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A PPA€NTISSAG€ PAR PAOBl€M€S AU COLLÉGIAL Marie A. Soukini Professeure- Collège de Sherbrooke Jacques Portier Professeur - Collège de Sherbrooke Ledépartement de Technologie de laboratoire médi cal (TLM) du Collège de Sherbrooke modifie son cur- riculum traditionnel, essentiellement de type magistral, enun curriculum centré sur l'apprentissage par problèmes. Cette initiative peut surprendre au premier abord, puisque le pourcentage d'abandon n'est pasplusdramatique que dans les autres options, les étudiants sont motivés, les enseignants maîtrisent bien le contenu de leurs cours et le taux de réussite aux examens nationaux est satisfaisant. Denombreux facteurs peuvent influencer le choixde l'enseignant dans les moyens et les stratégies pédagogiques utilisées pour l'apprentissage et la for mation des étudiants. L'adoption d'une nouvelle ap proche a été, pournous, motivée parla problématique particulière des besoins actuels de formation etparles caractéristiques des étudiants et de l'enseignement. BESOINS RCniCtS D€ FORMATION COU€GIAl€ Finalités de l'enseignement collégial au secteur professionnel Tous les débats actuels sur l'avenir des cégeps portent essentiellement sur une caractéristique: l'efficacité de l'enseignement. La mondialisation des marchés, le développement scientifique et technologique ontdes incidences sur les programmes de formation et les stratégies éducatives. L'organisation du travail n'é chappe pasà ces bouleversements. La logique organi- sationnelle du taylorisme fondée sur un travailleur/un poste fait place à celle d'uneéquipe/un système. Ces modifications imposent des nouveaux besoins de formation qui peuvent être regroupés sous quatre grandes caractéristiques: la compétence, la ca pacitéd'adaptation, la capacitéde faire des choix fon dés sur un système de valeurs etsurun esprit critique et enfin, l'ouverture à la diversité. C'est par une formation de qualité que ces besoins seront comblés.LeConseil des collèges(1992) est d'ail leurs très explicite sur la conception qu'ilsefaitd'une formation de qualité. Il en définit cinq attributs: elle doit être pertinente, large et ouverte, exigeante, fon damentale et enfin reconnue. Ces attributs visent une finalité: l'acquisition de nombreuses compétences. De nos jours, une formation collégiale de qualité doit atteindre cet objectif: l'acquisition de nombreuses compétences. Au secteur professionnel, ces compé tences peuvent se regrouper en compétences géné rales, associées à la formation fondamentale, transfé rables dans la vie personnelle et sociale et en compétences beaucoup plus spécifiques, liées àlamaî trise d'une fonction, d'une tâche permettant l'insertion et l'adaptation professionnelle sur le marché du tra vail. Aussi, la formation professionnelle demande-t-elle des apprentissages essentiels quinesontpas liés à une seule techniqueou discipline. L'étudiant doit s'ada pter à des situations nouvelles, il doitêtre capable de s'ajuster aux progrès technologiques etauxévolutions du marché de l'emploi. C'est en ce sens que tous les intervenants d'un programme doivent être associés dans une action concertée autour d'un projet de for mation qui apparaît comme un projet de formation permanente, l'explosion des connaissances étant vertigineuse. Entant qu'enseignants, pleinement conscients des be soins actuels de formation, nous nepouvons que sous crire à une formation de qualité. Mais l'atteinte simultanée de toutes ces compétences nous pose un sérieux défi: comment intégrer toutes les composantes qui assureront cette formation de qualité? Finalités àues à l'évolution de la fonction du techno- logiste de laboratoire médical Lors desa création en 1967, les objectifs du programme Technologie de laboratoire médical répondaient aux besoinsde l'époque: la fonctionnécessitaitessentielle ment chez l'employé des connaissances théoriques et une bonne dextérité manuelle. Depuis, la technologie médicale a évolué à une vitesse prodigieuse et les compétences requises pour une main-d'oeuvre de qualité ont évidemment suivi cette évolution. Les perspectives de l'an deux millene fe ront qu'amplifier le phénomène. Les laboratoires, en plus d'être équipés de nombreux appareils spécialisés et automatisés, s'informatisent progressivement mais sûrement. Le contexte d'urgence doit être prisen considération dans laformation de l'étudiant car, très fréquemment, ce dernier occupera comme premier emploi, un poste de soir, de nuit ou de fin de semaine. Il se trouvera alors confronté, dès la fin de ses études, à une situation où il devra exécuter plusieurs analyses différentes 105

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A PPA€NTISSAG€ PAR PAOBl€M€S AU COLLÉGIAL

Marie A. Soukini

Professeure- Collège de Sherbrooke

Jacques PortierProfesseur - Collège de Sherbrooke

Ledépartement de Technologie de laboratoire médical (TLM) du Collègede Sherbrooke modifie son cur-riculum traditionnel, essentiellement de typemagistral, enuncurriculum centré surl'apprentissagepar problèmes. Cette initiative peut surprendre aupremier abord, puisque le pourcentage d'abandonn'est pasplusdramatique quedans les autres options,les étudiants sontmotivés, lesenseignants maîtrisentbien le contenu de leurs cours et le taux de réussite auxexamens nationaux est satisfaisant.

Denombreux facteurs peuvent influencer le choixdel'enseignant dans les moyens et les stratégiespédagogiques utilisées pour l'apprentissage et la formation des étudiants. L'adoption d'une nouvelle approche a été, pournous, motivée parlaproblématiqueparticulière desbesoins actuels deformation etparlescaractéristiques desétudiants et de l'enseignement.

BESOINS RCniCtS D€ FORMATION COU€GIAl€

Finalités de l'enseignement collégial au secteurprofessionnel

Tous lesdébats actuels surl'avenir descégeps portentessentiellement sur une caractéristique: l'efficacité del'enseignement. La mondialisation des marchés, ledéveloppement scientifique et technologique ontdesincidences sur les programmes de formation et lesstratégies éducatives. L'organisation du travail n'échappe pasà ces bouleversements. La logique organi-sationnelle du taylorisme fondée sur untravailleur/unpostefait placeàcelle d'uneéquipe/unsystème. Ces modifications imposent des nouveauxbesoins deformation quipeuvent être regroupés sousquatre grandes caractéristiques: la compétence, la capacitéd'adaptation, la capacitéde faire des choix fondés surunsystème devaleurs etsurunesprit critiqueet enfin, l'ouverture à la diversité.

C'est par une formation de qualité que ces besoinsseront comblés.LeConseildes collèges(1992) est d'ailleurs trèsexplicite sur la conception qu'ilsefaitd'uneformation de qualité. Il en définit cinq attributs: elledoit être pertinente, large et ouverte, exigeante, fondamentale et enfin reconnue. Ces attributs visent unefinalité: l'acquisition de nombreuses compétences.De nos jours, une formation collégiale de qualité doitatteindre cet objectif: l'acquisition de nombreusescompétences. Au secteur professionnel, ces compé

tences peuvent se regrouper en compétences générales, associées à la formation fondamentale, transférables dans la vie personnelle et sociale et encompétences beaucoup plusspécifiques, liées àlamaîtrise d'unefonction, d'unetâchepermettant l'insertionet l'adaptation professionnelle sur le marché du travail.

Aussi, la formation professionnelle demande-t-elledes apprentissages essentiels quinesontpasliés àuneseule technique ou discipline. L'étudiant doit s'adapterà dessituations nouvelles, ildoitêtre capable des'ajuster aux progrès technologiques etauxévolutionsdu marché de l'emploi. C'est en ce sens que tous lesintervenants d'un programme doivent être associésdans une action concertée autour d'un projet de formation qui apparaît comme un projet de formationpermanente, l'explosion des connaissances étantvertigineuse.

Entantqu'enseignants, pleinement conscients desbesoins actuels deformation, nous nepouvons que souscrire à une formation de qualité. Mais l'atteintesimultanée de toutes ces compétences nous pose unsérieux défi: comment intégrer toutes les composantesquiassureront cette formation de qualité?

Finalités àues à l'évolution de la fonction du techno-logiste de laboratoire médical

Lors desacréationen1967, les objectifsduprogrammeTechnologie de laboratoire médical répondaient auxbesoinsde l'époque: la fonctionnécessitaitessentiellement chez l'employé desconnaissances théoriques etune bonne dextérité manuelle.

Depuis, la technologie médicalea évolué à une vitesseprodigieuse et les compétences requises pour unemain-d'oeuvre de qualité ont évidemment suivi cetteévolution. Les perspectives de l'an deux mille ne feront qu'amplifier le phénomène. Les laboratoires, enplus d'être équipés denombreux appareils spécialiséset automatisés,s'informatisent progressivement maissûrement.

Le contexte d'urgence doitêtreprisen considérationdans laformation del'étudiant car, très fréquemment,ce dernier occupera comme premier emploi, unpostede soir, de nuit ou de fin de semaine. Il se trouveraalorsconfronté, dès la fin de ses études, à une situationoù il devra exécuter plusieurs analyses différentes

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stagecdc
Zone de texte
Tiré des Actes du Colloque 1994 de l'Association de la recherche au collégial (ARC). Copie numérique autorisée disponible sur le serveur Web du Centre de documentation collégiale (CDC): URL= http://www.cdc.qc.ca/actes_arc/1994/soukini_fortier_actes_ARC_1994.pdf Format : 10 pages en PDF.
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simultanément, dans un rninimum de temps, et ce,sans la présence de professionnels pour contrôler laqualité deses résultats. Ce phénomène place le finissant dans un contexte stressant, plus exigeant queceluid'un technologiste plus expérimenté qui occupeun poste régulier de jour.

Le technologiste de laboratoire médical est amené àcollaborer avecd'autres professionnels de la santé. Ilprend de plus en plus la responsabilité des résultatsqu'il obtient. Il est aussi plus sollicité pour, non seulement participer à des cours de formation continue,mais pour organiser et même animer des activités deperfectionnement, de recyclage oude mise àjour dansle cadre de sa fonction professionnelle.

Cette évolution de la fonction du technologiste a modifié les compétences requises et ainsi les besoins deformation. Lesexigencesdes employeurs augmentent,ilsdemandent quel'étudiant ait unemeilleure formation de base,des habiletés de résolution de problèmes,le goût de s'impliquer dans la formation continue,l'actualisation de soi ainsi qu'une plus grande implication dans le travail d'équipe.

Toutes ces compétences professionnelles sont également exigées par la Société canadienne des Technolo-gistes de laboratoire (SCTL) et de la Corporationprofessionnelle des Technologistes médicaux duQuébec (CPTMQ) quivisentaumaintien et à l'amélioration de lacompétence professionnelle en technologiemédicale. Le diplômé doit, en plus de posséder unesolide formation de base en sciences fondamentales,maîtriser des principes de base et leurs applicationsplutôt qu'un grand nombre d'analyses spécifiques. Ildoit aussi acquérir des compétences techniquestransmissibles quil'aideront às'adapter àdeschangementséventuels. Leprogramme d'enseignement doitdoncmettre l'accentsur l'applicabilité de compétencescommunesàl'ensemble de lapratiquedes laboratoireset insister sur le développement des compétencessuivantes: l'aptitude à communiquer, les capacitésd'interaction avec le patient, le développement derelations humaines de qualité, l'aptitude à résoudredes problèmes etla capacité des'adapter rapidementaux changementstechnologiques.

CRRRCTlRISTIQUCS DCS ÉTUDIANTS

Nous avons aussi dû tenir compte dans laplanificationde notre intervention des caractéristiques des étudiants. Certaines nous semblent plus significatives. Ladémocratisation de l'enseignementamèneauxétudescollégiales une clientèle trèshétérogène quecesoit auniveau des attitudes face à l'école, du degré de motivation, des formes et du niveau de développement del'intelligence ou des styles d'apprentissage. Les niveaux de culture, les diverses ethnies et groupes sociaux accentuent cette hétérogénéité (Aylwin, U.1992). Les étudiants ont surtout des préoccupations

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n.ft.G/Actes du cpfloque 94

utilitaristes et se montrent intéressés par le court termeet le concret (Laliberté, J. 1988). L'étudiant du collégialne cherche pas seulement des compétences intellectuelles, il cherche aussi à développer et réaliser sesbesoins affectifs et personnels (Landry, L. 1977 dansLaliberté, J. 1988). Il recherche l'autonomie, d'abordfinancière mais également sur le plan pédagogiquepar la réalisation de soi dans son apprentissage. Ilrevendique une vie associative; les relations avec depetits groupes de base sont jugées très importantespour89% des adolescents: Descent parle de relations"chaudes" en opposition à un manque de relationsinterpersonnelles (Descent, D. 1990). Finalement, desobservations faites sur le niveau de pensée des étudiants, que ce soit aux États-Unis, en France ou auQuébec, montrent que les étudiants ne savent pasrésoudre des problèmes, analyser et effectuer desopérations cognitives de base; le rendement scolairediminue (Laliberté, 1988). Alors que normalement leniveaude pensée des étudiantsdu collégial devraitsesituer au stade de la pensée formelle (stade hypothé-tico-déductif), 68% des étudiants sont encore au niveau concret en première année et y demeurentjusqu'à la fin de leurs études. Il est donc difficile pources étudiants qui ne savent pas faire d'abstraction,d'utiliser leur métacognition et d'améliorer leur apprentissage(Beyer, 1988).

Cesconstatations représentent un aspect importantdenotre problématique. Les besoins actuels demandentl'atteintedu niveaude pensée formelle pour l'acquisition et l'intégration des connaissances:

«C'est la penséeformelle qui permet d'objectiverses actes et de se situer comme à distance de cequ'il vit. Cette capacité de recul et d'objectiva-tion, certains parlent de métacognition joue enfaveur d'un enracinement plus profond ou d'unegreffe plus solide de savoirs anciens et nouveaux.» (Conseil supérieur de l'éducation,1990,p.5).

La maîtrise de ceniveau de penséeest indispensablepour assurer une formation de qualité, permettrel'actualisation et rendre l'étudiant suffisamment autonome pour poursuivre seul son apprentissage.

«Un monde enmutationrequiert plus que toutautre l'aptitude auraisonnement abstrait, l'analyse rigoureuse de situations complexes, commeaussi la capacité desynthèse et derecul, la hauteur de vue et l'envergure » (Inchaupsé, P.,1992, p.7).

CRRRCT€RISTIQU€S D€ L'€NS€IGNCM€NTRCTUCl

Ledernier aspectdenotre problématique provientdesobservations que nous avons pu faire comme enseignants. Nous enseignons depuis prèsde vingt ansendeuxième et troisième année d'un programme profes-

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sionnel, ce qui nous apermis de notercertains faits quiont remis en question notre pratique pédagogique.Ces observations touchent à l'apprentissage de l'étudiant, plusspécifiquement à larétentionetdonc l'intégration desconnaissances, au phénomène detransfertainsi qu'à certaines habiletés et attitudes commel'autonomie, le travail en équipe ou le retour critiquesurles démarches intellectuelles. De ces observations,il en ressort les constats suivants:

- l'étudiant oublie une grande partie de ce qui luiest enseigné. Il ne fait que mémoriser lesconcepts sans faire de liens;

- l'étudiant ne sait pas utiliser les connaissancesacquises antérieurement pour les transférerdans de nouveaux domaines. Lesconnaissancessont cloisonnées, hermétiques;

- il a beaucoup de difficulté à faire des liens entrelathéorie etlapratique; il existe àses yeux, unedichotomie entre les cours théoriques et leslaboratoires;

- sa réaction face à l'erreur dans l'apprentissageestsouvent de typeémotif; ilnesaitpasprendrede recul face à celui-ci. L'étudiant cherche fréquemment et spontanément à qui attribuer l'erreur sans en avoir fait une analyse ou, commenous le disons, sans avoir fait «l'autopsie del'erreur». Ce type de fonctionnement est fréquent chez certains étudiants, souvent les plusfaibles qui, soit se culpabilisent face à l'erreur,soitne font que se disculperà toutprix;

- l'étudiant visedes objectifs d'évaluation plutôtque des objectifs d'apprentissage: ce qui estimportant ce sont les notes;

- finalement, nous notons que le taux de décrochage en première année est en moyenne de30%, alors quedans lesannées subséquentes, cetaux est pratiquement nul. La première annéecontient quelques cours de spécialité mais estaxée principalement sur des cours de base, descours généraux.

Par ailleurs, tel que noté par Laliberté (1988), les programmes de formation sont souvent des amalgamesde cours, sans principe directeur, dans lesquels lesétudiants sont vus comme des consommateurs et lesprofesseurs comme des marchands de savoir.L'individualisme des professeurs renforce la promotionpar matières,la compartimentation descours.Lesenseignants présument que puisque l'étudiant atoutes les connaissances théoriques, il va facilementles intégrer et lesappliquer. Des recherches prouventqu'il n'en est rien et que ce contexte constitue unobstacle supplémentaire à la formation des étudiants(Gervais, M. 1986).

Dans notre département, un bon nombre des interventions pédagogiques sont de type traditionnel,essentiellement magistral. Ce choix se justifie par un

programme chargé, des contenus lourds, l'enseignement magistral permettant de dispenser dans untemps relativement court, une grande quantitéd informations. Cependant, il prend appui sur le sophisme qui suppose trop souvent que dans lacommunication-apprentissage, l'information transmise a l'étudiant est toujours apprise (Stolurow dansGuilbert, J.J. 1981).

D€FI POUR L'CNSCIGNRNT

En tant qu'enseignants, nous sommes parfaitementconscients des besoinsqui sous-tendent la recherchede l'excellence dans la formation. Nous sommes également très sensibles aux nombreuses compétencesque l'étudiant doit acquérir pour remplir ce mandatde formation, le défi pour nous, c'est de créer lecontextequi permettra, en trois ans, l'atteinte simultanée de compétences générales et spécifiques, sans que cela se fasse audétriment de la personnalité de l'étudiant. Nous devonsréaliser ce défi en tenant compte des diverses contraintesorganisationnelles imposées au niveau collégial.

PIST€SD€ SOLUTION

Dès1990, leConseil supérieurdel'Éducationmentionnait les exigences pédagogiques rattachées à uneformation de qualité: engager lesétudiantsdansleurpropre démarche de formation et de qualification,obtenir leur participation active, avoir une pratiquedisciplinaire ouverte, aider les étudiants à cerner l'objetd'une discipline, àensaisir l'esprit, àenexpérimenter la démarche méthodique, à en maîtriser lesconcepts-clés.

Il convient d'insister surles apprentissages essentiels,l'acquisition d'un sens historique, la rigueur du raisonnement, lamaîtrise d'unconcept etson applicationàdes situations nouvelles, etenfin, favoriser l'intégration desapprentissages (Laliberté, J.1988). En1992, leConseil descollèges lui aussi estexplicite:

«L'intégration harmonieuse des éléments théoriques etpratiques supposent également la miseen oeuvre de pratiques pédagogiques activesfavorisant des démarches d'apprentissage quiconduisent non seulement de l'abstrait vers leconcret, mais également de l'observation et del'expérimentation vers la conceptualisation etl'abstraction et qui utilisent autant le processusd'induction que de déduction. Une pédagogie etune didactique plus actives, fondées, par exemple, sur une perspective dite constructiviste etsur une approche par résolution de problèmes,paraissent fécondes pour favoriser les effortsintellectuels deconstruction etdestructurationrequis par l'apprentissage scientifique et par ledéveloppement de la compétence technique quis'yrapporte. Ces pratiques présentent des analogies avec les situations et les démarches aux-

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quelles sera confronté le technicien dans l'exercice de sesfonctions de travail: explorer, analyser et comprendre un problème, élaborer un planet des stratégies pour le résoudre et en vérifierles résultats...» (Conseil des collèges, 1992,p.191).

Sans faire une liste exhaustive de toutes les initiativescollégiales qui tentent de répondre àces exigences deformation, nous en soulignerons quelques-unes. Laméthode Logos vise àdévelopper leniveau depenséeformelle de l'étudiant (Désilets, M.,Roy, D. 1988). Laméthode des cas a été introduite pour atteindre desobjectifs précis: développer des capacités de synthèse,de jugement, deprise de décisions reliées au travail debureau (Van Stappen, Y. 1989). L'initiative du Groupe«Démarches» et l'utilisation d'un guide structuré enbibliothèque visent à développer leniveau depenséeformelle chez des étudiants (Groupe «Démarches»,1988 et Laliberté, C. 1989). Enfin, le «Creative ProblemSolving» et la méthode par le questionnement visentle développement d'habiletés spécifiques comme lapensée critique (Fouad, A. 1990 etLangevin, L. 1990).Ces initiatives présentent desavantages certains puisqu'elles permettent de développer des compétencesessentielles pouruneinsertion danslavieprofessionnelleet sociale tout en favorisant la qualité de la formation de l'étudiant. Cependant, ellesne prennent pasen compte lesnombreuses spécificités reliées à notreproblématique. Eneffet, soitelles introduisent unnouveau cours dans la formation ce qui ne peut être envisagé dans un programme aussi chargé que le nôtre,soit elles ne touchent qu'à certains aspects de notreproblématique.

Nous souhaitons mettre en place une démarchefavorisant l'ensemble du processusd'apprentissage etde formation sans alourdir la tâche de l'étudiant.

Au niveau universitaire, la Faculté de médecine del'Université de Sherbrooke (CHUS) innovait en matière pédagogique. En effet, en 1987 la Faculté implantait avec succès un curriculum centré surl'apprentissage parproblèmes etdevenait ainsi lapremière faculté au Québec à appliquer cette méthode.Des contacts furent établis entre nos deux institutionsnous permettant de mieux saisir les raisons de leurchangement et lesbienfaits de leurméthode basée surl'apprentissage par problèmes. Ce quinous a leplusintéressé dans cette innovation pédagogique, ce sontles motifs quiont justifié lechoix de laméthode d'apprentissage par problèmes.

Déjà en 1960, Barrows enseignant à la Faculté de médecine de l'Université McMaster (Hamilton en Ontario) manifestait sa déception face au manqued'efficacité de la méthode d'enseignement traditionnel. D'autres enseignants universitaires ont fait lemêmeconstat. La professionmédicalen'échappe pas

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fl.R.C/ftctes du colloque 94

à l'explosion des connaissances que nous vivons ànotreépoque et la surcharge des contenus sans cessecroissante, favorise l'information au détriment de laformation. Les perceptions quelamédecine se déshumanisaità mesure qu'elle devenait biologiquementettechniquement sophistiquée croissaient (Lipkin, M.1989). Par manque de temps, cette acquisition deconnaissances se faisait au détriment de l'humanisme.L'intégration des sciences fondamentales étaitinadéquate, l'étudiant effectuait peu ou pasde transfert lorsqu'il se trouvait enclinique. D'autres observations et des recherches prouvaientque l'étudiant étaitincapable d'utiliser les connaissances théoriques qu'ilpossédait dans sapratique professionnelle.

Dans ce milieu traditionnel, les étudiants perdaientleur créativité, leur idéal et leur motivation. Ils étaientpassifs, ne posaient pas de questions et étaientessentiellement intéressés aux aspects du curriculum quiétaient reliés aux succès académiques. De surcroît,l'enseignement par cours magistraux ne permettaitpasdedévelopper des habiletés d'auto-apprentissage,d'auto-évaluation. A la fin de leur stage, les futursmédecins n'avaient pas acquis d'habitudes de formation continue et la plupart ne pratiqueraient qu'avecce qu'ils avaient appris dans leurs études: ces professionnelsn'étaient pas préparés à fairefaceaux changementsqu'ils auraientà vivredurant toute leur vie.

La similitude nousa paru évidenteentre lesdifficultésobservées dans les facultés de médecine et celles vécues dans notre programme professionnel. Nous é-tionsdès lorsprêts à entreprendre une rechercheplusapprofondie sur la méthode d'apprentissage par problèmes et son applicabilité au collégial: est-ce quel'implantation d'un curriculum centré sur l'apprentissage par problèmes permettrait de répondre auxnouveaux besoins de formation en Technologie delaboratoire médical?

RPPR€NTISSRG€ PAR PROBÙMCS

L'apprentissage par problèmes est encore peu connuau niveau collégial et nous avons noté que, probablement à cause du nom qu'elle porte, cette méthodeestsouventperçuecomme uneméthodetrès familièreet souvent confondue avec la méthode des cas.

En 1969, McMaster fut la première université àtransformer tout son curriculum en curriculum centrésur l'apprentissage par problèmes. En1987, laFacultéde médecine de Sherbrooke fut la première faculté auQuébec à appliquer cette méthode. Enseptembre 1993,certains cours des facultés de médecine des universitésLaval et de Montréal se donneront sous forme d'apprentissage par problèmes. Laméthode n'est passeulement appliquée en médecine mais aussi dansd'autres domaines comme l'administration (ENA),l'architecture, les écoles d'ingénieurs, en sciences(UQAM). Déjà la méthode s'applique au niveau pri-

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maire aux États-Unis. En septembre 1993, elle seraexpérimentée pour la première fois au niveau collégial, en TLM à Sherbrooke.

Pour Barrows,l'apprentissage par problèmesest unestratégie éducationnelle fortement structurée,soigneusement agencée et efficace car ellerepose surdes études cognitives et psychoéducationnelles touten tenant compte des objectifs pédagogiques (Barrows, H.S. 1985), alors que pour Walton, l'apprentissage par problèmes est une méthode pédagogique,centréesur l'étudiant, qui vise à développerplus efficacement et plus rapidement le raisonnement et lapensée critique que les méthodes traditionnelles (Walton, H.J., Matthews, M.B. 1989).

Pour nous l'apprentissage par problèmes est une méthode constructiviste, centrée sur l'étudiant, qui visel'atteinte de compétences générales et professionnelles plus rapidement que les méthodes traditionnelles.Cette définition spécifie le cadre auriculaire qui vaservir à la conception et la planification de notre implantation. Ce cadrereposesur la psychologie cogni-tiveet influence laconception de l'apprentissageetparconséquent celui de l'enseignement. Il modifie nonseulement la conception des divers intervenants(l'enseignant et l'étudiant) mais il influence aussi cellede l'évaluation. Ces conceptions sont importantespuisqu'elles sous-tendent la planification.

Cadre théorique de l'apprentissage par problèmes

L'apprentissage par problèmes se décrit à la lumièrede la théorie du processusd'information appliquéeàl'apprentissage. Selon cette théorie, trois principesjouent un rôle important dans l'acquisition de nouvelles informations:

- l'activation des connaissances antérieures,

- la spécificitéde l'encodage- et l'élaboration de la connaissance.

L'apprentissage, par nature, est une restructuration.Cela présuppose que l'ancienne connaissance est utiliséepour comprendre la nouvelle. Cette connaissancepeut venir d'études antérieures ou du bon sens commun. C'est cette connaissance antérieure et le type destructure sous lequel elle est disponible dans la mémoire à long terme qui déterminent ce qui est comprisdans une lecture ou une audition de ce qui, par conséquent, sera appris. Les méthodes pédagogiques diffèrent dans leur capacité d'induire l'activation desconnaissances antérieures. Ce processus est cependant un préalableindispensable pour faciliter l'acquisition de nouvelles informations (Schmidt, H. G. 1989).

D'autres travaux de recherche mettent en lumière uneseconde condition qui facilite l'apprentissage: l'information sera d'autant mieux récupérée dans le futurqu'elleaura été acquise dans des conditions analoguesà son utilisation ultérieure. Plus grande est la ressem

blance entre lasituation oùquelque chose estappris etcelle où laconnaissance est appliquée, meilleure estlaperformance. C'est cequeSchmidt nomme laspécificité de l'encodage.

Le dernier principe traite de l'élaboration de laconnaissance. L'information estmieux comprise, intégrée et retrouvée si l'étudiant élabore sur l'information. De nombreuses pratiques pédagogiquespermettent ce processus. Ainsi l'étudiant élabore enposant des questions sur un texte, en prenant desnotes,en discutant d'unsujet à apprendre avecd'autreétudiants, enenseignant à des pairs cequi aété apprisd'abord ensemble, en écrivant des résumés, en formulant et encritiquant des hypothèses sur un problème.L'élaboration fournit la redondance nécessaire à lastructure de la mémoire. Ellepeut être vue commeungarde-fou contre l'oubli et permet un meilleur rappelde la connaissance lors de son utilisation. (Schmidt,H.G. 1989).

Caractéristiques de l'apprentissage par problèmes

Danslaméthodede l'apprentissagepar problèmes, lesétudiants sont confrontés, en général deux fois parsemaine, à un problème. Un problèmeest la description d'une série de phénomènes ou de faits qui demande une explication (Schmidt, H.G, 1983). Cetteexplication peut prendre la forme de description d'unprocessus, de principes ou de mécanismes sous-ja-cents au phénomène. Le problème est également lesupport de la stratégie pédagogique qui est fortementstructurée. Le professeur ou tuteur devient un facilita-teur dans le processus cognitif plutôt que le pourvoyeur de la connaissance puisqu'aucun coursmagistral n'est donné à l'étudiant, ni avant, ni pendant,niaprèsl'étude du problème. C'est l'étudiantquijoue un rôle actif dans sa formation, la méthode étantcentréesur l'étudiant qui est fortement impliquédanssa formation. Les étudiants en petits groupes de huità dix,se rencontrentdeux fois par semainepour effectuer certaines tâches autour du problème selon unprocessus très structuré: le tutorial.

Le tutorial

Le tutorial est le processus dans lequel l'étudiant effectue différentes tâches autour d'un problème. Letutorial est composé de sept à neuf étapes selon sonapplication. Ces étapes sont franchies selonune procédure systématique. Les tâches de l'étudiant dans letutorial sont d'abord l'analyse des phénomènes et mécanismes sous-jacents pour trouver lesexplications auproblème. Lesétudiants formulent ensuite des objectifs d'apprentissage et vont recueillir l'informationpour la compréhension et/ou la résolution du problème. A Maastricht, le tutorial comportesept étapesdéfinies par Schmidt, alors qu'à l'Université deSherbrooke, deux étapes supplémentaires ont été a-joutées au tutorial. Au Collège de Sherbrooke nous

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e

e ©PETIT

e GROUPE ©© o

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PHASE 11

6. Étudier individuellement• bibliothèque• pers. ressource• autre

O GPETIT ©

© GROUPEQ Q

Q

PHASE IV

9. Auto-évaluer

Figure 1

PHASE I

1. Clarifier les termes et les données2. Définir le problème3. Analyser le problème4. Organiser les explications5. Formulertes objectifs d'apprentissage

.INDIVIDUEL O

PHASE III

7. Synthétiser et vérifier les informations

8. Évaluer le tutorial

INDIVIDUEL O

Le tutorial

9?9f93

allons expérimenter leprocessus àneufétapes (Figure1).

effets escomptés

De nombreux avantages potentiels sont attendus decetteméthode. Elledoit augmenter la motivation puisque le problème représente des phénomènes que l'étudiant retrouvera dans son futur contexteprofessionnel. Elle doitfavoriser les habiletés derésolution de problèmes et rendre lesétudiants plusefficaces techniquement et pédagogiquement. Il estégalementespéré que lacréativitéetles capacitésd'auto-apprentissage seront améliorées. Deplus, les enseignants s'attendentà ceque lesétudiantsapprennent,de leur travailen petits groupes des habiletés de coopération, de support mutuel.

La méthode demande une collaboration interdisciplinaire puisque chaque discipline contribue à laconstruction de problèmes réels, complexes et doncmultidisciplinaires. Déjà certaines évidences empiriques confirment les qualités potentielles de la méthode, que cesoitau niveaude la réussite d'examensnationaux, de l'intégration des connaissances ou del'acquisition du processus de résolution deproblèmes(Schmidt 1983,1987,1989, DesMarchais 1990,1991).

Nous pensons, d'autre part, que l'application de laméthode sur une période de temps suffisammentprolongée, modifiera le niveau de pensée des étudiants et certains traits de personnalité comme, parexemple, l'autonomie et lesensdes responsabilités. Letaux de réussite aux questions de type résolution deproblèmes, auxexamens nationaux, devrait êtresupérieur à celui qu'il est actuellement.

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fl.RX/ftetes du colloque 94

BUT €T OBJECTIFS D6 Lfi RCCHCftCHC

En 1992, nous avons présenté un projet de recherchedans le cadre du programme d'aide à la recherchesurl'enseignementet l'apprentissage (PAREA).

Le but de notre recherche est de modifier un curriculum traditionnel en un curriculum centré surYA.P.P.,adapté aucollégial, et en analyser les effets sur l'apprentissage et la formation des étudiants.

Cette recherche comporte trois phases quis'échelonneront sur trois ans:

PHASE I (1992-1993): modifier le curriculum traditionnel en curriculum centré sur l'apprentissage parproblèmes, en deuxième année de T.L.M., en vue del'implantation etvérifier l'applicabilité de laméthodeau niveau collégial.

PHASE II (1993-1994): implanter et expérimenter lenouveau curriculum en deuxième année de T.L.M.,modifierlecurriculumen premièreet troisièmeannée.

PHASE III (1994-1995): implanter le curriculum enpremière et troisième année et analyser les effets dunouveau curriculum sur la première promotion ayantvécu la méthode.

Leprojet1992-1993 qui concernela phase I, comportait trois objectifsspécifiques:

- concevoir le processus d'implantation;- réaliser lesétapes du processus tant au point de

vue organisationnelque pédagogique;- préparer la diffusion du projet.

Nous avons élaboré une méthodologie permettantd'atteindre les objectif de la phase I, phase préparatoire à l'implantation. Cette méthodologie nous a permis de structurer notre démarche et de regrouperl'atteinte des objectifs selon différents thèmes: les étudiants, les enseignants, l'administration, le programme, lesressources et la diffusion du projet. Unedémarche analogue se poursuit dans la présentationdes résultats que nous avons regroupés selon cinqgrands champs d'intervention:

- le programme,- la formation et l'information,

- les ressources,

- la pré-expérimentation,- la diffusion.

R€AUSRT!ONS

Le programme

CHOIX D€S COMP€T€NCCS

Undenosobjectifs dans lamodification du curriculumconsistait à identifier les compétences qui seraientdéveloppées par le nouveau curriculum dans le pro-

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A.8.C/ïtctesdv colloque 94

gramme et à choisirles objectifs qui permettraient deles atteindre afin de créer un fil conducteur, une harmonisation. C'est à la lecture globale de la réalitécollégiale, des besoins actuels et futurs de la sociétéquébécoise et ceux du milieu professionnel quenousavons remisen questions certaines pratiquescouramment utilisées jusqu'ici et priorisé certaines compétences. Nous avons deux objectifs éducationnels:visersimultanément l'acquisition de stratégiesd'apprentissage par l'étudiant tout en favorisantl'acquisition de contenus spécifiques à la profession.Les connaissances relatives aux contenus actuels, telque décritdans les cahiers del'enseignement collégial,seront acquises et intégrées grâce à des stratégiespédagogiques qui permettront à l'étudiant de devenirprogressivement autonome dans son apprentissage.Notre approche met beaucoup l'accent sur l'acquisitionintégrée des compétences à trois niveaux:savoir,savoir-faire et savoir-être.

Notre analyse des réalités collégiales et celle de sescomposantes nous indiquent que notre choix d'objectifs doitégalement êtrecohérent si l'onveutoptimiserl'apprentissage. Dans un curriculum traditionnel, lesmatières sont considérées comme l'objet de l'apprentissage: l'accent est donc mis sur des objectifs decontenu, dediscipline. Parfois certaines situations, quiont un intérêt en elles-mêmes dans la perspective dudéveloppement de la personnalité ou de l'acquisitionprofessionnelle, sont utiliséespour la formation: c'estla voie multidisciplinaire. Le curriculum peut aussiêtre abordé en essayant de déterminer quelles démarches intellectuelles ousocio-affectives lapersonneen formation doit être capable d'effectuer: c'est la voietransdisciplinaire P'Hainaut 1990).

C'est cette dernière que nous avons retenue audépartement deTLM par lechoix de laméthode d'apprentissage par problèmes ou APP. Notre approcheestdonctransdisciplinaire, nousviserons des compétencestransmissiblesà d'autres contextesque ceuxdesmatières du programme. C'est au niveau des contenusque notre approche deviendra, progressivement,multidisciplinaire.

Nousretiendronsessentiellementque certainsauteursaffirment queplusieurs problèmes éducatifs n'ont puêtre résolus dans le passé en raison de la dissociationconstante que lesapprochespédagogiquesautant quelesrecherches maintenaient entrelesaspects cognitifs,métacognitifs et affectifsde l'apprentissage. Dans uncadre constructiviste, la création d'un contexte complexe,proche de la réalité permet d'atteindre simultanément des objectifs à la fois intellectuels et affectifs,comme par exemple, la métacognition qui réfère àl'évaluation et à la gestion de soi et relie donc lesconnaissances et les facteurs affectifs (Tardif, 1992).

Cinq objectifsgénéraux doivent assurer une formationde qualité dans notre programme:

- acquérir les connaissances actuelles inhérentes àlaprofession cequiveutdireplusconcrètementréussir l'examen national de la S.C.T.L,

- maîtriser le raisonnement hypothético-déductif(pensée formelle, raisonnement scientifique ouencoreprocessus de résolution de problèmes),

- développer sa métacognition, c'est-à-dire savoirgérer efficacement et évaluer son processusd'apprentissage,

- maîtriser les processus d'analyses manuelles etautomatisées,

- fonctionner en petits groupes.

L'atteinte de ces objectifs généraux deformation permettront à l'étudiant qui termine son cours de maîtriser six compétences personnelles, en plus descompétences professionnelles spécifiques auprogramme: l'autonomie, la confiance en soi, l'humanisme, le sens des responsabilités, la motivation etl'aptitude aux changements.

usprobUmcs

Les problèmes sontau coeur de l'apprentissage danslaméthode pédagogique APP. En effet, c'est pareuxque lecontenusera abordé, c'estparles problèmes quel'étudiantvaacquérir certaines stratégies cognitives etc'est toujours autour du problème que le fonctionnement en groupe va se structurer.

Avant de commencer à construire un prototype deproblème danschacun deschamps disciplinaires, ilestimportant de tenir compte de certaines observationsnotées précédemment, telles quelescontraintes orga-nisationnelles au niveau collégialou certaines difficultés vécues par d'autres utilisateurs de l'APP. En cesens, nous avons établi, à Sherbrooke, les règles deconstruction suivantes: avant de commencer àconstruire lesproblèmes, il faut avoirune vision globale delaformation, cequiveutdireplusprécisément,se mettre dans le contexte professionnel du technologiste, bien identifier la fonction de travail d'untechnologiste qui doit oeuvrer en général dans unlaboratoire moyen, le soir ou la nuit, dans un contexted'urgence. Ils'agit donc de cerner le contexte de travailspécifique, de distinguer l'essentiel de l'important oude l'utile. Leproblèmedoit tenircomptedes connaissances antérieuresde l'étudiantetau début, être plutôtde type bien défini et essentiellement disciplinaire.Progressivement ilsseramoins défini etmultidisciplinaire. Dans les premiers tutoriaux, le processus seranouveau à la foispour lesétudiants et lesprofesseurs.L'accentseraprobablementmissurl'appropriationduprocessus au détriment du contenu. Il est par contreprévisible qu'avec le temps, le processus sera mieuxgéré et contrôlé par les intervenants. Les premiersproblèmes devraient donc être simples, axés sur l'atteinte d'objectifs de base.Chaqueproblèmedoit géné-

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rer au maximum, enmoyenne cinqà sept heures d'étudespersonnelles pour l'étudiant.Pour élaborer nos problèmes, nous avons retenu lescaractéristiquessuivantes. Le problème doitêtreadaptéauxétudiants, c'est-à-diretenir comptedes connaissancesantérieures,favoriserle processus d'analyse etde construction de connaissances, susciter des hypothèses, conduire à une activité de résolution de problèmes. Ildoitêtreclair, nepascontenir tropdedétailset tenir, si possible, en une page. Le problème doitrefléter le futur contexte professionnel des étudiants,susciter la motivation, être stimulant pour l'étudiantetildoit tenir compte delasomme detravail àinvestirpourl'étude personnelle.

ÉVALUATION

La méthode d'apprentissage par problèmes, en plusdecréer uncontexte quifavorise l'acquisition d'objectifs spécifiques comme la maîtrise d'un processus derésolution deproblèmes, l'aptitude à travailler enpetits groupes, etl'autonomie, permet d'intégrer unprocessus d'évaluation continu. Le changement decurriculum nous fournit l'occasion de modifier notrepratique d'évaluation afin d'assurer une certaine cohérence entrelesobjectifs visés et lastratégie pédagogique. Les modalités même de la stratégied'apprentissage parproblèmes (le fonctionnement enpetits groupes, l'utilisation systématique des étapesdu processus derésolution de problèmes, ainsi que laprésence d'une étape d'évaluation en groupe, puisindividuelle à chaque tutorial) facilitent la planification d'une évaluation de qualité. Nous noussommes fixés trois objectifs généraux pour assurercettequalité: concevoiretpratiquerunepolitiquecommuned'évaluation, privilégier l'évaluation formativeavec les caractéristiques qui sont siennes et enfin développer progressivement l'auto-évaluation des étudiants. Nous pensons quelecontexte créé par1'A.P.P.favorisera l'atteinte de ces objectifs.

lo formation et l'information

Il est important de familiariser les étudiants dedeuxième année quivont vivre cette méthode, àlafoisau processus de la méthode, mais aussi aux conceptions de l'apprentissage, au contexte d'enseignement,aux rôles de l'étudiant et de l'enseignant ainsi qu'àl'évaluation dans un cadre constructiviste. C'est laraison pour laquelle nous avons conçu la semained'introduction à l'apprentissage par problèmes. Lesobjectifs de cette semaine sontambitieux:

. sensibiliser les étudiants aux implications reliées ànotre choix de cadre curriculaire,

.initier les étudiants au fonctionnement en petitsgroupes,

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A.RX/Actes do colloque 94

.familiariser les étudiants à la méthode d'apprentissage parproblèmes: les étapes, les rôles desétudiants, les rôles du professeur,

. mesurerle niveau de pensée de cesétudiants,

.spécifier certains deleurs traits psychologiques,

.créer un sentiment d'appartenance au groupe, audépartement.

Quant aux enseignants, leur nouveau rôle exige descompétences particulières. Aussi, tous les enseignantsde notre département ont-ils assisté à au moins untutorial à la Faculté de médecine du CHUS. Nousavons également participé à l'atelier deformation dututeurorganisé par le CHUS pour sesenseignants.

Laméthode ainsi quelesphasesimportantes du projetontétérégulièrement présentées, non seulement auxenseignants du département, mais aussi à tous lesintervenants du programme ainsi qu'aux directeursdes services pédagogiques et administratifs.

Les ressources

La méthode d'apprentissage par problèmes présentesans aucun doute des avantagespédagogiques indéniables. Notre but est d'expérimenter cette méthodeen visant une application permanente. L'aspect desressources, surtout dans le contexte que nous vivonsactuellementnepeutêtrenégligédans cette recherche.Dès ledépart, ilétait clair quela méthode ne devraitpas imposer decoûts récurrents que cesoit auniveaudes enseignants, du personnel de soutien ou des ressources didactiques. Un des premiers exercices pourvérifier la faisabilité de la méthode a été d'établir deshypothèses surlefonctionnement concernant l'agencement des horaires et la répartition des contenus enrespectant les caractéristiques de la méthoded'apprentissage par problèmes.

Pour établir ces hypothèses de fonctionnement, nousavons dû, dans un premier temps, établir un cadreorganisationnel. Ce cadrespécifie les données quivontstructurer ce fonctionnement en identifiant les composantes à respecter. Ce plan de fonctionnement doitrespecter les contraintes adrninistratives etsyndicales.De plus, il ne doit pas modifier les tâches des enseignants, des étudiants etdu personnel technique.

La pré-expérimentation

Le but de cette pré-expérimentation était triple: vérifier la faisabilité du processus, valider certains outilsd'évaluation et recueillir la perception des étudiantsface à la méthode. Cette pré-expérimentation devaitnous permettre d'identifier et d'améliorer certainspoints qui auraient pu nous échapper avantl'expérimentation à une plusgrande échelle.Les résultats ont été très satisfaisants. Les étudiantsont énormémentappréciécemode de fonctionnement

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AJLC/Rctes du colloque 94

et les types et modes d'évaluation retenus. Contrairement à ce que nous pensions, il ne semble pas y avoireu de sentiment d'insécurité lors de la phase d'étudepersonnelle.

Diffusion

Les neuf autres collèges qui offrent l'option TLM auQuébec ont été contactés pour collaborer à titre decollègetémoin. Seulsdeuxcollèges n'ont pas réponduà notre demande alors que tous les autres ont acceptéde collaborer. Notregroupetémoinsera donccomposé d'environ deux cent dix étudiants ce qui nous permettra de fairedes analysesstatistiques comparativesau niveau de la pensée formelle et certains traits depersonnalité des étudiants.

CONCLUSION

La méthode d'apprentissage par problèmes offrebeaucoup de potentiel au niveau pédagogique. Ellepermet de concilier à la fois la maîtrise des contenus etl'acquisition d'un processus de raisonnement efficacecalquésur le processusde résolution de problème (ouméthode de recherche scientifique).

L'APPcrée un contextequi permet progressivement àl'étudiant, à travers les cours réguliers, de résoudredes problèmes, de comparer, de juger,de s'impliquer,d'accepter les autres, de se sentir responsable,de traiter l'information et d'apprendre à apprendre. En s'as-surant que chacune des phases est respectée, que laméthodeest biengérée, le tuteur participeà l'acquisition intégrée d'objectifs cognitifs et affectifsnon dissociés. Il favorise l'acquisition des six compétencesvisées dans le programme soient l'autonomie, laconfiance en soi, l'humanisme, le sens des

Figure2. Formationintégrée - acquisition de compétence

-responsabilités, la motivation et l'aptitudeau changement (Figure 2).

Un curriculum centré sur l'apprentissage par problèmes peut être très profitable à d'autres programmes,surtout ceuxdu secteur professionnel où l'acquisitionseule des connaissances n'est pas suffisante. Notreexpérience pourrait répondre à des besoins car nouspensonsque notre problématique n'est pas spécifiqueà notre programme mais qu'elle peut se rencontrerdans de nombreux programmes.

L'apprentissage par problèmes pourrait s'avérer unealternative intéressante dans lecadre d'une approcheprogramme en permettantd'atteindreplusieurs objectifsdifficilement atteignables dans une approche traditionnelle.

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