affaire airey c. irlande article 50

Upload: marilena-iordache

Post on 28-Mar-2016

4 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

CCX

TRANSCRIPT

  • CONSEILDE LEUROPE

    COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    COUR (CHAMBRE)

    AFFAIRE AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50)

    (Requte no 6289/73)

    ARRT

    STRASBOURG

    6 fvrier 1981

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50) 1

    En laffaire Airey, La cour europenne des Droits de lHomme, constitue, conformment

    larticle 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes

    de son rglement, en une chambre compose des juges dont le nom suit:

    MM. G. WIARDA, prsident,

    THR VILHJLMSSON,

    W. GANSHOF VAN DER MEERSCH,

    D. EVRIGENIS,

    L. LIESCH,

    F. GLCKL,

    B. WALSH,

    ainsi que de MM. M.-A. EISSEN, greffier, et H. PETZOLD, greffier

    adjoint,

    aprs avoir dlibr en chambre du conseil le 24 novembre 1980, puis le

    31 janvier 1981,

    Rend larrt que voici, adopt cette dernire date, sur lapplication de larticle 50 (art. 50) de la Convention en lespce:

    PROCEDURE ET FAITS

    1. Laffaire Airey a t dfre la Cour par la Commission europenne des Droits de lHomme ("la Commission") en mai 1978. A son origine se trouve une requte dirige contre lIrlande et dont Mme Johanna Airey avait saisi la Commission en 1973.

    Seule reste trancher la question de lapplication de larticle 50 (art. 50) en lespce. Quant aux faits de la cause, la Cour se borne donc ici fournir les indications ncessaires; elle renvoie pour le surplus aux paragraphes 8

    12 de son arrt du 9 octobre 1979 (srie A no 32, pp. 6-8).

    2. Ce dernier a relev, entre autres, une infraction aux articles 6 par. 1 et

    8 (art. 6-1, art. 8) de la Convention, la requrante nayant pas bnfici dun droit daccs effectif la High Court dIrlande pour demander un jugement de sparation de corps (points 4 et 6 du dispositif, paragraphes 20-28 et 31-

    33 des motifs, ibidem, pp. 19, 11-16 et 17).

    3. Lors des audiences du 22 fvrier 1979, le conseil de lintresse avait dclar que si la Cour constatait une violation de la Convention, sa cliente

    rclamerait au titre de larticle 50 (art. 50) une satisfaction sous trois formes: accs effectif un moyen de remdier la situation ne de lchec du mariage; compensation pcuniaire pour la douleur, la souffrance et

    langoisse morale subies par elle; remboursement des frais supports, surtout des frais annexes, honoraires davocat et autres dpenses spciales.

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50)

    2

    Dans son arrt prcit, la Cour a rserv en entier la question de

    lapplication de larticle 50 (art. 50). Elle a invit la Commission lui prsenter, dans les deux mois du prononc de larrt, ses observations en la matire, et notamment lui donner connaissance de tout rglement auquel

    le gouvernement irlandais ("le Gouvernement") et Mme Airey pourraient

    avoir abouti (point 8 du dispositif et paragraphes 36-37 des motifs, ibidem,

    pp. 18-19).

    4. Le prsident a prorog ce dlai plusieurs reprises, en dernier lieu

    jusquau 30 juillet 1980. Le 17 juillet, le secrtaire de la Commission a fourni au greffe, sur les

    instructions des dlgus, la copie dune correspondance qui relatait en dtail la marche des ngociations entre Gouvernement et requrante. Il en

    ressortait que celle-ci avait refus une somme de 3.140 livres irlandaises

    offerte par celui-l sous toutes rserves (without prejudice) et pour solde de

    tout compte. En mme temps, le secrtaire a prcis que les dlgus

    concluaient limpossibilit de prolonger utilement la tentative darrangement et invitaient la Cour octroyer une satisfaction en vertu de larticle 50 (art. 50) sur la base de ladite offre.

    Par une lettre de son agent au greffier adjoint, du 21 aot 1980, le

    Gouvernement a notamment dclar consentir verser 3.140 . Le 8

    octobre, le secrtaire de la Commission a communiqu au greffier une

    dpche reue du reprsentant de Mme Airey et daprs laquelle cette dernire, nestimant pas quitable et raisonnable un tel montant, voulait une indemnit compatible avec ses prtentions antrieures (paragraphe 5 ci-

    dessous). Le 10 novembre, lagent a crit au greffier pour laviser que son gouvernement demeurait prt payer 3.140 quoiquil contestt lapplicabilit de larticle 50 (art. 50) en lespce et trouvt suffisante une somme de 2.140 , propose par lui lorigine.

    5. Au cours des ngociations avaient t formules au nom de

    lintresse des demandes qui peuvent se rsumer ainsi: a) Mme Airey rclamait du Gouvernement lengagement de lui

    rembourser les frais et dpens raisonnables quelle viendrait supporter devant les juridictions nationales pour rechercher une sparation de corps

    ("les frais exposer en Irlande").

    b) Elle exigeait

    - 140 pour frais de voyage et divers;

    - 1.500 pour pertes entranes par son relogement;

    - 9.984 41 pour frais et dpens devant les organes de la Convention

    ("frais exposs Strasbourg").

    c) Elle aurait connu les affres de langoisse; sa sant aurait pti, comme celle de ses enfants. En outre lincapacit o elle se trouvait, faute de moyens, dobtenir une pension alimentaire ou une saisie par voie dordonnance de la High Court, lui aurait valu dincessants embarras financiers, laurait oblige prendre des emplois inadquats et aurait

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50) 3

    conduit priver ses enfants doccasions et possibilits normales de sinstruire. Les conseils de la requrant suggraient ce titre un montant de 2.000 .

    6. Le 9 septembre 1980 Mme Airey a sollicit, en vertu du systme

    daide et de consultation juridiques en matire civile cr en Irlande le 15 aot 1980, le bnfice de laide judiciaire pour intenter une action en sparation de corps. Le service comptent lui a cependant fait savoir, le 8

    octobre, quelle ne paraissait pas remplir la condition relative aux ressources.

    Le 10 novembre, le secrtaire de la Commission a inform le greffier que

    si la requrante ne se voyait pas accorder laide judiciaire, la couverture par le Gouvernement des frais dune instance en sparation de corps constituerait, aux yeux des dlgus, un lment important de toute

    satisfaction au sens de larticle 50 (art. 50). Il a aussi communiqu au greffe le texte dune lettre de MM. Walsh, OConnor et Cie, solicitors de lintresse, demandant loctroi leur cliente, au cas o on lui refuserait laide judiciaire, dune somme supplmentaire afin quelle pt charger des conseils (solicitor and counsel) de la reprsenter dans pareille instance.

    Le 21 novembre, lagent du Gouvernement a crit au greffier en ces termes:

    "(...)

    A la lumire des renseignements, donns par Walsh, OConnor et Cie, selon lesquels Mme Airey, dont la situation financire semble stre amliore depuis les vnements qui ont dbouch sur larrt de la Cour, nobtiendra peut-tre pas laide judiciaire en vertu du systme en vigueur, et eu gard au droulement de la procdure

    en lespce, mon gouvernement a rsolu de couvrir ses frais raisonnables de recours des conseils (solicitor and counsel) pour les besoins dune action en sparation de corps; sauf accord entre Mme Airey et lui, ces frais seront taxs - donc valus par les

    tribunaux eux-mmes - sur la base solicitor and client.

    (...)"

    Le 17 dcembre, le secrtaire de la Commission a fourni au greffier une

    copie de la lettre suivante que MM. Walsh, OConnor et Cie lui avaient adresse le 11:

    "(...) Dans sa lettre nous donnant ses instructions, notre cliente dclare: Jaccepte loffre du Gouvernement quant aux frais de mon action en sparation de corps, mais rejette son offre dune indemnit de 3.140 (...). Il en ressort quau nom de Mme Airey nous assignerons M. Airey en sparation de corps et nous prvaudrons de

    lengagement pris par le Gouvernement de couvrir les frais qui en rsulteront pour elle.

    (...)"

    7. la demande du prsident de la Chambre, le secrtaire de la

    Commission a dpos au greffe certains documents le 20 novembre.

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50)

    4

    8. Aprs avoir consult agent du Gouvernement et dlgus de la

    Commission par lintermdiaire du greffier, la Cour a estim le 24 novembre que des audiences ntaient pas ncessaires.

    M. ODonoghue, juge lu de nationalit irlandaise qui avait particip ladoption de larrt du 9 octobre 1979 et dont le mandat a expir le 20 janvier 1980, devait en principe continuer connatre de laffaire (articles 40 par. 6 de la Convention et 2 par. 3 du rglement) (art. 40-6), mais en

    raison dun empchement il a t remplac par son successeur, M. Walsh.

    EN DROIT

    I. APPLICABILIT DE LARTICLE 50 (art. 50)

    9. Larticle 50 (art. 50) de la Convention se lit ainsi: "Si la dcision de la Cour dclare quune dcision prise ou une mesure ordonne par une autorit judiciaire ou toute autre autorit dune Partie Contractante se trouve entirement ou partiellement en opposition avec des obligations dcoulant

    de la prsente Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet

    quimparfaitement deffacer les consquences de cette dcision ou de cette mesure, la dcision de la Cour accorde, sil y a lieu, la partie lse une satisfaction quitable."

    Le Gouvernement parat en contester lapplicabilit (paragraphe 4 in fine ci-dessus), mais il nindique pas pourquoi.

    La Cour considre le texte prcit comme applicable. Elle rappelle quen la matire il ny a pas lieu de distinguer entre actes et omissions; en outre la requrante a manifestement la qualit de "partie lse, termes synonymes du

    mot "victime au sens de larticle 25 (art. 25): il sagit de la personne directement concerne par le manquement aux exigences de la Convention

    que larrt du 9 octobre 1979 a relev (arrt De Wilde, Ooms et Versyp du 10 mars 1972, srie A n

    o 14, pp. 10-11, par. 22-23). Enfin, on na pas

    allgu que le droit irlandais permette leffacement intgral, tel que le comprend la jurisprudence de la Cour (voir notamment ibidem, pp. 9-10,

    par. 20), des consquences dudit manquement.

    II. APPLICATION DE LARTICLE 50 (art. 50)

    10. Depuis son arrt du 9 octobre 1979, la Cour a reu communication

    dun accord conclu entre ltat dfendeur et Mme Airey au sujet des frais exposer en Irlande (paragraphes 5 a) et 6 ci-dessus). Comme le veut larticle 50 par. 5 de son rglement, elle en a vrifi le "caractre quitable" qui,

    compte tenu de labsence dobjection de la part des dlgus de la

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50) 5

    Commission, ne lui inspire aucun doute. Partant, elle en prend acte et

    constate que cette demande nappelle plus un examen de sa part. 11. Pendant les ngociations mentionnes plus haut (paragraphe 4), le

    Gouvernement na pas contest la somme de 140 rclame pour frais de voyage et divers; en revanche, il a repouss les prtentions de lintresse du chef des pertes quaurait entranes son relogement et des frais exposs Strasbourg (paragraph 5 b) ci-dessus). La Cour commence par traiter ces

    deux dernires questions.

    12. Mme Airey a dmnag en 1977. En tant que locataire, elle

    bnficiait de certaines facilits pour acheter sa maison dans le cadre dun programme daccession la proprit gr par son bailleur, la Cork Corporation. Son dmnagement lui aurait caus un prjudice de 1.500 ,

    correspondant la diffrence entre les valeurs vnales, en juillet 1977, des

    deux logements en question. Il sexpliquerait par lincapacit o elle se trouvait de jouir dun accs effectif un recours pour chec du mariage, par laggravation de son sort, qui en serait rsulte, et par la peur de voir son mari essayer de retourner vivre auprs delle.

    Daprs le Gouvernement, la requrante na pas fourni la preuve de dommages, ses intrts dans les deux logements ntant que ceux dune locataire. En outre, il ny aurait aucun lien causal entre sa dcision de dmnager et labsence, en 1977, dune aide judiciaire pour la procdure de sparation.

    En admettant que Mme Airey ait support les pertes allgues, la Cour

    nestime pas pouvoir les attribuer aux violations releves dans son arrt du 9 octobre 1979. La dcision de dmnager parat avoir t motive non par le

    fait que la requrante navait pas un droit daccs effectif la High Court pour intenter une action en sparation de corps, mais par sa situation

    gnrale do naissait son dsir dun tel accs, en particulier sa crainte de tracasseries de son mari. Dailleurs, mme si elle avait obtenu un jugement de sparation elle aurait continu risquer les tracasseries quelle redoutait tort ou raison. En consquence, la Cour rejette cette demande.

    13. Il ne saurait en aller autrement de celle qui a trait aux frais exposs

    Strasbourg. Mme Airey, qui seule possde la qualit de "partie lse" au

    sens de larticle 50 (art. 50), a bnfici de lassistance judiciaire gratuite devant la Commission, puis auprs des dlgus une fois la Cour saisie

    (addendum au rglement intrieur de la Commission). Elle ne dmontre pas

    avoir pay ou devoir payer ses conseils un supplment dhonoraires dont elle puisse rclamer le remboursement; partant, cet gard elle na pas support personnellement de frais et na subi aucun dommage susceptible de rparation au titre de larticle 50 (art. 50) (arrt Luedicke, Belkacem et Ko du 10 mars 1980, srie A n

    o 36, p. 8, par. 15).

    14. Le Gouvernement dclare demeurer prt payer 3.140 (paragraphe

    4 in fine ci-dessus). La Cour estime ce chiffre quitable et raisonnable; ds

  • ARRT AIREY c. IRLANDE (ARTICLE 50)

    6

    lors, elle accorde lintresse une satisfaction de ce montant quant au reste de ses prtentions.

    PAR CES MOTIFS, LA COUR, A LUNANIMITE,

    1. Prend acte de laccord entre Gouvernement et requrante quant aux frais exposer en Irlande;

    2. Rejette les demandes de la requrante du chef des pertes quaurait entranes son relogement et des frais exposs Strasbourg;

    3. Dit que lIrlande doit verser la requrante, au titre de ses autres demandes, la somme de trois mille cent quarante livres irlandaises

    (3.140 ).

    Rendu en franais et en anglais, le texte anglais faisant fois, au Palais des

    Droits de lHomme Strasbourg, le six fvrier mil neuf cent quatre-vingt-un.

    Pour le Prsident

    Lon LIESCH

    Juge

    Marc-Andr EISSEN

    Greffier