académie n°9 24/10/03 12:20 page 1 la lettre a n 9 ... · 3 dossier étoiles a permis d’en...

20
la lettre n 0 9/automne 2003 de l’ A cadémie de s s cience s Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Astronomie Académie n°9 24/10/03 12:20 Page 1

Upload: trinhtuyen

Post on 14-Sep-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

la lettre n0 9/automne 2003

de l ’Académie des sciences

Astronomie

AstronomieAstronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

AstronomieAstronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Astronomie

Académie n°9 24/10/03 12:20 Page 1

EditorialLa Neuroscience est une des disciplinescentrales de la Biologie. Avec la biologiecellulaire qui explore la structure et le fonc-tionnement de l’unité de base de tout êtrevivant et la biologie du développement quitente d’éclairer les mystères de la genèsedes organismes à partir d’une cellule, rienn’est plus essentiel pour l’homme que decomprendre comment fonctionne son

cerveau, cet organe, encore très largementénigmatique, qui lui donne un pouvoirinégalé sur la nature, sur la planète qu’ilfinira peut-être par rendre inhabitable.Étudier le cerveau est d’autant plus exci-tant que nous disposons aujourd’hui pourle faire de moyens jamais égalés.La biologie moléculaire, la génétique avecla séquence complète du génome humainsont à la disposition des chercheurs quiétudient le développement, la maturationet le fonctionnement du cerveau. Lesapports de la physique et de l’informatiquepermettent d’explorer par l’image, et entemps réel, l’activité de zones centraleslors de démarches sensorimotrices etcognitives précises. Ces informations,inimaginables il y a seulement vingt ans,qui peuvent être obtenues chez l’hommed’une manière ni invasive, ni traumatique,ouvrent une voie d’exploration du cerveauremarquable à bien des égards. En effet,l’imagerie cérébrale fournit des informa-tions d’ordre à la fois anatomique et méta-bolique. Elle concourt à établir une «carto-graphie » du cerveau qui révèle la ségré-gation fonctionnelle des réseaux neuro-naux impliqués dans l’accomplissementde tâches définies. En cela, elle complèteremarquablement les données fournies

par l’anatomie microscopique classiqueet par l’électrophysiologie, de même qu’ellepermet d’établir un lien avec la neuropsy-chologie et l’étude du comportement.L’électrophysiologie a joué, au cours duvingtième siècle, un rôle majeur dans laconnaissance du fonctionnement desneurones, et des synapses. Elle permetaujourd’hui d’aborder un aspect plusglobal de la physiologie du systèmenerveux: le fonctionnement intégré desréseaux neuronaux. Il devient ainsipossible, à partir des activités coordon-nées d’assemblées de neurones, de voirémerger des propriétés collectives liées àdes comportements complexes chezl’animal vigile et notamment chez lesPrimates.

Ce type d’analyse, on le comprend, vise àmettre en évidence l’organisation fonc-tionnelle du cerveau à un niveau intégré,macroscopique. On se rapproche ainsi dela réalité fonctionnelle responsable desactivités cognitives, telles que la con-science, la mémoire et les apprentissagesavec pour horizon la compréhension desmécanismes qui sous-tendent une fonc-tion propre à l’homme: le langage articulé.Comment se situe la France dans l’essorincomparable que connaît aujourd’hui larecherche en biologie et particulièrementen neuroscience dans les pays où se faitla science?Dès les années 1950, grâce à l’action cibléede la DGRST, «Dynamique du neurone»,les neurosciences se sont remarquable-ment développées en France. Les travauxfrançais ont contribué à établir desdonnées désormais classiques concer-nant la synapse tant au niveau structuralqu’à celui des mécanismes élémentairesde la transmission de l’influx nerveux; ilsont joué un rôle important dans la mise enévidence des réseaux neuronaux intracé-rébraux et ont contribué à la promotion demodèles d’invertébrés qui se sont révélésféconds. C’est en France que le premierrécepteur synaptique à un neurotrans-metteur (le récepteur nicotinique à l’acé-tylcholine) a été identifié et purifié. Cettedécouverte fut à l’origine d’une voie derecherche particulièrement fructueuse.Les chercheurs français ont occupé uneplace de choix lorsqu’il devint possibled’établir le rôle des neuropeptides et deneuromédiateurs comme la dopamine, lasérotonine. Ils ont produit des travaux detout premier plan concernant les activitésélectriques de base du cerveau en état deveille et de sommeil. C’est en France qu’aété découvert le sommeil dit «paradoxal»qui accompagne le rêve. Notre pays a doncoccupé une place d’excellence dans la

compétition internationale dans ce qu’ilest convenu d’appeler aujourd’hui laphysiologie fonctionnelle cognitive.Une Société française de neurosciencescompte quelques deux mille adhérents;elle s’appuie sur environ trois centcinquante laboratoires spécialisés auCNRS, dans les Universités, à l’INSERM,à l’INRA et dans le département dessciences de la vie du CEA.Cela constitue une réserve de talents et decompétence qui devrait servir de noyaupour un nouveau départ dans les nouvellesdirections des neurosciences intégrativeset fonctionnelles.Mais, s’il est vrai que les États-Unis, l’Alle-magne et le Japon par exemple ont pris leparti de développer vigoureusement ces

nouvelles orientations,rien de tel ne s’est produiten France. Malgré lesefforts de quelques grou-pes d’avant garde, cesnouvelles orientationsn’ont pas reçu le support

qu’elles méritent. Il s’en est suivi un déclindes études consacrées aux grandes fonc-tions du cerveau, au codage et au traite-ment des informations sensorielles, à lamémoire, aux états de vigilance, aux méca-nismes qui sous-tendent les actions coor-données, etc…Or l’allongement de la durée de la vie, ainsique diverses maladies neurodégénéra-tives s’accompagnent des dérèglementsmajeurs de ces fonctions. Contre ceux-ci,la médecine reste encore impuissante. Audéficit de recherche fondamentale s’ajoutedonc un manque de recherches cliniques,pharmaceutiques et biotechnologiques.Le comité RST qui a fonctionné cesdernières années a commandé un rapportdestiné à une mise au point sur les problé-matiques nouvelles et sur l’état de larecherche en neuroscience en France. Cerapport, rédigé par d’éminents spécialistessous la responsabilité de notre confrèreHenri Korn, va paraître dans le mois quivient. Il apportera une documentation richeet exhaustive sur les problématiquesactuelles et les moyens disponibles pourles aborder. Il ne se borne pas à l’aspectscientifique de la question mais évoqueaussi les problèmes posés par l’incidencecroissante, dans la population, des mala-dies neurodégénératives. Du point de vuescientifique, il prend acte des points fortset des déficits de notre recherche.Alors qu’il met en évidence un regrettabledéclin des réalisations françaises en neu-roscience, il formule des recommanda-tions claires et précises pour y remédier.L’intérêt que l’Académie des sciences porteà ce domaine se manifestera aussi par l’or-ganisation d’un Colloque international quise tiendra à l’Institut de France les 10, 11et 12 mai 2004 �

par Nicole Le Douarin

Secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, professeur honoraire au Collège de France.

SommaireÉditorialLe cerveau, un enjeu majeur pour le 21ème siècleNicole Le Douarin

page 2

DossierUne astronomie foisonnantePierre Léna

page 3Les planètes extrasolaires Michel Mayor

page 6Les outils de l’observationGuy Monnet

page 8Un univers de galaxies, dont nous sommesDanielle Alloin

page 10Cordes, particules et cosmologie: un avant Big Bang est-il concevable?Entretien avec Gabriele Veneziano

par Paul Caro

page 12Vers une éthique de l’espaceAlain Pompidou

page 14

Question d’actualitéExploitation et surexploitation desressources marines vivantesLucien Laubier

page 15

La vie des séancesLes oscillations des neutrinos: une fenêtre vers une nouvelle physiqueJean Iliopoulos

page 17La souris génétiquement modifiéecomme modèle d’études de la fonctiondes gènes ainsi que de pathologieshumainesEmiliana Borelli

page 17

La vie de l’AcadémieLa DRI, 1995-2003Yves Quéré

page 18Fondation Louis D.page 19La grande médaille d’or 2003 de l’Académie des sciencespage 19

Carnetpage 20

Le cerveau, un enjeu majeurpour le 21ème siècle

2

la lettre n0 9 / automne 2003

de l ’Académie des sciences

Académie n°9 24/10/03 12:20 Page 2

3

Dossier

étoiles a permis d’en mesurer les dis-tances. Avec des valeurs exprimées enmillions d’années-lumière, de vertigi-neuses profondeurs d’espace et detemps se sont ouvertes. Par la fuite ob-servée de quelques dizaines de ces ga-

Par Pierre Léna 1

Plaçons-nous un instant au milieu dusiècle passé, il y a cinquante ans. Lesgermes de cette révolution sont en place.Les univers-îles imaginés par ImmanuelKant ont pris corps dans les photogra-phies de galaxies, l’identification de leurs

1 Membre de l’Académie des sciences, professeur à l’université Denis Diderot.

Une astronomiefoisonnante

laxies, Edwin Hubble avait découvertvingt ans plus tôt l’expansion de l’uni-vers proche, entraînant par cette obser-vation capitale l’essor d’une cosmologiejusque-là confinée à des spéculations.Peu après, en comprenant la fusion

Vous nous faites rêver ! Que de conversations, de conférences, de soirées devant le ciel qui se terminent par ce

commentaire! De Cyrano à Fontenelle, de Pascal à Laplace, d’Arago à Camille Flammarion, de Carl Sagan à Hubert

Reeves, cet immense espace du ciel ne cesse de séduire l’imagination des foules comme celle des savants. Toute

une génération a grandi avec l’image de la Terre, photographiée par les astronautes d’Apollo, se levant sur l’horizon lunaire.

Au-delà des connaissances scientifiques, cette image portait en elle une interrogation profonde sur la place qu’occupe

dans l’univers notre petite Terre et la fragile humanité qu’elle porte, sur notre singularité ou notre banalité. A cette

interrogation, le siècle écoulé n’a apporté aucune réponse définitive, mais il en a révolutionné presque totalement le cadre

de pensée, le décor et les arrière-plans, il a transformé ce petit cachot où [l’homme] se trouve logé cher à Blaise Pascal.

Le Docteur Festus de Rodolphe Töpffer.

Académie n°9 24/10/03 12:20 Page 3

nucléaire de l’hydrogène, Hans Betheavait identifié la source d’énergie desétoiles, sur la nature de laquelle avaientbuté les plus grands physiciens du XIXème

siècle. Au même moment GeorgesLemaître formulait correctement lacosmologie d’un atome primitif, quideviendra le big-bang. Quant à notresystème solaire, ses planètes à lacomposition incertaine n’étaient connuesque par des images floues, l’histoire desa formation demeurait largement uneénigme. Newton avait fait un aveu de sonimpuissance: « Le hasard aveugle n’au-rait jamais pu conduire à des planètesse mouvant dans le même sens sur desorbites coplanaires… une si merveilleuseuniformité ne peut être que le résultatde la providence ». Faute d’autres preu-ves, seule la puissante intuition deLaplace sur une nébuleuse primitivepouvait guider la réflexion.Pourtant une révolution silencieuse, néechez les physiciens, avait grandi avecle siècle et allait donner à l’astrophysiquele plus vigoureux élan de sa longuehistoire. La mécanique quantique avaitcréé l’outil nécessaire pour comprendrel’organisation intime de la matière, etson interaction avec la lumière. La rela-tivité générale avait totalement trans-formé la compréhension de la gravita-tion: or matière, lumière et gravitationsont les trois acteurs dont le jeu mutuelbâtit la quasi-totalité des phénomènescosmiques et ce que nos instrumentsnous en révèlent. Il fallait encore ajouterune formidable hypothèse, sur le succèsde laquelle on ne s’interrogera jamaisassez: de même que Newton avait inférél’universalité de la gravitation de l’actionentre la Terre et la Lune, de même l’astro-

physique contemporaine suppose quela physique a les mêmes lois toujours etpartout dans l’univers. Tout était prêtpour prévoir, interpréter, guider les ob-servations.Encore fallait-il en faire, puisque fauted’expérimentation directe, l’astronomiene se nourrit que d’elles! La paix de 1945permit l’ouverture du télescope opti-que californien de 5 mètres au MontPalomar; le développement du radar,né pendant la bataille d’Angleterre,suscitait la radioastronomie, qui multi-plia aussitôt les découvertes; enfin, lecontexte de la guerre froide allait en-traîner la course à l’espace.

Armée de solides bases physiques etd’un irrésistible élan technologique, l’astro-physique était désormais mûre pour unnouvel âge d’or, celui des années 1950-2000 dont tout indique qu’il n’est pas prèsde s’achever.Durant ces années, la puissance desmoyens d’observation a conduit à ladécouverte de toutes sortes d’objets etde phénomènes dont l’existence, parfoisprédite, semblait défier toute confirma-tion par l’observation: c’est ainsi qu’auxclassiques étoiles et planètes se sontajoutés les étoiles à neutrons ou pulsars,les trous noirs, les disques et jets d’ac-crétion, les exoplanètes, les noyaux actifsde galaxies, les sursauts gamma, lesgalaxies ultra-lumineuses infrarouges,les cocons de formation d’étoiles, lesmirages gravitationnels, l’émission d’on-des gravitationnelles, le fonds de rayon-nement cosmologique… Chacun d’entreeux ouvre une nouvelle page du grandlivre d’images du cosmos, chacun d’en-tre eux est matière à de subtils déve-loppements de la physique, qui trouvedans l’univers un laboratoire où toutesles conditions de température, de pres-sion, de gravité, où n’importe quelleséchelles de temps ou d’espace se ren-contrent.Dans notre système solaire, exploré àbout portant par les sondes spatiales, lesdécouvertes ont totalement modifié, ouplutôt créé, le paysage d’aujourd’hui :Saturne était la seule à posséder unanneau, Jupiter, Uranus et Neptune enont acquis. Jupiter avait 12 satellitesconnus, il en a aujourd’hui 61. Les volcansd’Io, les glaces et peut-être les océansd’Europe, la surface de Titan, les noyauxcométaires faits de neige et d’hydrocar-bures, le mouvement chaotique d’Hy-perion, l’érosion fluviatile sur Mars sontautant de découvertes qui dessinent uneextraordinaire diversité. Au-delà de l’or-bite de Neptune, dans la ceinture deKuiper, des centaines d’objets primitifs,dont les plus massifs atteignent la taillede la Lune, complètent désormais notresystème planétaire. Aujourd’hui comprisedans ses grandes lignes, l’histoire denotre système solaire, vieux de près decinq milliards d’années, est écrite dansces objets, dans la proportion d’isotopesde leurs atomes, dans la diversité deleurs paysages criblés d’impacts météo-ritiques, dans la surface de rochesbombardées par le vent solaire.La fascination de nos contemporains seporte naturellement vers la cosmologieet les questions d’origine. Nous dispo-sons aujourd’hui d’un solide modèle –appelé standard- pour décrire unUnivers évoluant sur 13,7 milliards d’an-nées, partant d’un état dense et chaud

qualifié de big-bang, formant des ga-laxies puis des étoiles, enfin des planètesautour de celles-ci. Avec ce modèle s’estimposée la conception majeure d’unUnivers en évolution, qui est loin d’allervers la mort thermique que lui prédisaittrop rapidement la thermodynamiquedu XIXème siècle. Tandis que l’expansiondilue progressivement, et peut-être indé-finiment, matière et rayonnement dansl’espace, l’accrétion gravitationnelle necesse de produire des îlots d’entropiedécroissante, où naît la complexité desstructures, celle des molécules et de leurorganisation. Un scénario convaincant,validé par des mesures de plus en plusprécises, décrit désormais la formationdes protons et des neutrons à partir dela soupe primitive de quarks, puis cellede l’hydrogène et de l’hélium et enfin,dans le cœur des étoiles et par réactionsnucléaires, celle de la centaine d’élé-ments chimiques du tableau périodique.Nous savons désormais d’où viennentces atomes d’oxygène, de carbone oud’azote dont est fait notre corps, qui selonla belle formule d’Hubert Reeves estlittéralement poussière d’étoiles.Le milieu interstellaire, cet espace quiau sein des galaxies sépare les étoiles,s’est révélé d’une étonnante richesse.Les nuages de gaz et de poussières quile constituent sont en constante trans-formation, sous l’effet de l’omniprésentegravitation et sous celui du rayonnementstellaire dans lequel ils baignent. Lachimie qui s’y déroule à l’échelle dequelques mois-lumière conduit à laformation de molécules -on en connaîtplus d’une centaine parfois riches deplusieurs dizaines d’atomes-, d’agré-gats moléculaires comme le fullérène,de cristaux de glaces d’eau ou d’ammo-niaque mais aussi de nanodiamants.L’image de la nébuleuse de l’Aigle, avec

ses « piliers de la création », prise vers1990 par le télescope spatial Hubble etpartout diffusée, est sans doute l’une desplus belles, des plus évocatrices aussi,avec ses nuages en colonnes de matièresombre qui, sous le feu bleuté desprojecteurs stellaires qui les entourent,prennent des fluorescences opales. Laformation d’étoiles s’y déroule suivantun scénario dont les grandes étapes sontdésormais comprises, grâce au déve-loppement de l’observation dans l’infra-rouge. Au sein de ces nuages, en quel-ques centaines de milliers d’années, undisque se condense progressivement,une ou plusieurs étoiles surgissent enson centre, tandis que la matière quisubsiste donne naissance à leur cortègeplanétaire, où se condensent les molé-cules.A partir de 1995, la découverte d’exo-planètes – planètes en orbite autourd’autres étoiles que notre Soleil, a étél’un des couronnements du vingtièmesiècle astronomique, et une ouvertureen beauté pour le suivant. Situées dansnotre banlieue galactique, leur nombreconnu dépasse aujourd’hui la centaine,toutes sont massives comme Jupiter ouSaturne car seules celles-ci sont percep-tibles à des instruments encore trop peusensibles.Au mitan du XXème siècle, on sait que lafusion nucléaire au cœur des étoiles estleur source principale d’énergie, trans-portée ensuite dans l’univers par leurlumière. Mais le rendement de cetteconversion est faible : à l’issue de sesquelques neuf milliards d’années derayonnement, le Soleil n’aura transforméen lumière qu’à peine un pourcent de samasse! Avec la découverte des quasars(1963) et celle des noyaux actifs degalaxies est apparu un autre mécanismede transformation d’énergie, bien plus

Dossier

4

Sur le sol de la planète Mars, l’ombre de son satel-lite Phobos défile sur des dunes de sable clair ousombre. Les éclipses de soleil sont fréquentes surMars. Photo Jet Propulsion Laboratory, NASA.

Projet de mission spatiale pour la détection des ondes gravitationnelles, vers 2020. Trois satellites indé-pendants sont placés dans l’espace, formant un triangle équilatéral de 5 millions de km de côtés. Leurdistance est constamment mesurée par laser et le passage d’une onde gravitationnelle modifie cettedistance d’une quantité minuscule, mais mesurable. Dessin : Agence spatiale européenne

Académie n°9 24/10/03 12:20 Page 4

vont toutes vers la recherche d’unethéorie unifiée de l’univers, qui dérive-rait ses propriétés et celles de ses objetsles plus exotiques, tels les trous noirs,sans faire appel à des ingrédients juxta-posés (gravitation, force électrofaible,force nucléaire, mécanique quantique).

L’histoire de l’astronomie, et singulière-ment celle des dernières décennies,nous apprend que l’univers recèle,comme Hamlet le disait à Horatio, biendavantage que nous ne sommes capa-bles d’en imaginer. Aussi la balle revient-elle dans le camp de ceux que Saint-John Perse appelait les opticiens en cave

et les philosophes polisseurs de verre,ceux qui construisent des télescopes:non seulement les miroirs hectomé-triques qui quitteront bientôt les bureauxd’étude pour collecter la lumière depuisles déserts du globe, mais encore cesdétecteurs, qu’on peut bien appeler aussitélescopes, éparpillés sur des millionsde kilomètres dans l’espace à l’affût desondes gravitationnelles ou disposés aufond des mers pour y traquer lesneutrinos. Dans quelques décenniespeut-être, doté de toutes les ressourcesd’une technologie aux perfectionne-ments incessants, l’homme découvrira-t-il que son image du monde étaitincroyablement rudimentaire? �

5

un événement exceptionnel voire unique?Comme le remarque Martin Rees, mêmesi notre Terre était la seule à porter la vie,les quelques milliards d’années qui res-tent à cette Terre et à ses humains lais-sent encore bien des portes ouvertes àleur évolution et à leur dispersion éven-tuelle dans la Galaxie, au vu du peu detemps qu’il fallut pour passer desprimates à Michel-Ange, François d’As-sise ou Einstein.La seconde question, celle qui attire etpassionne les meilleurs étudiants et tantdes meilleurs physiciens, ne pèche guèrepar modestie: il s’agit d’affiner la cosmo-logie au point de disposer d’une descrip-

tion, aussi complète et aussi privée d’ar-bitraire que possible, de l’univers entierdans ses états passés et actuels. Leterme « univers entier » est ici terrible-ment ambigu: s’agit-il de l’univers ob-servé, de l’univers éventuellementobservable, ou bien de tout ce dont leslois de la physique autorisent ou pres-crivent l’existence, que nous l’observionsou non? L’idée d’univers parallèles oumultivers ouvre à des vertiges d’inter-rogations: notre coin d’univers, avec sonbig-bang local, serait alors aussi provin-cial pour l’ensemble que notre systèmesolaire l’est pour les autres systèmesplanétaires. Les théories de super symé-trie, l’existence de cordes cosmiques

Dossier

C’est alors qu’appuyé du menton à la dernière étoile, il voit au fond du ciel de grandes chosespures qui tournent au plaisir. Saint-John Perse

Les Pléiades.

Mission Darwin de l’ESA.

efficace: la conversion directe, en rayon-nement lumineux, de l’énergie gravita-tionnelle que libère une masse de ma-tière tombant en chute libre vers le cœurdense d’une galaxie. Produisant desrayonnements couvrant toute l’étenduedu spectre électromagnétique, ces phé-nomènes d’accrétion gravitationnelle,violemment non linéaires, mobilisenttoute l’énergie des physiciens pour lescomprendre et les modéliser. Au pas-sage, l’observation de ces rayonnementsa conduit à attribuer aux galaxies dontils sont issus un cœur si massif et sicompact qu’il ne peut être constitué qued’un trou noir, d’une masse égale àplusieurs millions de fois celle du Soleil.La matière y est dans un état que laphysique ne sait pas encore décrire, nullelumière ne peut s’en échapper, et seull’environnement du trou noir violemmentperturbé par sa gravité est détectablepar l’observation.

Qu’attendre désormais de l’astronomie?Quelles interrogations demeurent aprèsl’exceptionnelle moisson des cinq décen-nies écoulées, après la réussite du modèlestandard de la cosmologie?La première question, celle qui touche auplus près nos représentations du mondeet de nous-même, est sans doute celle dela vie dans l’univers. Avec la découvertede la première exoplanète en 1995, uneinterrogation plus que millénaire estentrée dans le domaine de la connais-sance scientifique. Même si détecter voirefaire l’image de planètes semblables à laTerre, dotées d’eau liquide, n’est sansdoute plus qu’une question d’années, rienne nous permet d’y affirmer la présencecertaine ou probable de vie, a fortiori devie consciente. La vie est-elle un déploie-ment naturel de la combinatoire molécu-laire dès lors que les conditions physiquesadéquates sont réunies – une éventualitébien satisfaisante pour la raison-, ou bien

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 5

Dossier

par Michel Mayor 1

La pluralité des mondes, déjà hypo-thèse des philosophes grecs, est

devenue un domaine vigoureux de l’as-tronomie d’aujourd’hui. Au cours des huitdernières années, quelques 120 planètesont été découvertes en orbite autourd’étoiles analogues de notre Soleil. Bienque ces découvertes aient considérable-ment stimulé la communauté des astro-nomes et le grand public, il faut remar-quer que la détection de planètes extra-solaires était attendue, celles-ci étant unsous-produit supposé de la formationstellaire. L’effondrement gravitationneldes nuages de matière interstellaireimplique une augmentation de plus de1020 de la densité du gaz pour atteindrela densité moyenne d’une étoile. Frag-mentation du nuage et turbulence sontles ingrédients de la forte rotation propredes étoiles jeunes mais aussi de laformation de structures à même d’ab-sorber l’excès considérable de momentcinétique du gaz en contraction. On sait,par exemple, que plus de 60 % des étoilesde masse voisine de celle de notre Soleilsont dans des systèmes stellairesmultiples (étoiles binaires pour laplupart).

Les étoiles jeunes sont aussi connuespour être entourées dans leur immensemajorité de disques de matière en rota-tion (gaz et poussières). Ces disques

(fig. 1) ont été, par exemple, détectésautour des étoiles nouvellement forméesdans la nébuleuse d’Orion, site d’intenseformation stellaire. Ces disques d’ac-crétion de gaz et poussières disparaî-tront en quelques millions d’années, uneéchelle de temps courte comparée parexemple aux quelques 4600 millionsd’années du Soleil.

Proposé dans les années 1950 par lephysicien russe Safronov, le scénariostandard de la formation planétaire estcelui de l’agglomération graduelle departicules de poussières ou de grains deglace; agglomération qui formera gra-duellement des planétésimaux de taillescroissantes puis des planètes. La forma-tion des planètes géantes gazeuses, dansun tel scénario, implique une formationrapide, pendant la durée de vie du disque

6

La faiblesse relative de l’éclat d’uneplanète comparé à celui d’une étoile (10-9

si on compare Jupiter au Soleil), combinéà leur proximité angulaire sur le ciel rendla détection directe très difficile. Unedémarche directe qui, pour l’instant, n’apas donné de résultat. La recherche desexoplanètes s’est donc orientée vers desdémarches indirectes, en premier lieules méthodes visant à mettre en évidencele mouvement de l’étoile autour du centrede gravité du système étoile-planète.

La recherche de l’oscillation de la posi-tion de l’étoile sur la voûte céleste, tentéedepuis le sol dès le milieu du 20ème sièclen’a pas donné de résultat. Par contre,la variation de la vitesse stellaire, me-surée via l’effet Doppler, a permis la dé-couverte de quelques 120 planètes (ousystèmes planétaires).

Le développement de spectrographes etde méthodes spécifiques a permis lamesure des variations des vitesses stel-laires avec une précision de l’ordre d’unmètre par seconde, soit donc un déca-lage relatif des raies spectrales stellairesde quelques 10-9. En 1995, la découverteà l’Observatoire de Haute-Provence,d’une planète de masse jovienne enorbite autour d’une étoile similaire à notreSoleil, l’étoile 51 Pégase, a été toutd’abord la confirmation de l’existence deplanètes extrasolaires mais elle a étésurtout à l’origine d’une rediscussion desmécanismes de formation planétaire. Eneffet, la période de révolution de cetteplanète de 4,23 jours semblait en contra-diction avec la formation attendue desplanètes géantes gazeuses au-delà de 5 UA (la limite de sublimation des grainsde glace dans le disque d’accrétion).

Ce fut l’occasion de redécouvrir lestravaux théoriques qui prédisaient uneforte interaction gravitationnelle entre laplanète nouvellement formée et le disqued’accrétion. Cette interaction gravita-

1 Associé étranger de l’Académie des sciences, directeur de l’Observatoire de Genève.

Les planètesextrasolaires

Fig. 1: Disques de matière, appelés proplyds, observé par le Hubble Space Telescope dans le nuage inter-stellaire d’Orion. Les disques sont orientés au hasard dans l’espace et donc vus sous des angles diffé-rents.

d’accrétion. Si l’agglomération de parti-cules de glace à 5 unités astronomiques,ou au-delà, est capable de fournir unnoyau de quelques 10 masses terrestresalors l’attraction gravitationnelle devientsuffisante pour capturer une enveloppegazeuse au dépend du disque d’accré-tion et, par là, atteindre rapidement desmasses planétaires analogues à celle deJupiter, soit ~10-3 masse du Soleil ou ~300masses terrestres. Le scénario d’agglo-mération décrit ci-dessus n’est pas leseul qui ait été proposé pour la forma-tion planétaire. Certains chercheursactuels explorent la possibilité de laformation planétaire par instabilitésgravitationnelles du disque d’accrétionlui-même. Dans les deux cas, les planè-tes apparaissent comme des sous-produits, probablement fréquents, de laformation stellaire.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 6

7

tionnelle a une échelle de temps nette-ment plus courte que la vie du disqued’accrétion. Elle produit une migrationorbitale et une évolution de l’excentricitéde l’orbite. Si les grandes lignes de cephénomène sont admises, ce sujet resteencore ouvert sur de nombreuses ques-tions. En particulier on observe une accu-mulation de planètes (dites "Jupiterchauds") sur des orbites ayant despériodes comprises entre 3 et 5 jours.Quelle est la nature du ou des méca-nismes susceptibles de stopper la migra-tion?

Si l’on devait résumer en une phrase l’im-pact de ces premières découvertes, ilfaudrait mentionner la diversité dessystèmes exoplanétaires. Avant 1995, onne disposait que d’un modèle de systèmeplanétaire, notre propre système solaireavec ses planètes géantes gazeuses au-delà de 5 UA et ayant des orbites quasicirculaires. Les systèmes exoplanétairesnous révèlent une tout autre réalité avecdes planètes géantes gazeuses ayant desorbites comprises entre 2,5 jours etplusieurs années, des excentricités orbi-tales parfois très élevées et des massesaussi fortes que 10 à peut-être 20 foisla masse de Jupiter.

L’analyse des propriétés statistiques desexoplanètes, distribution des élémentsorbitaux et distribution des compositionschimiques des étoiles hôtes, sont autantde contraintes pour l’élaboration et lestests des scenarii de formation plané-taire. Parmi ces propriétés mentionnonspar exemple la très forte corrélation entrela composition chimique des étoiles detype solaire et la probabilité qu’elles aientune planète géante. La netteté de la rela-tion observée (presque un effet de seuil)est surprenante. Il semble que l’existencede cette relation liant la présence deplanète géante à la composition chimiquede l’étoile ne puisse s’expliquer par unmécanisme d’accrétion de matière enri-chie en éléments chimiques lourds dansl’atmosphère stellaire mais résulte de lacomposition primordiale du nuage inter-stellaire. Il est évident que la formationplanétaire via un scénario d’aggloméra-tion de poussières et/ou grains de glaceest d’autant plus efficace que leséléments chimiques constitutifs de cesgrains sont abondants. Par contre, unetelle observation semble difficilementcompatible avec le scénario de forma-tion planétaire par instabilité gravita-tionnelle du disque d’accrétion.

Parmi les systèmes planétaires décou-verts, une dizaine abritent deux voire troisplanètes géantes. Si certains systèmessont fortement hiérarchisés avec ungrand rapport de périodes, d’autres sontconstitués de planètes avec des orbitesrésonnantes. Un exemple de tel systèmeest illustré sur la (fig. 2) Les fluctuations

Peut-on évaluer les étapes prochainesdes découvertes dans le domaine dessystèmes planétaires? Il suffit toutd’abord de remarquer que toutes lesplanètes détectées à ce jour ont desmasses supérieures à environ 30 fois la masse de la Terre (~0,1 masse deJupiter). Si nous commençons à entre-voir les propriétés et les fréquences d’oc-currence des planètes géantes gazeuses,par contre, tout est à découvrir pour cequi est des planètes telluriques, cesplanètes rocheuses analogues de laTerre. La spectroscopie Doppler n’est pasà même de détecter de telles petitesplanètes (la limite n’est pas instrumen-tale mais provient des instabilités etanisotropies des surfaces planétaires quilimitent la précision accessible). Laméthode la plus prometteuse pour ladétection des planètes telluriques estcelle des transits planétaires. Un Jupiterpassant devant le disque d’une étoile detype solaire induit une baisse de 1 % deson éclat. Le transit de l’analogue d’uneTerre ne fera baisser la luminosité stel-laire que de 10-4. Une telle baisse infimede la luminosité n’est pas mesurable autravers de l’atmosphère terrestre maispeut l’être depuis l’espace. Une premièreopportunité de telles découvertes seprésentera avec la mission spatialeCOROT que lancera le CNES en 2005. Desmissions spatiales similaires mais plusambitieuses telles la mission KEPLER(NASA) ou la mission EDDINGTON (ESA)seront lancées en 2007 et 2008 respec-tivement. La durée (plusieurs années),le nombre d’étoiles mesurées (plus de105) et la sensibilité de ces instrumentssont autant d’atouts pour la détection demilliers de planètes dont, on l’espère,plusieurs dizaines de planètes telluriquesdans la zone habitable, c’est-à-dire desplanètes telles que la température à leursurface soit adéquate pour le dévelop-pement éventuel de la chimie de la Vie.

En parallèle à ces missions spatialesvisant la détection des analogues de laTerre, d’importants développementsd’instruments visent à réaliser des ima-ges (et donc des spectres) d’exoplanètes.L’interféromètre du Mont Paranal, déve-loppé par l’ESO, contribuera d’ici quelquesannées à cette recherche mais il estcertain que l’espace sera à même d’of-frir de plus amples possibilités. L’ima-gerie des exoplanètes sera un thèmecentral des observations du successeurdu Hubble Space Telescope et des inter-féromètres spatiaux en cours d’étude, telcelui de la mission DARWIN de l’ESA.Cette mission vise non seulement l’ima-gerie des exoplanètes mais encore àanalyser leur spectre atmosphérique etpar là à chercher des signatures chimi-ques du développement de la Vie. Unenjeu enthousiasmant pour une questionqui déborde du cadre de l’astronomie:sommes-nous seuls dans l’Univers? �

de la vitesse de l’étoile HD82943 indiquentla présence de deux planètes telles queleurs périodes sont dans un rapport trèsproche de deux. La constitution desystèmes exoplanétaires résonnants sefait lors de la migration orbitale induitepar l’interaction avec le disque d’accré-tion.Lors de la découverte de la planète enorbite autour de 51 Pégase, s’est poséela question de la nature physique de cetétrange objet ayant une masse joviennemais une période de seulement 4,2 jours.Pour ces systèmes à très courtes pério-des, donc ayant des demi-grands axesde l’ordre d’une dizaine de rayons stel-laires, la probabilité de transits plané-taires est de l’ordre de 10 %.

Dossier

Le 9 septembre 1999, le premier transitexoplanétaire était observé apportant parlà même la preuve que ces "Jupiterschauds" étaient bien des planètesgéantes gazeuses. En effet, l’analyse dela courbe de l’éclat de l’étoile révèle unedépression de l’ordre du pour cent quinous donne immédiatement accès aurayon planétaire et, par là, à la densitémoyenne de la planète.

Ce transit planétaire a été l’occasion denombreuses mesures complémentai-res. Des mesures qui ont, par exemple,permis l’estimation de la teneur ensodium dans l’atmosphère de la planèteet du taux d’évaporation de cette atmo-sphère.

Fig. 2: Variation, jour après jour, de la vitesse radiale (en km/s), par rapport à la Terre, de l’étoile HD82943:ces oscillations sont dues à la présence de deux planètes de périodes orbitales différentes, dont la courbepermet de fixer les masses.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 7

seule une faible fraction est observableà partir du sol terrestre, essentiellementle domaine optique de 0,3 �m delongueur d’onde à 1 �m, prolongé pardes fenêtres infrarouges, plus le domaineradio de 0,6 mm environ à une trentainede mètres. L’utilisation de plateformesspatiales donne, elle, accès au spectreentier. Elle est irremplaçable pour lesdomaines "exotiques", rayons gamma,rayons X, ultraviolet, infrarouge moyenet lointain, non accessibles du sol. Elleoffre aussi des images parfaitementpiquées en l’absence de turbulenceatmosphérique, alors qu’au sol unequalité d’image de 0,5 seconde d’anglecorrespond déjà à une bonne nuit sur unsite astronomique excellent et qu’il estexceptionnel d’atteindre 0,2 seconded’angle. Enfin, l’absence de nuages et decycles nycthéméraux permet des obser-vations continues de très longue durée.

8

Dossier

par Guy Monnet1

Science d’observation par excellence,l’astrophysique s’appuie sur des

moyens d’investigation de plus en pluspuissants. Pour collecter la lumière, leurprincipale source d’information, et établirles propriétés physiques des objetscélestes observés, les astronomes utili-sent des télescopes, suivis d’instrumentsqui analysent cette lumière. Des logicielsélaborés coordonnent les observations,de la préparation à la collecte et au trai-tement de données. En outre naît aujour-d’hui une astrophysique non photoniqueoù l’on détecte des particules cosmiques,des neutrinos, bientôt des ondes gravi-tationnelles. Il existe enfin une approcheoù des astres sont simulés dans un ordi-nateur: on peut par exemple suivre l’in-teraction entre deux galaxies en collision,rajoutant une dimension expérimentale,fût-elle virtuelle, à la pure observation.

Les plateformes d’observation:sur Terre ou dans l’espace?

Observer le ciel sur la totalité du domaineélectromagnétique, des rayons gammaaux ondes radio, est essentiel pour com-prendre notre Univers, sa formation, sonévolution passée et future. De cette largegamme qui couvre quelques 60 octaves,

1 Astronome, Observatoire européen austral (ESO),Garching b. Muenchen, Allemagne

Fig. 1: Un observatoire au sol: les 4 télescopes de 8 mde diamètre situés dans le désert de l’Atacama etconstituant le très grand Télescope (VLT) del‘Observatoire européen austral (ESO).

Les outils del’observation

Fig. 2: Un observatoire dans l’espace: le satellite Inté-gral de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) quiobserve le ciel en rayons gamma.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 8

9

Dossier

Il n’est donc pas étonnant que les obser-vatoires spatiaux viennent concurrencerles télescopes au sol sur leur propreterrain. Ainsi, le Hubble Space Telescope(HST), doté d’un miroir de 2,4 mètres dediamètre et en orbite autour de la Terre,réalise en routine des images de 0,1seconde d’arc de résolution dans le do-maine optique. Le James Webb SpaceTelescope (JWST) de 6,5 mètres dediamètre sera lancé dans une dizained’années. Placé à grande distance de laTerre et refroidi naturellement à - 210°,il sera des milliers de fois plus sensiblesque les télescopes au sol dans l’infra-rouge dit thermique, à 3 �m et au-delà.On pourrait alors s’attendre à ce que l’es-sentiel des observations astronomiquessoit maintenant basé dans l’espace plutôtqu’au sol, au lieu du partage actuel quasi-ment équilibré tant en investissementsqu’en résultats scientifiques. La raisonen est d’abord économique dès lors qu’àdiamètre égal un observatoire spatialcoûte des dizaines de fois plus que sonéquivalent au sol. De plus les instrumentssol peuvent plus rapidement s’adapter àde nouveaux domaines d’investigation etdisposer des derniers progrès technolo-giques. Il y a donc plutôt une complé-mentarité sol espace où la générationactuelle de télescopes sol de 8-10 mètresde diamètre permet, grâce à sa surfacecollectrice, l’analyse spectrale d’astresdont le HST a fait l’image. Dans la pro-chaine décennie, des télescopes au solde 30 mètres de diamètre ou plus, ferontde même pour les galaxies extrêmementlointaines que détectera le JWST.

Les grands télescopes optiquesau sol: des géants à l’œil perçant

Composant emblématique de l’astro-nomie, le télescope joue deux rôlesessentiels. Collecteur de lumière, il ac-croît le faible flux lumineux reçu du cielen proportion de sa surface. Un téles-cope de 8 m de diamètre recueille deuxmillions de fois plus de photons parseconde que l’œil humain, notre téles-cope naturel. Il offre aussi une finesseultime d’image en proportion de sa taille;ainsi un diamètre de 8 m permet en prin-cipe une qualité d’image remarquable,de l’ordre du centième de seconde

d’angle dans le domaine visible. La turbu-lence atmosphérique dégrade cependantdes dizaines de fois cette performancethéorique en déformant le front d’ondelumineux. Ce gain paraît donc à premièrevue illusoire. Fort heureusement, unetechnique relativement récente, l’optiqueadaptative, permet de l’atteindre : unmiroir placé sur le trajet de la lumière sedéforme plusieurs centaines de fois parseconde pour compenser les distorsionsdu front d’onde et fournit en sortie uneimage corrigée. La simplicité du conceptne doit pas occulter sa difficulté tech-nique. En pratique, sur les grands téles-copes de 8-10 m, on obtient ainsi desimages quasi-parfaites pour deslongueurs d’onde de l’ordre de 2 �m ouplus; en deçà, on n’atteint pour l’instantque des corrections très partielles.Assurer -au moins- ces performancessur les géants de 30 mètres de diamètreou plus qui se dessinent à l’horizon repré-sente un immense défi technique. Uneautre approche, l’interférométrie, permet

cependant d’ores et déjà d’obtenir unequalité d’image encore meilleure, attei-gnant le millième de seconde d’arc dansle visible et le proche infrarouge. Illus-trant qu’un tout peut-être plus grand quela somme de ses parties, la lumière d’unastre provenant de plusieurs télescopes,typiquement écartés d’une centaine demètres, est recombinée de façon cohé-rente. C’est une technique très difficile,mais qui offre la résolution angulairequ’aurait un collecteur unique géant quiremplirait tout l’espace couvert par ceréseau dilué de télescopes. Elle estutilisée depuis longtemps en ondesradioélectriques; c’est la base de la réali-sation d’ALMA, un réseau de 64 antennesradio développé actuellement au Chilipar l’alliance des continents européenset nord-américains. Dans les prochainesdécennies, des interféromètres spatiauxconstitués de télescopes naviguant enformation sur des bases kilométriquesapporteront également des avancesconsidérables dans ce domaine.

La course à l’efficacité desinstruments

Avec un coût consolidé typique de 1€parseconde d’observation sur un grandtélescope optique, il importe d’en opti-miser les instruments, imageurs et spec-tromètres, et ce d’autant plus que lafaiblesse des sources impose le plussouvent des temps d’intégration deplusieurs heures. Les détecteursmodernes, systèmes à couplage decharges (CCD), analogues aux détecteursde nos caméras vidéo, pour le domainevisible et réseaux de diodes pour l’infra-rouge, fournissent des données numé-risées, offrent de très grands formats etune efficacité de détection proche del’unité. Leur quasi-absence de bruitpermet de frôler la détection de photonsindividuels. Pour l’analyse spectrale desastres, on utilise des modes instrumen-taux adaptés aux caractéristiques dessources observées. Dans le mode multiobjets, des fibres optiques ou des fentesplacées sur chaque source permettentd’observer des centaines d’entre ellessimultanément. Ce mode est particuliè-rement efficace pour étudier les amasde galaxies ou la tapisserie cosmique desgalaxies lointaines. Dans le mode inté-gral (fig. 3), un découpeur d’images hacheun petit champ de quelques secondesd’arc de côté et permet d’obtenir unspectre pour chaque point du champ. Cemode est adapté aux sources compactes,depuis les petits corps du système solairejusqu’aux galaxies lointaines en passantpar les régions de formation stellaire etles coeurs de galaxies proches. Il permetégalement des gains en rapidité del’ordre de cent.Un pouvoir collecteur de plus en plusétendu, une acuité meilleure et desinstruments toujours plus performantsau service de grandes plateformes d’ob-servation au sol et dans l’espace ontpermis le développement considérablede l’astrophysique observationnelle aucours du siècle passé. Le présent devraitvoir entre autres des images de la surfacede planètes extrasolaires avec peut-êtredes indices de vie, la détection des toutespremières étoiles qui se soient forméesdans notre Univers… et sans doute denombreuses surprises. �

Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre, Horatio, que n’en a rêvé votre philosophie. (Shakespeare, Hamlet )

Fig. 3: Quelques-uns des 1024 spectres d’étoiles proches du centre de notre Galaxie obtenus simultanémentavec l’instrument SPIFFI au VLT.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 9

1 Directeur de recherches au CNRS, Responsable scien-tifique du Centre de recherches de l’Observatoire euro-péen austral (ESO) à Santiago, Chili

10

Dossier

Un universde galaxies, dont noussommes

région centrale- des galaxies. Ils sontparfois « actifs », parfois « dormants ».Les noyaux actifs de galaxie (aussi ap-pelés quasars, blazars, liners, selon lamasse du trou noir massif, son niveaud’interaction avec le milieu environnant,et son orientation) correspondent à destrous noirs dont la masse est compriseentre un million et un milliard de massessolaires. Un trou noir d’un milliard demasses solaires possède un horizon dontle rayon est d’environ 20 fois l’orbite dela Terre autour du Soleil: un milliard deSoleils empilés dans ce volume! Laprésence des trous noirs massifs estrévélée par l’énergie libérée dans leurvoisinage immédiat, la dureté du rayon-nement (rayons X et ultraviolet) et lesmouvements à grande vitesse du gazalentour (dizaines de milliers de km/s).Une évolution plus douce peut intervenirdans ces poches de matière: la forma-tion stellaire concerne la matière baryo-nique et se produit à l’intérieur de lapoche de matière, par contraste avec letrou noir massif très localisé. Cetteformation conduit à la structuration desgalaxies telles que nous les observons,jeunes et lointaines ou vieilles et proches.Au sein d’une poche de matière noire, lamatière baryonique échappe localementà l’expansion de l’Univers : la gravitéreprend un rôle dominant et engendredes effondrements au sein des nuagesde gaz. Là, la matière se réchauffe etdonc libère de l’énergie par rayonne-ment : ces régions les plus denses se

Dans tous les cas, il s’agit de matièrebaryonique, faite des mêmes neutronset protons qui constituent les atomesfamiliers : hydrogène, oxygène, azote,carbone... Il existe également une composante« invisible », appelée matière noire, dontla présence est détectée par ses effetsgravitationnels. La matière noire cons-titue environ 90 % de la masse d’unegalaxie, autant dire l’essentiel. Elle setrouve répartie dans un halo, au seinduquel la galaxie « visible » avec sesétoiles et ses nuages de matériau molé-culaire s’est développée. Dans unegalaxie, le halo de matière noire est large-ment responsable du confinement gravi-tationnel des étoiles. Dans un amas oudans un groupe de galaxies, où de même90 % de la masse se rencontre sousforme de matière noire répartie dans unevaste poche qui englobe les galaxiesvisibles, elle confine les galaxies. Lesmodèles cosmologiques suggèrent queces poches de matière noire, isolées àune époque où l’Univers avait un âged’environ un milliard d’années, sont duesà l’amplification par la gravité des fluc-tuations primordiales du big-bang. Lamatière qui constitue ces poches est ditenon baryonique. Un problème actuel desplus fascinants est de dévoiler sa nature!Il est tentant de spéculer que les condi-tions extrêmes de l’Univers primordial(impossibles encore à simuler en labo-ratoire) ont pu engendrer toutes sortesde particules: neutrinos massifs, parti-

cules exotiques très peu interactivesappelées WIMPs, pépites de quarks, minitrous noirs… Avec des expériencesdédiées, et un peu de chance, nouspouvons espérer détecter ces reliquesde l’Univers primordial. Alors que nousbaignons dans le milieu qu’elles consti-tuent -dix fois plus massif que l’Univers« visible » - pour le moment aucuned’entre elles n’a encore été détectée.C’est l’un des grands défis de la physiqueexpérimentale.

Les galaxies, sites de transfor-mation de la matièreReprenons le fil de l’histoire de l’Univers:un milliard d’années après le Big-Bang,des poches se forment dans l’espace,faites de matière noire (matière nonbaryonique générée à l’instant du Big-Bang) et d’environ 10% de matière baryo-nique (générée un dix-milliardième deseconde après le Big-Bang).Sous l’effet de la gravité, la matière peuts’effondrer dans la partie centrale d’unepoche et former un trou noir massif. Ceprocessus, encore mal connu, conduit àun fracassement extraordinaire de lamatière et à la mise en place d’un champgravitationnel intense. Le trou noir doitson nom au fait que son attraction gravi-tationnelle empêche les photons des’échapper de son horizon propre. Lamatière environnante, attirée par lechamp, libère une énorme quantitéd’énergie gravitationnelle. Les trous noirsmassifs se rencontrent dans le noyau –

par Danielle Alloin1

Les galaxies, objets célestes

Iles de matière dans l’Univers, lesgalaxies présentent une variété de

formes: elliptiques, spirales telle notreGalaxie, naines ou géantes. Une galaxierassemble 1 à 100 milliards d’étoiles,maintenues par la gravité: une sorte detissu déformable mais résistant. Dansnotre Galaxie, un photon de lumièreémis par une étoile située sur un bordarrive à l’autre bord après un voyage de100000 ans. Outre les étoiles, faciles àdétecter puisqu’elles émettent unepartie de leur lumière dans une fenêtrede l’atmosphère terrestre, une galaxiecontient de la matière interstellaire froide– poussières, molécules, gaz atomiqueneutre – détectée dans les rayonnementsinfrarouge, millimétrique et centimé-trique. Dans une galaxie spirale, la massede l’ensemble des étoiles est environ centfois plus importante que la masse decette matière. Ces composantes consti-tuent l’essentiel de la matière dite« visible » d’une galaxie, celle qui émetles photons de lumière conduisant à desuperbes images (fig. 1). Dans unegalaxie on trouve aussi des objetsn’émettant guère de lumière, étoilesnaines blanches refroidies, planètes.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 10

11

refroidissent, en conséquence l’effon-drement gravitationnel se poursuit jus-qu’à la formation d’étoiles. L’allumagedes réactions thermonucléaires au cœurde celles-ci libère alors suffisammentd’énergie pour stopper l’effondrement.Ainsi, la formation stellaire contribue àaccroître la densité de la matière -sanspour autant créer de puits gravitationnelextrême-, à générer presque tous lesatomes autres que l’hydrogène (sauf lafaible fraction d’hélium primordial générélors du Big-Bang) et à libérer l’énergiequi fait briller les étoiles. L’évolutionchimique de l’Univers, la formation des

planètes, et l’apparition même de la vie,sont des évènements résultant de la for-mation stellaire.

Les galaxies, témoins cosmologiquesLes poches initiales de matière noireayant eu pour germes les fluctuationsprimordiales du Big-Bang, elles sontentraînées dans le développement de cesfluctuations au cours de l’expansion. Lesgalaxies et trous noirs massifs qui se sontformés dans les poches de matière noiresont donc des marqueurs de cette expan-sion et de l’évolution des grandes struc-

lointaine peut amplifier la lumière decelle-ci et nous la rendre observable,jouant le rôle d’un « télescope naturel ».Grâce à cela, les télescopes géants pho-tographient des objets présentant undécalage spectral de 6, donc observésun milliard d’années après le Big-bang:si les théories cosmologiques sont cor-rectes, nous remontons presque à lanaissance des galaxies actuelles!Un autre problème intéressant est celuide la formation des trous noirs massifs.Celle-ci est difficile à simuler avec lesoutils disponibles car leur naissance sedéroule sur des échelles spatiales trèspetites par rapport aux échelles de simu-lation utilisées pour les galaxies. Nousignorons si les trous noirs massifs seforment d’emblée –à partir d’une pochede matière noire–, ou bien par effondre-ment ultérieur de la matière au sein degalaxies déjà existantes, ou bien lors de l’interaction gravitationnelle entregalaxies. Des comparaisons entre larépartition spatiale des galaxies et celledes noyaux actifs, à des âges succes-sifs de l’Univers, apporteront des élé-ments de réponse. La période la plusintéressante, correspondant à des déca-lages spectraux entre 6 et 7, commencetout juste à être explorée avec les outilsappropriés : satellites observant enrayons X pour détecter les noyaux actifssans effet d’écran par leur propre compo-sante de poussières, télescopes milli-métriques pour observer les galaxiesdont les régions de formation stellairepourraient être masquées par la pous-sière.

Il est difficile – voire présomptueux- deprédire le devenir de l’Univers ! Som-mes-nous si certains d’avoir établi unmodèle physique de la réalité englobantune totalité et non pas seulement un« petit coin » de l’Univers? Cependant,quelques prédictions limitées peuventêtre faites en ce qui concerne les ga-laxies, résultant de notre compréhen-sion de l’évolution stellaire. En tantqu’objets lumineux, les galaxies vonts’éteindre au cours des milliards d’an-nées à venir. Les étoiles majoritaires defaible masse, telles le Soleil, évoluentvers des résidus de matière dense quine rayonnent plus. Ces « cendres étein-tes » piègent la matière qui ne sera plusrecyclée dans la formation de nouvellesétoiles: l’émission de photons se taritet la formation d’atomes plus lourds quel’hydrogène est stoppée. Mais en tantqu’objets exerçant une attraction gravi-tationnelle, les galaxies vont perdurer.Leurs masses seront de moins enmoins susceptibles de se modifier lorsd’interactions gravitationnelles entreelles, car la probabilité de telles inter-actions va décroître puisque l’expansionde l’Univers va se poursuivre, très proba-blement, à l’infini. Alors, un Univers infiniet obscur? �

Dossier

Fig. 1: Galaxies spirales en interaction, NGC6872/IC4970, situées à une distance d’environ 200 millions d’an-nées-lumière de notre Galaxie. Une telle interaction stimule fortement la formation d’étoiles.

Source: Observatoire européen austral, VLT/Paranal

Fig. 2: Relevé des galaxies dans une partie de l’Univers local. Les observations étant réalisées depuis la Terre,celle-ci se trouve à l’apex des cônes, déployées selon différentes directions dans l’espace. La profon-deur du relevé (vitesse d’expansion maximale au bord extérieur des cônes) est à un décalage spec-tral (redshift) de 0,2: les galaxies les plus lointaines dans ce diagramme nous informent sur l’Universalors qu’il avait un âge de 11,6 milliards d’années. Chaque point représente une galaxie: on observeles grandes bulles de vide sur les parois desquelles se répartissent les galaxies et les amas de galaxies.

Source: Equipe du relevé 2dF de galaxies, effectué au télescope Anglo-Australien (2003)

tures, depuis leur origine (le Big-Bang,instant 0) jusqu’à l’âge actuel de l’Uni-vers (environ 13,5 milliards d’années).En ce qui concerne le premier effet, c’estprécisément la découverte du mouve-ment d’éloignement des galaxies qui aconduit à l’idée de l’expansion de l’Uni-vers -ensuite confirmée par l’observa-tion du rayonnement cosmologique diffusà 2,7 Kelvin.Le second effet concerne la distributionde la matière dans l’espace à différentsâges de l’Univers. Pour cela, de grandsrelevés des positions et vitesses (doncdistance) des galaxies et des noyauxactifs ont été conduits: soit des sondagestrès profonds limités à une petite régiondu ciel, soit des sondages moins profondscouvrant une grande région du ciel, su-sceptibles de révéler l’évolution tempo-relle. On observe alors que les galaxies,presque toujours rassemblées en amasou groupes (de quelques centaines àquelques dizaines de galaxies), se répar-tissent sur les parois de gigantesquesbulles, vides de matière. Ces parois sontvues en projection comme des filaments:ce sont les grandes structures de l’Uni-vers. Les super-amas de galaxies sontlocalisés aux points de contact entrebulles (nœuds d’intersection des fila-ments). Ces structures sont prédites parla cosmologie du Big-Bang: de superbessimulations numériques en montrentl’apparition et l’évolution. Il est donc im-portant de les observer dans la réalité(fig. 2), et de suivre leur évolution enremontant le temps vers les premiersâges de l’Univers pour mieux contraindreles paramètres cosmologiques. Du pointde vue des observations, le défi est d’ac-croître l’extension de ces sondages. Lecadre cosmologique de la formation desgalaxies semble bien établi aujourd’hui,il reste cependant nombre de questionsà résoudre avant d’avoir une représen-tation fine des phénomènes observés.Par exemple, il n’existe pas de consensusquant à l’époque et au scénario détailléde la formation des galaxies: la grandediversité de leurs tailles, de leurs types,de leurs formes, suggère que plusieursprocessus physiques ont été en compé-tition, au moment de leur formation etultérieurement au cours de leur évolu-tion. Le scénario expliquant le mieux lesobservations est celui d’une formationhiérarchique: au début, de petites ga-laxies se seraient formées en grandnombre puis, sous l’effet d’interactionsgravitationnelles - probables étant don-née leur proximité -, elles auraient fu-sionné pour former les galaxies géantes.La fusion de galaxies conduit à formerbeaucoup d’étoiles, ce que peut révélerl’observation. Mais à cette époque loin-taine les galaxies nous apparaissentcomme bien peu lumineuses. L’effet delentille gravitationnelle vient à notresecours: un corps massif, par exempleun amas, situé entre nous et une galaxie

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 11

appelle maintenant la supersymétrien’est pas encore vérifiée expérimenta-lement mais elle retient l’attention de lacommunauté des théoriciens comme decelle des expérimentateurs qui la cher-cheront très activement avec lesnouveaux accélérateurs comme le LHC(Large Hadron Collider) au CERN.

Au delà de « l’économie conceptuelle »les cordes par leur taille finie, par rapportau point sans dimension, arrivent àrésoudre des problèmes très importantsauxquels s’est confrontée la théorie plusconventionnelle comme, par exemple,le problème des infinis. Ce problème al’air d’un déjà-vu: en 1900 Planck avaitintroduit sa constante h dans le cas del’émission de radiations par un corpsnoir pour obtenir une quantité d’énergiefinie. Dans le même esprit l’introductionpar la théorie des cordes d’une longueurfondamentale, la taille caractéristique lde la corde qui vaut approximativement10-34 m, permet de trouver une solutionau problème des infinis dans la théoriequantique des champs conventionnelle(la divergence dite ultra-violette) et doncde se passer de la nécessité d’éliminerdes infinis à travers des procéduresmathématiques un peu douteuses.

par Paul Caro 2

Question:Vous avez été à l’origine en 1968 de lathéorie des cordes. Dans quel sens a-t-elle modifié notre vision des particulesélémentaires?

On connaît dans la Nature quatre typesde forces: la force gravitationnelle, lesforces électromagnétiques (Maxwell auXIXème siècle a unifié l’électricité et lemagnétisme), la force faible (qui contrôlela fusion nucléaire dans les étoiles, oula radioactivité), et la force forte ounucléaire (qui tient ensemble protons etneutrons dans les noyaux). Ces quatre

interactions, dans la théorie conven-tionnelle, sont décrites au niveau micro-scopique par l’échange entre particules« élémentaires » d’autres particules« élémentaires » appelées particules« vecteurs » qui varient selon le type d’in-teraction. Toutes ces particules, vecteurou non, sont pointiformes, c’est à direqu’elles n’ont pas de dimensions spa-tiales (mises à part les incertitudes duesà la mécanique quantique).

La théorie des cordes remplace cesobjets sans dimensions par des struc-tures unidimensionnelles, filiformes, quel’on appelle « cordes ». Cela semble êtreun pas innocent mais il entraîne desconséquences très profondes. Parexemple, dans la théorie convention-nelle, on doit donner pour chaque parti-cule connue ses propriétés séparément,on doit faire un sorte de catalogue desparticules au fur et à mesure que l’on endécouvre. La théorie des cordes estbeaucoup plus économique au point devue conceptuel: on pense que deux typesde cordes, cordes ouvertes (avec desextrémités) et cordes fermées (sansextrémités, c’est à dire avec la formed’une boucle) suffisent. Ces deux typesde cordes avec leurs vibrations décrivent

toutes les particules élémentaires,engendrant ainsi une nouvelle classifi-cation de celles-ci. Les cordes sansextrémités correspondent aux vecteursdes interactions de type gravitationnel.Les autres interactions sont portées pardes cordes avec des extrémités.

Est-ce que dans cette approche ladistinction entre fermions et bosons avecdes spins demi-entiers ou entiers estconservée?

Oui, tout à fait. Dans la première versionde la théorie des cordes, il n’y avait quedes particules à spin entier. Mais peuaprès on a réussi à formuler une nou-velle théorie, qui s’appelle la théorie dessupercordes, dans laquelle il y a lesbosons et les fermions qui, comme onle sait, obéissent à des statistiques diffé-rentes. Si on essaie de mettre bosons etfermions ensemble dans une théorie descordes, une symétrie en découle auto-matiquement entre le monde des fer-mions et celui des bosons. Par exemple,il y a des cordes ouvertes et des cordesfermées pour les fermions aussi. C’étaitla première fois qu’une structure symé-trique entre bosons et fermions dérivaitd’une approche théorique. Ce que l’on

1 Associé étranger de l’Académie des sciences,professeur à la Division théorique du CERN.

2 Correspondant de l’Académie des sciences, direc-teur de recherche au CNRS.

Cordes, particules

et cosmologie:un avant

Big-Bangest-il

concevable?

Dossier

12

Entretien avecGabriele Veneziano1

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 12

En outre, si l’on peut par ces moyens« magiques » faire disparaître des infinispour les interactions électromagné-tiques, faibles et nucléaires, on ne peutpas en faire autant pour les interactionsgravitationnelles. Personne n’a jamaisréussi à éliminer les infinis dans lathéorie quantique de la gravitation. Avecles cordes cela devient possible. C’est laraison pour laquelle les théoriciens pren-nent au sérieux la théorie des cordes.Pour la première fois on peut mettreensemble, sans créer des incompatibi-lités, les deux piliers de la physique dusiècle dernier, la mécanique quantiqued’une part, et la théorie de la gravitationd’Einstein, d’autre part.

Quels problèmes pose la question desdimensions des cordes?

En effet ce mariage entre la théoriequantique d’un côté et la théorie de lagravitation de l’autre n’est pas automa-tique. Pour la cohérence interne de lathéorie on a besoin de rajouter d’autresdimensions spatiales qui peuvent être sipetites que l’on en observe seulementdes conséquences indirectes. Aux éner-gies ordinaires, même celles des accé-lérateurs, ces dimensions ne donnentpratiquement aucun effet observable,mais elles sont nécessaires au planthéorique. Dans le cas des supercordes,on a besoin de six dimensions supplé-mentaires très très petites, leur tailleétant de l’ordre de grandeur de celle descordes, l. Ce qui explique que pour beau-coup de phénomènes, pourvu que l’ontravaille à des énergies suffisammentbasses, on ne peut pas faire la différenceentre une corde et un point, ou voir leseffets de ces dimensions supplémen-taires. Mais pour des énergies élevées,telles que celles qui sont associées auxpremiers instants de l’Univers, cettelongueur l peut jouer un rôle très impor-tant…

Quelles sont les implications de lathéorie des cordes pour la cosmologie?

La cosmologie c’est l’ultime frontière dela physique parce que les quatre forcesentrent en jeu simultanément. Il y a degrands mystères dans la cosmologie:l’Univers, que nous étudions aujourd’huipar des mesures de plus en plusprécises, est très homogène à grandeéchelle. Il y a bien sûr des structuresdans l’Univers: des planètes, des étoiles,des galaxies, des amas de galaxies, maiselles se ressemblent partout dans l’Uni-vers. En plus, il y a un rayonnementfossile, la radiation à 2,7 K, qui est trèshomogène: elle est la même dans toutesles directions du ciel à une part pour centmille près. Or il est très difficile d’ex-pliquer cette homogénéité dans unecosmologie conventionnelle. Deux cho-ses font des difficultés: d’abord c’est qu’il

y a eu un début au temps. Tout com-mence avec le big-bang à t = 0. Il n’y arien avant: t < 0 n’est pas bien défini. Et,deuxième chose, l’Univers est depuis t = 0 dans un état d’expansion décélérée,c’est à dire une expansion rapide d’abordpuis progressivement plus douce.

Or, l’Univers que l’on observe aujour-d’hui, a une taille d’environ 1026 m. Dansla cosmologie conventionnelle sa tailleinitiale, tout de suite après le big-bang,était bien sûr petite mais pourtanténorme par rapport à la distance que lalumière, avec sa vitesse grande maisfinie, avait pu parcourir depuis t = 0. Lalumière n’a parcouru qu’une distance de10-32 m alors que l’Univers, lui, mesuredéjà un centimètre. L’Univers à ce stadeconsiste donc de (1030)3 = 1090 régions (lapuissance 3 étant liée au fait que on doitpasser des dimensions linéaires auvolume) qui n’ont jamais eu le temps decommuniquer entre elles! S’il y avait àce moment là une quelconque inhomo-généité, il n’y avait aucun moyen de l’éli-miner par la suite. Il faut donc enconclure que les conditions initialesétaient très très homogènes. A priori, laprobabilité d’un tel état initial est trèsfaible, pratiquement nulle.

Il y a deux possibilités pour résoudre ceproblème. On peut, tout en gardant uneorigine du temps, abandonner l’idéed’une expansion toujours décélérée etdire que, dans l’histoire primordiale del’Univers, il y a eu une période d’expan-sion accélérée. Ou alors, deuxième hypo-thèse, dire que t = 0 n’était pas le débutdu temps: il y a eu quelque chose avantqui a produit le big-bang ou quelquechose qui lui ressemble.

Dans le premier cas, on a conçu lesmodèles inflationnistes standards, où,très peu après t = 0, l’Univers était trèspetit, plus petit que la distance parcouruepar la lumière.

Dans le deuxième cas, si on admet quet = 0 n’est pas le début des choses, ona plus de « temps » à disposition pourhomogénéiser l’Univers bien avant lebig-bang!

La raison pour laquelle on a postulé undébut du temps est bien claire si l’onapplique la théorie classique d’Einsteinde la gravitation. En remontant en arrièredans le temps on arrive a une singula-rité, un instant (t = 0 par convention) pourlequel plusieurs grandeurs physiquestendent vers l’infini et donc, aller au delà,mathématiquement cela n’a pas desens. Mais tout près de t = 0 les phéno-

la constante de structure fine varie unpeu dans le temps, cela appuierait lathéorie des cordes.

Par contre, par son expansion, l’Universreprésente lui-même l’accélérateur leplus puissant que l’on puisse imaginer.Les photons observés aujourd’hui étaientsi énergétiques dans l’Univers primor-dial que la théorie des cordes a pu laisserdes traces sur leur propriétés. Or, àcause d’un phénomène bien connu de« congélation » de certaines quantitéspendant les très longues périodes cos-mologiques, ces propriétés sont encoreobservables aujourd’hui. On pense parexemple que la structure de l’Univers àgrande échelle, telle que les galaxies etleurs amas, résulte de l’évolution decertaines inhomogénéités de naturequantique présentes juste après le big-bang pendant la phase d’inflation. Parcontre, dans un modèle qui inclut unépisode inflationniste avant le big-bang,les observations actuelles nous donnentdes informations sur cette préhistoire.

Est-ce qu’il y a des expériences quipeuvent mettre la théorie en difficultés?

Je pense que oui même si ce n’estprobablement pas pour tout de suite.Voici quelques exemples:

Dans l’inflation standard la productiond’ondes gravitationnelles est trop faiblepour être observée. Par contre lathéorie pré-big-bang prédit un fondstochastique d’ondes gravitationnellesqui serait mesurable dans la deuxièmephase de développement des interfé-romètres gravitationnels du type deVIRGO (collaboration franco-italienneà Pise) ou de LIGO (projet américain),la sensibilité des détecteurs de lapremière phase n’étant pas encoresuffisante. Ensuite, il y a dans lacosmologie pré-big-bang un méca-nisme pour générer des champs ma-gnétiques à l’échelle des galaxies, cequi n’est pas le cas dans la cosmologieinflationniste classique. Ces champsmagnétiques ont bien été observés,mais leur origine reste mystérieuse.La mesure des inhomogénéités dansla température du rayonnementcosmique est un troisième critère. L’in-flation standard a ses prédictions quisont pour l’instant bien vérifiées. Lacosmologie pré-big-bang fait desprédictions légèrement différentesnotamment au niveau de la polarisa-tion du rayonnement.

Il y a donc toute une batterie de testspotentiels qui peuvent mettre en crisel’un ou l’autre modèle �

mènes quantiques ne peuvent pas êtrenégligés. Il existe un temps critique,d’environ 10-43 secondes, que l’on appellele temps de Planck, qui définit la limitede validité de la théorie classique. Entret = 0 et t = 10-43 secondes on ne peut pasfaire confiance à la théorie classique, onsait que les effets quantiques sontimportants. Avant la théorie des cordes,on n’avait pas les moyens de mettreensemble la théorie quantique et lagravitation. On s’est donc contenté de lathéorie classique et de la nécessité, danscette théorie, d’un début du temps.C’était une hypothèse pas vraiment justi-fiée théoriquement, une sorte de dog-me…, accepté peut-être un peu trop rapi-dement.

Avec la théorie des cordes, on peut faired’autres propositions. La singularité dubig-bang correspond à un instant oùtoutes les tailles tendent vers zéro, maiscela n’a pas trop de sens dans une thé-orie où tout objet a une taille finie. Desexpériences de pensée suggèrent quel’on peut avec les cordes éliminer lasingularité. Dans ces nouveaux modèlescosmologiques il y a d’abord une évolu-tion d’un état primordial vers le big-bangavant de continuer avec la cosmologieclassique du big-bang vers l’Universd’aujourd’hui. La chose la plus difficileest de mettre ensemble ces deux phasesqui sont séparées par une brève pério-de de grande courbure de l’espace, degrande densité, de grande tempéra-ture. Même si « grand » ne veut pas dire« infini », les problèmes techniques pourdécrire cette « transition » restent formi-dables. Il y aura, pendant cinq mois fin2003, un « workshop » à Santa Barbaraen Californie sur la cosmologie descordes où ces questions vont sûrementêtre discutées. En outre, plusieursgroupes proposent différents « scéna-rios » sur ce qu’aurait pu être l’Universavant le big-bang. Au lieu d’être de lapure métaphysique l’évolution de l’Uni-vers avant le big-bang, s’il y a eu un avantbig-bang, implique des conséquencespour l’Univers d’aujourd’hui et pour lesobservations actuelles ou à court terme.

Quelles sont les mesures expérimen-tales qui peuvent prouver cette théorie?

Je pense que la cosmologie est lemeilleur domaine d’où extraire des prévi-sions pour tester la théorie. Il y a d’autrespossibilités mais, comme il est difficiled’aller à des énergies suffisammentgrandes avec des accélérateurs, on doitse contenter d’observer des consé-quences indirectes, par exemple desfluctuations des constantes de la naturecomme la constante de Newton ou deCoulomb ou la constante de structurefine. D’après la théorie des cordes ellespourraient varier dans l’espace et dansle temps. Si on trouvait, par exemple, que

Dossier

13

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 13

Vers une éthiquede l’espaceDossier

1 Professeur, CHU Cochin Port-Royal, Membre del’Académie des technologies, Rapporteur de laCOMEST de l’Unesco

par Alain Pompidou 1

L'éthique de la politique spatialeest l'un des thèmes traités par

la Commission Mondiale d'Éthique desConnaissances Scientifiques et desTechnologies de l'Unesco: la COMEST.En effet, comme tout nouveau défi, lesavancées rapides des technologiesspatiales comportent de nouveaux ris-ques. L'objectif d'une éthique de l'es-pace est avant tout de préserver laplace de l'être humain, mais aussi derépondre aux inquiétudes de l'opinion:

cela suppose une démarche objective,indépendante et transparente, déga-gée de toute connotation émotionnelle.Fondée sur une vision large, l'éthiquedes sciences et des techniques est àla fois morale de l'action et pensée durisque.L'espace comme questionnementéthique conduit à poser les questionsde la place de l'être humain dansl'Univers, de l'organisation de liensentre la planète Terre et les autressystèmes qui l'entourent, la protec-tion des générations futures face àla conquête spatiale.L'astronaute doit être considérécomme un "envoyé de l'humanité".La dissémination de produits biolo-giques obtenus en micro-gravité etsoumis à des champs électroma-gnétiques intenses doit susciter desmesures de précaution. Quant au

retour sur Terre d'échantillons pré-levés sur d'autres planètes, il sou-lève la question des formes de viescomparables ou non à celles exis-tants sur Terre.L'espace comme dimension conduit às'interroger sur les conséquences del'exploitation de celui-ci. Trois prin-cipes sont désormais reconnus : lanon-appropriation de l'espace, la li-berté d'accès et l'affectation au béné-fice de l'humanité.Afin d'éviter l'accumulation des débris,seules peuvent être envisagées desmesures préventives. Elles doivent né-cessairement être adoptées par toutesles puissances spatiales afin d'éviter lesrisques de distorsion de concurrence enmatière d'utilisation des lanceurs. Outrel'effet mécanique des impacts liés auxdébris, ceux-ci contribuent à la pollutionlumineuse de l'espace circumterrestre.

Au même titre que la pollution électro-magnétique, elle gêne les observationsastronomiques à partir de la Terre.L'espace comme outil: tout en mainte-nant les possibilités d'accès aux donnéesspatiales, il importe d'en sauvegarderl'acquisition en distinguant les donnéesscientifiques, partagées largement parla communauté des chercheurs et lesdonnées environnementales qui doiventconduire à des procédures d'échanges,notamment aux fins de protection del'environnement planétaire, de prévi-sions météorologiques ou de préventionet de gestion des catastrophes natu-relles. Quant aux données commer-ciales, notamment pour les communi-cations et l'observation de la Terre, ilimporte d'éviter toute dérive de leur utili-sation et notamment tout risque d'abusde position dominante.L'espace comme perception conduit,grâce à une formation et à une commu-nication appropriées, à sortir du contexteémotionnel en suscitant des points devues critiques, tout en maintenant la partde rêve, mobilisatrice des activités spa-tiales.L'émergence d'une éthique spatiale, la"spatio-éthique", représente un défi pourles Nations et pour l'humanité. Elleconstitue, à l'échelle de la société denotre planète, une nouvelle approchestratégique de la prise de décision et del'identification des enjeux de l'explora-tion spatiale �

14

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 14

Question d’actualité

La gestion durable des pêchesLa gestion durable des pêches vise àassurer l'obtention d'avantages opti-maux pour les utilisateurs locaux, l'Étatou la région, grâce à une utilisation« raisonnable » des ressources halieu-tiques auxquelles ils ont accès. Pour yparvenir, il est indispensable 1/ que des objectifs de production tenant

compte des mécanismes naturels etdes aspects socio-économiques aientété fixés,

2/ que le partage de la production natu-relle ait fait l'objet d'accords,

3/ que la production soit efficacementcontrôlée,

4/ que des institutions adéquates assu-rent la collecte de l'information auprèsdes usagers, l'élaboration des mesu-res appropriées, la prise de décisionet le contrôle de leur stricte applica-tion.

La notion de développement durable aété au cœur des débats de la Conférencede Rio de Janeiro en 1992. Le thème dela « pêche responsable » a conduit laFAO à publier en 1995 un « Code de con-duite pour une pêche responsable » quiprescrit l'application d'une approche deprécaution : pour chaque stock, deuxindicateurs doivent être estimés: le seuilde biomasse de reproducteurs endessous duquel la probabilité de baissedu recrutement est forte (Blim) et lamortalité par pêche au-delà de laquellele risque de réduire l'abondance desreproducteurs en dessous de Blim estélevé (Flim); ces deux valeurs ne peuventmalheureusement pas être déterminéesactuellement avec une certitude suffi-sante, et les halieutes adoptent unebiomasse plus élevée que Blim, dite deprécaution (Bpa) et une mortalité parpêche moins élevée que Flim, dite Fpa.

par Lucien Laubier 1

Alors que, depuis 1950, la produc-tion mondiale des pêches mari-

times augmentait à raison de 6 % l'an,depuis une trentaine d'années, cetteproportion est tombée en dessous de2 %; depuis 1990, la pêche mondiale eststable autour de 90 millions de tonnes.La pleine exploitation des ressources amodifié les perspectives de la pêche.L’analyse des pêcheries mondiales,communautaires ou nationales met enévidence quatre phénomènes liés à lasurpêche: une surexploitation des res-sources, des capacités de capture excé-dentaires, une détérioration des écosys-tèmes, enfin une récurrence des conflits.Différentes solutions émergent, déjàtestées par quelques pays. Les caracté-ristiques biologiques variées desespèces exploitées et la variabilité natu-relle confirment la vanité d'une solutionunique.En 1970, la Communauté européennecomprenait six pays, tous déficitaires enproduits de la mer: il n'est pas surpre-nant que l'objectif de la satisfaction desbesoins du consommateur ait marquéles premières années de politique struc-turelle de la pêche. Cette période estcaractérisée par des aides communau-taires à la construction de navires depêche.Rapidement, la Communauté a prisconscience du besoin d'ajustement descapacités de captures avec les res-sources, qui s'est traduit dans la Poli-tique commune de la pêche adoptée en1983 par un gel de la puissance motriceinstallée (premier Plan d'orientationpluriannuel -POP 1983-1986). Un secondPOP (1987-1991) a taxé la flotte françaised'une réduction en puissance de 2,45 %.Pour y parvenir, un plan national de res-tructuration a incité 900 bateaux, âgésde plus de vingt ans et de moins de onzemètres de longueur, à sortir de la flotteen 1991. Le troisième POP (1992-1996)a confirmé la nécessité d'une réductionde la puissance. Un nouveau plan gou-

1 Correspondant de l’Académie des sciences,professeur à l’université de la Méditerranée, direc-teur de l’Institut océanographique, Paris

vernemental a permis de réaliser dessorties de flotte devenues inéluctablesdans des conditions socialement tolé-rables.Cependant, la politique suivie par l’Unioneuropéenne, basée sur la communau-tarisation des ressources, le partage desplafonds de capture sur une base histo-rique et le rationnement de l’effort depêche, s’est révélée insuffisante pourarrêter le déclin des principales pêche-ries. Les mécanismes communautairesde prise de décision privilégient ladéfense des intérêts à court terme et lesmesures de conservation adoptéesdivergent régulièrement des avis scien-tifiques. Le niveau de surexploitation estdevenu tel que la prévention d’un déclinpérenne du recrutement est désormaisdevenue la priorité, au détriment de l'op-timisation de la productivité des stocks.

Qu'est-ce que la surexploitationdes stocks exploités?Le mécanisme conduisant à la surex-ploitation des stocks est aujourd'hui biencompris des économistes. La dynamiquede surpêche s’explique par la nature àla fois commune et renouvelable desressources vivantes de la mer. La sur-exploitation a pour origine l’accroisse-ment des capacités de capture, qui finis-sent par excéder la productivité desstocks et que les programmes de sortiede flotte de la Commission européennen'ont pas réussi à contenir. Ces dysfonc-tionnements ont une origine écono-mique: les surcapacités qui affectent lesecteur résultent des externalités néga-tives qui, à partir d’un certain seuil derareté, deviennent significatives.Sans régulation de l’accès, ces externa-lités creusent l’écart entre la producti-vité marginale sociale et la productivitémarginale privée de l’effort de pêche. Cet écart incite au développement decapacités de capture disproportionnéespar rapport à la productivité naturelledes stocks, phénomène aggravé par lesaides publiques. La surcapacité, à sontour, stimule la dégradation des stockset la multiplication des conflits. La maî-trise des forces économiques à l’originede la surpêche suppose que les institu-tions régissant l’accès soient préalable-ment ajustées aux nouvelles conditionsde rareté des ressources: clarificationdu régime de propriété, mise en placede mécanismes d’allocation de droitsindividuels de pêche et organes d’amé-nagement.

15

Exploitation et surexploitationdes ressources marines vivantes

Drague à volet à coquilles Saint-Jacques. (Photo Ifremer)

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 15

16

cause de l'existence sur le littoral fran-çais d'organisations professionnellesdont l'origine est fort ancienne, les prud-homies.

Et l'aquaculture?L’aquaculture est susceptible de produiredes ressources complémentaires, maisproduit des rejets divers qui peuventdépasser la capacité d'assimilation dumilieu marin. Par ailleurs, malgré sa rapi-de progression, à peu près conforme auxprévisions faites il y a une trentaine d’an-nées, elle n’est pas en mesure de sesubstituer totalement à la pêche dansun avenir proche, tant en ce qui concernela très grande diversité des espècessauvages exploitées (plus de 3 000espèces, contre quelques dizaines enaquaculture) que vis-à-vis des problè-mes de disponibilité des espaces marinsnécessaires. Bien qu'il s'agisse d'uneactivité à part entière qui fournit près de40 % de la production d'animaux aqua-tiques par la pêche, elle n’apporte aucunesolution à la conservation des ressourcesvivantes sauvages et de l’environnementsoumis à une pression anthropique croissante.

La pêche et l'environnementEn fonction des engins utilisés, la pêcheexerce de nombreux impacts. Les unsconcernent les espèces exploitées elles-mêmes (raréfaction, sélection de formespar la pêche, sélection de certaines ca-ractéristiques biologiques, éradicationde certaines espèces, etc.). D'autresagissent sur les peuplements, les habi-tats et les écosystèmes dans leur en-semble. Inversement, des espèces acci-dentellement introduites peuvent avoirun impact significatif (compétition sur laressource trophique, modification dufonctionnement de l’écosystème), com-me la crépidule introduite sur les côtesfrançaises à la fin des années 40.

Quelles solutions?Il existe différentes méthodes pourréguler l'accès à la ressource. Les me-sures administratives consistent àimposer des normes aux exploitants,alors que les mesures économiques ontpour objet d'inciter ces derniers àadopter des comportements conformesaux conditions et aux objectifs de dura-bilité économique et sociale de la pêche.La surcapitalisation, induite par lescarences actuelles et à laquelle contri-buent les aides publiques, a conduit àune surpêche généralisée. Le contrôleéconomique de la pression de pêchesuppose l’instauration de droits de pêche— de préférence individuels — définis,soit sur les captures (quotas), soit surles moyens de capture (licences), et dontle volume total est ajusté en permanenceà la productivité des stocks. Commepour l’environnement, deux mécanismespeuvent permettre de réaliser un tel

qualité des avis grandement améliorée.L'expérience montre que les diagnosticserronés ont souvent pour origine lamauvaise qualité ou un traitement insuf-fisant des statistiques de la pêche com-merciale. Or, toutes les méthodes indi-rectes de gestion des pêches reposentsur une connaissance intégrale des cap-tures et des rejets en mer…

Quelques exemples concretsQuelques pêcheries choisies afin d’illus-trer la diversité des situations rencon-trées ont été analysées. La pêcheried’anchois du golfe de Gascogne fournitun bon exemple d’une approche nou-velle, combinant la biologie des pêcheset l’océanographie. Le cas de la léginede l’océan Austral illustre un cas, heu-reusement rare, où le braconnage orga-nisé en haute mer rend vaine toute tenta-tive de gestion, au détriment des Étatsqui respectent la réglementation. Lagrande sensibilité des populations depoissons de profondeur, comme l’em-pereur et les macrouridés, constitue uncas particulier lié à la grande longévitéde ces espèces. L’exploitation de la mo-rue et du merlu dans les eaux euro-péennes illustre les préoccupationsscientifiques actuelles en matière depréservation d'une biomasse limite pourassurer le recrutement et la survie deces espèces, dont la biologie est déjàmarquée par la surexploitation (avance-ment de l’âge et de la taille de maturité).Dans ces deux pêcheries, les surcapa-cités de pêche n’ont pas été suffisam-ment réduites et la carence des contrôlesinternationaux n’a fait qu’amplifier l’étatde surexploitation de ces stocks. Lapêcherie de thon rouge fournit un bonexemple d’un stock partagé à l’échelled’un grand bassin océanique, l’AtlantiqueNord, et ses mers adjacentes. L’avenirde cette pêcherie dépend de l’action poli-tique, afin de garantir le respect desmesures de gestion et l’obtention dedonnées de capture et d’effort de pêchefiables. Dans un cas au moins, celui dela pêcherie de coquilles Saint-Jacquesde la baie de Saint-Brieuc, un ensemblede mesures de gestion semble avoirpermis le début de la reconstitution d'unstock: il s’agit, il est vrai, d’une espècesédentaire, dont l’abondance peut êtreévaluée directement et qui vit dans unezone géographique restreinte, ce quifavorise les relations régulières entreles professionnels, l’administration etles scientifiques; pour autant, cet ex-emple est encourageant. Les pêches enestuaire des jeunes anguilles (civelles)illustrent le cas, heureusement rare, oùles aménagements de toute naturequ'ont subi les cours d'eau, milieu de viedes adultes, contribuent à la réductiondes stocks dans une mesure comparableà la surpêche. Enfin, les pêches médi-terranéennes ne pouvaient être omisesdans un tel rapport, en particulier à

ajustement: la taxation (homologue duprincipe pollueur/payeur), ou le marchéde droits individuels de pêche (homo-logue des droits à polluer). Quels quesoient les instruments de régulationadoptés, leur adoption suppose un trai-tement convenable de la transition (par-tage des coûts immédiats, étapes etrythme).Bien entendu, la communication et ledialogue devront jouer un rôle majeurdans cette évolution. Professionnels,administratifs, scientifiques, doivent ap-prendre à dialoguer en permanence.

Le Conseil européen de décembre 2002La Commission a proposé en mai 2002une réforme de la Politique commune dela pêche portant sur la réduction admi-nistrative de la flotte et la suppressiontotale des aides publiques à la pêche (lessommes ainsi libérées étant affectéesau financement de plans sociaux au profitdes pêcheurs en reconversion). Lesimplications sociales de ces propositions(perte en Europe de 28.000 emplois surquatre ans) ont suscité une vive émotionau sein de la profession et l'oppositionde plusieurs pays. Le compromis adoptépar le Conseil du 21 décembre 2002 auto-rise les États membres à subventionnerla construction de nouveaux naviresjusqu'à la fin 2004, sous réserve de ladestruction de bateaux plus anciens depuissance comparable. Les réductionsde l'effort de pêche décidées pour desespèces en déclin rapide comme lamorue sont inférieures aux propositionsinitiales de la Commission.Ces nouvelles dispositions n’apporterontqu’une amélioration partielle et tempo-raire. Il importe de se préoccuper dèsmaintenant de la conception de nouveauxrégimes de régulation de l’accès suscep-tibles d’assurer la durabilité écologique,économique et sociale de la pêche, ainsique des mesures appropriées de traite-ment de la nécessaire transition quiconditionnent leur adoption.Il est de l’intérêt de tous les acteurs de lapêche comme de la société que les indis-pensables réformes soient entreprises.Cela ne pourra se faire que de manièregraduelle. Encore faut-il pour modifierles comportements, qu’une incitationnouvelle soit donnée, combinant uneinformation transparente avec une dé-concentration à un niveau approprié,privilégiant la négociation et le dialogueentre tous les partenaires �

Les mécanismes communautairesEn l’absence de mécanismes de régu-lation de l’accès, les méthodes indirectesde contrôle de la mortalité par pêche,telle la fixation annuelle de TotauxAdmissibles de Captures (TAC), s’avè-rent insuffisantes. Face à l’améliorationrapide de l'efficacité des navires, c'estdésormais l’effort de pêche lui-mêmequ’il convient de réguler. La situationgénéralisée de surexploitation des pê-cheries européennes s'explique par descauses variées : divergence dans lesobjectifs de gestion, accès aux res-sources mal contrôlé, divergences d'in-térêt entre les différents métiers, in-suffisance des bases scientifiques,notamment en matière économique,biais dans les processus de décision,enfin déficit d'application des mesures.L’analyse des procédures décisionnellesau sein de l’Union européenne illustrela complexité d’un système dans lequelle souci de protection de l'environnementmarin est pris en considération, notam-ment en ce qui concerne les animauxemblématiques (tortues marines,oiseaux de mer, Cétacés). La Politiquecommune de la pêche, décidée par leConseil des ministres sur la base despropositions de la Commission euro-péenne, elle-même ayant recours auxavis scientifiques annuels du Conseilinternational pour l'exploration de lamer, fait désormais intervenir le Parle-ment européen, ainsi que les ONG envi-ronnementalistes. Des oppositions sefont jour entre professionnels sur uneéventuelle renationalisation d'une partiede la Zone Économique Exclusive, oula suppression de droits historiques dansla bande des 12 milles.

Les modèles démographiquesappliqués à la gestion des stocksL’analyse des principaux modèles démo-graphiques utilisés pour la gestion despêches montre les possibilités et leslimites du travail accompli. La rechercheest parvenue à construire un ensembled’indicateurs robustes quant à l’état desressources et des pêcheries. Dans lamajorité des cas, des avis sur les risquesde déclin de l’abondance, des rendementsindividuels et de la production totale desstocks, et la menace qu’ils font peser surleurs capacités de reproduction, ont étéémis. En aucun cas, le mauvais état actueldes pêcheries communautaires ne peutêtre imputé à une connaissance insuffi-sante des ressources, comme en témoi-gne l’évaluation du potentiel halieutiqueréalisée il y a trente ans par la FAO, com-parée à la situation actuelle. Ce sont avanttout les carences des mécanismes derégulation de l’accès qui contrecarrent labonne utilisation des connaissancesdisponibles. Avec des instruments derégulation de l’accès adaptés, le suivi del’état des stocks serait très simplifié et la

Question d’actualité

Le rapport paraîtra en novembre 2003 (Académiedes sciences, La surexploitation des ressourcesmarines vivantes, rapport RST n° 17), aux ÉditionsTec & Doc, 14, rue de Provigny 94 236 Cachan Cedex,http : www.Lavoisier.fr.

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 16

La vie des séances

fois un flux de neutrinos suffisammentimportant pour permettre leur mise enévidence directe. Peu à peu, les physi-ciens ont appris à les apprivoiser. A l’aidedes grands accélérateurs de particules,ils ont pu construire d’intenses faisceauxde neutrinos de haute énergie qui permi-rent leur étude systématique. On a ainsiappris qu’il en existe trois espèces diffé-rentes et l’on pensait que leur masseétait égale à zéro. Un des premiers résul-tats du collisionneur LEP au CERN futjustement le comptage absolu dunombre d’espèces de neutrinos.Or, des découvertes récentes sont ve-nues nous montrer que la réalité est, enfait, plus complexe. Elles ont eu pourorigine une étude détaillée des neutrinossolaires. Les réactions nucléaires qui

sont à l’origine de l’énergie du soleilproduisent un grand nombre de neu-trinos par seconde. La réaction princi-pale est la fusion de l’hydrogène enhélium et, par elle seule, le flux desneutrinos qui arrivent sur terre est del’ordre de 1012 par cm2 et par seconde.Ils sont difficiles à observer, car leurénergie est très faible, de l’ordre dequelques centaines de kilo-electron-volts. Il a fallu construire d’énormesdétecteurs spécialisés, des merveillesde la technologie, et les enfouir à plusd’un kilomètre de profondeur, pour lesprotéger du bruit de fond du rayonne-ment cosmique. Les résultats, corro-borés par des expériences sur lesneutrinos des réacteurs et des accélé-rateurs terrestres, ont bouleversé nos

idées simplistes : non seulement lesneutrinos ont des masses non-nulles,mais, de plus, les espèces ne sont pasbien distinctes. Au cours de leur propa-gation, ils peuvent se transformer lesuns en les autres, en oscillations perpé-tuelles entre les trois espèces. Magni-fique exemple des lois fondamentalesde la mécanique quantique à des échel-les de longueur d’onde totalement nou-velles. Les valeurs précises de leursmasses ne sont pas encore connues,elles sont plus faibles que tout ce quel’on a pu mesurer. Plusieurs physi-ciens pensent qu’elles peuvent nousmontrer le chemin vers une nouvellephysique. Décidément les neutrinosn’ont pas encore fini de dévoiler tousleurs mystères �

mais d'un type cellulaire in vivo. Nousavons appliqué ce système à l'étude desoligodendrocytes, les cellules du sys-tème nerveux central (SNC) respon-sables de la formation de la gaine demyéline. Dans ce modèle, nous pouvonsétudier l'origine de ces cellules et leurfonction dans le développement du SNC.L'analyse de ces animaux nous a permisde révéler que l'ablation d'oligodendro-cytes dans la période post-natale produitdes altérations graves du développe-ment du cervelet. Ce modèle nous per-mettra aussi d'analyser, après despériodes d'ablation courte, la capacitédes oligodendrocytes à être régénérés,là où sont localisées les cellules souchesainsi que d'étudier quelles sont les molé-cules qui peuvent aider à leur régéné-ration. Ces résultats pourront apporterleur aide aux études sur des maladieshumaines telle la sclérose en plaquesou les leukodystrophies �

cepteur D2, au niveau comportementalet moléculaire, nous a renseignée surson activité d'autorécepteur, donc demolécule capable de contrôler lasynthèse et la libération de dopamine.Cette fonction clef, à l'intérieur du sy-stème dopaminergique, intervient cha-que fois que ce système neuromodula-teur est sollicité. De plus nous avonsdémontré que l'activité D2 n'est pasremplaçable par d'autres récepteurs dela même famille. Un autre résultat inté-ressant est que le récepteur D2 est forte-ment impliqué dans le contrôle de lalocomotion ainsi que dans la réponseaux stupéfiants. Ces résultats ont desimplications importantes dans la re-cherche médicale, tout autant celles quiconcernent la maladie de Parkinson, quel’addiction aux drogues.Le deuxième modèle transgénique quenous avons développé permet l'ablationinductible, cette fois non pas d'un gène

l'expression de gènes ou de la physio-logie cellulaire, caractéristiques depathologies humaines. Sans compterl'intérêt scientifique d'une telle approche,la création et l'analyse de ces modèlespourront donc nous être utiles pour ledéveloppement de nouvelles thérapiespharmacologiques et cellulaires.Le modèle de choix de nos études est lasouris génétiquement modifiée. Nousavons utilisé ce modèle pour affiner nosconnaissances sur le fonctionnement dedeux types cellulaires du systèmenerveux central, les neurones dopami-nergiques et les cellules gliales oligo-dendrocytaires.L'ablation sélective du récepteur dopa-minergique de type D2 in vivo par la tech-nique de recombinaison homologuenous a permis d'éclaircir le rôle proprede ce récepteur à l'intérieur de la familledes récepteurs dopaminergiques. L'ana-lyse des souris déficitaires pour le ré-

par Emiliana Borrelli 1

Les progrès des connaissances enbiologie moléculaire et cellulaire

nous ont permis des avancées remar-quables dans la manipulation génétiquede différents organismes. Aujourd'hui,il est possible d'éliminer l'expressiond'un gène, d'en induire son expressionectopique, et même d'induire l'ablationde cellules in vivo. Ces approches vontnous conduire à une connaissance trèsapprofondie du rôle de protéines cibléesdans un contexte physiologique, au coursdu développement de l'organisme et dela différenciation cellulaire. De plus, lesmanipulations génétiques nous permet-tent de simuler in vivo des altérations de

par Jean Iliopoulos 1

Depuis que l’homme contemple lesétoiles, il se trouve submergé dans

un rayonnement intense de neutrinoscélestes. Malgré cette abondance, lesneutrinos sont restés les plus élusiveset, peut-être les plus mystérieuses desparticules élémentaires. Leur existencefut postulée par Pauli en 1932, afin d’ex-pliquer une violation apparente de laconservation de l’énergie dans les désin-tégrations �, mais ils restèrent inobser-vables durant de longues années. Eneffet, leurs interactions avec la matièresont tellement faibles qu’ils peuventtraverser la terre entière sans êtreralentis. C’est en 1954 que les réacteursnucléaires ont fourni pour la première

17

1 Membre de l’Académie des sciences, directeur derecherche CNRS, laboratoire de physique théo-rique, École normale supérieure de Paris.

2 Directeur de recherche à l’INSERM, Institut degénétique et biologie moléculaire et cellulaire,Illkirch.

Les oscillations des neutrinos: unefenêtre vers une nouvelle physique

La souris génétiquement modifiéecomme modèle d’étudesde la fonction des gènes

ainsi que de pathologies humaines

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 17

La DRI1995-2003

C'est sans doute dans le domaine del’enseignement des sciences à l’écoleque l’action de notre Académie est laplus connue à l'étranger. D’innombra-bles contacts ont été pris par des Acadé-mies ou des Ministères étrangers avecle groupe Main à la pâte et avec la DRIen vue de s’inspirer de l’action de notreAcadémie. Les ancrages les plus forts,dans ce domaine, ont été établis avec leCanada, le Chili, la Colombie, la Hongrie,l’Italie, la Malaisie, le Mexique, la Suisse…mais surtout avec le Brésil, la Chine etles États-Unis. Un nombre croissantd’Académies prennent en effet con-science qu’une propagation convain-cante, en direction de la jeunesse, desidées et des méthodes scientifiques doitjouer un rôle crucial dans le développe-ment moral, social et économique dessociétés.

Actions pour la coopérationCes actions sont le fait des Ministères etdes Agences concernés, mais l’Académieest un des lieux où elles peuvent, lemieux, être présentées et discutées.C’est là un des rôles du CARIST, Comitécréé par Jacques Friedel et dont la DRIorganise les réunions. De même entre-tient-elle des liens souvent étroits avecles Services scientifiques, chargés de laCoopération, de bon nombre d’Ambas-sades de France, le DRI participant d’ail-leurs désormais à la sélection de nosAttachés scientifiques.

Aide aux jeunes AcadémiesIl s'agit là d'un pari reposant plus surdes convictions, et sur des exemplesencourageants (Costa-Rica, Népal…) quesur des bases dûment établies. Qui, eneffet, saura définir le niveau critique dedéveloppement, pour un pays, justifiantla création d’une Académie des scien-ces? Mais en même temps, qui ne re-connaîtra que, dans bien des pays endéveloppement, l’existence d’une ins-tance respectée, fondée sur une qualitéscientifique internationalement recon-nue, indépendante des pouvoirs et stabledans le temps, peut rendre d’éminentsservices, en termes d’aide experte auxdirigeants, d’enseignement scientifique,d’établissement de règles sanitaires, oude frein à la fuite des cerveaux?C'est dans cette optique que notreAcadémie a établi des relations privilé-giées et confiantes avec un certain nom-bre d’Académies jeunes et vaillantes,comme celles du Sénégal, d’Afrique duSud ou de Bolivie, ou qu’elle a entaméune collaboration avec des pays qui envi-sagent de créer une Académie maishésitent à en établir les statuts et à endéfinir le noyau initial. (Mali, Côte d'Ivoire,Vietnam…)Il n’y a pas de paradoxe à constater queles problèmes d’une jeune Académiesont parfois aussi, exprimés différem-ment, ceux d’une plus ancienne ; etqu’échanger des idées au sujet de celle-là peut utilement aider à repenser lestraditions et les modes de fonctionne-ment de celle-ci �

Par Yves Quéré1

A u travers de ses relations inter-nationales, l’Académie des scien-

ces est animée d’une quadruple ambi-tion: 1) rendre notre institution présente sur

les lieux où, de par le monde, sedébattent et se décident les actionsinteracadémiques;

2) jouer un rôle de vitrine pour la sciencefrançaise;

3) soutenir les actions de coopérationscientifique et technique;

4) participer à l'aide que les Académiesplus anciennes se doivent d'apporteraux plus jeunes.

À côté des Comités dédiés à des ac-tions précises, comme le CODHOS ou leCOPED, la DRI a tenu là, depuis sa créa-tion en 1985 par notre regretté ConfrèreAndré Guinier, une place importante.Résumons ici son action – soutenue effi-cacement par le Ministère des Affairesétrangères – sur les huit dernières an-nées.

Actions interacadémiquesOutre les liens solides qui ont été établisdirectement avec certaines Académies(Brésil, Canada, Chine, Espagne, États-Unis, Inde, Iran, Israël, Italie, Mexique,Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède,etc. …) – notamment par l’organisationd’un bon nombre de Colloques bilaté-raux, – notre Académie s'est fortementinvestie dans certaines actions multila-térales, estimant que seul un effortconcerté et global peut donner à lascience son vrai rôle, à l'échelle mon-

1 Membre de l’Académie des sciences, co-prési-dent de l’IAP.

diale, en termes de culture (s'agissantdes individus) et de développementstable (s'agissant des sociétés).C’est ainsi que l’Académie des sciencess’est vivement investie dans des fédéra-tions comme l’ALLEA (les Académieseuropéennes) qu’elle a contribué à créer,ou comme l’IAP (InterAcademy Panel:les Académies du monde) dont le DRIest devenu co-Président, ou comme l’IAC(InterAcademy Council), émanation del’IAP qui rédige des rapports d'expertisescientifique et technique d'échelle glo-bale. Notre Académie a été à maintesreprises l’hôte de réunions des diversComités exécutifs ou Bureaux de cesfédérations, de même qu’elle a été in-vitée à participer à des travaux de réor-ganisation académique (Japon, Canada,Allemagne…) ou à la mise sur pieds deréseaux d’Académies (IAC, Amériquelatine, Sud-Est asiatique).

Illustration de réalisations scien-tifiques ou pédagogiques fran-çaisesSeule, ou le plus souvent par l’intermé-diaire de nos Ambassades, la DRI a eude nombreuses occasions d’organiserdes cycles de Conférences d’Académi-ciens en divers pays. De même a-t-ellecréé un circuit de présentation de sa-vants français aux grands Prix interna-tionaux – obtenant là des résultats sub-stantiels – et organisé des rencontresrégulières pour les Ambassadeurs oules Attachés scientifiques en poste àParis.

La vie de l ’Académie

18

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 18

La Grande médaille d’or 2003 de l’Académie des sciences

Fondation

Louis D.Les lauréats des grands prix, scientifique et humanitaire 2003,

dotés de 750000 euros chacun, viennent d'être désignés.

La vie de l ’Académie

L a grande médaille d’or 2003 del’Académie des sciences 2003 a été

décernée à David Sabatini, né en 1931 enArgentine. De nationalité américaine,David Sabatini a fait ses études de méde-cine à Buenos Aires puis a préparé sonPh D sous la direction du ProfesseurEduardo de Robertis, un des pionniers dela microscopie électronique. Dès 1960 ilmet en évidence deux mécanismesfondamentaux: le rôle de l’appareil deGolgi dans la biogenèse des granulessécrétoires et le phénomène d’exocytose.En 1961, David Sabatini part aux États-

Unis pour y poursuivre sa formationscientifique. A l’Université de Yale, il réaliseles premiers travaux qui l’ont renducélèbre. Il révolutionne la microscopieélectronique en mettant au point unenouvelle méthode de fixation des tissusqui conserve remarquablement la struc-ture fine des cellules et de leurs consti-tuants. Il rejoint le laboratoire de GeorgePallade à l’Université Rockfeller à New-York et accomplit des travaux de toutpremier plan. Sa fameuse théorie du« signal » a été à la base de presque undemi siècle de recherches sur la bioge-

nèse des protéines. En effet, elle permetde comprendre comment les protéinessynthétisées au niveau des ribosomessont dirigées ou bien dans des compar-timents limités par des membranes oubien dans le cytoplasme. En collabora-tion avec Gunther Blodel, il démontre quel’insertion des protéines dans lamembrane du réticulum endoplasmiqueest due à la possession, par ces protéines,d’un peptide transitoire hydrophobeauquel ils ont donné le nom de « peptidesignal »A partir de 1973 un département de

biologie cellulaire très actif et renomméà l’École de médecine de l’Université deNew où il poursuit encore ses recherchesactuellement. David Sabatini est un biolo-giste cellulaire dont la carrière a étéjalonnée par une série de découvertesd’une importance considérable. Il a suassocier d’une manière exceptionnelle-ment productive la biochimie et l’analysestructurale fine des constituants de lacellule pour mettre en lumière les méca-nismes de la biogenèse des protéines etles relations fonctionnelles entre les orga-nites de la cellule eucaryote �

Créée en janvier 2000, sous l’égidede l’Institut de France,

la Fondation Louis D. décerne chaqueannée deux grands prix dotés chacunde 750000 euros.La Fondation Louis D. a pour objet desoutenir des associations, fondations,personnes morales ou O.N.G ayant uneaction à caractère caritatif ou culturel,ou dont le but est d’encourager larecherche scientifique.Le prix scientifique, doté de 750 000euros, destiné à aider un laboratoire,une équipe ou une institution engagéedans la recherche, récompense cetteannée des travaux sur: « l'imagerie ducerveau et ses applications ». Le con-seil d’administration de la FondationLouis D., après délibération d'un comitéde sélection (1) placé sous la pré-sidence de M. Étienne-Émile Baulieu,président de l’Académie des sciences,a désigné, parmi les candidats sélec-tionnés, les docteurs Denis Le Bihanet Stanislas Dehaene, et leur équipe,de l’unité de neuro-anatomie fonction-nelle du service hospitalier FrédéricJoliot (CEA/INSERM) à Orsay.Le docteur Denis Le Bihan est unphysicien et un médecin (neuroradio-logue) qui a fait des contributions re-

Sciences (Pays-Bas)- Pr. Giacomo Rizzolatti de l’Acca-

demia Nazionale Dei Lincei (Italie)- Pr. Hans-Konrad Müller-Hermelink

de la Deutsche Akademie DerNaturforscher Leopoldina (Alle-magne)

- Pr. Brian Worthington de l’Acade-my of Medical Sciences (Grande-Bretagne)

- Mme Nicole Le Douarin, secré-taire perpétuelle de l’Académiedes sciences (Institut de France)

Le Prix humanitaire, doté de 750000 €,est destiné à récompenser des asso-ciations, fondations, personnes mo-rales ou O.N.G., à l'exclusion de toutepersonne physique, ayant une action àcaractère caritatif.Cette année, le prix est attribué à laFondation Abbé Pierre pour le loge-ment des défavorisés. En effet, laFondation contribue au financementd’un réseau d’une vingtaine de « pen-sions de famille », dites « maisonsrelais » par les pouvoirs publics, pourl’accueil de personnes en difficultésn’ayant pas ou plus de réseau socialsuffisant. Le prix de la fondation Louis D.permettra en outre la création de deux

maisons, à Metz et à Marseille.Membres du comité de sélection du prixhumanitaire:- M. Jean CLUZEL, secrétaire perpé-

tuel de l’Académie des sciencesmorales et politiques

- M. Jean-Pierre CAILLARD, prési-dent-directeur-général du groupe depresse Centre France – La Montagne

- M. Michel DIDIER, professeur auConservatoire national des arts etmétiers (CNAM)

- M. Patrick HENAULT, ambassadeurchargé des droits de l’homme auministère des Affaires étrangères

- M. Claude MALHURET, ancienMinistre, maire de Vichy

- M. Henri PIGEAT, président de l’Institutinternational de la Communication

- M. Yves POULIQUEN, de l’Académiefrançaise, professeur de médecine

- Mme Michèle PUYBASSET, présidentede la Commission d’accès aux docu-ments administratifs (CADA)

La remise officielle des grands prix dela Fondation Louis D., aura lieu le lundi20 octobre 2003, à 11 heures, en grandesalle des séances.À cette occasion, les lauréats présente-ront leurs travaux et réalisations �

marquables dans le développement denouvelles méthodes d'imagerie per-mettant, entre autres, l'étude du fonc-tionnement du cerveau humain, nota-mment en imagerie par résonancemagnétique (IRM).

De son côté, le docteur StanislasDehaene, directeur de l’unité inserm562 de neuro-imagerie cognitive àOrsay mène ses recherches dans l’exa-men des bases cérébrales de fonctionscognitives particulièrement dévelop-pées dans l’espèce humaine: le calcul,la compréhension du langage, et laplanification consciente(1) Membres du comité de sélectiondu prix scientifique, représentantsdes académies mentionnées:- Dr Michael I. Posner de la National

Academy of Sciences (États-Unis)- Pr. Lars Terenius de la Royal

Swedish Academy of Sciences(Suède)

- Pr. Anatoly Grigoriev de la RussianAcademy of sciences (Fédération deRussie)

- Dr Hiroshi Shibasaki du ScienceCouncil of Japan (Japon)

- Pr. Jan Van Gijn de la Royal Nether-lands Academy of Arts and

19

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 19

Carnet

Publication de l’Académiedes sciences

23, quai de Conti 75006 PARISTel: 01 44 41 43 68Fax: 01 44 41 43 84http: www.academie-sciences.fr

Directeur de publication:Nicole Le Douarin

Directoire:Nicole Le DouarinJean Dercourt

Rédacteur en chef:Jean-Didier Vincent

Secrétariat général de rédaction:Marie-Christine Brissot

Conception graphiqueDirection artistiqueNicolas Guilbert

Photographies & dessins:p.p. 13, 20photos N. Guilbertpp. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14photos (DR).

Comité de rédaction:Jean-François Bach, Roger Balian,Jack Blachère, Édouard Brézin, Pierre Buser, Paul Caro,Jules Hoffmann, Alain Pompidou, PierrePotier, Érich Spitz, Jean-Christophe Yoccoz

Photogravure & impression:Edipro/PrintreferenceTM

01 41 40 49 00

n° de C.P. : 0108 B 06337

la lettre n0 9/ automne 2003

de l ’Académie des sciences

20

ClaudeHélène (29 janvier1938-11 février2003)Membre de l’Académie dessciences, section de biologie cellu-laire et moléculaireProfesseur au Muséum nationald’histoire naturelleDirecteur de l’Unité 201 de l’IN-SERM, de 1980 à 2001

Claude Hélène a consacré laplupart de ses travaux à l’étudedes mécanismes de reconnais-sance entre les acides nucléiqueset les protéines, la richesse et l’ori-ginalité de son œuvre devant beau-coup à sa triple approche physique,chimique et biologique.Utilisant des oligonucléotidessynthétiques, en particulier anti-sens, il a apporté une contributionmajeure à l’étude du contrôle del’expression des gènes et, plusrécemment, à l’identification de

Jean Brossel(15 août19184 février2003)Par B. C. et C. C.-T.

Membre de l'Académie dessciences, section de physique.Professeur émérite à l'UniversitéPierre et Marie Curie.Ancien Directeur du laboratoire dephysique de l'École Normale Supé-rieure.

Jean Brossel, ancien élève del'École Normale Supérieure, estl'un des éminents chercheurs quiont su reconstruire l'école dephysique française au lendemainde la guerre. Expérimentateurd'exceptionnel talent, il a été avecAlfred Kastler le pionnier de latechnique de pompage optique. Il a également été l'inventeur de laméthode de la double résonancemagnétique et optique en physiqueatomique. Ces méthodes optiquesont connu par la suite un dévelop-pement foisonnant avec l’avène-ment des sources laser. La presti-gieuse école française de physiqueatomique doit énormément à JeanBrossel.

molécules capables de reconnaîtreles télomères, impliqués dans lalongévité cellulaire. Un grandnombre de ses découvertes ontouvert de nouvelles perspectivesthérapeutiques.

Claude Hélène était une personna-lité très attachante, unanimementrespectée de ses pairs et de sesétudiants; sa disparition affectedurement tous ceux qui l’ontconnu.Remarquable chercheur scienti-fique, enseignant exceptionnel ethomme de cœur, le ProfesseurClaude Hélène nous a quitté danssa 65e année.

Pierre Douzou avait dit de lui en1988 à l’occasion de son entrée àl’Académie des sciences: «Pourmoi, vous êtes l’émouvante illus-tration de la réussite d’un garçonde condition initialement modeste,qui a su profiter des vertus de l’en-seignement pour cultiver sespropres qualités, puis qui a sus’épanouir par l’effort bien dosé.Vous êtes la fierté de ceux qui vousentourent et vous aiment. Vousêtes enfin l’honneur du Muséumque vous avez si bien servi et quevous servirez longtemps encore.»

L’œuvre de Jean Brossel

Le Professeur Jean Brossel quivient de nous quitter a joué un rôleexceptionnel dans le développe-ment de la physique française etinternationale.

Jean Brossel sort de l'E.N.S. (ÉcoleNormale Supérieure) avec l'agré-gation de physique en 1945. Iltravaille pendant cinq années dansdes laboratoires anglais et améri-cains avant de revenir soutenir sathèse d'État à Paris à l'automne1951, sur les expériences qu’ilavait réalisées au MIT.

Attaché de recherches, puis maîtrede recherches au CNRS de 1951 à1955, il est alors nommé profes-seur à la Faculté des sciences deParis puis à l'université Paris 6(Pierre et Marie Curie) où ilenseigne jusqu'à sa retraite en1985. Co-directeur du laboratoirede spectroscopie hertzienne del'E.N.S. jusqu'à la retraite d'AlfredKastler en 1972, puis directeur dece laboratoire, il est égalementdirecteur du département dephysique de l'E.N.S. de 1973 à1985.

Élu à l'Académie des sciences en1977, Jean Brossel a reçu denombreuses distinctions honori-fiques dont nous ne retiendronsque les deux plus importantes, en1960, le Prix Holweck décerné

Agrégé de sciences physiques àl’Ecole Normale Supérieure en1962, Claude Hélène obtient le titrede Docteur ès science en 1966après avoir préparé sa thèse sousla tutelle de Charles Sadron.Nommé Directeur de recherchesau CNRS en 1974, il succède àCharles Sadron à la direction dulaboratoire de biophysique molé-culaire d’Orléans.

Nommé Professeur au Muséumnational d’Histoire naturelle à lasuite de Charles Sadron, il dirige lelaboratoire de biophysique duMuséum à partir de 1976. Il donneune dimension internationale à celaboratoire, laboratoire associé àl’INSERM et au CNRS, et il y déve-loppe des collaborations avec l’In-dustrie et notamment les labora-toires pharmaceutiques. Membredu Comité de rédaction de presti-gieuses revues internationales etmembre du Conseil d’administra-tion de différentes sociétés dontAventis, Urogene et Chrysalon il aégalement été directeur scienti-fique de Rhône Poulenc de 1990 à1999.

conjointement par les sociétés dephysique anglaise et française eten 1984, la Médaille d'Or du CNRS.

Le laboratoire fondé en 1951, et co-dirigé par Alfred Kastler et JeanBrossel a joué un rôle éminentdans le développement de laphysique atomique et de l’optiquequantique en France et àl'étranger. La complicité intellec-tuelle et la complémentarité destempéraments de ces deux scien-tifiques ont été essentielles pour cesuccès, et Alfred Kastler n'a cesséd’exprimer, en public comme enprivé, ses regrets que Jean Brosseln'ait pas partagé avec lui le PrixNobel qui lui a été décerné en1966.Les méthodes optiques introduitespar Alfred Kastler et Jean Brosselpermettent tout d’abord d’orienterles moments magnétiquesatomiques en excitant les atomesavec une lumière résonnante pola-risée. C’est le principe du pompageoptique. Si les atomes sont soumisde plus à une onde hertzienne quiinduit la résonance magnétique,cette résonance est détectée parune modification de la lumièreémise ou absorbée par les atomes.Cette méthode de double réso-nance combine la précision desmesures de fréquence des ondeshertziennes avec la sensibilité biensupérieure de la détection enoptique.

Ces méthodes ont permis rapide-ment d’obtenir une moisson dedéveloppements nouveaux danstoute une série de domaines:spectroscopie de haute résolution,horloges atomiques et standardsde fréquence, magnétomètres dehaute sensibilité, orientation desnoyaux, sans compter toutes lesétudes d’effets nouveaux dans lesinteractions atomes-lumière.L’avènement des sources laseraccordables au début des années70 a produit une explosion desrecherches dans ce domaine qui sepoursuit actuellement et quiexplique le renouveau de ce champde la physique.

En définitive, Jean Brossel etAlfred Kastler ont formé une écolede pensée et un centre d’excel-lence scientifique, dont le rayonne-ment national et international estexceptionnel. Le professeur JeanBrossel s’est dévoué sans compterpour attirer et former les meilleursétudiants en jouant un rôle pion-nier dans la création des enseigne-ments de troisième cycle prépara-toires à la recherche. Il a euégalement une influence profondesur le développement de laphysique en France par le rôle qu’ila joué à la direction du départe-ment de physique de l’ENS ainsique dans les commissions duCNRS et de l’Université �

Membre de l’Académie dessciences depuis 1988, ClaudeHélène était Officier de l’Ordrenational du Mérite, Officier de laLégion d’Honneur. Ilavait obtenulePrix Lacassagne décerné par parla Ligue française contre le cancer,le Prix de la fondation de la Maisonde la Chimie. Il était Docteurhonoris causa de l’université deLiège et de l’université catholiquede Leuwen

A l’interface de la chimie, de laphysico-chimie et de la biologie, lestravaux de Claude Hélène, ontcontribué au développement de labiophysique depuis près de 40 anset leurs applications continuerontde profiter aux domaines de labiologie, de la biotechnologie et dela médecine dans les années àvenir.Le colloque «Acides nucléiques:des bases à la génomique» quis’est tenu du 6 au 8février 2003 auMuséum, à réuni de nombreuxcollègues et amis autour de ClaudeHélène pour un hommage à sesremarquables contributions sur lachimie des acides nucléiques �

Académie n°9 24/10/03 12:21 Page 20