a la radio, la guerre des quotas n’aura pas lieu

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sur la radio française

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  • A la radio, la guerre des quotas naura pas lieu LE MONDE | 20.10.2015 12h10 Mis jour le 20.10.2015 14h47 | Par Frdric Schlesinger (Directeur dlgu aux antennes et aux programmes de Radio France)

    Il aura donc suffi dun amendement adopt en commission lAssemble nationale pour relancer ce

    que les spcialistes des professions concernes les producteurs de musique face aux radios prives

    ont pris lhabitude dappeler la guerre des quotas. Disons plutt la guguerre, et regardons les

    enjeux.

    Les dputs ont adopt, dans le cadre du projet de loi sur la libert de cration, un amendement

    visant viter que les mmes tubes francophones tournent en boucle sur les ondes des radios

    prives afin de se conformer, au-del des quotas dj imposs par la loi, lesprit de ces quotas qui

    vise promouvoir la cration en langue franaise. Projet soutenu, le 28 septembre, sur lantenne de

    France Inter par la ministre de la culture Fleur Pellerin, pour qui les dputs demandent simplement

    aux radios prives de remplir mieux lobligation de promouvoir la diversit culturelle . Pour

    Fleur Pellerin, cest clair, il sagit de mettre mieux en valeur la jeune cration franaise .

    Vent debout contre lamendement, les professionnels des radios prives brandissent ltendard de la

    libert ditoriale. Libert ditoriale revendique afin de permettre la diffusion dun mme titre des

    centaines de fois. La guerre opposerait donc les tenants de deux liberts diffrentes : la libert de

    cration dun ct, la libert ditoriale de lautre.

    Le simple bon sens, qui conduit penser que la libert ne se divise pas, indique que, peut-tre, le

    problme est mal pos. Dun ct, des acteurs politiques soucieux dune juste diffusion de la

    chanson dexpression francophone dans toutes ses composantes et dans sa grande diversit. Des

    politiques naturellement soutenues, voire inspires, par les producteurs de musique pour qui la radio

    demeure un vecteur de diffusion et de prescription privilgi, en dpit de larrive de nouveaux

    supports YouTube ou les plates-formes dcoute comme Deezer ou Spotify. Face aux acteurs

    politiques, les professionnels des radios prives adoptent une posture de suppose dfense des

    auditeurs, lesquels plbisciteraient quelques chansons seulement parmi les nouvelles productions

    proposes au march. Avec un argument fond sur des chiffres, ceux de leffondrement, selon eux,

    de la production francophone.

  • LUF OU LA POULE ?

    Autrement dit, les dirigeants des radios prives rsument de manire simpliste une situation trs

    complique, en disant peu ou prou : Vous ne nous proposez pas assez de bonnes chansons

    francophones, une partie de la production franaise est dailleurs interprte en anglais, laissez-nous

    au moins choisir dans une offre que nous trouvons trop maigre. Une analyse qui justifierait la

    diffusion en boucle, douze ou quinze fois par jour, de la mme chanson, tandis que des centaines de

    titres sur lesquels des artistes ont travaill restent dans les placards et nont aucune chance darriver

    seulement jusquaux oreilles dauditeurs considrs comme malentendants et peu capables de juger

    par eux-mmes de la qualit de tel ou tel artiste ou de telle ou telle chanson.

    Disons-le tout net : les auditeurs ne sont pas sourds. La libert de cration des artistes et la libert

    ditoriale des radios prives ne sont pas antagonistes. Le conflit repose aujourdhui sur un cercle

    vicieux bien connu des philosophes et penseurs de la culture se rsumant par une clbre question

    existentielle : Qui de luf ou de la poule?Y a t-il moins de productions francophones parce que

    les radios nen diffusent que trs peu ? Ou bien, les radios ne diffusent-elles que trs peu de

    chansons franaises parce que les producteurs nen proposent pas assez ?

    Comment sortir dun cercle vicieux ? En crant un cercle vertueux. Plus les radios diffuseront

    dartistes, mieux les crateurs seront exposs sur les ondes, plus les producteurs seront enclins

    prendre le risque dinvestir sur de nouveaux talents. Et plus les radios auront le choix, donc la

    libert ditoriale, de slectionner les crateurs quelles voudront mettre en avant. Et plus les

    auditeurs, dont nous tenons rappeler une fois de plus quils sont dots dun cerveau et dune paire

    doreilles souvent prolonges dun casque audio pour mieux entendre les nuances de la cration

    musicale, seront libres de choisir les artistes et les radios... quils souhaitent couter. Ce quil

    fallait dmontrer.

    Cercle vertueux contre cercle vicieux : le choix devrait simposer de lui-mme, et conduire un

    travail en commun qui remplacerait la guguerre provoque par lamendement vot en commission

    et soutenu lgitimement par la ministre. La libert de dialogue, entre les producteurs et les

    diffuseurs, remplacerait alors avantageusement la guerre des quotas et permettrait un retour

    bienvenu des postures sans doute plus srieuses quune grve des quotas dcrte par les radios

    prives le 29 septembre.