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ACADEMIE DE PARIS
Année 2016
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoît Plaud
par
Monsieur Adrien CHIMON
Présenté et soutenu le 8 Septembre 2016
Evaluation rétrospective de deux techniques
d’anesthésie locorégionale sur la douleur en
postopératoire de reconstruction mammaire par DIEP
Travail effectué sous la direction du Docteur Philippe SITBON
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Table des matières
ABREVIATIONS ................................................................................................... 3
RESUME ............................................................................................................. 4
1) INTRODUCTION .............................................................................................. 5
1.1. Temps chirurgicaux ............................................................................... 8
1.2. Le bloc paravertébral ............................................................................ 9
1.3. Le TAP Bloc .......................................................................................... 11
1.4. But de l’étude ...................................................................................... 12
2) MATERIELS ET METHODES ........................................................................... 13
2.1. Type d’étude ....................................................................................... 13
2.2. Population ........................................................................................... 13
2.3. Réalisation du bloc paravertébral ........................................................ 14
2.4. Réalisation du TAP Bloc ....................................................................... 15
2.5. Anesthésie générale ............................................................................ 17
2.6. Surveillance et analgésie postopératoire ............................................. 18
2.7. Critères de jugement ........................................................................... 19
2.8. Recueil des données ............................................................................ 19
2.9. Analyse statistique .............................................................................. 20
3) RESULTATS ................................................................................................... 21
3.1. Données générales .............................................................................. 21
3.2. Scores de douleur postopératoire ....................................................... 23
3.3. Consommation de morphine ............................................................... 25
3.4. Durée de séjour hospitalière ............................................................... 27
4) DISCUSSION ................................................................................................. 28
5) CONCLUSION ................................................................................................ 32
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................ 33
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ABREVIATIONS
ADN : Acide Désoxyribonucléique
AIVOC : Anesthésie Intraveineuse à Objectif de Concentration
ALR : Anesthésie Locorégionale
ASA : American Society of Anesthesiology
BPV : Bloc Paravertébral
BRCA : Breast Cancer
DIEP : Deep Inferior Epigastric Perforator
ENS : Echelle Numérique Simple
IMC : Indice de Masse Corporelle
NVPO : Nausées Vomissements Post Opératoires
PCA : Patient Controlled Analgesia
RM : Reconstruction Mammaire
SFAR : Société Française d’Anesthésie Réanimation
SSPI : Salle de Surveillance Post Interventionnelle
TAP : Transversus Abdominis Plane
TRAM : Transverse Rectus Abdominis Musculocutaneous
USCC : Unité de Surveillance Continue Chirurgicale
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RESUME
Introduction : Le cancer du sein est un problème majeur de santé publique en France, sa
prise en charge chirurgicale est douloureuse et délabrante. Actuellement, en France, la
moitié des patientes ayant subies une chirurgie carcinologique de type mastectomie totale
bénéficie d’une reconstruction mammaire (RM). Parmi les différentes techniques de RM, le
DIEP (lambeau libre cutanéo-graisseux abdominal) tend à se développer. L’anesthésie
locorégionale (ALR) semble bénéfique pour l’analgésie postopératoire cependant il n’existe
pas de recommandation sur le site chirurgical à privilégier : bloc paravertébral pour la
mastectomie ou TAP bloc pour le prélèvement du lambeau abdominal. L’objectif de cette
étude était d’évaluer rétrospectivement l’efficacité de ces techniques d’ALR dans le cadre de
la RM immédiate par DIEP au centre de cancérologie Gustave Roussy.
Matériels et méthodes : Les dossiers des patientes ayant bénéficié d’une mastectomie
totale unilatérale suivie d’une RM immédiate par DIEP avec ALR entre Janvier 2014 et
Décembre 2015 ont été analysés. Le critère de jugement principal était la douleur
postopératoire, les critères de jugements secondaires étaient la consommation de morphine
durant les trois premiers jours postopératoires et les durées de séjour hospitalières. Les
données ont été récupérées puis comparées entre elles par un test de Mann-Whitney-
Wilcoxon.
Résultats : Durant la période d’étude, 20 patientes avaient bénéficié d’une mastectomie
totale suivie d’une RM immédiate par DIEP : 10 avaient bénéficié d’un BPV avec de la
ropivacaïne à 0,5 % en préopératoire et 10 d’un TAP bloc avec de la ropivacaïne à 0,2 % en
fin d’intervention. Les patientes du groupe BPV avaient des scores de douleurs moyens à 24,
48 et 72 heures plus faibles que les patientes du groupe TAP bloc (p = 0,014 ; p < 0,001 et p =
0,022 respectivement). Les patientes ayant bénéficié d’un BPV avaient consommé moins de
morphine durant les trois premiers jours postopératoires que les patientes du groupe TAP
bloc (p = 0,021 ; p = 0,003 et p = 0,002 respectivement). Il n’était pas retrouvé de différence
de durée de séjour hospitalière entre les deux groupes.
Conclusion : Dans cette étude, le BPV procurait une meilleure analgésie et permet une
consommation de morphine plus faible que le TAP bloc en postopératoire de mastectomie
suivie de RM par DIEP.
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1) INTRODUCTION
Le cancer du sein est un problème majeur de santé publique, avec 54062
nouveaux cas et 11913 décès imputés enregistrés en France pour l’année 2015
(soit 19 % des décès par cancer chez la femme) selon la Haute Autorité de
Santé il est de loin le cancer le plus fréquent chez la femme.
La chirurgie carcinologique mammaire est une chirurgie fréquente,
« mutilante » et douloureuse. La reconstruction mammaire (RM) désigne
l’ensemble des procédures chirurgicales visant à restituer une partie ou la
totalité de la forme et du volume du sein amputé ou absent ; elle fait partie
intégrante de la prise en charge globale des patientes souffrant d’un cancer du
sein.
La RM connait trois indications chirurgicales principales : reconstruction après
mastectomie thérapeutique pour cancer du sein, reconstruction après
mastectomie bilatérale prophylactique (pour prédisposition génétique au
cancer du sein par mutation des gènes réparateurs de lésions de l’ADN BRCA 1
ou 2) et reconstruction pour asymétrie ou agénésie congénitale mammaire 1.
Plusieurs techniques chirurgicales de RM ont été décrites, parmi elles, le DIEP
(pour Deep Inferior Epigastric Perforator, où reconstruction du sein par
lambeau libre cutanéo-graisseux de l’abdomen avec anastomose vasculaire)
permet une reconstruction du sein sans prélèvement de tissu musculaire
contrairement à la technique du lambeau de TRAM (pour Transverse Rectus
Abdominis Musculocutaneous, où reconstruction du sein par prélèvement d’un
lambeau libre de muscle grand droit de l’abdomen) ou du lambeau pédiculé de
grand dorsal. La reconstruction par DIEP à l’avantage d’être moins douloureuse
en post opératoire que la technique de TRAM2, elle permettrait de plus une
réduction de la morbidité du site donneur3.
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Cette technique chirurgicale fait aussi bénéficier la patiente d’une plastie
abdominale, contribuant ainsi à la restauration de son image corporelle et de
sa qualité de vie.
La RM par mise en place d’implants prothétiques est la technique la plus
fréquemment réalisée, cependant il a été démontré que les techniques de RM
par lambeaux musculo-cutanés étaient moins douloureuses et mieux tolérées
sur le plan psychologique par les patientes 4.
Le caractère immédiat ou différé de la reconstruction mammaire après
mastectomie totale dépend essentiellement du choix de la patiente mais aussi
des impératifs du traitement carcinologique (chimiothérapie et / ou
radiothérapie). L’avantage principal de la reconstruction mammaire immédiate
est d’atténuer la perception de « mutilation » liée à la mastectomie totale
ressentie par la patiente, elle permettrait aussi, théoriquement, de réduire le
nombre d’interventions chirurgicales et de séjours hospitaliers.
Une étude publiée en 2016 a montré une augmentation du taux de RM
immédiate au Royaume-Uni (toutes techniques chirurgicales confondues),
cette chirurgie était pratiquée dans 10 % des mastectomies en 2005 pour
atteindre plus de 23 % des mastectomies pour l’année 20145. Une seconde
étude a confirmé cette tendance aux Etats-Unis ou le taux de RM immédiate
est passée de 12 à 23 % entre 1998 et 2007.
En France, sur l’année 2009, on recensait environ 20.000 mastectomies totales
pour 9800 actes de reconstruction mammaire (immédiate et secondaire), 53 %
d’entre elles étaient réalisées par la mise en place d’implants prothétiques et
38 % par réalisation de lambeaux musculo-cutanés (données recueillies par
l’agence technique d’information sur l’hospitalisation, ATIH).
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La principale particularité de cette chirurgie de reconstruction mammaire est
de comporter deux sites d’incision chirurgicale, le site donneur du lambeau
libre cutanéo-graisseux abdominal et le site de mastectomie receveur du
lambeau. Il n’y a actuellement pas de recommandations sur le site à privilégier
pour pratiquer une ALR dans ce contexte.
Sur le plan anesthésique, il est désormais admis que l’ALR permet une épargne
morphinique postopératoire (permettant de diminuer l’incidence de ses effets
secondaires comme les nausées/vomissements, l’iléus postopératoire,
l’hyperalgésie et la survenue d’un prurit) ainsi que la prévention de la
chronicisation de la douleur (dont l’incidence a été estimée entre 20 et 50 % en
postopératoire de chirurgie carcinologique mammaire6).
Dans la RM immédiate par DIEP, l’intérêt du TAP bloc sur les scores de douleurs
et la consommation de morphine post opératoire a déjà été suggéré en 20117,8.
Dans la chirurgie carcinologique du sein de type mastectomie totale, l’efficacité
du bloc paravertébral sur la douleur et la consommation de morphiniques
postopératoire a été démontrée dans plusieurs études depuis 19959,10 et fait
actuellement l’objet de recommandations de la SFAR11.
La douleur postopératoire après reconstruction mammaire par lambeau ou
prothèse est décrite comme intense12. Dans ce contexte, une ALR est le plus
souvent proposée aux patientes lors de la consultation d’anesthésie.
Cependant, il n’existe pas de recommandations sur le type d’anesthésie
locorégionale à pratiquer pour cette chirurgie.
Aucune étude n’a comparé les scores de douleur et la consommation de
morphiniques postopératoire dans la chirurgie de RM immédiate par DIEP en
fonction de l’anesthésie locorégionale pratiquée.
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1.1. Temps chirurgicaux
La RM immédiate par DIEP comporte trois temps chirurgicaux principaux, la
mastectomie totale, le prélèvement du lambeau libre cutanéo-graisseux
abdominal puis l’anastomose microchirurgicale du lambeau libre sur le site de
la mastectomie. Anatomiquement, le sein s’étend du deuxième jusqu’au
sixième espace intercostal et transversalement du bord externe du sternum
jusqu’à la ligne axillaire antérieure, la glande mammaire repose sur le muscle
grand pectoral. L’innervation du sein est assurée par des rameaux perforants
antérieurs et latéraux issus du deuxième au septième nerf intercostal ainsi que
par les branches inférieures du plexus cervical superficiel innervant la partie
haute du sein. Le lambeau libre cutanéo-graisseux abdominal est une palette
fusiforme prélevée en région sous ombilicale innervée par les branches
antérieures et latérales issues des nerfs intercostaux de T6 à T12 et de la
première racine lombaire (Figure 1).
Figure 1. Vascularisation et innervation de la paroi abdominale13.
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Les deux sites d’incision chirurgicales que sont la mastectomie et le
prélèvement du lambeau abdominal sont donc la source potentielle de
douleurs postopératoires (Figure 2).
Figure 2. RM gauche immédiate par DIEP
1.2. Le bloc paravertébral
Le BPV est un bloc nerveux périphérique décrit initialement par Pauchet en
1914 ce qui en fait la plus vieille technique d’ALR utilisée.
L’espace paravertébral est un espace virtuel délimité en haut et en bas par les
côtes adjacentes, en postérieur par le ligament costotransverse supérieur
(tendu entre la côte sous-jacente et le processus transverse sus jacent), en
médial par le foramen intervertébral, les apophyses transverses et la face
latérale du corps vertébral et en antéro-latéral par la plèvre pariétale.
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Les racines des nerfs rachidiens émergent du canal rachidien par le foramen
intervertébral et cheminent dans l’espace paravertébral pour se diviser en un
rameau ventral dirigé vers les ganglions sympathiques, un rameau dorsal
destiné aux muscles paravertébraux et un rameau latéral constituant le nerf
intercostal (Figure 3).
Cet espace paravertébral n’est pas clos, il communique en médial avec l’espace
péridural au travers du foramen intervertébral, en latéral avec les espaces
intercostaux et en caudal par l’intermédiaire des ligaments arqués. Ces
rapports anatomiques expliquent le fait que la solution anesthésique injectée
au niveau d’un espace paravertébral puisse diffuser en moyenne à quatre
niveaux vertébraux avec une tendance à la répartition plus caudale que
céphalique14,15.
Figure 3. Anatomie de l’espace paravertébral16.
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1.3. Le TAP Bloc
Le TAP bloc a été décrit pour la première fois par Rafi en 200116, l’auteur décrit
l’abord du muscle transverse abdominal via le triangle lombaire de Petit, cette
technique s’est ensuite démocratisée grâce aux travaux publiés par Mc Donell
en 200617.L’innervation de la paroi abdominale et du péritoine sous-jacent
dépend des nerfs intercostaux de T6 à T12 et de la première racine lombaire
(L1). A la sortie du canal rachidien, ces nerfs se divisent en trois branches, une
postérieure, une latérale et une branche antérieure qui va s’unir au niveau de
la ligne blanche avec la branche antérieure controlatéral. Seules les branches
antérieures de T6 à L1 et les branches latérales de T8 à T12 intéressent
l’innervation de la paroi abdominale. Ces nerfs passent dans un espace situé
entre les muscles oblique interne et transverse séparés par un fascia (le
« Transversus Abdominis Plane ») qui solidarise ces nerfs au muscle transverse.
Dans le TAP Bloc, la solution anesthésique doit être déposée au-dessous de ce
fascia (Figure 4).
Figure 4. Anatomie du TAP Bloc18.
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1.4. But de l’étude
La chirurgie de reconstruction mammaire de type DIEP est pratiquée depuis six
années à l’institut Gustave Roussy. Il n’y a actuellement pas de consensus local
sur le type d’ALR à pratiquer dans le cadre de cette intervention chirurgicale,
c’est pourquoi certains anesthésistes du service privilégient le TAP Bloc et
d’autres le BPV selon leur expertise de la technique.
Cette chirurgie a la particularité d’être longue (durée opératoire moyenne de
sept heures à l’institut Gustave Roussy). La pratique d’une anesthésie
locorégionale rallonge encore ce temps de prise en charge au bloc opératoire,
c’est une des raisons pour lesquelles il nous a semblé nécessaire de comparer
l’efficacité de ces deux techniques d’ALR sur la douleur post opératoire.
L’objectif de cette étude était de comparer rétrospectivement les scores de
douleur et les consommations de morphine durant les trois premiers jours
postopératoires ainsi que les durées de séjour hospitalières en fonction de la
technique d’ALR pratiquée dans le cadre de la RM immédiate par DIEP.
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2) MATERIELS ET METHODES
2.1. Type d’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle, descriptive, rétrospective,
monocentrique réalisée au centre de cancérologie Gustave Roussy grand
campus cancer. Les dossiers des patientes ayant bénéficié d’une chirurgie de
mastectomie totale unilatérale suivie d’une RM immédiate par DIEP avec ALR
entre Janvier 2014 et Décembre 2015 ont été analysés.
2.2. Population
Etaient inclues rétrospectivement les patientes âgées de plus de 18 ans, ayant
bénéficié d’une ALR associée à une anesthésie générale pour mastectomie
unilatérale avec RM immédiate par DIEP entre Janvier 2014 et Décembre 2015
à l’institut Gustave Roussy. Les patientes ayant bénéficié d’une RM secondaire
ou d’une chirurgie mammaire bilatérale ont été exclues. Tous les actes
d’anesthésie locorégionale pratiqués avaient préalablement été expliqués et
acceptés par les patientes au cours de la consultation d’anesthésie.
Les critères d’exclusion retenus étaient les suivants :
Les contre-indications usuelles des anesthésiques locaux : allergie
aux anesthésiques locaux, coagulopathie sévère, épilepsie ;
Les infections cutanées au point de ponction ;
Le refus de l’anesthésie locorégionale par la patiente ;
La chirurgie mammaire bilatérale.
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2.3. Réalisation du bloc paravertébral
Le bloc paravertébral (dont la pratique avait été protocolée dans le service en
2011) était réalisé avant l’induction anesthésique, en condition d’asepsie
chirurgicale, dans la salle d’intervention, après installation de la patiente en
décubitus latéral, sous sédation par rémifentanil après mise en place du
monitorage recommandé par la SFAR (électrocardioscope, pression artérielle
non invasive, oxymètre de pouls) et administration d’oxygène par lunettes
nasales à 3L/min.
L’espace paravertébral était repéré grâce à la sonde d’échographie positionnée
horizontalement en regard de la troisième ou de la quatrième vertèbre
thoracique, avec comme principaux repères l’apophyse transverse et la plèvre
pariétale (Figure 5).
Le bloc était réalisé dans le plan transversal comme décrit par Shibata19,
permettant de suivre en continue la progression de l’aiguille 22G x 80 mm
(Pajunk®) dans l’espace paravertébral. Une fois l’aiguille en place dans l’espace
paravertébral sous échoguidage, une solution de ropivacaïne à 0,5 % 20 mL
était injectée (soit environ 1,5 mg/Kg).
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Figu
re 5. Sonoanatomie du bloc paravertébral dans le plan transversal, AT :
apophyse transverse, MICE : muscle intercostal externe, EPV : espace
paravertébral.
2.4. Réalisation du TAP Bloc
Le TAP Bloc était réalisé à la fin de l’intervention chirurgicale, avant extubation
de la patiente, la sonde d’échographie étant placée au niveau de l’ombilic
(D10). Les structures anatomiques (muscles obliques externe et interne, muscle
transverse, péritoine et anses digestives) étaient repérées sous échographie
avant ponction.
Le TAP Bloc était réalisé sous échoguidage dans le plan transversal en latéro-
ombilical avec une aiguille 22G x 80 mm (Pajunk®) en condition d’asepsie
chirurgicale.
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La bonne position de l’aiguille entre les muscles oblique interne et transverse
était confirmée à l’injection de la solution anesthésique par l’apparition d’un
liquide anéchogène entre ces deux muscles refoulant le muscle transverse vers
la profondeur (Figure 6).
La réalisation du TAP Bloc n’était pas protocolée dans le service, cependant
nous avons pu observer sur les feuilles d’anesthésie que chez 9 patientes parmi
les 10 ayant bénéficié d’un TAP Bloc, la solution anesthésique injectée était de
la ropivacaïne 0,2 % 20 mL de chaque côté (soit une dose totale de ropivacaïne
d’environ 1mg/Kg).
Figure 6. Sonoanatomie du TAP Bloc.
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2.5. Anesthésie générale
Toutes les interventions étaient réalisées sous anesthésie générale, le
monitorage mis en place comprenait un tracé électrographique, une pression
artérielle non invasive, une oxymètre de pouls et un curaromètre. L’induction
de l’anesthésie générale avait lieu après pré oxygénation de la patiente pour
obtenir une FeO2 ≥ 90 %, le morphinique utilisé était du rémifentanil en AIVOC
(Anesthésie intraveineuse à objectif de concentration, modèle de Minto20,
concentration au site effet de 3 ng/mL) et un bolus de propofol de 2-4 mg/Kg.
Un bolus de kétamine à la dose de 0,15 mg / Kg était injecté après induction
anesthésique pour son effet antihyperalgésique. Un bolus de curare était
administré afin de permettre l’intubation orotrachéale dans les meilleures
conditions. L’anesthésie générale de la patiente était entretenue par
desflurane avec comme objectif un maintien de l’index bispectral entre 40 et
60. L’adaptation peropératoire des doses de rémifentanil était réalisée en
fonction des variations hémodynamiques secondaires aux stimulations
nociceptives.
Une prévention des NVPO (nausées vomissements post opératoires) était
réalisée chez toutes les patientes par dexaméthasone 8 mg après l’induction
anesthésique et ondansétron 4 mg 30 minutes avant la fin de l’intervention
chirurgicale. L’analgésie multimodale de relais était injectée par voie
intraveineuse lente 45 minutes à une heure avant la fin supposée de
l’intervention chirurgicale selon le protocole du service à savoir : néfopam 20
mg, tramadol 100 mg, paracétamol 1g, kétoprofène 100 mg et morphine 0,1
mg / Kg en l’absence de contre-indication. Le rémifentanil était arrêté après la
fermeture chirurgicale cutanée.
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Les patientes étaient extubées sur table selon les critères usuels de réponse
aux ordres simples, de volume courant et fréquence respiratoire, de déglutition
et de décurarisation contrôlée au train de quatre.
2.6. Surveillance et analgésie postopératoire
Après extubation en salle d’intervention, les patientes étaient surveillées en
SSPI (salle de surveillance post interventionnelle) pour une durée de deux
heures. Les infirmières du service recueillaient les scores d’ENS (Echelle
numérique simple, 0 pas de douleur, 10 douleur maximale imaginable) à
l’arrivée, titraient les patientes en morphine si l’ENS était supérieure à 3 et
mettaient en place une PCA morphine (Patient Controlled Analgesia, Bolus 1
mg, période réfractaire 6 minutes, pas de dose continue ni de dose maximum).
A la sortie de SSPI, la surveillance postopératoire des patientes était assurée en
USCC (Unité de Surveillance Continue Chirurgicale) pour 48 heures. Les scores
d’ENS au repos, la consommation de morphine et la vitalité du lambeau libre
étaient recueillis toutes les 4 heures. L’analgésie multimodale postopératoire
était réalisée par une association de paracétamol, de kétoprofène, de néfopam
et de morphine (administrée par PCA durant les trois premiers jours
postopératoires).
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2.7. Critères de jugement
Le critère de jugement principal de cette étude était la douleur post opératoire
définie par les scores de douleurs (évalués par l’échelle numérique simple)
recueillis durant les trois premiers jours postopératoires. Les critères de
jugements secondaires étaient la consommation de morphine ainsi que les
durées de séjour hospitalières.
2.8. Recueil des données
Les rapports d’anesthésie informatisés décrivant la période peropératoire
(Centricity Anesthesia General Electric®) ont été récupérées dans le dossier
médical de l’hôpital Gustave Roussy (logiciel eSimbad®).
Les données démographiques des patientes (âge, poids, taille, IMC, score ASA),
l’administration des antalgiques peropératoires, les détails de réalisation des
ALR, les doses d’anesthésiques reçues ainsi que la durée de la chirurgie ont
ainsi été extraites. Les données postopératoires tels que les scores de douleur
(ENS) au repos durant les trois premiers jours postopératoires, la
consommation de morphine dans les 72 heures postopératoires et les durées
de séjour hospitalières ont été extraites du dossier de soins (DxCare®,
Medasys). Le score de douleur moyen a été calculé et le score maximum a été
recueilli. Pour l’analyse, les doses de morphine reçues en peropératoire et en
SSPI ont été inclues dans les doses cumulées administrées les 24 premières
heures.
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2.9. Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R pour PC version R
3.3.0 après traitement des données par le logiciel Microsoft Excel 2010 (Excel,
Microsoft Corp, USA), toutes les données ont été anonymisées.
Les variables quantitatives non paramétriques ont été comparées entre elles
par un test de Mann-Whitney-Wilcoxon, les résultats sont rapportés comme la
médiane et les premiers et troisièmes intervalles interquartiles, une différence
statistiquement significative était considérée pour p < 0,05.
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3) RESULTATS
3.1. Données générales
Entre janvier 2014 et Avril 2016, au centre de cancérologie Gustave Roussy, 99
patientes avaient bénéficié d’une RM par DIEP. Parmi elles, 61 étaient des RM
secondaires et 13 des RM bilatérales. Au final, 25 patientes patientes avaient
bénéficié d’une mastectomie totale unilatérale suivie d’une RM immédiate par
DIEP. Sur ces 25 patientes, 5 n’avaient pas reçu d’ALR, 10 patientes avaient
bénéficié d’un BPV et 10 d’un TAP Bloc (Figure 7).
Figure 7. Diagramme de flux présentant la répartition des patientes.
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Le groupe BPV comportait dix patientes dont l’âge se situait entre 33 et 60 ans,
leurs IMC se situaient entre 20,4 et 31,2 ; la durée opératoire était comprise
entre 331 et 477 minutes. Le groupe TAP Bloc comprenait dix patientes dont
l’âge se situait entre 38 et 64 ans, leurs IMC se situaient entre 21,0 et 32,1, la
durée opératoire était comprise entre 350 et 538 minutes.
Les populations étudiées ne présentaient pas de différence statistiquement
significative en termes d’âge, de poids, de taille, d’IMC ou de durée opératoire.
Les caractéristiques des patientes selon les groupes sont résumées dans le
tableau 1.
BPV (n = 10) TAP Bloc (n = 10) p
Age (années)
Poids (Kg)
Taille (Cm)
IMC (Kg/m²)
Durée opératoire (min)
Statut ASA, n (%)
I
II
50 (44–52)
70 (62-74)
161 (158-166)
27,0 (24,3-28,8)
410 (383-427)
4 (40)
6 (60)
49 (44-57)
74 (66-79)
161,5 (159-166)
27,3 (26-30,3)
440 (392-480)
3 (30)
7 (70)
0,82
0,38
0,79
0,48
0,25
Tableau 1. Caractéristiques des patientes selon le groupe, valeurs exprimées en
médiane (25ème-75ème percentiles) et en nombre (%). Les données ont été
comparées par un test de Mann-Whitney-Wilcoxon.
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Le taux d’administration des antalgiques peropératoires en fonction du groupe
sont présentés sur la figure suivante :
Figure 8. Analgésie peropératoire en fonction du groupe.
3.2. Scores de douleur postopératoire
Durant les 24 premières heures postopératoires, le score moyen de douleur
était significativement plus élevé après TAP bloc qu’après BPV (p = 0,014), cette
différence n’était pas retrouvée sur les ENS maximales durant la même période
(p = 0,052).
Durant les deuxièmes et troisièmes jours postopératoires, les scores de douleur
moyens étaient plus élevés dans le groupe TAP bloc que dans le groupe BPV (p
< 0,001 et p = 0,022 respectivement).
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Là encore cette différence n’était pas retrouvée sur les ENS maximales entre les
deux groupes (p = 0,051) au deuxième jour postopératoire ; au troisième jour,
les ENS maximales du groupe TAP bloc étaient supérieures à celles du groupe
BPV (p = 0,012).
ENS au repos BPV (n=10) TAP Bloc (n=10) p
0 – 24 heures
Maximales
Moyennes
24 – 48 heures
Maximales
Moyennes
48 – 72 heures
Maximales
Moyennes
2 (1–4)
0 (0–2)
3 (2-4)
0 (0-2)
2 (2-3)
0 (0-2)
5 (3-6)
2 (0-4)
5 (4-6)
3 (1,3-5)
5 (4-6)
2 (0-3)
0,052
0,014†
0,051
<0,001†
0,012†
0,022†
Tableau 2. Scores de douleurs au repos (ENS) maximales et moyennes durant
les trois premiers jours postopératoires, valeurs exprimées en médiane
(25ème-75ème percentiles), les données ont été comparées par un test de
Mann-Whitney-Wilcoxon. † différence statistique significative pour p ≤ 0,05.
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3.3. Consommation de morphine
Il y avait une différence de consommation de morphine entre les deux groupes,
en effet durant les trois premiers jours postopératoires, les patientes du
groupe BPV avaient une consommation de morphine cumulée
significativement moins importante que les patientes du groupe TAP Bloc (p =
0,021, p = 0,003 et p = 0,002 respectivement). Les consommations cumulées de
morphine durant les trois premiers jours postopératoires en fonction du
groupe sont illustrées sur le tableau 3 et les figures 9, 10 et 11.
Consommation cumulée de
morphine (en mg)
BPV (n=9) TAP Bloc (n=11) p
0-24 heures
24-48 heures
48-72 heures
14 (9-21)
19 (14,5-27)
19,5 (19-28)
28 (17,5-41)
43,5 (35-57)
51,5 (41-57)
0,021†
0,003†
0,002†
Tableau 3. Consommation cumulée de morphine (en mg) durant les trois
premiers jours postopératoires, valeurs exprimées en médiane (25ème-75ème
percentiles), les données ont été comparées par un test de Mann-Whitney-
Wilcoxon. † différence statistique significative pour p ≤ 0,05.
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Figure 9. Consommation cumulée de morphine (en mg) au premier jour
postopératoire en fonction du groupe (exprimée en médiane et 25ème-75ème
percentiles).
p = 0,021
p = 0,003
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Figure 10. Consommation cumulée de morphine (en mg) au deuxième jour
postopératoire en fonction du groupe (exprimée en médiane et 25ème-75ème
percentiles).
Figure 11. Consommation cumulée de morphine (en mg) au troisième jour
postopératoire en fonction du groupe (exprimée en médiane et 25ème-75ème
percentiles).
3.4. Durée de séjour hospitalière
La durée de séjour hospitalière était définie comme le nombre de jours entre
l’entrée (la veille de l’intervention chirurgicale) et la sortie de l’hôpital par la
patiente. Une seule patiente avait nécessité une reprise chirurgicale à J2 pour
évacuation d’hématome axillaire (patiente du groupe BPV). Il n’y avait pas de
différence de durées de séjour hospitalière entre les deux groupes : 9 (8- 9)
jours dans le groupe BPV et 9 (8-10) jours dans le groupe TAP bloc (p = 0,409).
p = 0,002
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4) DISCUSSION
Au cours de cette étude, nous avons pu constater la disparité des pratiques de
l’ALR dans le cadre de la RM immédiate par DIEP au sein du service
d’anesthésie-réanimation du centre de cancérologie Gustave Roussy. L’objectif
principal de cette étude était de comparer rétrospectivement l’analgésie en
termes de scores de douleur, de consommation de morphine postopératoire et
de durée de séjour hospitalière procurée par deux techniques d’ALR afin
d’établir secondairement un protocole de service sur la pratique de l’ALR dans
le cadre de cette chirurgie.
Comme l’atteste la figure 9, le protocole d’analgésie peropératoire du service
était très largement appliqué (le taux de d’administration peropératoire des
antalgiques prévus par le protocole variait de 70 à 100 %). Cependant, sur les
25 patientes ayant bénéficié d’une RM immédiate par DIEP, 5 n’avaient pas eu
d’ALR (soit 20 %), cette observation peut en partie s’expliquer par le manque
de recommandations sur la pratique de l’ALR dans ce contexte chirurgical.
La décision d’exclure les patientes ayant bénéficié d’une RM secondaire se base
sur le postulat que cette intervention à distance de la mastectomie première
est a priori moins douloureuse que la mastectomie suivie de RM immédiate.
Dans cette étude, les durées opératoires moyennes observées étaient
concordantes avec les données observées dans la littérature21. Il est intéressant
de noter que parmi les chirurgies de RM par DIEP réalisées entre Janvier 2014
et Avril 2016 à l’institut Gustave Roussy, vingt-six pourcents d’entre elles
avaient été effectués dans le même temps que la mastectomie totale, le taux
de reconstruction mammaire immédiate est donc concordant avec les données
de la littérature anglo-saxonne5.
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Dans le groupe BPV, deux patientes avaient été titrées en morphine à l’arrivée
en SSPI contre cinq dans le groupe TAP Bloc. Ce résultat statistiquement non
significatif peut être expliquer en partie par le fait que le TAP Bloc était réalisé à
la fin de l’intervention chirurgical alors que le BPV avait été réalisé avant le
début de l’intervention chirurgicale.
Un des principaux résultats de ce travail observationnel porte sur les
consommations cumulées de morphine durant les trois premiers jours
postopératoires. Dans notre étude, les doses cumulées de morphine reçues par
les patientes du groupe TAP bloc pendant les 48 premières heures
postopératoires étaient comparables aux doses retrouvées dans la littérature22.
De nombreuses études ont démontré l’intérêt du bloc paravertébral dans la
chirurgie de mastectomie totale seule8,9,23. Dans ces études, les doses de
morphine reçues étaient supérieures à celles reçues par les patientes du
groupe BPV de notre étude. Cette différence pourrait s’expliquer en partie par
l’utilisation d’un protocole d’analgésie multimodale en peropératoire chez nos
patientes comprenant notamment des AINS et de la kétamine.
Dans les deux groupes, les patientes bénéficiaient d’un bloc nerveux
périphérique en injection unique, sans pose de cathéter nerveux périphérique,
l’anesthésique local utilisé était de la ropivacaïne. La différence de
concentration utilisée entre les deux groupes pourrait expliquer une durée plus
longue du bloc sensitif dans le groupe BPV.
Dans le groupe BPV, les scores de douleur étaient modérés durant les trois
premiers jours postopératoires. Dans ce groupe la consommation de morphine
tend à diminuer à partir du deuxième jour postopératoire, la pose de cathéters
nerveux périphériques ne semble donc pas nécessaire.
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Pour la réalisation du TAP bloc, les doses d’anesthésiques locaux injectés
étaient faibles : 20 mL de ropivacaïne à 0,2 % de chaque côté soit une dose
totale d’environ 1 mg/Kg, la plupart des études s’étant intéressée à l’efficacité
du TAP bloc sur la douleur postopératoire utilisaient des doses d’anesthésiques
locaux entre 2 et 3 mg/Kg. Actuellement, la ropivacaïne a l’AMM (autorisation
de mise sur le marché) dans les blocs nerveux périphériques pour une dose
maximale de 3 mg/Kg sans dépasser 225 mg.
La principale limite de cette étude est le caractère rétrospectif de l’analyse
des données avec la comparaison de deux groupes de patientes non
randomisées. En effet, même si les patientes étaient comparables en termes
d’âge, de poids, d’IMC et de durée opératoire, l’absence de randomisation peut
induire de fait un biais de sélection des patientes.
La seconde limite est que cette étude, par son caractère observationnel
compare une ALR réalisée avant le début de l’intervention (le BPV) avec une
autre réalisée en fin d’intervention (le TAP bloc). On aurait pu imaginer que
l’ALR réalisée juste avant le réveil couvre mieux la douleur postopératoire que
celle réalisée 7 ou 8 heures plus tôt.
Le résultat contraire renforce encore l’intérêt du BPV en début d’intervention.
Mais ceci peut être dû soit à la supériorité du BPV, soit au fait que, réalisé avant
la chirurgie il a permis de diminuer les doses de rémifentanil peropératoire et
de limiter l’induction d’une hyperalgésie postopératoire.
Si ce résultat est vrai, il suggère avant tout de réaliser le TAP block en début
d’intervention et de refaire une analyse des scores et des consommations de
morphine postopératoires.
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Une autre limite de cette étude concerne les effectifs restreints des groupes de
patientes, ces faibles effectifs réduisent la puissance de l’étude et donc la
reproductibilité de ses résultats.
Par ailleurs l’anesthésie locorégionale était pratiquée par des opérateurs
différents et la réalisation du TAP bloc n’était pas standardisée. De plus,
l’efficacité du bloc sensitif n’était pas vérifiée, sur de petits effectifs on peut
imaginer qu’un taux de réussite différent selon l’ALR réalisée puisse biaiser les
résultats observés dans cette étude.
Les données recueillies rétrospectivement étaient peu précises dans la
description de la douleur postopératoire. En effet celle-ci était cotée par le
score ENS uniquement au repos et non au mouvement. La localisation de la
douleur (thoracique ou abdominale) n’était pas renseignée sur les feuilles de
surveillance postopératoire ce qui aurait pu permettre de déterminer le site le
plus douloureux.
Bien que nous ayons observé dans cette étude une réduction des doses de
morphine dans le groupe BPV, la significativité clinique de ces résultats sur les
NVPO, la sédation et l’iléus postopératoire reste incertaine car toutes ces
données n’étaient pas renseignées sur les feuilles de surveillance
postopératoire.
Cette étude est le premier travail comparant deux techniques d’ALR différentes
dans l’analgésie de la RM immédiate par DIEP. Elle montre une réduction
significative des consommations de morphine et des scores de douleurs dans le
groupe BPV pendant les trois premiers jours postopératoires.
Cette étude rétrospective observationnelle était un préalable indispensable
afin d’évaluer les pratiques en cours dans ce contexte chirurgical au centre de
cancérologie Gustave Roussy.
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Cependant, une étude prospective randomisée avec pratique standardisée de
l’ALR (niveau de ponction et anesthésique local utilisé) par un médecin
anesthésiste-réanimateur référent serait nécessaire afin de confirmer les
résultats observés dans ce travail rétrospectif.
5) CONCLUSION
Cette étude observationnelle descriptive rétrospective conduite au sein du
service d’anesthésie-réanimation du centre de cancérologie Gustave Roussy a
permis d’observer une meilleure efficacité de l’ALR par bloc paravertébral par
rapport au TAP bloc dans le cadre de la RM immédiate par DIEP avec une
diminution de la consommation de morphine et des scores de douleurs durant
les trois premiers jours postopératoires.
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