organes, fonctionnaires et agents, s ils ontpratiqu les actions et omissions indiques au numro prcdent dans lexercice deleurs fonctions et en raison de celui-ci.

    (...)

    Article 9Illgalit (illicitude)

    1. Sont considres comme illgales les actions et omissions des titulairesdorganes, fonctionnaires et agents qui violent les dispositions ou principesconstitutionnels lgaux ou rglementaires ou enfreignent les rgles dordre techniqueou les devoirs objectifs de vigilance, engendrant une atteinte aux droits et intrtslgalement protgs.

    2. Il existe galement illgalit lorsque latteinte aux droits et intrts lgalementprotgs rsulte du fonctionnement anormal du service comme le disposelarticle 7 3.

    Article 10Faute

    1. La faute des titulaires dorganes, fonctionnaires et agents doit tre apprcie entenant compte de la dmarche et de la capacit pouvant tre raisonnablement exiges,en fonction des circonstances de chaque cas, dun titulaire dorgane, fonctionnaire ouagent zl et investi.

    2. Sans prjudice de la dmonstration de lexistence dun dol ou dune faute grave,lexistence dune faute grave lgre se prsume dans la pratique de tout acte juridiqueillicite.

    3. (...), lexistence dune faute lgre est galement prsume (...) si les devoirs devigilance nont pas t respects.

    (...)

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    Article 12Rgime gnral

    lexception de ce qui prvu dans les articles qui suivent, le rgime de laresponsabilit pour des faits illicites commis dans lexercice de la fonctionadministrative sapplique aux dommages causs de faon illicite par ladministrationde la justice, notamment pour la violation du droit une dcision judiciaire dans undlai raisonnable.

    C. La jurisprudence des juridictions administratives en matire dedlai raisonnable

    1. La jurisprudence de la Cour suprme administrative sur lesprincipes gouvernant lexamen des actions en responsabilit civile

    extracontractuelle28. Dans un arrt du 28 novembre 2007 (procdure interne no308/2007),

    la Cour suprme administrative souligna quil fallait interprter lalgislation interne applicable en conformit avec la jurisprudence de la Coureuropenne et que le prjudice moral dcoulant dun constat de violation delarticle 6 de la Convention en raison de la dure excessive dune procduredevait tre ddommag.

    29. Dans un arrt du 9 octobre 2008 (procdure interne no0319/08), laCour suprme administrative considra que le dommage moral caus parune atteinte au droit un procs dans un dlai raisonnable mrite rparationmme sil na pas t prouv que la victime a souffert une grande souffranceou un changement sensible de vie ou de comportement.

    30. Dans un arrt du 1er mars 2011 (procdure interne no0336/10), laCour suprme administrative estima que si le dlai raisonnable a t dpassdans le cadre dune procdure, cest ltat que revient la charge de la

    preuve concernant toute cause justifiant lexcs vrifi. La Cour suprmeconfirma ainsi un arrt du tribunal administratif et fiscal de Porto qui avaitoctroy la somme de 10 000 EUR aux parties dune procdure qui duraitdepuis vingt-six ans, sur deux niveaux de juridictions.

    31. Dans un arrt du 6 novembre 2012 (procdure interne no0976/11), laCour suprme administrative estima que vingt-cinq ans de procdure

    constituait un dysfonctionnement de la justice, violant l

    article 6 1 de laConvention et larticle 20 4 de la Constitution et que les parties nepouvaient tre tenues pour responsable de son allongement pour avoirutilis les voies de recours que leur ouvrait le droit interne.

    32. Dans un arrt du 27 novembre 2013 (procdure interne no0144/13),la Cour suprme administrative exposa :

    - si les parties utilisent les moyens de procdure que la loi interne leurouvre pour dfendre leurs intrts, ceci ne peut tre retenu pour exclure laresponsabilit de ltat en raison de la dure dune procdure au-del du

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    dlai raisonnable, moins quelles en aient fait une utilisation abusive ouvisant retarder la procdure ;

    - il appartient ltat dorganiser son systme judiciaire de faon viter que les procdures ne sternisent dans les tribunaux, travers desincidents et recours successifs permis par la loi interne ;

    - dans la recherche des causes du retard dune procdure, il faudra tenircompte de la complexit de laffaire, du comportement des parties et celuides autorits comptentes et de limportance du litige pour lintress.

    - la dure globale dune procdure de plus de huit ans traduit unfonctionnement anormal de la justice, violant elle seule larticle 6 1 de laConvention europenne des droits de lhomme et larticle 20 4 de laConstitution.

    Laffaire fut alors renvoye en premire instance en vue de la rvision

    des faits.33. Par un arrt du 3 avril 2014 (procdure interne no0337/14), la Cour

    suprme administrative dclara irrecevable le recours qui avait interjet parltat contre un arrt du tribunal central administratif du Sud (arrt du21 novembre 2013 - procdure interne no09424/12- voir ci-aprs) qui avaitattribu 15 000 euros (EUR) pour le prjudice moral subi en raison de ladure de plus de seize ans dune procdure civile sur un niveau de

    juridiction au motif qutait uniquement contest le montant qui avait toctroy.

    Introduite le 27 janvier 2010, cette procdure en responsabilit civileextracontractuelle aura dur 4 annes, 2 mois et 6 jours sur trois niveaux de

    juridictions.34. Dans un arrt du 10 septembre 2014 (procdure interne no090/12),

    la Cour suprme administrative considra :- lorsquil viole le droit une dcision dans un dlai raisonnable, le

    retard pris pour dcider une affaire est un acte illicite engageant laresponsabilit civile de ltat ;

    - si en considrant la procdure dans sa globalit, il est manifeste que sadure a dpass le dlai raisonnable, il nest pas ncessaire dapprcier si lesdlais concernant chaque acte de procdure ont t respects car, dans tousles cas, ltat a lobligation de crer dautres ou diffrents moyens,

    mcanismes, dlais et une organisation pour atteindre l

    objectifdadministrer la justice dans un dlai raisonnable ;- tant donn quil sagit dune procdure simplifie dans laquelle la

    cause ne prsentait pas de complexit ou de difficult particulires, on peutconclure que le dlai raisonnable a t dpass si pour la modification delexercice des responsabilits parentales, il a fallu attendre sept ans jusqu une dcision dfinitive.

    Au vu de ces considrations, la Cour suprme renvoya l affaire autribunal central administratif du Nord pour la fixation du montant de larparation.

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    35. Dans un arrt du 21 mai 2015 (procdure interne no072/14), la Coursuprme administrative estima ce qui suit :

    - lapprciation du caractre raisonnable de la dure dune procduredevra tre faite en suivant une analyse de chaque cas concret, ayant comme

    point de dpart la date dintroduction de laction devant le tribunalcomptent et, comme point final, la date laquelle est prise la dcisiondfinitive, les instances de recours devant tre prises en compte (y comprisle Tribunal constitutionnel) ainsi que la procdure dexcution ;

    - cette fin, il est utile de faire appel aux critres fixs dans lajurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme, savoir, lacomplexit de laffaire, le comportement des parties, la manire dagir desautorits et lenjeu du litige.

    2. La jurisprudence des tribunaux centraux administratifs sur lesprincipes gouvernant lexamen des actions en responsabilit civileextracontractuelle (arrts dfinitifs)

    36. Par un arrt du 21 fvrier 2013 (procdure interne n o01945/05), letribunal central administratif du Nord octroya une indemnisation de15 000 EUR pour compenser le prjudice moral subi par le demandeur enraison de la dure de plus de sept ans, sur un niveau de juridiction, dune

    procdure portant sur les responsabilits parentales.Introduite le 20 septembre 2005, la procdure de responsabilit civile

    extracontractuelle aura dur 7 annes, 5 mois et 4 jours pour deux instances,

    le tribunal central administratif ayant t saisi sur appel du ministre public.37. Par un arrt du 21 novembre 2013 (procdure interne no09424/12),le tribunal central administratif du Sud exposa :

    - le respect du dlai raisonnable doit tre associ lefficacit et lacrdibilit de la justice ;

    - le caractre raisonnable dun dlai doit tre mesur en tenant compte,entre autres, de critres comme la complexit de laffaire, le comportementdes parties et des autorits et les consquences du retard pour les parties.

    En loccurrence, le tribunal central administratif du Sud estima que dix-sept ans de procdure (administrative) pour un niveau de juridictiondpassaient le dlai raisonnable, octroyant la somme de 15 000 EUR pour

    rparer le dommage moral subi.38. Par un arrt du 31 janvier 2014 (procdure interne n o0369/07), le

    tribunal central administratif du Nord considra que lexistence dunjugement de la Cour europenne ayant attribu un ddommagement pourdure excessive dune procdure nempche pas les tribunaux portugaisdoctroyer une indemnisation supplmentaire au demandeur pour la mme

    procdure.Introduite le 9 fvrier 2007, la procdure de responsabilit civile

    extracontractuelle aura dur 6 annes, 11 mois et 23 jours pour deux

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    instances, le tribunal central administratif ayant t saisi sur appel duministre public, agissant en reprsentation de ltat.

    39. Dans un arrt du 20 mars 2014 (procdure interne no09034/12), letribunal central administratif du Sud exposa :

    - le caractre raisonnable du dlai devra tre mesur selon des critrescomme la complexit de laffaire, le comportement de la partiedemanderesse et des autorits et les consquences du retard pour les

    parties ;- la violation du droit une dcision dans un dlai raisonnable engage la

    responsabilit civile de ltat, conformment larticle 22 de laConstitution et le rgime de la responsabilit civile extracontractuelle deltat ;

    - considrant que le demandeur tait responsable de plusieurs retards, le

    tribunal lui attribua une indemnisation de 3 250 euros pour le dommagemoral subi en raison des retards survenus dans le cadre dune procdure enfaillite qui avait dure dix-sept ans sur trois niveaux de juridiction.

    Introduite le 6 janvier 2011, la procdure de responsabilit civileextracontractuelle aura dur 3 annes, 2 mois et 13 jours pour deuxinstances saisies.

    40. Par un arrt du 22 mai 2014 (procdure interne no07822/11), letribunal central administratif du Sud estima :

    - la dure globale dune procdure administrative de plus de vingt et unans sur trois niveaux de juridictions traduit, de faon manifeste, unfonctionnement anormal de la justice, cest--dire quelle dpasse de faonvidente le concept de dcision dans un dlai raisonnable ; l tat viole ainsilarticle 6 1 de la Convention europenne des droits de lhomme etlarticle 20 4 de la Constitution ;

    - conformment la jurisprudence de la Cour europenne des droits delhomme, une socit commerciale peut se voir octroyer une indemnisation

    pour le dommage moral subi ce qui peut inclure la rputation, lincertitudequant la prvision du jugement, la rupture dans la gestion de l entreprise,et linquitude et les inconvnients causs aux membres de lquipe degestion. Celui-ci devra tre estim 1 000 EUR par anne de retardinjustifie.

    Le tribunal condamna ainsi l

    tat payer 16 000 EUR chacun desdemandeurs pour le dommage moral subi en raison du retard de laprocdure. Il renvoya ensuite laffaire en premire instance en vue de ladtermination du montant rclam pour le dommage matriel subi.

    41. Par un arrt du 12 fvrier 2015 (procdure interne n o09309/12), letribunal central administratif du Sud considra que plus de douze annes de

    procdure, sur trois niveaux de juridictions, pour une action enresponsabilit civile introduite suite un accident de la circulation avaitdpass le dlai raisonnable au sens de larticle 6 1 de la Conventioneuropenne des droits de lhomme et de larticle 20 4 de la Constitution,

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    confirmant lattribution de la somme de 5 000 EUR qui avait t fixe par letribunal administratif de Lisbonne au titre du dommage moral.

    3. La jurisprudence des tribunaux de premire instance

    42. Le Gouvernement a fourni trois exemples de procdures enresponsabilit civile ayant t conclues au niveau de la premire instanceadministrative : jugement du 5 fvrier 2015 du tribunal administratif etfiscal de Sintra (procdure interne no1166/11.OBESNT), jugement du28 novembre 2014 du tribunal administratif et fiscal de Leiria (procdureinterne no 992/11.4BELRA) et jugement du 17 fvrier 2014 du tribunaladministratif et fiscal de Funchal (procdure interne no13/12.2BEFUN),condamnant ltat verser diverses sommes diffrents plaignants au motifque les procdures dans lesquelles ils taient intervenus comme partiesavaient mconnu le dlai raisonnable. Aucun recours nayant t exerc, cesarrts devinrent dfinitifs.

    D. Le code de procdure des tribunaux administratifs

    43. Larticle 150 1 du code de procdure des tribunaux administratifsdispose :

    Les dcisions rendues en deuxime instance par un tribunal central administratifpeuvent tre attaques, titre exceptionnel, devant la Cour suprme administrativelorsque sont en cause des questions qui revtent, de par leur intrt juridique et social,

    une importance fondamentale ou lorsque lexamen du recours est clairementncessaire une meilleure application du droit.

    44. Au terme de larticle 152 :

    1. Les parties et le ministre public peuvent adresser la Cour suprmeadministrative, dans un dlai de trente jours compter de la date laquelle la dcisionattaque passe en force de chose juge, une demande dadmission dun recours enharmonisation de jurisprudence lorsque, sagissant de la mme question fondamentalede droit, il y a une contradiction :

    a) entre un arrt dun tribunal central administratif et un autre arrt de ce mmetribunal ou de la Cour suprme administrative ;

    (...)

    4. Le recours est examin par lassemble plnire de la section [du contentieuxadministratif], larrt tant publi au Journal officiel.

    (...)

    E. Sur le dlai de prescription de laction en responsabilit civileextracontractuelle

    45. Applicable en vertu de larticle 5 de la loi no 67/2007 du31 dcembre 2007, larticle 498 du code civil dispose que le droit

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    rparation prescrit dans un dlai de trois ans compter de la date partir delaquelle la victime prend ou aurait d prendre connaissance de la possibilit

    dexercer ce droit.46. Par un arrt du 4 dcembre 2012 (procdure interne no1203/02), la

    Cour suprme administrative considra :

    (...) en rgle gnrale, le dlai de prescription commence courir partir dumoment o lintress a pris connaissance dun acte ou dune omission ayantoccasionn des dommages.

    (...)

    47. Dans un arrt du 23 octobre 2014 (procdure interne no08088/11), letribunal central administratif du Sud estima que le dlai de prescriptiondune action en responsabilit civile fonde sur la dure excessive d une

    procdure court partir du moment o lintress prend conscience duretard de la procdure et des prjudices causs par celui-ci. Pour ce qui estde la charge de la preuve, le tribunal considra que cest celui qui soulvelexception tire du non-respect du dlai de trois ans qui doit prouver quelmoment la prise de conscience du retard a eu lieu.

    F. Sur les frais de justice et laide judiciaire

    1. Les frais de justice

    48. Conformment larticle 189 du code de procdure des tribunaux

    administratifs, l

    tat et les entits publiques sont soumis au paiement desfrais de justice.49. La rgle gnrale en matire de frais de justice est tablie

    larticle 527 du code de procdure civile, approuv par la loi no41/2013 du26 juin 2013, libell ainsi :

    1. La dcision qui juge une action (...) ou des recours condamne au paiement desfrais de justice (custas) la partie qui en a t lorigine ou, sil ny a pas eu perte delaction, qui en a tir un avantage.

    2. On estime quest lorigine des frais de justice de la procdure, la partieperdante, proportionnellement la perte.

    (...)

    50. Dans le cadre de la procdure interne no01945/05, dans son arrt du21 fvrier 2013, eu gard au rejet du recours qui avait t introduit par leministre public (voir ci-dessus paragraphe 36) contre le jugement duntribunal administratif, le tribunal central administratif du Nord condamnaltat au paiement des frais de justice du recours.

    51. Ayant fait partiellement droit au recours du ministre public (voir ci-dessus paragraphe 38), dans son arrt du 31 janvier 2014 (procdure interneno0369/07), le tribunal central administratif du Nord condamna les parties

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    au paiement des frais de justice rpartis en fonction du rsultat de larrt parrapport leurs prtentions.

    2. Laide judiciaire

    52. Au moment des faits, laide judiciaire (apoio judicirio) tait rgiepar la loi no30-E/2000 du 20 dcembre 2000 (dans sa rdaction issue dudcret-loi no38/2003 du 8 mars 2003). Elle est rgie depuis le 1erseptembre2004 par la loi no34/2004 du 29 juillet 2004 (dans sa rdaction issue de laloi no47/2007 du 28 aot 2007), laquelle a transpos dans lordre juridique

    portugais la Directive no2003/8/CE du Conseil de lUnion europenne.53. La comptence pour accorder laide judiciaire appartient aux

    services de la scurit sociale (servios da segurana social). Permettantaux personnes dont les ressources sont insuffisantes de faire valoir leursdroits en justice, lassistance judiciaire au Portugal comprend notammentlexemption du paiement des frais judiciaires, la dsignation dun avocatdoffice et le paiement de ses honoraires (article 16 de la loi no 34/2004 du29 juillet 2004). Dans lhypothse o lassistance judiciaire est accordedans cette dernire modalit, il appartient lordre des avocats de dsignerun avocat (article 30 de la loi no 34/2004). Celui-ci dispose ensuite dundlai de trente jours pour introduire laction, le cas chant (article 33 de laloi no34/2004).

    III. LES TEXTES DU CONSEIL DE LEUROPE

    54. Dans sa Rsolution intrimaire CM/ResDH (2010) 34 relative auxarrts de la Cour europenne des Droits de lHomme concernant le groupeOliveira Modesto et 24 autres affaires contre le Portugal relatives la dureexcessive des procdures judiciaires, adopte le 4 mars 2010, le Comit desMinistres a indiqu ce qui suit :

    Le Comit des Ministres (...)

    Vu le nombre darrts de la Cour europenne des Droits de lHomme ( la Cour )constatant de la part du Portugal une violation de larticle 6, paragraphe 1, de laConvention, en raison de dures excessives des procdures judiciaires (...) ;

    Ritrant que des dures excessives dans l

    administration de la justice constituent ungrave danger pour le respect de ltat de droit ;

    Rappelant que dans sa Rsolution intrimaire CM/ResDH (2007) 108, le Comit desMinistres stait flicit des nombreuses rformes adoptes par les autorits

    portugaises en vue de rsoudre ce problme structurel ; quil avait encourag lesautorits poursuivre leurs efforts dans ce domaine, les invitant lui fournir desinformations complmentaires sur limpact en pratique de ces rformes ;

    Rappelant que dans sa rsolution intrimaire prcite, le Comit avait galementrelev la Recommandation Rec (2004) 6 du Comit des Ministres aux tats membresconcernant la ncessit damliorer lefficacit des recours internes et soulignantlimportance de cette question lorsque les arrts rvlent des problmes structurels

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    susceptibles de donner lieu un nombre important de nouvelles violations similairesde la Convention ;

    Ayant examin les informations transmises par les autorits portugaises sur lesmesures additionnelles prises ou envisages depuis la rsolution intrimaire prcite(...) ;

    II. Mesures de caractre gnral

    1) Procdures civiles

    Notant que, si les statistiques montrent une rduction de la dure moyenne et delarrir devant les juridictions civiles suprieures , la situation reste proccupantedevant les juridictions de premire instance ;

    Notant galement que la rforme introduite par le dcret-loi no303/2007 na pasencore produit les effets souhaits sur la dure des procdures, dans la mesure o ellene sapplique quaux procdures introduites depuis son entre en vigueur ( savoir le

    1/01/2008) ;DEMANDE INSTAMMENT aux autorits denvisager ladoption de mesures ad

    hoc pour rduire larrir des procdures civiles, par exemple en donnant la prioritaux affaires les plus anciennes et aux affaires sur lesquelles il convient de statuerrapidement ;

    LES ENCOURAGE poursuivre activement leurs efforts en vue de rduire la duredes procdures civiles, particulirement devant les juridictions de premire instance etdassurer un suivi appropri la rforme de 2007 afin de pouvoir en valuer leseffets ;

    (...)

    6) Mesures concernant les recours effectifs

    Notant avec intrt ladoption de la loi no67/2007 du 31/12/2007 qui prvoitlapplication de la responsabilit extracontractuelle de ltat en cas de violation dudroit ce que sa cause soit entendue dans un dlai raisonnable (article 12) ;

    Relevant cependant quil existe lheure actuelle des divergences jurisprudentiellesdans lapplication de cette loi en ce qui concerne lindemnisation du prjudicemoral et que dans son arrt du 10/06/2008 dans laffaire Martins Castro et AlvesCorreia de Castro, la Cour europenne a estim que laction en responsabilit civileextracontractuelle de ltat noffrira pas de recours effectif, au sens de larticle 13 dela Convention, tant que la jurisprudence de la Cour suprme administrative et en

    particulier sa dcision du 28/11/2007qui va dans le mme sens que la jurisprudencede la Cour europennenaura pas t consolide dans lordre juridique portugais ;

    Notant que larrt prcit de la Cour europenne relve que l article 152 du code deprocdure des tribunaux administratifs offre au ministre public la possibilit de saisirla Cour suprme en vue dune harmonisation de la jurisprudence et prconiselutilisation de cette voie pour mettre un terme cette incertitude jurisprudentielle ;

    Notant galement la publication et la vaste diffusion dont a fait lobjet larrt de laCour dans laffaireMartins Castro et Alves Correia de Castro et considrant que cesmesures sont galement appropries, car elles sont aussi de nature contribuer uneharmonisation de la jurisprudence interne, en favorisant la prise en compte desconstats de la Cour par les juridictions concernes ;

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    ENCOURAGE les autorits poursuivre les efforts quelles ont entrepris pourparvenir lharmonisation de la jurisprudence des juridictions internes ds quepossible ;

    LES INVITE fournir des informations sur la pratique actuelle des tribunaux et sonvolution depuis larrt de la Cour dans laffaire Martins Castro et Alves Correia deCastro;

    (...)

    55. Le Comit des Ministres a adopt, lors de sa 1164e runion(5-7 mars 2013), une dcision dans le cadre de lexamen de lexcution dugroupe darrts Oliveira Modesto. La partie pertinente de cette dcision selit comme suit :

    Les dlgus

    (...)2. notent les mesures lgislatives et les autres mesures rcemment adoptes ou en

    cours dadoption, prsentes dans le plan daction du 10 janvier 2013 ; insistent, dansce contexte, sur leur demande, adresse aux autorits dans les deux rsolutionsintrimaires adoptes dans ce groupe daffaires (CM/ResDH(2007)108 etCM/ResDH(2010)34), de fournir au Comit une valuation de l impact en pratiquedes mesures adoptes avant 2010 et invitent les autorits soumettre galement unevaluation des mesures plus rcentes, ds que possible ;

    3. invitent galement les autorits prsenter au Comit une analyse des donnesstatistiques contenues dans le plan daction et, le cas chant, de la ncessit dadopterdes mesures complmentaires visant lacclration des procdures judiciaires,accompagne dun calendrier indicatif pour leur adoption ;

    4. dcident de reprendre lexamen de ce groupe daffaires lors de lune de leursprochaines runions DH, la lumire dinformations complmentaires fournir parles autorits sur les points ci-dessus, ainsi que sur les mesures envisages par lesautorits dans leur plan daction pour rduire la dure des procdures dexcution etsur les mesures individuelles.

    EN DROIT

    I. SUR LEXCEPTION PRLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT

    56. Le Gouvernement plaide que le requrant na pas puis les voies derecours au niveau interne quant au grief tir de larticle 6 1 de laConvention, comme lexige larticle 35 1 de la Convention. Selon lui, lerequrant aurait d saisir les juridictions administratives dune action enresponsabilit civile extracontractuelle fonde sur larticle 12 de la loino 67/2007 du 31 dcembre 2007 pour demander une rparation en raison dela dure excessive de la procdure civile.

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    57. Le requrant conteste lexception souleve par le Gouvernement aumotif quil nexiste pas, au niveau interne, de recours efficace pour obtenir

    un redressement en raison de la dure excessive dune procdure.58. La Cour estime que la question de savoir si le requrant tait oblig

    dintroduire une action en responsabilit civile extracontractuelle au titre delarticle 12 de la loi no67/2007 du 31 dcembre 2007 avant de saisir la Courest troitement lie celle de lexistence dun recours effectif au sens delarticle 13 de la Convention (voir Srmeli c. Allemagne(dc.), no75529/01,29 avril 2004,McFarlane c. Irlande[GC], no31333/06, 75, 10 septembre2010, Vlad et autres c. Roumanie, nos 40756/06, 41508/07 et 50806/07, 103, 26 novembre 2013 et Panju c. Belgique, no 18393/09, 47,28 octobre 2014). Partant, la Cour joint lexception souleve par leGouvernement lexamen du bien-fond du grief tir de la violation de

    larticle 13 de la Convention, elle reprendra donc ci-aprs son examen surce point dans le cadre de lexamen du fond de cette partie de la requte.

    59. La Cour constate en outre que la requte nest pas manifestementmal fonde au sens de larticle 35 3 a) de la Convention et quelle ne seheurte aucun autre motif dirrecevabilit. Il convient donc de la dclarerrecevable.

    II. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 13 DE LACONVENTION

    60. Le requrant dnonce l

    absence au niveau interne d

    un recours quilui aurait permis dobtenir un redressement en raison de la dure excessivede la procdure quil avait engage devant le tribunal administratif deLisbonne. Il y voit une violation de larticle 13 de la Convention, ainsilibell :

    Article 13

    Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la (...) Convention ont tviols, a droit loctroi dun recours effectif devant une instance nationale, alorsmme que la violation aurait t commise par des personnes agissant dans lexercicede leurs fonctions officielles.

    A. Thse des parties

    1. Le requrant

    61. Le requrant affirme quil ne disposait pas de recours au niveauinterne pour se plaindre de la dure de la procdure civile qui staitdroule devant le tribunal administratif de Lisbonne.

    62. En ce qui concerne leffectivit de laction en responsabilit civileextracontractuelle contre ltat pour mconnaissance du dlai raisonnable, iladmet que la procdure respecte les principes de lindpendance du tribunal

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    et du contradictoire. Il soutient nanmoins que celle-ci est complexe et lentevu la ncessit de prouver les prjudices subis et tant donn que le

    ministre public, agissant en reprsentation de ltat, interjettesystmatiquement appel des dcisions prononces par les tribunaux enfaveur des demandeurs, contestant, soit la mconnaissance du dlairaisonnable, soit les indemnisations octroyes. Pour le requrant, ceci

    prouve que ltat essaie toujours dchapper au paiement desindemnisations pour dure excessive dune procdure.

    63. Le requrant affirme ensuite que les montants octroys par lesjuridictions internes pour le prjudice moral subi en raison de la dureexcessive dune procdure sont drisoires et dnonce la non-attributiondune rparation pour le dommage matriel. En outre, il observe que le

    propre retard de la procdure administrative nest pas pris en compte dans

    les indemnisations attribues. Par ailleurs, les restrictions l obtention dubnfice de laide judiciaire mettent en cause laccs un tribunal.

    64. Au demeurant, il fait valoir quil nexiste pas une jurisprudenceconstante concernant les questions relatives la responsabilit de ltat enraison de la mconnaissance du dlai raisonnable, relevant notamment descontradictions dans les arrts des tribunaux centraux administratifs. Or, leministre public na jamais saisi la Cour suprme dun arrt enharmonisation de jurisprudence, prfrant opter pour un recours encassation, le cas chant, notamment dans le but de retarder davantage lescondamnations de ltat.

    65. Le requrant conclut que laction administrative en responsabilitcivile extracontractuelle pour retard dune procdure judiciaire ne peut treconsidre comme un recours effectif, elle ne devait donc pas tre puiseen lespce pour se conformer larticle 35 1 de la Convention.

    2. Le Gouvernement

    66. Le Gouvernement rcuse les arguments du requrant. Il affirme quela pratique des tribunaux administratifs internes a beaucoup volu depuislarrtMartins Castro et Alves Correia de Castro c. Portugal(no 33729/06,10 juin 2008). Notant les exigences poses par les arrts de la Cour Kudac. Pologne ([GC], no30210/96, 156, CEDH 2000-XI) et Scordino c. Italie

    (no 1)([GC], no36813/97, 193-207, CEDH 2006-V), il estime que cetteaction constitue aujourdhui un recours effectif, au sens de larticle 13 de laConvention, pour obtenir un redressement en raison de la violation du droit une dcision dans un dlai raisonnable au sens de larticle 6 1 de laConvention, notamment dans les cas o le retard est la consquence dundysfonctionnement du systme judiciaire et non de la faute dun de sesagents. A lappui de son argumentation, il expose ce qui suit :

    a) Laction en responsabilit civile extracontractuelle permet dobtenirun constat de violation du droit une dcision dans un dlai raisonnable et

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    lattribution dune indemnisation pour le prjudice subi. titre d exemple,il cite plusieurs arrts, dont :

    - larrt de la Cour suprme administrative du Sud du 3 avril 2014(procdure interne no0337/14) ;

    - les arrts du tribunal central administratif du Sud du 22 mai 2014(procdure interne no07822/11), du 20 mars 2014 (procdure interneno09034/12) et du 21 novembre 2013 (procdure interne no09424/12) ; et

    - larrt du tribunal central administratif du Nord du 31 janvier 2014(procdure interne no0369/07).

    b) Pour apprcier la dure dune procdure, les juridictionsadministratives suivent les principes fixs dans la jurisprudence de la Courcomme le dmontrent, par exemple, larrt de la Cour suprmeadministrative du 27 novembre 2013 (procdure interne no0144/13) et

    larrt du tribunal central administratif du Sud du 21 novembre 2013(procdure interne no 09424/12) ;

    c) Laction respecte les garanties du procs quitable, notamment untribunal impartial et le principe du contradictoire ;

    d) La procdure est simple, elle bnficie en outre, depuis le 1 erseptembre 2013, des mesures de simplification procdurales mises en place

    par la rforme de la procdure civile ce qui a permis dacclrer lesprocdures ;

    e) Les juridictions administratives reconnaissent de manire gnraleque le retard dune procdure provoque un prjudice moral. En outre, ellesoctroient une indemnisation pour rparer ce dommage sans que le requrantnait besoin de prouver le prjudice concrtement subi, respectant ainsilarrt de la Cour suprme administrative du 28 novembre 2007 (auquelfaisait rfrence larrt de la Cour Martins Castro et Alves Correia deCastro, prcit, 56) qui a t confirm par larrt de la Cour suprmeadministrative du 9 octobre 2008 (procdure interne no319/08) ;

    f) Les indemnisations octroyes correspondent celles attribues par laCour ;

    g) Le paiement des indemnisations est fait ds que les dcisionsdeviennent dfinitives ;

    h) Les demandeurs peuvent bnficier de laide juridictionnelle afin

    d

    tre reprsents par un avocat d

    office et dispenss du paiement des fraisjudiciaires affrents la procdure.67. Le Gouvernement affirme que la Cour suprme administrative a

    reconnu l intrt juridique ou social substantiel de la question du dlairaisonnable dune procdure en dclarant recevables les recours introduits ce sujet en application de larticle 150 du code de procdure des tribunauxadministratifs. Elle a ainsi eu loccasion de prononcer de nombreux arrtsconfirmant la jurisprudence de la Cour et mettant un terme aux divergences

    jurisprudentielles. En outre, les juridictions administratives infrieuressuivent cette jurisprudence comme en tmoignent les jugements du 5 fvrier

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    2015 du tribunal administratif et fiscal de Sintra (procdure interneno 1166/11.OBESNT), du 28 novembre 2014 du tribunal administratif et

    fiscal de Leiria (procdure interne no 992/11.4BELRA) et du 17 fvrier 2014du tribunal administratif et fiscal de Funchal (procdure interneno13/12.2BEFUN). Par consquent, ladoption dun arrt dharmonisationsuggre par la Cour dans larrtMartins Castro et Alves Correia de Castro(voir les paragraphes 56 et 66)afin de consolider la jurisprudence inscritedans larrt de la Cour suprme administrative du 28 novembre 2007 decette juridiction, nest plus justifie. titre subsidiaire, le Gouvernementobserve quen labsence dune divergence de jurisprudence sur la question,les conditions de recevabilit dun recours en harmonisation indiques larticle 150 du code de procdure des tribunaux administratifs ne sontdailleurs pas remplies.

    3. Apprciation de la Cour

    a) Les principes gnraux

    i. Sur lpuisement des voies de recours internes

    68. En vertu de larticle 1 de la Convention, aux termes duquel [l]esHautes Parties contractantes reconnaissent toute personne relevant de leur

    juridiction les droits et liberts dfinis au titre I de la prsente Convention ,la mise en uvre et la sanction des droits et liberts garantis par laConvention revient au premier chef aux autorits nationales. Le mcanisme

    de plainte devant la Cour revt donc un caractre subsidiaire par rapport auxsystmes nationaux de sauvegarde des droits de lhomme. Cette subsidiaritsexprime dans les articles 13 et 35 1 de la Convention (voir, parmidautres,Balakchiev et autres c. Bulgarie(dc.), no65187/10, 49, 18 juin2013).

    La Cour ne saurait trop souligner quelle nest pas une juridiction depremire instance ; elle na pas la capacit, et il ne sied pas sa fonction dejuridiction internationale, de se prononcer sur un grand nombre daffairesqui supposent dtablir les faits de base ou de calculer une compensationfinancire deux tches, qui, par principe et dans un souci deffectivit,incombent aux juridictions internes (Demopoulos et autres c. Turquie(dc.)[GC], nos 46113/99, 3843/02, 13751/02, 13466/03, 10200/04, 14163/04,19993/04 et 21819/04, 70, CEDH 2010).

    En mme temps, le principe de subsidiarit ne signifie pas quil faillerenoncer tout contrle sur le rsultat obtenu du fait de l utilisation de lavoie de recours interne, sous peine de vider les droits garantis par l article 6 1 de la Convention de toute substance. cet gard, il y a lieu de rappelerque la Convention a pour but de protger des droits non pas thoriques ouillusoires, mais concrets et effectifs (Prince Hans-Adam II de Liechtensteinc. Allemagne[GC], no42527/98, 45, CEDH 2001-VIII). La remarque vaut

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    en particulier pour les garanties prvues par larticle 6 de la Convention, vula place minente que le droit un procs quitable, avec toutes les

    garanties prvues par cette disposition, occupe dans une socitdmocratique (ibidem).

    69. La Cour rappelle que la rgle de lpuisement des voies de recoursinternes, nonce larticle 35 1 de la Convention, se fonde surlhypothse, incorpore dans larticle 13 de la Convention (avec lequel elle

    prsente dtroites affinits), que lordre interne offre un recours effectif, enpratique comme en droit, quant la violation allgue (Kuda,prcit, 152et Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, 96-98,CEDH 2000-XI). La Cour note que, en vertu de la rgle de lpuisement desvoies de recours internes, le requrant doit, avant de saisir la Cour, avoirdonn ltat responsable, en utilisant les ressources judiciaires offertes par

    la lgislation nationale, la facult de remdier par des moyens internes auxviolations allgues (voir, entre autres, Fressoz et Roire c. France [GC],no29183/95, 37, CEDH 1999-I).

    70. Les dispositions de larticle 35 1 de la Convention ne prescriventcependant lpuisement que des recours la fois relatifs aux violationsincrimines, disponibles et adquats. Ils doivent exister un degr suffisantde certitude non seulement en thorie mais aussi en pratique, sans quoi leurmanquent leffectivit et laccessibilit voulues (Mifsud c. France (dc.)[GC], no 57220/00, CEDH 2002-VIII, et Slaviek c. Croatie (dc.),no20862/02, CEDH 2002-VIII). De mme, ces dispositions doiventsappliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Selonles principes de droit international gnralement reconnus , certainescirconstances particulires peuvent dispenser le requrant de lobligationdpuiser les recours internes soffrant lui. Par ailleurs, la rgle delpuisement des voies de recours internes ne saccommode pas duneapplication automatique et ne revt pas un caractre absolu ; en encontrlant le respect, il faut avoir gard aux circonstances de la cause. Celasignifie notamment que la Cour doit tenir compte de manire raliste nonseulement des recours prvus en thorie dans le systme juridique de laPartie contractante concerne, mais galement du contexte juridique et

    politique dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle des

    requrants (Scordino c. Italie(dc.), no

    36813/97, CEDH 2003-IV).71. Lorsquun Gouvernement excipe du non-puisement des voies derecours internes, il doit convaincre la Cour que le recours tait effectif etdisponible tant en thorie quen pratique lpoque des faits, cest--direquil tait accessible et susceptible doffrir au requrant le redressementappropri de ses griefs, et quil prsentait des perspectives raisonnables desuccs (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, 68, Recueil1996-IV).

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    ii. Sur leffectivit des recours en matire de dure excessive dune procdure

    72. Lorsque le droit un procs dans un dlai raisonnable est en cause,

    un recours est effectif ds lors quil permet soit de faire intervenir plustt la dcision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable unerparation adquate pour les retards dj accuss (Srmeli c. Allemagne[GC], no75529/01, 99, CEDH 2006-VII, et Vassilios Athanasiou et autresc. Grce, no 50973/08, 54, 21 dcembre 2010). Si le premier type derecours est prfrable car il est de nature prventive, un recoursindemnitaire peut passer pour effectif lorsque la procdure a dj connu unedure excessive et quil nexiste pas de recours prventif (Kuda, prcit, 158, Mifsud, prcit, 17, Scordino (no1), prcit, 187, et McFarlane,

    prcit, 108).73. La Cour a fix certains critres essentiels permettant de vrifier

    leffectivit des recours indemnitaires en matire de dure excessive deprocdures judiciaires (voir Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, 99,CEDH 2009). Ces critres sont les suivants :

    a) laction en indemnisation doit tre tranche dans un dlairaisonnable ;

    b) lindemnit doit tre promptement verse, en principe au plus tard sixmois aprs la date laquelle la dcision octroyant la somme est devenueexcutoire ;

    c) les rgles procdurales rgissant laction en indemnisation doiventtre conformes aux principes dquit tels que garantis par larticle 6 de la

    Convention ;d) les rgles en matire de frais de justice ne doivent pas faire peser unfardeau excessif sur les plaideurs dont laction est fonde ;

    e) le montant des indemnits ne doit pas tre insuffisant par rapport auxsommes octroyes par la Cour dans des affaires similaires.

    b) Analyse de laction en responsabilit civile extracontractuelle

    74. Sans anticiper lexamen de la question de savoir sil y a eu ou nondpassement du dlai raisonnable, la Cour estime que le grief du requrantconcernant la dure de la procdure civile devant le tribunal administratif deLisbonne constitue prima facieun grief dfendable , celle-ci ayant dur

    plus de neuf ans. Il avait donc droit un recours effectif cet gard (Panjuc. Belgique,prcit, 52).

    i. Sur la compatibilit de laction en responsabilit civile extracontractuelleavec les principes gnraux

    75. La Cour note que larticle 12 de la loi no 67/2007 du 31 dcembre2007, dans sa rdaction issue de la loi n 31/2008 du 17 juillet 2008, prvoitun recours en vue dobtenir un redressement lorsque le droit une dcision

    judiciaire dans un dlai raisonnable a t mconnu.

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    76. Faisant lanalyse de ce recours, dans son arrt Martins Castro etAlves Correia de Castro c. Portugal, prcit, la Cour avait notamment

    relev ce qui suit : (...)

    53. Sagissant dabord de la dure de la procdure, la Cour note avec proccupationque le temps mis par les juridictions administratives examiner les actions enresponsabilit extracontractuelle semble trs souvent se prolonger sur des priodessignificatives. cet gard, la Cour rappelle que dautres tats ont fait des choixdiffrents en prvoyant par exemple, en ce domaine, des dlais plus courts : c est lecas de lItalie, o la cour dappel dispose de quatre mois pour rendre sa dcision(Scordino c. Italie(no 1) [GC], prcit, 62 et 208).

    La Cour est cependant prte admettre quun tel lment, lui seul, ne rend pas lerecours ineffectif, surtout si la juridiction comptente dispose de la possibilit de faire

    tat de son propre retard et daccorder lintress une rparation supplmentaire cetitre (Scordino c. Italie(no1) [GC], prcit, 207).

    54. Pour ce qui est ensuite du niveau de lindemnisation, la Cour ne saurait accepterla position (...) selon laquelle les prjudices causs par la dure excessive d une

    procdure judiciaire ne mriteraient pas, en eux-mmes, un ddommagement. Ellerappelle cet gard que le point de dpart du raisonnement des juridictions nationalesen la matire doit tre la prsomption solide, quoique rfragable, selon laquelle ladure excessive dune procdure occasionne un dommage moral. Bien sr, danscertains cas, la dure de la procdure nentrane quun dommage moral minime, voire

    pas de dommage moral du tout. (...)

    55. La Cour note avec satisfaction que la Cour suprme administrative, dans sonarrt du 28 novembre 2007, accepte cette interprtation et respecte entirement les

    principes qui se dgagent de la jurisprudence de la Cour (...). Reste que cettejurisprudence ne semble pas encore suffisamment consolide dans lordre juridiqueportugais.

    (...)

    Eu gard ces observations, la Cour conclut que ce recours ne pouvaitpas tre considr comme effectif au sens de larticle 13 de laConvention, ajoutant :

    56. (...) une telle action ne pourra passer pour un recours effectif tant que lajurisprudence qui se dgage de larrt de la Cour suprme administrative du28 novembre 2007 naura pas t consolide dans lordre juridique portugais, traversune harmonisation des divergences jurisprudentielles qui se vrifient lheure

    actuelle.

    Sagissant de larticle 46 de la Convention, la Cour invita ltatdfendeur et tous ses organes, y compris les agents du ministre public, dontle rle est extrmement important en la matire, prendre toutes lesmesures ncessaires pour faire en sorte que les dcisions nationales soientconformes la jurisprudence de la Cour (voir paragraphe 66 de larrt).

    77. ce jour, la Cour a confirm les constats quelle avait faits dans sonarrt Martins Castro et Alves Correia de Castro dans 48 affaires (pour ladernire, voir Moreno Diaz Pea et autres c. Portugal, no44262/10, 64,

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    ARRT VALADA MATOS DAS NEVES c. PORTUGAL 21

    4 juin 2015), rejetant les arguments du Gouvernement quant l effectivitde laction en responsabilit civile extracontractuelle en matire de dure

    excessive dune procdure.78. Elle relve quenviron 180 affaires contre le Portugal concernant des

    dures de procdure sont actuellement pendantes devant elle, certainesdentre elles soulevant galement un grief tir de lineffectivit de lactionen responsabilit civile extracontractuelle dans la matire. Certaines ontdj t communiques au gouvernement portugais mais la plupart nont

    pas encore fait lobjet dun premier examen par la Cour.79. La Cour observe que dans sa Rsolution intrimaire

    CM/ResDH(2010) 34, relative aux arrts relatifs la dure excessive desprocdures judiciaires au Portugal, adopte le 4 mars 2010, le Comit desMinistres a encourag les autorits portugaises poursuivre les efforts

    entrepris pour parvenir lharmonisation de la jurisprudence desjuridictions internes. En outre, ce jour, le Comit des Ministres na pasencore termin la surveillance de lexcution de larrt Martins Castro et

    Alves Correia de Castro qui lui incombe en vertu de larticle 46 2 de laConvention (voir ci-dessus paragraphes 54 et 55).

    80. Le Gouvernement plaide en lespce leffectivit de laction enresponsabilit civile extracontractuelle fonde sur larticle 12 de la loin 67/2007 du 31 dcembre 2007, en tenant compte de lvolution de la

    pratique des tribunaux administratifs, considrant que les conditions fixesdans la jurisprudence de la Cour en la matire sont aujourdhui remplies etquil nexiste plus de diffrences jurisprudentielles au niveau interne.

    81. Alors que larrt Martins Castro et Alves Correia de Castro a trendu le 10 juin 2008, soit il y a plus de sept ans, la Cour estime que lemoment est venu deffectuer un nouvel examen de la pratique actuelle destribunaux administratifs internes en tenant compte des critres qui sedgagent de sa jurisprudence.

    ) Les critres relatifs aux garanties procdurales

    - Frais de justice

    82. Le requrant allgue quil existe des restrictions laide judiciaire cequi limite laccs des justiciables laction en responsabilit civileextracontractuelle.

    83. Le Gouvernement conteste cet argument. Il estime que laction enresponsabilit civile extracontractuelle est un recours accessible toute

    personne souhaitant obtenir une rparation en raison de la violation de sondroit de voir sa cause entendue dans un dlai raisonnable au sens delarticle 6 1 de la Convention, notamment au moyen, le cas chant, delaide judiciaire.

    84. En ce qui concerne les frais et les dpens, la Cour rappelle quellena jamais exclu que les intrts dune bonne administration de la justice

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    puissent justifier dimposer une restriction financire laccs dunepersonne un tribunal (Kreuz c. Pologne, no 28249/95, 59,

    CEDH 2001-VI). Il nen reste pas moins quune limitation de laccs untribunal ne se concilie avec larticle 6 1 de la Convention que si elle tend un but lgitime et sil existe un rapport raisonnable de proportionnalit entreles moyens employs et le but vis (Weissman et autres c. Roumanie,no63945/00, 36, CEDH 2006-VII (extraits)).

    85. La Cour note quaucune exemption de frais de justice nest prvuepour laction fonde sur larticle 12 de la loi no 67/2007 du 31 dcembre2007, les personnes souhaitant engager une action contre ltat pour obtenirrparation en raison de la dure excessive dune procdure doivent doncsacquitter des frais judiciaires cette fin. Cela tant, la Cour note que cestla partie qui perd laction ou le recours qui doit, en principe, sacquitter les

    frais de justice y affrant, comme le prescrit larticle 527 du code deprocdure civile. Ainsi, titre dexemple, elle relve que ltat a tcondamn au paiement des frais de justice dans le cadre de la procdureno 01945/05, suite au rejet du recours quil avait introduit contre le jugementdun tribunal administratif (voir ci-dessus paragraphe 50). En revanche, ilna t condamn quau paiement partiel des frais de justice de recours dansle cadre de la procdure no 0369/07 compte tenu quil avait obtenu

    partiellement gain de cause (voir ci-dessus paragraphe 51).86. Par ailleurs, la Cour relve que laide judiciaire est ouverte toute

    personne dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir ses droits enjustice, notamment dans le cadre de procdures comme en lespce. Ellenote galement que laide judiciaire peut comprendre lexemption du

    paiement des frais judiciaires, la dsignation dun avocat doffice et lepaiement de ses honoraires (voir ci-dessus paragraphe 53).

    87. Eu gard aux constatations qui prcdent, la Cour estime que lesrgles prvues par le droit interne en matire de frais de justicenapparaissent pas comme dissuasives pour les justiciables souhaitant

    poursuivre ltat en responsabilit civile pour dpassement du dlairaisonnable dans le cadre dune procdure.

    - quit de la procdure

    88. Les parties saccordent pour considrer que la procdure respecte lesprincipes de lquit.89. La Cour constate aussi que lanalyse de la jurisprudence interne ne

    rvle aucune apparence datteinte lquit dans le droulement de ce typede procdure.

    - Clrit de la procdure

    90. Les parties divergent en ce qui concerne la clrit des procdures deresponsabilit civile extracontractuelle au niveau national. Le requrantdnonce leur longueur, accusant le ministre public de les retarder en raison

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    de recours systmatiques introduits au nom de ltat contre des dcisionsfavorables aux demandeurs. Pour sa part, le Gouvernement estime que les

    recours introduits au cours des procdures peuvent effectivement prolongerleur dure. Nanmoins, les juridictions administratives ont la possibilit de

    prendre en considration leur propre retard au moment de la dterminationdes indemnisations octroyer aux demandeurs.

    91. Avant tout, la Cour note quil napparat pas que ltat attaquesystmatiquement des jugements favorables aux intresss, comme l allguele requrant. En effet, titre dexemple, la Cour observe quaucun recoursna t exerc contre des jugements faisant droit aux intresss dans le cadredes trois affaires internes indiques par le Gouvernement et cites ci-dessusau paragraphe 42.

    92. Par ailleurs, de laperu jurisprudentiel figurant aux paragraphes 28

    41, la Cour relve que la dure des procdures en responsabilit civileextracontractuelles mentionnes ont t les suivantes :

    - 7 annes, 5 mois et 4 jours sur deux instances saisies pour la procdureinterne no01945/05 (voir ci-dessus paragraphe 36) ;

    - 4 annes, 2 mois et 6 jours pour trois niveaux de juridictions pour laprocdure interne nos0337/14 et 09424/12 (voir ci-dessus paragraphes 33 et37) ;

    - 3 annes, 2 mois et 13 jours pour deux niveaux de juridictions pour laprocdure interne no09034/12 (voir ci-dessus paragraphe 39) ;

    - 6 annes, 11 mois et 23 jours pour deux instances saisies pour laprocdure no0369/07 (voir ci-dessus paragraphe 38).

    93. La Cour constate quen labsence de dlais spcifiques pour traiterce type daffaires, leur dure peut se prolonger pendant quelques annesnotamment si des recours sont exercs par les parties. Il est vrai que, par sanature, un recours indemnitaire exige une dcision rapide (Cocchiarella c.

    Italie [GC], no64886/01, 89 et 97, CEDH 2006-V; Sartory c. France,no40589/07, 24 et 26, 24 septembre 2009). Toutefois, comme elle lavaitdj indiqu dans son arrtMartins Castro et Alves Correia de Castro (voirle paragraphe 53), le fait que les juridictions internes ont manqu de clrit

    pour statuer sur le recours indemnitaire ne rend pas ce recours ineffectif,surtout si la juridiction comptente dispose de la possibilit de faire tat de

    son propre retard et d

    accorder l

    intress une rparation supplmentaire ce titre pour ne pas le pnaliser une seconde fois (voir mutatis mutandis,dans le cadre de lexamen du grief tir de larticle 6, Sartory, prcit, 26).La Cour relve que cette possibilit est ouverte aux juridictions nationalesstatuant sur ce type daffaires comme lexpose le Gouvernement.

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    ) Les critres relatifs lapprciation du dlai raisonnable et au calcul etpaiement de lindemnit

    - Sur lapprciation du dlai raisonnable par les juridictions internes

    94. Le Gouvernement soutient que les tribunaux appliquent les critresfixs dans la jurisprudence de la Cour en matire de dure dune procdure.Le requrant ne se prononce pas ce sujet.

    95. De laperu de la jurisprudence pertinente figurant desparagraphes 31 37, la Cour relve que la Cour suprme administrative aconsidr que :

    - le dommage moral caus par une atteinte au droit un procs dans undlai raisonnable mrite rparation mme sil na pas t prouv que lavictime a souffert une grande souffrance ou un changement sensible de vie

    ou de comportement (arrt du 9 octobre 2008 [procdure interneno0319/08]).

    - si le dlai raisonnable a t dpass dans le cadre dune procdure,cest ltat qui devait le garantir qui doit prouver toute cause justifiantlexcs vrifi (arrt du 1ermars 2011 [procdure interne no0336/10]) ;

    - si les parties utilisent les moyens de procdure que la loi interne leurouvre pour dfendre leurs intrts, ceci ne peut tre retenu pour exclure laresponsabilit de ltat en raison de la dure dune procdure au-del duraisonnable, moins quelles en fassent une utilisation abusive oudtermine retarder la procdure. En effet, il appartient l tatdorganiser son systme judiciaire de faon viter que les procdures

    sternisent dans les tribunaux, travers des incidents et recours successifspermis par la loi interne. La dure globale dune procdure de plus de huitans traduit elle seule un dysfonctionnement de la justice, violant larticle 6 1 de la Convention europenne des droits de lhomme et larticle 20 4 dela Constitution (arrt du 27 novembre 2013 [procdure interneno0144/13]) ;

    - pour dterminer le caractre raisonnable de la dure dune procdure, ilfaut tenir compte de la complexit de laffaire, du comportement des partieset des autorits et de lenjeu du litige (arrt du 21 mai 2015 [procdureinterne no072/14 et arrt du 27 novembre 2013 [procdure interneno0144/13]) ;

    - ltat a lobligation de crer des moyens, mcanismes, dlais etorganisation pour atteindre lobjectif dadministrer la justice dans un dlairaisonnable (arrt du 10 septembre 2014 [procdure interne no090/12]) ;

    96. Eu gard aux observations qui prcdent, la Cour constate que lajurisprudence de la Cour suprme administrative a beaucoup volu aucours des dernires annes et, en particulier, depuis larrtMartins Castro et

    Alves Correia de Castro. Il apparat quelle sest vritablement consolide partir de larrt du 27 novembre 2013 qui numre les principes cls appliquer dans ce type daffaires. Ceux-ci ont ensuite t repris dans des

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    arrts postrieurs de la Cour suprme et des tribunaux centrauxadministratifs (voir ci-dessus paragraphe 28 41).

    97. Les principes qui se dgagent aujourdhui de la jurisprudence internecorrespondent exactement ceux fixs par la Cour dans les affairesconcernant le respect du dlai raisonnable stipul l article 6 1 de laConvention. Il apparat donc que la condition qui tait faite au titre delarticle 46 de la Convention dans le cadre de larrtMartins Castro et AlvesCorreiaen raison du constat qui figurait au paragraphe 55 est remplie ladate actuelle, un arrt dharmonisation ntant plus justifi comme leconsidre le Gouvernement.

    - Sur la dtermination et le paiement de lindemnit

    98. En ce qui concerne les montants octroys, la Cour constate delaperu jurisprudentiel figurant aux paragraphes 39 45 que les montantssuivants ont t octroys au titre du dommage moral :

    - 5 000 EUR pour une procdure civile dune dure de plus de douze anspour trois instances (arrt du tribunal central administratif du Sud du12 fvrier 2015 dans le cadre de la procdure interne no09309/12 - voir ci-dessus paragraphe 41) ;

    - 16 000 EUR pour une procdure administrative qui avait dur plus devingt et un ans sur trois niveaux de juridictions (arrt dfinitif du 22 mai2014 dans le cadre de la procdure interne no 07822/11- voir ci-dessus

    paragraphe 40).

    - 15 000 EUR pour une procdure administrative qui avait dur dix-septannes sur un niveau de juridiction (arrt du tribunal central administratif duSud du 21 novembre 2013 dans le cadre de la procdure interneno 09424/12- voir ci-dessus paragraphe 37) ;

    - 15 000 EUR pour une procdure civile qui avait dur environ septannes sur un niveau de juridiction (arrt du tribunal central administratif du

    Nord du 21 fvrier 2013 dans le cadre de procdure interne no01945/05 -voir ci-dessus paragraphe 36) ;

    - 3 250 EUR pour une procdure civile qui avait dur dix-sept annessur trois niveaux de juridiction (arrt du tribunal central administratif duSud du 20 mars 2014 dans le cadre procdure interne n o09034/12 - voir ci-

    dessus paragraphe 39).99. La Cour note que, lexception de la dernire affaire o des retardsont t imputs au demandeur, ces montants reprsententapproximativement de 65 % 100 % de ce que la Cour octroie normalementdans ce type daffaires (Cocchiarella, prcit, 146). La rparationattribue au niveau interne saligne donc plus ou moins sur la pratique de laCour. Elle apparat donc adquate.

    100. Le Gouvernement affirme que les sommes attribues lissue desprocdures devant les tribunaux administratives sont payes aussitt que lesjugements deviennent dfinitifs. Le requrant ne sest pas prononc ce

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    sujet. Pour sa part, la Cour estime quil ny a pas de raisons de douter de ladiligence des autorits portugaises dans le paiement des indemnits.

    ) Conclusion

    101. Compte tenu de ce qui prcde et au vu des considrations quitaient faites dans son arrt Martins Castro et Alves Correia de Castro, laCour considre que la pratique des tribunaux internes a beaucoup volu cesdernires annes en ce qui concerne lapprciation des actions enresponsabilit civile extracontractuelle fondes sur larticle 12 de la loino 67/2007 du 31 dcembre 2007. Elle observe que cest en particulier

    partir de larrt de la Cour suprme administrative du 27 novembre 2013(procdure interne no0144/13) que ce changement sest consolid au niveaude la jurisprudence interne au point de donner un degr de certitude

    juridique au recours pour pouvoir et devoir tre utilis aux fins de larticle35 1 de la Convention. La Cour en conclut qu partir du 27 novembre2013, laction en responsabilit civile extracontractuelle fonde sur larticle12 de la loi no 67/2007 du 31 dcembre 2007 constitue un recours effectif

    pour remdier une violation allgue du droit de voir sa cause entenduedans un dlai raisonnable au sens de larticle 6 1 de la Convention.Cela tant, titre subsidiaire, afin que la longueur des actions enresponsabilit extracontractuelle ne compromette les avancements vrifiset leffectivit du recours constate en lespce, la Cour recommande ltat dfendeur de rester attentif et, le cas chant, de ne pas contester en

    appel des jugements constatant le dpassement du dlai raisonnable etoctroyant une indemnisation aux demandeurs.

    ii. Sur la ncessit dpuiser ce recours dans la prsente espce

    102. Il reste dterminer si le requrant aurait d puiser cette voie derecours aux fins de larticle 35 1 de la Convention. La Cour rappelle cetgard que cest en principe la date dintroduction de la requte quesapprcie leffectivit dun recours donn. Cela tant, la Cour a approuvun certain nombre dexceptions cette rgle, justifies par les circonstances

    particulires des affaires concernes, notamment suite ladoption dunenouvelle lgislation pour remdier au problme systmique de la longueur

    des procdures judiciaires (Brusco c. Italie, (dec.) no 69789/01,CEDH 2001-IX ; Nogolica c. Croatie (dc.), no 77784/01,CEDH 2002-VIII, Marien c. Belgique (dc.), no 46046/99, 24 juin 2004,Grzini c. Slovnie, no26867/02, 110, 3 mai 2007 ; Techniki Olympiaki

    A.E. c. Grce (dc.), no40547/10, 1eroctobre 2013, 58 ; Xynos c. Grce,no30226/09, 54, 9 octobre 2014).

    103. En lespce, il ne sagit toutefois pas dun nouveau recours auniveau interne mais de lvolution de la pratique des tribunaux nationauxdans lapprciation des actions en responsabilit civile fondes surlarticle 12 de la loi no 67/2007 du 31 dcembre 2007. Comme elle la

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    relev ci-dessus au paragraphe 101, cette jurisprudence sest vritablementconsolide partir de larrt de la Cour suprme administrative du

    27 novembre 2013 (procdure interne no0144/13). La question qui se poseest donc celle de savoir quelle date cet arrt a acquis un degr de certitude

    juridique suffisant pour pouvoir et devoir tre utilis aux fins delarticle 35 1 de la Convention (Van der Kar et Lissaur van Westc. France (dc.), nos44952/98 et 44953/98, 7 novembre 2000, Giummarraet autres c. France(dc.), no 61166/00, 12 juin 2001,Mifsud,prcit).

    104. Comme la Cour la considr dans plusieurs affaires (voir, Brocaet Texier-Micault c. France, nos 27928/02 et 31694/02, 20, 21 octobre2003 ; Di Sante c. Italie (dc.), no 56079/00, 24 juin 2004 ; Depauwc. Belgique (dc.), no 2115/04, CEDH 2007-V (extraits)), il ne serait pasquitable dopposer une voie de recours nouvellement intgre dans le

    systme juridique dun tat contractant aux individus qui se portentrequrants devant la Cour, avant que les justiciables concerns nen aient euconnaissance de manire effective.

    105. Dans les cas o, comme en lespce, le recours interne est le fruitdune volution jurisprudentielle, lquit commande de prendre en compteun laps de temps raisonnable, ncessaire aux justiciables pour avoireffectivement connaissance de la dcision interne qui la consacre. La durede ce dlai varie en fonction des circonstances, en particulier de la publicitdont ladite dcision a fait lobjet (Depauw,prcite ; Leandro Da Silvac. Luxembourg, no30273/07, 49, 11 fvrier 2010).

    106. Dans la prsente espce, la Cour estime qu il est raisonnable depenser que larrt de la Cour suprme administrative du 27 novembre 2013a acquis une publicit au niveau interne, notamment dans le milieu

    juridique, six mois aprs son prononc, soit partir du 27 mai 2014, celui-ciayant pu effectivement tre consult sur la base de donne de la

    jurisprudence de la Cour suprme administrative disponible sur son siteinternet (http://www.dgsi.pt/jsta.nsf?OpenDatabase). Il est donc raisonnablede considrer que larrt de la Cour suprme administrative du 27 novembre2013 ne pouvait ainsi tre ignor du public partir du 27 mai 2014. La Couren conclut que cest partir de cette date quil doit tre exig des requrantsquils usent de ce recours aux fins de larticle 35 1 de la Convention. Cette

    conclusion vaut pour les procdures termines comme pour celles qui sonttoujours pendantes au niveau national, la jurisprudence interne nedistinguant pas les procdures pendantes de celles qui sont acheves.

    107. La prsente requte a t introduite le 25 novembre 2013, soit bienavant le 27 mai 2014. cette date, le recours navait pas encore le degr decertitude exig par la Cour pour pouvoir et devoir tre utilis aux fins delarticle 35 1 de la Convention (voir, mutatis mutandis, parmi beaucoupdautres, Debbasch c. France (dc.), no 49392/99, 18 septembre 2001 ;

    Dumas c. France(dc.), no53425/99, 30 avril 2002). En outre, il apparatque le requrant ne serait actuellement plus en mesure dengager une telle

    http://www.dgsi.pt/jsta.nsf?OpenDatabasehttp://www.dgsi.pt/jsta.nsf?OpenDatabasehttp://www.dgsi.pt/jsta.nsf?OpenDatabasehttp://www.dgsi.pt/jsta.nsf?OpenDatabase
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    action tant donn que le dlai de prescription de cette action est de trois ans- conformment larticle 498 du code civil, applicable en vertu de

    larticle 5 de la loi no67/2007 du 31 dcembre 2007 -, un dlai comptant partir du moment o lintress a pris conscience du retard de la procdureselon la jurisprudence interne (voir arrt de la Cour suprme administrativedu 4 dcembre 2012 et arrt du tribunal administratif central du Sud du23 octobre 2014, ci-dessus paragraphe 47).

    108. Ds lors, il ne saurait tre reproch au requrant de ne pas avoir faitusage de laction en responsabilit civile extracontractuelle au titre delarticle 12 de la loi no67/2007 du 31 dcembre 2007. La Cour rejette ainsilexception prliminaire du Gouvernement relative au non-puisement desvoies de recours internes (paragraphe 50 ci-dessus) et estime, enconsquence, quil y a eu violation de larticle 13 de la Convention.

    III. SUR LA VIOLATION ALLGUE DE LARTICLE 6 1 DE LACONVENTION

    109. Le requrant se plaint galement que la procdure civile devant letribunal administratif de Lisbonne nait pas t dcide dans un dlairaisonnable, en violation de larticle 6 1 de la Convention, dont la partie

    pertinente est ainsi libelle :

    1. Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue (...) dans un dlairaisonnable, par un tribunal (...), qui dcidera (...) des contestations sur ses droits et

    obligations de caractre civil (...) 110. Le Gouvernement reconnat que la dure de la procdure a t

    excessive.111. La Cour note que la priode prendre en considration dbute le

    9 juin 2003 avec lintroduction de laction civile devant le tribunaladministratif de Lisbonne et sachve le 27 mai 2013 avec lextinction delinstance prononce par le tribunal central administratif du Sud, faute pourle dfendeur davoir prsent son mmoire en appel. La procdure a doncdur 9 annes, 11 mois et 20 jours pour un niveau de juridiction, le tribunalcentral administratif nayant au final pas t appel se prononcer sur lerecours form par le dfendeur.

    112. La Cour rappelle que le caractre raisonnable de la dure duneprocdure sapprcie suivant les circonstances de la cause et eu gard auxcritres consacrs par sa jurisprudence, en particulier la complexit delaffaire, le comportement du requrant et celui des autorits comptentesainsi que lenjeu du litige pour les intresss (voir, parmi beaucoup dautres,

    Frydlender c. France[GC], no30979/96, 43, CEDH 2000-VII). La Courrappelle aussi quune diligence particulire simpose pour le contentieux dutravail (Ruotolo c. Italie, 27 fvrier 1992, 17, srie A no230-D).

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    113. la lumire de ces principes et, compte tenu qu en lespce, lesparties saccordent en outre pour considrer quil y a eu dpassement du

    dlai raisonnable stipul larticle 6 1 de la Convention, la Cour conclutquil y a eu violation de cette disposition.

    IV. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 41 DE LA CONVENTION

    114. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

    Si la Cour dclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, etsi le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacerquimparfaitement les consquences de cette violation, la Cour accorde la partielse, sil y a lieu, une satisfaction quitable.

    A. Dommage

    115. Le requrant rclame 179 330, 22 euros (EUR) au titre du prjudicematriel quil aurait subi, ce montant correspondant la somme des salairesquil na pas perus en raison du retard pris par le tribunal administratif deLisbonne pour dcider sa cause, retard quil estime tre de sept ans etdix-sept jours de retard. Il demande aussi 15 000 EUR pour le prjudicemoral subi en raison de la mconnaissance du dlai raisonnable au sens delarticle 6 1 de la Convention.

    116. Le Gouvernement conteste ces prtentions. Il estime quil nexiste

    aucun lien de causalit entre le montant rclam au titre du dommagematriel et la violation allgue. Quant au dommage moral, il juge lemontant rclam survalu.

    117. La Cour naperoit pas de lien de causalit entre la violationconstate et le dommage matriel allgu et rejette cette demande. Enrevanche, elle estime que le requrant a subi un tort moral certain. Statuanten quit, elle lui accorde 11 830 EUR ce titre.

    B. Frais et dpens

    118. Le requrant demande galement, sans la chiffrer, une somme pour

    les frais et dpens devant les juridictions internes et la Cour.119. Le Gouvernement conteste cette prtention au motif quelle nest

    pas quantifie et taye.120. La Cour rappelle que, lorsquelle constate une violation de la

    Convention, elle peut accorder le paiement des frais et dpens expossdevant les juridictions nationales pour prvenir ou faire corriger parcelles-ci ladite violation (voir, parmi beaucoup dautres,Hertel c. Suisse,25 aot 1998, 63, Recueil des arrts et dcisions 1998-VI). En l espce,tant donn que les frais rclams au titre de la procdure devant les

    juridictions internes nont pas t engags pour prvenir ou faire corriger les

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    violations constates, la Cour rejette la prtention du requrant sagissant duremboursement des frais et dpens relatifs cette procdure.

    121. Quant aux frais et dpens devant elle, selon la jurisprudence de laCour, un requrant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dpensque dans la mesure o se trouvent tablis leur ralit, leur ncessit et lecaractre raisonnable de leur taux. La Cour rappelle aussi quaux termes delarticle 60 2 de son rglement, les requrants doivent chiffrer leurs

    prtentions au titre de larticle 41 et y joindre les justificatifs ncessaires ; dfaut, la chambre peut rejeter la demande, en tout ou en partie. En lespce,le requrant ne chiffre pas sa demande et ne produit aucun justificatif

    pertinent. Partant, la Cour dcide de ne lui allouer aucune somme au titredes frais et dpens pour la procdure engage devant elle.

    C. Intrts moratoires

    122. La Cour juge appropri de calquer le taux des intrts moratoiressur le taux dintrt de la facilit de prt marginal de la Banque centraleeuropenne major de trois points de pourcentage.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, LUNANIMIT,

    1. Joint au fond lexception prliminaire du Gouvernement tir du

    non-puisement des voies de recours internes et la rejette;

    2. Dclarela requte recevable ;

    3. Ditquil y a eu violation de larticle 6 1 de la Convention ;

    4. Ditquil y a eu violation de larticle 13 de la Convention ;

    5. Dita) que ltat dfendeur doit verser au requrant, dans les trois mois compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment larticle 44 2 de la Convention, 11 830 EUR (onze mille huit centtrente euros), plus tout montant pouvant tre d titre dimpt, pourdommage moral ;

    b) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, cesmontants seront majorer dun intrt simple un taux gal celui de lafacilit de prt marginal de la Banque centrale europenne applicable

    pendant cette priode, augment de trois points de pourcentage ;

    6. Rejettela demande de satisfaction quitable pour le surplus.

  • 7/24/2019 Affaire Valada Matos Das Neves c. Portugal

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    ARRT VALADA MATOS DAS NEVES c. PORTUGAL 31

    Fait en franais, puis communiqu par crit le 29 octobre 2015, enapplication de larticle 77 2 et 3 du rglement de la Cour.

    Sren Nielsen Andrs SajGreffier Prsident