Ça sent le sapin

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Ça sent le sapin ! rapport de stage ouvrier 03-juil > 04-août / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / Morgane Gernigon / / / / Renaissance et Restauration / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / / /

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rapport de stage imprimé en mai 2018 typographies : Avenir Lt Std icônographie : toutes les photos sont de Morgane Gernigon sauf indication contraire
Sommaire
LE STAGE
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Le stage en atelier était pour moi l’oc- casion de mettre en tension ma petite expérience du métier d’architecte avec les techniques de production d’une réa- lité construite. C’est après avoir effectué mon stage de première pratique au sein d’une agence d’architecture parisienne que mon choix de stage ouvrier s’est por- té sur un atelier de menuiserie et d’ébé- nisterie. Avec mon expérience de dessin d’architecture et de missions de suivis de chantier, il me paraissait essentiel d’aller au-delà de la conception : je souhaitais découvrir le domaine de la fabrication. Ayant eu un grand-père menuisier, les souvenirs de niches à oiseaux et de petits jouets en bois ne manquent pas. J’ai tou- jours eu beaucoup d’admiration pour ce métier (pour moi intemporel) et le maté- riau qu’est le bois, qui peut véritablement jouer sa part dans les futures innovations architecturales.
Je souhaitais en apprendre plus sur les essences, leurs propriétés techniques et esthétiques pour me permettre dans mon cursus d’intégrer le bois en connaissance de cause. Grâce à quelques contacts parmi les Compagnons du Devoir et la mise en re- lation avec Stéphane Corbic (patron de l’entreprise), j’ai eu la chance de faire par- tie de l’équipe de l’atelier Renaissance et Restauration le temps d’une quinzaine de jours et de combler toutes mes attentes pour ce stage ouvrier.
Le stage
LE STAGE
L’ENTREPRISE
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Renaissance et Restauration est une moyenne entreprise qui emploie une quinzaine de personnes, toutes origi- naires des alentours de Versailles. Après une formation très classique auprès d’un grand ébéniste « du faubourg » (diminutif qui désigne le faubourg Saint Antoine à Paris, historiquement la rue des ébénistes et vendeurs d’ameublement de haute qualité), Stéphane ouvre son atelier dans le département qui l’a vu grandir. Fort d’un carnet d’adresses fourni et de bons contacts dans l’architecture de pa- trimoine et de réhabilitation, l’atelier Re- naissance et Restauration grandit depuis maintenant plus de vingt ans et s’est ou- vert depuis peu à l’ameublement contem- porain.
Cette mise à jour du portfolio de l’atelier était si ce n’est économiquement intelli- gent, en tout cas nécessaire pour inscrire l’entreprise dans son temps. En rencon- trant Emmanuel, ébéniste aux goûts plus contemporains, le book de l’agence a été augmenté de projets qui ont par la suite été commandés par la scène architectu- rale actuelle. La conception et la fabrica- tion d’ameublement contemporain est maintenant devenu la principale activité de l’atelier.
L’idée
L’ENTREPRISE
Nicolas
menuisier compagnon
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L’entreprise emploie en plus une équipe de cinq à six poseurs qui travaillent uniquement sur les chantiers et ce partout en France ou à l’étranger si besoin. Si la relation entre l’équipe de l’atelier et l’équipe des poseurs est très conviviale au sein de l’entreprise, il semblerait que cette entente ne soit pas toujours au rendez-vous. Une sorte de gentille rivalité oppose les « gars » de ces deux divisions du métier de menuisier-ébéniste. Si l’équipe des poseurs doivent faire preuve d’une certaine souplesse face aux sujets posés par les chantiers, l’équipe de l’atelier vont plus aller vers le jusqu’auboutisme et le « ième » de trop (se dit d’une côte inférieure au millimètre qui peut jouer sur la bonne fer- meture d’un placard par exemple).
L’équipe
L’ENTREPRISE
LES COMPAGNONS
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Une partie de l’équipe, et notamment le patron de Renaissance et Restauration, fait partie des Compagnons du devoir. Cet établissement à fort héritage histo- rique est issu d’une période où les corps de métier travaillant sur les églises du XIIe siècle (période des grands chantiers go- thiques) vont tenter de protéger leur pro- fession. Par la création de « guildes » les ouvriers de différents corps de métier se rassemblent pour défendre leurs intérêts, faire valoir leurs compétences, former de nouveaux apprentis, échanger leurs sa- voirs et donc tout simplement faire pro- gresser le métier. Les Compagnons perpétuent cette his- toire en formant partout en France de fu- turs charpentiers, métallurgistes, selliers, tailleurs de pierre… qui doivent suivre un rythme d’enseignement réglementé : dé- tenteur d’un BEP ou d’un CAP, l’aspirant Compagnon présente sa « pièce d’adop- tion » (il s’agit de montrer à son parrain ses capacités pour suivre l’enseignement en produisant une pièce technique spéci- fique à son corps de métier).
Il doit par la suite trouver une entreprise qui accepte de l’employer en CDD, à la différence d’un apprenti classique qui doit être employé en tant qu’alternant. Il peut ainsi commencer son Tour de France qui durera trois ans et où le jeune Com- pagnon devra changer de ville et d’entre- prise tous les quatre à six mois. Il travaille comme un salarié classique dans l’en- treprise qu’il a choisi mais est logé dans une « maison » de compagnon où il doit suivre des cours du soir et des exercices le week-end. Il s’agit d’une formation exigeante où les liens sociaux sont surtout créés autour du travail et à la fin de laquelle il devra présenter son « chef d’œuvre » (pièce qui est censée valider les différents acquis propres à son métier et conclure son ap- prentissage) à son parrain ainsi qu’à un jury composé de « maîtres » du corps de métier choisi. Un Compagnon confirmé le reste toute sa vie et a un devoir de trans- mission inhérent aux valeurs et aux vœux qu’il a juré de respecter au cours de diffé- rentes cérémonies.
L’histoire
LES COMPAGNONS
ASPIRANT
LES COMPAGNONS
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De par sa formation, un Compagnon sera capable d’effectuer des travaux de longue haleine tout en gardant une pré- cision et une exigence sans faille. Pour une entreprise telle que Renaissance et Restauration c’est d’abord l’assurance d’un travail de qualité mais aussi la possi- bilité d’embaucher des jeunes ayant soif d’apprendre tout en les rémunérant à leur juste valeur. Les aspirants, allant d’entreprise en en- treprise, apportent des idées et un regard neuf qui sont chers au patron. Les Com- pagnons confirmés employés au sein de l’atelier sont des piliers de connaissance et de pédagogie sur lesquelles les as- pirans peuvent s’appuyer. Le contact se garde et le réseau s’étend donc dans toutes la France avant que les jeunes Compagnons ne décident de poser leurs valises dans l’une ou l’autre des entre- prises dans laquelle il a été embauché ou bien de créer son propre projet.
Pour ma part j’ai pu apprécier la péda- gogie et la patience dont font preuve ce genre de professionnels passés par le parcours du compagnonnage. J’ai appris des méthodes simples et efficaces, lon- guement éprouvées par ces gars et j’ai eu la chance de recevoir leurs excellents conseils. Ils sont toujours à l’écoute des projets et des sujets que peuvent rencon- trer leur collègue. Il arrive plusieurs fois par jour qu’une discussion commune à l’ensemble de l’équipe sur le problème d’un des menuisiers se voit être résolu très rapidement. Chacun apprend de son collègue et cela participe nettement à la très bonne ambiance de travail qui règne sur l’atelier.
Les atouts
LES COMPAGNONS
LES ACTIVITES
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Situé au sein de la zone d’activités de Mon- tigny le Bretonneux, les locaux de Renais- sance et Restauration profite d’une surface de travail de 800m² et une hauteur sous pla- fond de plus de sept mètres ce qui leur per- met de répondre à tout type de projet. Le vaste entrepôt est divisé pour accueillir d’un côté l’espace machinerie où sont regroupés les outils bruyants tels que la scierie numé- rique, les tables de scies circulaires, la pla- queuse, les dégauchisseuses, les toupies, la presse à placage ainsi que les stocks de bois ; et de l’autre l’espace atelier où sont instal- lés les établis et les caisses (qui sont plutôt des placards) à outil dont chaque menuisier est responsable, la réserve de placage, la visserie, les machines à aiguiser et le bu- reau-établis de Philippe où il peut gérer le téléphone de l’atelier qui le met en relation avec les poseurs, ses propres outils, les dif- férents planning et la copie de chaque plan de projet. J’ai notamment eu le bonheur d’enrichir mon vocabulaire de tout un lexique tech- nique relatif aux métiers de la menuiserie et de l’ébénisterie.
Le bâtiment et les outils
LES ACTIVITES
LES ACTIVITES
les différentes lames de scie circulaireles bois et leurs usages
LES ACTIVITES
LES ACTIVITES
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Etant une stagiaire sans beaucoup d’expé- rience dans le monde de la menuiserie, il n’était pas possible de me laisser manipuler seule la machinerie professionnelle de l’ate- lier (pour des raisons évidentes de sécurité). Ayant l’habitude d’utiliser la scie à ruban et la ponceuse mécanique de l’atelier bois de l’école, il était très intéressant de revenir à l’usage des ciseaux et du rabot pour obte- nir le résultat souhaité. J’ai même eu le pri- vilège de consulter les carnets et manuels compagnonniques de Nicolas, jeune Com- pagnon qui commence son Tour de France.
Le premier exercice a consisté à m’entraî- ner à la fabrication d’un assemblage clas- sique de la menuiserie : la croix mi-bois. Il s’agit tout simplement de creuser jusqu’à mi-épaisseur et en négatif les deux pièces de bois pour les encastrer et assurer leur so- lidité. J’ai appris à ce moment là la logique des signes d’établissement qui permettent de se repérer dans les pièces que l’on travaille tout en gardant une charte commune à tous les menuisiers et ébénistes.
Les exercices
LES ACTIVITES
LES ACTIVITES
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Le second exercice permettait d’utiliser la technique tout juste apprise pour réaliser un entrecroisement de six pièces, créant un effet d’entrelacement des bois entre eux. Il est nécessaire de commencer par un dessin à l’échelle, dont on prend très rarement les mesures. L’intérêt de la fabrication, encore plus en menuiserie, est le travail via la géo- métrie plutôt que via la métrique : on calcule l’emplacement d’une vis en fonction d’un milieu, d’une parallèle, d’une équerre mais rarement à partir d’une côte millimétrée qui tend vers l’erreur. Le dessin effectué sert de base à la construc- tion de l’objet, il servira de calque et de pa- tron tout au long de la construction et l’on s’y réfèrera constamment pour vérifier ses mesures. Une fois les mi-bois creusés, on passe au montage (il sera nécessaire d’ajus- ter à la lime ou au rabot quelques une des mesures) et à l’encollage. On termine ce dessous de plat par quatre petits cabochons qui viennent assurer l’équilibre de l’objet.
Les exercices
LES ACTIVITES
compas sec, équerre, pointe sèche, scie japonaise, ciseaux, trusquin, maillet
LES ACTIVITES
LES ACTIVITES
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plan du projet avec la charte et le cartouche de l’atelier
LES ACTIVITES
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Le troisième exercice permettait d’expéri- menter la technique du placage de manière fine et précise. Sous le conseil de Philippe, je dessine un motif faisant jouer les illu- sions d’optiques (thème très apprécié des esthètes de l’ébénisterie) avec l’aide d’Éric et Aymeric du service dessin numérique. J’ai choisi d’utiliser des placages de noyer et de frêne pour leur finesse et leur facilité de découpe. J’ai donc appris, avec les bons conseils et regards de chacun des membres de l’équipe, à découper, assembler, coller, poncer et vernir un « frisage » (motif créé en placage) dans les règles de l’art.
Les exercices
LES ACTIVITES
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poids en fonte, craie, brosse dure, papier gomme, spatule, éponge et son bac
LES ACTIVITES
prise de mesure, étude de l’assemblage, feuille de débit
LES ACTIVITES
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Les derniers jours de mon stage ont été l’occasion de fabriquer une caisse en contreplaqué pour protéger des intempé- ries ma petite scie à chantourner rangée sur mon balcon. Après une prise de côte sur ladite scie, j’ai pu lui créer une caisse de rangement et de transport sur-mesure et en utilisant la scie numérique. J’ai donc appris à utiliser le logiciel qui lui est as- socié et qui permet d’appliquer à chaque tracé l’une ou l’autre des options de dé- coupe, de fraisage, de perçage et de contrôler leur dimension selon les dispo- nibilités de la machine. Celle-ci se com- pose donc d’une table à ventouses (la succion maintient la pièce découpée en place pendant toute la durée du travail), d’un bras robotisé qui se meut dans les trois axes de la dimension, de différentes « têtes » aux fonctions différentes que le bras vient récupérer sur un banc situé en bout de machine, d’une cage vitrée de protection pour limiter la projection de sciure et copeaux, d’une manette de contrôle et enfin d’un ordinateur dédié à la découpe numérique.
Ces multiples exercices m’ont permis d’apprendre auprès de l’ensemble des pôles de l’atelier. J’ai notamment eu le loisir d’aider différents gars de l’atelier dans leurs tâches de vissage, placage, assemblage, mesure, découpe, dessin… Ce fut le moment d’échanger avec cha- cun sur leur vision de la profession et de leur fierté de pratiquer leur métier.
Les exercices
LES ACTIVITES
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Cette courte expérience au sein de l’ate- lier Renaissance et Restauration fut pour moi l’occasion d’observer ce que l’on peut négligemment appeler « l’envers du décor ». Or les artisans et les ouvriers ont pour moi une place nettement plus im- portante que la simple exécution qu’on veut bien leur donner. Les architectes qui font appel aux compétences de l’équipe de Stéphane peuvent en effet s’appuyer sur leurs précieux conseils et opinions de telle sorte que l’esthétique du projet soit satisfaite par la technique. Stéphane a aussi discuté avec moi du degré de connaissance qu’un plan d’ar- chitecte devrait avoir lorsqu’il arrive entre ses mains. L’entreprise travaille en effet aussi bien avec des architectes chevronnés qui, lors- qu’ils dessinent, sont conscients de la hié- rarchie du chantier, de la technicité de tel encastrement, du rendu vernis ou sablé de tel placage… tandis que le travail avec certains architectes plus jeunes, dont l’en- seignement fut peut-être plus théorique, suppose de devoir discuter longuement avec eux de leurs plans et de la manière dont l’équipe pourra les réaliser.
Lors de mon stage en agence j’avais pu observer à quel point la connaissance technique de l’architecte lui assure une aisance dans le dialogue et un aplomb sur le chantier. Il me paraît maintenant évident que cette connaissance est le travail d’une vie et que seule l’expérience peut la staisfaire. L’entretien de bonnes relations avec les différentes entreprises auxquelles l’archi- tecte fait appel permet des collaborations efficaces et fructueuses qui ne seront plus que bénéfiques pour l’aboutissement du chantier.
Bilan personnel
LA SUITE
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Cette partie, faisant office de bilan, est pour moi l’occasion de remercier chaleureuse- ment Stéphane qui a su me faire découvrir en un laps de temps très court toutes les facettes du métier de menuisier-ébéniste et notamment les angles de l’étude, du dessin et de la fabrication. Je voudrais remercier de la même manière toute l’équipe de l’atelier qui m’a très vite pris sous son aile avec patience et convivia- lité. Ce fut une véritable chance de profiter de leur expérience, de leur sagesse et de leurs précieux conseils sur cet environne- ment que je découvrais. J’espère pouvoir très vite mettre à profit tout ce que j’ai appris au cours de ces deux semaines au sein de l’atelier Renaissance et Restauration.
Remerciements