a. sylla - l´ecole a l´ouest africain

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  • 7/26/2019 A. Sylla - LEcole a louest africain

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    Momar-Coumba Diop (d.), Sngal. Trajectoires dun tatDakar / Codesria, 1992 : 379-429

    Codesria ISBN 2-6978-011-7

    /p.

    379/

    Lcole: quelle rforme?

    Abdou Sylla

    Introduction

    En 1990, lcole sngalaise est encore rgie par la loi dorientation n 71-036 du 3 juin 1971,alors que les tats Gnraux de lducation et de la Formation de 1981 avaient entam le processus desa rforme. En effet, la Commission Nationale de Rforme de lducation et de la Formation(CNREF) avait labor une nouvelle loi dorientation destine abroger et remplacer celle de 1971.promulgue tardivement

    plus dune dcennie aprs lindpendance

    celle-ci demeure donc le seultexte dfinissant les principes, les orientations, les objectifs et les programmes de lcole. Sesdifficults dapplication et ses lacunes, reconnues par le Chef de ltat lors de sa premire allocution la Nation (1erjanvier 1981) ont conduit la rforme en cours depuis 1985.

    Dans le cadre de cette rforme, plusieurs expriences et innovations pdagogiques ont tconduites, mais labsence de texte organique et daxes prioritaires introduit une incohrence dans lapolitique dducation actuelle, qui laisse penser, compte tenu des actions et des projets en chantier,que le plus essentiel, en cette priode de crise financire et conomique, est la rentabilisation desmoyens, des structures et des hommes. Devant ces impratifs et lintervention de la Banque Mondiale,qui finance actuellement lessentiel des projets dducation, ltat est suspect de renoncer, dans ledomaine de lducation, sa souverainet et une gestion planifie des projets dducation et de leurs

    investissements, certains enseignants laccusent de dmission en parlant dsormais dcole de laBanque Mondiale! Dans ces conditions, les questions lgitimes qui surgissent sont : quellesperspectives pour lcole Sngalaise

    ? Et quelle cole

    ? En examinant en effet en 1990 ltat delcole avec les difficults et les divers problmes quelle a connus depuis une dcennie, les multiplesmouvements de contestation et de grve quelle a enregistrs et qui ont entran une anne blanche en1987-1988, son avenir parat bien incertain, dautant que les germes de distorsion et dedysfonctionnement ne sont pas radicalement radiqus.

    En outre, la multiplicit de ces problmes et difficults est telle que les autorits semblent avoirrenonc depuis 1988, toute projection et toute planification: les aborder et les traiterquotidiennement, au fur et /p.380/ mesure quils surgissent, semble dsormais tre leur credo. Aussi,il ne parat ni raliste ni opratoire, dans une tude restreinte, de prtendre cerner lensemble de ces

    problmes et difficults, lessentiel tant, notre avis, en relevant et en analysant des represfondamentaux, de prsenter une image exacte de lcole, puis de montrer que cette politique vue est lorigine de la drive1dont les consquences long terme peuvent tre nfastes pour lensemble dupeuple sngalais.

    Quelle politique dducation

    ?

    Priorit lconomie

    Lorsque les pays francophones dAfrique ont accd lindpendance, en 1960, les mots dordremobilisateurs taient pour la plupart centrs sur les impratifs du dveloppement conomique et social,

    1 /p.426/ Cette drive se traduit par limpossibilit de matriser le dveloppement de lcole, dont le coursnormal est tout moment menac de perturbation par les revendications et les actions des lves et des tudiants.

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    sur lunit nationale prserver et consolider, sur la construction national et ldification dun tatfort prenant en charge lensemble de ces impratifs. Les secteurs dits productifs (industrie, agriculture,pche, infrastructure, etc.) ont ainsi t privilgis et ont reu. les investissements les plus importants.Dans le cas du Sngal, le VIIImeplan de dveloppement conomique et social (octobre 1989), dont lechapitre 2 du Titre I fait le bilan des politiques conomiques inities depuis 1960, permet de percevoirles prfrences et les orientations initiales de ltat (cf. Sngal/Ministre du Plan 1989). En effet,pendant au moins deux dcennies, les deux axes prioritaires des politiques conomiques ont t ledveloppement rural et le dveloppement industriel. Ainsi, dans le domaine rural, entre 1960 et 1975,ltat reste matre-duvre dans la conception et lexcution de toutes les oprations dedveloppement rural (production, commercialisation et consommation).

    Au plan industriel, le Sngal disposait, au moment de son accession lindpendance, dun tissuindustriel plus dense que ceux des autres colonies franaises de lAfrique de lOuest, mais les unitsindustrielles tant pour la plupart proprits dhommes daffaires expatris ou alors fIliales demultinationales, ltat a entrepris de simpliquer et dimpliquer les nationaux dans ce secteurdactivits; ainsi, il cre des socits dtat, prend des participations dans dautres socits etnationalise des socits coloniales intervenant dans des secteurs jugs vitaux pour lconomienationale (eau et lectricit notamment). Des units significatives, des domaines industriels et une

    zone franche industrielle sont mis en place entre 1960 et 1975. la fin de la seconde dcennie de dveloppement, la diversit des interventions de ltat danslconomie est telle que son portefeuille couvre 150 entreprises et socits. Globalement, dans lemonde rural comme dans le dveloppement industriel, ltat a beaucoup voulu, beaucoup /p. 381/cru, et beaucoup investi (Sngal/ Ministre du Plan 1989: 24); dans le monde rural, ltat met enplace un nombre important dorganismes dencadrement et daide; son action est caractrise par lacohrence, la multiplicit et la diversit des interventions sans quaucune fonction technique etconomique ne soit oublie; dans le domaine industriel, ltat a investi, directement ou indirectement,dans de nombreux projets, promulgu des Codes des investissements accordant divers avantages etexonrations, et protg les industries locales par diverses mesures tarifaires et quantitatives.

    De lcole coloniale lcole nationale

    Sans doute en raison de cette priorit accorde lconomie, mais galement parce quils neprsentaient probablement aucune urgence imprative, les secteurs dits sociaux que sont lducation,la sant et lhabitat nont pas fait, pendant toute la premire dcennie de lindpendance, lobjet desollicitude particulire. Dans le cas de lcole, cette ngligence procde dautres facteurs, car eneffet, lorsquil accdait lindpendance en 1960, le Sngal tait dot, par lancienne puissancecolonisatrice, dun systme dducation moderne, ancien et couvrant lensemble du territoire national;ses diffrents ordres denseignement taient relativement dvelopps.

    En 1960, le taux de scolarit avait atteint, selon une tude de la Banque Mondiale (1984) 36 %. LeSngal sest appuy sur son pass. Cependant, il navait pas alors t tenu compte que lcolecoloniale servait des intrts propres la puissance colonisatrice2. Il a donc manqu au dbut delindpendance:

    * une politique dducation

    3 dfinissant de manire prcise les principes et les finalits, lesobjectifs et les programmes, les horaires et les structures, les modes dorganisation(organigramme) et les examens, les concours et les diplmes, de lcole sngalaise nationale;

    2Sur cette question des principes, orientations et objectifs de lcole coloniale, voir Maurice Delafosse(cit par Abdou Moumouni (1964) qui crivait:

    De mme quil nous faut des interprtes pour nous faire comprendre des indignes, de mme, il nous faut desintermdiaires, appartenant aux milieux indignes par leur origine et au milieu europen par leur ducation,

    pour faire comprendre aux gens du pays et pour leur faire adopter cette civilisation trangre pour laquelle ilsmanifestent, sans quon leur puisse en tenir rigueur, un misonisme bien difficile vaincre (soulign par nous

    ;in Bulletin de lducation en AOF, n3,juin 1917). Lcole coloniale a, bien entendu, connu des modifications,

    mais lesprit, les objectifs et les intrts quelle servait sont demeurs sensiblement les mmes.3 Les recueils des textes administratifs, tablis par Souleymane Ndiaye, expert consu1tant pour le compte duBureau des Projets dducation et de formation technique et professionnelle (BPE, septembre 1989, 3 tomes) du

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    * un plan de dveloppement de lcole qui dtermine, avec prcision, les phases de sondveloppement avec des projections court, moyen et long termes, les investissements oprer,la carte scolaire tablir et les classes et coles crer, la formation des matres assurer.

    Tout sest pass comme si lcole ne devait pas voluer. Il a donc manqu une politiqueprospective. Cest pourquoi lcole a t considre pendant cette priode comme un appendice de

    lcole de France, reproduisant chaque anne ses programmes et ses horaires, son organisationadministrative et pdagogique, ses examens, ses concours. Les deux seules actions importantes initiesentre 1963 et 1965 sont conscutives /p.

    382/ la runion, tenue en 1961, sous lgide de lUNESCO Addis Abba (thiopie) par les ministres de lducation de lAfrique indpendante et qui imposa unescolarisation universelle des enfants africains.

    La premire action a consist laborer et raliser un vaste programme de constructions scolairesqui a permis la cration de collges denseignement gnral (CEG) dans toutes les capitales rgionaleset dpartementales. Par la seconde action, ltat a fait recruter de jeunes enseignants, de faible niveaude culture gnrale (5me, 4me et 3me des lyces) et de qualification professionnelle insuffisante(formation pdagogique acclre au cours dun stage de 2 3 mois pendant les grandes vacancesscolaires) et qui ont constitu, dans lhistoire de lcole, la gnration des moniteurs denseignement.Ces deux actions combines ont eu pour effets lis dune part, laccroissement de la capacit daccueil

    au niveau de lenseignement moyen, et donc laccroissement des effectifs, et dautre part uneprogression notable du taux de scolarisation de 1960 1970.

    La rforme de 1971

    Mais des dimensions essentielles de lcole taient ngliges ou ignores: les finalits et lesobjectifs, les programmes et les contenus, les structures et les mthodes, la formation pdagogique desmatres, les recyclages, etc. Aussi, la premire exigence du mouvement contestataire de mai et juin desannes 1968 et 1969 fut la rforme de lcole et des enseignements, de manire adapter ceux-ci auxralits nationales et africaines4. Contraintes alors de mettre en chantier la rforme dont lcole avaitbesoin, les autorits dcouvrent miraculeusement diverses causes de blocage de notre systme

    ducatifs

    5

    :* les rsultats et les performances de lcole ne sont pas la mesure des efforts fournis : un quart

    du budget national est consacr lducation, la formation et la culture mais au dbut delapplication du 3meplan de dveloppement conomique et social, moins du tiers des enfants enge scolaire entrent lcole primaire;

    * des disparits profondes subsistent entre les rgions et si, dans le Cap-Vert, le taux de scolaritapproche 60%, dans les rgions de Tambacounda et de Diourbel, il natteint pas 15%;

    les redoublements atteignent des proportions alarmantes: le taux de redoublement slve 17

    % et avoisine 40

    % dans les CM

    ;* depuis 1958, les effectifs de lenseignement primaire ont progress rgulirement et presque

    tripl, alors que le pourcentage dadmission lentre en 6mena cess de dcrotre; de 39,2%

    en 1961, if est descendu 17

    % en 1967. Le seul maintien de ces /p.

    383/ deux tendances aurapour effet, court terme, de jeter dans la rue des milliers de jeunes

    ;

    Ministre de lducation Nationale, ne mentionnent les textes rglementaires officiels organisant lcole qupartir de 1967 (loi n67-51 portant statut de lenseignement priv, tome 2, p.451.)4Les grves des lves et des tudiants de 1968 et 1969, mouvement ayant branl bien des socits et dtats,ont revtu au Sngal une ampleur sans prcdent. Leurs causes profondes ainsi que leurs effets et implicationspolitiques ont permis de percevoir quel point une cole inadapte pouvait tre une source de danger.5. Premire communication en Conseil de Cabinet du Ministre de lducation nationale, le 11 fvrier 1969 sur la

    rforme. Sur cette question, voir notre ouvrage sous presses: lcole sngalaise en gestation. De la crise larforme. 1repartie: la crise (1960-1980). Le Ministre concluait ainsi sa premire communication:

    Ces indices, par leurs effets cumuls, clairent dj les raisons de lexistence, au niveau de nos zones urbaines,et spcialement au Cap-Vert, dune masse considrable de jeunes dsuvrs de 14 18 ans, dont les ractionsimprvisibles ont pu affecter lquilibre et la progression harmonieuse de la socit.

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    * laccroissement des effectifs nayant pas t accompagn dune augmentation correspondante descapacits daccueil, il sensuit des effectifs plthoriques dans les classes, des conditionsdifficiles de travail, des manuels et des matriels didactiques insuffisants en quantit.

    Lcole nayant pas volu au rythme des bouleversements socio-politiques intervenus dans notresocit depuis lindpendance, sa finalit ne correspond plus aux besoins nouveaux du

    dveloppement

    : adquation, efficacit, rendement, promotion collective et individuelle. Outre cesraisons officielles de la dgradation de la situation, les enseignants ajoutent la dvalorisation de lafonction enseignante et la perte de prestige de lenseignant, la dgradation des conditions dexercicedu mtier (matrielles, sociales, psychologiques, etc.), linsuffisance de la formation pdagogique, lesbouleversements des hirarchies administratives et scolaires.

    Cest dans ce contexte dune cole bloque et bloquant la progression harmonieuse de la socitque se sont produits les vnements de mai-juin 1968. La grande rforme initie ds lors, conue parles techniciens de la Direction de la Recherche et de la Planification (DRP) dans le secret de leurscabinets6, devait aboutir la promulgation de la loi dorientation de lducation nationale, n 71-036du 3 juin 1971.

    Selon les principes de cette loi dorientation (titre 1er, article 1er), lcole rforme doit contribuer lever le niveau culturel et technique des plus larges masses de la Nation, accrotre le revenu

    national, abolir les ingalits lgues par la situation antrieure, promouvoir une plus richecontribution de la culture africaine la civilisation universelle. Elle doit donc apporter une meilleurecontribution la croissance conomique du pays et accrotre la rentabilit des investissements dans leslimites des contraintes budgtaires, par une rationalisation des dpenses pour la formation. Elle doitdsormais former des jeunes utiles la Nation, prpars sinsrer sans heurt dans les divers secteursde la vie nationale, conscients des valeurs de la civilisation africaine et susceptibles de fournir leurapport dans les domaines de la science et de la technique. Enracins, ils resteront cependant ouverts aumonde extrieur et aux autres peuples selon les deux axes qui fondent toute notre ducation :lenracinement et louverture.

    cette fin, le contenu des enseignements (titre 2, article 6) devra se rapporter dabord et en prioritau milieu naturel et social, cest--dire lenvironnement immdiat Dans cette perspective, lescontenus de certaines disciplines seront africaniss et sngaliss: histoire, gographie, /p.384/sciences naturelles et franais. Ces disciplines accorderont une place de choix ltude de notre pass,du milieu et de la littrature africaine, et plus spcialement de la littrature sngalaise. Car, il sagit enpriorit daider le jeune sngalais retrouver et connatre les valeurs culturelles du monde noir etune part indissociable de son hritage culturel.

    Le second moyen par lequel se ralisera lenracinement sera lintroduction de ltude de noslangues nationales lcole

    ; ce qui permettra daboutir, long terme, un enseignement par noslangues nationales7. Louverture de llve (second axe de lducation) se ralisera au double) niveaude la science et de la technique dune part, et, dautre part, des cultures non africaines et des languestrangres, qui seront toutes enseignes.

    Lenseignement est dispens des niveaux diffrents, en fonction de lge de lenfant et du niveaude connaissances recherch (titre 3, articles 8 13): lducation prscolaire, lenseignement

    lmentaire, lenseignement moyen, lenseignement secondaire et lenseignement suprieur.Cette rforme de lcole comporte, comme innovation majeure, la cration dun enseignementmoyen pratique (EMP) qui devrait, en principe, accueillir 80 85

    % des enfants scolariss delenseignement lmentaire. Obligatoire pour tous les enfants ne poursuivant pas leurs tudes dans untablissement gnral ou technique, cet enseignement a pour objectifs de former, en cinq ans,

    des paysans davant-garde, pratiquant correctement les cultures vivrires et industrielles deleur rgion, en association avec llevage. ainsi que les cultures marachres et fruitires, envue de leur assurer une alimentation riche et quilibre et des sources de revenus; des

    pcheurs, des leveurs, des commerants, des artisans et des ouvriers capables dassimiler les

    6Une commission nationale charge de la rforme des enseignements primaire, moyen et secondaire est cre

    par le dcret n

    69-332 du 27 mars 1969.7Ce projet dintroduction des langues nationales lcole, vieux de prs de deux dcennies, na toujours pasabouti.

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    techniques modernes et de rentabiliser leur mtier; des pres et des mres de famille avertisparticipant la production de biens et la gestion du budget familial {article 11).

    Expriment pendant plus dune dcennie dans plusieurs centres dissmins travers le territoirenational, mais dcri par les enseignants et les parents, lenseignement moyen pratique na pas tgnralis et a fini par tre abandonn.

    La pdagogie de cette cole rforme utilisera les mthodes actives de manire donner lenfantles moyens dapprendre apprendre et renoncer lencyclopdisme de lcole classique.Les caractristiques de cette cole rnove peuvent donc se rsumer ainsi (titre I, articles 2 5)

    ;elle tend /p.385/

    lever le niveau culturel de la population, former des hommes et des femmes libres,capables de crer les conditions de leur panouissement tous les niveaux, de contribuer audveloppement de la science et de la technique, et dapporter des solutions efficaces au

    problme du dveloppement national.

    Elle est dmocratique, en tant quelle reconnat le droit de tous lducation et la formation, et entant quelle offre tous des chances gales (elle est gratuite). Elle est par l-mme une cole de masse.Bien que laque, elle encourage et soutient toute initiative prive, individuelle ou collective,

    concourant la ralisation de son uvre. Par sa vocation premire, qui est lenracinement, elle est uneducation africaine qui intgre en mme temps les valeurs de civilisation universelle (ouverture). Elleest enfin une ducation permanente.

    Les tats Gnraux (EGEF) et la Commission Nationale de Rforme (CNREF)

    Globalement, la loi dorientation a t, selon divers tmoignages, une bonne loi, et appliquerigoureusement, elle devait permettre de faire de lcole sngalaise une cole nationale; mais ellecomportait des lacunes et des difficults, releves officiellement par les plus hautes autorits du pays.La prise de conscience, par les autorits, de cette inadaptation de notre cole, de sa crise et laconvocation des tats gnraux sont conscutives une anne scolaire (1979-1980) agite, marque

    par une grve du SUDES

    8

    , rsultat de plusieurs annes (1976-1980) de luttes syndicales desenseignants9.Suivie par plus de 70% des enseignants, cette grve ouvrait un vritable conflit entre le

    Gouvernement et le SUDES et jouera un rle dterminant dans le dveloppement de la crise delcole. Car diverses sanctions taient prises: mutations, rtentions de salaires, licenciements10, etc.Lopinion nationale smut; les autorits religieuses et les notabilits, les partis politiques comme lasocit civile appelrent au dialogue et la modration. Au mme moment, des problmesconomiques graves se posaient la Nation sngalaise. Ces difficults ont t lorigine dellaboration et de lapplication, ds 1979, dun plan de redressement conomique et financier, suivipar la suite, dautres plans: nouvelle politique agricole (1984), nouvelle politique industrielle (1985),plan dajustement structurel (1988), etc.

    8SUDES: Syndicat Unique et Dmocratique des Enseignants du Sngal. la suite dune profonde crise (1981-1984), ce Syndicat a clat, donnant naissance a un autre Syndicat, lUnion dmocratique des enseignants duSngal (UDEN).9Nous avons rendu compte de ces luttes et de leurs implications politiques dans Sylla (1982, 1987).10 Dans une dclaration rendue publique en dcembre 1380, le SUDES indiquait lampleur dessanctions qui se sont abattues sur ses militants entre juin et dcembre 1980: suspension de 38 enseignants en juin 1980; rtention de lintgralit du salaire de 110 enseignants en juillet et aot; rvocation de 23 enseignants en septembre; suspension de 38 enseignants en septembre;

    affectation doffice de 500 instituteurs en octobre

    ; licenciement de 51 enseignants en octobre; mutation doffice de 200 professeurs en novembre et dcembre.

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    Lanne 1980 a t particulirement difficile et agite. Non seulement lcole, mais galement laSocit, lconomie et ltat taient en crise. Devant la multiplicit et la monte des prils, lasuccession politique au niveau de ltat apparaissait alors comme la seule alternative /p. 386/ possibleet se rvlait comme la consquence dun processus dialectique dont le dploiement sest effectu surla base de contradictions multiples et varies. Cette succession se ralisait par le remplacement ds le31 dcembre 1980, de Lopold Sdar Senghor par Abdou Diouf. Et la premire dcision prise parcelui-ci, lors de son premier message radiotlvis la Nation, le jeudi 1er janvier 1981, a t laconvocation des tats gnraux de lducation et de la formation (EGEF) (Sylla 1983, 1987), pour le28 janvier 1981.

    Au bout de quatre journes de travaux, les EGEF devaient aboutir la conception et la dfinitiondune cole nouvelle, nationale et sngalaise, dmocratique et populaire, laque mais intgrant lesdimensions, spcifiques de notre ralit socio-culturelle, notamment sa dimension religieuse. Et laconvergence des conclusions et recommandations11 ainsi que lunanimit et la satisfaction desdiffrents participants, ont t traduites par le Ministre de lducation nationale dans son allocution declture:

    Lcole sngalaise, telle quelle se dessine maintenant, est bien lexpression de la volontnationale et non pas le produit de spculations de quelques spcialistes, mme si ces derniers

    ont amplement particip son laboration... Je voudrais dire combien nous avons t frappspar la profondeur et lardeur des discussions et combien nous avons apprci la sincrit, lafranchise, la loyaut des uns et des autres... Ce que jappelle lesprit des tats Gnraux, cest--dire une volont de recherche concerte, loyale et franche de solutions ralistes. Il y a lieu desen fliciter, grce vous, cet esprit de coopration et de sincrit qui nexclut pas lesdivergences, a prvalu du dbut la fin de nos travaux. Le Gouvernement prend acte de toutesles propositions et raffirme la fois la spcificit de la fonction enseignante et limprieusencessit de la revalorisation de la fonction enseignante. Jen prends ici lengagementsolennel; rien de ce qui est possible ne sera pargn pour que lenseignant retrouve sa dignitet son prestige.

    Le Gouvernement raffirma, ds le mois de fvrier 1981, et la suite des engagements pris par le

    Ministre de lducation nationale, sa volont et sa dtermination appliquer et exploiter loyalementet intelligemment12 les rsultats des tats gnraux; puis il cra la Commission Nationale deRforme de lducation et de la Formation (CNREF), charg dexploiter les conclusions,propositions et recommandations des tats gnraux de lducation approuves par le Gouvernement,en vue de leur exploitation concrte13. En exploitant et en approfondissant /p.387/ pendant quatreannes les conclusions des tats gnraux, la CNREF et ses commissaires ont tudi toutes lesconditions et modalits pratiques de ralisation de lcole nouvelle, dont les caractristiquesfondamentales et les innovations majeures la distinguent radicalement de lcole ancienne.

    En effet, lancienne tait slective et litiste, la nouvelle doit tre dmocratique et de masse ; lapremire tait extravertie et mimtique, en tant quappendice de lcole franaise, la seconde doit trenationale et africaine

    14. Pour tre nationale, elle doit se fonder sur nos ralits nationales, sngalaiseset africaines, reposer sur une politique rsolue de formation et de promotion des cadres nationaux,

    contribuer un dveloppement national endogne et lever la conscience de lunit nationale (titre 1,articles 4 et 5 de lavant-projet de loi dorientation).

    11Cette convergence a t mise sur le crdit du SUDES, dont la mobilisation et la dtermination des militants ontlargement contribu au succs de ces assises historiques. Sur /p.427/ toutes ces questions, voir nos travaux citsprcdemment, mais galementLa voix de lducateur, organe du SUDES, numro spcial paru en fvrier 1981.12 Expression utilise par le porte-parole du Gouvernement la suite du premier conseil des ministres de lapremire semaine de fvrier 1981, donc immdiatement aprs les tats gnraux.13 Article 2 du dcret n81-644 du 6/7/1981 portant cration de la CNREF. Deux autres dcrets ont tpromulgus pendant la mme priode: le dcret n81-624 du 24/6/1981 portant cration des tats gnraux et ledcret n81-625 du 24/6/1981 instituant la commission nationale dtude, de concertation et de suivi des tats

    gnraux.14 Nous rsumons ici lavant-projet de loi dorientation de lducation nationale, labor par la commissiontechnique n2 de la CNREF, charge dtudier la politique gnrale de lducation.

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    Elle sera dmocratique en accordant des chances gales tous devant lducation, en tantgnrale, obligatoire et gratuite, cest--dire ouverte tous les enfants en ge dtre scolariss, sansdistinction aucune (scolarit obligatoire et gratuite pour tous les enfants de 3 16 ans), en assurant eten suscitant la formation permanente (titre 1, articles 1, 3 et 5). Elle sera populaireen rompant avecles pratiques litistes et les divers mcanismes de la slection

    -

    limination, en exprimant et enrefltant les besoins culturels du peuple et en leur apportant des solutions appropries, en promouvantle progrs culturel, scientifique, technique, moral et spirituel du peuple, tout en tant ouverte la vie(titre 1, articles 3 et 5).

    Elle sera laque, dans le respect de la libert de conscience des citoyens, mais elle intgrera lesdimensions spcifiques de notre ralit socio-culturelle, notamment sa dimension religieuse (titre 1,article 2). Ses structures, ses niveaux et ses paliers sont harmonieusement articuls entre eux (cf. lenouvel organigramme; titre 2 articles 6 10). Le nouveau systme ducatif est un systme global,assurant une ducation et une formation de type classique mais galement une ducation permanenteet une alphabtisation dans des structures non-formelles articules aux premires (titre 3, articles 11 17).

    La conception dun code de dontologie et dune loi dorientation qui dfinissent et garantissent lesobligations et les droits des enseignants, assurera la valorisation ncessaire et constante de la fonction

    enseignante (titres 4 et 5, articles 18 25). La dfinition dune politique de dflation des cadresexpatris et une formation adquate des cadres nationaux sont de nature garantir une africanisation etune responsabilisation effective de ces derniers. Lcole nouvelle postule galement comme exigencela recherche constante de son indpendance, de son adaptation nos ralits et la liaison permanentede lenseignement et de la production (caractre polytechnique).

    /p.388/

    Lexigence de lindpendance implique linstitution dun Fonds national de lducation et de laformation, celles-ci ntant plus considres comme laffaire exclusive de ltat. Lintroduction, dansle nouveau systme, de lducation spciale des handicaps physiques et mentaux ne le marginaliseraplus par rapport leurs camarades frquentant les filire normales. Les slections et les barrires quesont les concours et les examens seront supprimes et remplaces par un systme original et souple

    dorientation-guidance scolaire et professionnelle.Ce projet de rforme introduisait ainsi une rupture radicale et qualitative, une rvolution, la foispdagogique et sociale, dans le systme ducatif sngalais et dans la socit elle-mme. Mais, est-ilralisable? Quelle position le Gouvernement a-t-il adopte son gard ? Le vendredi 18 janvier 1985,au cours dune confrence de presse, le Ministre de lducation nationale a apport des rponses cette dernire question, en distinguant les mesures acceptes par le Gouvernement et celles qui nepeuvent ltre.

    Les mesures acceptes15

    * Le principe dune cole nationale, dmocratique et populaire;* lintgration, dans le systme ducatif, des structures non formelles, lments de dmocratisation

    de lducation et instruments de dveloppement culturel, conomique et social;

    * la cration de lducation spciale des jeunes handicaps et inadapts et son intgration dans lesystme ducatif;

    * la rentabilisation des structures existantes par la cration des classes multigrades et des classes double flux

    ;* la rorganisation des structures administratives, des filires de lUniversit et de la recherche

    scientifique et technique en vue dune rentabilisation optimale des moyens disponibles;* le code de dontologie et toutes les propositions concernant les personnels de lcole nouvelle afin

    de revaloriser de faon significative la fonction enseignante et dassurer une formation dequalit;

    * la structuration gnrale du systme selon lorganigramme qui dtermine les trois niveaux : cyclefondamental, cycle secondaire et professionnel et enseignement suprieur

    ;

    15Texte introductif du Ministre, Le Soleildu samedi 19 janvier 1985, n4417, page 4. Nous rsumons ici lesides et propositions, acceptes ou non, contenues dans ce texte.

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    * lintgration de lcole au milieu selon la conception de lenseignement polyvalent;* lintroduction de lducation religieuse mais dans le respect de la lacit et du caractre

    multireligieux de ltat;* lintroduction et la promotion des langues nationales dans lcole nouvelle

    ;

    /p.389/

    * la reconnaissance de limportance et la promotion de la langue arabe dans le nouveau systme

    ;* la cration dun fonds spcial de lducation.Cependant, le Ministre rappelle que ces propositions acceptes

    sinscrivent dans un processus et selon une programmation rationnelle. Aussi, ne faut-il passtonner si, sur certains points particuliers, les premires tapes de la rforme pourront

    paratre par trop prudentes certains.

    Les propositions non acceptes

    * Le dcrochage du statut des enseignants de la fonction publique;* laugmentation cumule des indemnits de logement, denseignement et de fonction;* la suppression de lenseignement priv

    ;

    * la rouverture des internats des tablissements scolaires

    ;* la distinction, dans lorganigramme, entre le cycle secondaire gnral et le cycle secondairetechnique; la suppression immdiate des examens et concours.

    Cette confrence de presse a suscit des observations et des remarques, relatives notamment lanature de lcole nouvelle que le Gouvernement ambitionnait de crer, la revalorisation de lafonction enseignante, aux moyens de lcole nouvelle, etc. Mais, les mesures prcdentes, prisesensemble, puisent-elles tout le projet de rforme labor par les EGEF et la CNREF

    ? Lcolenouvelle sera-t-elle nationale, dmocratique et populaire si lenseignement priv et les slections etbarrires (concours, examens, etc.) sont maintenus

    ? Comment rendre compatibles une cole nationale,dmocratique et populaire, dessence et de finalits socialistes, avec une socit dont lconomie est detype capitaliste et dont les classes et les luttes de classes se dveloppent constamment?

    Comment revaloriser la fonction enseignante si, parmi les mesures adoptes par le Gouvernement,aucune ne parait avoir une incidence financire significative, si le dcrochage du statut des enseignantsde la fonction publique est refus et si laugmentation cumule des indemnits de logement,denseignement et de fonction est rejete?16. Les estimations des cots de lcole nouvelle slevant des centaines de milliards, selon le Ministre, o trouver les moyens, financiers notamment, de sondification si la contribution et la participation des populations, ne sont pas requises, si les ressourcesconstantes du Fonds national de lducation proviennent essentiellement des subventions de ltat, etsi en fin le budget allou par ltat lducation et la formation ne peut plus tre accru, en raison dela crise actuelle.

    /p.390/

    Il faut cependant reconnatre que, malgr les pnuries et la crise, le budget allou lducation

    nationale demeure toujours le plus lev

    ; il atteint pour lexercice budgtaire 1990/199160446802000CFA, reprsentant le double de celui allou au Ministre des Forces armes, qui vientimmdiatement aprs par limportance de son budget, qui est de 30452960000CFA17. En dpit delimportance du budget de lducation nationale, le problme fondamental de lcole est un problmede moyens, qui ne peut tre rsolu, comme la indiqu Barber Conable, que par une augmentation desflux de ressources. Car, la croissance dmographique tant forte et rapide (3,2% selon la BanqueMondiale), les populations scolarisable et scolaire sen trouvent constamment accrues, et les besoinsen ducation croissent proportionnellement alors que dans le systme scolaire, les effectifs de tous les

    16Cette augmentation cumule, que le Gouvernement refusait en 1985, a t accepte en avril 1989 la suite dela grve du Syndicat Autonome de lEnseignement Suprieur (SAES) et des accords conclus avec le

    Gouvernement.17Le Soleil du mercredi 6 juin 1990 n6011, p.2. Le budget global de ltat pour lanne 1990/1991 slvetous ministres compris 516436000000F.

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    cycles, trop nombreux, dpassent de loin tous les moyens disponibles (infrastructures. quipements etpersonnels).

    Aussi, toutes les solutions imagines et tous les projets initis depuis 1985 semblent destins rsoudre lquation de linadquation des besoins dducation et des ressources disponibles.Cependant, avant dexaminer les solutions et les projets. il est indispensable de connatre au pralableles besoins, cest--dire dtudier la situation actuelle et la ralit matrielle de lcole sngalaise.

    Nayant pas dfini, ds le dbut de lindpendance, une politique globale et cohrente dducation,qui embrasse tous les aspects du dveloppement de lcole, ltat na pas non plus saisi lopportunitdes travaux et des conclusions des EGEF et de la CNREF qui ont conu les fondements et les finalits,lorganigramme et les structures et dtermin les moyens et les personnels de lcole nouvelle. La loidorientation, texte de rfrence de lcole, bien qulabore par la CNREF, na pas t promulguecomme texte de loi; Iba Der Thiam, ancien ministre (19831988) de lducation nationale, en fournitla raison:

    Jean Collin, ancien secrtaire gnral de la Prsidence de la Rpublique, considraitlcole nouvelle comme une utopie et a bloqu le texte sur la loi dorientation. Il naimait pasla promotion des langues nationales, raison pour laquelle il a systmatiquement sabot mon

    programme (Le Tmoin 31 juillet 1990

    :2).Cette loi dorientation a t adopte par le conseil des Ministres du mardi 23 octobre 1990 et vote

    par lAssemble nationale le mercredi 30 janvier 1991. Le dcret crant la CNREF a bien tpromulgu et, aprs le dpt de ses conclusions, le Chef de ltat a dcid de maintenir le bureau et lesecrtariat de la CNREF en tant que structure officielle et nationale; mais depuis lors, la structure nefait rien. Les EGEF ont bien /p.391/ t crs par dcret et devaient se runir tous les 4 ans, donc en1985 et 1989; ils nont connu jusqu maintenant quune seule dition, celle de 1981. La commissionnationale dtude, de concertation et de suivi entre les EGEF existe bien et se runit parfois mais quepeut-elle faire si la CNREF et les EGEF ne fonctionnent pas et sil nexiste pas de loi-programme.Lcole sngalaise actuelle ptit de ce vide et de ces manques.

    Situation de lcoleLa loi dorientation de 1971 sert ici de rfrence lexamen de la situation prsente de lcole, qui

    tiendra compte, bien entendu, de lvolution, entre 1970 et 1990, de lensemble des donnes etfacteurs en jeu dans cette cole.

    Lducation prscolaire

    Lducation prscolaire a t introduite au Sngal par les surs de lglise chrtienne et de sesinstitutions (Notre-Dame, Saint-Joseph, Sainte-Thrse, Saint-Pierre, etc,) et restera affaire prive

    jusquau-del de lindpendance. En 1975, malgr lapplication de la loi dorientation et de la rforme,la quasi-totalit des coles maternelles sont cres et toujours gres par lglise chrtienne et

    linitiative prive

    ; en outre, la plupart de ces coles sont implantes Dakar, capitale nationale, etdans les quartiers rsidentiels. Cest seulement partir de 1977 que ltat cre ses propres colesmaternelles dans les capitales rgionales, bien que la loi dorientation, en son titre 3, articles 8 et 9, enfaisait, ds 1971, le premier niveau du systme dducation; larticle 9 stipule que:

    lducation prscolaire prpare la vie scolaire, par des mthodes dducation appropries,les jeunes qui nont pas encore atteint lge de la scolarit lmentaire.

    Elle prend en charge, pendant 3 ans et dans 3 sections, les enfants gs de 3 ans rvolus. Cette priseen charge est effectue dans des coles maternelles par des ducateurs prscolaires (hommes etfemmes), forms dans une cole Nationale dducation Prscolaire (ENEP), cre en 1977, implante Louga depuis 1983 et recrutant deux niveaux: BFEM + 4 ans et Baccalaurat + I an.Lencadrement et le contrle pdagogiques de ces personnels enseignants sont assurs par des

    inspecteurs dducation prscolaire et des professeurs de lenseignement secondaire, eux-mmesforms lcole Normale Suprieure de Dakar.

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    Comme le stipule larticle 9 cit prcdemment, lducation prscolaire prpare seulement lesenfants la vie scolaire, par des mthodes actives, tels le dessin, le graphisme, le coloriage, etc. Ellene donne pas lieu examen ou test. Au bout de trois annes de frquentation, lenfant

    /p.

    392/

    Tableau 1

    : volution des effectifs du prscolaire 1978/1979 - 1987/1988Annes 1978/79 1978/80 1980/81 1981/82 1982/83 1983/84 1984/85 1985/86 1986/87 1987/88

    Public 437 1103 1656 2189 2897 3631 4546 5543 6088 6688

    Priv 5179 5016 6789 6696 6227 6009 6169 7221 7072 71814

    Total 5616 6119 8445 9085 9124 9640 10715 12764 13160 14502

    /p.393/

    peut accder au cycle lmentaire, mais dans la limite des places disponibles dans lcole publique.Par rapport aux autres niveaux et cycles du systme dducation, lducation prscolaire reste encorepeu dveloppe et est implante uniquement dans les centres urbains o elle nest gnralementfrquente que par les enfants des classes moyennes et de la bourgeoisie.

    Un document de la DERP/MEN permet dapprcier lvolution des effectifs de ce niveaudducation au cours de la dernire dcennie (voir tableau I):

    Ce tableau rvle des progrs certains du secteur public mais le secteur priv reste toujoursdominant (63,7

    %). Cette siwation procde en partie du fait que lobligation scolaire nincombe encore ltat qu lge dentre lenseignement lmentaire (6-7 ans), sur lequel aussi bien ltat colonialque ltat sngalais avaient port en priorit leurs efforts. Lducation prscolaire publique connaten ce moment des difficults qui, long terme, sont susceptibles de compromettre sondveloppement

    :

    * dualit entre le prscolaire public utilisant les langues nationales et le prscolaire priv utilisant lefranais;

    * non-articulation du prscolaire en langues nationales et de lcole lmentaire utilisant lefranais

    ;* insuffisance et inadquation de la formation thorique et pratique des ducateurs prscolaires et

    suivi insuffisant sur le terrain;* gnralisation de la pratique consistant envoyer des ducateurs dans des classes dont ils ne

    parlent pas la langue de communication

    ;* absence de formation linguistique pour certains ducateurs; absence de liaison entre le contenu

    linguistique vhicul lENEP et les exigences au niveau de la pratique;* inexistence dcoles maternelles dans les zones rurales ; ce qui pose la question principielle de

    dmocratisation du systme ducatif (galit de chances de tous les enfants); si lducationprscolaire prpare, comme le stipule larticle 9 de la loi dorientation, la vie scolaire par desmthodes actives appropries (graphisme, coloriages, chants puis criture, lecture et calcul,etc.), les enfants des centres urbains, qui ont plus de chances daccder lducation prscolaire,sont favoriss par rapport aux enfants des zones rurales.

    Lenseignement lmentaire

    Lenseignement lmentaire, second niveau de la pyramide scolaire, est le cycle le plus ancien et leplus dvelopp. Il couvre tout le territoire /p. 394/ national et des classes existent jusque dans lesvillages les plus reculs du pays. Lobjet de lenseignement lmentaire est ainsi dfini par larticle 10du titre 3 de la loi dorientation:

    * veiller lesprit de lenfant par des exercices scolaires en vue de permettre lmergence etlpanouissement de ses aptitudes;

    * assurer sa formation physique, intellectuelle, morale et critique et veiller son esprit dinitiativeainsi que son sens critique;

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    * faire acqurir les connaissances et mcanismes de base indispensables pour les acquisitionsultrieures; rhabiliter le travail manuel comme facteur de dveloppement de lintelligence etcomme base dune future insertion dans le milieu conomique et socio-culturel, grce uneliaison troite entre lcole et la vie.

    Cet enseignement devant sadapter au milieu, ses programmes portent essentiellement sur

    lenseignement de la mathmatique, ltude de la langue et du milieu. Il est dispens dans lesstructures scolaires traditionnelles ou dans des structures nouvelles. Lenseignement lmentaire, cyclede 6 ans, et donc de 6 classes, est dispens dans des coles primaires (ou lmentaires) par desinstituteurs et des instituteurs-adjoints, encadrs, au sein de chaque cole, par un directeur, lui-mmeinstituteur, mais en principe plus grad. Ces matres sont forms, au plan pdagogique, dans les colesnormales rgionales dinstituteurs et dans les centres de formation professionnelle, par des inspecteursde lenseignement lmentaire et des professeurs de lenseignement secondaire. Leur contrlepdagogique et leur gestion administrative sont assurs par les inspecteurs.

    Ce cycle de lcole sngalaise sest prodigieusement dvelopp pendant la premire dcennie delindpendance, en raison de la forte demande en ducation, de limpratif de scolarisation universelleet des efforts des autorits comme de lvolution des mentalits; ses effectifs ont tripl entre 1960 et1975. Ce cycle laisse apparatre des disparits tant dans la rpartition gographique des classes et des

    coles (carte scolaire), que dans celle des effectifs des lves

    :* dans la rgion du Cap-Vert, le nombre de classes reprsente prs du tiers des classes du pays

    (2039/6893) et ses effectifs dpassent le tiers de ceux du pays (36,4%);* trois rgions (Cap-Vert, Casamance et Sine-Saloum) disposent de plus de 4 635 classes (plus du

    double) que les quatre autres rgions (2258) alors que celles-ci, prises ensemble, sont pluspeuples et plus vastes;

    en consquence, des disparits existent ncessairement dans les taux de scolarit et de couverturescolaire.

    /p.395/

    Les tudes primaires lmentaires sont sanctionnes la fin de la 6meanne, par un examen: le

    Certificat dtudes Primaires lmentaires (CEPE)

    ; et par un concours

    : le concours dentre en6rne, qui permet daccder lenseignement moyen.

    Le tableau II indique lvolution des rsultats ces examens et concours de 1968 1975:

    Tableau 2

    : Rsultats aux examens et concours de 1968 1975

    Annes 1968 69 70 71 72 73 74 75

    CEPE

    Prsents 36 713 39315 39455 35961 - 38800 39700 41631Admis 15 323 17622 21898 21031 - 15442 15800 16276% 42 45 55 58 - 39,8 39,8 39,1

    Entre en 6e

    Prsents 44 749 41575 42984 44315 43062 43724 44200 45610Admis 8574 7492 7463 7779 7677 7878 8884 8994% 19 18 17 17 18 18 20,1 19,7

    Source: Sylla (1987: 52)

    Le pourcentage de russite lentre en 6me, apparat faible et constant (17-20%) au cours de cesannes, traduisant ainsi le caractre slectif de lcole; ladmission lentre en 6me est en effetsubordonne au nombre de places disponibles dans lenseignement moyen et fix chaque anne par leGouvernement. Ce pourcentage na pas volu de manire significative depuis lors, ne rgressant

    davantage quil ne crot, car, au cours de lanne scolaire 1988/1989, sur 111.415 (Source

    :MEN/DRP) candidats ce concours, 16945 seulement y avaient russi, soit 15,2%. Sur ces 16945,

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    4000 5000 seront orients vers les coles prives tandis que les 10000 11000 autres serontorients vers le public et bnficieront de la gratuit de la scolarit et des fournitures (dans le principeet dans la mesure des moyens de ltat). Sur les 95 000 lves nayant pas russi lentre en 6 e, unepartie redouble le CM2, soit 35

    % (taux national de redoublement au CM2), 10

    % iront dans le priv etles 55

    % restants abandonneront, faute de moyens des parents. Les ingalits se perptuent etsaccentuent ainsi la fin de ce second cycle de la pyramide scolaire.

    Quant au pourcentage lev dadmission au CEPE observ entre 1968 et 1975, il procde de sadvalorisation et de la facilit des preuves

    : beaucoup dlves appartenant aux classes favorises nesy prsentent plus. En suivant lvolution des effectifs de cet enseignement sur la priode 1977/1978-1987/1988 sans les rapporter la population scolarisable de la tranche 7-12 ans, on pourrait croire des progrs constants. Le tableau 3 montre plutt quil nen est rien et que laccroissement rapide

    /p.396/

    Tableau 3

    : volution de la population, des effectifs et du taux de scolarisationpour la priode 1977/1978 - 1987/1988

    Annes 1977/78 81/82 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88

    Population 847800 958500 1019050 1052050 1085400 1119800 1154200

    Effectifs 346373 452679 533394 567059 583890 610946 642063

    Taux scolarit 40,9% 47,2% 52,3% 53,9% 53,8% 54,6% 55,6%

    /p.397/

    de la population scolarisable accentue la pression de la demande de scolarisation.Aux points de vue des infrastructures et des effectifs, le Tableau de Bord cit prcdemment

    prsente la situation de ce cycle denseignement en 1986/1987.

    Tableau 4

    : Situation de lenseignement lmentaire en 1986/1987Total Zones urbaines Zones rurales

    Nombre dcoles 2373 637 1736Nombre de clases 10836 5653 5183Effectifs lves 610946 371787 239159Nombre lves/classe 56 66 46TBS 7-12 ans 54,6% 86,8% 34,7%TAMA 81/82- 86/87 +6,2% + 4,2% + 9,8%

    N.B.: TBS = taux brut de scolarisation,TAMA = taux daccroissement moyen annuel.

    Dans les roues rurales, les coles sont en gnral de petites units (en moyenne 2 3 classes) et cyclesincomplets.

    Compar ceux qui prcdent, ce tableau rvle des changements notables entre 1974/1975 et1986/1987: pendant cette priode, les effectifs ont t doubls, passant de 308 526 610946; maisles classes nont pas suivi la mme progression: 6893 en 1974/1975 et seulement 10836 en1986/1987. Le TBS a augment de 30,6% 54,6%; leffectif moyen par classe tait de 46 en1974/1975 et 56 en 1986/1987. Mais des disparits normes subsistent entre zones urbaines et zonesrurales: le TBS en zones urbaines est deux fois plus lev (86,8%) que le TBS en zones rurales(34,7%); le nombre dlves par classe est de loin plus lev en zones urbaines (66) quen zonesrurales (46); la demande dducation est nettement suprieure dans les centres urbains.

    * La situation actuelle de lenseignement lmentaire se caractrise par: des effectifs trop levs, et

    donc des classes plthoriques, entre 80 100 lves par classe, notamment dans les centresurbains, o ils sont trs souvent entasss 3 ou 4 par table-banc;

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    * et une trs forte demande dducation dans les villes, alors que les possibilits daccueil sont trslimites (11022 classes pour 642063 lves) et les moyens de ltat fortement rduits par lacrise conomique.

    Les dficits en tables-bancs

    18, en quipements divers et en manuels (0,61 livre par lve au plannational) sont normes et le nombre dcoles insuffisant. Aussi, dans le cadre de la nouvelle rforme

    initie immdiatement aprs les EGEF, des solutions alternatives ont-elles t appliques, dontnotamment, le systme des classes double flux et celui /p.

    398/ des classes multigrades (qui serontexamines dans la troisime partie). Cependant, au regard des facteurs prcdents, en particulierlexplosion dmographique TAMA 3,2% selon ltude de la Banque Mondiale, dj cite), et donc laforte pression de la demande dducation alors que les infrastructures (coles, classes, quipements,etc.) ne saccroissent pas, la situation de lenseignement lmentaire, ainsi que celle desenseignements moyen et secondaire, sont trs proccupantes. Les difficults, prioritairementmatrielles et financires, persistent toujours et constituent les causes fondamentales des perturbations(contestation et agitation, grves priodiques et souvent sans fin) et de la crise de lcole.

    Cest sans doute en raison de ces multiples difficults de lcole publique et de lagitation quelleconnat (les parents dlves ne lui font plus confIance), que lcole prive se dveloppeprodigieusement au niveau des enseignements prscolaire, lmentaire, moyen et secondaire. Ses

    effectifs reprsentent, en 1987/1988, 10

    % de ceux de lcole publique au niveau lmentaire, 44

    % auniveau moyen et 18% au niveau secondaire (source: MEN/DRP).

    Lenseignement moyen

    Par sa couverture nationale, le nombre de ses effectifs (lves et personnels) et de ses moyens,lenseignement moyen est le cycle le plus important, aprs lenseignement lmentaire. Il est implantdans les villes o il prend en charge les enfants de 12-13 ans 16-17 ans, dans des structures appelescollges denseignement moyen (CEM). Ces enfants doivent, au pralable, russir au concoursdentre en 6eet tre orients par des commissions nationales et rgionales dorientation, moins que,chouant ce concours, leurs parents dcident de les envoyer, leurs frais bien entendu, 1cole

    prive. Ce cycle denseignement comporte 4 classes (6me

    , 5me

    , 4me

    et 3me

    ).Larticle 11 qui lui est consacr dans la loi dorientation de 1971 stipule:

    Lenseignement moyen comprend lenseignement moyen gnral, lenseignement moyen techniqueet lenseignement moyen pratique. Il fait suite lenseignement lmentaire et prpare soit lenseignement secondaire gnral, technique ou professionnel, soit linsertion dans la vieactive.

    Cependant, lenseignement moyen pratique ayant t supprim avant davoir t gnralis, commeindiqu prcdemment, lenseignement moyen conduit essentiellement lenseignement secondaire(gnral, technique ou, professionnel), mais la condition que les lves issus de la classe de 3me

    russissent au Brevet de Fin dtudes Moyennes (BFEM) /p.399/ et quils soient orients par descommissions nationales et rgionales dorientation. Lvolution des effectifs de cet enseignement aucours de la dcennie 1977/1978 - 1987/1988 laisse apparatre des progrs rels

    : ses effectifs ontpresque doubl, passant de 62987 107024. Cependant, rapporte la quantit de populationscolarisable de la mme tranche dge, la progression de ces effectifs se rvle moins spectaculaire(voir tableau 5).

    Cette faiblesse du taux de scolarisation procde dabord du faible taux dadmission lentre en6me (moins de 20%) qui, lui-mme, dpend des capacits rduites daccueil au niveau delenseignement moyen. Celles-ci sont telles (en 1986/1987: 231 tablissements, dont 123 publics,avec 2146 classes, dont 1424 publiques, pour 102771 lves, dont 71303 dans le public) que mme

    18. Selon le Prsident du Comit dInitiative pour la Dfense de lcole Sngalaise (ClDES), invit du journaltlvis de 20 heures 30 du dimanche 27 novembre 1988, le dficit en tables-bancs tait de 150 000 (chiffres qui

    concernerait 300

    000 lves, raison de 2 par table-banc ou 450

    000, raison de 3 par table-banc, normehabituelle dans les villes); do lopration tables-bancs lance cette anne-l par le CIDES (300 000 ou450000 lves reprsentent au bas mot la moiti des lves scolariss de ce cycle).

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    les effectifs rguliers de cet enseignement ont de la peine y contenir ; ce qui a pour incidences legonflement des effectifs des classes, la baisse de la qualit de lenseignement dispens, les difficults matriser les grands nombres dans des structures daccueil (CEM) gnralement conues en petitesunits

    : 4 ou 6 salles de cours alors que dsormais chaque CEM comporte 8 10 classes

    ; ce quiallonge les heures denseignement jusque trs tard le soir (19

    h). Une autre consquence majeure de lasituation de ce cycle est la forte pression que ses effectifs exercent sur le cycle secondaire suivant (partir de la classe de 2me), vers lequel sont orients, bon an mal an et toutes choses gales par ailleurs,des cohortes importantes dlves ayant russi au BFEM. Ainsi, au dbut de lanne scolaire1989/1990, les structures daccueil dans le secondaire, installes dans les capitales rgionales (lyces),tant peu nombreuses et ne satisfaisant pas la forte demande dducation des lves issus du cyclemoyen, les autorits du ministre de lducation nationale ont adopt deux solutions:

    * ouvrir de nouvelles classes de 2medans les lyces, sans cependant que de nouveaux locaux soientconstruits;

    * riger, dans certains cas, des CEM en lyces, avec cration de classes de 2me, le cycle secondairese limitant ces nouvelles classes.

    Pour comprendre cette situation et la pression quexercent les effectifs du cycle moyen sur

    lensemble du cycle secondaire (comme prcdemment indiqu celle du cycle lmentaire sur le cyclemoyen), il parat indispensable de relire lvolution de lexamen de fin dtudes moyennes depuis1977, anne dinstitution du diplme de fin dtudes moyennes (DFEM), qui remplaait le brevetdtudes du premier cycle (BEPC) franais, hrit du systme denseignement colonial. Lvolution decelui-ci, entre 1960 et 1976, sest accompagne, en particulier, dune dgradation notable de la qualitet du niveau des lves qui, russissant

    /p.400/

    Tableau 5

    : volution des effectifs de la population scolarisable et du taux de scolarisation

    Annes 77/78 81/82 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88

    Effectifs 62987 79408 89890 94633 99522 102771 106509

    Population 451

    550 532

    300 533

    750 576

    050 599

    300 623

    450 67

    470

    Taux scolarit 13,99% 14,9% 16,1% 16,94% 16,6% 16,5% 15,8%

    Source: MEN/DRP.

    /p.

    401/

    aisment lexamen, arrivaient en grands nombres dans le second cycle o ils craient des surchargesdeffectifs dans toutes les classes. La solution cette situation et la rduction des effectifs du secondcycle consisteront dans llaboration et lapplication dune rforme instituant le DFEM en 1976/1977.Mais les rsultats de cet examen, tels que les rvle le tableau suivant, lapparentent davantage unconcours

    :

    Tableau 6

    : Rsultats du DFEM au cours de la priode 1977/84Annes Inscrits Ont compos Admis %

    1977 13936 13521 2343 17,32%1978 17625 16351 3727 22,76%1979 18981 18221 3607 19,78%1980 20176 19312 5793 20,99%1981 22093 21245 5477 25,78%1982 26339 25335 7174 28,31%1983 27929 26919 7696 28,14%1984 30474 29183 10011 34,30%

    Ces rsultats ayant mu les parents dlves et lexamen ayant t dcri par les enseignants etleurs syndicats, le DFEM a t remplac, partir de lanne scolaire 1984-1985, par le Brevet de fin

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    dtudes Moyennes (BFEM), jug plus la porte des lves de 3 me. Par rapport au DFEM prcdent,le BFEM connat trois innovations majeures: la double correction, la session unique et laprdominance des preuves orales, notamment de contrle. En 1986, sur 26730 lves ayant compos,12

    601 ont t dclars admis. En 1987, sur 27

    744 lves, 14

    334 ont russi (Le Soleil, 28 juillet1987).

    Ces rsultats, nettement meilleurs que ceux du DFEM, mais du mme ordre que ceux de lancienBEPC, auront comme consquences principales larrive massive dlves du cycle moyen dans lecycle secondaire et le gonflement des effectifs de ce cycle (la seule condition dorientation vers lecycle secondaire tant lobtention du BFEM). De la situation de ces cycles moyen et secondaire, deleurs examens et concours et de leurs effectifs actuels, il dcoule que:

    * lon ne peut ramener tous les examens des concours, cest--dire identifier, dans la pratique, lesexamens et les concours;

    * les examens et les concours ne peuvent tre subordonns aux capacits daccueil du systmeducatif, car examens et concours sanctionnent des connaissances et des aptitudes (des lves)et ne peuvent donc dpendre des possibilits matrielles de lcole.

    Il y a lieu de repenser la conception actuelle des examens et des concours qui, jusqu prsent, ont

    t modifis, rforms ou supprims en fonction de lhumeur de lopinion, des autorits et desrsultats. Dans le systme ducatif tout tant li (les effectifs plthoriques signifiant /p.402/insuffisance de manuels et de matriels didactiques, difficults de matriser les classes, baisse de laqualit de lenseignement dispens, etc.), la solution radicale la question des effectifs plthoriques et celle des examens et des concours qui lui est lie, consisterait crer de nouveaux locaux et accrotre les moyens de lcole; or il nest plus possible, pour les gouvernements africains, daccrotresubstantiellement la part de ressources quils consacrent lducation, sans des coupes trop sombresdans dautres domaines o la demande de fonds publics est galement trop pesante. En ralit, enraison de la crise conomique, les pays africains ne disposent plus de ressources financiressupplmentaires consacrer lducation. Il sagit donc dsormais dinventer des solutionsalternatives, dans le modle des expriences des EGEF et de la CNREF, dans la conception etlapplication desquelles mobiliser et impliquer toutes les comptences nationales concernes,

    individuelles ou collectives, organiss ou non.

    Lenseignement secondaire

    Il accueille les lves issus du cycle moyen, ayant russi au BFEM et orients, par des commissionsdorientation, dans des structures appeles lyces, implantes dans les capitales rgionales. Commelindique larticle 12 du titre 3 de la loi dorientation, lenseignement secondaire a pour vocation,

    dune part de former les agents de niveau moyen des secteurs conomiques et administratifs,publics et privs et, dautre part, de prparer lenseignement suprieur. Il comporte unenseignement gnral, un enseignement technique et une formation professionnelle.

    Lenseignement secondaire comporte 3 cours (2me, 1reet terminale) et plusieurs sries (A, B, C, D,

    E, F, G, correspondant aux spcialits suivantes

    : lettres et sciences humaines, sciences sociales etconomiques, sciences exactes, mdecine et pharmacie, technique et commerce, etc.), parmi lesquellesles lves peuvent faire leur choix.

    Les tudes secondaires sont sanctionnes, la fin de lanne de terminale, par un examen organispar lOffice du baccalaurat, dpendant du Rectorat de lUniversit et un diplme, le baccalaurat delenseignement secondaire. Les effectifs de ce cycle denseignement reprsentent peine la moiti deceux du cycle prcdent et, rapports la quantit de population scolarisable de la mme tranchedge, ils paraissent bien drisoires. Leur volution, au cours de la priode 1977/1978 - 1987/1988,telle quelle se rvle dans le tableau n7, se traduit par une progression trs lente, do le faible tauxde scolarisation ce niveau du systme denseignement.

    /p.

    403/

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    Tableau 7

    : volution de la population scolarisable, des effectifs et du taux de scolarisation

    Annes 77/78 81/82 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88

    Population 294

    000 346

    300 371

    550 386

    450 401,950 418,050 434

    850

    Effectif 15,481 20297 24127 26431 30,342 34,102 38308

    Taux scolarit 5,3

    % 5,9

    % 6,9

    % 6,8

    % 7,5

    % 8,2

    % 8,8

    %

    /p.404/

    Plus on slve dans la pyramide scolaire, plus les effectifs et le taux de scolarisation rgressent parrapport ceux des cycles antrieurs; ce qui correspond de profondes dperditions (redoublements,abandons, exclusions, etc.). Cependant, dans ce cycle secondaire, lenseignement secondaire gnral atoujours t et est encore de loin plus dvelopp que les autres secteurs de cet enseignementsecondaire:

    * les effectifs des enseignements technique, professionnel et pdagogique reprsentent peine lecinquime (1/5me) de ceux de lenseignement gnral

    ;* la faiblesse des effectifs de ces trois enseignements pose la question de la rentabilit de leurs

    structures de formation, au regard : des dpenses de personnels (rmunration), defonctionnement, dquipement et des autres charges (bourses, allocations diverses, etc.) : 36coles pour seulement 6

    590 lves soit, en moyenne, 183 lves par cole

    ;* en outre, un tel systme fournit trs peu de cadres techniques une conomie en dveloppement

    et trs peu de matres une cole dont les effectifs croissent danne en anne.

    Le systme dducation connat donc, dans ses dmembrements technique et professionnel, unproblme crucial

    : la multiplicit et lparpillement des structures denseignement et de formation (quisont parfois de petites dimensions et dont les vocations sont similaires ou voisines) et qui appellentncessairement, long terme, une restructuration (solution suggre dj par les EGEF et la CNREF).Par contre, dans lenseignement secondaire gnral, des structures daccueil (lyces) trop peunombreuses ne pouvant recevoir des effectifs plthoriques et de nouvelles cohortes russissant au

    BFEM, ont conduit, lors de la rentre 1989/1990, transformer des CEM en lyces et crer desclasses de 2edans dautres CEM. Globalement, les rsultats de lexamen du baccalaurat au cours dela priode 1979/1989 paraissent moyens (entre 46,37% et 57,72%, hormis lanne blanche 1987/1988au cours de laquelle seuls les lves de lenseignement priv staient prsents lexamen, avec untaux de russite de 38,87% ); mais rapports la population scolarise et la population scolarisable,ils se rvlent nettement faibles. Le tableau n8 permet de suivre lvolution de ces rsultats:

    Ce baccalaurat a, nouveau, subi une rforme, entre en vigueur dfinitivement au cours delanne 1989/1990 et qui innove par la suppression de la premire partie du baccalaurat (examenauquel les lves de 1retaient soumis), par la rinstitution de lpreuve du franais anticip en classede 1reet par la prdominance des preuves orales du 2megroupe. Ce nouveau baccalaurat comportedonc une session unique de

    /p.

    405/

    Annes 79/80 80/81 81/82 82/83 83/84 84/85 85/86 86/87 87/88 88/89

    Prsents 5156 4666 4167 5126 5235 6288 6976 6802 1232 8186Admis 2877 2360 2084 2773 2976 2921 3887 3840 470 4586% 55,79 50,57 50,01 54,09 56,84 46,37 57,72 56,45 38,87 56,02

    /p.406/

    juin-juillet et une session de remplacement doctobre pour les lves ayant eu un empchement lors dela session ordinaire. Ce nouveau baccalaurat dj jug par les enseignants plus facile que leprcdent, entranera, court terme, le gonflement des effectifs de lenseignement suprieur, la

    barrire que constituaient les deux parties (filtres) ayant disparu. Mais, sans doute en raison de la

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    nouveaut, les rsultats de la session ordinaire de juillet 1990 ont t moyens: 42% (5421 admis sur,12831 candidats ayant composs) (Le Soleil, 13 aot 1990: 2).

    La question des examens et des concours nest toujours pas rsolue: dans notre systme ducatif etelle surgit au niveau du passage dun cycle un autre. Ce cycle connat donc des difficults du mmeordre que celles des cycles prcdents

    : locaux, effectifs, pnuries de moyens divers, etc., qui aurontncessairement des effets psychologiques (climat des classes, relations enseignants -enseigns,grves) et pdagogiques (baisse de la qualit de lenseignement, raret, voire impossibilit descontrles des connaissances).

    Lenseignement suprieur et la recherche

    Le premier jalon de limplantation dun systme denseignement suprieur au Sngal a t pos en1918 par la cration de lcole de Mdecine de Dakar, qui accueillait les tudiants africains desanciennes colonies franaises de lAfrique de lOuest et formait des Mdecins africains. Puis, en1938, lInstitut Franais dAfrique noire (IFAN) vit le jour et en 1950, IInstitut des Hautes tudestait inaugur. Le 24 fvrier 1957, lUniversit de Dakar tait officiellement cre et comportait alorsquatre facults autonomes (mdecine et pharmacie, sciences juridiques et conomiques, lettres et

    science humaines, sciences).Le Sngal a entrepris, ds son accession lindpendance, de complter ce systme en crant de

    nouvelles structures et coles denseignement suprieur. Mais, jusquen 1971, lUniversit de Dakar alargement bnfici du concours de la France, tant pour le financement de son fonctionnement, de sonquipement et de son dveloppement, que pour la rmunration de ses personnels (enseignant,administratif, technique et de service) et pour les bourses et subventions diverses accordes auxtudiants et aux enseignants; tandis que par des accords de coopration priodiquement actualiss, laFrance lui fournissait des personnels denseignement et de recherche. Cet engagement financier et enpersonnel de la France, dgressif au cours de la dcennie suivante (1970/1980), devait connatre sonterme au cours de lanne 1981/1982; ce temps devait tre mis profit par ltat en vue de matriserle dveloppement de lUniversit et de poursuivre son ancrage effectif sur les ralits nationalessngalaises mais aussi africaines.

    /p.407/

    Car la vocation de lUniversit de Dakar a toujours t, ds sa cration, sous-rgionale et rgionale,en accueillant des tudiants originaires des anciens territoires coloniaux de lAfrique de lOuest.Aussi, les premiers textes lgislatifs et rglementaires qui la rgissaient taient-ils franais jusquaumoment de lindpendance; puis des accords de coopration en matire denseignement suprieurentre le Sngal et la France leur furent substitus, avant que la souverainet et lautonomie de gestionde lUniversit ne soient intgralement transfres au Sngal.

    De nos jours, lUniversit et le systme denseignement suprieur du Sngal sont rgis par destextes lgislatifs et rglementaires sngalais. Actuellement, tout le systme denseignement suprieurdu Sngal est financ, gr et administr par ltat et sous son contrle. Il nexiste pas encore

    dtablissement priv denseignement suprieur, lexistence lgale et autonome dun enseignementpriv ntant autorise quaux quatre niveaux infrieurs. Une telle option prsente certes desavantages, mais galement des inconvnients, dont les consquences actuelles sont dramatiques(surcharges deffectifs dans les salles et les amphithtres, exigut et vtust des locaux, insuffIsancedes quipements et des moyens didactiques) et posent ainsi la question centrale aujourdhui de lacapacit de ltat financer tout seul le systme denseignement suprieur et, plus gnralement, toutle systme ducatif. Lenjeu est de taille, car travers cette question de financement du systmeducatif, se pose celle, principielle, de la gratuit de lducation et de la formation et donc du droit lducation et la formation que la Constitution reconnat et garantit tous les citoyens. De ce droitdpend en outre 1e caractre dmocratique (galit de chances de tous les enfants devant et danslcole) du systme ducatif affirm par la loi dorientation.

    Dans ce systme denseignement suprieur et de recherche, les enseignants et les chercheurs sontde nationalits diffrentes, cependant, les enseignants sngalais, sont dsormais les plus nombreux,tandis que les enseignants et chercheurs africains de la sous-rgion (Maliens, Guinens, Burkinab,

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    Togolais, Bninois, Camerounais, etc.) rgressent en nombre depuis une dcennie. Les tendancesapparues dans lvolution des personnels enseignant et chercheur sont analogues celles que lon peutdceler dans lvolution des effectifs des tudiants. Ici la sngalisation a t plus rapide et rsultedavantage de la conjonction de causes externes au systme

    19

    ; la rduction des effectifs dtudiantsfranais fait suite aux indpendances africaines et la rgression des personnels franais en Afrique

    ;tandis que la diminution des effectifs dtudiants africains est conscutive la cration, aprs lesindpendances, duniversits et dcoles suprieures par beaucoup de pays africains. Depuis lanneuniversitaire 1987/1988 (anne blanche) et lagitation estudiantine et les /p.

    408/ grves qui secouentnotre universit, la dcroissance dtudiants trangers sest acclre.

    Pour faire face cet accroissement rapide de la population estudiantine, trois types de solutions ontt retenues et appliques:

    * extension des anciens locaux et cration de nouveaux locaux lintrieur mme du campusuniversitaire

    * cration de nouvelles structures denseignement suprieur: CESTI, EISMV, ENSUT, ENSEPT,EBAD, etc.

    * cration dune nouvelle universit Saint-Louis qui, a ouvert ses portes la rentre 1990/1991.

    Outre cette question des effectifs plthoriques, lenseignement suprieur est caractris par lamultiplicit, la petitesse et la dispersion, parfois le double emploi des structures denseignement et deformation. Ainsi, la formation des cadres de lconomie rurale est assure simultanment par lENEA,lENCRB et lINDR, tandis que les ingnieurs sont forms par lENSUT, lEPT et lIST; la formationpdagogique des personnels enseignants est dispense par les coles normales rgionales, le CFPS etle CFPP, lENEP, lENS et lENSEPT. Cette situation soulve, bien entendu, la question de larentabilisation de ces structures, au regard de leurs multiples personnels et charges alors que lescohortes dtudiants par unit sont peu nombreuses (entre 20 et 50 tudiants diplms par an) et nepeuvent pas tre toutes absorbes par le systme de production, La solution ne peut pas consister, pournotre pays, accueillir des tudiants trangers pour faire le plein de ces tablissements.

    Lenseignement suprieur est en crise et celle-ci se traduit par des grves rgulires, paralysant son

    fonctionnement pendant plusieurs mois

    ; cette crise procde de causes multiples

    :* du ct des tudiants, on note les nombreuses difficults matrielles et infrastructurelles

    (insuffisance et exigut des locaux, insuffisance des bourses et des aides scolaires, etc.),pdagogiques et scientifiques (insuffisance, voire pnuries de manuels et de documents,insuffisance de lencadrement, etc.); alors que leurs effectifs ne cessent de crotre, la hantise delemploi et du chmage, entranent une vritable dsaffection pour linstitution. Les grves, ense rptant chaque anne pendant plusieurs mois, font que les programmes denseignement nesont jamais achevs, le niveau des tudiants se dgrade et les examens sont toujourscatastrophiques;

    * du ct des enseignants, la prcarit et la dgradation continue de la fonction enseignante et desconditions de travail ont oblig le SAES (Syndicat Autonome de lEnseignement Suprieur)

    organiser, pour la premire fois dans lhistoire de notre universit, /p.

    409/ du 11 fvrier au 21avril 1989, une grve gnrale de tous les enseignants de lUniversit. Cette grve a permis le

    19Laccroissement des effectifs des tudiants sngalais procde de rvolution normale du systme etde ses effectifs dans les cycles infrieurs. Et selon ltude de Banque Mondiale cite prcdemment(pp.

    137, 138 et 139), cette croissance, rapporte la population scolarisable de la mme tranchedge, na pas t particulirement rapide car le taux brut de scolarisation tait en 1960 de 0,5%,1,3% en 1970, 2,8% en 1980 et 2,2% en 1983; et les taux de russite aux examens natteignent pasencore 50

    %

    ; sous le titre Hcatombe, le journalLe Tmoin(n

    9 du mardi 31 juillet 1990, page

    2)crit

    :Les taux de russite aux examens de lUniversit Cheikh Anta Diop ont oscill entre 3,88

    % enPhilosophie et 40% en Portugais qui ont le record pour les DUEL I et II. En anne de licence, le pire

    tait arriv en Anglais, avec un taux de russite de 20

    % et le meilleur, en Lettres classiques, 33

    %.Dautres journaux de la presse nationale (Sud-Hebdo, Sopi, Fagaru, etc.) se sont faits lcho de ces rsultatscatastrophiques.

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    relvement des indemnits denseignement, de recherche et de formation, de logement et devoyage dtudes et la promesse damlioration de loutil de travail;

    * ladministration, entre les enseignants et les tudiants, est en butte permanente avec les difficultsde gestion du systme

    : les pnuries de moyens sont telles que des ruptures de stocks defournitures et de matriels divers de fonctionnement surviennent en cours dexcution desbudgets.

    Il apparat ds lors vident quau regard des besoins actuels et des moyens disponibles, le systmedenseignement suprieur ne peut continuer fonctionner sur les mmes bases, selon la mme logiqueet avec les mmes finalits. Do la question pose prcdemment: ltat peut-il continuer tout seul financer tout le systme denseignement suprieur, et fortiori, tout le systme ducatif du pays ?Dans les pages qui prcdent, nont pas t analyses les questions relatives lquipement (mobilieret outillage), aux fournitures administratives (papiers, stencils, etc.), aux matriels didactiques(manuels, craies, ponges, cahiers, rgles, etc.), aux personnels (formation initiale et continue,promotion, gestion, etc.), aux contenus des enseignements et aux mthodes pdagogiques, auxcontrles et aux textes lgislatifs et rglementaires, etc. Sur ces questions il nexiste pas toujours dedonnes statistiques. Cependant, elles ne sont pas moins importantes, car lorsque ltat ne pourra plusfournir lcole des matriels didactiques les plus lmentaires en quantits suffisantes ni former les

    matres indispensables lcole (dj depuis 1984, il ne sort pas plus de 250 matres des coles deformation par an, alors quil en faudrait 600 annuellement)20, le systme ne pourra plus fonctionnerharmonieusement.

    Ces temps ne semblent plus trop loigns, en raison de la crise conomique. Il est prvu, enprincipe, de prserver lcole et la sant, mais lcole nest pas une le dans un ocan ; elle estdtermine par les autres secteurs et domaines de la vie conomique et sociale de la Nation ; car, parexemple, quand une bonne proportion de parents dlves seront chmeurs, alors les enfants nepourront plus se rendre lcole, ni fortiori, disposer de manuels et de matriels scolaires. Quand lechef de ltat dcide, par circulaire n008/PR du 25 juillet 1990 (Sopi, 10 aot 1990: 1, 4) adresse tous les ministres, donc moins de deux mois aprs le vote du budget de ltat par lAssemblenationale, de procder un blocage de 40% sur toutes les inscriptions budgtaires relatives aux

    dpenses de matriel, aux dpenses dentretien et aux dpenses diverses..., alors il faut prsumer queles pnuries seront accrues dans lcole au cours de /p. 410/ lanne scolaire 1990/1991. Il estimprieux de percevoir que lcole et lenseignement ne peuvent tre indiffrents la situation socio-conomique, du pays ni la question de linsertion future des diplms; la dsaffection observedepuis bientt une dcennie lgard de linstitution scolaire procde sans doute de la non prise encompte des rapports cole-socit.

    Politiques et Projets

    Depuis 1981, plusieurs actions et ralisations peuvent faire croire une rforme effective etirrversible de lcole sngalaise:

    * la convocation et la tenue des EGEF, les travaux et les conclusions de la CNREF, quiapparaissent tous aujourdhui comme des faits incontournables de lhistoire de lcolesngalaise et jalons essentiels dans le processus de sa transformation qualitative, ont procuraux autorits des documents de rfrence indits et de qualit;

    * la volont proclame de ces autorits de rformer le systme ducatif en exploitantintelligemment et loyalement ces conclusions

    ;

    20 Cette question est dune telle importance que le Chef de ltat prenant la mesure de la chose, impose auministre de lducation nationale, dans sa lettre-directives au Ministre (Le Soleildes samedi 14 et dimanche 15juillet 1990, page 2), daffecter dans les coles, chaque anne, plus de 700 matres et douvrir 320 classessupplmentaires; car en effet, la situation actuelle est telle que depuis 1984, si le taux de scolarisation na pas

    rgress et a pu tre maintenu son niveau actuel (54,6

    %), cest grce lapplication des systmes des classes double flux et multigrades; les 250 matres recruts annuellement permettent tout au plus de rsorber les dficitsen matres ds aux abandons de poste, aux dmissions et aux mises la retraite.

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    * les nombreuses actions et innovations pdagogiques inities depuis lors et en voie de ralisation;* la dtermination farouche de Iba Der Thiam conduire pas pas la rforme;* la sollicitude constante des mdias nationaux lgard de lcole et de son devenir;* limplication rgulire des partenaires sociaux (syndicats denseignants et associations de parents

    dlves notamment) dans la recherche de solutions aux problmes de lcole peuvent inciter croire une prise en charge effective de lcole par lensemble des forces de la Nation et lavnement dune re nouvelle.

    Cependant la pratique concrte et les ralits du terrain conduisent penser quaux lieu et place derforme cohrente, conduite pas pas, avec dtermination et rigueur, on assiste plutt une rgressionde notre systme ducatif:

    * la qualit de lenseignement et le niveau gnral des lves continuent de baisser danne enanne, consquences des effectifs plthoriques des classes, de lexigut et de linsuffisance, tous les niveaux des cycles scolaires, des infrastructures, des manuels scolaires et des matrielsdidactiques, des grves permanentes et de lagitation;

    * ces facteurs sont certes lis aux pnuries en moyens matriels et financiers, mais galement auxpnuries en moyens humains: les /p.411/ matres ne sont plus forms et recruts en nombre

    suffisant et la qualit de leur formation est mise en cause (absence de vocation, faiblevalorisation de la fonction enseignante, etc.);* la forte croissance dmographique (3,2%) augmente les besoins en ducation dont la pression sur

    le systme ducatif dcuple, alors quau mme moment, dans certaines zones rurales, denombreuses classes sont fermes faute de matres ou dlves, et dans les zones urbaines fortedensit de population scolarise, lapplication du systme des classes double flux met descohortes importantes dlves dans la rue, faute dactivits extra-muros;

    * la lassitude et le scepticisme des lves et tudiants, mais galement de certains enseignants, alorsque de plus en plus, en zones urbaines, des franges importantes dlves et dtudiantsmanifestent leur ras-le-bol et leur dtermination tudier, en sopposant la grve.

    La situation de lcole sngalaise est pour le moins confuse : les contradictions et les difficultssy multiplient, au point quil est difficile aujourdhui dindiquer la direction dvolution quelleprend. Et cependant, en concevant et en prsentant un Plan dAction, ds le 20 avril 1983, donc moinsde trois semaines aprs sa nomination en qualit de ministre de lducation nationale, Iba Der Thiamtraait les axes de dveloppement de lcole et de son action la tte de lducation nationale. Pour lapremire fois en effet dans lhistoire de notre cole, un ministre nomm lducation nationaleprsentait un programme et une politique quil ambitionnait de mener dans le dpartement qui lui avaitt confi par le Chef de ltat Et jusqu sa destitution en avril 1988, Iba Der Thiam donnera lesentiment quil savait, en tant que ministre de lducation nationale, ce quil faisait, en vue de quoi ille faisait, o il allait.

    lba Der Thiam (1983-1988)

    Son Plan dAction de lducation nationale se fixait quatre objectifs prioritaires (Le Soleil, 21 avri11983

    : 1, 4, 5-6)

    :

    * fidlit toutes les conclusions des tats gnraux auxquelles le Gouvernement aura donn sonaccord;

    * coopration sincre et loyale avec tous les syndicats denseignants;* valorisation continue de la fonction enseignante

    ;* volont ardente damliorer constamment les conditions de vie et dtudes des lves et de me

    proccuper, sans cesse, de rechercher avec tous les parents intresss, toutes les perspectives de/p.412/ carrire qui constituent pour eux, et leurs parents, une proccupation premire.

    Ces quatre axes prioritaires et la politique du ministre, qui ont inspir tous les projets et actionsinitis entre 1983 et 1988, constituent ce qui a t appel dmocratisation

    ; en dautres termes, Iba Der

    Thiam expose, dans ce Plan dAction et dans ces quatre axes, sa politique et sa conception de lcoleet de lducation.

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    Abdou Sylla

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    La dmocratisation

    La dmocratisation est une vieille revendication du mouvement syndical enseignant sngalais,initie par le Syndicat des Professeurs Africains du Sngal (SPAS, 1960/1968), reconduite par leSyndicat des Enseignants du Sngal (SES, 1969/1973) et hrite par le Syndicat Unique etDmocratique des Enseignants du Sngal (SUDES, 1976/1990) et par lUnion Dmocratique desEnseignants du Sngal (UDEN, 1984/1990). Cest sans doute en raison de lampleur et de la gravitdes multiples effets de la politisation de lcole que le SUDES a repris, ds sa cration, en 1976, cettevieille revendication de dmocratisation, reconnue plus tard par les tats gnraux de 1981 commeune exigence ncessaire pour lavnement dune cole dmocratique et nationale21. Cest donc unepriode (1981-1983) et dans un contexte (esprit et dynamique des EGEF) de changement qualitatif delcole sngalaise et de mutation politique la succession de Lopold Sdar Senghor par AbdouDiouf que Iba Der Thiam a t nomm ministre de lducation Nationale.

    Telle quil la dfinit dans son Plan dAction, la dmocratisation concerne aussi bienladministration et la gestion de lcole et de lducation, les enseignants et leurs syndicats, que leslves et les associations de leurs parents. Au niveau de ladministration et de la gestion de lcole etde lducation, la dmocratisation consiste associer tous les partenaires de lcole la concertation,

    la prise des dcisions et des mesures et leur application

    ; ainsi, les nominations dans les directionsdes tablissements scolaires, les mutations des enseignants et des personnels et lensemble desproblmes relatifs lcole seront examins et traits au sein de commissions souveraines danslesquelles seront reprsents tous les partenaires (les reprsentants du ministre, les reprsentants dessyndicats denseignants et les reprsentants des parents dlves). Dans la gestion des tablissementscomme dans celle des personnels et dans les recrutements, il ny aura plus de passe-droits, maislgalit de chance pour tous: le concours et la comptition seront la rgle, sur la base de lacomptence et du mrite.

    La dmocratisation consistera pour les enseignants accrotre leurs chances de promotionprofessionnelle et sociale en revalorisant la /p.413/ fonction enseignante, par le renforcement delautorit morale et le prestige social du matre, par la systmatisation de lencadrement, du contrle et

    du recyclage pdagogique, par lorganisation rgulire des examens et des concours, par lattributionde bourses de stage et de perfectionnement, par la dotation progressive de lcole et des matres enmoyens pdagogiques suffisants (livres, matriels denseignement, quipements divers, etc.) et par la

    jouissance effective de tous leurs droits sans retard (salaires, indemnits diverses, etc.).

    De leur ct, les lves seront responsabiliss par le biais de leurs parents qui sigeront au conseilde gestion de leurs tablissements et dans les structures charges de grer et dutiliser les cotisationsquils ou leurs parents auront verses. Ils bnficieront tous de fournitures gratuites, dici cinq ans, etdquipements scolaires et sportifs. Les bourses qui leur seront alloues seront octroyes au sein dunecommission dans laquelle seront reprsents leurs parents, les syndicats enseignants et lesreprsentants du ministre de lducation nationale. Il ny aura plus, pour tous les lves sngalais,dinscriptions parallles (notamment au CI), ni de recasements, encore moins de passe-droits

    (redoublements ou triplements), mais des examens et des concours pour tous.Ce Plan dAction apparat ambitieux, car il remet en cause une situation qui prvaut depuis delongues annes et prtend transformer les mentalits en bousculant des habitudes et des prjugs.Cependant, malgr les difficults et les apprhensions, Iba Der Thiam considre, dans son discours derentre scolaire 1983-1984 (Le Soleil, 10 oct. 1983: 4-7), avoir russi appliquer son Plan et tenirses engagements. Comment apprcier aujourdhui lentreprise de dmocratisation, telle quelle a tconue et applique par Iba Der Thiam? En tant quapprentissage de lexercice de la libert et de laresponsabilit, la dmocratisation se rvle comme une ambition noble. Elle a suscit rticence etrsistance, parfois blocage de ses adversaires les plus irrductibles, et attir son promoteur sympathie

    21Cette revendication correspond au point 8 de la plate-forme revendicative du SUDES, labore en 1978, point

    repris par toutes les trois commissions institues lors des travaux des EGEF et accept par le Gouvernementparla promulgation des dcrets n81-624, 81-625, 81-644 instituant respectivement les EGEF, la commissionnationale dtudes, de concertation et de suivi des EGEF et la CNREF.

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    Abdou Sylla

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    ou inimiti, prcisment en raison de sa foi, sa dtermination et sa sincrit. Lentreprise drangeaitdes habitudes et des intrts de tous ceux qui tiraient profit de lancien systme, mais confortait tousceux qui taient militants de la justice sociale et favorables au progrs de lcole.

    Mais lentreprise comportait galement des risques de drapage, notamment de la part des jeuneslves et tudiants, dont certains confondaient aisment dmocratie et anarchie, responsabilisation(dans des structures de concertation et de dcision) et permissivit, voire laxisme. Plus profondment,tait-il possible de dmocratiser le systme ducatif scolaire alors que dans les systmes politique etsocial les vieilles habitudes et pratiques dintervention, de recasement, de passe-droits, de /p.

    414/npotisme, prvalaient tous les niveaux? Enfin, la dmocratisation na-t-elle pas t prtexte denouvelles pratiques discriminatoires dans la gestion de lducation?

    Cest dans ce contexte de dmocratisation de lcole que sont intervenus les vnements post-lectoraux de 1988, et notamment lagitation et les grves