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Actes du Colloque Personnes Âgées Et Alcool 2015 - Eragny-sur-Oise

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Sommaire

Modération des débats : Jean-Louis Darques, Délégué départemental du Val-d’Oise de la Mutualité Française Introduction............................................................................................................................................3 Chantal Baggio, Adjointe au maire chargée des Ressources Humaines, Affaires générales et sociales et Solidarités Jean-Louis Darques, Délégué départemental du Val-d’Oise de la Mutualité Française Personnes âgées et alcool : points d’équilibre ....................................................................................4 Dr Eric Hispard, Praticien hospitalier, Hôpital Fernand-Widal, Paris Usage/Mésusage/Dépendance de l’alcool : éléments pour repérer le mésusage...............................7 Caroline Rémy, Psychologue, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie du Val-d’Oise Retour d’expérience : Dr Monique Gobert, Addictologue, Hôpital René Dubos, Pontoise Comment aborder la question de l’alcool avec les seniors et leur entourage ?...............................13 André Bonnefond, ancien chef du service alcoologie de l’hôpital d’Eaubonne, bénévole ANPAA Respect du choix de la personne âgée : contours juridiques et éthique ..........................................17 Claire Luneau. Juriste, Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles Marie Coulier, Psychologue, EHPAD MGEN de Fontenay-en-Parisis Yann Draye, Directeur EHPAD MGEN, Fontenay-en-Parisis Restitution des groupes de réflexion..................................................................................................21 Groupe 1 : Solitude, rupture du lien social en lien avec l’addiction Groupe 2 : Respect du choix de la personne âgée en établissement Groupe 3 : Respect du choix de la personne âgée à domicile Groupe 4 : Comment aborder la question de l’alcool avec les seniors et leur entourage ? Clôture du colloque .............................................................................................................................25 Chantal Baggio, Adjointe au maire chargée des Ressources Humaines, Affaires générales et sociales et Solidarités.

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Introduction

Chantal BAGGIO, Adjointe au Maire chargée des Ressources humaines, Affaires générales et sociales, et Solidarités Je vous prie de bien vouloir excuser Monsieur le Maire, qui est retenu par des obligations professionnelles. Je suis très heureuse de vous proposer cette année encore un espace de discussion sur ce sujet aussi sérieux que grave que l’alcool chez les personnes âgées. L’an dernier déjà, vos échanges avaient été de très grande qualité grâce au concours et au retour d’expérience des professionnels éclairés dont vous faites partie. Monsieur le Maire avait choisi de vous évoquer quelques histoires personnelles pour décomplexer le débat, mais aussi pour permettre à chacun de partager sans réserve sa connaissance sur cet enjeu, pesant pour les familles, tabou parfois, et faire avancer les discussions. Aujourd'hui encore, et même si dans vos activités vous êtes amenés à traiter régulièrement de cette problématique, on nous parle très peu en France de l’alcoolisme chez les personnes âgées, qui se présente sous deux formes : l’alcoolisme de longue date ou l’alcoolisme venu tardivement. L’étude de décembre 2014 publiée dans le réputé British Medical Journal atteste de la surconsommation chez les plus de 65 ans. Réalisée auprès de 28 000 personnes âgées de 65 ans et plus, elle a fait ressortir un constat accablant. Un senior sur cinq boit de l’alcool de façon excessive. Les hommes consomment l’équivalent d’une bouteille de whisky par semaine, tandis que les femmes boivent l’équivalent de deux bouteilles de vin dans la même période, soit la consommation maximale à moindre risque qui est recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le sujet est donc préoccupant, mais nous avons affaire à des adultes le plus souvent responsables, qui ont des droits et font des choix qu’il faut respecter. Alors, comment agir ? La complexité du problème réside dans le fait que les risques explosent avec le vieillissement. Pour une petite quantité d’alcool consommée, les effets vont être plus importants chez les personnes âgées. L’alcool touche le cerveau et est reconnu comme un facteur d’apparition plus fréquente de la maladie d’Alzheimer. Associée aux médicaments, ses effets sont désastreux. En vieillissant, les personnes concernées accumulent d’autres difficultés et maladies. C’est aussi d’ailleurs pour cette raison qu’il est complexe d’identifier l’alcool comme raison de ces troubles. Le retour d’expérience sur les éléments permettant de repérer les mésusages sera certainement très instructif. Aujourd'hui, les discussions doivent permettre d’échanger sur les différents critères permettant de déceler chez les personnes âgées l’usage immodéré de l’alcool. Déceler également les raisons qui ont conduit à une consommation tardive et qu’il faut tenter de prévenir ou, à défaut, d’accompagner. Le dialogue avec les personnes concernées et leur famille est indispensable. Comment s’y prendre pour briser le silence ou les tabous ? L’intervention d’un bénévole de l’Association nationale de Prévention en alcoologie sera aussi intéressante. Une étude réalisée par les chercheurs de l’université de King’s College de Londres révèle une information. Dans un tiers des cas, la surconsommation alcoolique a commencé tardivement, donc après 60 ans, pour vaincre l’ennui après la retraite ou suite à la mort prématurée de sa moitié. Prévention, accompagnement des familles, droits des personnes, partage d’expérience, les bases de vos réflexions sont posées. Je remercie l’ensemble des intervenants et des partenaires qui se sont mobilisés pour cette journée ainsi que les services qui ont préparé ce programme. Jean-Louis DARQUES, Animateur des débats, Délégué départemental du Val-d’Oise de la Mutualité Française Après le colloque de l’an dernier qui a posé la problématique « personnes âgées et alcool », et dont le titre était « Un enjeu de santé publique encore méconnu », et surtout peu ou pas abordé comme un tabou, nous avions fait le point sur les représentations sociales et l’alcool avec un assistant social de l’ANPAA ; nous avions fait un point sur « la vieillesse : quelle

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réalité », avec un géronto-psychiatre de Champagne-Ardenne, puis un point éthique et réglementaire sur la consommation dans les établissements de santé en EHPAD, avec le Directeur de l’EHPAD MGEN de Fontenay-en-Parisis et la psychologue du même établissement. Et enfin, nous avions évoqué des situations vécues par des intervenantes au domicile de personnes âgées, plus ou moins en état d’ébriété. Ce colloque a été très apprécié et a permis d’échanger avec les professionnels de santé ou médicosociaux présents. La centaine de personnes présentes l’an dernier a souhaité que nous approfondissions le sujet, et que nous nous penchions sur l’équilibre qu’il peut ou qu’il doit y avoir entre la définition du risque, le respect du choix de la personne âgée, le soutien à l’entourage et les contours juridiques et éthiques qui encadrent l’exercice des professionnels médicosociaux intervenant auprès desdites personnes âgées.

Personnes âgées et alcool : Points d’équilibre Jean-Louis DARQUES Le Docteur Eric Hispard est praticien hospitalier à l’hôpital Fernand Widal à Paris et va nous présenter ce point d’équilibre à atteindre pour permettre à chacun de respecter « l’autre ». Dr Eric HISPARD, Praticien hospitalier, Hôpital Fernand-Widal, Paris Je vais vous parler de deux lieux. D’une part, l’hôpital Fernand-Widal où je suis praticien hospitalier. Dans ce nord-est parisien, nous avons 48 lits, dont 24 dédiés à des sevrages complexes et 24 en aval addictologie des urgences de Lariboisière, qui est la plus grosse urgence européenne actuellement. D’autre part, l’ANPAA où j’ai mis en place il y a une trentaine d’années un CSAPA dans le sud de Paris qui s’appelle CAP 14. Je fais ce métier depuis trente-trois ans, d’abord alcoologue puis addictologue. Si je prends la médiane d’âge auquel les personnes consultaient en alcoologie, c’était souvent plutôt des hommes, plutôt entre 40 et 50 ans, qui se disaient brutalement qu’ils avaient un problème de dépendance. Si je prends la moyenne d’âge actuelle, c’est à peu près la même en termes d’hospitalisation ou de files actives des CSAPA, hormis le fait que ce sont des personnes de plus en plus jeunes, et qu’il y a des seniors qui ne venaient pas à nos consultations. A l’hôpital où j’exercice, nous avons régulièrement des jeunes de moins de 25 ans, ce qui n’arrivait pas sur des sevrages complexes. Dans un système hospitalier, sur 24 lits, il y en a souvent trois ou quatre qui sont très jeunes, mais aussi des personnes de plus de 65 ans. Il y a une dizaine d’années, un point d’équilibre m’avait intéressé. J’ai vu arriver à ma consultation un homme en costume trois pièces, avec un attaché-case, me disant qu’il avait 85 ans, qu’il ne voulait pas trop déranger la faculté que je représentais. Ce monsieur était très documenté, presque autant que moi, il savait tout sur les conséquences de l’alcool, et il était d’une légalité totale en prenant trois unités de vin par jour. Bilan biologique normal, etc. Sa question était de savoir s’il devait arrêter de consommer ou continuer. A son âge où était le problème ? Le problème est qu’il avait une compagne qui se plaignait de l’alcoolisation de son mari. L’équilibre était correct du point de vue médical et biologique, mais sa femme s’en plaignait. Est-ce qu’elle était dans une alcoolo-phobie, comme cela peut se voir dans les histoires transgénérationnelles ? Ou était-ce dû à sa manière de s’alcooliser ? Il s’alcoolisait le soir, il buvait les trois verres d’affilée avant le repas. Un shoot. Et il présentait donc des troubles du comportement. Dans son histoire, il avait sniffé de l’éther quarante ans avant, c’était donc un fieffé addict. Dans une approche quasi-philosophique, nous avons convenu que puisque sa compagne en souffrait, il était peut-être préférable qu’il arrête cette pratique. Trois ans après, il est revenu me voir en me remerciant, en me disant que sa femme avait fait un accident vasculaire cérébral, qu’elle était en fin de vie, qu’il allait régulièrement la voir, et qu’à son décès, il reprendrait sa pratique d’alcoolisation.

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Maintenant que nous voyons arriver trois générations de personnes qui sont dans le soin, bientôt quatre, il est clair que nous ne sommes pas égaux face à l’alcoolisation en termes de tolérance. Plus on s’alcoolise, plus on s’adapte à l’alcoolisation. Il y a zone d’équilibre dans l’histoire de la vie, puis une zone d’effondrement. Peut-être que les personnes de plus de 65 et 70 ans qui viennent consulter, souvent à la demande de leur entourage et peu de leur médecin traitant, le font parce qu’elles ont effondré leur tolérance et supportent moins bien une alcoolisation, qui était peut-être usuelle, coutumière. Il faut regarder si l’on est dans une option de dépendance ou d’effondrement de la tolérance. Ce premier point n’est pas facile à débattre. On a beaucoup parlé de la notion d’abstinence, d’être hors alcool, et de la notion de consommation modérée. Je suis certains patients de très longue date et je suis persuadé que certains avaient à être hors alcool. Des personnes sont hors alcool depuis des années et elles ont raison de le rester. D’autres sont dans un mésusage un peu différent. Est-ce que la réponse à l’alcoolo-défonce chez les jeunes est strictement la notion de hors produit ? Ce n’est pas certain. Ils prennent aussi bien d’autres produits. Est-ce que chez les personnes âgées, la notion d’abstinence est une réponse. C'est peut-être une réponse tout à fait partielle. J’ai l’impression que dans l’histoire clinique de mes patients, certains sont dans un moment particulier et dans une obligation d’être hors produit, d’autres dans une modération. Pour les plus jeunes, tenter de modérer les consommations est une première étape. On est dans la réduction des dommages. Mais ce qui va mal passer pour un jeune, c’est la notion de « à vie ». Je réponds maintenant. Après, c'est toujours une question d’équilibre, c'est-à-dire qu’est-ce que je choisis. La réduction des consommations n’est pas une liberté, c'est un ajustement. Pour les personnes plus âgées, il y a une réelle difficulté à pouvoir être hors produit, hors alcool. J’accompagne donc beaucoup de patients plus âgés dans cette proposition d’une réduction des consommations. Ils admettent assez bien cet enjeu qui est leur autonomie cérébrale. Savoir quelle est la meilleure formule est un vrai point d’équilibre. Ne pas avoir été capable de s’occuper de ses petits-enfants, par exemple, est dramatique. Ces grands-parents qui ne sont pas encore en institution et qui sont tout d’un coup hors jeu parce que dangereux. J’ai l’exemple de cette grand-mère me disant que ses enfants ne lui avaient même pas dit ce qui se passait, alors qu’elle se désespérait de ne plus voir ses petits-enfants. Ou ce grand-père qui, à la suite d’un accrochage avec sa voiture et une alcoolémie positive alors qu’il était avec ses deux petits-enfants, devient tout d’un coup un monstre insupportable à vivre pour lui-même et pour sa famille. C’est un drame. Cette notion de transgénérationnel m’anime depuis des années. Très peu d’équipes prennent le temps d’aller voir les enfants de nos patients, de leur parler de la maladie de papa ou de maman, mais aussi de grand-papa et de grand-maman. Je rappelle l’essentiel de ce qui est transmis, et particulièrement les conduites addictives et les histoires d’alcool. De 30 à 50% de nos patients ont eu des parents qui avaient ce problème. Si on prend la pyramide d’âge, il était habituel qu’on s’alcoolise et de façon importante. Quand j’étais médecin de santé au travail et que je faisais remplir un simple questionnaire sur les antécédents familiaux, que de silence sur la mort des aînés. Il faut briser ce silence. A CAP 14, dans les CSAPA, il serait pertinent de proposer aux enfants une information sur les raisons des difficultés des parents et donc des grands-parents. 89% des patients venant à la structure et qui ont répondu à cette proposition considèrent qu’il est souhaitable d’informer les enfants de l’histoire familiale traversée par un problème de dépendance. Les plus jeunes ont été nourris de ce qui s’est passé avec nos seniors. C'est un sujet moderne. On parle toujours de l’alcool chez les jeunes, mais on est dans une filiation. Dans la société actuelle, ce sont parfois les arrière-grands-parents qui gardent les enfants en bas âge. C’est un chantier extraordinaire, il y a des équipes très isolées. Dans le service de Fernand-Widal où j’exerce, nous n’avons jamais réussi à mettre en place un travail avec l’équipe qui s’occupe des personnes âgées. Il y a donc des résistances. Actuellement, l’avenir d’une population qui vieillit, c’est de pouvoir garder son autonomie cérébrale le plus longtemps possible. Les équipes de soins commencent à s’intéresser de façon majeure aux troubles des fonctions exécutives et cognitives avec des tests psychométriques, avec des IRM de

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l’imagerie cérébrale qui montrent à quel point certains sont très déficitaires alors qu’ils n’ont que 30 ans. Ce sont des seniors alors qu’ils sont encore des jeunes gens ou des jeunes femmes. Cet enjeu est sociétal. Etant donné que la population va sans doute travailler plus longtemps, que le monde du travail doit se réformer, qu’il sera de plus en plus courant de devoir apprendre un autre métier etc., ce sera très compliqué à gérer. La ressource humaine dans les entreprises est essentielle, et la réactiver avec un cerveau déficitaire ne sera pas possible. Etre capable de réciter par cœur une fable de Lafontaine mais ne plus se souvenir qu’on est venu vous voir il y a une heure, cela survient chez des personnes de plus en plus jeunes. A ce titre, l’alcool est une bombe anti-personnelle. Vieillir, c'est accepter des pertes constantes. Nos seniors sont en fait des messagers de ce qui arrive beaucoup plus tôt. Il faudra donc accompagner les pertes, créer de l’espace psychique et, pourquoi pas, un nouvel avenir pour parfois cinq ans, parfois dix ans, vingt ans. L’espérance de vie clinique, somatique, est de plus en plus possible. Si on y ajoute l’alcool de façon excessive, on perdra en capacité d’autonomie. C’est un enjeu de liberté. En général, les plus anciens commencent à comprendre ce que j’essaie de leur dire. Je suis enthousiaste de voir que ce sujet, resté souvent silencieux, a déjà été traité à deux reprises dans cet espace pendant qu’ailleurs on essaie de se dire que c’est toujours la faute des jeunes, de ceci ou de cela. Il faut donc lever cette parole, rompre ce silence coupable. Je terminerai en évoquant la trace indélébile et l’exemple de cette femme qui me racontait que son fils de 4 ans et demi, lorsqu’elle avait arrêté de boire, avait simplement dit : « ça ne sent plus maman ». Le grand-père, la grand-mère absente, c’est aussi une trace indélébile pour l’histoire des plus jeunes.

Echanges avec la salle

De la salle (Intervention sans micro). Dr Eric HISPARD Pendant très longtemps, dans certains villages, le petit apéritif au café était le lien social. Une patiente, qui m’était adressée par sa fille, me disait bien qu’elle prenait l’apéro tous les soirs avec ses copains et que sa position de modération ou d’arrêt de consommation l’isolait. C’est vrai dans les différentes classes d’âge. J’ai créé une association, la CERMA, où l’on fait du culturel à destination des jeunes autour du cinéma, de la danse, de la musique, la charte de l’association précisant bien qu’il n’y a pas d’alcool lors des différents concerts et autres spectacles. Nous avons une génération à gagner. Quand j’ai commencé à exercer en tant que médecin du travail, je voyais des ouvriers, des ouvrières partir un an ou deux après leur retraite, qui avaient eu des métiers très difficiles, avec des prises de risque. Il y a cinq ans, après vingt-neuf ans passés dans une entreprise, j’ai pu constater que les ouvriers et les ouvrières étaient moins malades et que leur espérance de vie s’était allongée. Nous avons pratiquement vingt ans à gagner. Il faut activer leur capacité à faire des choses. Nous avons aussi à nous occuper actuellement de la génération de ceux qui ont pris tous les produits à une époque. Alors qu’ils ont été injecteurs, cocaïnomanes, consommateurs de speed et autres, c'est l’alcool qui est resté. Ce sont des rescapés de l’hépatite C, du Sida. Et cet accompagnement est intéressant, mais il nous montre que ces seniors ont aussi été des personnes en pleine vitalité. Pour revenir à votre question, il faut effectivement retrouver du lien social. A l’hôpital, j’ai des patients qui sont avec des gens ayant deux à trois fois leur âge, et un lien tout à fait étonnant se tisse souvent entre eux. Jean-François *, Alcooliques Anonymes J’ai une question sur le partenariat possible entre nous en tant bénévoles et vous en tant que professionnel. Nous sommes présents dans les hôpitaux, dans les cliniques, mais très peu dans les maisons de retraite, dans les EHPAD, foyers-logements et autres. Comment pouvons-nous entrevoir ce tissage de partenariat ?

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Dr Eric HISPARD Les mouvements d’entraide sont indispensables, ils font un travail de proximité, de présence, d’aller vers, que les soignants ne font pas. Quand on fait venir tel ou tel intervenant dans un hôpital ou une maison de retraite, il faut rassurer les directions, les équipes soignantes, en parler. Les équipes de proximité voient les difficultés, elles voient les bouteilles. C’est vrai du champ social dans la précarité. Et il y a toujours un silence. Les équipes de soins sont très peu nombreuses, sont débordées, très isolées et très culpabilisées. J’ai beaucoup de mal avec l’HAD qui est à Fernand-Widal, car ces équipes ont peur de devoir aller au domicile. Récemment, elles sont allées au domicile d’un patient qui portait une sonde gastrique et qui s’alcoolisait par sa sonde. Elles s’inquiétaient donc de savoir si lorsqu’elles rentreraient le patient serait en coma éthylique ou pas. Ces exemples créent une sorte d’écran qui fait qu’il vaut mieux ne pas en parler et faire semblant. Donc bienvenue aux mouvements d’entraide. On peut avoir un problème d’alcool et en mourir, mais avec dignité. On n’est pas dans l’obsession de se dire qu’il ou elle ne boit plus. Les patients que j’ai pu accompagner sur des cancers et des morts annoncées n’ont pas rechuté. C'est un vrai message. Nancy DRU, Directrice du CODES 95 Vous nous avez dit voir de plus en plus de personnes de plus de 65 ans dans votre service avec des problèmes d’alcool, mais est-ce parce qu’il y a davantage de personnes de plus de 65 ans avec des problèmes d’alcool ou est-ce que parce que maintenant elles demandent à être accompagnées par des structures et non plus par la famille ? Dr Eric HISPARD L’important, c’est que les personnes les plus âgées que je vois avaient et ont encore une place sociale, ne serait-ce que familiale. Et c’est parce que ce n’est plus possible qu’elles finissent par venir en consultation, souvent sous la pression de la famille parce qu’elles avaient encore un rôle. Le nombre des plus de 65 ans augmente et il y en aura de plus en plus, et on va donc parler de quatrième âge en addictologie. Et on peut parfois être très surpris de la vitalité de certaines personnes. C'est la raison pour laquelle les fonctions cognitives qui sont enfin relevées à tous les âges de ce qui fait addiction, et en particulier l’alcool, sont intéressantes. Gagner cinq ou dix ans d’autonome cérébrale vaut le coup. Usage/Mésusage/Dépendance de l’alcool : éléments pour repérer le mésusage

Jean-Louis DARQUES Caroline Rémy est psychologue à l’ANPAA 95, Monique Gobert est addictologue à l’hôpital René Dubos de Pontoise vont nous faire un point sur l’usage, le mésusage, la dépendance et nous fournir quelques éléments pour repérer surtout le mésusage de l’alcool. Caroline RÉMY, Psychologue Association nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie du Val d’Oise On m’a demandé de faire un point sur quelques termes un peu précis que sont l’usage, le mésusage, la dépendance à l’alcool et de vous donner deux ou trois repères sur le mésusage chez nos aînés. Je rappellerai tout d’abord que l’alcool n’est pas un produit anodin, c'est un produit psycho-actif, donc un produit psychotrope, qui peut modifier notre comportement, notre humeur et le cours de nos idées. Et parce qu’il est psychotrope, il est intéressant d’avoir quelques repères pour quantifier sa consommation, que l’on soit âgé ou pas. Pour ce faire, on peut se repérer à l’unité d’alcool ou au verre standard, c'est-à-dire celui qui est servi dans un bar, et pas celui qui est servi chez soi où l’on a tendance à se servir un peu plus largement. Une bouteille de vin représente à peu près 7 verres d’alcool, une bouteille de whisky environ 22 verres, et une canette de bière de 33 cl environ un verre et demi.

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Les recommandations de l’OMS se basent sur ce verre standard. Pour les hommes, pas plus de 21 verres standards par semaine, sachant que c’est déjà une consommation importante. Pour les femmes, pas plus de 14 verres par semaine. Il n’est pas prévu de consommer ces 21 ou 14 verres en une fois, mais pas plus de 4 verres à chaque fois. Au moins un jour par semaine sans alcool. A partir de 60 ans, pour différentes raisons, on ne devrait pas consommer plus d’un verre par jour. Ces repères nous permettent de savoir où l’on en est et de rappeler qu’à certains moments de la vie, on déconseille la consommation d’alcool, chez les enfants ou les préadolescents, chez les femmes enceintes, et à partir de 60 ans, il est bon de ne pas consommer autant. En population générale, on a une majorité de consommateurs à faible risque, et en progressant dans la pyramide, on rencontre des consommateurs à risque, à problèmes et les dépendants. Je commencerai par les abstinents qui représentent 15% de notre population, que l’on appelle de première intention ou de seconde intention. La première intention est le non-usage choisi de longue date pour des raisons culturelles, religieuses, ou parce que ce sont des enfants. La seconde intention étant l’abstinence après une période de mésusage. Ensuite, nous avons l’usage, c'est-à-dire les consommateurs à faible risque, soit les deux tiers de notre population. Leur consommation est en dessous des seuils de risque définis par l’OMS. Selon les recommandations de l’OMS, une personne âgée qui consommerait plus d’un verre standard ne serait donc pas un consommateur à faible risque, mais un consommateur à risque puisqu’il dépasse les seuils de risque recommandés par l’OMS, c'est-à-dire que l’on peut être un consommateur à risque en permanence ou de manière ponctuelle. Si l’OMS recommande de ne pas dépasser 4 verres standards en une occasion, lors d’une fête par exemple, et que l’on en boit 5, on devient un consommateur à risque. Si les semaines suivantes, on freine sa consommation, on redevient donc un consommateur à faible risque. Il y a donc une certaine porosité entre ces deux niveaux de la pyramide. Nous avons ensuite les consommateurs à problème qui sont au-delà des seuils de consommation recommandés par l’OMS, mais qui ont des problèmes imputables à leur consommation, qu’il s’agisse de problèmes de santé, sociaux, judiciaires. Autrement dit si dans une fête je consomme 5 verres standards, selon l’OMS, que je chute dans un escalier et que je me blesse, je deviens un consommateur à problème. Si je freine ma consommation, je peux redevenir un consommateur à faible risque. Dernière catégorie, la dépendance que l’on peut trouver aussi chez nos aînés, soit à peu près 3 à 5% de notre population adulte. On qualifie de dépendant quelqu’un qui a perdu la maîtrise de sa consommation alors qu’il souhaiterait, au contraire, la freiner, la réduire, l’arrêter. Face à l’alcool, il n’y a pas d’égalité entre les individus et, du coup, le processus de dépendance va s’installer plus ou moins rapidement selon les cas. Certains arrivent à l’âge de la retraite déjà inscrits dans une consommation problématique et qui peut être de type dépendance, et d’autres vont s’inscrire dans cette conduite de dépendance très rapidement alors que ce n’était pas le problème auparavant. Parfois, trois années de consommation excessive, inappropriée, peuvent faire basculer, et chez d’autres, dix années de consommation très importante ne font pas basculer dans la dépendance. Quand on fait de la clinique, on est surpris de voir que tout le monde n’est pas du tout à égalité par rapport à sa consommation d’alcool. Comment repérer ce mésusage chez nos aînés ? Déjà, il faut entendre, écouter et voir. Entendre et écouter le mésusage déjà dans leur discours, dans ce qu’ils disent de leur vie, de leurs relations, de leurs attentes, de leurs espoirs, et puis de leur rapport au produit qui se glisse à l’intérieur de ce discours. C’est aussi entendre ce que nous dit l’entourage, donc les enfants qui s’alarment de voir que leurs parents ne sont plus comme ils étaient. Et entendre aussi ce que nous dit l’entourage professionnel, une aide ménagère, une auxiliaire de vie, etc. Avant de vous donner des critères objectifs et tangibles, il s’agit d’entendre, d’écouter et de voir. A travers un discours tout simple de vie quotidienne, de nombreuses pistes peuvent laisser penser que la personne est inscrite dans un mésusage et que cette consommation d’alcool va lui poser ou lui pose déjà souci.

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Si on veut être plus précis, on peut citer toutes les complications, mais en tant que psychologue, j’aime bien ce qui se joue dans le discours. Pour autant, les complications sont intéressantes à repérer parce qu’elles peuvent nous indiquer, mais pas toujours, une problématique d’alcool certaine, comme par exemple les chutes et leurs complications, les états confusionnels qui peuvent être, bien sûr, liés à d’autres problématiques, mais il est important d’avoir l’alcool en tête pour le repérer et pouvoir agir. Des pathologies, comme la dépression, des troubles du comportement, une personne qui devient agressive, agitée ou qui se replie sur elle-même, des états de dénutrition. Au CSAPA d’Argenteuil, nous avons des personnes âgées qui, lorsqu’elles s’alcoolisent, ne s’alimentent plus, voire plus du tout. Et des troubles du sommeil. On peut dire aussi que les conséquences des consommations aiguës d’alcool sont souvent les chutes et leurs complications, les états confusionnels et les troubles comportementaux, alors que les conséquences de l’alcoolisation chronique sont davantage des atteintes somatiques sévères. J’insisterai sur ce qui se voit, s’entend, se vit, se partage, parce que la souffrance, quand il y a un problème d’alcool, chez un jeune, un moins jeune ou plus du tout jeune, se repère toujours dans la relation et c’est ce qui va permettre de le traiter. Dr Monique GOBERT, Addictologue, Hôpital René Debos, Pontoise A l’hôpital René Debos, nous avons à la fois des lits d’hospitalisation pour l’addictologie classique, des consultations externes, et je vais vous faire part de l’expérience de l’équipe de liaison, l’ELSA. Cette équipe transversale se déplace dans tous les services de l’hôpital en cas de suspicion de problème addictif. A l’hôpital, on code tous les séjours. Nous avons donc regardé ce qui s’était passé en 2014. Il y a eu 1 254 séjours, toutes populations confondues, c'est-à-dire 718 patients qui ont eu un codage de dépendance. Il y a eu 146 séjours qui correspondent à 116 patients qui ont fait l’objet d’un diagnostic principal de sevrage d’alcool. Deux facteurs se télescopent en alcoologie chez les personnes âgées : le produit et la personne âgée. En ce qui concerne la substance, l’éthanol, il est oxydé par une alcoolo-déshydrogénase au niveau gastrique, ce qui va se transformer dans le métabolisme en sucre. En cas d’intoxication aiguë, il y a de nombreux problèmes neurologiques, cardiaques et métaboliques, et si c’est une intoxication chronique, pratiquement tout est touché. Il ne faut pas oublier que l’alcool est quand même un agent oncogène, facteur d’un très grand nombre de cancers. Chez les sujets âgés, on va donc retrouver des cancers digestifs, pulmonaires, ORL, etc. En cas d’intoxication aiguë, on a une ataxie cérébelleuse, c'est-à-dire qu’on ne tient pas debout, on a des vertiges, des problèmes de coordination, on peut avoir des problèmes d’élocution, et on risque de chuter. Et cela entraîne une encéphalopathie aiguë. C’est vraiment un poison. Les gens très alcoolisés ont d’abord une phase d’excitation pendant laquelle il peut y avoir d’importants troubles du comportement avec des violences physiques, verbales. Les troubles du rythme cardiaque ne sont pas rares puisque cela entraîne des extrasystoles, et quelquefois même des arythmies. Cela entraîne aussi une acidocétose alcoolique, et la transformation en sucre va faire monter la glycémie de façon importante. Quand on a des troubles de la vigilance, les pathologies comme le syndrome d’apnée du sommeil, la bronchite chronique vont être aggravées. En cas d’intoxication chronique, on voit moins que la personne peut être alcoolisée, elle présente moins de troubles de l’équilibre, mais les troubles cognitifs apparaissent, avec de gros problèmes de mémoire, pouvant aller jusqu’à un syndrome de Korsakoff. Et la survenue de crises d’épilepsie. Je vois peu de neuropathie périphérique chez les sujets âgés, elle arrive généralement avant. Dans l’intoxication chronique, le cœur aussi va être touché, avec des insuffisances cardiaques par des gros cœurs mous, que l’on appelle les cardiomyopathies alcooliques. Des risques de mort subite à cause des extrasystoles ventriculaires. L’hépatopathie, la pancréatite, le psoriasis, ne sont pas l’apanage des gens âgés. Que se passe-t-il avec les personnes âgées ? On a un peu moins de calcium dans les os, l’os est donc moins solide, et en cas de chute, on se casse plus facilement. Dans la population générale, il y a pas mal de diabète, de l’hypertension, de l’arythmie. On perd

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inexorablement ses facultés physiques et mentales peu à peu, il faut l’accepter, et face à cette perte, certains font des dépressions, développent de l’anxiété, des troubles du sommeil. C’est lié à cette perte d’autonomie, mais c’est lieu à bien d’autres facteurs. Le passage à la retraite est un moment difficile pour beaucoup, le veuvage également, tout ce qui est source de solitude et d’ennui. Les personnes âgées ont aussi un traitement. J’en ai repérés quelques-uns qui vont poser problème avec la consommation d’alcool. Les antidiabétiques oraux, en particulier les sulfamides, avec des hypoglycémies sévères. Les hypotenseurs, l’alcool étant un peu vasodilatant, ce qui entraîne souvent des chutes de tension. Et avec les diurétiques, elle entraîne des hyponatrémies secondaires, donc des manques de sel, ce qui peut provoquer des crises d’épilepsie. A cet âge, on prend souvent des somnifères, des benzodiazépines, des hypnotiques, ce qui, mélangé à l’alcool, provoque des chutes pendant la nuit et une désorientation. Les anticoagulants oraux vont également poser problème. En effet, le taux de prothrombine ne doit être ni trop haut, ni trop bas, donc si la fonction hépatique est altérée par la consommation l’alcool et sachant que l’alcool est un toxique pour les plaquettes, le risque hémorragique est beaucoup plus grand. On va croiser les données de la personne âgée avec ses traitements et sa consommation d’alcool. En consommation aiguë, on n’est pas très solide, on a des petits vertiges, on n’est pas très calcifié, on tombe, et on se casse quelque chose. Beaucoup de patients rentrent pour fracture du col du fémur, de la cheville, du poignet, ou des traumatismes crâniens avec des plaies du crâne. Souvent, l’alcoolisation est repérée au niveau des urgences, on prélève une alcoolémie. Ce n’est pas dépisté à ce moment-là, mais après l’intervention, car il y a un sevrage brutal et on nous appelle en catastrophe après le réveil parce qu’il y a une confusion aiguë chez le patient, voire de l’agressivité. C’est peut-être un pré-délirium tremens. En neuropsychiatrie, ce sont plutôt les consommations chroniques avec les troubles cognitifs au premier plan avec des états démentiels. Avec les consommations aiguës, il y a des malaises. J’ai vu beaucoup de malaises vagaux chez des seniors qui après être sortis par temps froid, arrivent dans une salle chauffée de restaurant et commencent par boire un apéritif. Les autres conséquences ne sont pas spécifiques aux personnes âgées. En équipe de liaison, nous avons deux écueils diagnostiques. Soit on en fait trop, partant du principe que c’est forcément de la faute de l’alcool et en s’appuyant sur des éléments biologiques, des éléments d’interrogatoire, alors que souvent, ce n’est pas du tout lié à un problème d’alcool. Il faut être critique et avant de dire que c’est dû à l’alcool, commençons par les examiner et faire les examens qui conviennent. On trouve souvent au scanner des hématomes sous-duraux. Vérifier s’il n’y a pas une hyponatrémie qui a entraîné une crise d’épilepsie. Et il y a toutes les causes d’anoxie cérébrale chronique. Une chute de tension, un manque d’oxygène dû à une bronchite chronique, une consommation tabagique importante, peuvent aussi entraîner des troubles confusionnels. Une infection, une fièvre chez une personne âgée, va également provoquer un syndrome confusionnel. Le sevrage de la benzodiazépine qu’on a l’habitude prendre tous les soirs, ressemble beaucoup au sevrage d’alcool. S’ils se sont cassés, ils auront eu de nombreux médicaments pendant l’intervention, des antalgiques, le tramadol, des opiacés, des morphiniques, mais beaucoup de gens âgés ne les supportent pas et vont être totalement confus. Une personne âgée est sûrement fragilisée et le fait de ne plus avoir ses repères habituels peut lui donner un syndrome confusionnel. Les démences ne sont pas dues qu’à l’alcool, ce peut-être un début d’Alzheimer. Et les démences vasculaires sont aussi fréquentes chez le sujet âgé. Le deuxième écueil est de ne pas en faire assez. Sur le déni de la personne ou du nid familial, j’ai pris l’exemple d’une patiente beaucoup plus jeune que nous avions hospitalisée suite à une hépatite alcoolique très grave. Sa mère venait la voir régulièrement et je trouvais cette dame bien énervée, ne sachant plus où étaient ses clés, où elle avait garé sa voiture. Je me rappelle avoir demandé à ma patiente si sa mère n’avait pas des problèmes d’alcool. Elle m’avait répondu qu’elle buvait seulement son petit verre de rosé et pas plus. Je revois ma patiente en consultation, elle allait beaucoup mieux, et elle me dit que juste après m’avoir vue, elle monterait en orthopédie car sa mère était hospitalisée suite à une chute, s’étant

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cassé le poignet. Je lui demande si elle était alcoolisée au moment de sa chute. Elle me répond qu’elle n’en sait rien, mais que c’était le jour de son anniversaire. J’ai donc eu la curiosité de consulter le dossier des urgences où il était noté 2,87 grammes d’alcoolémie. Comme le dit sa fille, elle fait ce qu’elle veut, elle a le droit, mais quand il commence à y avoir une perte de moyen, c'est souvent la famille, les voisins, qui vont aller chercher l’alcool. Et même parfois, le fait que mamie ou papy soit un peu ivre arrange bien tout le monde parce qu’on peut le spolier sans difficulté. Nous voyons cela très souvent. Souvent, on ne pose pas de question car c’est son propre rapport à l’alcool qui est interrogé, donc on ne parle pas à l’entourage, on préfère ne pas entendre, ne pas savoir. En conclusion, je dirai que c’est la partie émergée de l’iceberg car je ne vois que les gens qui arrivent aux urgences et qui ont eu un problème médical. Il serait bien de pouvoir repérer avant la survenue de la catastrophe, à travers des petits signes. Et il ne faut pas hésiter à sonder les personnes, à leur parler, à parler avec la famille, à la maison de retraite. Souvent, on ne nous envoie de la maison de retraite de l’hôpital que les troubles du comportement. En même temps, cette question d’équilibre est très compliquée. Je me rappelle avoir été appelée pour une fracture du fémur sur un sujet de 95 ans qui disait boire, et la famille était au courant, mais chaque jour sur le mur il ajoutait un petit bâton lui permettant de compter le nombre de jours qui le séparaient de sa femme décédée.

Echanges avec la salle Julien CORFA, association d’aide à domicile Familles services Nous intervenons chez des personnes, notamment âgées, dont certaines ont des troubles de la consommation d’alcool. Parfois, nous ne sommes pas informés qu’il y a un problème d’alcool et dans ce cas se pose la question d’aborder le sujet de la consommation au domicile des personnes, où nos intervenantes peuvent toujours s’entendre dire par les personnes « vous êtes ici chez moi » et donc de ne pouvoir aborder le fond du problème. Il nous est arrivé d’en parler aux enfants parce que cela nous avait été remonté par l’intervenant, et d’aboutir à des situations où la personne concernée en voulait à mort à l’intervenante avec qui elle avait de très bonnes relations, considérant que sa confiance avait été trahie. Ce sont des sujets avec lesquels nous ne sommes pas à l’aise et où notre réponse est parfois le déni. Si Madame Rémy pouvait nous donner quelques pistes qui nous permettraient peut-être d’améliorer nos pratiques. Caroline RÉMY C’est une question assez complexe. A partir du moment où l’on repère un problème, qui que l’on soit et dans n’importe quelle situation, il est bon d’en parler avec les termes appropriés et un objectif à atteindre adapté. Quelqu’un qui arrive avec un bras ou une jambe dans le plâtre, on lui demande ce qui s’est passé ; si quelqu’un a un problème d’alcool et qu’on ne le relève pas, c'est le laisser seul avec cette souffrance. Il y a des manières de l’aborder, des moments pour le faire, il faut que la relation de confiance soit installée, que les termes utilisés soient appropriés, avoir la connaissance d’une ou deux solutions éventuelles. Dr Eric HISPARD On oublie souvent que tout se passe dans une communication non verbale. Il faut dire à vos équipes que lorsqu’elles décèlent quelque chose, c’est une manière d’exprimer non verbalement qu’il y a un problème. Et souvent cela nous aide. Dans leur parcours de vie, nos seniors ont des représentations des alcooliques ou de l’alcoolisme, et c’est souvent une ligne Maginot qu’il faut dépasser. C'est la raison pour laquelle on est souvent très gêné et qu’il y a confusion entre ce qui serait la dépendance, l’alcoolisme et la notion très simple d’alcoolisation. Il y a des codes, et si l’on fait un travail analytique, on s’aperçoit que les seniors, comme d’autres, nous ont donné des petits fils, des cailloux du Petit Poucet pour arriver à ce que s’ouvre une porte. Ils ne vont pas se désigner, bien sûr, comme ayant un problème d’alcool, c’est de l’ordre de l’invisible.

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Caroline RÉMY Ces personnes âgées en maison de retraite ou à domicile ont quand même un médecin traitant, et on peut aussi passer par lui pour essayer d’aborder le problème autrement. Jean-Louis DARQUES Mais sont-ils toujours bien formés pour traiter le problème ? Le médecin traitant peut aiguiller vers un professionnel davantage pointu sur la question. Dr Monique GOBERT Le médecin peut repérer un problème d’alcool en faisant faire un petit bilan. J’ai travaillé longtemps aux urgences et il est inutile de dire à quelqu’un qu’il a trop bu, cela ne marche pas du tout, mais plutôt lui dire : « Il me semble que vous avez peut-être consommé un peu trop d’alcool ». Si la personne répond n’avoir bu qu’une bière, on lui propose de faire une alcoolémie juste pour voir comment elle supporte l’alcool. Une fois obtenus les résultats de la prise de sang, vous demandez à la personne : « A combien pensiez-vous être ? ». « A 0,80 gramme ». Quand vous lui dites qu’elle était à trois grammes, il y a un espace de compréhension qui s’ouvre. En consultation d’addictologie, on a des alcootests et les gens sont eux-mêmes surpris de leur score, alors qu’ils n’ont pas l’air ivres. Plutôt que de se présenter comme un juge en disant que ce n’est pas bien, il faut inviter la personne à en parler. Souvent, je demande à la personne ce qu’elle a pris le matin avant notre rendez-vous. Elle va dire un certain nombre de choses, et nous avons des petites réglettes qui permettent d’adapter et de voir à combien devrait être l’alcoolémie, et quand il y a un écart on peut déjà se dire qu’il y a du déni. Il y a moyen d’avancer tranquillement, mais je me méfie quand même un peu de la famille, c'est très ambivalent et je préfère m’occuper directement des gens. Quand ils ont d’importants troubles cognitifs, on a une barrière quand même. Dr Eric HISPARD Je vous donne une vignette clinique qui résume bien la communication non-verbale. Il y a le trop et il y a l’essai de ne pas consommer ou de modérer sa consommation. Un monsieur qui était grand-père venait voir sa petite-fille et essayait de moins boire ce jour-là. Il adorait faire les marionnettes, et au bout d’un moment il s’arrêtait, mais la petite-fille de 2 ans et demi ne s’arrêtait pas et mimait simplement les tremblements de son grand-père. C’est ainsi qu’il est allé voir son généraliste, que je connaissais et qui m’a dit : « Tu comprendras tout de suite le pourquoi de sa demande ». C’est un jeu de miroir. Cet homme essayait de moins boire pour être le mieux possible quand il venait voir sa petite-fille. Yveline TOTIER, Chef de service RPA-APUI Cergy Dans notre structure, nous avons des personnes qui sont en sevrage. Cela nous pose des problèmes par rapport à la famille. J’avais une personne qui était dans le déni tout le temps qu’elle a été en résidence chez nous. Elle présentait d’autres pathologies. Nous avons essayé de la sortir de ce déni car nous l’avons vue partir dans l’alcool et ne pas en sortir. Nous avons essayé d’avoir une relation avec la famille qui ne se rendait pas compte de la situation. Cette personne a fini par mourir et c’est à ce moment-là que la famille a eu besoin d’en parler. Nous avons été nous-mêmes très interpellés par leur attitude car on avait l’impression qu’ils avaient besoin de se soulager après le décès de la maman, de ce qu’ils avaient vécu avec elle et de cette alcoolémie qui était présente depuis des années. Nous nous sommes sentis impuissants parce que cette dame ne voulait pas en entendre parler et la situation a été très compliquée jusqu’à la voir partir.

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Comment aborder la question de l’alcool avec les seniors et leur entourage ? Dr André BONNEFOND, ancien chef du service Alcoologie de l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne Aborder le sujet de la consommation d’alcool chez les personnes âgées n’est pas facile. Je dois être le doyen de cette assemblée. On a beaucoup parlé des gens de 60 ans, je vais plutôt vous parler des gens au-delà de 70 ans. Dans mon entourage familial, on ne me fait pas de remarque sur ma consommation d’alcool. J’ai bien réfléchi à mon rapport à l’alcool depuis trente-cinq ou quarante ans et je peux dire qu’aujourd'hui, l’alcoologie m’a conservé, le fait d’avoir investi mon énergie et mon temps professionnel dans cette discipline m’a permis d’avoir aujourd'hui une qualité de vie que je n’aurais peut-être pas eue autrement. Le problème n’est pratiquement pas traité dans la littérature actuellement. J’ai retrouvé un livre, que je vous recommande, écrit par le Docteur Ménécier intitulé « Les aînés et l’alcool » et qui brosse un tableau très large, certains chapitres étant consacrés à la façon d’aborder ce problème et de soutenir l’entourage. Par ailleurs, les sociétés savantes, que ce soit la Société Française d’Alcoologie ou la Société de Géronto-psychiatrie ont produit un document en 2014 sur « alcool et personnes âgées », mais il y a très peu de choses concernant le soutien à l’entourage. L’entourage, c'est vous et moi. Je suis entouré de personnes âgées, vous-mêmes dans votre vie professionnelle et familiale êtes entourés de personnes âgées, parents, grands-parents. Il faut donc bien être conscient qu’aborder la consommation d’alcool chez une personne âgée fait réfléchir à sa propre consommation, à sa propre relation à l’alcool. On ne peut pas envisager d’aborder de façon humaine ce problème si on n’est pas soi-même au clair avec sa propre consommation. Le mieux est de partir de connaissances théoriques, à travers des formations, des lectures, et de son expérience de vie soit au niveau professionnel, soit au niveau de son entourage, de sa famille. Je citerai quelques exemples vécus ces dernières années. J’ai d’abord eu un ami de 75 ans, qui était en soins palliatifs en clinique, que j’ai accompagné jusqu’à son décès. Chaque fois que j’allais le voir, généralement à l’heure du repas, il me proposait de prendre l’apéritif avec lui. Sa façon de m’accueillir et d’entretenir une relation avec moi dans ses derniers mois d’existence était de m’offrir l’apéritif. Un autre exemple d’un homme âgé d’environ 72 ans, qui a aggravé sa consommation alcoolique au moment de sa retraite, et qui consomme en solitaire au café. Malgré mes différentes approches auprès de cet ami, malgré les échanges avec sa femme et avec ses filles, cet homme n’a toujours pas réglé son problème d’alcool. Autre exemple, un de mes anciens malades se trouvait être en résidence pour personnes âgées. Il était apparemment abstinent et ne présentait aucun trouble du comportement, mais au bout de quelques mois, les professionnels de cette résidence et la famille constatent des troubles du comportement, un état confusionnel etc. On s’est rendu compte que cet homme faisait venir par internet des boissons alcoolisées. Nous avons dit tout à l’heure qu’il fallait repérer et bien connaître les circonstances qui présentent un risque d’alcoolisation. Dernier exemple. J’ai rendu visite récemment à un ami âgé de 94 ans, un après-midi, et au bout d’un moment, il me propose de boire un verre. Je lui réponds que je ne prends pas d’alcool à cette heure de la journée. Lors de rencontres avec des personnes âgées, il faut savoir ne pas encourager la consommation de boissons alcoolisées. Qu’est-ce que l’entourage au sens large du terme ? Nous sommes très nombreux au contact de personnes âgées. Il y a la famille, le conjoint, les enfants, les petits-enfants. Il y a les voisins, les amis, mais ce n’est pas suffisant. Il y a vous professionnels dans des établissements de personnes âgées, il y a des personnes maintenues à domicile, il y a le kinésithérapeute, le médecin traitant, le pharmacien également qui va donner tous ces médicaments dont la consommation n’est pas recommandée avec la prise d’alcool. Il faut donc avoir une vision globale de l’entourage, chacun ayant une relation spécifique avec cette personne âgée, soit à l’occasion d’une rencontre épisodique, soit de façon régulière. Repérer la difficulté par rapport à l’alcool est une chose, en parler reste un tabou. Un numéro récent de Sciences & Avenir qui titrait « Vivre sans vieillir » évoquait notamment les récentes

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avancées de la science dans ce domaine, mais à aucun moment il n’était question des risques liés à l’alcool. Il faut donc bien repérer les circonstances, sachant que souvent cette personne ne vous demande rien. La tentation la plus courante est de négliger le problème, tant que le comportement de cette personne ne pose pas de problème particulier, ne dérange pas. Une intervention de notre part risquerait de supprimer une source de plaisir pour les années qui lui restent à vivre. A ce stade, il faut s’interroger sur le bien-fondé d’une éventuelle intervention car, spontanément, soit par manque de temps, soit par manque de formation, on laisse les choses en l’état par indifférence, négligence, fatalisme. Vieux et alcoolique, il n’a pas de chance. Pourtant, notre société, à travers les annonces publicitaires, nous renvoie l’image d’un vieillard en bonne santé. La bonne nouvelle dans le monde aujourd'hui est que l’espérance de vie en bonne santé s’est allongée. Un certain nombre de personnes peuvent atteindre l’âge de 75 ans en bonne santé. C’est peut-être en regardant leur consommation d’alcool que l’on peut atteindre cet âge sans trop de souci, c'est-à-dire en étant indépendant, autonome, menant des activités et sans perte sensorielle, auditive, oculaire etc. Cette espérance de vie en bonne santé physique et mentale doit nous interpeller pour éventuellement intervenir face à la question posée tout à l’heure, en sachant que la personne âgée est vulnérable et fragile, d’autant plus fragile que cette consommation d’alcool, produit neurotoxique, a des conséquences graves sur le plan médical, psychologique et psychiatrique. Si dans votre entourage les personnes âgées que vous côtoyez, sur le plan familial, professionnel, doivent bénéficier d’une qualité de vie, il va falloir oser en parler. C’est très difficile. Oser en parler nécessite peut-être de modifier notre regard sur les personnes malades de l’alcool. Au début de ma carrière, j’ai eu la grande chance de rencontrer des personnes de mouvements d’anciens buveurs, ce sont eux qui m’ont expliqué qu’il était possible de sortir de cette maladie. La question du regard me paraît donc très importante. Tout à l’heure, nous avons entendu les mots « écouter », « entendre », « repérer », et j’ajouterai « être au clair vis-à-vis de sa propre consommation ». Quelles sont les conditions requises pour parler sereinement à une personne âgée de sa problématique alcool ? D’une part, il faut être soi-même convaincu qu’en abordant ce problème, on va augmenter la qualité de vie des années restantes. Le bénéfice sur la santé sera grand, et il ne faudra donc pas banaliser l’usage. Des circonstances vont, bien sûr, favoriser cette alcoolisation, il ne s’agit pas de juger la personne, comme un deuil, la disparition d’un conjoint, d’un enfant, la retraite, des pertes sensorielles etc. D’autre part, il faut envisager une approche globale, ne pas se focaliser uniquement sur le problème de l’alcool. En tant que professionnels, dans la mesure où vous travaillez en équipe, vous pouvez envisager une approche globale dans le mode de vie, l’hébergement, la connaissance de l’entourage, le degré d’isolement et de solitude de cette personne qui est un des facteurs favorisants, sans parler des bilans, évaluations permettant de connaître la capacité sensorielle, de repérer des déficits des fonctions cognitives etc. Enfin, malgré le déni, la honte et la culpabilité de l’entourage, il faudra trouver des moyens d’établir une relation de confiance pour une alliance thérapeutique. Cela demande des mois, mais créer cette confiance est la seule possibilité pour aborder en profondeur cette problématique. Comment établir cette alliance ? A l’occasion de circonstances qui vont attirer l’attention. D’emblée, il faut trouver le moyen d’en parler à l’entourage avec la personne âgée concernée, ne pas en parler dans son dos, ce qui n’est pas évident. C'est ce que l’on appelle une rencontre pluridisciplinaire. Il est plus facile en hébergement communautaire, résidence pour personnes âgées, maison de retraite, EHPAD, qu’à domicile. L’idée est donc l’alliance thérapeutique, le contrat de confiance et c’est aborder le problème en face de la personne âgée, en disant qu’on se fait du souci pour elle, qu’on ne la trouve pas en bonne santé, qu’il se passe quelque chose. L’objectif est d’envisager une modification de la consommation d’alcool. Il n’est jamais trop tard pour réduire sa consommation. Chez les personnes âgées, les vieillards, le problème n’est pas tant l’abstinence totale que la réduction de la consommation. Et ce, en abordant le

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problème dans un climat de confiance, en lui proposant de l’aide, en l’accompagnant, en l’informant par des échanges, par une consultation médicale, par une intervention brève, en laissant un prospectus, en informant l’entourage familial sur les risques d’une consommation excessive. Une façon d’informer la personne âgée est de l’orienter vers un mouvement d’aide aux malades alcooliques, de donner à l’entourage familial les coordonnées d’un mouvement, qu’il s’agisse d’Al-Anon, Vie Libre. Cette approche de la personne âgée, lui offrant une aide, un accompagnement, va lui permettre de réfléchir et donc de prendre conscience qu’il y a peut-être une autre façon de vivre. Il ne faut pas abandonner la partie, travailler en équipe, échanger sur ce que vous constatez au domicile, dans la chambre, etc. C’est à travers cet accompagnement multiforme, médical, psychologique, associatif, que progressivement un mieux-être apparaîtra chez la personne âgée. Dans tous les cas, il faut respecter le choix de la personne, dans un sens comme dans l’autre. Certaines personnes âgées ne boivent jamais d’alcool, il faut respecter ce choix ; à l’inverse, si la personne qui a un problème d’alcool refuse de modifier son comportement, il faut continuer à la respecter. L’entourage ne doit pas multiplier les occasions de boire de l’alcool et toujours laisser le choix. Favoriser les liens sociaux est fondamental pour réduire sa consommation, garder des activités, faire des propositions. Ce n’est pas simple pour les personnes vivant à domicile et ayant un handicap, mais il est important de maintenir des liens transgénérationnels, intergénérationnels, car il est démontré que l’isolement et la solitude favorisent ce comportement néfaste pour la santé. Pour conclure, je dirai qu’il faut éviter la double peine qui est de vieillir en mauvaise santé. Réduire la consommation alcoolique, c’est permettre à nos personnes âgées de vieillir en meilleure santé, sinon en bonne santé. C’est travailler en équipe, pouvoir en parler, soutenir l’entourage, déculpabiliser cet entourage, que la société ait un projet de vie pour les personnes âgées en respectant leur choix. A travers la formation que vous recevez, à travers votre expérience auprès des personnes âgées, si vous travaillez en équipe, si vous avez le souci de respecter la personne âgée, vous allez pouvoir débloquer un grand nombre de situations.

Echanges avec la salle Chantal *, AL-ANON Je vous remercie d’avoir évoqué les groupes familiaux Al-Anon, qui est un mouvement d’entraide pour les familles. J’invite les professionnels à retirer de la documentation sur le stand situé à l’entrée. Des réunions sont organisées à Pontoise et à Franconville, mais également dans tous les départements de France, et beaucoup à Paris. Dr André BONNEFOND Un document très bien fait est publié par l’ANPAA sur les personnes âgées et l’alcool, que je vous conseille de lire. Le mouvement Vie Libre est représenté aujourd'hui. Une des personnes de cette association m’a dit qu’ils rencontraient d’abord l’entourage pour lui donner de l’information sur la façon d’aborder la question. Il n’y a pas de concurrence entre professionnels et bénévoles, nous travaillons tous dans le même sens. C’est grâce à cette entraide, à cette complicité, que l’on va pouvoir souvent débloquer des situations. Si une personne âgée seule à domicile s’alcoolise, peut-être faut-il lui proposer une visite par l’intermédiaire d’un mouvement. Le lien est un élément essentiel, sachant que lorsqu’on est vieux, on a tendance à se replier sur soi-même, on communique moins, on téléphone moins. Gwenola FERRAN, Conseil Départemental du Val d’Oise, Direction des Personnes âgées Le 17 novembre, au centre culturel de Taverny, nous organisons une après-midi sur la mobilisation nationale sur la lutte contre l’isolement des personnes âgées, Mona Lisa. Jean-François Serre viendra nous présenter Mona Lisa, l’objectif étant de lancer une coopération

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départementale l’année prochaine pour mailler le territoire avec des équipes de bénévoles. Nous cherchons à mobiliser le maximum d’acteurs. Dr Monique GOBERT Finalement, ces personnes âgées qui sont très seules ont déconstruit leurs liens durant leur première partie de vie et je ne vois pas très bien comment arriver à rattraper cela. Dr André BONNEFOND Chacun a une histoire personnelle, chacun a une histoire avec l’alcool. Il faut déjà repérer les situations qui favorisent ces alcoolisations tardives. Si on prend une population à partir de 70 ans, les trois-quarts ont consommé à l’âge adulte et entre un tiers et un quart se met à boire. Il y a très peu de choses sur ce sujet auquel on commence seulement à s’intéresser. Même dans les plans de santé gouvernementaux, cette problématique est loin d’être prioritaire. Vous êtes donc un peu précurseurs et vous allez pouvoir repartir avec ce questionnement sur ces personnes isolées depuis très longtemps et sur la manière d’ouvrir leur porte, d’entrer chez eux. Je n’ai pas de réponse à vous apporter. Je crois qu’il faut aller vers elles. Autrefois, on attendait que les gens viennent, et aujourd'hui il faut aller vers. Aleth RIANDEY, ADOMA DOMA, ex-Sonacotra, propose des logements pour personnes seules, souvent migrantes mais pas exclusivement. Elles arrivent suite à des parcours difficiles, des ruptures professionnelles ou familiales. Certains ont tout cassé autour d’eux, ont tout perdu. Le lien est effectivement un élément essentiel, mais la question reste le sens que donnent ces personnes à leur vie après toutes ces ruptures. La conversation ne suffit pas, il faut leur redonner une envie de vivre pour quelque chose. Ce peut être des choses inattendues, qui sont très personnelles, mais c’est quand même compliqué de trouver le petit fil et seule la personne peut le trouver. Dr André BONNEFOND Nous ne sommes pas dans la toute-puissance. Beaucoup de mes malades sont décédés à cause de leur problème d’alcool. De la salle Depuis le début de ce colloque, les différents intervenants évoquent le fait d’oser dire à la personne. Je suis assistante sociale de formation et je ne crains pas d’aborder la question avec la personne, mais le sentiment de culpabilité, de honte, que cela peut entraîner chez elle, et vis-à-vis de la famille risque de mettre la personne encore plus mal. Dr André BONNEFOND Il y a le déni et la honte, la culpabilité. C'est la raison pour laquelle ce travail doit se faire sur plusieurs mois. Les mouvements d’anciens buveurs peuvent vraiment aider l’entourage. Mon expérience m’a permis de développer une unité d’alcoologie à l’hôpital d’Eaubonne grâce à la découverte de ces mouvements d’aide. De la salle Je souhaite intervenir en tant qu’ancien malade. Quand on est malade, on est envahi par la honte, on a un regard sur soi très dévalorisant. L’essentiel, c’est de redonner, par le biais du lien social et de l’écoute, confiance au malade, lui faire comprendre qu’il n’est pas un moins que rien, qu’il a de la valeur, l’aider à retrouver sa dignité. Bruno HUET, Conseil de l’Ordre départemental des Infirmiers Ma question concerne les établissements, EHPAD et maisons de retraite. L’alcool est-il fourni par l’établissement ou par la famille ? Et donc le personnel des maisons de retraite ou des EHPAD n’a-t-il pas un rôle à jouer dans la modération de la consommation d’alcool tout en respectant les choix de la personne âgée ?

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Jean-Louis DARQUES Des réponses nous serons données par les intervenants suivants qui sont gestionnaires d’EHPAD.

Respect du choix de la personne âgée : contours juridiques et éthique Jean-Louis DARQUES Marie Coulier est psychologue clinicienne à l’EHPAD MGEN de Fontenay-en-Parisis, et Yann Draye est directeur de cet établissement. Claire Luneau est juriste au Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles et nous fera un point sur le respect du choix et sur la réglementation, notamment quand on a affaire à une personne sous curatelle ou sous tutelle. Yann DRAYE, Directeur EHPAD MGEN Fontenay-en-Parisis La dernière question posée par un intervenant est vraiment au cœur de notre intervention, c’est celle du respect du choix. Nous y sommes confrontés pour bien d’autres sujets que celui de l’alcool et la prise en compte des personnes âgées dans les EHPAD nous confronte quotidiennement à la notion de respect et du choix, notamment éclairé. Je rappelle qu’un EHPAD est une maison de retraite médicalisée accueillant une population à partir de 60 ans. Dans les faits, il est rare d’avoir des résidents de moins de 80 ans, la moyenne d’âge étant de 85 ans, et nous accueillons régulièrement des résidents de plus de 90 ans. Nous sommes dans l’attente d’accueillir un couple de 94 et 95 ans. On constate donc une réelle évolution de la population accueillie. Néanmoins, on peut caractériser cette population comme fragile au sens de vulnérable, dépendante pour les gestes de la vie quotidienne, et en perte d’autonomie sur le plan physique et cognitif. C'est un établissement médicosocial, et notre approche est différente de celle des hôpitaux et des structures sanitaires, puisque c’est un lieu de vie, les personnes sont domiciliées à l’EHPAD, elles bénéficient d’une assistance à la vie quotidienne. C'est différent du domicile, on n’a pas la même intimité, et la question de l’isolement de la personne qui vit à domicile ne se pose pas de la même manière que dans un milieu collectif. Et nous ne sommes pas un lieu de soins exclusif. Des médecins traitants viennent régulièrement, mais nous ne sommes pas positionnés comme étant un lieu de soins au sens médical du terme. La donation Brière compte 86 places, donc une taille assez standard pour les EHPAD. Nous avons 24 places en unité de vie Alzheimer, unité sécurisée. La durée moyenne de séjour est de trois ans et demi. Je précise que nous ne sommes pas des experts de la problématique de la consommation d’alcool chez les personnes âgées, c’est une des dimensions que nous avons à gérer au quotidien avec nos résidents. Nous cherchons en permanence le juste équilibre. Marie COULIER, Psychologue clinicienne, EHPAD MGEN Fontenay-en-Parisis La fréquence du mésusage d’alcool chez les plus de 65 ans, donc d’une consommation nocive et d’alcoolo-dépendance, est estimée à moins de 10% de la population globale, avec une prévalence de 20 à 40% en EHPAD. La fréquence du mésusage d’alcool dépasse celle de la population globale en EHPAD. Comme le montrent les chiffres, il existe une grande variabilité entre les établissements. Dans notre EHPAD, l’éthylisme est un critère de refus d’admission. Lorsque nous recevons des dossiers de personnes présentant une consommation d’alcool non sevrée, parfois nous ne les accueillons pas. Nous sommes donc peu confrontés à cette problématique. Nous accueillons une population dite fragile face à l’alcool. Nos résidents sont très âgés, souvent plus de 80 ans, la moyenne d’âge étant donc de 85 ans, généralement polypathologiques et polymédiqués, dont un tiers présente des troubles cognitifs avérés. Dans ce contexte, et

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indépendamment de tout mésusage, les niveaux de consommation d’alcool sans risque sont fortement abaissés, avec un seuil à risque à un à deux verres quotidien. De quelle manière l’alcool est-il accessible en EHPAD ? Principalement lors des repas, du vin servi en pichet ou au verre. Le vin est donc fourni par l’établissement. Certains résidents consomment de l’alcool dans leur chambre, cette consommation étant solitaire et souvent en cachette. Certains sont encore autonomes et sont en capacité de sortir, de s’alcooliser au bar ou d’acheter des boissons au supermarché du coin pour les ramener dans leur chambre. On ne le voit pas toujours car ils le font en cachette. Par ailleurs, beaucoup de familles ramènent de l’alcool à leur proche, et il nous faut également du temps pour nous rendre compte de cette consommation. Yann DRAYE Comment penser la place de l’alcool au sein de notre établissement ? Autour du mésusage de l’alcool, nous sommes en tension sur quatre axes sur lesquels repose notre réflexion. Premier axe, nous devons tenir compte au plus près des habitudes de vie de la personne antérieures à son arrivée à l’EHPAD. Ce moment est crucial, il se passe beaucoup de choses pour la personne et sa famille, et nous devons créer un maximum de continuité entre les deux. On peut imaginer qu’un résident qui avait l’habitude de consommer avant son entrée en EHPAD ne soit pas sevré sous prétexte que notre position serait de dire zéro alcool. Nous irions probablement à l’encontre de nos recommandations. De quel droit interdirions-nous l’alcool ? C’est un lieu de vie, ils ne sont pas à l’hôpital. Deuxième axe, nos résidents sont fragiles, ils ont des besoins spécifiques en termes de soins, liés à leur état de santé, à leur âge, c'est la raison pour laquelle il y a des médecins. Nous prenons donc en compte au cas par cas l’état de santé de la personne, et une prescription médicale peut nous conduire à ne pas donner d’alcool au résident. C’est le cas de l’unité de vie Alzheimer, sachant que bon nombre de médicaments sont incompatibles avec la consommation d’alcool et que ces résidents présentent des troubles du comportement. Troisième axe, la gestion de la vie collective. On sait que l’alcool est un facteur de risque dans les troubles du comportement avec des expressions de violence verbale ou physique. Quand ils sont au restaurant de l’EHPAD, ils sont plus de 40, il y a des animations, des circulations au sein des unités, et j’ai le devoir d’organiser une vie collective sereine permettant à chacun de vivre pleinement au quotidien. L’équipe doit donc gérer absolument les consommations d’alcool. Dernier axe, toutes les questions éthiques. On a évoqué tout à l’heure la question des représentations personnelles. Les professionnels eux-mêmes ont une représentation de l’alcool. Moi-même en tant que personne, j’ai une représentation de l’alcool, et il s’agit pour nous, à travers des espaces de réflexion et de formation, de dépasser ces représentations personnelles pour que notre pratique professionnelle soit la plus éthique possible. Nous devons donc trouver un juste équilibre entre ces quatre points de tension sur la question du mésusage de l’alcool. Il est question ici de l’alcool, mais sur la question de la libre circulation des résidents, j’aurais présenté le même schéma. Sur la question de la sexualité des personnes âgées, des relations amoureuses entre résidents, j’aurais présenté le même schéma. Marie COULIER Pour illustrer notre problématique éthique qui est de savoir comment respecter la liberté de la personne de consommer de l’alcool et la nécessité de sécurité que nous lui devons, j’ai choisir de vous présenter le cas d’une de nos résidentes qui était presque centenaire à l’époque et qui, depuis son entrée en établissement, consommait de l’alcool en cachette, de manière solitaire dans sa chambre ou dans le parc de l’établissement, donc hors de notre regard. Cette consommation était rendue possible par un proche qui lui apportait des cartons de vin à sa demande, lesquels étaient stockés dans l’armoire de sa chambre. Nous avons mis du temps à les découvrir et cette découverte a été faite un peu par hasard par une soignante. Toutefois, certains comportements nous avaient déjà alertés, comme des

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vomissements, un sommeil important, notamment l’après-midi, et de nombreuses chutes inexpliquées. Quand nous avons compris la situation, nous avons essayé de l’aborder avec cette dame qui était dans un refus total d’en parler, cela n’existait pas, et toute communication était impossible concernant ce sujet. La seule alternative que nous avions était de travailler cette question avec le proche qui apportait ces cartons de vin. Nous avons appris par lui que cette consommation existait depuis de très nombreuses années à domicile. Cette dame reproduisait au sein de notre EHPAD le comportement qu’elle avait chez elle. D’ailleurs, cette consommation à domicile était totalement banalisée par l’entourage. C’est une fois dans l’EHPAD que les choses ont pu se dire avec les proches. Nous avons demandé au proche de contrôler et de minimiser autant que possible les quantités d’alcool apportées. En travaillant avec le proche, nous avons trouvé un compromis acceptable en permettant à cette dame de maintenir une consommation qu’elle ne voulait et ne pouvait pas arrêter tout en contrôlant les quantités apportées afin qu’elle ait le moins d’effets délétères possible. Notre rôle n’était pas d’interdire cette consommation mais plutôt de réfléchir à son usage et de faire un travail avec les proches. Yann DRAYE Un deuxième exemple d’une dame qui présente assez régulièrement des troubles de l’humeur et qui a l’habitude de boire son pichet de rosé. Je précise que nous coupons systématiquement tous les pichets de rosé ou de vin rouge à 50%. Nous n’avons pas de plainte, ce qui veut dire qu’ils ne s’en rendent pas forcément compte. C’est une manière pour nous de limiter leur consommation. Nous étions en période estivale, nous avions une remplaçante qui n’avait pas compris ou n’avait pas eu la consigne de couper le vin et nous avons eu à gérer l’extrême nervosité de cette personne qui a donc bu deux fois plus que d’habitude. Outre le fait que nous avions vérifié qu’elle n’était pas en danger sur le plan médical, nous avons été confrontés à une vraie problématique qui a soulevé des questions, y compris sur les autres résidents du restaurant. Dans toutes ces circonstances, nous avons à gérer la vie collective. Marie COULIER Pour revenir à la question des habitudes de vie, dans notre EHPAD, il peut y avoir une consommation et un usage d’alcool sans mésusage. Dans notre pays, l’alcool a une place importance dans les rites sociaux. A une époque, un petit groupe de résidents se retrouvaient chaque soir avant le dîner pour prendre l’apéritif dans la chambre de l’un ou de l’autre, ou même en salle à manger. Ce rituel était connu, il s’était instauré spontanément, et sans demande d’accord auprès de la direction. Il faut bien avoir à l’esprit que l’EHPAD est considéré comme le domicile de la personne et les habitudes de vie prennent une place importante dans notre accompagnement. Ce rituel de consommation était un plaisir pour ce petit groupe et permettait de maintenir des liens sociaux, et nous n’avions aucune raison de l’interdire. Nous gardons bien en tête qu’il faut faire coïncider les habitudes de vie de nos résidents avec les besoins en soins qu’ils nécessitent. Et même s’il ne faut pas interdire catégoriquement la prise de boissons alcoolisées, il ne faut pas non plus l’encourager, notamment chez les résidents les plus fragiles. C'est pourquoi en unité Alzheimer nous avons zéro consommation d’alcool. Nous allons même jusqu’à cacher l’eau de Cologne car nous avons souvent eu le cas de résidents qui trouvaient une bouteille d’eau de Cologne et la buvaient entièrement, avec les conséquences que cela pouvait avoir. Yann DRAYE Nous ne sommes pas sur une problématique réglementaire. J’ai repris un extrait des livrets de l’Agence nationale d’évaluation des établissements médicosociaux. J’ai cherché le mot alcool et ne l’ai trouvé que trois fois sur plusieurs centaines de pages. Ce n’est donc pas un sujet central, mais on peut le raccrocher à l’idée que si chaque résident a le droit de prendre des risques, la consommation d’alcool pouvant en être un, l’établissement a un devoir de garantir le droit à la sécurité individuelle et collective. Mais au quotidien, la confrontation de

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ces deux logiques est fréquente, et c'est tout le questionnement éthique que nous devons essayer de bâtir dans nos prises en charge. Claire LUNEAU, Juriste, Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles Nous sommes une association qui intervient dans l’accès aux droits et on m’a demandé d’intervenir par rapport aux contours législatifs autour de l’alcool et surtout le respect du choix de la personne. Aucune disposition pénale n’interdit la consommation d’alcool, cela relève de la liberté individuelle relevée par le code civil, la Déclaration universelle des droits de l’homme, et du respect de la vie privée. La législation intervient quand même lorsque cette liberté individuelle porte atteinte à l’ordre public, notamment dans le cadre d’une infraction d’ivresse publique. On relève que la personne a le droit de boire, mais il y a un cadre à respecter, notamment quand on est dans la sphère publique. Ce qui relève d’une infraction pénale et d’une contravention de seconde classe. Le législateur est également intervenu sur tout ce qui relève des infractions au code de la route où l’alcool a des conséquences. La législation intervient également par rapport aux conséquences de l’alcool dans le cadre du droit civil. En matière d’assurance, par exemple, une personne alcoolisée peut se voir exonérée de certaines garanties, notamment dans le cadre des accidents de la vie, et ne pas être indemnisée dans le cadre de son contrat. Concernant l’accès aux soins des personnes alcoolisées, le principe est que le consentement de la personne doit toujours être recherché quelle que soit la situation, et en cas de refus de traitement ou d’investigation, le médecin a l’obligation de respecter le droit du patient. Le principe est donc le consentement libre et éclairé de la personne qui doit être recueilli préalablement à toute intervention et qui relève d’une obligation de moyen de la part des médecins, des établissements. Ce consentement libre est une exigence éthique fondamentale, c’est aussi un corollaire du devoir d’information des médecins vis-à-vis de leurs patients. En cas de refus mettant en danger la vie du patient, le praticien a l’obligation de tout mettre en œuvre pour obtenir son consentement, mais il ne peut pas passer outre ce refus. Le juge des tutelles peut intervenir notamment lorsqu’une personne est dans l’incapacité de prendre une décision. Il va déterminer la mise en place d’un tuteur et les missions de celui-ci, qui peuvent varier en fonction de l’état de santé et de l’évolution à venir de l’état de santé de la personne. Il peut envisager que le tuteur sera amené à prendre toutes les décisions nécessaires à la prise en charge du patient, sans son consentement, sur certains éléments, notamment dans le cadre de sa santé, mais dans d’autres cas, le consentement du patient sera indispensable. Le tuteur ne peut pas prendre de décision concernant l’intégrité physique de la personne sans le consentement du magistrat, sauf cas d’urgence vitale. Si une intervention médicale est programmée, par exemple, on prend le temps de solliciter le magistrat et d’avoir son consentement pour l’intervention. Le majeur protégé en état de donner son consentement doit recevoir toutes les informations qui lui permettront de prendre sa décision de manière éclairée. En revanche, dans le cadre des mesures de sauvegarde ou de curatelle, qui concernent uniquement les actes de disposition et d’administration, la personne est seule en capacité de donner son consentement. Dans le cas d’un refus de soin du patient, sauf cas d’urgence, le médecin ne peut pas passer outre le refus du patient d’être pris en charge. Jean-Louis DARQUES Quand le juge des tutelles répond au bout de deux ans, comme c’est parfois le cas dans le Val d’Oise, que se passe-t-il ? Claire LUNEAU En cas d’urgence vitale et si on est dans l’incapacité d’avoir la réponse du magistrat, le médecin est soumis à son obligation de soins et il peut passer outre le consentement de la personne et du magistrat.

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Echanges avec la salle Bruno HUET On doit respecter le choix de la personne, c'est un droit fondamental. En établissement, si la personne, de par son alcoolisation, entraîne des troubles au niveau de la collectivité, il n’y a que deux solutions : soit en discuter avec elle pour l’amener à réduire sa consommation de façon à éviter des troubles du comportement, soit de l’éjecter de l’établissement. Où est la marge de manœuvre ? Claire LUNEAU Certains établissements, du fait de l’évolution de la loi et l’obligation de fournir des documents, notamment les contrats d’accueil et les règlements intérieurs, prévoient dès le départ la possibilité d’exclusion en cas d’alcoolisation excessive. Cette façon de faire peut paraître barbare, mais les établissements se sont protégés de ce type de situation par le biais contractuel. Si la personne contrevient à l’obligation de respecter une alcoolisation raisonnable, il peut être mis fin à son contrat de séjour. Yann DRAYE Il est très compliqué de demander à un résident de quitter l’établissement s’il ne veut pas s’en aller. C'est compliqué sur le plan de la gestion de la personne humaine dans le cadre éthique que j’ai évoqué, c’est compliqué pour un gestionnaire d’être confronté à un éventuel scandale médiatique. On va donc rechercher une solution concertée qui prendra du temps. J’ai eu à gérer la fin d’une situation et l’on s’est rendu compte que l’établissement avait très peu de marge de manœuvre sur le plan légal. Il ne suffit pas de dire à un résident qu’on le met à la porte parce qu’il ne répond plus au règlement de fonctionnement. N’importe quel juge se refusera de prendre une telle décision, ou de la cautionner, car mettre la personne âgée « à la porte », c’est la mettre en difficulté alors qu’elle est déjà vulnérable. Nous avions demandé à ce que la personne parte, et nous n’avons eu aucun moyen de la faire partir. En cas de troubles du comportement, on le gère beaucoup plus sur le versant de la médiation, sur le versant médical. On est obligé de composer avec les forces en tension, la famille, le résident, le contexte médiatique, la prise de position des juges, et notre obligation de faire avec dans un EHPAD. Nous avons régulièrement des manifestations de troubles du comportement, mais ils se normalisent dans le contexte de l’EHPAD. Cela fait partie de l’environnement. Jean-Louis DARQUES Je rappelle que l’EHPAD MGEN de Fontenay-en-Parisis appartient à la MGEN mais qu’il est ouvert à toute la population qui réside dans le Val d’Oise dans le cadre d’un contrat tripartite entre le conseil départemental, l’ARS, et la MGEN qui est gestionnaire et propriétaire des murs.

Restitution des groupes de réflexion Jean-Louis DARQUES Nous allons écouter les rapporteurs de chacun des trois groupes. Je vous propose de commencer par le groupe 4. Mélissa MAHIEUX, Pôle Solidarité, Ville de Cergy Le thème de notre atelier était « comment aborder le problème de l’alcool avec les personnes âgées et leur entourage ». Les échanges ont été nombreux et nourris, et nous avons démarré notre réflexion par deux témoignages. D’une part, celui de Jean-François de l’Association AA. J’ai relevé deux statistiques qui m’ont paru importantes, à savoir que 10% des personnes de plus de 65 ans ont un problème avec l’alcool et pour un tiers d’entre elles,

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ce problème est apparu après 60 ans. On a parlé ce matin des conséquences et du fait que de par leurs problèmes de santé, ces personnes étaient plus vulnérables et plus exposées aux accidents et aux risques de chute, donc tout ce qui peut être lié à une consommation excessive. Jean-François a essayé de mettre en exergue la question de savoir comment aborder les choses face à ces problèmes de résistance et de déni par rapport à une consommation excessive ou problématique. D’abord, il faut aborder les choses de façon positive et ouverte, ne pas être dans le jugement, ne pas être moralisateur. Il est important de reformuler ce que la personne exprime, de souligner tout ce qui est positif dans ses propos et dans son comportement tout en gardant à l’esprit que la personne est libre, qu’il faut respecter son choix, être dans une position d’écoute et d’ouverture pour faciliter la parole et pour qu’un processus puisse s’enclencher. Il a également évoqué les moyens et les moments où on l’on peut essayer d’aborder la question. Elle peut être abordée lors d’échanges classiques ou des temps du quotidien, et il est important de demander à la personne ce qu’elle pense de sa consommation, des risques associés. Il faut aussi prendre en compte les attitudes de déni, quand les personnes ne sont pas prêtes au changement, et ne pas les culpabiliser. L’ensemble du groupe a évoqué le fait qu’il est rare que les seniors concernés évoquent spontanément la question. Le fait d’en parler en tant que professionnel, bénévole ou entourage, c’est offrir cette possibilité, en mettant en avant de meilleures conditions de vie. Chez les personnes âgées, on se dit parfois que c’est trop tard, que cela ne sert à rien, mais il faut toujours essayer de mettre en avant le fait que les conditions de vie peuvent être améliorées et qu’il n’est jamais trop tard. Nous avons également eu le témoignage de Chantal des groupes familiaux Alanon, qui s'est exprimée sur sa situation. Cela a permis de faire émerger un grand nombre de questions, notamment sur le rôle de l’entourage. Il ne faut pas culpabiliser la personne, ni son entourage et il faut essayer de travailler ensemble. Chantal a mis en avant l’importance pour l’entourage de se préserver et d’apprendre à s’occuper de soi, sachant qu’il n’est pas forcément facile d’accompagner la personne. Nous avons eu des échanges autour de la question du rôle du médecin traitant. Il n’est pas toujours facile de l’interpeler sur cette question, et on a des attitudes parfois un peu ambivalentes. Un professionnel a souligné que soit le médecin fait émerger la problématique et dans ce cas, le lien avec la personne est rompu, soit le médecin est dans la fuite, ce qui pose la problématique de la formation des médecins traitants qui ne sont pas forcément compétents pour aborder ce problème et se trouvent eux-mêmes démunis. J’ai retenu que chaque professionnel dans sa partie se trouve seul et démuni, mais qu’il n’est pas évident de réunir les professionnels et l’entourage pour avancer autour de la personne. Autre aspect beaucoup évoqué, la notion de temps. Il faut se donner le temps, il faut laisser le temps à la personne, et parfois il suffit de peu de chose pour ouvrir la parole, dépasser les tabous, et sortir la personne de son isolement. J’ai retenu la phrase « choisir le moment où on dit les choses et toujours donner la possibilité à la personne de s’exprimer, même si en tant que professionnel, on se sait pas par quel bout prendre les choses ». On est face à une somme de problématiques dont l’alcoolisation fait partie et on ne sait pas par quel bout commencer. Nous avons également évoqué l’aspect générationnel. Les plus de 60 ans font partie d’une génération qui a connu une autre forme de consommation que celle que l’on peut connaître aujourd'hui. L’alcool faisait peut-être davantage partie des habitudes de consommation, la notion de soins n’était pas la même, franchir les différentes étapes de la prise de conscience et aller vers le soin n’est pas forcément évident. Nous avons aussi abordé la question de l’alcoolisation chez la femme, qui n’est pas vue de la même façon que chez l’homme, et il est parfois plus difficile pour une femme de parler de cette alcoolisation, et le regard de la société peut être différent. La question du maintien à domicile a été abordée. En cas d’alcoolisation de la personne, quelle place pour les intervenants à domicile, comment aborder le problème, quel rôle pour les aidants, vers qui peuvent-ils se tourner, mais aussi la question de l’entourage, quand le conjoint ou les enfants à domicile s’alcoolisent, par exemple, comment arriver à maintenir

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l’équilibre. Nous avons beaucoup évoqué la thématique de l’isolement et de la socialisation. Parfois, l’alcool va permettre de créer du lien social, il va permettre à ces personnes d’être entourées de faux amis, et le jour où en enlève l’alcool comment créer du lien. D’où l’importance des associations, des mouvements d’entraide qui permettent de retisser du lien autour de la personne, mais beaucoup plus sain que celui mis en place autour de l’alcool. J’ai retenu une réflexion importante sur le fait que les différents intervenants doivent être complémentaires, qu’il s’agisse des psychologues, des médecins, des bénévoles. La solution n’est pas forcément la même pour chaque personne. Il n’y a pas de règle, pour chaque situation le temps ne sera pas le même, l’intervenant adéquat ne sera pas le même, le rôle de l’entourage ne sera pas le même, et il faut arriver à trouver la clé qui va permettre de trouver la solution, s’il y en a une. Nous avons eu un débat sur l’équilibre à trouver dans les structures entre les règles, le quotidien, la prise en compte des problèmes, sans exclure la personne. Il y a un questionnement sur l’avenir des seniors et le pour quoi faire. Face à des personnes qui sont dans la dernière partie de leur vie, quels arguments trouver pour leur faire comprendre que sans l’alcoolisation la vie serait différente. Jean-François a beaucoup évoqué la notion de qualité de vie et d’espérance de vie et la façon dont on veut vivre les années qui restent. Jean-Louis DARQUES Je passe la parole à Caroline Rémy pour le groupe n° 1. Caroline RÉMY Nous avons fait une synthèse collective après avoir longuement échangé de manière tout à fait riche et sympathique. La thématique de notre groupe était « solitude, rupture du lien social, en lien avec l’addiction ». La première réflexion, qui a été très longue et que nous avons tournée dans tous les sens, a été « addiction, conséquence ou cause de la rupture du lien ». Ensuite, nous avons pris le parti de lister les différents éléments pouvant permettre de lutter contre cette solitude qui peut avoir pour conséquence la rupture du lien social, notamment dans le cadre des problématiques addictives. Favoriser le réseau professionnel et associatif, aussi bien à travers la rencontre interprofessionnelle qui permet d’échanger sur les nouveaux dispositifs comme Mona Lisa, sur les connaissances des uns et des autres, et dans le but aussi de potentialiser la communication en direction des publics visés, notamment le public du troisième âge, parce qu’on s’aperçoit qu’il existe de nombreuses actions mises à leur disposition qu’ils ne connaissent pas. Donc favoriser la rencontre entre les professionnels pour qu’ils s’accordent et favoriser l’interconnaissance, et favoriser la communication en direction des publics. Nous avons ensuite très longuement parlé de la nécessité de développer des actions intergénérationnelles. De nombreux exemples ont été cités, avec les avantages, les difficultés de mise en œuvre dans une société très clivée, où les mondes ne se côtoient pas. Redonner une place non stigmatisante dans la société à la personne âgée pour éviter aussi de cliver, de séparer. Développer des actions valorisantes et participatives en direction de ces publics. Nous avons longuement parlé de l’aller vers. Jean-Louis DARQUES Je passe la parole à Yann Draye pour la restitution du groupe n° 2. Yann DRAYE La thématique de ce groupe était le respect du choix de la personne âgée en établissement. Nous n’étions que six dans ce groupe, mais après un tour de table, nous avons constaté que le point d’entrée dans la problématique était bien lié au fait que nous dirigions des établissements d’accueil. Il y avait deux représentants de logements-foyers, une personne venant du réseau Adoma, Marie Coulier et moi-même représentant l’EHPAD. C’est bien la problématique du mésusage de l’alcool dans la gestion de la vie collective qui a été la porte d’entrée de chacun. Il faut prendre en compte les obligations de la vie collective

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Ville d’Eragny-sur-Oise – Actes du colloque 6 octobre 2015 25

et nous sommes tous confrontés à des résidents, des usagers fortement alcoolisés qui causent des troubles à l’ordre public au sein de l’établissement. Mais parce que nous avons une fibre sociale, médicosociale, que nous ne sommes pas uniquement des gestionnaires ou des bailleurs, et parce que nous avons de la bienveillance vis-à-vis des personnes, chaque responsable a pu témoigner qu’il a envie d’aller chercher ailleurs une réponse à la difficulté face à un résident fortement alcoolisé. Cette réponse ne doit pas être seulement le rappel à la loi et à la règle de vie, qui peut être compris comme une punition, il faut aller chercher du côté des besoins de la personne et s’appuyer sur une approche pluridisciplinaire. L’autre idée est la question du libre choix. Rien ne se fera sans l’adhésion de la personne. Quand un usager est alcoolisé quotidiennement et met le bazar dans l’établissement, on doit travailler sur son adhésion pour trouver une réponse ensemble. On ne peut pas l’aider malgré lui, il y a nécessairement un droit au refus, il faut donc rechercher le consentement. Nous avons évoqué la question de savoir si avec l’alcoolisation, la personne n’a pas trouvé une sorte d’équilibre, et quel serait l’intérêt de déstabiliser cette personne alors même qu’elle y a trouvé un équilibre si on n’a pas une démarche d’accompagnement à lui proposer. Ce ne sont pas nos métiers et la réponse est peut-être à trouver à travers une approche pluridisciplinaire. Nous avons fait la distinction entre les approches où les équipes sont déjà construites, et c’est le cas des EHPAD, alors que dans les logements-foyers l’approche pluridisciplinaire est à construire. C’est le médecin traitant, l’assistante sociale du conseil départemental, tel bénévole, et il faut bien que ces gens se retrouvent à un moment donné autour du cas. Cet élan ne peut-il pas être donné au niveau de l’établissement où se constatent les difficultés. Nous avons évoqué le rôle de l’entourage, mais je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit dans les autres groupes.

Clôture du colloque Jean-Louis DARQUES Nous arrivons au terme de cette journée riche en échanges. Avant de passer la parole à Chantal Baggio pour la clôture de cette journée, je vous remercie tous de votre présence et de votre participation, ainsi que tous les partenaires et la ville d’Eragny, sans oublier Stéphanie qui a assuré la coordination avec le groupe de pilotage, et la mairie d’Eragny qui nous a prêté cette magnifique salle. Chantal BAGGIO, Adjointe au Maire chargée des Ressources humaines, Affaires générales et sociales, et Solidarités Cette matinée était tout à fait intéressante et très constructive, et je ne doute pas que les ateliers étaient très riches. Je remercie tous les intervenants, les personnes ici présentes, tous nos partenaires ainsi que notre personnel qui nous ont aidés à organiser cette journée. Fin des débats.