acb · en revanche nous avons certainement com-mis une erreur de communication en ne sou-lignant...

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acb, scène nationale, le théâtre, 20 rue Theuriet - 55000 Bar-le-Duc . Tél : 03 29 79 42 78 ACB SCENE NATIONALE DE BAR-LE-DUC SAISON 10 11 Offrir des entretiens inédits avec les artisans d’un spectacle, des analyses originales ou des points de vue sur les oeuvres présentées, les partis pris proposés... Mais aussi accueillir vos réactions, réfléchir avec vous sur la place de la culture aujourd’hui. Tels sont les objectifs de cet ac/bel aujourd’hui que nous vous proposerons plusieurs fois en cours de saison, avec le désir de « communiquer » avec vous autremenent. AC/BEL AUJOURD’HUI N° 6 Lundi 14 mars, au Théâtre de Bar-le-Duc, l’acb organisait un débat à l’occasion de l’ouverture de la semaine « Effet scènes », festival des 20 ans des scènes nationales. Etaient invités à s’exprimer et à dialoguer avec le public les membres fondateurs de l’acb, les artistes en résidence et les représentants des collectivités qui soutiennent la scène nationale. la culture, 25 centres d’action culturelle, 25 centres de développement culturel). Réparties sur 52 départements, deux territoires d’outre- mer, les scènes nationales sont principalement implantées dans des villes ou agglomérations de taille moyenne. Le label accordé par l’Etat implique que les établissements réalisent les mêmes missions, certes avec des moyens dif- férents, quelque soit la taille de l’établisse- ment, que ce soit la MC2 de Grenoble ou l’acb de Bar-le-Duc ! Ces missions - soutien à la création contemporaine, résidences d’artistes, diffusion pluridisciplinaire, action culturelle, élargissement des publics, rayonnement sur un territoire - nous les détaillerons tout au cours de la soirée avec l’aide des intervenants, artistes, politiques, abonnés. Mais le label n’est accordé que s’il existe des volontés locales fortes pour garantir et soutenir ces missions sur un territoire donné. Une scène nationale fonctionne avec les financements croisés du Ministère de la Culture et des collectivités territoriales. Les scènes na- tionales travaillent en réseau : co-productions, repérages d’artistes, échanges, construction de tournées cohérentes. On a parfois reproché aux scènes nationales de présenter les mêmes spec- tacles. En réalité très grande est la diversité des programmations et, si certains spectacles sont présents sur de nombreuses scènes c’est parce qu’ils sont excellents et qu’il n’y a aucune rai- Jean Deloche, Directeur de la scène nationale « L’Effet scènes » est une manifestation qui regroupe la quasi totalité des 70 scènes nationales présentes sur le territoire. A l’occasion du ving- tième anniversaire de la création de ce label elles ont décidé, pendant une semaine, de don- ner « un coup de projecteur » sur leur activité au quotidien. On sait le succès que rencontrent les grandes expositions parisiennes, la program- mation des grands théâtres nationaux, mais l’on sait moins que les scènes nationales ras- semblent chaque année près de 2,5 millions de spectateurs ! A l’origine, le label réunit une soixantaine d’établissements (8 maisons de

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a c b , s c è n e n a t i o n a l e , l e t h é â t r e , 2 0 r u e T h e u r i e t - 5 5 0 0 0 B a r - l e - D u c . T é l : 0 3 2 9 7 9 4 2 7 8

A C BSCENE NATIONALE DE BAR-LE-DUC

S A I S O N 10 11

Offrir des entretiens inédits avec les artisans d’un spectacle, des analyses originales ou des points de vue sur les oeuvres présentées, les partis pris proposés... Mais aussi accueillir vos réactions, réfléchir avec vous sur la place de la culture aujourd’hui. Tels sont les objectifs de cet ac/bel aujourd’hui que nous vous proposerons plusieurs fois en cours de saison, avec le désir de « communiquer » avec vous autremenent.

AC/BEL AUJOURD’HUI N°6…

Lundi 14 mars, au Théâtre de Bar-le-Duc, l’acb organisait un débat à l’occasion de l’ouverture de la semaine « Effet scènes », festival des 20 ans des scènes nationales. Etaient invités à s’exprimer et à dialoguer avec le public les membres fondateurs de l’acb, les artistes en résidence et les représentants des collectivités qui soutiennent la scène nationale.

la culture, 25 centres d’action culturelle, 25 centres de développement culturel). Réparties sur 52 départements, deux territoires d’outre-mer, les scènes nationales sont principalement implantées dans des villes ou agglomérations de taille moyenne. Le label accordé par l’Etat implique que les établissements réalisent les mêmes missions, certes avec des moyens dif-férents, quelque soit la taille de l’établisse-ment, que ce soit la MC2 de Grenoble ou l’acb de Bar-le-Duc ! Ces missions - soutien à la création contemporaine, résidences d’artistes, diffusion pluridisciplinaire, action culturelle, élargissement des publics, rayonnement sur un territoire - nous les détaillerons tout au cours de la soirée avec l’aide des intervenants, artistes, politiques, abonnés. Mais le label n’est accordé que s’il existe des volontés locales fortes pour garantir et soutenir ces missions sur un territoire donné. Une scène nationale fonctionne avec les financements croisés du Ministère de la Culture et des collectivités territoriales. Les scènes na-tionales travaillent en réseau : co-productions, repérages d’artistes, échanges, construction de tournées cohérentes. On a parfois reproché aux scènes nationales de présenter les mêmes spec-tacles. En réalité très grande est la diversité des programmations et, si certains spectacles sont présents sur de nombreuses scènes c’est parce qu’ils sont excellents et qu’il n’y a aucune rai-

Jean Deloche, Directeur de la scène nationale« L’Effet scènes » est une manifestation qui regroupe la quasi totalité des 70 scènes nationales présentes sur le territoire. A l’occasion du ving-tième anniversaire de la création de ce label elles ont décidé, pendant une semaine, de don-ner « un coup de projecteur » sur leur activité au quotidien. On sait le succès que rencontrent les grandes expositions parisiennes, la program-mation des grands théâtres nationaux, mais l’on sait moins que les scènes nationales ras-semblent chaque année près de 2,5 millions de spectateurs ! A l’origine, le label réunit une soixantaine d’établissements (8 maisons de

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Elle exprime quelque chose de profond dans sa pensée mais elle masque aussi une complémenta-rité que je voudrais pointer.Enseigner c’est montrer, instruire ; rendre présent c’est incarner, faire aimer. D’un côté l’intellect, de l’autre la sensibilité. D’un côté le discours, de l’autre l’incarnation de ce discours. D’un côté la distance, de l’autre la proximité d’un spectacle. D’un côté quelque chose de relativement statique - on pourrait dire le savoir tel qu’il est enseigné - de l’autre quelque chose de plus dynamique qui sollicite l’invention. D’un côté on a une rela-tion intellectuelle au passé, de l’autre une relation sensible au présent.Mais comment ce qui est passé peut-il s’opposer au présent ? Le Racine du passé c’est le Racine de l’Histoire, de la critique littéraire, des manuels, c’est le Racine de la lecture scolaire. Le Racine du présent c’est celui qui est interprété - mis en scène aujourd’hui, incarné par des comédiens -. C’est un Racine vivant dans le présent, que nous pouvons appréhender par les sens. L’opposition est fondée sur le fait qu’enseigner suppose le recul et ne peut avoir pour objet que le passé. Le présent est le domaine de la culture, et à ce titre, Malraux est obnubilé par le problème de la trans-mission, de la réappropriation, de l’incarnation de la culture.

Au Ministère, Malraux se dote, avec Gaëtan Picon, d’un collaborateur de grande stature intel-lectuelle. Cet écrivain et critique d’art, au goût toujours très sûr, sera d’ailleurs plus tard l’un des initiateurs du Centre Georges Pompidou. Gaë-tan Picon reprend cette opposition, la prolonge

son d’en priver les publics ! Ceci dit, toutes les scènes soutiennent les équipes régionales, les équipes venues d’autres régions, mais toujours sur des critères artistiques : qualité des créations, aide au développement des compagnies promet-teuses ! Depuis 20 ans, des scènes nationales ont fait émerger les artistes les plus connus, les plus inventifs du spectacle vivant comme François Morel, Yannick Jaulin, Sanseverino, les plus sur-prenants comme Zimmerman et Perrot ou Jeanne Mordoj, mais aussi les plus rares et les plus exi-geants comme Joël Pommerat, Jacques Osinski, Benoit Lambert, Jaime Lorca, Julie Béres. Et je ne cite ici que des artistes présentés ces dernières années à Bar-le-Duc ! J’ajoute que si le rôle des centres dramatiques nationaux est d’aider avant tout la création théâtrale, les scènes nationales soutiennent toutes les disciplines et font un travail formidable dans la découverte et la circulation de formes dites « mixtes » ou « inclassables ». Mais l’aube de la décentralisation culturelle est derrière nous. Nous vivons dans une société où règnent l’individualisme, la consommation de masse, la révolution numérique... Le clivage des classes sociales qui recoupait aussi des clivages culturels n’est plus aussi opérant. Comment des établissements culturels comme les nôtres peu-vent-ils réagir à ces mutations ? Quel peut être l’incidence de la réforme des collectivités territo-riales sur nos financements « croisés » ? J’ai demandé à Philippe Lerat, professeur de phi-losophie à l’IUFM, d’initier ce débat en réagis-sant à la phrase prononcée par Malraux au Sénat en 1959, une phrase qui reste encore très pro-vocante aujourd’hui : « Il appartient à l’uni-versité de faire connaître Racine, mais il appar-tient seulement à ceux qui jouent ses pièces de les faire aimer ». Malraux affirmait que le rôle du Ministère de la Culture n’était pas de créer de la « médiation culturelle », mais de mettre direc-tement en présence les gens et les grandes œuvres du répertoire. Alors Philippe, cette opposition : connaître / aimer, culture / éducation est-elle en-core pertinente ? L’a-t-elle d’ailleurs jamais été ?

Philippe Lerat, professeur de philosophie à l’IUFMOn aurait tort d’entendre cette formule de Malraux comme une formule de circonstance, qui marque-rait simplement la volonté d’émanciper la culture de l’éducation nationale. En effet, l’opposition entre « faire connaître » et « faire aimer », se retrouve dans plusieurs textes de Malraux, tout au long de sa présence au Ministère de la Culture.

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matchs de football ! Il renvoie à une pratique de la fréquentation des œuvres d’art, patrimoniales ou contemporaines, qui par le questionnement du monde qu’elles proposent, élèvent l’esprit. A plusieurs reprises, et ce sera ma conclusion, Malraux évoque la figure d’un adolescent, qui va au théâtre et se sent transporté par l’interpréta-tion d’un auteur classique. Pour que ce ravisse-ment puisse s’opérer, encore faut-il qu’il soit au théâtre. Et pour qu’il soit au théâtre, il faut parfois un long travail de familiarisation, mais surtout, et d’abord, il faut qu’il existe un théâtre non loin de chez lui, un théâtre qui, par sa programmation lui donne la liberté d’échapper à ses déterminations sociales et géographiques.

Jean DelocheEt justement, avec la notion de « développement culturel » apparue dans les années 70 les minis-tères successifs ont donné au mot culture un sens « anthropologique » de plus en plus élargi. Pour culminer avec le ministère Lang qui abolit la distinction entre les « arts majeurs » et les « arts mineurs ». Sans porter ici un jugement sur cette évolution vers le « tout culturel » il est bon de réaffirmer que la première condition de la démo-cratisation - Philippe Lerat l’indiquait en conclu-sion - c’est la mise en place de ce réseau de proxi-mité que constitue celui des scènes nationales. Noëlle Mangin, va nous rappeler les motivations de ceux qui ont oeuvré pour la mise en place de l’une ces scènes, ici à Bar- le-Duc, avec la créa-tion de l’acb.

Noëlle Mangin, Membre fondateur de l’acbSi j’ai été la première présidente de l’acb, un cer-tain nombre de militants, avant 1970 ont posé les bases d’une action culturelle dans cette ville. On saluera le rôle joué à cette époque par les asso-ciations d’éducation populaire comme la Fédéra-tion des Oeuvres Laïques, fédérée à la Ligue de l’Enseignement. A l’appel de ces militants asso-ciatifs le Théâtre National de Strasbourg, le Théâtre Populaire de Lorraine, les spectacles destinés au jeune public proposés par Henri Desgoutin, sont venus sur Bar-le-Duc, dans le vieux théâtre des « Bleus » déjà en ruine, mais qui avait le mérite d’exister ! En 1970, un certain nombre d’associations lo-cales se sont regroupées pour bénéficier de da-vantage de considération, de reconnaissance et pour travailler avec plus d’efficacité. A partir de

dans un discours des années 60 : « Ce que nous appelons Culture, est à l’enseignement un peu ce qu’est la vie politique à la connaissance his-torique. » Cette analogie précise le propos de Malraux : la création culturelle ne se fait pas à l’école, mais au théâtre. Racine a été joué avant d’être enseigné ! Il en résulte que la création d’aujourd’hui est appelée à être le patrimoine de demain. Dans son discours pour l’inauguration de la Maison de la Culture d’Amiens en 1966, Malraux stigmatise les industries culturelles : « ces usines si puissantes apportent les moyens du rêve, les pires qui exis-tent, parce que les usines du rêve ne sont pas là pour grandir les hommes, elles sont là très sim-plement pour gagner de l’argent. Or le rêve le plus efficace pour les billets de théâtre et de ci-néma, c’est naturellement celui qui fait appel aux éléments les plus profonds, les plus organiques, et pour tout dire, les plus terribles de l’être hu-main, et avant tout, bien entendu, le sexe, le sang et la mort. » J’y vois pour ma part une grande anticipation dans le jugement. Elle donne tout son sens à la position des deux hommes. En en-courageant la création contemporaine, avec les Maisons de la Culture, l’Etat a choisi la « haute culture », contre le « divertissement ». Malraux trace ainsi un chemin vers ce que l’on pourrait appeler la popularisation de la culture.Comment comprendre cette popularisation de la culture sinon comme une sollicitation de la li-berté ? En 1959, dans la très célèbre collection Les écrivains de toujours, aux éditions du Seuil, Gaëtan Picon publie un ouvrage sur et avec la participation de Malraux. La phrase qui figure en exergue, choisie par les deux hommes, révèle bien l’intention de Malraux, celle de l’homme comme celle du ministre : « Donner conscience aux hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux. ». Malraux choisit une liberté qui s’oppose à la pente naturelle du public vers le divertisse-ment. Cela me semble être un projet politique de nature républicain qui évite la fragmentation de la culture en une culture basique et une culture de l’élite, et vise l’unité du peuple dans le par-tage des références. C’est cela la popularisation de la culture. Mais le mot culture n’a pas, chez Malraux comme chez Gaëtan Picon, le sens an-thropologique qu’avec l’avancée des sciences humaines, on lui donne souvent aujourd’hui, où tout devient culture, des manières « de table » aux

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Jean DelocheJe voudrais avec Noëlle Mangin insister sur le fait que l’attribution du label suppose toujours la volonté partagée entre une Ville (ou d’une communauté d’agglomérations) et l’Etat. C’est à partir de cette volonté commune que se construit le partenariat des autres collectivités. Rien n’est possible s’il n’y a pas une volonté locale forte. L’exemple de Bar-le-Duc prouve que cela peut arriver dans des communes moyennes et nombre de grandes villes de province n’ont pas fait - ne font toujours pas - le choix de demander le label Scène Nationale. C’est donc vraiment le résultat d’une histoire et d’une volonté associative. J’en profite pour dire que nous fêterons en octobre prochain les 40 ans de l’acb. Ce sera l’occasion de réunir les anciens mais aussi avec eux de se projeter en avant ! Demandons à présent à Marie-José Ledderboge, actuelle Présidente de l’acb, de nous expliquer en quoi la permanence d’une structure associative associée à la professionna-lisation de l’équipe, permet de réaliser au mieux les missions d’une scène nationale

Marie-José Ledderboge, Présidente de l’acbNous sommes fiers de l’heureux héritage qui nous a été confié. Implantée à Bar-le-Duc, mais au cœur d’un territoire rural, ex-centrée par rapport aux grands centres urbains de Lor-raine, l’acb assure toutes les missions d’une scène nationale évoquées tout à l’heure. A partir de la programmation nous mettons en place des actions culturelles - lectures ou formations - ainsi qu’une action extrêmement importante en milieu scolaire comme les ateliers de pratique artistique ; nous avons construit des jumelages avec plusieurs établissements scolaires de la ville. Toutes ces actions se passent dans ce théâtre, mais nous espérons rayonner de plus en plus sur le territoire de la Communauté de communes pour élargir les publics. Les scènes nationales c’est aussi la grande force d’un ré-seau avec des échanges dans les co-produc-tions, des circulations de spectacles entre les différentes scènes et d’abord évidemment avec les deux autres scènes nationales implantées en Lorraine à Forbach et Vandoeuvre. Soulignons enfin la collaboration constante avec les asso-ciations culturelles de la Ville de Bar-le-Duc, et du département. Venons en au rôle de l’association. Un grand pas a été fait. Lorsqu’elle a obtenu le label scène nationale, l’acb a fait le choix de rester en

ce regroupement l’acb a été créée en 1971, avec le désir de valoriser la culture pour le dévelop-pement de la cité et de son environnement. Ces pionniers étaient imprégnés des réflexions de Malraux et de son entourage. À cette époque la notion de planification avait un sens et la Délé-gation interministérielle à l’Aménagement du Territoire essayait de dynamiser l’ensemble du territoire. Progressivement les lois de décentra-lisation, se sont mises en place et ont appuyé ce travail impulsé par les associations proches des citoyens. Dans ce cheminement, nous avons eu la chance d’être entendu et accompagné en région par des interlocuteurs - mais aussi par des profession-nels -, qui ont aidé et pris toute leur part dans cette dynamique. L’acb a d’abord obtenu le titre de Centre d’Action Culturelle – CAC – bénéficiant de l’appui du Ministère de la Culture ; nous avons pu me-ner des actions de qualité, tant dans le domaine du spectacle, que dans celui des arts plastiques. Dans les années 1980, la manifestation « Art et Paysages » a permis d’accueillir des artistes de grand renom comme Gloria Friedman, Ma-rinette Cueco, Niels Udo. En 1991 nous avons obtenu le label de Scène Nationale. Il a fallu convaincre qu’une petite ville aux moyens très limités comme Bar-le-Duc, pouvait supporter, assumer, les charges d’un établissement culturel important. A l’époque nous avons eu la chance de bénéficier de conditions privilégiées et faire accepter que la Ville apporterait 30%, l’Etat 50% des subventions alors que la règle natio-nale était plutôt 50% Etat, 50% collectivité. La force de notre militantisme culturel, de notre conviction du rôle de la culture sur le dévelop-pement des citoyens a convaincu le Ministère de nous attribuer ce label et nous nous réjouissons qu’il perdure. Nous espérons que les vicissi-tudes économiques du moment n’obligeront pas à des reculs !(Applaudissements)

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Jean DelocheLe contrat d’objectifs et de moyens - logiquement les partenaires s’engagent sur les moyens qui vont avec ces objectifs - est en cours de renouvelle-ment et nous espérons qu’il sera très vite signé. Certes les missions sont au départ définies par l’Etat dans une Charte des missions de service public et dans une circulaire qui vient d’être re-nouvelée en août 2010, mais ce contrat doit être partagé avec la ville support de la scène natio-nale, et aussi par toutes les collectivités qui voudront bien s’y associer. Dans sa rédaction -ceux qui sont autour de cette scène ronde pourront en témoigner- les souhaits de l’en-semble des partenaires sont pris en compte - ils sont d’ailleurs tous complémentaires et im-posent comme mission prioritaire d’aller vers un public le plus large possible sans céder sur la qualité artistique.

Marie-José LedderbogeNous travaillons dans ce théâtre depuis 2005. Sa contruction a eu un impact très important sur le devenir de l’acb puisque, depuis son ouverture nous sommes passés de 450 abonnés / adhérents. à 662 abonnés / adhérents aujourd’hui, dont 203 abonnements jeunes - abonnements jeunes qui augmentent chaque année - pour une salle dont la jauge est pourtant moins importante que celle de la salle Dumas que nous utilisions fréquemment auparavant !

Jean DelocheOutre celui de l’Etat et des collectivités territo-riales l’acb reçoit le soutien de l’Onda - l’Office National de Diffusion Artistique. L’une des mis-sions des conseillers de l’Onda est de repérer les jeunes équipes et de favoriser la diffusion des spectacles sur le territoire national. La compa-

association loi 1901, ce qui lui a permis de gar-der une certaine liberté, même si l’assemblée générale de l’association est dite « fermée ». Auparavant, tous les bénévoles et toutes les associations pouvaient y assister ; aujourd’hui le statut précise que l’association est compo-sée de 18 membres, parmi lesquels on trouve les financeurs : l’Etat (le Ministère, la Drac Lorraine), le Conseil général de la Meuse, le Conseil régional, la Ville de Bar-le-Duc. Mais il y a encore des bénévoles, certes en mino-rité - j’en fais d’ailleurs partie - qui représen-tent les abonnés. Ce système un peu particulier permet aux financeurs et aux élus présents à l’assemblée générale et au conseil d’adminis-tration, d’avoir un regard régulier sur la ges-tion, de s’assurer que le directeur respecte les missions. Le bureau de l’association doit être composé uniquement de bénévoles représen-tant les adhérents et les abonnés, ce qui ga-rantit au directeur de travailler en toute liberté à partir de son projet mais permet aussi de faire remonter jusqu’à lui, à l’équipe profes-sionnelle et aux tutelles la parole et les im-pressions de ceux qui sont abonnés. La forme associative permet aussi une souplesse dans la gestion, puisque nous ne sommes pas soumis à une comptabilité publique. Ce système permet aussi d’éviter des menaces d’éventuelles cen-sures de certaines collectivités - ce qui n’est pas notre cas ! - de négocier, de conforter et de soutenir les professionnels. L’association, comme toute association, est représentée par son Président, responsable de tous les actes de la vie civile. Mais les statuts accordent une grande part de délégation de la gestion au di-recteur. Cependant sa liberté s’exerce dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens signé pour trois ans. Contrat dans lequel fi-gurent le projet culturel, ainsi que les moyens avancés par les collectivités et l’Etat. Ce contrat doit être approuvé par les financeurs, le conseil d’administration et bien sûr l’as-sociation. Le seul risque que prend le direc-teur est tourné vers la création, puisque nous n’avons pas, si je puis dire, l’autorité pour changer son projet culturel approuvé par l’en-semble des instances. Mais le label consacre aussi le professionnalisme de toute l’équipe. Il donne à la structure culturelle un prestige certain et un rayonnement et il est une garantie de la qualité de la programmation.

Théâtre de Bar-le-Duc

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Pour finir je voudrais citer Robert Filliou qui a écrit un jour que « l’art est ce qui rend la vie plus inté-ressante que l’art ». Je crois beaucoup à cette chose là ! L’art, ou en tout cas la création artistique, est un moment de partage, de rencontre, et ceci est pos-sible sur l’espace de la scène.

Jean-Thomas Bouillaguet, comédien, met-teur en scène, compagnie MavraLa création de la compagnie a été accompagnée par l’acb, et notre premier spectacle Nos Optimistes d’après des contes de Maupassant a été diffusé par l’acb en milieu rural. Le second, Low de Daniel Keene, vient d’être créé dans le studio de ce théâtre ; le troisième La Nuit d’après deux contes de Maupassant, a été répété dans un collège de cette ville et sera présenté dans quelques mois dans les collèges du sud du dé-partement avec le soutien de la Bibliothèque Dépar-tementale de Prêt et le Conseil général. Un quatrième spectacle sera créé sur ce plateau l’année prochaine. Notre première expérience de décentralisation n’était pas évidente, Nos Optimistes de Maupassant traite de thèmes assez durs, de la sourde cruauté de l’être hu-main. Nous avons reçu un très bon accueil dans la plupart des villages, plus contrasté dans quelques uns. Mais c’est cela qui nous intéresse : montrer des créations à des spectateurs qui n’ont pas l’habitude d’aller au théâtre. Par ailleurs cela fait trois ans que nous animons des ateliers dans presque tous les col-lèges et les lycées de Bar-le-Duc, publics, privés, lycée agricole… Nous sommes aussi en résidence au collège Jacques Prévert depuis deux ans. Etre en résidence dans une scène nationale mais aussi dans un collège c’est être ancré dans le territoire, aller à la découverte des gens, former de nouveaux specta-teurs, donner - par la pratique théâtrale - l’envie à des jeunes d’aller voir le maximum de spectacles.

Jean DelocheEst-ce que le travail d’action culturelle peut influen-cer votre travail de création ?

Emeline Touron, comédienne, compagnie MavraEn interrogeant le regard des élèves sur le monde nous « profitons » pleinement de la fraîcheur de leur vision des choses… Cela suscite en nous des coups de cœur, parfois des idées qui peuvent nous influen-cer dans la création.

Jean-Thomas BouillaguetNous avons beaucoup travaillé avec les élèves sur Marivaux - La Dispute et Les acteurs de bonne foi - . Nul doute que cela nous sera utile l’an prochain quand

gnie La Brèche animée par la chorégraphe Aurélie Gandit, est en résidence de création à Bar-le-Duc et l’acb assume la production délé-guée de son spectacle La Variété française est un monstre gluant. Ce spectacle, repéré justement par l’Onda, est promis je l’espère à une belle tournée. Une autre compagnie - de théâtre cette fois - est pour trois ans en résidence à l’acb ; il s’agit de la compagnie Mavra animée par Emeline Touron et Jean Thomas Bouillaguet. Ces artistes nous ont fait l’amitié d’être là ce soir. Laissons leur nous dire ce qu’une résidence au sein d’une scène nationale peut apporter à des jeunes com-pagnies en train de se structurer.

Aurélie Gandit, chorégraphe, cie la Brèche Depuis l’année dernière, j’ai eu la chance d’être ac-cueillie à l’acb, par toute l’équipe, pour créer deux spectacles : l’un à l’automne 2010, La variété fran-çaise… et l’autre en ce moment Les Visites dansées pour le Musée Barrois.Le réseau des scènes nationales est un outil très im-portant en terme de résidence de création. En rési-dence nous avons le temps de chercher, de se trom-per, d’essayer des choses, pour aboutir au final à un objet artistique à partager. Mais au-delà de l’ou-til, j’allais dire « physique », le théâtre c’est aussi une équipe qui, au quotidien, soutient le projet et la compagnie, et ce soutien est absolument nécessaire dans son développement administratif et son che-minement artistique.J’ai développé le concept de Visite dansée au musée des Beaux Arts de Nancy, je l’ai repris pour d’autres collections, d’autres espaces. Le Musée Barrois, en partenariat avec l’acb, m’a invité à en créer un pour ses collections et pour ses espaces. Mes projets qui associent textes, histoire de l’art, danse, musique… sont de nature interdisciplinaires et les scènes natio-nales sont les structures qui sont peut-être les plus réceptives à ces nouvelles manières d’envisager l’art et la création.

Cie La Brèche, La Variété française est un monstre gluant

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responsabilité.Tout acte de création d’aujourd’hui peut être amené à constituer le patrimoine du futur, rap-pelait Philippe Lerat relisant Malraux. Le pa-trimoine reconnu aujourd’hui n’est pas celui qui était considéré il y a deux siècles, comme il n’est peut-être pas celui que les siècles à venir reconnaîtront. Il faut qu’on bataille contre cette idée de réifier et de cristalliser le patrimoine. Je crois que nous devons avoir une posture dy-namique, respecter les créateurs de toutes les époques et poursuivre l’élan vital qu’ils nous ont transmis. Il ne doit pas y avoir à Bar-le-Duc des acteurs culturels qui s’intéressent stricte-ment au patrimoine, d’autres à la création. Nous avons à cet égard une responsabilité qui nous dépasse, celle de proposer une approche vivante de tous les éléments du patrimoine que ce soit une façade de la ville haute, un texte de théâtre, un roman, une écriture musicale, ou un tableau de musée ! Ensuite je crois que toute culture est le résultat d’une éducation, et que toute éducation est une entrée dans une culture ! Notre mission à tous est de faire connaître, de faire aimer, et éven-tuellement de faire détester : mais si on déteste des éléments de l’art ou du patrimoine artis-tique, qu’on sache pourquoi ! Si on parvient à cette lucidité, je pense qu’on aura fait déjà un chemin. La scène nationale est active à bien des titres auprès de la population de Bar-le-Duc et du territoire pour faire vivre les œuvres, la créa-tion. Il y a aussi les « entre deux » que l’acb réalise avec la médiathèque, les ateliers…. Mais la scène nationale est présente à des moments plus ordinaires, plus anodins, peut-être comme cette présence discrète mais re-marquée l’an dernier sur le carnaval qui s’est mis à renaître à Bar-le-Duc. La scène nationale participe activement de plus en plus au Festi-val RenaissanceS, et agit auprès des publics « éloignés » d’une pratique culturelle, même s’ils sont proches du théâtre. Et puis l’acb n’est pas seulement présente sur une ville, elle l’ est aussi sur tout un territoire.

Jean DelocheLe département de la Meuse, marqué comme on sait par la grande Histoire, a su se tourner vers l’art contemporain : l’association Expressions, la manifes-tation « le Vent des forêts »… dont Noëlle rappelait la filiation avec « Arts et paysage » initiée par l’acb.

nous monterons L’île des esclaves ! En confrontant les textes classiques avec le regard des jeunes d’au-jourd’hui, nous sommes en situation de réfléchir à ce que racontent ces textes pour des imaginaires d’au-jourd’hui.

Jean DelocheTournons nous à présent vers les élus qui nous ont fait l’amitié de venir. Bar-le-Duc est une ville riche en patrimoine de la Renaissance, mais c’est aussi le siège d’une scène nationale orientée vers la création. Comment, Daniel Bersweiler, se noue dans cette ville un lien vivant entre le patri-moine et la création contemporaine ?

Daniel Bersweiler, adjoint au Maire de Bar-le-Duc, délégué à la culture. En ne limitant pas au passé la notion de patri-moine ! Bar-le-Duc est une ville riche de son his-toire et de celle de sa population. Il y a bien sûr le secteur sauvegardé, mais aussi le passé indus-triel, avec les inventeurs qui ont marqué l’histoire de Bar-le-Duc. Il y a les habitants eux-mêmes qui font partie du patrimoine, tous les récits de vie qu’on peut exploiter... Il y a aussi le tissu associa-tif particulièrement vivant ici, on vient de rappeler que l’acb en est issue. Le patrimoine c’est aussi l’ampleur de l’ambition culturelle transmise par les aînés. Je remercie notamment Noëlle Mangin d’être présente : vous avez fait partie de ce mouve-ment, vous nous avez transmis une médiathèque, une école de musique, un musée, des centres so-ciaux, des animations diverses, la scène nationale ! Tous ces équipents sont aujourd’hui sous notre

Cie Mavra Nos optimistes

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Jean DelochePartagez vous l’inquiétude dont je me faisais l’écho, sur l’avenir des financements croisés dans le cadre de la réforme des collectivités locales ?

Sylvain Denoyelle Le sport et la culture permettent encore les finan-cements croisés des différentes collectivités et en ces domaines on a besoin de tous les niveaux ! J’ai peut-être une inquiétude plus vive : c’est l’individualisme, le repliement sur soi qui peu à peu gagne la population, et les élus. La « chose partagée » est de moins en moins la réalité. Une autre de mes inquiétudes est de voir la « com-munication » prendre le dessus sur « l’action ». Quand je dois faire passer certains budgets ou certains projets et que j’évoque devant mes col-lègues du Conseil général les actions menées tout au long de l’année auprès des jeunes - et on sait que si les jeunes ne sont pas sensibilisés dès le plus jeune âge, ils n’ont aucune chance de l’être plus tard - je suis surpris de constater que ces actions pèsent parfois moins lourd que des actions plus « médiatisées » ! La culture « de fond » me semble plus en danger que la culture « paillette » !

Jean DelochePrécisément si « L’Effet scènes » utilise les res-sorts de la communication (site Internet, belle couverture des journaux nationaux, soutien de France 3 et partenariat Télérama...) c’est pour braquer les projecteurs sur l’action ! Partout cette semaine, comme chaque semaine, en France se déroulent des ateliers en milieu scolaire, en milieu carcéral, dans les hôpitaux… Un travail humble, quotidien qui porte ses fruits. Vous sou-lignez, Serge Denoyelle qu’il n’est pas toujours facile de valoriser ces actions de fond ! Mais notre grande satisfaction est d’entendre un spec-tateur adulte confier avoir découvert, jeune, le théâtre à l’occasion d’un atelier scolaire !Je me tourne à présent vers Thibaut Villemin vice président du Conseil régional. La Lorraine s’est dotée de neuf « pôles culturels structurants » – l’Opéra national de Nancy, l’Orchestre national de Lorraine, le Centre chorégraphique, le Ballet de Lorraine, les CDN de Nancy et Thionville, le Théâtre du peuple de Bussang–. Nombreux sont les équipements regroupés dans le sillon mosel-lan. L’acb est à l’écart et nous en réjouissons ! Quelle place pour les trois scènes lorraines dans ces pôles structurants ?

Sylvain Denoyelle, vice-président du Conseil général en charge de la culture Effectivement le « petit » département de la Meuse se penche sur l’animation de son patrimoine mais souvent avec un défaut d’ambition. Le plus beau compliment que l’on puisse nous faire et que l’on entend fréquemment à propos des différentes ma-nifestations qui viennent d’être citées : « On ne s’attendait pas à voir cela ici, en Meuse ». Quand on entend cela, on est assez fier car le rôle des col-lectivités est de faire connaître ou de sensibiliser à toutes les formes de culture. L’échelon départemen-tal existe souvent pour prendre le relais de petites collectivités : quand on a une petite structure dans une petite ville on voit à peu près ce que cela repré-sente ; quand on a une grande structure dans une grande ville avec de grands moyens on voit ce que cela peut être ; mais quand on a des structures plus importantes plus ambitieuses dans des petites col-lectivités, c’est là où ça se complique ! C’est là où une forme de solidarité s’impose, encore que c’est une approche trop « par défaut ». Quand on essaie de faire passer la culture (acb, école de musique) à l’échelon intercommunal il y a un gros travail de valorisation et de communication à faire ; car l’approche reste souvent très matérielle ou finan-cière : on cherche d’abord à partager un déficit de fonctionnement, une charge, plutôt qu’un projet. Quand on évoque les participations croisées il est des domaines - ce n’est pas le cas pour la culture - où elles sont véritablement contre productives. Un exemple : tout le monde aujourd’hui fait du tou-risme : la commune, la communauté de communes, l’office du tourisme (échelon local, départemental, régional, national) le pays, le pays d’accueil, le dé-partement - directement ou indirectement avec le CDT - la Région avec le CRT… Ces différents ni-veaux coûtent beaucoup d’argent et personne ne s’y retrouve, car les fonds sont complètement disper-sés ! Eviter des financements croisés en ce domaine a un sens ! Mais ce n’est pas le cas pour la culture. En ce domaine on a besoin de toutes les énergies pour être plus efficace, on a besoin de moyens, avec naturellement le souci de valoriser l’action des dif-férents partenaires. Observons qu’il y a quarante ans l’échelon intercommunal n’existait pas et qu’il doit aujourd’hui être pris en compte. Il a le mérite d’avoir une approche territoriale : s’il n’y avait que les barisiens qui fréquentaient l’acb ou l’école de musique, ce ne serait pas viable. Le rayonnement de ces structures va bien au-delà de leur ville d’im-plantation. Nous avons, nous département, le rôle, la charge, et même le devoir, de les pérenniser.

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Jean DelocheBertrand Pancher, comme député, vous êtes à la fois l’élu d’un territoire et le représentant de la Nation toute entière. Vous incarnez donc deux dimensions, l’une verticale, l’autre horizontale. Comment ces deux dimensions peuvent-elles s’articuler sur le plan culturel ?

Bertrand Pancher député de la Meuse Commençons par la philosophie, terminons par l’anthropologie : - La philosophie : une belle définition de la culture serait de considérer qu’elle est une os-mose entre la connaissance et le plaisir, mais une osmose qui donne envie à chacun de se dépasser. En effet la culture ne peut se résumer à la simple connaissance. Il y a des sots savants ! Connaître n’est rien si la connaissance ne permet pas de prendre un certain recul par rapport à ce que l’on connaît ! C’est la possibilité de changer d’avis en fonction des nouvelles rencontres, humaines ou artistiques ! Je crois davantage à « l’infusion » des cultures qu’au « choc » des cultures. Je pense que le monde de demain est un monde d’osmose culturelle, qui permettra à chacun d’évoluer. Ceci est possible à condition que l’on puisse se repo-ser sur des valeurs communes. Le rôle d’outils spécifiques comme l’acb me semble être de favo-riser ces rencontres interculturelles. - L’anthropologie à présent : le département de la Meuse, est on le sait, un département qui a été ravagé, de la guerre de trente ans à la seconde guerre mondiale ; les villages meurtris, les com-munautés se sont recréées à partir d’associations mais avec un risque de repliement sur soi, une peur liée à l’expérience de l’histoire. Pourtant si l’on sait venir vers les meusiens et leur apporter des éléments nouveaux, on se rend compte qu’ils s’engagent et retrouvent l’envie de faire des choses ensemble et avec les autres. Un exemple personnel en dira plus qu’un long discours : ma famille vit sur le magnifique territoire du « Vent des forêts » et je constate que les habitants échan-gent avec les artistes, s’engagent au côté d’eux, parce que ceux-ci ont fait la démarche de venir à leur rencontre. Ainsi, mon père, bénévole au « Vent des forêts », trimbale sur les routes un ar-tiste à mille lieux de sa propre culture, et m’en parle avec passion chaque semaine ! Voilà le résultat positif d’un travail de résidence au plus près des gens et des familles ! Il n’y a plus dans nos campagnes la belle solidarité d’antan, et il

Thibaut Villemin vice-président du Conseil ré-gional de Lorraine en charge de la culture Les scènes nationales lorraines sont les trois pe-tites « pousses » que la Région regarde avec at-tention. Elles font trois choses que les autres ne font pas de la même manière:- La première c’est l’appui à la création. Je re-cevais récemment Marin Karmitz qui anime le conseil à la création et me permettais de lui dire : « la création a moins besoin de conseils que de soutien ! ». Ce soutien est directement financier mais se manifeste aussi par le soutien à des lieux où l’on peut travailler : les scènes nationales sont ces lieux ! J’ajoute que si les créateurs sont sou-tenus par la Région c’est d’abord parce qu’ils sont « bons », ensuite parce qu’ils sont lorrains ! L’intérêt du réseau est aussi de permettre aux ar-tistes talentueux de la région de pouvoir être re-connus et présentés demain à l’extérieur.- Deuxième élément : quand vous venez d’assister à une création dans l’un de ces lieux quelque chose en vous a changé ! Vous êtes plus heureux, plus tristes, vous êtes choqués mais il s’est passé quelque chose ! Ceci est possible parce que les artistes ne créent pas dans un studio mais sur une scène. Et cette créa-tion doit se faire en proximité pour permettre à tous d’en profiter sans avoir nécessairement à faire une heure de voiture. La scène nationale de Forbach est au cœur du bassin houiller, celle de Vandoeuvre au cœur du quartier des Nations et celle de Bar-le-Duc dynamise le territoire rural du sud du département de la Meuse.- Troisième intérêt des scènes nationales : elles s’adressent sur leur territoire d’implantation à des publics très diversifiés : le milieu carcéral, les col-lèges, la population dans sa diversité. On revient à ce travail d’éducation populaire évoquait tout à l’heure. C’est le boulot de collectivités comme les nôtres d’être au rendez-vous du soutien financier mais aus-si de partager ensemble des ambitions pour un lieu comme celui-ci. Pour les scènes nationales ce sou-tien de la Région est d’être l’un des signataires du contrat d’objectifs et de moyens. Ce contrat, préci-sons le, n’est pas une convention ou chacun prétend retrouver ses seuls objectifs. C’est un texte qui dit : « tous ensemble sur un territoire unissons nous pour soutenir un projet singulier présenté par le directeur, lequel affirme une esthétique, une action ». Enfin la Région est aussi là pour manifester son soutien lorsque il arrive, comme cela peut hélas arriver, que l’outil scène nationale soit fragilisé « bousculé » et qu’il faut alors tous se mobiliser.

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des villes moyennes. On a réussi ici, en par-tant de loin, à créer des choses extraordinaires comme cette scène et de défendre en local l’exi-gence et la qualité.

France Rondeau, ancienne Présidente de l’acbJe voulais intervenir sur deux choses : l’évolu-tion de l’acb, née d’une volonté associative, vers une scène nationale, une professionnalisation des fonctions puis vers le label de scène natio-nale nous a un moment désarçonné ! On était plusieurs à être réservés même si nous savions que c’était une condition pour la survie. On s’est consolé en pensant qu’il resterait toujours un peu d’associatif. Notre crainte était d’être « sur ca-dré » par les élus, les financeurs mais aussi par ce « personnage » le directeur culturel, qui détenait le pouvoir de la programmation ! Je ne regrette pas du tout cette évolution !Ma deuxième préoccupation reste entière : il y a encore trop d’éloignement par rapport à un grand public, impressionné, réticent à franchir le seuil du théâtre ou à assister aux spectacles décentra-lisés. Je prendrai l’exemple du spectacle Nos op-timistes d’après Maupassant proposé l’an passé dans les villages : Le thème était assez inacces-sible ! Il a choqué le petit public qui était là ! Je ne demande pas à ce que la culture s’adapte là où l’on est, mais il faut construire des ponts ! Par ailleurs je pose une question à la présidente : qu’en est-il du public de l’acb aujourd’hui ?

Marie-José LedderbogeJe suis donc chargée des chiffres, chère France Rondeau ! Constatons que le public change désormais beaucoup selon le spec-tacle présenté. Forte est la diversité des ori-

est souvent pire d’habiter en milieu rural qu’à la ville. Et bien justement la culture permet de re-créer un lien social et peut aider nos communes de se projeter de nouveau dans l’avenir ! Il y a là un formidable espoir en terme d’aménagement du territoire.

Jean DelocheVous apportez Bertrand Pancher une belle contri-bution au débat ! Une remarque cependant : vous défendez « l’osmose » des cultures contre le « choc » des cultures. Et vous ajoutez que cette rencontre se fait sur la base de valeurs partagées. C’est présupposer qu’il existe des valeurs uni-verselles et pas de simples faits culturels ! Grand débat philosophique ! Mais donnons la parole au public.

Fabrice Moine, abonnéJe suis à la fois enseignant en marketing, chef d’entreprise et membre du bureau de l’acb. Je me suis abonné dès mon arrivée en Lorraine il y a 9 ans ; je suis abonné dans d’autres théâtres et n’hésite pas à me déplacer en France comme à l’étranger pour voir des spectacles. On a dit « la culture c’est faire connaître », puis « faire aimer» ; j’ajouterai « c’est aussi faire agir ! »Faire connaître : on a la chance de ne pas être dans une enclave culturelle, et de voir à Bar- le-Duc les spectacles de même qualité qu’à Pa-ris ou à Lyon... Des spectacles qui échappent à une culture formatée. Faire aimer : le théâtre est une école du spec-tateur ; aimer, ne pas aimer, c’est se forger un goût, développer un esprit critique. Faire agir : un théâtre ça fait venir du public. Comme une gare TGV à proximité fait rester une population qui peut travailler à Paris, une scène nationale dans une petite ville c’est un moyen d’attirer et faire venir du monde ! Je suis venu m’installer et créer mon entreprise à Bar-le-Duc par choix et notamment parce qu’il y a une scène nationale ! Une scène nationale est un outil qui fait qu’une petite ville en mi-lieu rural demeure vivante. Une scène natio-nale rend une ville attractive et la fait rayonner.

Michel Beaudoin, abonnéBar-le-Duc est une ville démographiquement pauvre. J’ai retrouvé un article dans lequel notre ancien maire, Jean Bernard, faisait l’apologie

Théâtre bar-le-duc

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Pas question de le brader. On a refait les éclai-rages exprès pour les salles non équipées. Après chaque représentation on est resté pour parler, discuter, partager avec les gens qui nous ont accueillis.

Jean DelocheDire que les nouvelles de Maupassant sont « choquantes » est une chose, dire qu’elles sont « inaccessibles » en est une autre qui me semble exagérée. Pourtant l’intervention de France Rondeau doit nous obliger à nous interroger : pourquoi la cruauté des nouvelles de Maupas-sant peut-elle choquer un public habitué à re-cevoir via le petit écran des images d’une vio-lence bien supérieure ? Risquons l’hypothèse suivante : le théâtre dit une vérité que l’image, par son trop grand degré de réalité, finit para-doxalement par occulter. La mise en scène de ces nouvelles met à jour une cruauté que chacun porte au fond de lui ; elle montre qu’entre nor-mal et pathologique la marge est souvent indé-cise. Au contraire de la violence télévisuelle qui peut plus facilement être imputée à l’autre ! Et de ce point de vue le théâtre accomplit pleine-ment sa mission de dévoilement ! Par ailleurs ce qui choque le public - si d’aventure il est cho-qué - c’est qu’il s’est forgé à travers les adap-tations proposées par la télévision une image plutôt « lisse » de Maupassant. Le spectacle ne répond pas à son attente et c’est justement ce qui est bien ! En revanche nous avons certainement com-mis une erreur de communication en ne sou-lignant pas assez qu’il ne s’agissait pas d’un spectacle « famille ». Comme Daniel Ber-sweiler, ma conviction est que le travail de dé-centralisation nous oblige non pas à proposer non pas des spectacles différents, mais à être beaucoup plus vigilant en matière de commu-nication et de préparation du public ! J’ajoute qu’au cours de cette saison nous avons pro-posé d’autres spectacles en décentralisation et qu’ils étaient destinés à tous : concert du Trio d’argent dans les églises, spectacle jeune pu-blic Le Roi des corbeaux proposé par la com-pagnie meusienne Les Mots du Vent.

Rémy Chapelain, Directeur des Affaires Cultu-relles de Bar le DucIl a été fait référence aux pilotes de l’éducation populaire qui ont permis la création de l’acb. Ce n’est pas un ha-sard si, un an avant la scène nationale, naissait dans cette

gines géographiques des abonnés : 57 % rési-dent à Bar-le-Duc, 23 % viennent du canton, 18 % viennent du département de la Meuse, 2% résident hors Meuse. Nombreux, aussi, sont les gens qui viennent ponctuellement assister à une représentation. Variée égale-ment l’origine professionnelle des abonnés : si les enseignants ont été longtemps majori-taires et restent encore nombreux (14 %), ce sont aujourd’hui les jeunes qui constituent la plus grande partie du public (30 %). C’est le résultat du travail d’action culturelle ! Certes il y a encore peu de commerçants et d’agri-culteurs (1 %) mais plus de 17 % d’ouvriers et d’employés ! Félicitons nous de cette diver-sité ! Evidemment le pourcentage des retrai-tés augmente (20 %), mais il reflète la réalité démographique du département. Et puis ces retraités sont d’anciens actifs qui demeurent fidèles et vivent sur la ville. Il reste, certes, pour certains l’idée que la programmation est élitiste ! A nous de les convaincre et de les inciter à franchir la porte.

Thibaut VilleminSoulignons que l’acb est « bon » dans la re-cherche du public. Elle est l’un des deux lieux en Lorraine avec « Les amis du théâtre popu-laire » à utiliser au mieux de ses possibilités la Carte Multipass mise en place par la Région et qui permet aux jeunes de profiter de l’offre culturelle. Daniel BersweilerL’idée que le théâtre serait réservé à un groupe d’abonnés est évidemment absurde. Certains soirs, je viens et connais tout le monde, d’autres soirs j’ai le sentiment de ne pas être dans ma ville tant les visages me sont inconnus ! Je confirme que les publics sont très variés. Et c’est tant mieux si de temps en temps on refuse du monde ! France Rondeau a parlé de l’éloignement par rapport à certains publics. L’essentiel est d’accompagner les pu-blics, tous les publics et non pas de trier les spectacles en faisant la part entre ceux qu’on peut présenter en ville et ceux qu’on peut pré-senter dans les villages !

Jean-Thomas BouillaguetOn s’est vite convaincu qu’il fallait jouer le spectacle Nos optimistes dans les villages dans les mêmes conditions qu’à Bar-le-Duc !

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Duc un public venant de communes éloignées. Mais Philippe Lerat va maintenant conclure en pro-posant une synthèse de notre rencontre.

Philippe LeratJe vous livre les impressions ressenties au fil de ces discussions. Je retiens d’abord que le théâtre n’est pas seulement un bâtiment, mais un lieu où les gens se rencontrent, discutent, où les publics varient selon les spectacles, où les générations communiquent. Une scène nationale est un outil favorable aux résidences de création. Un lieu for-tement implanté sur un tissu social qu’il semble irriguer - jusqu’à quel point on ne le sait pas très bien -. Avec un impact sur le territoire. C’est aus-si un lieu qui s’ouvre sur des publics différents - on a souligné la grande réussite de l’ouverture sur des publics scolaires - mais on constate des dif-ficultés à conquérir de nouveaux public adultes - agriculteurs, commerçants, ouvriers…- Cela doit conforter l’idée que cette conquête passe par l’éducation. De nombreux chantiers sont ouverts. Faut-il que les théâtres se déplacent dans les campagnes ? Faut-il amener les spectateurs au théâtre ? Dans quel sens privilégier les choses ? Ne sont-elles pas conjointes ? J’ai vu aussi un chantier qui s’ouvre autour d’une identité, celle du départe-ment de la Meuse. Cette identité ne peut-elle pas se construire autour des choses culturelles ? Mais en ce cas il faudrait davantage les faire connaître...

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ville le Plan Local d’Education Artistique.Soulignons un paradoxe : l’art n’est jamais consensuel ; il est là pour nous interroger, nous choquer. J’opposerai la culture du « choc » à la culture du « toc ». Si l’art devient consensuel, c’est qu’on aura basculé dans une société de pur divertissement ! Mais si l’art provoque, l’art aussi rend citoyen, en ce qu’il aiguise en chacun de nous le sens critique. La confrontation entre artistes enfants et ensei-gnants et pleine de richesse : chacun a à y ga-gner : l’enfant à rencontrer la pratique artistique, la pratique artistique à interroger les pratiques pédagogiques, les pratiques pédagogiques à se confronter aux pratiques artistiques ! Que l’on soit acteur culturel, artiste ou simple spectateur, quel que soit notre âge, nous avons tous un même combat à mener : défendre une culture exigeante, qui nous aide à nous construire, hors de l’unifor-misation des cultures de divertissement.Je voudrais ajouter qu’il importe de défendre la liberté pour un directeur d’une scène nationale de construire en toute indépendance son projet et sa programmation, de faire ses choix, de nous apporter la vision qu’il a momentanément de la création contemporaine. Il est bien tentant pour les décideurs de vouloir intervenir sur la pro-grammation qu’ils contribuent à financer. Lais-sons pourtant la liberté au directeur ! A lui bien-sûr d’entendre et de tenir compte des attentes des collectivités mais à lui de les décliner avec sa sensibilité. Cette liberté a pour corrélat la liberté du spectateur de ne pas aimer tel ou tel spectacle et d’avoir un sens critique.

Madame Malon, adhérenteSi l’on veut garder nos enfants en Meuse une scène nationale est nécessaire : c’est mon fils qui le dit ! Il faut la défendre.

Jean DelocheVous faites allusion à la menace qui a pesé jusqu’à récemment sur dix huit « petites » scènes nationales. Les directeurs des scènes menacées ont mis en avant le fait qu’ils accomplissaient sur des territoires dif-ficiles - certes avec moins de moyens - les mêmes missions que les scènes plus grosses, notamment en matière de création et de résidences d’artistes. Pour notre part nous avons fait valoir que la scène natio-nale de Bar-le-Duc touchait un bassin de population correspondant à peu près au sud meusien : soit près de 60 000 habitants ! Nous avons renforcé nos actions de décentralisation, construit avec le département un projet « bus pour le théâtre » qui draine vers Bar-le-