aes 431 2 expansion et pluralisation lyriques en berbere tachelhit

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    Arts et Savoirs2 (2012)Les thories de l'nonciation : Benveniste aprs un demi-sicle

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    Noureddine Bakrim

    Expansion et pluralisation lyriques enberbre tachelhitUne rinterprtation nonciative et discursive

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    Avertissement

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    Rfrence lectroniqueNoureddine Bakrim, Expansion et pluralisation lyriques en berbre tachelhit , Arts et Savoirs[En ligne], 2 | 2012,mis en ligne le 15 juillet 2012, consult le 02 juillet 2016. URL : http://aes.revues.org/431

    diteur : LISAA (Littratures Savoirs et Arts)http://aes.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://aes.revues.org/431Document gnr automatiquement le 02 juillet 2016.Centre de recherche LISAA (Littratures SAvoirs et Arts)

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    Noureddine Bakrim

    Expansion et pluralisation lyriques enberbre tachelhit

    Une rinterprtation nonciative et discursiveVoll verdienst, doch dichterisch wohnt der Mensch auf dieser Erde (Hlderlin)1 En tant quextension loralit, laparolepotique en berbre tachelhit (varit du berbre/

    amazighe parle au Sud-Ouest du Maroc) a ceci de particulier de disposer dun supplmentadditif au mode de transmission oral incarn dans les productions potiques diachroniquescrites (souvent ddification religieuse) remontant au moins au XVIe sicle. Celles-ci fondentdes sources dhypothses sur la grammaticalisation littraire de faits de style mais aussi de lareproduction stylistique et de la reconnaissance lectoriale.

    2 Un domaine en particulier attire ici notre attention de par sa double nature : celle daborddun usage gnralement compris comme licence potique stabilise savoir commela validation esthtique dune erreur de langue (labsence daccord de nombre). En plusde ce niveau, lobservation des formes attestes en quantit et dans la variabilit des sous-

    corpus potiques diachroniques et synchroniques, crits et oraux, qui concernent le phnomne daugmentation non-quantifiable gnratrice dabsence daccord, ne permet pas seulementdcarter une lecture depuis la normativit des faits de langue mais galement la remise enquestion de la lecture quantifiante localiste de cohsion pour interroger les potentialits dudiscours et du sens et leur participation comme donnes nonciatives la cohrence textuelledu Dire.

    3 Cest donc une contribution au changement dpistm, tout dabord par lintgration dunelinguistique nonciative-discursive et cognitive dans les tudes linguistiques berbres. Lepostulat de non-interprtabilit du phnomne a fait lunanimit chez beaucoup de spcialistesnatifs ou non-natifs, il a t ramen une question de plthore en avanant le seulargument mtrique : Basset (1920/2001, 185) argument du reste envisageable pour certaines

    occurrences du corpus ou en sarrtant largument de la distanciation nonciative la basede cette augmentation non-quantifiable : Bounfour (1999, 220). Nous voudrions donc noussituer, vis--vis de ces deux formes particulires dexpansion et de pluralisation dont nousempruntons et rinterprtons la qualification Benveniste - deux nominations qui en disentlong sur le projet de construction mthodologique interne dune langue comme le berbre/amazighe- dans une nouvelle approche guide par le postulat de la relation de lacte nonciatifdynamique et plus particulirement par le postulat supra-noncif de la cohrence sur le paliertextuel qui suppose, entre autres, les principes de transformation et de projection.

    4 Nous voudrions dcrire dans un premier temps les deux phnomnes en montrant leur distancepar rapport la licence potique par les hypothses morphologiques, syntaxiques ettextuelles. Dans un second temps, nous montrerons les articulations nonciatives et discursives

    limites dans cette prsentation la modalisation, la ngation et lindtermination spatiale. Ilsagira beaucoup dans cette approche du lien entre stabilisation des faits de style et dynamismenonciatif-discursif : l o la stabilisation sintresse aux rapports entre cart et reconnaissancede lcart, le dynamisme nonciatif est port par la rinsertion de la stabilit dans des rapportscomplexes non-linaires du Dire potique.

    5 Proposer une nouvelle interprtation de labsence daccord en nombre suppose lactehermneutique de replacer la quantification et la non-quantification au-del du marquagemorphologique pour les intgrer dans la rfrentialit contextuelle. De quoi sagit-il ? Endistinguant lexpansion et la pluralisation nous nommons deux formes dabsence daccordentre une premire et une seconde prdication sans que lorigine de lnonciation change. Or,ce qui est vu comme un simple ajout de licence potique produit au niveau morphologiqueles formes suivantes.

    6 La justification dune rinterprtation se construit dabord sur le test dnumrabilit quijustifie le schma de base suivant :

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    7 On constate de prime abord une disparition de la quantification morphologiquement marque,par exemple, dans le passage du suffixe indice de la premire personne du singulier (-) laffixe indice de la premire personne du pluriel (- n) ou inversement. En effet, llment

    en expansion et en pluralisation construit une difficult de reprage rfrentiel que nousnommerons difficult phoriquedp. Ainsi, les exemples suivants :

    1) imla yi uzemz tuder tilli ur ntam : Moustaoui (1988, 16) / le temps marvl (num.)beaucoup de ce que nous ne croyions (non-num.)gure

    2) Nkka yak khir llah ur sul awn sllax : Nassef (2008, 24) / Nous avons (non-num) mislongtemps chercher tes nouvelles, rien ne ma t possible (num.)

    8 Aussi bien dans le premier que dans le second exemple, la disparition de la proprit (trenumrable) assigne laffixe ou au suffixe un autre domaine rfrentiel et permet dintroduireun autre indice de difficult phorique.

    9 Nous avons donc affaire ici, par le rsultat morphologique dabsence daccord en nombre, deux parcours, lun va vers lidentification numrable et lautre vers la non-identification.

    Une difficult phorique localiste : la disparition de laquantification

    Formes morphologiques de lexpansion et de la pluralisation

    10 Lobservation et la confrontation avec un corpus significatif en quantit permettent de dcrireune pluralit de formes au-del de lexpansion ou de la pluralisation dun seul sujet de lnonc.En effet, aux indices personnels de personne sajoutent les indices pronoms :

    Indice de personne 1 (Se1) / indice de personne 2 (Se 1) : il sagit de la forme la plusrpandue dans le corpus, elle implique comme nous lavons vu une dilatation selon les

    termes de Benveniste : (1966) - du Je ou une pluralisation des troisimes personnes dusingulier.

    Indice de personne 1 (Se 1) / indice de personne 2 (Se 2) : dans ce cas, lexpansion etla pluralisation se construisent dans une relation prdicative dans laquelle la marque delexpansion ou de la pluralisation saccompagne dun changement du point de vue dereprage. Ainsi :

    3) Mamenk rad sker ad ttu asmun ida ya : Moustaoui (1988, 51) - Comment faire (je), labien-aime se drobe au regard ( notre regard)

    4) Ix t in i ina nkwtid ur d imik : Moustaoui (1988, 51) Quand je le vis ils nous virent,ce fut plus dun souvenir

    11 En fait, la difficult phoriquedpici ne se construit pas uniquement partir de pronom singuliermais est galement rfrenciable partir de la relation VOIR, une prdication qui impliqueune interchangeabilit actantielle.

    Indice de personne (Se 1) / pronom (Se 2) :

    5) Tujjut ..Ix tnt ki urri d s tam d mraw : Moustaoui (1988, 51) Lodeur......quand jelessens je reviens mes dix-huit ans

    12 La difficult phorique base sur la morphologie plurielle du pronom personnel se construitnon seulement sur le context amont mais galement sur le point de vue de rupture (comme

    point de vue de reprage nonciatif) avec le Se 2.

    Indice de projection dexpansion et de pluralisation : au-del de la relation strictementbinaire productive de la morphologie non-numrable ou numrable, lon observegalement dans le mme nonc une distribution de la pluralisation ou de lexpansionentre des marqueurs nonciatifs diffrents. Ainsi :

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    6) Ur sul nb ghayad iggut rix atnt ncrk : Nassef (2008, 21) Jenai point de patience, le malpse tant que nous voulonsles partager.

    13 O une premire difficult phorique projette sa complexification rfrentielle etmorphologique sur les lments de lnonc :

    Non numrable S 1 (numrable S1, non-numrable S 2, numrable S 1) Ceci renforce la rinterprtation du dynamisme sous-jacent la stabilisation stylistique. Si la donne morphologique implique lintgration des reprages rfrentiels, quen est-

    il de larticulation syntaxique de lexpansion et de la pluralisation ?

    Prdication et liens thme/rhme

    14 La position syntaxique mrite ici une description. En effet, lobjectivation de nos formesrvle que lexpansion ou la pluralisation peuvent se trouver en position initiale en premireprdication ou en position finale en seconde prdication. Ceci nous conduit dire que ladifficult phorique pose galement le problme du reprage propositionnel. Il est donc tout fait lgitime dmettre les hypothses suivantes :

    Une hypothse localiste

    15 1) lnonc potique implique une proposition thmatique premire servant de premire

    prdication non-numrable et une proposition rhmatique numrable. Ainsi :7) aar, ix t usin a d issn max attin isers : Nassef (2008, 22) Sils marchent, quil sache o poser(il) le pied

    16 Un schma dindtermination thmatique et de dtermination rhmatique parat envisageable.En effet, la thmatisation est soutenue par lantposition de aar (le pied). La difficultphorique implique ici une contradiction entre nombre et agentivit :

    Proposition 1 : thme {Marcher} / Proposition 2 : rhme {Savoir marcher}

    17 2)lnonc potique est articul sur une double prdication et un processus dindterminationthmatique clturant et virtualisant le thme actualis de la premire proposition. Nous auronsalors passage dune prdication thme dtermin actualis thme indtermin virtualis.Ainsi :

    8) A tayri tgrit aea ilm inu d ul nn : Moustaoui (1988, 45) - amour, tu as tendu ta toilesur mapeau et sur notrecur.

    18 Proposition 1 : thme actualis {tendre une toile sur la peau} / Proposition 2 : thme virtualis

    {tendre une toile sur le cur}

    Une hypothse gestaltiste textuelle

    19 Considrer la donne textuelle potique dans la relation du tout aux parties peut comporterquelques risques thoriques et mthodologiques en oubliant la nature discursive du genre etles logiques de la squentialit non-narrative qui, dans notre corpus, sont de lordre de langociation entre une syntaxe locale rfrentialit mtrique et prosodique et lensemblevu par le prisme de sa transitivit textuelle et sa cohrence. Or, les rexploitation crites delexpansion et de la pluralisation ne sont pas uniquement dordre stylistique, lexemple delisotopie de la conjonction et de la disjonction intersubjective du discours amoureux est rendudans le pome crit contemporain : Jadal (2010, 17) (rufiur ufi/ qute assoife) par unestructure alternant embrayage locutif et embrayage non-locutif entre je nous tu / je tu / je Nous (expan.) dans lequel la textualit potique saccompagne dune projection desdeux principes de lunicit et de la pluralit du sujet de lnonc dont le schma suivantestillustrateur:

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    Embrayage allocutif

    20 Le statut substitutif du Nous lyrique (en expansion) sarticule sur une non-squentialit dutexte potique produisant lune des formes de textualisation.

    Formes et stratgies nonciatives de la pluralisation et delexpansion

    La modalisation comme quilibre entre ralit et horizon

    deffectuation21 Nous comprenons par modalisation louverture dans lespace du Dire dune relation

    prdicative impliquant la construction par lnonciateur dun parcours relationnel entre unpremier reprage situationnel : Culioli (2000, 139) prsentifiant et mettant en discours, unemodulation distanciante et un horizon deffectuation. Ce parcours relationnel peut se baser surune modalit apparente (verbale, particule.) ou sous-jacente implicite. Fixons les noncssuivants :

    9) (manuscrit du XVIesicle) Yan ur iarn i larabi at tn fhmn, ir lmazi i lwam illa gisnlbayan : Aznag/Van den Boogert (15XX/1997 : 94) Celuine pouvant comprendre le (les) livrearabe quils lisent au peuple le livre berbre, de clart, ilsnen manquent point

    10) Walaynni ri ad ak nini tamnta : Moustaoui (1988, 44) - Cependant, je (nous) voudrais que

    tu croies quand je ten rvle11) Inna mi trit ad mn tlkmtn s ufus mn : Nassef (2008, 21) Ce que tu veux ouvrir(pluralisation) tends-y ta main afin quils souvrent.

    22 Les trois noncs comportent le parcours modal entre un reprage situationnel deprsentification qui se dcrit dans 9 et 11 comme un reprage indfini et dans 10 commeintroduit par une relation concessive. Ce terme constitue la condition ncessaire dquilibretabli par lnonciateur entre ralit et modalit discursives.

    23 La difficult phorique entre numrable et non-numrable se place dans lnonc 9 danslhorizon deffectuation Comprendre de la premire ligne du vers. Le parcours se fera donccrire de la faon suivante :

    24 Entre le premier nonc et le second constituant le vers, le premier parcours est li au secondpar une modulation de distanciation impliquant un rapport intersubjectif entre un sujet modaldu non-pouvoir et un sujet modal du devoir, la modalit dans le second constituant tant sous-jacente. tant donn que le reprage situationnel articule les deux noncs, il va inclure unehirarchisation pragmatique et une scalarit modale entre distanciations. la diffrence dupremier constituant, lhorizon deffectuationnest pas impossible mais lointain :

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    25 En passant dun parcours de limpossibilit un parcours de la possibilit, la pluralisationsinscrit dans le procs nonciatif et y est partie prenante.

    26 Dans lnonc 10, le parcours sarticule entre une relation concessive qui introduit un repragedidentification/ une prsentification, un vouloir possible dune modulation de distanciationnumrable et un horizon deffectuation non-numrable, potentiel et conditionn au secondhorizon deffectuation qui montre lenglobement dun autre parcours du type :

    27 En effet, le parcours du vouloir-croire englobe le parcours du croire et la pluralisation permetde les quilibrer.

    28 Dans lnonc 11, nous avons un parcours intersubjectif comme en 9 qui stablit dansun double horizon deffectuation de la modalit. Ainsi, le reprage situationnel prsentifielancrage nonciatif de la modalit. La modulation de distanciation (vouloir : numrable,possible) qui projette un horizon deffectuation (ouvrir : non-numrable) construit sur

    une difficult phorique qui renvoie lindfinition du reprage situationnel. La doublemodalit ouvre un espace de scalarit modale entre vouloir et devoir (Devoir tendre lamain : modalit suppose et sous-jacente, numrable, surplombant) co-construisant lhorizonlointain deffectuation par la particule grammaticale de direction en berbre (- n / vers l-bas)qui informe le verbe lkm (atteindre-arriver).

    29 Ainsi, le premier parcours :

    30 Le passage intersubjectif et pragmatique de la premire modalit la seconde introduit un

    (devoir tendre). Ainsi, le second parcours :

    31 Lexpansion et la pluralisation se lisent dans le contexte de la modalisation en rapport lintersubjectivit, la hirarchisation pragmatique mais aussi dans le lien entre principedancrage premier du discours et dynamisme qui font de la modalit un quilibre nonciatif etdiscursif modulable entre ralit et horizon deffectuation.

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    Le parcours de la clusivit : la ngation

    32 La ngation en berbre (amazigh) tachelhit est une catgorie smantique qui saccompagnedans plusieurs parlers et dans le processus de standardisation de lcrit- par une marquemorphologique ( - i), notre corpus y appartient. En effet, le marquage morphologique de lapluralisation et de lexpansion semble jouer le rle dune saturation stylistique comme danslnonc suivant :

    12) Ur nim (marquage morphologique de la ngation par -i), ur jju nli ccix n cayllah :Elmedlaoui (2008 : 10) Je ne suis nullement un faiseur de vers ni navons t disciple dun saint.

    33 Si lon se fie aux rsultats de lenqute variationniste de cette donne morphologique danslaire linguistique chleuh : Bensoukas (2009, 98-110), la saturation stylistique nest pasnettement tranch.

    34 Du point de vue nonciatif, la ngation fait partie des phnomnes discursifs dynamiques. Lonconsidre ici larticulation de la ngation et lexpansion pluralisation depuis une perspectivede parcours qui mne lassertion ou la prsuppose de la mme faon quelle est prsuppose.

    35 Si la modalisation traite ici construit un horizon, la ngation va constituer une slectivit ouun tri prdicatif la fin du parcours. partir de la difficult phorique et du non-numrable, leterme ni est exclu de lhorizon du dire par son entre dans lindtermination sans pour autantquil saccompagne dassertion positive.

    13) Ur nga abnkal, ur ng asawiy is ar ka gnnux awal ad ig (ayg) awal : Nassef (2008, 118) Jene suis (Nous) ni serpent ni (Nous) charmeur de serpent, du verbe jen tisse afin quil soit parole

    14) Tnna tawssri hay nga tink, nni as nikk ur ngi winnm : Moustaoui (1988 : 55) La snilit sedit (se disent) mienne, je lui rponds : moi, je ne suis (Nous ne sommes) pas tien.

    15) Urta nni nga sidis n yan ur nrc () nga zund abuka ann mmi la aaras : Nassef (2008,135) Je ne (Nous ne sommes) suis point un matre, je nen ai pas le zle () je suis (Noussommes) cet aveugle en droute.

    16) isaqa wazzan ann babas d innas inna asn (inna yasn) tamazit ur a tgammin, max ur llint lmadaris lli n darn. Ur asn nnin uhu ula yah fassan : Moustaoui (1988, 57) Cet enfant demandaalors ses parents : si le tamazight ne disparat pas (ne disparaissent pas), pourquoi nest-il (nesont-ils) pas enseign chez nous ? Ils se turent ne sachant pas quoi lui (Leur) rpondre.

    La ngation comme slectivit

    36 Ce qui nous concerne ici en premier cest le parcours de la slectivit qui sinscrit dans latension entre ngation pr-supposante et assertion positive ou dans le parcours syntaxiqueet logique inverse entre assertion positive et ngation. La difficult phorique bloque ainsipar lindtermination laccs paradigmatique des possibles assertions. Ainsi, en intgrant unelogique des mondes possibles la problmatique de la quantification dans un univers littrairepeut tre formule par la rsolution ensembliste. Ainsi, pour tout ensemble P de sujets non-numrables il existe au moins un ensemble P de sujets numrables dtermins. La structurepeut scrire ainsi :

    P (Snon nu (indter.)) P (Snu (dt.))

    37 Ainsi, les noncs o la difficult phorique de la pluralisation et de lexpansion impliquele parcours allant de lhorizon didentification tri lhorizon didentification assert etslectionn :

    tre (serpent, charmeur de serpent) numrable --------------- Faire (tisser, ..) non-numrable.

    Dans cet nonc, lintervention de lintersubjectivit introduit une difficult phoriquesymtrique entre reprage situationnel du Dire et horizon didentification. partirde lintroduction du point de vue de lidentit, les autres points de vue (rupture,diffrenciation) et leurs horizons didentification sont bloqus.

    La ngation sans assertion positive

    38 Le parcours de ngation ne permet pas dans ce contexte les oprations didentification (tri/slection), il aboutit une assertion indtermine, un horizon de lidentification potentiel

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    ou un horizon deffectuation absent comme dans lnonc 13, les horizons didentificationnis ne sont pas remplacs par un horizon didentification (un nonc dtat) mais par unhorizon deffectuation (un nonc de faire). Dans lnonc 16, lintersubjectivit organiselarticulation dun nonc interrogatif et dune affirmation : lhorizon deffectuation (ne pasdisparatre) marqu par lindtermination et le non-numrable introduit une relation elliptiqueavec linterrogation ngative incluant un horizon ni que lon peut reprsenter ainsi :

    Ainsi,et au-del de lenrichissement expressif, la construction cognitive et culturelle du senspermet darticuler marquage morphologique grammaticalis, les bases existentielles de toutenonciation (assertion, ngation) et la tension entre le rel et lhypothtique (modalit) enutilisant la notion dhorizon comme mta-langage qui ouvre lnonc la relation, au reprageet la fluctuation, une caractristique du langage potique.

    Lindtermination spatiale

    39 Dans ce contexte, le rapport entre quantification et identification travers pluralisation ouexpansion porte sur la localisation et sur le procs. De la mme faon que la ngation ou lamodalisation ne sont pas uniquement des faits de style tant donn ici que la tension entre lesprincipes dajout (relevant du stylistique) et le principe dconomie (relevant la fois des faitsde langue et des faits de discours), dans lindtermination spatiale cette tension existe, on peutlapprocher par les principes de contrainte de lexistant grammatical de la spatialit (marquagemorphologique de la direction, ou le marquage phontique par la tension articulatoire desconsonnes que je dfends comme rsultat propre !) et le surplus dinformation discursiveancr dans linstabilit du langage potique et verse dans le genre posie.

    40 Ainsi :

    17) nsli tafukt nsawl srs urrid (d : particule grammaticale de direction VERS ICI) akal :Moustaoui (1988, 47) Je (Nous) touchai le soleil, lui (Nous) parlai et revins (je) sur terre

    41 La tension entre la particule de direction d de la seconde prdication (revenir) et lapremire prdication nest pas rendue par une autre dtermination grammaticale mais par laspcification du distal spatial dans le genre potique.

    Le distal et le locatif

    42 Nous considrerons les noncs suivants :

    18) A timmimt lzib ak ran a tn tlkmt, imma tin gar amnid gant axuya takat : Nassef (2008, ?) Cest le dlice du verger qui tattire (tattirent) afin que tu latteignes (les atteigne), celui (ceux)du mauvais lieu, mon frre, attire (attirent) la mfiance.

    19) Adrar ifssa aylli imi irar d awal inna : () gli d ulli liat darn : Jadal (2010 : 10) - Lamontagne parla aprs long silence : ramne ton btail et montez (chez nous)

    20) Ayyur ismrt bbi yallt attuyn, ammas ignna ax id fawn ikaln : Nassef (2008, 111) Dieucra la lune grande, lleva loin (sont loins) dans le ciel, au milieu du firmament elle (Ils) claireles terres.

    43 La catgorie du distal, en tant que catgorie de lindtermination introduisant non pas lereprage locatif mais recontextualisant le mta-langage dhorizon par rapport la relation entrenonciateur, prdication et point de vue (du proximal vers le distal ou inversement). Ainsidans lnonc 19, le prdicat dtermin est construit par lintersubjectivit qui implique par le

    proximal de linterlocution (tu et vous) un distal spatial sous-jacent marqu par la difficultphorique entre montagne et (chez nous).

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    44 La diffrence entre lancrage personnel et la fluctuation spatiale se prsente autrement danslnonc 20, o il ny a pas de dintroduction de point de vue ni interlocution mais o lonnote un reprage par la rupture. Tandis que la dtermination personnelle est claire dans lesprdicats (lever, Crer), lhorizon spatial distal est indtermin. En fait, au lieu de considrerles relations entre prdicats par les termes de projection on peut les reconsidrer par rapport la notion de filtrage par point de vue et par leur type dhorizon.

    45 Lhorizon datteinte est indtermin par expansion ou pluralisation non pas du fait quil est

    construit comme inaccessible impliquant un processus mais du fait de son type de location.Lnonc suivant va nous claircir :

    21) Ur jju nikk an in imikk n waman (...) taangiwin ad nttmun kcm asif : Moustaoui (1988,41) Ce nest jamais dans une petite flaque deau que je me tombe (.) jaccompagne (Nous)les vagues et le fleuvejy pntre.

    46 Lopposition entre indtermination non-numrable et dtermination numrable est celle dela modulation des types de location (surface) et (profondeur) et le site de location :

    47 Le site de location peut tre un principe de vastet (le site : les plaines) comme dans lnoncsuivant :

    22) gi as algammu n ummi nstara izuar : Moustaoui (1988, 47) Je lai brid par le vent etjai (Nous) parcouru les plaines

    48 Ou la tension entre un principe de circonfrence (le site est une le) et un principe de vastetcomme dans les deux noncs suivants :

    23) Yuf iyi a t ajj a iggawr, nsutl i tgzirt : Haj Belad dans Galand-Pernet (1972, 24) mieuxvaut que je le laisse se reposer et que je parcoure (Nous pacourions) de lle.

    24) Ha t i ri ad bm i tgzirt ad gis (aggis) nstara : Haj Belad dans Galand-Pernet (1972, 24) Mais je veux tourner dans lle et la parcourir (nous).

    49 Les deux noncs faisant intervenir le mme locuteur personnage (il sagit dune cantilne,un conte potis) et le mme site de location en prsentant deux rapports diffrents entredtermination numrable et indtermination non-numrable : le point de vue de la rupturedans 23 inclut une forme dintersubjectivit qui cre une opposition entre reprage de pointet reprage de surface.

    50 Dans lnonc 24, le premier prdicat est dtermin (bm) alors quil est synonyme duprdicat (nssutl) de lnonc 23 qui est indtermin. tant donn labsence de phnomne desynonymie totale du fait de la contextualisation, on assigne au prdicat 1 la valeur Parcourir etau prdicat 2 la valeur Faire le tour, ce qui implique en paraphrase : dun point A et y revenant.

    Pourquoi lindtermination nest pas seulement une spcialisation

    gnrique mais une organisation du rapport nonciatif entre monde,langage et contraintes linguistiques ?

    51 la base de deux phnomnes variants : 1. Un ajout influenant le patron rythmique oralde base (syllabe lgre, syllabe lourde) 2. Une absence daccord locale ou textuellementdistribue-projete, se construit une problmatique dordre nonciatif qui met en articulationles niveaux suivants :

    Le remplacement dune stabilit gnrique

    52 Nous allons examiner ici lnonc potique suivant :

    25) Tayri mani yi tkkit ar assa d mi mlad km ufi lli ng waduyyi ussan : Moustaoui

    (1988, 46) amour ! Do marrives-tu aprs puisementAh si seulement je tavais trouv dans la (notre) solitude des jours

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    53 Lnonc prsente en apparence une sur-interprtation lectoriale de lexpansion par lapremire relation de contradiction (ou difficult phorique) entre le je lyrique, le sujet enexpansion et la proprit tre seul qui rtablit la stabilit du sujet lyrique. Or, ce qui seconstruit comme un surplus potique nest pas un trait gnrique mais le remplacementdune stabilisation gnrique (le sujet lyrique ancre le pome dans une situation potiquednonciation) par une configuration discursive, o lexpansion renforce par un lienrfrentiel temporel (les jours, en glosant : les jours passs) projette son indtermination par

    le partage des proprits smantiques entre indtermination temporelle et quantification.Lindtermination est marque : les espaces potiques sont aussi des chos dumonde

    54 Fixons lnonc suivant :

    26) nssn nit mad njma, ssnx, mqqarn taggugm dufaxk : Nassef (2008, 76)Je connais (nous connaissons)mon interlocuteur, je te connaisMme si de loin tu parles (vous parlez), je ty discerne

    55 Encore une fois, cet nonc active, lintrieur de lintersubjectivit, une relation entresituation dialogale de co-prsence proximale dtermine et numrable (un locuteur etun allocut) et indtermination sous-jacente la situation dnonciation distale. la findes deux parties du vers, la dtermination construit une boucle numrable qui isole lasituation dialogale comme simulacre de lintersubjectivit (ssnxk, dufaxk/ je te connais,je ty discerne-je tidentifie) en prsentifiant une rfrentialit interne au discours. Dunautre ct, la situation distale informe un tat du monde dans le discours (taggugm, nssnnit mad njma littralement : vous tes loin, nous savons bien qui nous parlons) etmarque son indtermination. Encore une fois, deux principes de lactualisation nonciativesont prsents sous forme de boucle : prdicat partir dun tat du monde (distance) oudcoupage de lnonable partir de lexprientiel du sujet (de sa cognition et de sa culture)et simulacre de co-prsence avec prsentification dune situation dialogale proximale (je tu). Lindtermination de ltat du monde nest pas diffuse mais ancre dans un moyen delangue(le marquage morphologique grammaticalis en posie) qui sarticule comme un mta-marqueur discursif dfaut dun moyen de languegrammaticalisant la catgorie du distal entre

    topologie et systme de personne (comme peuvent lavoir dautres langues dans le monde :par exemple, le vietnamien ou dautres langues). En construisant une prdication linguistiquemarque de ltat du monde comme cho, le vers prsente une schmatisation du processusde lnonciation lui-mme, en sinscrivant dans une tension entre faits de style, contraintelinguistique et principe dialogique.

    Pour ne pas conclure : une petite note sur lindterminationet lnonciation potique

    56 La problmatique de lindtermination comme prsente ici dans la catgorie nonciative dela quantification et de faon sous-jacente au remplacement dun fait de langue par un faitde style implique que les potentialits du discours potique pas uniquement puises dans lesmiotique kristvien considrer le processus de mise en discours comme fondateur dunordre normatif ou rgulateur lintrieur de la subjectivit et que la dtermination commelindtermination sont galement des catgories cognitives qui croisent dans le genre potiqueplusieurs niveaux :

    Le problme de la rfrentialit et de la reprsentabilit du monde Le dynamisme incessant dun sens attribu et dun sens construire qui est plus pointu

    dans le genre de discours posie Paradoxalement, la contribution du langage potique, non pas dpasser par la fonction

    potique les modles prvisibles ou imprvisibles de locution mais de servir defaon limite et partiellement transposer des dcoupages pr-nonciatifs culturels etcognitifs dans un Dire qui les organise do cette forme de spcialisation gnrique quipermet de prendre en charge le passage dune notion (dans le sens culiolien du terme) sa mise en discours et sa prdication. De cette faon-l, la posie rationnalise ce qui nest

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    pas nonable dans les liens entre monde, langage et sujet insr dans une normativitlinguistique en donnant aux faits de style un trait de reconnaissance lectoriale marque.

    57 dfaut dun traitement pluridisciplinaire, lintrieur des tudes berbres, de la relationentre cognition culturelle-linguistique et modles dnonciation largis au-del de la simplepotique, cette investigation dans le terrain potique concernant un domaine dialectal neprtend aucune exhaustivit.

    Bibliographie

    BASSET, Henri,Essai sur les littratures des Berbres, Paris, ditions Awal/Ibis, 1920-2001.

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    GALAND-PERNET, Paulette, 1972. Recueils de pomes chleuhs I. Chants de trouveurs, Paris, ditionsKlincksieck.

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    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Noureddine Bakrim, Expansion et pluralisation lyriques en berbre tachelhit ,Arts et Savoirs[En ligne], 2 | 2012, mis en ligne le 15 juillet 2012, consult le 02 juillet 2016. URL : http://aes.revues.org/431

    propos de lauteur

    Noureddine Bakrim

    IREMAM/CNRS

    Droits dauteur

    Centre de recherche LISAA (Littratures SAvoirs et Arts)

    Entres dindex

    Mots-cls :oralit, posie, berbre, discours, nonciation