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  • 8/2/2019 a1.Barlow 2007 p.298 331 TroublesSomatoformes

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    Les trou bles somatoformeset dissociatifsSommaire1, les troubles somatoformes2, les troubles dissociatifs

    ) ''-1.;

    ir.')

    Pourquoi me suis-je mis avoir plus peur de vivre et de mourir que les autresrestera jamais un mystre.Carla Cantor,Maladie fantme : briser Ie mythe de I'hypocondrie.

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    298 C ha p itre 6 - Les troubles somatoformesConnaissez-vous quelqu'un d'hypocondriaque ? La plupart d'en[re nous en con-na[ au moins un. Peut tre l'Les-vous vous mme ! L'image populaire de I'hypocondriaque est celle de la personne qui fait du moindre petit symptme physique,une montagne. De nombreuses personnes accourent con[inuellement, chez leurmdecin, mme quand elles ne prsentent, aucun lrouble mdical. Il s'agit I d'unetendance sans danger pouvant mme prter quelques plaisanteries. Mais pourcer[ains, leurs proccupations par leur sant ou leur apparence peut prendre uneimportance relle que toute leur vie tournera autour. Le problme de ces derniersappartient la catgorie des troubles somatoformest. Soma signifie < corps > engrec antique et, ce qui proccupe principalement les personnes qui en soulfrentsemble initialemenl de nature physique. Nanmoins, il n'y a habituellemen[ aucunecondition mdicale sous tendant la plainte.Vous tes-vous jamais senti diach de vous-mme ou de votre environnemenl ?(* Ce n'es[ pas vraiment moi , ou o cet endroit me semble irrel ").Pendant ces pisodes, cer[aines personnes ont comme I'impression de rver. Ces trs lgres sensations que la plupart des gens vivent, de temps en temps sont des petitesahrations ou dhchements de la conscience ou de l'identit et sont connues sousle nom d'expriences dissociatives ou dissociations. Pour cerlains, ces expriencesson[ si intenses et extrmes qu'ils en viennent, perdre entirement.leur identitpour en endosser une autre ou perdre leur mmoire ou sens des ralits au pointde ne plus pouvoir fonctionner. Nous disculerons de plusieurs [ypes de troublesdissociatifst dans la seconde partie de ce chapitre.Historiquement, les troubles somatoformes et dissociatifs sonl [rs fortement liset de plus en plus de preuves suggrent qu'ils ont beaucoup de lraits en communs(Kihlstrom, 1994;Prelior, YuLzy, Dean & We[zel, 1993). Auparavant, ils taientdsigns sous le terme gnrique de " nvroses hystriques o. Le terme hystriquequi remonte Hippocrate e[ aux anciens Egyptiens avant lui, suggre que la causede ces troubles qu'on croyaiL n'atteindre que les femmes - pouvait, devoir sonorigine un * utrus erranl o. Mais le terme hystrique en vint faire rferencede faon plus gnrale des symptmes physiques sans cause organique connueou un comporlement dramalique, o histrionique > qu'on croyait, typiquemenlfminin. Freud, (1894/1962) suggra que, dans un[at appel *hystrie deconversion ", des symptmes physiques inexpliqus signalaient la conversion deconflits mo[ionnels inconscients en des formes socialement acceplables. Nousavons conserv le lerme historique de conversion (dnu de ses implications [ho-riques), mais le lerme dltre et stigmaLisan[ de " hystrique o n'est plus d'usage.Le concept de nvrose tel que dfini par la psychanalyse suggre une cause spcifi-que pour cerLains troubles. Plus spcifiquemenL, selon la thorie psychanalytique,les troubles nvrotiques, l'anxit et la mobilisation des mcanismes de dfensemoiques rsultenl de conflits inconscients sous-jacents. Le terme nvrose a Lexclu du syslme diagnostique en I980 car [rop vague:d'une part, il s'appliquait praliquemen[ lous les troubles non psychotiques et d'aulre part, parce qu'ilimpliquait une cause spcifique mais non dmontre aux troubles qu'il dsignait.Bien qu'ils nous aient intrigus pendant des sicles, Ies troubles somatoformes et,dissociaLifs reslenl relativemenl fort incompris. Une comprhension plus com-plte fournirait une riche perspec[ive sur le degr auquel des traits normaux etquotidiens que nous possdons tous peuvent se dvelopper en troubles tranges eten perceptions dformes et invalidantes.

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    Les tro u bl e s so m o tofo rm e s

    1 Les troubles somatoformesLe DSM IV fait, tat de 5 catgories de base des lroubles somatoformes:l'hypocondrie, le Lrouble somalisation, le trouble de conversion,le trouble douloureux e[ le trouble somatoforme indiffrenci ou trouble de la peur d'une dysmor-phie corporelle I. Dans chacun de ces troubles, I'individu qui en est afflig estpafhologiquement, proccup par son apparence ou son fonctionnemenI corporel.

    1,1 L'hypocondrieComme il en va pour de nombreux termes en psychopathologie,l'hypocondriet trouve ses racines dans la lointaine antiquit. Pour les anciens Grecs,l'" hypocondrie " tait une partie du corps se situanl sous les ctes dont les organesaffechient, les ta[s mentaux. Par exemple, les ulcres el les troubles abdominauxlaisaient alors partie du * syndrome hypocondriaque o. Quand les causes relles decertains symptmes furent dcouvertes, les plain[es somatiques sans causes appa

    rentes claires con[inurent tre dsignes par le Lerme d'" hypocondrie ' (Barsky,\\'yshak, & Klerman, i986). Aujourd'hui,l'hypocondrie dsigne une condition danslaquelle I'individu souffre d'une svre anxit lie la crainte de contracter unemaladie svre. La menace est. perue comme grave au point que mme le fair d'trerassur par un mdecin peu d'effet cour[ [erme. Considrons par exemple le cassuivant.Gaillnvisible lllCail s'tait marie 21 ans et envisageait sa nouvelle vie. lssue d'une famillenombreuse de la classe moyenne infrieure, elle se sentaitfaible, quelque peunegligee et souffrait d'un manque d'estime de soi. L'un de ses beaux-frresavaitcoutume de la rprimander etde la rabaisser quand iltait saoul. Sa mreet son beau-pre ne prtaient aucune attention ce qu'elle disait ou ce dontelle se plaignait. Elle avait cru que son mariage rsoudrait toutet que finale-ment, il ferait d'elle quelqu'un de spcial. Hlas, il n'en fut rien. Elle dcouvritblentt que son mari continuait de frquenter une ancienne relation intime.

    Trois ans aprs son mariage, Gail se rendit notre clinique se plaignantd anxit et de stress. Elle travaillait temps partiel comme serveuse dans unrestaurant et trouvait que son travail tait extrmement stressant. Bienqu'elle fut sre que son mari avait cess de frquenter son ancienne petiteamie, elle avait du mal ne plus y penser.

    Initialement, Gail se plaignait d'anxit et de stress mais il apparut bienttclairement que son principal souci tait sa sant. Chaque fois qu'elle taitsujette des symptmes physiques mineurs comme la respiration courte ouune cphale, elle craignait tre victime d'une maladie grave. Un mal de ttedevait indiquer une tumeur crbrale et un essoufflement lui signalait I'immi-nence d'une attaque cardiaque, D'autres sensations devenaient vite transfor-mes en possibilits de SlDA ou de cancer. Cail craignait d'aller dormir la nuit

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    de peur de cesser de respirer. Elle vitait de faire de l'exercice, de boire deI'alcool et mme de rire cause des sensations qui en rsultaient. Les toiletteset tlphones publics taient pour elle des sources d'infection.

    Ce qui dclenchait principalement sa peur et son anxit incontrlablestait les nouvelles diffuses dans lesjournaux ou la tlvision. Chaque foisqu'un article ou un programme de tlvision faisait tat de u la maladie dumois r, Gail s'en trouvait insistiblement atteinte, trouvant sur elle des symp-tmes qui y taient apparents. Elle passait ensuite son temps rechercherces symptmes chez les autres aussi. Elle allaitjusqu' ausculter son chien depeur que, lui aussi, n'ait contract la maladie en question. Ce n'est qu'aprsplusieurs jours qu'elle cessait d'y penser. Quand un proche ou un de ses amistombait rellement malade, cela l'invalidait pendant plusieurs jours.

    Les craintes de Gail s'taient dveloppes durant la premire anne de sonmariage, l'poque ou elle avait dcouvert les infidlits de son mari. Audbut, elle consacrait beaucoup de son temps et dpensait plus d'argentqu'ils n'en gagnaient se rendre chez des mdecins pour s'entendre dire parces derniers qu'elle n'avait rien et qu'elle tait en parfaite sant. Elle finit parcesser d'y aller, devenant convaincue que ses craintes taient exagres.Nanmoins, ses peurs ne la quittrent pas et elle tait chroniquement mal-heureuse.

    1 DS\4 lV (version franaise), -{" dition, I 995, pp. 523 552.

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    300 Ch a pit re 6 - Les troubles somatoformes1.1.1 Tableau clinique

    Les problmes de Gail sont caractris[iques de I'hypocondrie qui a beaucoupde points en commun avec les troubles anxieux et particulirement, avec le troublepanique (Craske et al., 1996). Ces points communs comprennent aussi l'ge de premire survenue, des traits de personnalit et le fait que ce trouble se retrouve danscertaines familles. En fait, ces deux troubles sont frquemmenl comorbides, autre-menl dit, si un hypocondriaque reoit un diagnostic supplmentaire, il y a unegrande probabilit que ce dernier s'apparente aux troubles anxieux ou de l'humeur(Ct et al., 1996;Rief, Hiller & Margraf, 1998;Simon, Gureje & Fullerton,200l).L'hypocondrie esl caractrise par la peur de contracter une srieuse maladie.C'est pourquoi le problme essentiel est, I'anxit mais son expression est diff-rente de celle qui caractrise les autres troubles anxieux. Dans l'hypocondrie, pra-tiquement n'importe quelle sensation physique peut devenir la source deproccupations. Certains feront particulirement attention leurs fonctions cor-porelles normales comme le rythme cardiaque ou l'essoufflement; d'autress'inquiteront de dysfonctionnements mineurs comme d'une toux. D'autres encorese plaindront de symptmes mal dfinis comme de douleurs et de fatigue. Du faitque la caractristique principale de ce trouble est la proccupation par des symp-tmes physiques,les personnes hypocondriaques iront toujours initialement, voirleur mdecin de famille. Ils ne rencontreront des professionnels de la sant mentalequ'aprs que leur mdecin de famille ail exclu toute condition mdicale ralistecomme cause de leurs souffrances.Un autre trait de l'hypocondrie est que les diagnostics des mdecins qu'ils consul-tent, et, selon lesquels ils sont en parfaite sant n'ont qu'un effe[ rassurant courtterme. Il se passe peu de temps avan[ que ces patients, comme Gail, n'aillen[ con-sulter un autre mdecin, croyant que Ie prcdent est pass ct de quelquechose d'important. Dans le but de modifier les critres diagnostiques de l'hypocon-drie dans le DSM IV,l'tude de ce trait, particulier amena les chercheurs confir-mer une distinction subtile mais intressante (Ct et aL, 1996 ; Craske et al.,1996; Kellner, Hernandez & Pathak, 1992). Les individus qui craignenL de dve'lopper une maladie et ds lors vitent,les situations qu'ils associent, la contagionsont classiflrs comme souffrant de phobie de Ia maladie (voir Chapitre 5). Les individus qui se croient, erronment actuellement atteints d'une maladie se voient attribuer le diagnostic d'hypocondriaques. D'autres diffrences distinguent ces deuxgroupes. Les hypocondriaques qui ont un niveau lev de conviction d'tre mala-des, sont plus enclins erronment interprter des symptmes physiques et avoir une frquence plus leve de compor[ements de vrification et d'anxit queles personnes souffrant de phobie de la maladie (Ct et a1.,1996; Haenen, de fong,Schmidt, Stevens & Visser, 2000). Ces derniers ont un ge de premire survenuede leur trouble phobique plus prcoce que ceux qui souffrenl de conviction demaladie dont le trait essentiel est l'hypocondrie. Bien entendu, certains peuvent la fois souffrir d'une conviction de maladie et de la peur d'en dvelopper d'autres(Kellner, 1986). Lors d'une recherche rcente, 60 % d'un groupe de patients souf-frant de phobie de la maladie finirent par souffrir galement tant d'hypocondrieque de trouble panique (Benedetti et aI.,1997).Si vous venezd'achever la leclure du Chapitre 5, vous pourriez [re amen trou-ver que le trouble panique et I'hypocondrie se ressemblent. Les patients souffranl

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    Le s tro u b I e s s o m otofo r me s

    de trouble panique interprtent galement erronment des symptmes physiquescomme le signe annonciateur d'une attaque de panique qu'ils croient fatale.D'aprs Craske et aL (1996), bien que les deux troubles comprennent la proccu-pation caractristique par des symptmes physiques, les patients souffrant detrouble panique craignent typiquement, des catastrophes immdiatement lies ces symptmes. Par contre, les patients hypocondriaques sont proccups par leprocessus longue chance de la maladie qu'ils croient contracter (par exemple,le cancer ou le Sida). En outre, ils continuent s'enqurir de I'opinion de mdecinsconscutifs dans le but d'liminer (ou peut-tre de conflrrmer)un processus patho-logique physique. En dpits de l'assurance, maintes fois rpte, qu'ils sont sains,ils en demeurent aussi peu convaincus que rassurs. Par contraste, bien que lespatients souffrant de trouble panique continuent croire que leurs attaques depanique pourraient les tuer, au fur et mesure qu'ils s'entendent rpter qu'ils nesouffrent d'aucune pathologie physique,la plupart cesse de consulter les mdecinset de frquenter les salles d'urgence. Finalement, les anxits des patients souf-frant de trouble panique tendent, se limiter une srie de l0 l5 symptmes dusystme nerveux parasympathique, directement lis leurs attaques de panique.Les peurs des patients hypocondriaques couvrent un ventail beaucoup plus large.Il doit nanmoins exister plus de similarits que de diffrences entre ces deuxgroupes.Des proccupations mineures et apparemment de nature hypocondriaque sontfrquentes chez les jeunes enfants qui se plaignent souvent, de douleurs abdomina-les ou autres sans base physique apparente. Dans la plupart des cas, ces plaintessont des ractions passagres au stress et ne se dveloppent pas en syndromehypocondriaque.1,1,2 Statistiques

    Nous en savons vraiment, peu sur la prvalence de I'hypocondrie dans lapopulation gnrale. Des premires estimations indiquent que le pourcentage depatients diagnostiqus d'hypocondriaques par les mdecins qu'ils consultent varieDMSTableau 6.1Critres diagnostiques de I'hypocondrie

    DSM.IV.TR

    A. Proccupations centres sur la crainte ou I'ide d'tre atteint d'unemaladie grave, fonde sur I'interprtation errone par le sujet desymptmes physiques.

    B. La proccupation persiste malgr un bilan mdical appropri etrassurant.

    C. La croyance expose dans le critre A ne revt pas une intensitdlirante (comme dans le trouble dlirant, type somatique) et nese limite pas une proccupation centre sur l'apparence (commedans le trouble : peur d'une dysmorphie corporelle),

    D. La proccupation est l'origine d'une souffrance cliniquementsignificative d'une altration du fonctionnement social, profes-sionnel ou dans d'autres domaines importants,

    E. La dure de la perturbation est au moins six mois.F. La proccupation n'est pas mieux explique par une anxit gn-ralise, un trouble obsessionnel-compulsif, un trouble panique, unpisode dpressif majeur, une angoisse de sparation ou un autretrouble somatoforme.Spcifier si:Avec peu de prise de conscience : si, la plupart du temps aucours de l'pisode actuel, le sujet ne reconnat pas que sa proccu-pation concernant le fait d'avoir une maladie grave est excessiveou draisonnable.

    source: Reproduit avec la permission de Diognostic ond Stotisticol Monuol of MentolDisorders, Fourth Edition, Text Revision. Copyright O 2000 American Psychiatric Asso-ciation.

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    302 C ha p itre 6 - Les troubles somatoformesentre I o/oeLl4 %.Desestimationsbasessurunevasterechercheimpliquant 1400patients admis en services hospitaliers d'urgence fonl tat d'un pourcentage del'ordre de3o/o (Escobar, Waitzkin, Silver, Gara & Holman, 1998). Bien que sur Ieplan historique, l'hypocondrie soil considre comme un trouble " hys[rique ",unique aux femmes, Ie rapport entre les sexes pour celte palhologie est quivalent(Kellner, l986 ; Kirmayer & Robbins, l99l ; Kirmayer et a1.,2003). On a longtempscru que la prvalence de l'hypocondrie tait plus importante chez les personnesges, mais cela ne semble pas tre le cas (Barsky, Frank, Cleary, Wyshak &Klerman, 1991). En ralit,I'hypocondrie se distribue de faon gale d'une tape l'au[re de l'ge adulte. PIus de personnes ges consultenl naturellement les mdecins rendanLleur nombre absolu plus imporlant en comparaison aux populalionsplus jeunes. L'hypocondrie peu[ apparatre n'importe quand dans la vie tou[ en cul-minant. cependant aux priodes de l'adolescence, la force de l'ge (40 50 ans) etaprs l'ge de 60 ans (Kellner, 1986). Comme les [roubles anxieux et les troubles del'humeur, I'hypocondrie est, chronique. Barsky, Fama, Bailey & Ahern (1998) suivirent un grand groupe de plus de 100 pa[ienls hypocondriaques pendant quatre cinq ans et les comparrent des patients non hypocondriaques dans le mme environnement. Deux liers des palients inilialement diagnostiqus comme hypocondriaques continurenl salisfaire ce diagnoslic et se plaindre de beaucoup plusde symptmes physiques que le groupe auquel ils taient compars.Comme pour les troubles anxieux, il exisle des syndromes spcifiquement culturels correspondant, l'hypocondrie. Parmi ces derniers, le syndrome du koro. Ils'agit d'une croyance, accompagne d'une svre anxit pouvant parfois allerjusqu' la panique et selon laquelle les organes gnilaux refluent vers I'abdomen.La plupart des viclimes de ce trouble sont chinoises de sexe masculin, quoiqu'ilexiste des comptes rendus de cas de korochez des femmes. Ce trouble est [rs rare-ment rapport dans les cultures occidentales. Pourquoi le koro survienl il dans Iaculture chinoise? Rubin (1982) voque I'importance centrale que prend le bonfonctionnement sexuel chez les Chinois de sexe masculin. Il fait tat chez les victimes de ce [rouble de sentiments de culpabilit typiquement associs la mastur-bation excessive, aux relations sexuelles insalisfaisantes ou la promiscuit. Cesactivils ou situations prdisposeraienl les hommes porter leur attenlion surleur organe sexuel, exacerbant ainsi leur anxil et. vigilance de faon assez semblable la faon dont les lroubles anxieux se dclarent et dclenchent, une* pidmie '.Un au[re trouble spcifiquement culturel prvalant en Inde e[ apparent au korose lradui[ par la proccupation anxieuse de la perte de sperme. Ce trouble se mani-feste naturellement durant l'activit sexuelle. Appel dhat, ce trouble est rapportressenti comme un mlange confus de symptmes physiques comprenant des sensations de verlige, de faiblesse et de la fa[igue, symp[mes qui ne sont pas typiquesdu koro. Ces symptmes faiblemenl dpressifs ou anxieux son[ simplement, attri-bus au fac[eur physique de la perte de sperme. Il existe d'autres symptmessoma[iques culturellement codifis, associs des facteurs mo[ionnels commedes sensa[ions de chaleur ou de grouillemen[s dans la tte, spcifiques aux palientsafricains (Ebigno, 1986) ou des sensations de brlure dans les mains et les piedschez des palients pakisLanais ou indiens (Kirmayer & Weiss, 1993).Les symptmes physiques pourraienl bien tre parmi les manifestations les plusproblmatiques de la psychopathologie. Premirement, un mdecin doi[ exclure

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    Evnement dclenchant(informations,circonstances, "-+maladie, image) Menaceperue \ I /\+/roccupations en raison d'une

    Les trou b I es so m otof o r m e s

    Apprhension"\,,,,.{

    Concentration Accroissement Comportementaccrue de de l'veil de vrificationI'attention sur physiologique et recherchele corps d'assurancealtration ou d'une anomalieperue des sensations physiquesou de l'tat corporel

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    lnterprtation errone desensations corporelles eVoude signes indicateurs d'unemaladie grave

    toute cause physique associable aux plaintes du patient. Ensuite, un professionnelde la sant mentale doit dterminer la na[ure de ce dont le patien[ se plaint afin desavoir s'il s'agit d'un trouble somatoforme spcifique ou de symptmes apparte-nant un autre syndrome psychopathologique comme un trouble panique. Finalement, le clinicien doit pouvoir bien prendre en compte la cullure ou la sous-culturede son patient, ce qui souvent, exige Ia consultation d'experts dans le domaine del'investigation interculturelle des troubles psychopathologiques 2.1,1,3 Causes

    Les chercheurs de divers horizons thoriques sonl d'accord sur les mcanismes psychologiques intervenanl dans I'hypocondrie. L'interprlation errone desensations et signes physiques comme preuve de la prsence d'une maladie en estl'lment principal. Ainsi, toul le monde ou presque s'accorde pour dsigner l'hypocondrie comme tn trouble cognitif ou de Ia perception auquel des lats motifs puissanfs apporten[ Ieur contribution (Adler et al., 1994; Barsky & Wyshak, 1990;Kellner, I985 ; Rief et a1., l99B ; Salkovskis & Clark 1993).Les personnes souffrant d'hypocondrie ressentent, les sensations physiques quinous sont communes tous mais sont promptes leur porter toute leur at[ention.Rappelons-nous que le simple fait de se concentrer sur soi augmente notre tat deconscience et rend nos sensations physiques plus intenses qu'elles ne le son[ nor-malement (voir Chapitre 5). Si vous aussi, avez tendance mal interprter ces sen-sations comme tant les symptmes d'une maladie, votre anxit augmentera.L'anxit accrue produit son tour des symptmes physiques supplmentaires etnous voici dans un cercle vicieux (figure 6.1) (Warwick & Salkovskis, 1990). l'aide de techniques empruntes aux sciences cognitives, comme le test deStroop (voir ChapiLre2), des chercheurs (Hitchcock & Mathews, 1992', Pauli &2. Le lecteur intress par l'approche pluri et intercullurelle de la psychopathologie peut se rapporteraux ouvrages classiques de Georges Devereux: Devereux, G., Essois d'Ethnopsychiotrie gnrale,Paris,Gallimard; Devereux, G., Ethnopsychanalyse complmentariste, Paris, Flammarion, 1.972, ainsi qu' laN ouv ell e revue d'Eth n opsychiotrie, (N.D.T).

    Figure 6.1Modle intgr des causesde I'hypocondrie(d'aprs Warwick et Salkovskis,1 990)

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    304 Ch a pitre 5 - Les troubles somatoformesAlpers, 2002) ont russi confirmer que les personnes sujettes l'hypocondriemanifestent une perception accrue aux indices de maladies. Ils on[ aussi tendance interprter les stimuli ambigus comme menaants (Haenen et aL,2OOO). Ainsi, ilsdeviennent vite conscients (et effrays) de tout signe possible de maladie. Parexemple, une simple cphale peut tre interprte comme le signe certain d'unetumeur crbrale. Smeets, de fong et Mayer (2000) ont dmontr que, compars un groupe contrle, des individus hypocondriaques adoptent une attitude de* mieux vaut prvenir que gurir ' face au moindre symptme physique mineuren se soumettant un examen mdical aussitt que possible. Ils ont une conceptiontrs restrictive de la sant qui, pour eux, doit tre synonyme d'absence totale desymptmes (Rief et al., 1998).Qu'est-ce qui cause chez ces individus le dveloppement de ce schma dform desensibilit somatique ? Sans trop nous aventurer, nous pouvons affirmer qu'il estimprobable que la rponse ce[te question soit associe des facteurs biologiquesou psychologiques isols. Nous avons toutes les raisons de croire que les causesfondamentales de l'hypocondrie sont semblables celles qui sont impliques dansles troubles anxieux. Par exemple, il existe des indications selon lesquelles l'hypo-condrie est apparente un schma familial (Kellner, l9B5), suggrant (sans leprouver)une possible contribution gntique. Nanmoins, cette contribution gn-tique serait non spciflrque, comme la tendance surragir au stress, indiscernablede la contribution non gntique aux troubles anxieux. Cette hypersensibilitserait associe une tendance regarder les vnements ngatifs de la vie commeimprvisibles et incontrlables, et par consquent, dont il faut sans cesse se garder.Comme nous l'avons not au Chapitre 5, ces facteurs constitueraient les vulnra-bilits biologiques et psychologiques l'anxit.Pourquoi cette anxit est-elle axe autour des sensations physiques et de lamaladie ? Nous savons que les enfants qui ont des proccupations hypocondriaquesfont souvent tat des mmes types de symptmes dont d'autres membres de leurfamille se sont, plaints un moment ou un autre (Kellner, 1985; Kirmayer et al.,2OO3: Pilowski, 1970). Il est par consquent fort possible que, comme dans le trou-ble panique,les individus qui dveloppent l'hypocondrie aient appris de membres deleur famille axer leur anxit aulour de conditions physiques et de la maladie.Trois autres facteurs pourraient contribuer ce processus tiologique (Ct et al.,1996; Kellner, 1985). Premirement,l'hypocondrie, comme beaucoup de troublesincluant les troubles anxieux, semble se dvelopper dans le contexte d'vnementsstressants. Ces vnements sont, souvent associs, la mort. La maladie la premireanne du mariage de Gail, qui fut pour elle traumatique, semble coincider avec lasurvenue de son trouble. Deuximement,les personnes qui dveloppent I'hypocon-drie tendent avoir t tmoins durant leur enfance d'un degr disproportionn demaladies dans leur famille. Ainsi, mme s'ils n'ont pas dvelopp d'hypocondrieavant l'ge adulte, ils ont conserv la mmoire des maladies qui ont, pu facilementse transformer en base de leur anxit. Troisimement il se pourrait que les influen-ces sociales et interpersonnelles soient mises en uvre et contribuent au dvelop-pement de l'hypocondrie (Noyes et a1.,2003). Certains individus, issus de famillesdans lesquelles la maladie est, un thme central, semblent, avoir appris qu'une per-sonne malade jouit d'une attention accrue. Le * bnfice o rsultant de la maladiepourrait contribuer au dveloppement du trouble. Une. personne malade ' qui, depar sa maladie, bnficie de plus d'attention et de moins de responsabilits est

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    Les troubles somotoformes

    dcrite comme adoptant . le rle du malade ". Ces facteurs pourraient mme jouerun rle encore plus significatif dans le trouble somatisation.1,1,4 Traitement

    Nous en savons hlas trs peu sur le traitement de I'hypocondrie. Des tudesscientifiques contrles ne sont, apparues que tout rcemment. Warwick, Clark,Cobb et Salkovskis (1996)ont assign alatoirement 32 patients un groupe de th-rapie cognitivo-comportementale ou une liste d'attente (groupe contrle). Le traitement consistait essentiellement en I'identification et la confrontation dessymptmes associs des maladies erronment interprts et leur montrer com-ment on peut " crer o des symptmes en portant son attention sur certaines par-ties du corps. La manifestation volontaire de leurs propres symptmes persuadabeaucoup de patients que ces vnements taient sous leur contrle. Ces patientsfurent aussi entrans moins rechercher se rassurer sur leurs proccupationssomatiques. L'amlioration moyenne des patients du groupe de thrapie tait de76 o/o conLre 5 7o dans le groupe contrle et les bnfices de la thrapie taient main-tenus lors d'un suivi 3 mois aprs sa conclusion. Clark et al. (1998)ont, reproduit lesmmes rsultats auprs d'un chantillon plus important et ont galement dcouvert,qu'un traitement portant sur la gestion du stress en gnral tait considrablementplus efficace que I'assignation de patients une liste d'attente (voir Chapitre 9). Lesbnfices des deux types de traitement (thrapie cognitivo-comportementale et traitement la gestion du stress)taient maintenus un an plus tard. Bien que la recher-che de conflits inconscients par la thrapie psychodynamique soit une pratiqueclinique courante, les rsultats attestant de son efficacit ont rarement t rappor-ts. Dans une tude, Ladee (1966)note que seulement quatre patients sur 23 sem-blent en avoir retir quelque bnfice.De faon surprenante, les rapports cliniques indiquent que rassurer les patientssemble tre efficace dans certains cas (Haenen et aI.,2OOO; Kellner, 1992); " flsfaon surprenante > parce que, par dfinition, les patients hypocondriaques nesont ni ne peuvent tre rassurs sur leur sant. Cependant, en rgle gnrale, c'estle mdecin de famille qui rassure le patient de faon trs brve, sans prendre letemps vraiment ncessaire pour l'apaiser. Les professionnels de la sant mentalepourraient bien tre plus aptes tranquilliser le patient de faon plus efficace etadapte et lui consacrer suffisamment de temps pour rpondre sensment sesproccupations ainsi qu'au < sens >> de ses symptmes (par exemple, leur relationaux stress quotidiens de la vie). Fava, Grandi, Rafanelli, Fabbri eL Cazzaro (2000)ont test cette hypothse en assignant des patients hypochondriaques deux groupes. L'un de ces deux groupes bnficia d'une * thrapie explicative " durant,laquelle les cliniciens passrent en revue la source et les origines de ses symptmesen dtail. Ces patients furent valus immdiatement aprs la thrapie et six moisplus tard lors d'un examen de suivi. Les patients du deuxime groupe (de contrle)avaient t placs sur liste d'attente et ne bnficirent de Ia thrapie explicativequ'aprs six mois. Les sujets des deux groupes continuaient recevoir les soinsmdicaux de leur mdecin traitant. Prendre le temps d'expliquer de faon dtaillela nature du trouble fut associe, dans les deux groupes, une rduction consid-rable des peurs et croyances hypocondriaques et une diminution de consommation de soins mdicaux. Ces rsultats taient maintenus lors d'examen de suivi.Pour les patients qui taient sur la liste d'attente les bnfices de leur prise en

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    LindaPatiente temps pleinLinda, femme intelligente dans la trentaine, se rendit un jour notre clinique.Elle paraissait peine et semblait souffrir. Quand elle s'assit, elle nous ditcombien il avait t difficile pour elle de venir, ayant des difficults respireret transpirant considrablement aux articulations des bras et des jambes.Elle souffrait galement d'infections chroniques des voies urinaires et nousprvint qu'il se pounait qu'elle ait s'absenter du cabinet de consultation tout moment pour se rendre aux toilettes. Elle tait nanmoins extrme-ment satisfaite d'avoir pu honorer le prsent rendez-vous, Au moins, ren-contrait-elle quelqu'un qui pourrait la soulager des ses considrablessouffrances. Elle nous dit qu'elle savait que nous aurions l'interroger lon-guement et en dtail mais qu'elle avait quelque chose qui pourrait nous fairegagner du temps. Elle nous tendit alors plusieurs feuilles de papier. Cinqfeuillets dcrivaient ses contacts passs avec le systme de sant pour seu-lement des difficults mojeures. lls relataient les dates, diagnostics poten-tiels et jours d'hospitalisation pour observation. La seconde partie desdocuments qu'elle nous confia consistait en une page et demie sur lesquellestaient lists en criture serre tous les mdicaments qu'elle avait pris enrapport avec ses diverses plaintes.

    Linda tait persuade d'avoir chacune des infections chroniques que per-sonne n'avait t capable de diagnostiquer convenablement, Elle avait com-

    Ch a p it re 6 - Les troubles somatoformescharge ne furent pas apparen[s avant qu'ils n'aient bnfici de la thrapie explicative, suggrant par l que ce type de traitement s'avre efficace. Bien qu'ils'agisse d'une tude de petite envergure et de suivi aprs seulement six mois, cesrsultats sont, prometteurs.De rcents comptes rendus suggrent qu'une prise en charge pharmacologique(antidpresseurs) pourrait galement s'avrer utile; nanmoins aucune tude decontrle placebo n'a encore t ralise (Fallon et al., 2OO3; Kjernisted, Enns &Lander, 2002).ll n'est pas tonnant que le mme type de mdicaments (antidpresseurs) qui se sont, avrs efficaces dans le lraitemenl de I'anxit et de la dpression le soit galement dans celui de l'hypocondrie. II est lort probable que lesannes fu[ures verront Ie dploiemenl de plus d'efforts de recherche dans le traitement de l'hypocondrie.1,2 Trouble somstisotion

    En 1859, un mdecin franais, Pierre Briquet, dcrivit des palienls quivenaient,le voir en lui prsenlant des listes apparemment inlerminables de plaintessomatiques qu'aucun examen physique ne permettait d'accrditer (American Psychiatric Association, 1980). En dpit du rsultat ngatif des examens mdicauxqu'il administrait, ces palients revenaien[ soi[ avec les mmes plaintes soiI avec denouvelles listes, Igrement diffrentes des prcdentes. Ce trouble fut appel pendant plus d'un centenaire le syndrome de Briquet avan[ d'Lre dsign enI9B0 partrouble somatisation'. A[[ardons nous sur le cas suivanl :

    menc avoir ces problmes durant l'adolescence. Elle parlait souvent deses symptmes et craintes avec des mdecins et des hommes d glise. Elleavait t amene en hpitaux et cliniques mdicales. Aprs le lyce, elles'tait inscrite dans une cole d'infirmires. Pendant son stage hospitalier,elle eut l'impression que sa condition physique se dtriorait rapidement: illui semblait contracter chaque maladie sur laquelle elle avait cours. Une sried'vnements motionnellement stressants I'amenrent quitter l'coled'infirmires.

    Aprs avoir dvelopp une paralysie inexplique dans les jambes, Lindafut admise en hpital psychiatrique et elle ne racquit sa capacit de mar-cher qu'un an plus tard. sa sortie d'hpital, elle reut un certificat d'incapa-cit de travail qui la dchargea de la ncessit de travailler temps plein. Ellefit alors du bnvolat dans un hpital. tant donn la nature chronique etfluctuante de ses symptmes invalidants, ce travail lui permettait de tanttvenir, tantt rester chez elle, Quand elle vint notre consultation elle voyaitrgulirement un mdecin gnraliste et 6 spcialistes, chacun ayant pourmission de suivre des aspects varis de sa condition physique. Elle voyaitgalement deux prtres qui lui servaient de guides spirituels.

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    Les trou b Ies so m otof o r me s

    1,2,1 Tableau cliniqueLinda sa[isfait sans difficult tous les critres diagnostiques du DSM-IVpour le trouble soma[isa[ion, voire les dpasse largement. Avez-vous not les diff-rences entre le Lrouble somatisation de Linda et l'hypocondrie de Gail ? Bien sr,Linda semble avoir t plus invalide et a mme souffert par le pass de paralysie

    (que nous appelons aujourd'hui symptme de conversion, voir plus bas). Mais la dif-frence la plus parlante entre ces deux pa[ientes est que Linda n'avait pas aussi peurde contracter une maladie que Gail. Les proccupations de Linda taient limitesaux symptmes, eux mmes, pas leur signification. Bien que les condilions de cesdeux patientes se chevauchent quelque peu (Leibbrand, Hiller & Fichter, 2000), lesindividus hypocondriaques prennent des mesures immdiates aussitt aprs avoirperu un symptme, en appelanl un mdecin ou en s'administrant un mdicament.Par contre, les personnes souffrant de trouble somatisation ne se sentent pas dansl'urgence se mobiliser mais se sentent continuellement faibles et malades, vitantl'exercice car ils craignenl que leur situation s'empire (Rief et aL, l99B). En outre,tou[e la vie de Linda Lournait autour de ses symptmes; en fait, elle nous a mmedit un jour que ses symptmes taient son identit : sans eux, elle ne saurait qui elletait. Elle ne savait pas comment entrer en relation avec les gens autremen[ qu'entermes de ses symptmes. Ses rares amis qui n'taient pas des professionnels de lasant avaient la patience de lui tmoigner de la sympathie et de la voir Lravers levoile de ses symptmes.1.2,2 Statistiques

    Le trouble somatisation est, extrmement rare. Le DSM-Iil R requiert l'exis-tence de l3 symptmes ou plus d'une liste de 35 pour salisfaire au critre diagnostique, rendant ainsi ce dernier trs difficile rendre. La rduction du nombre descritres B symptmes en a grandement facilit le diagnostic dans le DSM IV (Cloninger, 1996). Ces critres ont t valids comme plus faciles et plus prcis que descritres alternatifs ou passs (Yutzy er a1., 1995). Katon et al. (199I ) ont dmontrque le trouble somatisation peut tre plac sur un continuum: des personnes prsentant seulement, quelques symptmes somatiques d'origine inexplique peuventendurer suffisamment de dtresse et de difficults fonctionnelles que pour tre considres comme prsentant un " trouble ". Bien que ce trouble porte son proprenom, lrouble somatoforme indiffrenci, il s'agit en fait exactement du troublesomatisation, mais ncessitant moins que les 8 symptmes de ce dernier. En utili-sant un critre de 4 6 symptmes, Escobar et Canino (l9Bg) trouvrent, une pr-valence de 4,4 7o de ce lrouble dans une grande ville et, d'approximativement 20 7od'une grande population de patients admis en services d'urgence mdicale (Escobar,l9e8).Le trouble de Linda s'tait dvelopp durant son adolescence, poque apparemment typique de son apparition. De nombreuses recherches ont tabli que les individus souffrant de trouble somatisation tendent tre des femmes clibatairesappartenant la classe socioconomique faible (voir Lieb et al.,2OO2 ',Swarlz et al.,l986). Par exemple,68o des patients d'une recherche grande envergure de Kir-mayer et Robbins (1991)taient des femmes. En plus d'une varit de plaintessomatiques, des plaintes d'ordre psychologique peuvent parfois aussi tre expri-mes. Il s'agit alors habituellement de troubles anxieux ou de I'humeur (Adler et

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    308 C ha p itre 6 - Les troubles somatoformesDMS Tableau 6.2Critres diagnostiques du Trouble somatisation

    DSM.IV.TR

    A. Antcdents de plaintes somatiques multiples, dbutant avantl'ge de 30 ans, se manifestant pendant une priode de plusieursannes et aboutissant une demande de traitement ou bien unealtration signif icative du fonctionnement social, professionnel oudans d'autres domaines importants.

    B. Chacun des critres suivants doit avoir t rempli, les symptmeseux-mmes survenant n'importe quel moment de l'volution dela perturbation.1, Quatre symptmes douloureux: antcdents de douleurs tou-chant au moins quatre localisations ou fonctions du corps (p.

    ex., la tte, le dos, les articulations, les extrmits, la poitrine, lerectum, la menstruation, les rapports sexuels, la miction).2. Deux symptmes gastro-intestinaux: antcdents d'au moinsdeux symptmes gastro-intestinaux autres que des douleurs(p, ex., nauses, ballonnements, vomissements en dehors de lagrossesse, diarrhe, ou intolrance plusieurs aliments diff-rents).3. Un symptme sexuel: antcdents d'au moins un symptmesexuel ou de l'appareil gnital autre qu'une douleur (p. ex.,dsintrt sexuel, anomalies de l'rection, de l'jaculation,rgles irrgulires, rgles excessives, vomissements tout aulong de la grossesse).4. Un symptme pseudo neurologique: antcdents d'au moinsun symptme d'un dficit voquant une affection neurologi-que, autre qu'une douleur (symptmes de conversion comme

    un trouble de la coordination de l'quilibre, une paralysie ouune faiblesse musculaire localise, des difficults de dgluti-tion ou une u boule dans la gorge ,, une aphonie, une rtentionurinaire, des hallucinations, une perte de la sensibilit tactile oudouloureuse, une diplopie, une ccit, une surdit, des crisesconvulsives ;des symptmes dissociatifs comme une amnsie;une perte de conscience autre qu'un vanouissemenO.

    C. Soit (1) soit (2) :1. Aprs des examens mdicaux appropris, aucun des sympt-mes du critre B ne peut s'expliquer compltement ni par uneaffection mdicale gnrale connue, ni par les effets directsd'une substance (p. ex., une substance donnant lieu abus, unmdicament).2, Quand il existe une relation avec une affection mdicale gn-rale, les symptmes physiques ou I'intgration du fonctionne-ment social professionnel qui en rsultent sont nettementdisproportionns par rapport ce que laisserait prvoir I'his-toire de la maladie, I'examen physique ou les examens complmentaires.

    D. Les symptmes ne sont pas produits intentionnellement ou feints(comme dans le trouble factice ou la simulation).Sourcej Reproduit avec la permission de Dilgnostic ond Stotistitol Monuol of MentolDisorders, Fourth Edition, Text Revision. Copyright O 2000 American Psychiatric Asso-ciation.

    a1.,1994; Kirmayer & Robbins, l99l ; Lieb et a1.,2002; Reif et al., l99B). En faitla recherche de Lenze, Miller, Munir, Pornoppadol et North (1999)a tabli que despatients prsentant le trouble somatisation et se trouvant en clinique psychiatrique, prsentaient une liste apparemment infinie de plaintes psychologiques com-prenant des symptmes psychotiques, en plus de leurs plaintes physiques. On agalement frquemment constat des fausses tentatives de suicide ressemblant des gestes visant manipuler leur entourage plutt qu' de rels efforts pour sedonner la mort. Bien que les symptmes puissent aller et venir, le trouble somati-sation et le comportement du rle de malade qui les accompagne sont chroniqueset persistent souvent jusque dans le troisime ge.Pendant longtemps, on a cru que l'expression de dtresse psychologique ou deplaintes somatiques tait particulirement caractristique des rgions non occi-dentales ou en voie de dveloppement. Mais un examen plus approfondi rvleque tel n'est pas le cas et que cette impression devait avoir t induite par la mtho-dologie de ces premires recherches (voir Cheung, 1995). Ainsi,la. somatisation "d'une dtresse psychologique est un phnomne assez courant, et uniforme tra-vers le monde. Bien entendu, dans les pays du Tiers monde, il faut tre particuli-rement attentif exclure toutes les causes mdicales d'une plainte somatique cary svissent souvent des maladies parasitaires et infectieuses et des conditions phy-

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    siques dues la malnutrition, difficiles diagnostiquer. Le tableau 6.1 cidessous,prsenle des donnes fournies par une recherche de I'Organisation Mondiale de laSant sur les individus admis dans des services d'urgence, prsentanl soit desplaintes somatiques sous-tendues par aucun examen mdical, mais insuffisantespour satisfaire aux critres de trouble somatisation, soit un trouble somatisation.Notez que les laux sont, relativement uniformes travers Ie monde comme I'estgalement le sex ratio (Gureje, Simon, Ustin & Goldberg, 1997). Nanmoins, enrgle gnrale, quand le problme est suffisammenl svre que pour satisfaire auxcritres diagnostiques de trouble, les femmes sonl peu prs deux fois plus nombreuses que les hommes.1,2,3 Causes

    Le trouble somatisation a quelques traits en commun avec I'hypocondriecomme par exemple le fait d'avoir t tmoin d'une maladie chronique dans Iafamille ou d'avoir subi des dommages corporels importants durant, I'enfance. Maisil s'agit l au mieux d'un facteur d'importance mineure car dans d'innombrablesfamilles surviennent, des maladies chroniques ou des dommages corporels importants sans que le rle de malade ne soit ncessairement transmis aux enfants. Autrechose doit forcment, contribuer au trouble somatisation.tant donn la difficult rendre un diagnostic, peu d'tudes tiologiques du trou-ble somatisation ont t entreprises. Des tudes prcoces sur Ia possibilit de con-tributions gntiques dans ce trouble ont, abouti des rsultab mitigs. Parexemple, une recherche sophistique sur des jumeaux monozygotes, mene par

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    Tableau 6,1Frquence de deux formes desomatisation dans une tudeinterculturelle (N = 5.438)'

    Trouble de somitasion CIM-10 (%) lndex des symptmes somatiques (%)CentreAnkara, TurquieAthne, GrceBangalore, lndeBerlin,AllemagneGroningen, Hollandelbadan, NigriaMainz, AllemagneManchester, Royaume-UniNagasaki, JaponParis, FranceRio de Janeiro, BrsilSantiago, Chiliseattle, usAShanghai, ChineVerone, ltalieTotal

    Hommes Femmes Prvalence gnrale Hommes Femmes Prvalence gnrale1 ,3 2.2 1.9 22,3 26.704'l 303080510

    00

    0515

    3380703

    0'l 9

    182420410344050231

    11 211 222220233

    25.21 1.5'19.625,517.8

    7,620.620.510.523.132.036.8

    9,818.3

    8.919.7

    13 520025919 950

    17320079

    28230633398

    18 785

    197

    '19.'l24,914.714.424.921.4'13 318635645710017597

    19I

    '1 .31.81.32.80.43.00.40.11.78.5

    17,71.71.50.12.8

    ' valu au stade initialAdapt de Cureje et al., 1 997. Les critres de La classification internationale des maladies (1 0 e dition) (ClM-1 0) ont t appliqus dans cette recherche,

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    310 Ch a p itre 6 - Les troubles somatoformesTorgesen (1986) n'tablit pas chez eux une plus grande prvalence de ce troublealors que la plupart des tudes tendent prouver que le trouble somatisation sereproduit en famille et serait hrditaire (Bell, 1994 i Gtze, Cloninger, Martin &Clayton, l986; Katon, 1993). Une donne saisissante a cependant merg de cestudes selon laquelle, en plus de sa reproduction dans les mmes familles et de soncaractre apparemment hrditaire, le trouble somatisation est fortement li autrouble de la personnalit antisociale (TPAS) (Voir Chapitre t3)que caractrisentle vandalisme, le mensonge,le vol, le comportement pcuniaire priv et profession-nel irresponsable et l'agression physique pure et simple. Les personnes prsentantle TPAS semblent insensibles tout signal de punition et aux consquences nga-tives de leurs comportements souvent impulsifs tout, en ressentant peu d'anxitou de culpabilit.Le trouble de la personnalit antisociale survient en priori chez les hommes etle trouble somatisation chez les femmes, mais ils ont tous deux de nombreusescaractristiques communes. Tous deux surviennent, tt dans la vie et ont une vo-lution chronique. Ils sont prdominants dans les classes socioconomiques faibleset se compliquent par, entre autres, leur difficult de traitement et leur associa-tion avec la discorde conjugale et les abus de drogues et d'alcool (Cloninger, t97B ;Goodwin & Guze, l9B4; Lilienfeld, 1992). la fois les tudes de prvalenceintra-familiales et, d'adoption suggrent que le TPAS et le trouble somatisationpourraient bien avoir une composante gntique (voir Bohman, Cloninger, vonKnorring & Sigvardsson, l9B4 ; Cadoret, l97B), bien qu'il soit possible que lesmodles comportementaux de ces troubles puissent tre acquis dans un milieufamilial inadapt.L'agressivit, l'impulsivit et I'absence d'motion du TPAS semblent se trouver l'une des extrmits du spectre l'autre bout duquel se trouverait le trouble soma-tisation. Qu'est ce que ces deux troubles pourraient vraisemblablement avoir encommun ? Bien que nous ne possdions pas encore les rponses ces questions, lathorisation actuelle sur ce sujet offre des exemples fascinants de rflexions intgratives dans le domaine de la bio psychosociologie du champ psychopathologique(Lilienfeld, 1992 ; Lilienfeld & Hess, 200 I ).Un modle qui semblait confirm par la recherche suggre que le trouble somatisation et Ie trouble de la personnalit antisociale (TPAS) ont en commun un syn-drome de dsinhibition neurobiologiquement induit et caractris pr lecomportement impulsif (voir Cloninger, l9B7 ;Gorenstein & Newman, 1980). Despreuves accrditant la thse de I'impulsivit comme typique du TPAS s'accumulent (voir Newman, Widom & Nathan, 1985). Comment cela s'applique t il aux per-sonnes prsentant, un trouble somatisation ? Beaucoup des comportements ettraits associs au trouble somatisation semblent galement reflter la caractristique d'impulsivit pour des gains court terme aux dpens de la rsolution de pro-blmes long terme. Le dveloppement continuel de nouveaux symptmessomatiques a pour effet de s'attirer l'attention et la sympathie immdiates (pour untemps), mais l'isolement plus long terme (Goodwin & Guze, l9B4). D'autres com-portements semblant indiquer la gratification court terme sont Ia recherche denouveaut e[ un comportement sexuellement provocateur souvent manifest parles personnes prsentanb un trouble somatisation (Kimble, Williams, & Agras,1975). En fait,la recherche conflrrme que ce type de patient est plus impulsif et la

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    Les troubles somatoformes

    recherche du plaisir que les patients anxieux (Battaglia, Bertella, Bajo, Politi & Bellodi, l99B).Dans la mesure or les individus prsentant le TPAS et le [rouble somaloforme onten commun la mme vulnrabilit neurophysiologique, pourquoi se comportent-ilsalors de faon diffrente ? La rponse cette question est que les facteurs sociauxet culturels exercent une puissante influence. la fois Cathy Spatz Widom (198a)et Robert Cloninger (1987) ont indiqu que ce qui diffrencie principalement cesdeux troubles est leur degr de dpendance. L'agression est fortement associe ausexe masculin dans l'espce animale mammifre (y inclus les rongeurs) (Gray &Buffery, l97l ). La dpendance et I'absence d'agression sont fortement, associes ausexe fminin. Ainsi, l'agression et le TPAS sont fortement lis aux hommes alorsque la dpendance et la somatisation sont fortement lies aux femmes. I'appuide cette thse, Lilienfeld & Hess (2001)ont dcouvert que Ies tudiantes de premier cycle universitaire qui prsentaient, des traits agressifs et antisociaux avaientgalement tendance se plaindre de plus de symptmes somatiques. Les rlessexuels sont parmi les composantes les plus dterminantes de l'identit.Il est doncfort possible que la socialisation touchant, l'identit et au rle sexuel soit, presqueentirement, responsable de cette profonde diffrence entre les hommes et les fem-mes dans I'expression d'une mme vulnrabilit biologique.Ces modles thoriques n'en sont encore qu' leurs premiers balbutiements et doi-vent maintenant tre tays par un ensemble important, de donnes avant de pou-voir fonder notre confiance sur leur validit. Quoiqu'il en soit, ces rflexions sontau premier plan de notre connaissance en psychopathologie et reflten[ les typescourants d'approches intgratives en psychopathologie (dcrits au Chapitre 2)quimergeront invitablement au fur et mesure que notre savoir grandira.Ces hypothses pourraient-elles s'appliquer Linda ou sa famille ? La vie conju-gale de la sur de Linda, de laquelle elle a eu deux enfants, a t brve et presquetoute sa vie adulte tait ponctue de thrapie. La sur de Linda allait occasionnellement consulter des mdecins avec des plaintes somatiques diverses, mais sa dif-ficult essentielle se traduisait en pisodes rcurrents d'amnsie qui pouvaientdurer plusieurs jours ; ces priodes alternaient avec des priodes de " black-out "pendant lesquelles elle tait hospitalise en urgence.Y avait il galement dans cette famille des signes d'impulsivit sexuelle ou deTPAS ? Aprs une adolescence orageuse, faite de fugues et de dlinquance, la filleane de la sur de Linda fut juge et condamne la prison pour violations de laloi relative aux stupfiants et, pour voies de faits. Linda, elle-mme rapporta qu'elleavait conserv une liste des personnes avec lesquelles elle avail eu des relationssexuelles. Cette liste comprenait bien plus de vingt noms et la plupart de ces aven-tures sexuelles s'taient produites dans des cabinets de professionnels de la santmentale et dans des lieux de culte !Ce dveloppement des relations de Linda avec ceux qui lui prodiguaient leurssoins tait trs important pour elle car elle y voyait Ie signe ultime de son impor-tance leurs yeux en tant que personne. Mais ces relations se terminaient presquetoujours tragiquement. Ouelques uns des mariages des thrapeutes avec lesquelselle avait entretenu des relations sexuelles se rompirent et au moins l'un de sespsycho[hrapeutes se suicida. Linda n'tait jamais entirement satisfaite par cesrelalions, mais se sentait profondment blesse quand celles-ci prenaient invita-

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    312 C ha pitre 6 - Les troubles somatoformesblement fin. L'association psychologique amricaine a dcrt qu'il n'est jamaisthique d'avoir des relations sexuelles de n'importe quelle nature avec un patient, n'importe quel moment durant la thrapie. La violation de ce canon thique a pres-que toujours eu de tragiques consquences.1,2,4 Traitements

    Le trouble somatisation esl excessivement difficile traiter et il n'existeaucun traitement possdant une efficacit dmontre permettant de " gurir o dusyndrome. notre clinique, nous nous efforons essentiellement de rassurer nospatients, de rduire leur stress et, particulirement, de rduire leur comportementde recherche d'aide mdicale. L'une des caractristiques les plus courantes dans cetype de trouble est la tendance visiter plusieurs mdecins spcialistes en fonctiondu " symptme de la semaine. " Chaque visite un nouveau mdecin (ou un mde-cin qui n'a pas t vu depuis longtemps)implique des cots matriels et physiquesimportants. Une recherche a tabli que le cot de ces patients au systme de santtait plus du double de celui occasionn par le pa[ient moyen (Hiller, Fichter, & Rief,2003). Dans le cadre du traitement que nous administrons dans nos cliniques envue de rduire les visites mdicales inappropries, nous assignons chaque patientun mdecin " garde-fou " qui filtre toutes les plaintes d'ordre physique. Chaquevisite un spcialiste doit recevoir I'autorisation spcifique de ce mdecin " garde-fou o. Dans un contexte de relation thrapeutique positive, la plupart de nospatients se conforment, cet arrangement.En outre, nous orientons notre attention thrapeutique sur la rduction des cons-quences positives qu' sur ces patients l'tablissement de leurs relations avec leursproches sur la seule base de leurs symptmes physiques et nous encourageons desmodes relationnels et d'interactions plus appropris. Du fait que, comme beaucoupde patients souffrant de ce trouble, Linda est devenue ligible pour I'obtentiond'une pension d'invalidit, nous poursuivions les objectifs supplmentaires consis-tant l'encourager rechercher un emploi, au moins temps partiel, dans le butultime de lui faire abandonner son tat officiel d'invalidit.D'autres spcialistes du trouble somatisation tablissent des objectifs thrapeutiques semblables. Par exemple, G. R. Smith, Monson et Ray (1986)ainsi que Smith(1991) ont valu un procd similaire celui que nous venons de dcrire et ontnot que, bien que ce dernier n'amliore pas la sant physique ou mentale despatients, il avait pour effet de rduire considrablement leurs comportements derecherche d'aide. La ralisation de cet objectif comportemental est extrmement,importante car le cot de ce comportement est - tant pour le patient,le systmemdical que, finalement, pour Ia socit - norme. Actuellement, les mdecins defamille sont forms mieux apprhender ce type de patients en appliquant lesprincipes que nous venons d'voquer (Garcia-Campayo, Claraco, Sanz Carrillo,Arevalo, & Monton, 2002). Rcemment, un traitement cognitivo comportemental(Allen, Woolfolk, Lehrer, Gara, & Escobar, 2001) associ l'administration d'anti-dpresseurs (Menza et aI.,2OOl) semble assez prometteur, bien que ce traitementn'ait pas t soumis une mthodologie de recherche contrle.

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    Les trou bl e s so m otofo rm e s

    1.3 Trouble de conversionLe terme conversiona t voqu a et I depuis le Moyen-ge (Mace, I992),mais il a t popularis par Freud qui croyai[ que l'anxit rsultant de conflitsinconscienls parvenait se * conver[ir > en symptmes physiques permettant l'individu de s'en dcharger sans rellement,la vivre. Comme dans le cas des trou-bles phobiques, l'anxit rsulhnI de conflits inconscients pourrait, lre" dplace >> vers d'autres objets.

    1,3,1 Tableau cliniqueLe trouble de conversion' consiste gnralement en un dysfonctionnemen[physique comme une paralysie, la ccit ou la difficult de parler (aphonie) sansqu'aucun trouble physique ou pathologie organique ne vienne l'tayer. La plupartdes symptmes de conversion suggrent que I'une ou l'autre pathologie neurologique affecte les systmes sensori moteurs ; quoique ces symp[mes puissent aussireproduire I'ventail entier des dysfonclionnements physiques.

    Les lroubles de conversion sont les exemples les plus dconcertanls de la psychopathologie. Qu'est-ce qui pourrail expliquer la ccit d'un individu dont les mcanismes de la vision sont parfaitement normaux ou la paralysie des bras ou desjambes en l'absence de [out dommage neurologique ? Considrons le cas suivanl.

    HloiseDsapprendre marcherHlose tait assise sur une chaise, sesjambes replies sous elle, refusant deposer ses pieds sur le sol. 5a mre tait assise prs d'elle, prte l'aider au casou elle aurait besoin de se dplacer ou de se lever. C'tait elle qui avait prisrendez-vous pour Hlose et qui, avec l'aide d'un ami, alla jusqu' porter safille au cabinet de consultation. Cette dernire tait unejeune fille borderlineet intelligente de 20 ans, trs amicale et enjoue durant le premier entretien,rpondant toutes nos questions avec un large sourire. Visiblement, cetteinteraction sociale lui plaisait.

    Ses difficults marcher s'taient pr0gressivement dveloppes sur unepriode de 5 ans. Cela avait commenc par sa jambe gauche qui lui faisantdfaut progressivement, provoquait de plus en plus de chutes. Sa condition

    313

    continua se dtriorer tel point que 6 mois avant son admission l'hpi-tal, Hloise ne se deplaait plus qu'en rampant l'aide de ses bras.

    Les examens mdicaux ne rvlrent aucun problme. Hloise est un casclassique de trouble de conversion. Bien qu'elle n'tait pas paralyse, elle res-sentait de la faiblesse dans ses jambes et avait difficile de maintenir son qui-libre postural, ce qui causait ces frquentes chutes. Ce pe particulier desymptme de conversion est appel astasie-abosie,

    Hlose vivait avec sa mre. Elle avait pass sa scolarit jusqu' 15ansdans un tablissement d'ducation spcialis; ensuite, aucun systme sco-laire adapt ne fut trouv pour elle. C'est quand HloTse commena resterchez elle que sa capacit marcher se mit se dtriorer.

    En plus de la ccit, de Ia paralysie et, de l'aphonie, les symptmes de conversionpeuvent, comprendre le mutisme total et la disparition du sens du toucher. Certaines personnes souffrenl de spasmes qui pourraient, avoir des origines psychologiques car aucun changemenl n'a pu tre enregistr par EEG. Un autre symp[merelativemen[ commun est le globu s hystedcus, la sensalion d'une boule dans lagorge rendant difficiles les activits de manger, avaler et parler.

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    314 Ch a p itre 6 - Les troubles somatoformes1.3,2 Troubles intimement associs

    Faire la distinction entre les ractions de conversion, de rels troubles physiques, ou la simulation' est parfois difficile. Certains facteurs peuvent cependantnous y aider.Premiremen[, comme dans le trouble somatisation, les ractions de conversionont souvent le mme trait d'indiffrence face aux symptmes. Cette attitude portele nom de Iabelle indiffrence3 et est considre comme la caractristique des rac-tions de conversion, mais hlas, ce n'est pas un signe infaillible. Des gens ayant derels troubles physiques prsentent parfois une attitude dtache vis--vis de lamaladie et des personnes prsentant des symptmes de conversion peuvent deve-nir trs anxieux.Deuximement, les symptmes de conversion sont souvent dclenchs par unstress important. C. V. Ford (1985) a par exemple not qu'ils font suite un stressdans 52 o/o 93 % des cas. Donc, si l'on ne peut identifier un vnement stressantayant prcd l'apparition d'un symptme de conversion, il y a lieu d'tre plus cir-conspect quant la prsence d'un rel trouble physique. Finalement, bien que lespersonnes prsentant des symptmes de conversion puissent, gnralement fonctionner normalement, elles paraissent sincrement inconscientes soit de cettecapacit, soit des stimulations sensorielles cibles par les caractristiques de leurssymptmes. Par exemple, les individus prsentant un symptme de conversion deccit, vitent gnralement les obstacles se trouvant dans leur champ visuel maisaffirment tre incapables de les voir. De faon apparente, les individus dont lessymptmes de conversion ciblent la paralysie des jambes, peuvent en casd'urgence, se lever et, courir pour ensuite tre abasourdis par leur performance. Ilest possible que les personnes qui " gurissent miraculeusement, o durant desrituels religieux souffraient de symptmes de ractions de conversion. Bien queces facteurs soient utiles pour distinguer la conversion du rel trouble organique,Ies cliniciens s'y trompent souvent. Par exemple, Moene et aL, (2OOO) examinrentsoigneusement 85 patients diagnostiqus avec le trouble de conversion et dcou-vrirent que I 0 d'entre eux ( I I ,B o/o) avaient dvelopp des symptmes de troublesneurologiques peu prs deux ans et demi aprs le premier examen. Aprs avoirrsum de nombreuses tudes, Stone, Zeidler & Sharpe (2003) estiment que letaux de diagnostics errons du trouble de conversion, alors que l'on se trouve enprsence d'un rel problme physique, varie de 5 l0 %.Il peut galement s'avrer extrmement difficile de distinguer des individus souflfrant rellement de trouble de conversion et les simulateurs qui excellent dansl'affabulation de symptmes. Une fois dmasqus, leurs motivations deviennentvidentes: ils tentent d'obtenir quelque chose comme de se sortir de difficultsprofessionnelles ou lgales ou d'en obtenir un gain financier. Les simulateurs sont[otalement conscients de ce qu'ils font et tentent clairement de manipuler leurenvironnement, pour atteindre des fins prcises.Un ensemble plus intrigant de conditions tombant quelque part entre la simulationet le trouble de conversion sont les troubles facticef . Comme dans le cas de la simu-lation, les symptmes de ce trouble sont, feints, mais il n'existe aucune bonne raisonpour les produire volontairement, except, peul tre, celle qui consiste adopter3. En lranais dans le lexte (N.D.T.).

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    Les troubles somatoformes 315DSM-IV-TRMS Tableau 6.3

    Critres diagnostiques du Trouble de conversionA Un ou plusieurs symptmes ou dficits de la motricit volontaireou les fonctions sensitives ou sensorielles suggrant une affectionneurologique ou une infection mdicale gnrale.

    0n estime que les facteurs psychologiques sont associs aux symp-tmes ou dficits parce que la survenue de I'aggravation du symp-tme est prcde par des conflits ou d'autres facteurs de stress.Le symptme ou dficit n'est pas produit intentionnellement oufeint (comme dans le trouble factice ou la simulation).Aprs les examens mdicaux appropris, le symptme ou le dficitne peut pas s'expliquer compltement par une affection mdicalegnrale, ou par les effets directs d'une substance, ou tre assimil un comportement ou une exprience culturellement dtermine.Le symptme ou le dficit est I origine d'une souffrance clinique-ment significative ou d'une altration du fonctionnement social,

    professionnel ou dans d'autres domaines importants, ou bien jus-tifie une valuation mdicale.F. Ces symptmes ou le dficit ne se limitent pas une douleur ou une dysfonction sexuelle, ne surviennent pas exclusivement aucours de l'volution d'un trouble somatisation et ne sont pasmieux expliqus par un autre trouble mental.Spcifier si :

    Avec symptme ou dficit moteurAvec symptme ou dficit sensitif ou sensorielAvec des crises ou des convulsionsAvec prsentation mixte

    Sourcej Reproduit avec la permission de Diognostic ond Statistical Monuol of MentolDisorders, Fourth Edition, Text Revision. Copyright @ 2000 American psychiatric Asso-ciation.

    D.

    le rle du malade pour s'attirer un surplus d'a[tention. Ce trouble peut tragiquement tre dplac par celui qui en souffre sur d'autres membres de sa famille. Unadulte (presque toujours la mre) prsentanl ce trouble peut, intentionnellementrendre ses enfants malades pour altirer sur lui l'altention el la compassion de sonentourage. Quand un individu en rend un autre dlibrment malade, on appellecela, .. trouble factice par procuration,, ou, parfois, ., syndrome de Munchausen parprocuration '. Il s'agil en ralit d'une forme atypique de maltraitance d'enfants(Check, 1998). Le tableau 6.2 illustre les diffrences enlre la maltrailance typiqued'enfants et le syndrome de Munchausen par procuration.La personne prsentant ce trouble peut avoir recours des tactiques extrmesvisant crer l'apparence d'une maladie chez son enfant. Par exemple, une mre amlang le sang contenu dans ces tampons hyginiques dans les chantillonsd'urine de son enfant. Une autre mlangeait ses excrments dans des chantillonsde vomi de son enfan[ (Check, 1998). Du fait que la mre souffrant de ce troubleparvient de faon typique tablir d'excellents rapports avec l'quipe mdicale, laDMS Tableau 6.4Critres diagnostiques du Trouble factice

    DSM-IV.TR

    A. Production ou feinte intentionnelle de signes ou de symptmesphysiques ou psychologiques.B. La motivation du comportement est de jouer le rle de malade.

    C, Absence de motifs extrieurs ce comportement (p. ex., obtenirde I'argent, fuir une responsabilit lgale, ou amliorer sa situationmatrielle physique comme dans la simulation).

    Spcifier si :Avec signes et symptmes psychologiques prdominants:

    si les signes et symptmes psychologiques sont au premier plan dutableau clinique.Avec une association de signes et de symptmes psycho-logiques et physiques : s'il y a, la fois des signes et des symp-tmes psychologiques et physiques sans que les uns ou les autresne soient au premier plan du tableau clinique.

    Source j Reproduit avec la permission de Diognostic lnd St1tisticol Monuol of MentllDisorders, Fourth Edition, Text Revision. Copyright O 2000 American psychiatric Asso-ciation.

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    Tableau 6.2Abus d'enfants associsau syndrome de Munchausenpar procuration vs abustypiques d'enfants

    Chap itre 6 - Les troubles somatoformesvritable nature de la maladie non pas de l'enfant mais de sa mre, demeure sou-vent insouponne et l'quipe mdicale peroit souvent cette dernire commeremarquable, cooprante et totalement implique dans le mieux-tre de son enfant.En fait, ce type de mres devient souvent exagrment implique dans les soinsprodigus son enfant, dans l'administration de mdicaments et l'interprtationdes rsultats de laboratoire ainsi qu'en assistant l'quipe mdicale. C'est pourquoiles mres prsentant ce trouble russissent souvent trs bien ne pas s'attirer lasuspicion quant la possibilit de prsenter un syndrome de Munchausen par pro-curation. Des mthodes utiles permettant d'valuer cette possibilit comprennentla sparation temporaire de la mre et de l'enfant ou la vidosurveillance deI'enfant quand celui ci est hospitalis. Une tude importante semble valider l'utilitde la surveillance des chambres d'enfants, suspects tre victimes du syndrome deMunchausen par procuration. Lors de cette recherche,4I patients prsentant desdifficults chroniques de diagnostics de problmes physiques furent surveills parvido pendant leur hospitalisation. Vingt-trois de ces cas s'avrrent tre des syn-dromes de Munchausen par procuration dont le parent tait responsable dessymptmes, et, pour plus de Ia moiti de ces 23 cas,la vidosurveillance avait tla mthode utilise pour tablir ce diagnostic. Pour les autres cas, ce sont des testsde laboratoire et le .. flagrant dlit ' de tenter d'induire des symptmes pathologiques chez leur enfant qui ont permis d'tablir ce mme diagnostic. Dans le cas d'unenfant qui souffrait d'infections rcurrentes de E Coli,les camras de surveillanceavaient surpris sa mre en train d'injecter sa propre urine dans son Baxter intra-veineux. Un autre exemple est celui d'une mre qui se faisait vomir et qui disait aumdecin qu'il s'agissait du vomi de son enfant (Hall, Eubanks, Meyyazhagan, Ken-ney, Cochran, & fohnson,2000).1.3,3 Mcanismes mentaux inconscients dans les troubles

    de conversion et les troubles associsDes mcanismes cognitifs inconscients semblent jouer un rle dans une par-tie importante de la psychopathologie (quoique pas ncessairement de la faon dontFreud l'envisageait), et nulle part n'est-ce dramatiquement plus apparent que lorsque nous tentons de faire la distinction entre les troubles de conversion et les con-

    Abus typiques Abus atypiques (syndrome de Munchausenpar procuration)Prsentation physique de I'enfant

    0btention du diagnostic

    Les victimes

    Rsultats de contacts directs avec I'enfant : signessouvent dtects I'examen physique

    L'auteur cherche empcher la dcouverte destraces d'abusLes enfants, souvent objet de frustrations et decolre, victimes de punitions inappropries

    Habituellement prsent

    Dclarations frauduleuses d'un trouble acciden-tel, mdical ou chirurgical, habituellement nondtect par un examen physiqueL'auteur prsente habituellement les tracesd'abus au personnel du systme de santLes enfants, servant de vecteur pour attirerl'attention sur elles de leur mre. La colre n'estpas le facteur causal premierHabituellement absentonscience de l'abus

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    Lestroublessomatoformet 317ditions qui lui sont apparentes ? Pour nous faire une ide plus prcise desprocessus mentaux o inconscients ' impliqus dans ces conditions, revoyons bri-vement le cas de Anna O. que nous avons voqu au Chapitre 2.Comme vous vous en souvenez, Anna O. tait une jeune femme de 2l ans qui soignait son pre mourant. Cetle priode avait t pour elle extrmement prou-van[e. Au bout de nombreux jours passs son chevel, son espril s'tait mis vagabonder. Soudain, elle se prit imaginer ( rver ?) qu'un serpent noir rampaitsur le lit de son pre, prl Ie mordre. Elle avait essay de se saisir du serpen[ desa main droite, mais son bras droit s'tait endormi et elle tait devenue incapablede le mouvoir. En regardant son bras et sa main, elle s'tait imagine que les doigtsde cette main s'taient transforms en petits serpents venimeux. Horrifie, tout cequ'elle fut capable de faire fut de prier, mais la prire qui lui vint l'esprit tait enanglais, bien que sa langue maternelle fr l'allemand. Aprs cet pisode, elle se mit sentir son bras droit se paralyser chaque vocation de cette hallucination. Cetteparalysie s'tendit progressivement tout son ct droit eL, occasionnellement, d'autres parties de son corps. Elle prsenta aussi d'autres symptmes de conver-sion comme la surdit et, trangement, une incapacit s'exprimer en allemandtout, en continuant parler couramment I'anglais. Traite par Breuer, Anna O.revcut, ses expriences traumatiques sous hypnose. Quand elle se souvint el putlaborer ces images, sa paralysie disparut et elle regagna sa capacit de parler I'alle-mand. Le nom que donna Breuer l'exprience consistant revivre des vne-ments motionnellement [raumatiques tait catharsis (purger ou librer). Lacatharsis a prouv son efficacit dans Ie traitement de nombreux troubles motionnels comme nous l'avons not au Chapitre 5.Les symptmes d'Anna O. taient-ils rellement inconscients ou ralisait-elle, undegr ou un autre, qu'elle pouvait en fait mouvoir son bras e[ le reste de son corpssi elle le voulait, mais que sa paralysie servait un objectif ? Cette question a long-temps intrigu les psychopathologues. Actuellement, de nouvelles connaissances(que nous avons passes en revue au Chapilre 2) sur les mcanismes cogni[ifsinconscients prennent, toute leur imporlance. Nous sommes tous capables de recevoir et d'laborer l'information par de nombreux canaux sensoriels (comme par lavision et I'oue) sans en prendre conscience. Vous souvenez vous du phnomnede la vision aveugle ou inconsciente ? Weiskrantz (1980) et d'autres chercheursont dcouvert que des personnes dont une petite partie localise du cerveau taitendommage pouvaient identifier des objets se trouvant, dans leur champ visuelsans avoir conscience de les voir. Cela peut-il se produire chez des gens ne prsen-tant pas de lsions crbrales ? Pour en avoir une ide, considrons Ie cas suivant.

    CliaL'aveugle qui voitUnejeune fille de 1 5 ans et rpondant au nom de Clia devint soudainementincapable de voir. Elle regagna rapidement en partie sa vision, mais elle taitdemeure trop trouble pour la lecture, Des psychologues lui firent passerune srie de tests qui n'exigeaient pas d'elle de dire ce qu'elle voyait ou non.L'une des tches de ces tests requerrait d'elle d'examiner trois triangles sur

    trois crans spars et d'appuyer sur le bouton correspondant l'cran surlequel figurait un triangle rectangle. Sa performance sur ce test tait parfaiteen dpit du fait qu'elle n'tait pas consciente de le voir (Grosz & Zimmerman,1970). Clia simulait-elle ? videmment que non, sinon elle se serait trompeexprs.

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    318 C ha p i tre 6 - Les troubles somatoformesSackeim, Nordlie et Gur (1979) valurent la diffrence potentielle entre des mcanismes rellement inconscients e[ la simulation en hypnotisant deux sujets exprimentaux et, en leur faisan[ chacun une sugges[ion de ccit [otale. I'un dessujets avait t communiqu qu'il [ait extrmement, important, qu'elle convainquit tout Ie monde de sa ccit. Le second sujet ne reut aucune instruction. Con-formment aux inslructions d'apparatre aveugle [ou[ prix, la performance dupremier sujet tait de loin infrieure ce qu'aurait prdit le simple hasard sur unetche de discrimination visuelle semblable celle du triangle rectangle. presquechaque test, elle choisissait la mauvaise rponse. La perlormance du second sujettait, parfaite, bien qu'elle rapporta ne rien voir. En quoi cetle exprience est, ellepertinente dans l'identification de la simulation ? Quelques annes plus tt, Groszet Zimmerman (1965) valuren[ un sujet de sexe masculin qui semblait souffrirde symptmes de conversion de ccit. IIs dcouvrirenl que sa performance taitinfrieure ce qu'aurait prdit le pur hasard sur une tche de discriminationvisuelle. Des sources d'information ultrieures diffrentes confirmrent qu'il taitpresque cer[ainemen[ un simula[eur. La perlormance de quelqu'un de vraimentaveugle serait quivalente ce qu'aurait prdit Ie hasard. Les personnes souffrantde conversion peuvent voir et devraient donc russir ces [es[s, cependant, ils n'ontpas conscience de voir. Les simula[eurs et, probablement les personnes prsentantun trouble factice, feronL tout, ce qui est possible pour prtendre la ccit.1.3,4 Statistiq ues

    Nous avons dj vu que le lrouble de conversion peut se prsenter conjointemen[ avec d'autres troubles, particuliremenl avec le trouble somatisation commedans le cas de Linda. Sa paralysie disparut au bout de quelques mois et, ne rapparulplus bien qu'elle rapportai[ occasionnellement qu'elle avait I'impression que celarecommenait. La comorbidit de troubles anxieux et de troubles de I'humeur es[galement courante dans ces cas (voir Pehlivanturk & Unal, 2002). Les troubles deconversion sont, relalivemen[ rares en cenLres de sant mentale, mais rappelons-nous que les personnes prsenlant ce lrouble recherchent plutt l'aide de neurolo-gues ou d'autres spcialisles. L'estima[ion de la prvalence de ce diagnoslic en services de neurologie varie de laon impressionnante de I o/o 30 o/o (Marsdsen,I986 ; Trimbell, I98I). Une rcente tude estime que I0 2OVo de tous les patientsadresss des centres de traitemenl pour l'pilepsie prsenten[ des convulsionsnon pileptiques psychognes (Benbadis & Allen Hauser,2000).Les troubles de conversion, comme les troubles somatisation, sont majoritairement diagnostiqus chez les femmes (Folks, Ford & Regan, t9B4; Rosenbaum,2000) et, se dveloppent lypiquemenl pendanL l'adolescence ou peu aprs. Cependant, ces troubles apparaissent galement chez les individus de sexe masculin suite un stress extrme (Chodoff, 197 4). Les ractions de conversion ne sont pas rareschez les soldats exposs au combat (Mucha & Reinhardt, 1970). Au boul d'un certain temps,les symptmes finissen[ gnralement, par disparatre pour rapparatre plus tard sous la mme forme ou sous une forme apparente en prsence d'unnouveau stress. Lors d'une tude, 56 patients qui souffraient de convulsions nonpileptiques psychognes (16 hommes et 40 femmes) depuis huil ans en moyenne,furenL suivis pendant une dure de I B mois aprs I'tablissement initial de leurdiagnostic (Ettinger, Devinsky, Weisbrol, Ramakrishna & Goyal, 1999). Au termede celte tude, Ieur diagnosLic demeura gnralement rserv, seulement la moiti

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    Les tro u b I e s so matofo rme s

    d'entre eux ayant guri. Parmi ces derniers dont le taux de convulsions s'tait, amlior,leur rhospitalisation tait demeure frquente. peu prs 20 7o des sujetsde ce groupe avaient fait des tentatives de suicide et cette proportion tait quiva-lente entre ceux dont le taux de convulsions psychognes s'tait amlior et ceuxqui ne virent aucun changement de leur condition. Les patients qui avaient le plusde chances de gurir de leurs convulsions psychologiquement induites taientceux qui prtaient foi au diagnostic au momen[ o il leur avail t communiqu etqui, en dehors de celui-ci, se percevaient en bonne sant et fonctionnant adquate-ment tant sur le plan professionnel que priv. Heureusement, il semblerait que lediagnostic pour les enfants et les adolescents soit meilleur long terme que pourles adultes. Une tude turque rvla que pas moins de 85 7o de 40 enfants avaientt guris quatre ans aprs leur diagnostic initial ; ceux dont le diagnostic avait tle plus prcoce ont eu le plus de chances (Pehlivanturk et a\.,2002). Reste vrifierdans de futures recherches si ces conclusions s'appliquent galement l'Europe et l'Amrique du Nord.Au dbut de ce chapitre, nous avons not que les troubles de conversion et, lestroubles dissociatifs prsentent des caractristiques communes. Aujourd'hui,nous en possdons des preuves. Plus spcifiquement, un groupe de 72 patients prsentant un trouble de conversion fut compar un groupe contrle compos de 96patienls psychia[riques (comparable en termes d'ge et de sexe) souffrant de trou-bles motionnels varis. Sur base de rponses un questionnaire, on put tablirque les symptmes dissociatifs taient significativement plus frquents chez lespatients prsentant un trouble de conversion que chez les sujets du groupe contrle (Spitzer, Spelsberg, Grabe, Mundt, & Freyberger, 1999). Ce mme rsultat apu, en gros, tre reproduit dans une tude qui compara 54 patients prsentant untrouble de conversion 50 patients apparis, prsentanl des troubles anxieux oude l'humeur (Roelofs, Keijsers, Hoogduin, Naring, & Moene, 2002). Dans d'autrescultures, certains symptmes de conversion constituent l'un des aspects courantsdes rituels religieux de gurison. Les spasmes, la paralysie eL les transes sont mon-naie courante dans certains groupes ruraux fondamentalistes aux tats Unis(Griffith, English, & Mayfield, 1980)et sont souvent regards comme des preuvesde contact avec Dieu. Les individus prsentant ces symptmes sont donc tenus enhaute estime par leurs pairs. Ces symptmes ne satisfont donc pas aux critresd'un trouble, sauf s'ils persistent au point d'interfrer avec le fonctionnement normal de l'individu qui les prsente.1,3,5 Causes

    Freud a dcrit quatre mcanismes de base intervenant dans le dveloppement du trouble de conversion. Premirement, l'individu subit, un vnement trau-matique qui, selon Freud, prenait la forme d'un conflit inconscient inacceptable.Deuximement, Lant, donn que ce conflit et l'anxit qui en rsulte sonl inaccepta-bles, ils sont refouls et rendus ainsi inconscients. Troisimement, tant donn quel'anxit s'amplifie et menace d'merger dans le conscient, l'individu qui en est, laproie la " convertit " en symptmes physiques, se librant ainsi de la tension inhrente la confrontation frontale avec le conflit en cause. Cette rduction del'anxit est considre comme le bnftce primaire ou comme l'vnement renfor-anl qui maintient le symptme de conversion. Quatrimement, I'individu prsentant le lrouble de conversion attire sur lui l'atlention et la bienveillance de ses

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    320 Cha pitre 6 - Les troubles somatoformesproches qui lui permettront de se soustraire toute situation ou tche difficile. C'estce que Freud considrait comme reprsentanLle bnfice secondaire ou vnementrenforant.Nous pensons que Freud avait essentiellement raison sur au moins trois de cesmcanismes et probablement sur les quatre bien que les vidences tangibles l'appui de chacune de ces ides soient maigres et que les thorisations de Freudtaient bien plus complexes que ce que nous en reproduisons ici. Ce qui sembles'tre produit dans le cas de la conversion est qu'un vnement, traumatiquedevant tre fui tout prix semble avoir t subi. Il peut s'agir d'un combat qui rendla mort du sujet imminente ou une situation interpersonnelle impossible pour celuiqui la vit. tant donn que la fuite est inacceptable dans la plupart des cas auxyeux de la victime de ces situations, s'y substitue l'alternative socialement tolrede devenir malade. Mais tant donn que devenir malade intentionnellement estgalement inacceptable, cette motivation se dtache du conscient. Finalement, dufait que le comportement de fuite (les symptmes de conversion) russit dans unecertaine mesure effacer du conscient la situation traumatique, le comportementpathologique demeure jusqu' ce que le problme qui lui est sous-jacent soit rsolu.Une rcente tude est venue confirmer ces hypothses, au moins partiellement(Wyllie, Glazer, Benbadis, Kotagil, & Wolgamuth, 1999). Trente-quatre enfants etadolescents dont 25 de sexe fminin, furent valus aprs avoir obtenu le diagnos-tic de convulsions non pileptiques psychognes. Beaucoup de ces enfants et ado-lescents prsentaient des troubles psychologiques additionnels comprenant destroubles de I'humeur (32 o/o) et l'anxit de sparation avec refus de frquenterl'cole (24 o/o). Certains prsentaient d'autres troubles anxieux.L'examen plus tendu des stress psychologiques qu'avaient pu rencontrer cesenfants durant leur vie rvla que la plupart avaient connu des expriences extr-mement fragilisantes comprenant un abus sexuel prcoce, le divorce rcent, desparents,le dcs d'un membre proche de la famille ou de la maltraitance. CommeI'ont tabli d'autres tudes (Roelofs et aL,2002), ces chercheurs en conclurent quedes troubles de l'humeur majeurs et des stress environnementaux svres, notam-ment l'abus sexuel, sont frquents parmi les enfants et adolescents prsentant destroubles de conversion sous l'aspect de convulsions non pileptiques psychognes.Dans une autre tude, l5 adolescents qui avaient prsent durant I'enfance destroubles de la vision d'origine psychologique furent compars des adolescentsqui avaient, eux aussi, soufferb de troubles de la vision durant,l'enfance, mais dontla cause physique avait t clairement valide. Les adolescents ayant prsent untrouble de la conversion avaient plus tendance avoir vcu des vnements stressants significatifs et des grandes difficults d'adap[ation (par exemple scolaires oula perte d'une figure importante de leur vie). Les mres de ces enfants avaient galement obtenu un score lev en comportements surprotecteurs et surinvestis surune chelle spcialement prvue cet effet. Ceci suggre que ces troubles de lavision psychologiquement, induits pourraient avoir t considrablement, renforcs par l'attention que leur portaient ces mres (Wynick, Hobson & Jones, 1997).Le point qui reste en suspens dans la thorisation de Freud sur la progression desvnements dans le trouble de conversion est,la question des bnfices primairesen tant qu'explication de la belle indiffrence dcrivant l'apparente nonchalance dupatient vis--vis de ses symptmes. Freud pensait qu'tant donn que les sympt-

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    mes refltaient la tentative inconsciente du palien[ de rsoudre un conflit, cessymptmes ne devaient pas le dranger. Mais l'examen formel de ce trait n'apporteque peu d'appui cette affirmation. Par exemple, Lader & Sartorius, (1968) ontcompar des patients prsen[ant un trouble de conversion avec un groupe con-trle de patients anxieux sans symptmes de conversion. Les patients prsen[ant,le trouble de conversion manifeslaien[ autant sinon plus d'anxit et de ractionsphysiologiques que le groupe contrle. Cette impression d'indiffrence pourraitainsi tre plus proche de Ia perception du thrapeute que de la ralit du patient.Des influences sociales et cuhurelles contribuent galemen[ au trouble de conver-sion qui, comme le trouble somatisation, tend survenir dans les groupes appar[e-nant aux classes socio conomiques faibles et moins instruiles et, dans lesquelles laconnaissance de la maladie est peu dveloppe (Binzer, Anderson, & Kullgren,1997 ;Kirmayer, Looper, & Taillefer, 2003', Swartz, Blazer, Woodbury, George, &Landerman, 1986). Par exemple, Binzer et al.,(1997 )ont not que seulement l3 7ode 30 patients prsentant des troubles moteurs dus au rrouble de conversion fr-quentaient l'cole secondaire contre 67 o des sujets des groupes de contrle pr-sentant de rels troubles moteurs. La rencontre pralable avec des problmesphysiques rels, gnralement parmi les membres de la famille, tend influencer lechoix des symptmes spcifiques de la conversion ; autrement dit, les patients choisiront d'adopter des symptmes qui leur sonl familiers (voir Brady & Lind, 196I ).De plus, I'incidence de ces troubles a diminu ces dernires dcennies (Kirmayer etal.,2OO3), probablement grce au fait que la connaissance actuelle a pour effet d'liminer beaucoup des bnfices secondaires, si importants dans ces troubles.Finalement,les symptmes de conversion semblent appartenir un ensemble psy-chopathologique plus large. Linda prsentait un trouble somatisation couvrant untrs large ventail de symptmes ainsi que des symplmes de conversion quirsultaient en son hospitalisation frquente. Dans des cas semblables, certains individus pourraient, prsenter une vulnrabilit biologique marque, propre lesfaire dvelopper le trouble en situation de stress et faire intervenir des mcanismes biologiques comme ceux du trouble somatisation. Cependant, pour d'innombrables autres cas, les facbeurs biologiques pouvant conlribuer au dveloppement,du trouble de conversion semblent moins dterminants que l'influence prdominante des facteurs interpersonnels. Dans le cas d'Hloise, le degr de sa souffranceet de russite de son Lraitement, suggre une tiologie essentiellement psychologique et sociale.1.3,6 Traitement

    Bien qu'il existe peu d'tudes systmatiques contrles valuant I'efficacitdu traitement des troubles de conversion, nous en rencon[rons souvent dans noscliniques et ailleurs (par exemple, Campo & Negrini,2000 ; Moene, Spinhoven, Hoogduin & van Dyck, 2002), e[ notre mthode correspond notre pense sur l'tiolo-gie de ce trouble. unt donn que le trouble de conversion a beaucoup de pointscommuns avec le trouble somatisation, il en va de mme pour les principes thra-peutiques que nous lui appliquons.Une de nos stratgies principales consiste identiflrer et lraiter l'vnement trauma[ique l'origine du trouble s'il est encore prsent (dans la ralit actuelle dupatient ou dans ses souvenirs)et d'liminer les bnfices secondaires du trouble.

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    322 C ha p itre 6 - Les troubles somatoformesComme dans le cas d'Anna O., I'assistance thrapeutique et revivre l'vnemen[ (lacatharsis) son[ une premire tape raisonnable.Le thrapeute doit galemenl travailler trs dur pour rduire tou[e consquencepositive des symptmes de conversion lendant le maintenir (bnfice secon-daire). Par exemple, il nous es[ clairement apparu que le fait de savoir que sa fillene bougerait pratiquement, pas de place tandis qu'elle-mme travaillaiI au magasinattenant la maison, rconfortait la mre d'Hlose (bnfice secondaire). L'immobilit de cette dernire se [rouvait donc fortemen[ renforce par la mansutude desa mre. Tou[e mobilit inutile [ait punie. Le [hrapeute doit collaborer la foisavec le palienl et sa famille pour liminer ces comportements d'chec.hminer les bnfices secondaires esl souvent plus facile dire qu' faire. Hloisefut, traile avec succs la clinique. Elle devait s'exercer marcher chaque jour,forLement encourage eI soutenue par l'quipe soignante. Quand sa mre venait luirendre visite, elle lui exprimait verbalemenl sa satisfaction de ses progrs, maisI'expression de son visage (ou ses " affects ') conviait un tou[ aulre message. Lamre d'Hloise habitait assez loin de la clinique e[ ne pouvai[ se rendre aux sessions mais promit de poursuivre le programme aprs que sa fille aurait quitt laclinique. Elle n'en fit, rien. Un suivi, 6 mois aprs le dpart d'Hlose rvla qu'elleavait totalement. rechut et passail nouveau le plus clair de son temps dans unepice l'arrire de sa maison pendant, que sa mre s'occupait de son commercedans le magasin en faade. Des programmes d'intervenlion cognilivo-comporte-mentaux semblables ont permis 65 % de 45 patien[s