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8 À L 1> f, " ' T V n v

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î L E V I S I i o u f * t I ABANDON DE LA NOUVELLE-FRANCE | X DRAME HISTORIQUE EN CINQ ACTES î

I ?

R E V . M. J . MARSILE, C . S. V .

i M O N T R É A L , 4

V LIBRAIRIE BEAUCHEMIN (à responsabilité limitée), Imprimeurs, * $ 256 et 25S, rue St-Paul

1902 1 * 1 •i -«-S*- -«--s».-».-».-»»-».

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L E V I S ou

A B A N D O N DE LA N O U V E L L E - F R A N C E

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o u

A B A N D O N D E L A N O U V E L L E - F R A N C E

DRAME HISTORIQUE EN CINQ ACTES

P A R

REV. M . J . MARSILE, C. S. V.

£ It. ».

M O N T R É A L ,

C. O . B K A U C H K M I N à 1 -II .S , L l H K A I K I S - h D l ' l 1 l K S .

256 et 258, rue St-Paul

1902

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Enregistré conformément it l'acte du Parlement du Canada, par le Rév. M . J . MARSILB, G S. V . , en l'aimée 1902 , au bureau du ministre de l'Agriculture.

87279

" Entered according to act of Congress, in tlie year 1902, by If, J . MAHSILK, C. S. V., in the office of the Librariau of Congress, at Washington (all l ights reserved). "

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P E R S O N N A G E S :

LOUIS XV, roi de France MARQUIS D E VAUDREUIL, gouverneur MONTCALM LEVIS BIGOT, in tendant VOLTAIRE BOUGAINVILLE BOURLAMAQUE COMTE DE M A U R E P A S (aïeul) PETIT-FILS DU COMTE DE MAUREPAS AMBASSADEUR DE LA R E I N E D'AUTRICHE VERGOR DUC1IESNEAU VARIN CADET MAURIN D« MONTREUIL MARCEL MALARTIC DU VAL, 1 VIGER, >• citoyens de Montréal DELORIMIER, J COUILLARD, ) TASCHEREAU, } citoyens de Quebec H É B E R T , J B E L L E H U M E U R , portier de l ' intendant JOSE CASSEGRAIN WOLFE RAMSAY MURRAY

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V I

HOWE (colonel , D A L L 1 N G (major;, MONCKTON MoKELLER BROWN ( l i e u t e n a n t ) SOLDATS

Dame i>K POMPADOUR " PËAN " DUCHESNE AO " BEAUBAJB8IN

MADELON BOURG ET HENRIETTE P A P I N E A U .1 EANN E TURGEON LOUISE PA NET A N T( H N ET 1" E I >OR ION UN PETIT ENFANT I'N ENFANT â '̂é de sept a n s . tils de Madeira Boorget ION EANT âgé de douze a n s FEMMES DE QUÉBEC.

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A C T E P R E M I E R

C H A T E A U BIGOT

; * ou

Asile des concussionnaires qui préparèrent la ruine de la Nouvelle France.

SCENE 1.

L e t h é â t r e r e p r é s e n t e une sa l l e du châ t eau B i g o t a v e c d o u b l e e n t r é e .

(Bruit de marteaux des deux côtés).

BELLEHUMEUK

l'af! l'ai! Bruit infernal! Puie-je aller où je veux? Pitié pour le portier qu'on prend entre deux feux. C'esl ainsi tous les jours: plu.s d'un perdrait la tête, .Mais on ne choisit pas pour portier le plus bête. 11 doit savoir juger et dire " oui," " non," à temps, Renvoyer, sans alors faire de mécontents. Si Monsieur joue ou dort: "Chez Montcalm il avise/' Quand madame se peint: " Mais elle est à l'église."

(Le marteau frappe de nouveau.)

Paf! des femmes, bien sûr! Femme ne peut attendre, f^uand elle veut parler. On leur dit le cœur tendre, Les yeux encor plus doux : au début, je le veux ;

(Montre son crâne chauve)

Mais, à la fin, je sais qu'on y perd ses cheveux.

Entendit-on jamais vibrations pareilles?

J'y cours, j ' y cours enfin rien que pour mes oreilles.

1

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— 2 —

S C E N E II.

(Le même et Varin entrant)

B E L L E I I U M E U R

C'est vous? Monsieur Varin se trompe de côté.

V A R I N

(Lui ilnii mi ni un coup de pied au derrière)

Pas cette fois-ci, hein? T u seras arrêté, Si je t'y prends encor.

KELI .EHUMEUR

Là! c'est tout son pourboire. Un fils de cordonnier: hum! s'en fait-il accroire: C'est qu'il tire autre chose à lui que du ligneul. Hélas de ce temps-ci , Varin n'est pas le seul Qui des sueurs du peuple ait fait une fortune. Cette soc ié té . . . (le marteau frappe) Faut- i l qu'on Jusqu'il ce p o i n t . . . [m' importune

S C E N E III

LK8 MÊMES, C A D E T ET M A U R I N (ne font que passer)

(A Cadet) C'est vous. Monsieur le fournisseur?

(tri vous attend tous deux.

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M A T J R 1 N

I l l eu r f a u t u n fa rceur .

B E L L E H U M E U R

Avar ice et ma l ice : il a t o u t d a n s sa bosse E t pu i s est aussi la id q u ' e x p e r t d a n s le négoce . E t ce m o n s i e u r C a d e t , j e l 'ai c o n n u b o u c h e r ; Depu i s , à l ' I n t e n d a n t il a su s ' a cc roche r : D u c o u t e a u t o u t à coup il vous passe à l 'épéc. Quel le fine cana i l le ici s 'est d o n c g r o u p é e ! Il ne m a n q u e a u j o u r d ' h u i q u e P é a n , P é n i s s a u l t : Mais l eu r s f e m m e s y son t e t c o m m a n d e n t l ' assaut . E t d i re que M o n t c a l m avec elles ee t r o u v e E t q u e d e v a n t Lév is c e t t e p o r t e auss i s ' ouv re ! S'ils vo ien t c o m m e j e vois, ils s o n t p lu s q u ' i n d u l g e n t s Ou b ien c 'est q u ' o n s ' e n n u i e à p e r d r e t o u t b o n sens .

(Le marteau frappe encore)

Des p l a i g n a r d s c e t t e fois, je vous le cer t i f ie : I l s y von t avec so in , ma i s eux j e les défie.

S C E N E I V

V I G E R , D E L O R I M I E R , D U V A L (entrent).

B E L L E H U M E U R

T u f rappes en t r e m b l a n t c o m m e u n vra i f r e luque t .

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— 4 —

T I G E R

Ma main ne t remble pas quand je porte un mousquet, J'approche un ennemi : mais verrai-je ton maître? Si j e crains, c'est, crois-m'en, de ne le voi r paraître.

I I E L L E I I U M E I T R

Voua vous plaignes toujours: vaut mieux changer [de ton,

V I G K U

'l'onjours!-' à qui la faute? et pour qui nous prend-on? T u n'es bon, toi, portier, qu'à nous ouvrir la porte.

l i K L L E l H ' M E l K

Pour que tout importun, qui te ressemble, sorte. (A part). Ceux-ci, on ne veut pas du tout les recevoir. Et qui vais-je annoncer? et qui voulez-vous voir?

D U V A I .

Nous sommes conseillers de la Ville-Marie. Veuillez-bien prévenir l ' In tendant , j e vous prie.

BELT, EH l"M EUR

S'il vient, vous le saurez (exit).

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SCENE V

(Les colons de Montréal)

D U V A L

Modérez-vous, Vigor, Ou 70U8 nous perdrez tous.

V I G E R

Je suis un étranger En pareille demeure et ne sais quel ton prendre.

D U V A L

Ce ton, nos maux affreux auraient dû vous l'ap-[prendre :

Avez-voua oublié qui, pour nous, sous ces murs, Représente le Roi, que ses arrêts si durs Portent la pauvreté, peut-être la famine? Pensez à ce pays qu'un autre Verres mine, Pensez à vos enfants qui demandent du pain.

V I G E I t

Ah! oui, pensons à ceux qui souffrent de la faim, A notre cher pays semblable à la tourelle Où pour ne pas mourir sur la pierre cruelle Un père affamé n'eut que la chair de ses fils!

DELOUJMFKK

Terrible Fbaldino! ce qu'à Pise tu fis, Sur cette terre vierge, un Bigot peut le faire. A t'aider, Canada, trop longtemps l'on diffère! Tu t'épuises en vain contre tes ennemis.

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— fi —

Effrayé, j 'aperçois tes prétendus amis, Jusqu'en ton agonie, acharnés à ta perte. Pour ces traîtres, hélas! tu n'es que proie offerte, Sanglante, riche encore, à leur avidité. La meute devinante est de chaque côté Qui te suit, haletante et la paupière fauve: Que ferons-nous?

DUVAL

Que Dieu seul encore le sauve!

DELORIMIER

Comme il sut le sauver, lorsque Phipps vint ici, Ht comme à Carillon, comme à Montmorency!

TIGER

Bien dit! Pour triompher de ce mal qui nous mine, Amis, il nous faudrait l'assistance divine. La guerre n'a cessé, monstre avide de sang, De faucher le vieillard avec l'adolescent. Faute de bras, les champs sont restés sans culture. Cet automne, où trouver pour tous la nourri ture? (.lui la doit aux soldats, ainsi qu'aux habitants, Achète pour revendre à prix e x h o r b i t a n t 8 .

La faible ration chaque jour diminue: Et que deviendrons-nous si ce temps continue? Noua voilà bien réduits à manger du cheval. Qu'attendre d'un régime inique et si vénal?

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DUVAL

Toutes s u i t e s d'impôts, les plus dures corvées Nous sont depuis longtemps tour à tour réservées. Sous chaque nouveau joug, il faut plier le dos: Le peuple est écrasé sous tant de lourds fardeaux. Et, contre ce torrent d'abus qui vers l'abîme Kmporte tout un peuple bérôïque, sublime, Où trouver le salut de la patrie en deuil? t'V-i m i e main de fer qu'il faudrait, et Vaudreuil. .

v u ; SB

Il est honnête, bon, mais quand se réfugie Le crime en son repaire, il n'a pas l'énergie Qui le traque partout ou qui meurt en lut tant .

SCENE VI

(Vertjor snlue el embrasse Duehesnenu el passe en

causant)

DU VA T.

On vient.

DBLOBIMIEB

Monsieur Bigot peut-être nous at tend.

DUVAL

Non pas, c'est Duehesneau.

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— 8 —

DET.ORIMIER

Je ne puis reconnaître

Celui qui l'accompagne.

D U V A L

Il a lea veux d'un traître.

VIGEH

Tu ne te trompes pas: c'est l ' infâme V e r g o r

<^ui perdit Jîeauséjour. qui ne vit que pour l'or.

V o i s donc ce regard faux, cette lèvre qui baise

Pour trahir un ami, cet te main qui soupèse"

( c qu'elle peut toucher, qui toujours ne se tend

Que pour arracher tout et même en assistant.

11 ne pouvait pas non plus manquer à la curée,

("est peut-être par lui qu'un jour sera l ivrée

La vi l le de Champlain , le cœur du Canada.

A cet homme .-ans foi. sans honneur, qui céda.

Dès le premier assaut, la clef de l ' A c a d i e ,

Sont confiés nos forts, sans que sa perfidie

Ne fasse de nouveau t rembler nos défenseurs.

D U V A L

A v e c ces lâches-là, nos nombreux agresseurs

Auron t beau jeu!

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— 9 —

l'as avant qu'il soit plein.

[Lu porte il'une snllr s'ouvre: on voit des convives à table cl l'on entend leurs rires. . . désignant

les hôtes.)

Tels qu'ils sont, ciel, tu nous les livres. Entendez-vous le bruit îles verres?

VIGER

Ah! les vivres \> manquent pas ici.

DELORIMIER

J e sens les doux fumets Des viandes et du vin.

VIGER

C'est bien vrai, non, jamais J e l'aurais cru.

DELORIMIER

Crois-en tes yeux et sache dire A ces hommes leur fait, s'il le faut, les maudire.

VIGER

Mais Bigot viendra-t-il?

DUVAL

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— 10 —

D E I . O R I M I E K

A c o m p a t i r a lors il sera p lu s enc l in !

D U V A L

l ' i r e q u e le s e rpen t qu i n e m o r d ni ne blesse,

Q u a n d il s 'est b ien repu , c ra ins q u ' e n nos c œ u r s il

De ses refus le d a r d et le ven in m o r t e l . [ laisse

S C E N E V I I

( L E S MÊMES , c i t oyens d e Québec e n t r a n t e t le p o r t i e r

f o r m e n t u n g r o u p e à d ro i t e . )

V I G E R

A h ! d ' a u t r e s c o m m e nous e n t r e n t p o u r faire appe l

A ta merc i . B igo t . S o u v e n t sous c e t t e v o û t e .

Aux r i res des fes t ins , se son t mêlés , sans d o u t e ,

Les réc i t s de nos m a u x , le cri de nos d o u l e u r s :

Des pères affamés, des mère s t o u t en p l eu r s ,

V i e n n e n t p l a ide r en va in , p a r t e n t la m o r t d a n s l ' âme .

P o u r q u o i Dieu , qui voit t o u t , to lè re - t - i l l ' i n f âme?

D U V A L

A nos vreux. c ro i s -moi . D ieu ne res t e ra pas s o u r d :

Le pouvo i r du m é c h a n t c o n t r e le j u s t e est c o u r t .

11 peu t t o u t a u j o u r d ' h u i , mais d e m a i n il chance l l e .

C o m m e la t o u r il m o n t e , et t o m b e aussi c o m m e el le .

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— 1 1 —

HÉBERT (donnant de la monnaie au portier)

T i e n s ! po r t i e r , ma i s fa is -nous recevoi r les p r e m i e r s .

D E L O R I M I E R

E t nous , de M o n t r é a l , passe rons les d e r n i e r s ?

V I G E R

E h ! j u s q u ' à son e n t r é e , ici d o n c t o u t s ' a chè t e?

D U V A L (à part)

On fait ainsi so r t i r B igo t de sa c a c h e t t e .

D E L O R I M I E R

V o u s q u ' o n reçoi t si b ien , d 'où venez-vous , mess i eu r s?

C O U I L L A R D

N o u s s o m m e s de Québec , fami l ie rs en ces l ieux.

D U V A L

V o u s le p renez de h a u t : ça t i e n t d u cap peut-être?

TASCHEREAf

N o u s t e n o n s n o t r e p l a c e : apprenez à c o n n a î t r e I^a vô t r e .

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— 12 —

D E L O R I M I E K

M a i s p renez t ou t : même le cheva l ;

A nous qu ' un peu de Ixi ' l lf .

H É B E R T

Kh ! ce n ' e s t pas si m a l .

S i vous en ê t e s là . P l u s d 'un se n o u r r i t d ' h e r b e ,

A q u e l q u e s pas d ' ic i : le b l é que l 'on e n g e r b e ,

E s t m a n g é pa r p lus ieu r s a v a n t d ' ê t r e m o u l u .

V I O E R

P a r c e qu ' à M o n t r é a l quelques-uns o n t vou lu

C O U I L L A i f l )

O n y veut le m e i l l e u r de t o u t .

D E L O R I M I E R

M o n s i e u r o u b l i e

Q u e vous avez l'évêque e1 l ' i n t e n d a n t .

C O U I L L A R I I

F o l i e !

E t que î - ' a jou tez -vous , M o n t c a l m , le g o u v e r n e u r ?

N o u s le savons depu i s l o n g t e m p s : à n o u s l ' h o n n e u r ,

M a i s à vous le prof i t , les espèces s o n n a n t e s .

DU VA L

A c h a c u n son dû , q u o i ! l o r s q u e j ' h a b i t a i s N a n t e s . . .

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HÉBERT

Vous étiez un Nantais,

D0VAL

Mais pas un Québecquois.

TASC11EHEAU

Regardez: n'est-ce pas l 'intendant que je vois?

COUILLARD

Lui-même vient à nous.

DU VAL

Je tremble à la pensée D'exposer nos griefs, et ma gorge, pressée Par la main de la crainte, à peine trouve un son.

S C ' K X K V I I I

LES MÊMES et BIGOT

BIGOT

Qu'est-ce que l'on me veut? Quelle est votre chan-[son?

C'est la même toujours? des larmes et des plaintes? Des impôts vous sentez encore les étreintes?

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— 14 —

La ration n'est pas au gré de vos désirs? Et vous travaillez trop? Ai-je, moi, mes loisirs? Parlez, niais soyez bref.

HÉBEHT

Vos heures sont comptées, Mais que nos plaintes soient un instant écoutées. Nos bras ne craignent pas le travail: ils ont fait Ces rivages si beaux, abattant la forêt, Ensemençant le sol, créant nos jeunes villes. Pour défendre le Roi, nos libertés civiles, Xous quittons la charrue et prenons le mousquet. Sans vouloir exiger le menu d'un banquet, 11 faut au moins du pain pour soutenir nos forces. Les moyens que l'on prend sont comme des amorces Pour nous enlever tout, enrichir des roués. Par les agents du fisc, nous sommes bafoués.

BléoT

Comme vous méritez.

COUILLARD

Se peut-il qu'on approuve Ces êtres qui sont plus rapaces que la louve? Et pourquoi tant suer? Quand nos greniers sont

[pleins. Par ces gueux, les scellée sont mis sur les moulins; Impossible d'avoir à leur prix les denrées Qui sont, avant d'entrer dans nos forts, capturées;

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— 15 —

Dieu sait comment, plus tard, l'acheteur les revend; Les achète qui peut: on s'en prive souvent; Ils trafiquent de tout, même de notre vie.

BIGOT

Finirez-vous bientôt ?

TASCHEREAU

Savez-vous quelle envie Ces trésors mal acquis excitent parmi nous? Chacun veut imiter le luxe des filous, Pour jouer follement se livre à la rapine. La pureté des mœurs, cette fleur sans épine, Gloire de notre sang, se flétrit sur nos fronts; On y met l'impudeur, les plus lâches affronts. Jadis si le pays pourtant n'était pas riche Personne n'était pauvre, et maintenant s'affiche En tout lieu la richesse avec la pauvreté: Affreux contraste aux yeux du peuple épouvanté! Oui, la colonie a vite changé de face. Quel remède apporter? que voulez-vous qu'on fasse? XVst-il pas temps d'agir? Aidez-nous donc.

1UOOT

Assez!

VIGER

Quoi! sans être entendus. Monsieur, vous nous chas-

[sez?

(Bir/ot (Tun geste leur signifie rie sortir)

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— 16 —

T A S C H K R E A U (à part en sortant)

Quand l'homme ne peut rien, c'est le tour de la [femme :

Al i ! qu'en nous entendant soudain son cœur s'en-[ flamme!

SCENE I X

BIGOT

Les insolents! jusqu'où vont-ils aller? je veux Leur fermer ma maison. Ah! moi, m'occuper d'eux? De ces importuns? j 'ai bien autre chose à faire. L'intendance n ' e s t qu'un pas pour une autre sphère. Et, pendant (pie j ' y suis, je tondrai le troupeau A toutes les saisons, bien ras, jusqu'à la peau. Lévis, naïf encor, ne rêve qu'à la gloire. Je ne convoite pas cette idée illusoire: Mirage de la vie aussi beau que trompeur, (^ui fuit connue à l'aurore une blanche vapeur. A Ijévis un nom grand comme cette Amérique! A moi plaisirs, argent, toute chose pratique! Qu'il perde, ce rêveur, nourriture et sommeil Pour se donner en songe un avenir vermeil! Moi! je veux bien manger, jouer à toute outrance-. De l'aveugle justice incliner la balance Par le poids de mon or: toujours faire la cour Aux femmes qui, pas plus que moi, croient à l'atnour. Peut-on me blâmer? Quoi! je fais comme mon maître.

^ 1

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— 17 —

SCENE X

L E M Ê M E , V E R G O K

B I G O T

Avancez donc, Yergor.

V E R G O R

Mais pardon, après in ' ê t r e l 'ne minute assis, il faut jouer un peu: Ah! si vous aviez vu sur la table l'enjeu!

B I G O T

A nous deux maintenant, c'est une autre par t ie : Xotre société sera-t-clle engloutie, Comme dans l'océan sombre un frêle vaisseau? Aucun doute pour moi: la mort a mis son sceau Sur les jours bien comptés de la Nouvelle-France. Hien ne fait présager qu'on veut sa délivrance. Oui! je prévois qu'avant le retour de l'hiver Les Anglais nous t iendront dans un cercle de fer. Leurs soldats sont par tout : leur flotte nous menace. Pouvons-nous donc toujours compter sur notre

[audace? Non, prenons, mon ami, le part i le plus sûr.

V E R G O R

Tariez: je ne crains pas que vous soyez trop dur.

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— 18 —

B I G O T

Bien, je reconnais là le serviteur iidèle. Ce soir, vous partirez: quittez la citadelle Pour la campagne: c'est le temps de la moisson, La dernière peut-être? Aux habitants le son. Ils vont se récrier, mais à nous la farine! Fouille/, grange et maison: que votre œil examine Tout, et chaque rapport, je le veux sous serment.

V E R G O R

Mais l'évêque travaille à notre détriment.

B I G O T

Comment ?

V E R G O R

11 les soutient jusqu'en leur résistance.

B I G O T

A ces manants doit-on la plus grasse pitance?

V E R G O R

Qui se bat, Monseigneur dit. a droit de manger.

BIGOT

[/herbe est bonne pour eux. Ça me fait enrager! Saisissez tous les grains qui nous viennent d'Europe Pour les vendre à profit : ce commerce interlope

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— î a —

M'a d o n n é , l ' an d e r n i e r , u n mi l l ion d ' écus .

Las magas in s d u ro i r eço iven t m o i n s q u e p l u s :

N o u s l eu r f o u r n i r o n s t o u t m o y e n n a n t bénéfice.

V E R G O K

P l u s d ' u n est a u c o u r a n t de l ' hab i l e art if ice

E t veu t fa i re c o n n a î t r e à V a u d r e u i l son soupçon . Mais savez-vous quel t i t r e on d o n n e à la m a i s o n ?

B I G O T

El le en m é r i t e un beau , d i t e s d o n c .

V K R G O R

L a Friponne.

B I G O T

Mais on d e v r a i t p l u t ô t l ' appeler , la Mignonne. Cra ignez -vous?

V E R G O R

Mes dés i rs des r ichesses son t te ls Que je pu i s p r e n d r e l 'or j u s q u e su r les a u t e l s .

B I G O T

O u i ! sachez profi ter , V e r g o r , de vo t r e p l a c e :

Al lez! ta i l lez! rognez ! ad i eu ! j e vous e m b r a s s e .

A h ! puiss iez-vous q u i t t e r a v a n t peu cet e m p l o i

P o u r a c h e t e r en F r a n c e u n fief a u p r è s de m o i !

(Verr/or sort)

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S C E N E X I

{Bigot et convives... Dame Péan ballant des mains)

D A M E P É A N

Quel bon c o u p ! j ' a i g a g n é !

M O N T C A L M .

S u p e r b e !

D A M E P É A N

U n coup de douze! (.4 Bifjot) V o u s ici! C 'es t assez p o u r m e r e n d r e

[ j a louse . D A M E D U C H E S N E A U

Ainsi vous n o u s q u i t t e z ?

1>A M p P É A N

Que di t le d é s e r t e u r ?

BIGOT

P o u r l u t t e r avec vous , j e suis p a u v r e j o u t e u r . P u i s p la i s i r et devo i r do iven t m a r c h e r e n s e m b l e ; Y e r g o r a l la i t p a r t i r , j e lui dois , ce m e s emb le . Que lques consei ls .

D A M E P É A N

V r a i m e n t ! est-il nov ice e n c o r ?

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— 21 —

D A M E D U C H E S N E A U

Vous êtes sérieux depuis hier.

BIGOT

E t L'or

Que je perds?

M A U R I N {montrant sa bosse)

Je le prends, n'ai-je pas de la place? Le diable, soyez sûr, m'en fait pas la grimace.

MONTCALM

La guerre l'inquiète.

D A M E P É A N

Ah! laissez à Vaudreuil De semblables soucis et de tels airs de deuil.

MONTCALM

Et n*a-t-il pas sa femme aussi pour conseillère? Comme ils ont critiqué tous deux mon plan de

[guerre! D A M E D U C H E S N E A U

Elle, prendre l'épée! usurper votre rang!

MONTCALM

Femmes, vous pouvez vaincre et sans verser de sang.

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— 22 —

BIGOT

Les c œ u r s s a i g n e n t p o u r t a n t sous ces vives b l e s s u r e s : L 'avez-vous j a m a i s s u ?

DAME P É A N

N o u s n ' e n s o m m e s pas s û r e s . . .

O u b l i o n s ces e n n u i s , b ien lo in de la c i té , v E n fa i san t au c h â t e a u nos ad i eux à l ' é té .

Noue d a n s e r o n s s u r l ' he rbe e t sous le frais o m b r a g e .

Aux éc la t s des r i eu r s , les o iseaux f e ron t r a g e :

Les fleurs n o u s e n v e r r o n t œi l lades e t p a r f u m s

E t le soir nous j o u e r o n s ; la chance à q u e l q u e s - u n s

A p p o r t e r a sa bourse . A h ! vous ferez f o r t u n e !

DAMK B E A U B A R 8 I N

Xi M I S fu i rons d o n c la ville et la foule i m p o r t u n e : La l u n e verra t o u t , ma i s sans en d i re r i en .

DAME D U C H E S N E A U (s'approchaiit de Bigot)

Du s e i g n e u r de céans , je suis l ' ange g a r d i e n .

BIGOT

Qu'en d i t M o n t c a l m ? en va in , sans lu i , j e m ' i n g é n i e .

MONTCALM

Lévis m 'a laissé seul .

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— 23 —

S C E N E X I I

(Le port in-, puis ties femmes cl des enfants)

B I G O T (surpris)

Des f e m m e s ?

M O N T C A L M (à pari en sortant)

J e n ' e n suis p l u s a lo r s .

B E J . L E H C M E U B

Oui , des femmes.

DAME P É A N

Q u a n d on a le g é n i e ,

( lu sait bien v a i n c r e a v e c u n f a i b l e b a t a i l l o n !

D A M E D U C H E S N E A U

V o u a nous fe rez e n c o r e u n c o u p de C a r i l l o n !

B I G O T

.Mais d 'où v i e n t d o n c c e b r u i t ? e x c u s e z - m o i ,

[ m e s d a m e s .

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S C E N E X I I I

L E S M Ê M E S moins M O N T C A L M

B I G O T (au portier)

T u les laisses venir en criant jusqu'à moi?

B E L L E H U M E U K

J 'a ime autant tenir tête aux grenadiers du Koi

Quc de leur résister: mon habit est en pièces,

E t j e crains de leur part pires scélératesses.

Elles ne veulent voi r aucun autre que vous,

E t v iennent ici même.

B I G O T

0 ciel! où sommes-nous?

l ' L U S I E U R S F E M M E S

A h ! le voic i !

B I G O T

Sortez.

M A D E L O X BOITRGET

D e sortir tu nous sommes?

Nous, femmes, resterons quand tu chasses les

[hommes .

B I G O T

J'appellerai la troupe à l 'aide des valets.

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H E N R I E T T E P A P I N E A U

Al i ! cola Tira mieux que con t r e les A n g l a i s .

J E A N N E T I K U E O N

Qu ' i l s v i e n n e n t tes so lda t s !

M A I 1 E I . O N H O U H G E T

C o n t e n t e t o n env ie .

L O U I S E l'A N E T (montrant sa poitrine)

F r a p p e ! t i ens ! A u t a n t vaut la mor t que n o t r e vie.

B I G O T

Kst-ce vous (pie j ' e n t e n d s ? ces défis, ces t ons l i a n t s . . .

LOUISE P A N E T

O h ! la l i onne à qu i l 'on p rend ses l ionceaux

N e c o n n a î t p lus la c r a i n t e : elle so r t de son a n t r e

P o u r g u e t t e r le chasseu r et sa p r o i e : elle r e n t r e

Avec tous ses p e t i t s ou m e u r t en l e s s a u v a n t .

A h ! n o u s aussi , c o m m e elle, i n t e r r o g e o n s le v e n t !

D i s : où sont nos époux et nos e n f a n t s ? tu jong les ,

T/épée à t o n c ô t é ; n o u s , n o u s avons n o s ong le s !

B I G O T

V o y o n s ! f emmes , qui fait la veuve e t l ' o r p h e l i n ?

( "est l ' h y d r e de la guerre,

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L O I * IS10 P A X E T

A h ! chez nous c'est la faim. Avec la table vide, il faut que l'on défaille. Heureux qui peut rougir les grands champs de

[bataille!

H E N I Î I E T T E P A P I N E . U '

Du pain! Seigneur!

L E S F E M M E S

Du pain!

A N T O I N E T T E D O R I O X

Doublez les rations.

C A D E T

Voua recevrez bientôt d'autres provisions.

L O U I S E P A N E T

Oui! des tiennes pendant que tu feras la noce; Ramasse pour Québec, des cochers chaque rosse. Elles portent ton nom! et c'est notre régal, Quand nous pouvons l'avoir! Bah! ça t'est bien égal.

A N T O I N E T T E D O R I O N

Que n'olfres-tu le blé que l'on jette à tes poules, Quelques gouttes du vin dont souvent tu te saoules?

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MAURIN

Q u e fai re? q u a n d t o u t m a n q u e , u n e once ou d e u x

[ c ' e s t t r o p .

MADELON BOUROET

Tai s - to i , dos de c h a m e a u , f igure d ' e sca rgo t !

HENRIETTE PAPINEAU

P a s u n e a u t r e pa ro le ou j ' a p l a t i s t a bosse.

MAURIN

Pensez-vous y t r o u v e r ce qu i vous m a n q u e ?

HENRIETTE PAPINEAU

A t r o c e !

Es t - ce d ' u n ê t r e h u m a i n ? se m o q u e r d u m a l h e u r !

ANTOINETTE DORION

Il n ' e n a pas la fo rme , enco re m o i n s le c œ u r .

LOUISE PANET

V o u s vous gorgez ici ; vous vendez aux A n t i l l e s

Ce q u e n o u s mo i s sonnons , q u a n d , tout) p rès , nos

[ f ami l l e s

M e u r e n t , f a u t e de pa in . 0 l a r r o n s ! vils t u e u r s !

Qui l'a semé ce b lé? fécondé de s u e u r s ?

0 f lâneurs , est-ce vous? vous , ô f e m m e s légères?

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— 28 —

DAME PÉAN

J e ne puis plus longtemps entendre ces mégères.

LOUISE PAN ET

Tu liais de tels accents? Si tu (levais souffrir Tout ce que j 'a i souffert, lorsque j 'ai vu mourir Le chanteur le plus doux de ma jeune nichée, Comme sur ton sein meurt, ô terre desséchée, Ayant soif de la ploie, une naissante fleur: Si. faible, tu n'avais à répandre qu'un pleur En cette bouche alors de ton lait altérée Et que pour le baiser des mères le ciel crée, Que ferais-tu donc? femme, oh! sache compatir. Donne pour que l'on puisse et vivre et se vêtir. Tu ne peux m'écouter? tu détournes la tête? Pour toi, reine en ces lieux, la vie est une fête; Tu portes de la soie et nos enfants sont nus ; Tes deux coursiers fringants à peine contenus. Sur de moelleux coussins, t 'entraînent, belle, altière; Hans les chemins, nos pieds saignent à chaque pierre. En marquant tous nos pas de traces de douleurs; A ton front radieux s'enguirlandent des fleurs; Seul l'orage se joue en notre chevelure; Nous ne t'envions pas pourtant cette parure: Vous n'avons pas ton or, mais nous avons l 'honneur! Puisque de la vertu la pudique rougeur A ton visage peint, hélas! jamais ne monte, Toi. de ton sexe, ici, la risée et la honte. Recois la peine due à d'infâmes achats: Où l'on mit des baisers, nous mettons des crachats!

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— 29 —

D A M E rÉAN (s'affaissant)

Ah!

BIGOT

Quand se taira-t-elle? Ah! c'est une furie.

L O U I S E P A N E T

O u i ! dans moi tes fureurs s'incarnent, ô patrie! Venez, gémissements des mères, des enfants. Voix des soldats tombés, niais toujours triomphants, () prière du pauvre, implorant, une aumône, Désespoir des refus et vains appels au trône. Vous, outrages sanglants à la just ice, au droit, Kâles d'agonisants morts de faim et de froid. Adieux du pionnier qui de son ciel s'exile. Larmes des paysans volés et sans asile, Ut, toi, sang répandu par tant de nos martyrs! Que ces cris déchirants et que tous ces soupirs D'un peuple qu'on écrase aient l'éclat du tonnerre Tour arrêter enfin la bande mercenaire! Es t -ce assez pour toi? non! Les haines de l'enfer Devraient venir aussi! Mais sur leur seuil de fer. Où meurt toute espérance, elles t 'at tendent! tiare! Soutenez-moi: j e tombe. . . Oh! mon esprit s 'égare. . Dieu! J e me meurs de faim. . . du pain! à mon

[secours! Four le maudire encor, le maudire toujours!

D A M E P É A N

Arrêtez.

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— 30 —

B I G O T (vivement)

Arrêtez, je donne ma parole, Voue en aurez du pain; le jeûne la rend folle.

M A D E L O N B O T J U O E T (à part)

Avec ce qu'elle endure, on le serait à moins.

A N T O I N E T T E D O R I O N

Dieu l'inspire plutôt.

B I G O T

Prodiguez-lui vos soins,

Allez ù vos maisons, que tout trouble finisse.

H i : M U E T T E PAPINEATJ (joignant les mains de son

enfant)

IJJis-lui : merci. E N F A N T

Merci!

L O U I S E l ' A N K T (se relevant lentement petulant que les

autres femmes t'inclinent)

Que le ciel le bénisse.

E I D E A U .

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— 31 —

ACTE DEUXIEME

VERSAILLES o v

Abandon du Canada par la France.

S C E N E 1

Le théâtre représente le boudoir de Madame de Pompadour au château de Versailles

M ADA M K I>IC POMl'ADOl'K (snilr)

Comment se passera pour moi cotte journée? Ce n'est pas sans combat que la gloire est donnée. Oui! dans tout le royaume on s'arme contre moi : C'est pour me disputer le cœur changeant du Roi. E n vain j e fauche à droite, à gauche, j e nivelle Partout où J'on s'élève, une beauté nouvelle S'épanouit encore aux regards de la cour. Que pensera Louis de ce riant atour?

(iS'e regardant dans une glace)

Mon miroir, dis-moi bien si tu vois une ride. () roses! fleurissez sur cette joue aride. Voilez ce qu'ont flétri les ans et les douleurs, E t ne laissez pas voir la trace de nies pleurs. Restez, flamme des yeux et douceur du sourire; Illuminez ma face, ainsi que viennent luire Les rayons du soleil dans l'azur clair et doux : E t qui sans vos attraits pourrait prendre les fous?

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— 3 2 —

SCENE II

LA M Ê M E , U N V A L E T

L E V A L E T

Votre courrier, madame.

M A D A M E D E P O M P A D O i ' K (assise à soit bureau et déca­

chetant ses lettres)

En voilà des sottises! " Oh! donne à ce dessin ton nom, toi, qui baptises Les chefs-d'œuvre de l 'art! " Il sait peu sa leçon. Ils me feront bientôt reine de la f a ç o n . . . Un insolent me traite ici de subalterne: Demain, à ses dépens, il saura qui gouverne. Catherine, Thérèse et moi, nous sommes trois. Et quelle tr inité! pour tenir tête aux rois. J e me ris de leurs coups. . . Ah! ce pauvre d'Estrées! Par l'ennemi, de près, voit s e s forées serrées! " J e crains une défaite, envoyez du secours. " Oui! pauvre général, à ton aide je cours. Voici sur ce papier tout un plan de campagne; C e t t e mouche, là, marque un corps qui t 'accompagne; L'autre indique, plus loin, la troupe des Anglais. Les mouvements avec celle-ci sont comple t s . . .

()' met une mouche qu'elle prend sur sa fare)

Qu'est-ce? le parlement et la cour sont aux prises? On demande de mettre encor fin à leurs crises:

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— 3,T —

t ' e s t pire à raccorder epic deux vieux amoureux.

On s'entête en ja loux, quand on serait heureux

De s'embrasser après une pure vétille.

Les grands devront céder ou bien c'est la Bastille. . . Tiens! tu veux un cordon ? tu n'as que peu d 'esprit .

J'ai besoin d'argent; prends l'Ordre du Saint-

[Esprit . ; . Ce finaud d'Argenson, Loin de Paris, s'ennuie:

Sans mon pouvoir , monsieur, voyez où l'on

[ s ' appuie . . .

l 'oint de paix ! un nuage encore à l 'horizon.

Je m'en doutais: toujours blâmer ma l ia ison!

L'Evêque de nouveau de ses foudres me Frappe:

La couronne est en jeu . je vais écrire au Papé.

SCENE I I I

L A M KMK, un serviteur, puis le comte de Maurepas et

son petit-fils, serviteur présentant une carte.

H L U E D E P O M P A D O U R

Quoi! ton père et ton Jils. comte de Maurepas!

Sans doute ils p leureront : . l e ne les verrai pas.

(Au. ni let)

Qu'ils entrent.

Vous v e n e z ? . . .

C O M T E D E M A F R E P A S

Que notre voix vous touche,

("est l 'aïeul et l 'enfant : voyez, j e suis la souche;

2

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L u i , la fleur. Je \ai> à la tombe: L'abandon!

El lui sort 'lu bercaau: l'espoir! eh bien, pardon!

Ohl pardon pour*mon (ils! oh! pardon pour son père

h \ \l i: DB P O H P A D O U B

Mais vous r t e » naïfs: votre mille- espère

(jw demain je rappelle un pareil ennemi,

A l o r s ipie mon pouvoir est à peine affermi.

T u le sais comme moi, sa langue venimeuse

.M'a chantonnée et sur tous les tons: qu'il se creux

L'esprit pour se t irer de là.

OOMTE m: M A I ' i t K I ' A S

Je l'ai blâmé

Comme vous; il eut tort, mais il est animé

I>'iin autre esprit envers votre aimable personne:

Ah! comme le malheur à la vertu Façonne!

Là-baB, il meurt d'ennui.

H LIU D E P O M P A D O U R

(Ju'il hase donc des vers :

Il a. cet homme, avec bien d'autres, ee travers.

LE P E T I T - F I I . S (x'tii/riinuillant)

Ecoutez-moi , madame. Oh! pit ié pour mon âge!

l ' i t ié pour l'exilé! j e serai votre page.

OOMTE DE M A t ' R E P A S

Arrê t e , mon enfant, et ne va pas plus loin.

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LE l ' i ' i - i i i . s ( \ c relevant)

Mais quand c'esl pour mon père? A h ! le ciel m'est | témoin

Qu'afin de le sauver j e me ferais esclave.

COMTE DE M A l ' K K I ' A S

Mais il es! une tache au Iront que rien ne lave.

C'est trop t'abaisser: toi, descendant d'un croisé, Soulever le manteau dont les bords ont rasé

Tant de l'ange, depuis le bouge jusqu'au t rône!

DAME DE POMPADOUB

Acteur! vieil insensé! j e me ris île ton prône

Kt monte de ma houe au palais de nos rois.

CO M TIC DE M A T R E P A S

T u t'en enorgueil l is? plus vile que j e erois!

La beauté n'a qu'un t emps ; comme la Ileur, se

| charme:

Sous les ans pâliront. T u te moipies des larmes

l) 'un entant, d'un viei l lard, ét non- chassés d'ici :

D e ee château royal , tu sortiras aussi,

H umi l i é e , après en avoir été l'hôte;

Mais nous, bien ipi 'attristés. sortons la tête liante.

(Exeunt.)

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— 36 —

SCENE IV

D A M E D E P O M P A I N H I t

(J'en est trop! tant d'audace aujourd'hui me confond. Ah! ils nie paieront cher l'insulte qu'ils me t'ont. Oui! oui! j 'humilierai la fierté «le ces races: he leur prestige ancien, qu'elles n'aient plu»' de

( traces. Qu'un sang verse- jadis pour la France et pour Dieu. S'épuise goutte à goutte en chaque mauvais lieu! lueurs aïeux du devoir avaient atteint les cimes; .Mais elles descendront sur ia pente des crimes Si has, qu'elles n'auront que l'accablant mépris Du peuple pour hommage! Ah! oui, je leur ai pris Une royale proie: aussi l ' o n me jalouse! Biais non pas par vertu, pour venger une épouse. Eh bien! pour arriver jusqu'au trône du roi, 11 vous faudra d'abord, seigneurs, passer par moi: Inclinez-vous, noms tiers, couronnes et tourelles. Immortels souvenirs de fameuses querelles! Inclinez-vous, esprit aux desseins généreux, Ombre de chaque siècle, héritage des preux Qui vient de saint Louis, date de Charlemagne, (l grands, pliez l'échiné afin d'entrer au hagne! Que leurs titres sacrés jusqu'au plus pur hlason. Te soient un piédestal, ô fille de Poisson!

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SCENE V

LA MÊME, un serviteur

DAME D E POMPADOUR

Eh bien? L E S E R V I T E U R

L'ambassadeur de la reine d'Autriche.

D A M E D E P O M P A D O U R

J e l 'at tendais: alors il faudra que j'affiche Un tout autre air.

L ' A M B A S S A D E U R

J e suis, madame, le porteur D'une lettre pour vous.

DAME D E P O M P A D O U R

De la reine? enchanteur! Merci, monsieur le Duc: tant de bonté m'accable. Vous venez de Vienne et, d'une haine implacable, Sa Majesté poursuit-elle eneor Frédéric?

L ' A M B A S S A D E U R

La reine le déteste à l'égal de l'aspic.

DAME DE P O M P A D O U R

Je l 'admire; une femme, et comme elle est hardie Vous restez: nous jouons ce soir la comédie.

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— 38 —

L'AMBASSADEUR

Merci: je sors et vous laisse quelque loisir.

DAME DE POMPADOUR

Lisons cette missive: ah! pour moi, quel plaisir!

S C E N E VI

DAME DE P O M P A D O r i t {srilli-)

Allons! vite! brisons le sceau, " ( ' h è r e cous ine ." l)ois-jf en croire mes yeux? .\p]>clez-nioi " B o b i n e " Tant que roua le voudrez, monsieur de Maure-pas. Moi, m'occuper d'affronts qui viennent de si bas, Quand la main d'une reine et d'une impératrice, Me trace ces chers mots! il faut que se guérisse La blessure que tit à mon cœur plus d'un grand: Cette lettre soudain m'élève au plus haut rang. Bh! Burnommez-moi donc encor " Cotillon qua t re" . Frédéric! mais gagner ce point n'est-ce pas battre Le vainqueur de Rosbach ? {A/nrs atuir lu) Tu l'au-

[ras. ce secret. Ce soir, avec sa clef, j 'ouvrirai le coffret. B ien! Bien! il te faudrait de plus sa brave armée: T u l'auras! tu l'auras aussi, ma bien-aimée! Tout ! Tout ! " C H E R E C O U S I N E ! "

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SCENE V I I

LA MÊME él 70 L T A I SB

DAME DE POMPADOUR

Ah! Voltaire, c'est vous

VOl.TAlItE

Tout à la joie?

DAME DE POMPADOIi;

''"titrez, mais tombez à genoux.

vm.'i 'AiifE (pliant le gmou)

Personne plus que moi, déesse, vous adore.

DAME DE POMPADOUK

Maintenant c'est le roi de l'es|iril qui m'honore, l u e reine se joint à vous: voyez, lisez. Je triomphe!

VOI/I'A I BE

De tout, toujours quand \ous osez. Devant votre beauté s'incline la couronne. L'élite des esprits en choeur vous environne.

DAME DE POMP LDOUB

Oh! oui, tous, (ironiquement) excepté monsieur <l | Maurepai

Jl se repent p o u r t a n t et j e vous d is tout has

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— 40 —

Qu'il est comme un malin qui fait venir le prêtre A chaque mal qu'il prend: vous connaissez peut-être Ce fin nialade-là?

V O L T A 1 K E

Le santé rend plus fort, l 'our le comte, p a r d o n . . .

D A M E D E PO M l 'A 1)0 U H

Il mérite son sort Et je viens de le dire à son fils, à son père.

SCENE V l l l

L E S M Ê M E S , un V A L E T

LE S E R V 1 T E U K

Les Messieurs de Québec.

D A M E D E P O M P A D O U R

Allons, j ' a t tends la pairî.

V O L T A I K K

Comment vont les castors?

D A M E DE P O M P A D O U R

Eux? ils me font frémir.

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— 41 —

VOLTAIHE

Finiront-i ls jamais?

DAME DE POMPADOUR

Le roi ne pent dormir

Avec tout leur fracas. Voilà qu'on l ' importune

Depuis nombre de jours pour changer la fortune

D'un pays qui se lève et toujours pour tomber.

V O I . T A I l i K

E t c'est à votre tour!-'

D A M i: ni: cou c u i o n t

Mais je vais les dauber.

SCENE IX

LES M KM Ks, LÉVIS, DE BOUGAINVILLE

DAME DE POMPADOUR

A ces deux envoyés, il faut que j e réponde. I ls m'arrivent de loin, ils sont de l'autre monde.

Cher Voltaire, {lex prrxeiilmil) monsieur Chevalier

[de Lévis,

Monsieur de Bougainville, et pour leur chaud pays, Quand allez-vous partir?

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— •12 —

V o l . T A U t K

Moi ? le plus tard possible.

i > \ M i : m-: POM i' \ H O I R

Vous ne xrrvc/. pu là salan. mais l'irascible Indien.

\< > i / i 'A i m:

.Mais Tun vaul l'autre: un sauvage sait peu.

I . K V I S

Il sail aimer la France et sait qu'il eai un Dieu.

I I A M K DE POltPADOUH

Mais 11 en coûte cher.

V O I . T A 1 ( x ' i h l r i ' x x n n l n Li'rix)

T o u t ça, c'est dans mes l ivres.

D e plus, chaque an, j ' e n tire au moine vingt mille [ l ivres .

H W I I : 11K P O M P A O O l ' R

Puis l 'Ang la i s ne veut pa.s raisonner; il est fou.

El vous trouver l 'argent qu' i l faut? j e ne sais où.

V O I . T A I R K

Montca lm bat-il l 'Ang la i s ?

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— 43 —

DAME DE POMPADOUB (/TOfl iq nniinil )

Connue le roi de PruflM,

Sun poète.

V O L T A I R E

Epargnez-moi .

DAME DE POMPADOUB

Mais, monsieur, >i j'eusse Cru que ces coups faisaient encore m a l . . .

V O L T A I R E

Assez.

DAME DE POMPADOUB

D'accord. Je cours finir ma toi le t te . T racez

A nos Canadiens un plan de po l i t i que :

Noua décidons tous deux du sort de l ' A m é r i q u e .

Je reviendrai tantôt avec Sa Majesté ,

Pour une promenade, et votre habileté. . .

V O L T A I R E

Aura su tout régler , finir v o t r e mar ty re :

Quoi! les soucis mêler l 'ombre à vo t r e sour i re . . .

DAME DE POMPADOUH (interrompant)

Merc i ! j e serai belle. (Exit)

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— 1-1 —

SCENE X

LES MÊMES

L É v i s (à part)

Ah! nous sommes perdus

DB BOUGAINVILLE (ri Voltaire)

Par vous, tous nos griefs seront done entendus: Soyez notre avocat.

V O L T A I H K

Oui, l'avocat du diable.

L E V I S

Vous serez sérieux; quand l'infortune accable Des Français comme vous, aidez-leur done un peu: ("est tout notre avenir qui, là-bas, est en jeu, C'est le moment d'agir, c'est l'heure décisive.

VOLTAIRE

Que voulez-vous, messieurs?

LÉVIS

Prendre la défensive: L 'Angleterre vomit ees soldats par milliers. Près de nous ses colons se sont éparpillés Ainsi que sur le sol les feuilles en automne. Noua demandons de l'aide, et cela vous étonne?

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— 45 —

Pour nous défendre faut-il at tendre qu'enfin On nous mette le pied sur la gorge? Kst-ce en vain <^ue nous aurons franchi de si longues distances Et bravé les fureurs de la nier? Nos instar.ces Par votre bouche iront à l'oreille du Poi, Et gagneront son cœur.

V O L T A I H E

Mais dites donc pourquoi Prolonger de la sorte une lut te inutile?

D E B O U G A I N V I L L E

Jusqu'ici nous avons su vaincre, et l'on vacille?

V O L T A I H E

L'Anglais est toujours là, recommençant demain Tout ce qu'il fit hier: sa défaite est un gain. Elle ne peut, messieurs, que grossir son armée, Comme en touchant la terre, à cette mère aimée. Un géant affaibli redevenait plus fort.

D E B O U G A I N V I L L E

C'est qu'alors l'ennemi l'ait un suprême effort. Nous, nous sommes laissés sans vivres et sans armes.

V O L T A I U K

De Belle-Isle répond à toutes vos alarmes: L'envoi de nos soldats ne ferait qu'augmenter Ceux contre qui, dit-il. nous ne pouvons lutter.

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— 46 —

LEVIS

A h ! le rouge nie m o n t e a u front r ien q u ' à l ' e n t e n d r e !

Comment! m o n l*eau paya ne peut p lus W défendre! ' '

Il ne petit se d é f e n d r e et c o n t r e des A n g l a i s !

S u r ce t h é â t r e h i e r t é m o i n d e nos succès!

L u i qu i servi t j ad i s t a n t de si nobles causes!

Lui qu i chassa , m a l g r é m a i n t e s ba r r i è res closes, Par le bras d ' u n e femme, au souffle de sa foi.

Ceux qu i d é c o u r o n n a i e n t la t è t e d e son roi! 11 ne peu t se d é f e n d r e et q u a n d il a des hommes!

A h ! qu'il en f a u d r a i t peu là-bas, c o m m e n o u s s o m m e - .

Pour que tou t comba t fût de v ic to i re suivi .

(,)uelle av ide s angsue à son co ' u r a rav i

E t le s a n g et l 'or don t il fut t o u j o u r s prodigue? P u i s q u ' i l n e s au ra i t plus opposer u n e d i g u e

A ses e n v a h i s s e u r s , g a r d e r t o u t ce q u ' a u prix De son h é r o ï s m e il a n a g u è r e entrepris De fair* en A m é r i q u e , u n e nouve l l e F r a n c e . .

Quo i ! la fière A lb ion fait pencher la balance! E t c e t t e p e t i t e î le est ma î t r e s se des m e r s !

E l l e a c h a r g é l 'Ecosse et l ' I r l a n d e d e fers

E t veu t n o u s en leve r l ' A m é r i q u e et l 'Asie!

E t la F r a n c e , p a r D ieu , la n a t i o n chois ie .

R e g a r d e e t laisse fa i re ! Où d o n c est t o u t son or.

Son s a n g si g é n é r e u x ? el le en a b ien e n c o r :

Mais ce n ' es t p lu s , hé l a s ! p o u r le d r o i t e t la g lo i re .

J e m ' e m p o r t e : p a r d o n . A h ! q u e di ra l ' H i s t o i r e ?

V O L T A I R E

C e c i : q u ' e n son vieil âge , elle eu t d ' a u t r e s lois i rs .

F u t p o u r t ous les v iveurs , la re ine des pla is i rs .

F t p o u r t ous les espr i t s , la r e ine des idées.

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— 47 —

LÉV J S

DanSez sur un volcan.

\ < > I . T A I K I < :

Se- (lamines débordées Font la fête ]ilus belle, ainsi 4111' dans la nuit 1,'étoile, l'œil des cieux, soudain nous réjouit. Notre vie est si courte, il faut bien qu'on s'amuse.

L É V I S

Oui! pendant que l'on meurt là-bas, et votre muse Croit ainsi nous ouvrir une ère de grandeur?

v n i . T A i i t i :

Je veux ebanger le inonde. Est-ce avoir trop d'ar-[deur?

Oui! je veux remplacer par la philosophie Le vieux Christianisme.

L É V I S

Eh bien! je vous défie De le faire! l 'Eglise a scellé les tombeaux De Rome, du barbare et de tous ses bourreaux, E t scellera le vôtre! Où donc est l'espérance Pour la mère et la fille? 0 Canada! Toi , France! Si semblables tous deux, qu'allez-vous devenir? On prêche le néant et non plus l 'avenir.

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— 48 —

[/immortel avenir! Plus d'avenir pour L'homme: l 'our les peuples, aucun. Ah! tel est bien en somme La politique faite à nos pays lointains: Voua nous préparez-la de superbes destins!

S C E N E X I

ucs \i KM us et li ci mr

LOL'IS XV

Ah! les Canadiens! Vous, Monsieur de Voltaire! E t vous accordez-vous?

V O L T A I R E

Mais j 'ai bien dû me taire, Car un moment j ' a i cru qu'on allait m'attacher. Comme fail l'Iroquoie, aux flammée d'un bûcher.

I)A MI I)K POKPADOUB

Vous n'êtes pas encor, j e crois, prêt pour la danse. Les plans ne manquent pas? [diêignmi ironiquement

\lt>s Canadiens)

I.OfIS XV

ESt qu'est-ce qu'on en pense?

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— 49 —

V 0 L T A 1 K K

A les cro i re , vous t ous dése r te r i ez la cou r

l ' ou r les su ivre là-bas , au son do l e u r t a m b o u r ,

E t finir, D ieu sait q u a n d .

LOUIS XV

A h ! o u i : t o u j o u r s la g u e r r e ,

Des h o m m e s , de l ' a rgen t .

DAME DE POMl'ADOUR

E t ça n e m e p l a î t g u è r e .

LOUIS x v

N o n , chè re , n ' e s t -ce pas?

DAME DE POMPADOUR

L e t r é so r es t v ide .

LOUIS XV

Oui .

(A Dame de Pompadour à pari)

J e vais t o u t refuser .

DE BOUGAINVILLE (à pari)

Et son fas te éb lou i t . Seu le elle reçoit p lus q u e la N o u v e l l e - F r a n c e .

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LEVIS {nu Roi)

Il l'ii coûte beaucoup, mais à notre assistance \ ous viendrez comine un père aux cris de Ma entants. Ali! si vous aviez vu vos soldats triomphants! tCt comme à Carillon ils ont fait des miracles! Sire, vous sauriez bien renverser les obstacles IJui retardent toujours leur triomphe final.

L O U I S X V

Brave Canadien! Ah! comine il eat loyal! Pour vous le cordon bleu.

L E V I S

Oe ne sont pas des titres, Maie des hommes qu'il faut.

D A M E D E l 'OMPADOUK

Nous sommes les arbitres.

UK B O U G A I N V I L L E

Nous attendons: un mot de vous peut nous sauver.

L O U I S x v

Ce vaste Canada, comment le conserver?

LEVIS

De vos prédécesseurs c'est le noble héri tage: E t faut-il qu'aujourd'hui l 'Angleterre partage Avec vous, notre Tîoi. tous ces pays nouveaux. Acquis par la valeur, le sang de nos héros?

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— 51 —

LUI ; is xv

Cette colonie est d'une telle dépense! ( Vos projets sont trop grands.

LÉVIS

l'as trop grands pour la France.

LOUIS xv

l"e>t beau!

DAME JIIC l'O.M l'A R

iMuis c'est un rêve.

L É V I S

Et qu 'ont réalisé Autrefois Frontenac contre un lMiip[>« écrasé, Hier encor, Montcalm contre un Abercrombie Eu fuite. \JH défaite alors qu'ils ont subie N'augure-t-elle JMIS pour nous d'autres succès? Nous étions tous deux, là, pour battre les Anglais: Nous y serons encore.

LOUIS XV

Ah! bravoure parfaite.

LÉVIS

Songez au contre-coup. Sire, qu'une défaite, Là-bas. fera sentir jusqu'en France.

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L O U I S X V

Ma fo i !

T o u t ça durera bien aussi longtemps que moi .

D A M E D E P O M P A D O U R

Après nous, le dé luge!

D E B O I O A I N V I I . L E (à part)

A h ! que Dieu nous p ro tège !

V O L T A I H E (au Roi)

Mais laissez donc aller quelques arpents de neige .

L O U I S x v

Kt lout s 'arrangerait.

D A M E DE roMi 'ADori î [prenant le bras du roi pour

sortii-)

( "est di t . Sire, c'est fait.

L O U I S X V

Je ne puis rien p romet t r e ! (.1 part.) 0 Ciel ! est-ce

[ u n méfa i t? [Exeunt.)

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— 53 —

S C E N E X I I

L E V I S et D E B O U G A I N V I L L E

LEVIS Ai-je bien entendu?

DB B O U G A I N V I L L E

Mais j e ne puis le croire.

Lui, si peu soucieux d'avenir et de gloire,

Kst-<-c le descendant de ce Louis le Grand

Qu'on croyait immortel?

L É V I S

Ab! la volupté rend Fou, tue en l'âme tout ce qui vers Dieu l'élève, D'un sublime idéal fait fuir le riant rêve, Tari t avec le sang et la vie et l 'honneur: Pauvre Eoi!

D E B O U G A I N V I L L E

Pauvre peuple!

L É V I S

Ah! cet empoisonneur. IJC temps, a, de la mort, mis le terrible g e r m e

Dans ce sang pur, royal. Le chêrue haut et ferme, Longtemps roi des forêts, tombe: un faible buiwon Le couvre de son ombre: ainsi cotte maison Va disparaître avec celle de Mérovée, Celle de Cliarleinagne! et l'oeuvre inachevée Des François, des Louis, qui la finira donc?

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— 54 —

DS BOUGAINVILLE

Que dira-t-on chez nous de ee triste abandon?

L É V I S

" Le déluge après nous! " Qui sait si tant d'orgies Ne H laveront pas dans des sources rougies?

DB B O U G A I N V I L L E

Oui! dans le sang: l'infâme!

L É V I S

Bit sait-elle vraiment Ce que c'est qu'un déluge? I n divin châtiment Qui soudain submergea là terre pour ses crimes. Balaya les cités et rasa jusqu'aux cimes, Engloutit en ses flots toute l'humanité.

DE B O U G A I N V I L L E

Kt Voltaire sur gui nous avions tant compté!

L É V I S

Ah! ne m'en parle pas, c'est le dernier des homme Et comment traite-t-il ce pays d'où nous sommes! Comme la femme qui sut un jour nous sauver Kt la plus pure dont l'homme puisse rêver Après ta mère, ô Christ! la gentille Pucelle! Comme il traite la France, une mère aussi, celle

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Oui l'a comblé de gloire et dont tous les malheurs

Le l'ont r i re quand il devrai! verser des pleurs.

Ah! qui n ' a i m e pas P i e u n'aime pas sa patrie.

"Quelques arpents de neige! " ainsi donc il décrie

C e l l e terre si belle! Kn quatre m o t s , il peint

L e pays qui bientôt changera le destin

Peut-être de la France et de tout le vieux m o n d e !

DE BOUO LIN V I L U C

La neige est en horreur au vieux poète immonde:

Car voyez-vous c'est blanc comme la pureté.

Que n'a-t- i l vu ce sol sous son voile argenté!

Le printemps ne ceint pas, pour sa première fête,

De plus brillantes fleurs, sa radieuse tête.

Vïais Voltaire, dit-on, toujours se montre humain:

Aux délaissés pourquoi ne pas tendre la main?

I . K V I S

Non. il nous abandonne en y joignant l'insulte.

Ce n'est qu'un courtisan quand le roi le consulte.

Ce gage qui prétend redresser tous les torts.

DE BOUQAINVILUI

Ija justice est là-haut.

LEVIS

Eh bien! qu'il craigne alors

L a rétr ibution: un jour, abandonnée

De tous, peut-être aussi que son âme damnée

Appellera le prêtre et Dieu, mais sans pouvoir,

En sa rage, trouver un seul rayon d'espoir!

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— 56 —

m: BOUGAINVILLE

Mais ce refus du roi des serments nous délie.

LEVIS

Xous boirons le calice et jus<|iies à la lie. Partons: France, reçois notre dernier baiser; Nous avons encor pour toi du Bang à verser

RIDEAU.

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— 5 7 —

PLAINES D'ABRAHAM

ou

Défaite de Montcalm par Wolfe et capitulation de Quebec.

SCENE I

La scène se passe à Québec. Le théâtre représente les plaines d'Abraham.

VERGOR

Par quel temps p a s s o n s - n o u s ! nous sommes en alerte Et le jour et la nu i t : cela nie déconcerte. Après notre victoire au sault Montmorency, J 'a i cru que les Anglais s'en iraient loin d'ici. Ils ne comprennent rien à notre politesse. S'obstinent à rester quand nous voulons qu'on laisse. Ils braquent leurs canons sur toit et sur clocher. Quand auront- i ls assez de lion sens pour lâcher? Ce pauvre Québec est un monceau de ruines. Tout tremble: ce rocher et l e s cimes voisines. Leur armée, en un long serpent, rte ce terrain Jusqu'en bas de Levis, s'étend et nous étreint. Un courrier n 'at tend pas l 'autre, mais je m'en fiche 1 De ses conseils on sait «pie Montcalrm n'est pas

[chiche : Et , le gouverneur donc! Lévis heureusement S'occupe à l'île aux Noix, sans quoi pas un moment Pc repos. (On fiilrnd des voix.)

Qui va là?

ACTE TROISIÈME:

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— 58 —

Et la partie, à quand?

- SCENE 11

D A M E S î -ÉA .v , D L C H E B N E A U (en chaise à porteurs), C A D E T , itiGOT, M A U B I N , et porte-flambeau.

D A M E P É A N

Nous qui faisons la ronde.

VEBGOB

Ah! quel gai bataillon!

D A M E D U C H E S N E \ l

Gare! car notre œil sonde Jusqu'aux replis du cœur.

CADET

Trouve un traître partout.

VEBGOB

Dites qu'il sait au jeu trouver de l'or surtout.

D A M E P É A N

Tout ce qu'il nous a pris il faut qu'il nous le rende

M AUBIN

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— 59 —

DAME DUCHESNEATJ

Ce soir même, l'offrande.

D A M E P E A N

Je erois déjà sentir de mes mains le magot :

B I G O T

Venez ! D A M E D U C H E S N E A U

Venez avec nous au château Bigot,

vEBOOR

Le devoir me retient.

D A M E P É A N

Fi donc!

V E R G O K

Est-ce ma faute?

D A M E D U C H E S N E A U

Quoi! sur ce pie? MAURIN

C'est pour lui tenir l'âme haute.

C A D E T

Ainsi nous gagnerons et vous n'y serez pas.

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— GO —

DAME PÉAN

Fendez-vous, beau joueur!

MAURIN

Nous l'amenons en bas.

VERGOR

Non.

T 0 U 8

Si.

VERGOR

Nenni.

DAME PÉAN

Soit! qu'il veille à la belle étoile.

DAME DUCHESXEAU

Qu'à l'astrologue l'astre interrogé dévoile Les suites du combat qu'on peut livrer demain.

VERGOR

Déjà mon icil .suivant sou lumineux chemin Voit . . .

DAME PÉAX

Kh bien?

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— (il —

VKHGOH (vivement)

Laissez-moi votre or.

DAME DUCHESNEAU

Pourquoi, prophète?

VERGOR

On le cherche. M A C R I N

T u veux le mettre en ta cachette?

DAME DUCHESNEAU

Vaudrait mieux le donner aux Anglais .

I>A M • T E A N

C'est vilain. Me faire peur ainsi. Ça, monsieur le malin, Que l'on ait chaque jour l'œil à ma casemate

VERGOR

On pense à vous: il y fait froid? .

DAVE PSAN

Je m'acclimate. Hormis l'oubli de l 'homme, on s'habitue à tout.

TtlOOT

Qui donc est plus aimé que vous?

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7BBGOB

DA M K l'ÉAN

Bien de Ta tout!

( j i ne nie manque guère.

'J'OUS

Au revoir!

BIGOT (à Dame Péan)

Deux minutes.

[Exeunt), chantant: Nous irons sur L'eau, Nous y prom. . . promener, ete.

SCENE I I I

BIGOT, VERfion

BIOOT

Tu sais b i en q u ' a u j o u r d ' h u i c 'es t en vain q u e tu

[luttes. VEIÎGOR

. l e r e s t e i c i . m a i s sans en pe rd re le s o m m e i l .

BIOOT

Tu d o r s ? J e c r o i s qu'affreux sera n o t r e r éve i l .

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V E R G 0 R Comment ?

BIGOT

T u ne sais pas qu'à la cour Bouga inv i l Nous a trahis tous deux?

VEBGOB

Il a l 'àme si vi le!

BIGOT

Le ministre m'écrit et fait peser sur moi L e pitoyable état du pays : contre toi VA d'autres, il profère encore des menaces.

V E R G O R

Hélas! nos ennemis, près du roi, sont tenaces. Mais que faire?

BIGOT

Assurer le fruit de nos sueurs. En passant, entends-tu, du côté des vainqueurs.

VICRGOR

B i e n ! amis du pouvoir!

BIGOT

Quand le soleil se couche, T'n autre astre se lève.

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VERGOH

Ali! ce discours nie touche: Advienne que pourra, je sauve mon trésor.

BIQOT

Prends le plus BÛT parti. {Exit.)

SCENE IV

vicitoon

C'est compris, cher mentor: Le reste importe peu. Qu'est-ce que la patrie? La terre du berceau, les autels où l'on prie, Un sol dont le.s enfants sont morts en l'embrassant Et qu'ils ont arrosé de larmes et de sang, ("est se donner Iwaueoup de mal pour peu de chose. Ah! qu'ils s'égorgent donc! Mais, moi, je me repose, l 'n lieu m'est aussi cher qu'un au t re : je jouis Sous un Georges aussi bien que sous un Louis. Que m'importe l 'amour! cette inconstante flamme. Premier rayon d'avril, qui t'ait fondre notre âme A ton sourire, ô femme! et qui demain au cœur Ne laisse qu'un sanglot d'un rêve de bonheur!. . . Mais l'or, lui, je le sens, je le pal]>e et l 'admire. Ah! combien il reluit! en ses feux, je me mire. L'or, comme il est réel! c'est mon tout, c'est mon

[dieu! Tiens! Vaudreuil, Bougainville avancent vers ce lieu. Il faut changer de ton.

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— 65 —

S C E N E V

LE M E M E , V A U D 1 I E U 1 L , DU B O U l i A I N V I L L E .

V A U D K E U I L

Bonso i r ! que l les nouvelles?

V E U O O H

T o u t est tranquille, ici.

VAUDBBUIL

l ' a s sau t près des toure l l e s

On m'a fait r e m a r q u e r su r l 'eau fies feux m o u v a n t s .

VBBGOR

Ix-s A n g l a i s fon t ce j e u : le soir, se lon les ven t s , Qn les voi t ou m o n t e r ou, c o m m e ça, d e s c e n d r e Sans débarquer au nord .

VAUDBEUIL

Mais il faut lc> a t t e n d r e .

Ce po in t me para i t faible e t b ien peu d é f e n d u .

DE B O U O A I N V I L L E

Qui p o u r r a i t y m o n t e r ? Voyez s'il est a r d u .

V E i t o o n

L e généra l m a di t qu ' i l f audra i t des échel les

P o u r a t t e i n d r e j u s q u ' à ces h a u t e u r s .

3

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— M —

ui; B O U G A I N V I L L E (souriant)

Ou des ailes. V A U D H E U I L

Qui sait? Le régiment de Uuienne, selon Les ordres, devrait être à l'anse du Foulon. Lt je ne le vois pas. Et l a hommes d'élite Du fier Kepentigny n'occupent plus ce site Qu'ils défendaient hier. (.1 de BovgainviUt)

' [Avez-vous fait savoir Au poste qu'un convoi de vivres n'a, ce soir, Pu nous être envoyé?

D E B O U G A I N V I L L E

Yergor, je vous en charge.

Y A l ' D R E U I L

Mais à cet officiel vous faites la part large.

V E K G O R

Heureux de vous servir ainsi <)ue mon pays.

\ A r i ) H i : r i i .

Bien! d'hommes comme vous et par le roi choisis 1 >épel)d not re avenir.

TIE B O U G A I N V I L L E

'Montcalm ne fortifie Que le camp de Besupori.

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VAUDHI-H ' I I,

11 faut qu'on se défie De débarquements faits en ces directions: On veut nous couper, je crois, nos provisions. Etre battu, c'est là le malheur ordinaire Au faible; être surpris, c'est, pour le militaire. Comble de l'infortune.

DE BOUGAINVILLE

Ah! l'on fait tout le temps La guerre à l'oèil, Montcalm m'écrit hier: "J'attends Les Anglais à toute heure et je dors sous les armes."

V A l ' D H E U I L

Noble exemple pour tous! que les finisses alarmes Sachent vous préparer au moment sérieux. Wolfe a Ilien tâtonné, mais s'il frappe, messieurs, Je crains bien que ce coup soit un coup de tonnerre. Cependant si Lévis en haut, comme j'espère, Tient aussi bien que nous, nous verrons les efforts De nos envahisseurs échouer; jusqu'alors Rappelez-vous toujours que de la colonie Le saint est dans vos mains. Bonsoir!

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— G8 —

SCENE VI

VEUIJOK, D E B O U U A I N V I L L E

VERGOK

11 manie La parole bien mieux que l'épée.

DE B O U G A I N V I L L E

Un grand cœur! Que la bravoure soit génie, il est vainqueur. Je pars aussi, bonsoir! je m'en v a i s au Cap-Kouge.

VERGOK

Des vaisseaux en partaient tantôt.

D E B O U G A I N V I L L E (ret/tlnltlIII)

Ali! rien ne bouge. Toujours la même ruse. (Exit.)

SCENE VI I

LE MÊME . Habitants.

VERGOR

On visite bien tard.

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-—(19 —

OOUILLABD

Nous venons, colonel, demander le départi I )<• i rente d'entre nous.

V E R f i O I !

Pourquoi cette retrai te?

( >M voulez-vous aller?

l ' o r i u . M ; I I

Revoi r notre Loret ta ,

V o t r e paroisse aussi. Nos grains, qui sont sur pié,

Vont périr, sans compter (pie l'on s'est ennuyé.

Il ICI!BICI '

C'est triste, l'aire ainsi la guerre sans se ba t t r e ;

Que je prenne un Ang la i s , j e vous le fends en quatre.

Qu'on nous mène au combat, ou j e m'en vais chez

|nous :

I I est temps que ce jeu finisse, entendez-vous?

P A R E N T

Et puis, vous le savez, au camp la vie est dure.

On y fait, colonel , si maigre nourri ture!

V E R G O R •

il vous faut de la soupe aux pois avec du lard.

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— 70 —

l'A HUNT

A v e c un peu de rhum, ça vous remet gail lard.

C O U I L L A It II

Il y a trois grands mois que je n*ai vu Joseph te.

P A R E N T

Kt moi, ma blonde !

HÉBERT

E t moi , ma brune

JOSÉ OASSEOIÎAIX

l ia coquette l''.st à boni de eonstanee.

VERfiOR

Ains i que toi d'ardeur.

JOSÉ OASSEGRAIN'

Menez-moi donc au feu : si vous trouvez meil leur Que moi , j e coupe aussi vot re blé, vot re avoine.

VEROOR

A l l e z donc. C O U I L L A R D

Priez pour le beau temps.

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VKKUOl t

S in—j i ' un n i o i n e ' r

(Couillanl fait signe que non)

[Exeunt), chantant : Derr ière chez nous y a-t-un

étang.

SCENE V I I I

Y K K G O K

Moissonneurs, hon voyage! A u iliahle le convoi

Et les Kepen t igny! je dois i-ongcr à moi .

Mais vrai! je dors dëbonl : toute la nuit dernière.

Je l'ai passée au j e u ; puis le vin et la hière

M'ont , pour une fois, mis dans la têtfl du p lomb.

Et j e pèse à m'é tendre ici de tout m o n . l o n g :

Je vais t rouver mon lit. Quafid la nuit est si noire.

<^ue )>eut faire un soldat, sinon jouer et boire.

Ou mieux encor, dormir . E h ! Sent ine l le !

SCENE I X

V E R ( ; O K , n i : i . i . K i i r \ i i : i i :

V H R l i O R

On peut. Se reposer; (A Bellehumevr) mais. toi. vei l le .

(Exit.)

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SCENE X

BBLLBHUHBUB

be sort m'en veut. Après avoir quitté Bigot et son négoce tie le retrouve ici, Maurin même et sa bosse. Dame Péan y vient faire .-<>n tour. W r g o r Avec la bande infâme, hélas! tripote cncor. Et c'est d'un tel escroc que j e reçois chaque ordre. Ma patrie! en ses mains j e crois te voir te tordre, Comme la vierge aux bras d'un infâme insulteur, Pour échapper aussi toi-même au déshonneur. S'il est pris en flagrant délit, Vcrgnr est quitte, Lui, pour un procès. Ouel pr< ssentinient m'agit"? .. Est-il quelque chose en la unit qui soil fatal: Ali! les ténèbres sont sèment l'heure du mal. Que de crimes, ô nuit! sont commis sous tes voih B ! As-tu bien assez d 'yeux, assez de tes étoiles Pour tous les découvrir, les signaler au jour? Mais que] est donc ce bruit? et qui pass? au détour? (^ui va là? (On entend sur Veau:)

France !

Tiens! c'est notre convoi. France! Nom qu'on j e t t e à tous les échos, nom d'espérance El qui ne retentit pus en vain dans les cœurs. Nom qui me réjouit au sein de mes douleurs. Seras - tu ré]>été souvent, longtemps encore Par les fils de nos fils sur ces bords que j ' a d o r e ! . . . Cet homme? cet habit? mais qui donc monte i c i?

Un. deux, trois, mais ce sont les ennemis? N o n . . .

[ S i . . .

Halte-là.,.

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SCENE XI

L E M É M K , A n g l a i s . C o l o n e l H o w e t a i s a n t feu s u r

Bellehumeur qui tombe blessé.

COLONEL HOWE

N o n pas, t i e n s ! e s t - ce assez pour te l u i r e ?

M A . l O H D A L L I N C

( ' on in ien t ! p e r s o n n e ici ?

C O L O N E L H O W E

T u vois , c ' e s t u n m y s t è r e .

M C K E L L E K

N o u s y s o m m e s enf in .

M A . h III DALLING

E t n o u s y r e s t e r o n s .

COLONEL HOWE

Qu'on examine bien dans tous les environs. Voici quelques fuyards: a l lez à l e u r poursuite; Ils v o n t d o n n e r l ' éve i l , qu'on en finisse v i t e

A v e c e u x , s o l d a t s : et su r tou t pas de q u a r t i e r .

A vo t r e r e tou r , tous m o n t e r o n t ce s e n t i e r .

(Exeunt.)

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— 74 —

SCENE XII

C O L O N E L H O W E ( .ST«/ )

C O L O N E L H O W E

0 ciel! c'est un projet audacieux qu'on tente. E t combien anxieux je suis en cette at tente, Puissent-ils revenir victorieux bientôt! Tout le succès dépend de ce premier assaut. Ah! tant d'espoirs en jeu l'ont que c e t t e minute Semble une éternité.

SCENE XII I

L E . M Ê M E , les soldats et Yergor à demi babillé

M A . l o l l D A L L I N G

Pas d'hommes, pas de lutte.

OOLONEL I l o W E

Vraiment ! c'est déjà l'ait !

M' ' K E l . L E i :

Oui.

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COLONEL H O W E

D o n n e z le s igna l .

UN SOLDAT A N G L A I S (agitant un fanal)

H u r r a h !

L ' A R M É E (répondant)

H u r r a h !

COLONEL H O W E

B i e n t ô t va c o m m e n c e r le ba l . Q u ' a d o n c cet h o m m e au pas si l en t , si difficile?

MAJOR DALL1NCJ

R i e n : b lessure au ta lon .

COLONEL H O W E

On l'a pr is p o u r Ach i l l e . On vous appe l le a ins i ?

VERGOR

J e m e n o m m e Vergo r C o m m a n d a n t de ce pos te e t , c o m m e u n a u t r e H e c t J ' o r n e vo t re t r i o m p h e aussi par ma dé fa i t e .

COLONEL H O W E

Alors il te f audra bien un b r in de t o i l e t t e ?

VERGOR

C'est q u e j ' é t a i s au l i t au p r e m i e r c o u p de feu.

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COLONEL HOWE

Excusez si tantôt l'on" vous at tendi t peu :

Nous avons attendu depuis tant de semaines

Restes ici. Voilà les nôtres par centaines.

SCKXE X I V

LES M K M E S . W o l f e , officiels, soldats.

COLONEL H O W E

L'est VOUS, mon général?

WOl. l 'K

Vous nous avez frayé

Le chemin. A l i ! merci! LA, tout est balayé?

COLON Kl . HOW K

Mais oui. Voyez Québec!

WOI.FK

Je n'ai plus qu'à le prendre.

HONOKTOM

Vous ne nous fereï pas. si près, longtemps attendre.

W O L F E

Il me tarde en effet.

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MONOKTON

Enviez-vous c n c o i

A Grey son élégie! ' Ali! voyez quel essor

\ ' o u s pouvez p r e n d r e là.

WOLFE (citani Qrty)

" Les s en t i e r - de la g lo i re

Conduisent à la t o m b e ! "

COLONEL HOWE

[ 'ne te l le v ic to i re

Va vous r end re i m m o r t e l . Des poètes la voix

S'es\ t ou jou r s que l'écho de s u b l i m e - exp lo i t s .

W O L F E

C'est en f rappant un coup , s'il me t a n t vous en

| c ro i re ,

Qui devra quelque j o u r r e t e n t i r d a n s l'Histoire,

Que l 'on peut inspirer tous ces d iv ins chanteurs?

COLONEL HOWE

Oui . fournissez le thème, eux prêteront les chœurs.

WOLFE

Eh b ien! q u e ce c o m b a t , ô mes amis , soit d i g n e

Aussi d ' ê t r e c i t an t e ! q u ' o n d o n n e la cons igne .

(E TP 11 II t.)

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S C E N E X V

W O L F E et M O N C K T O N

W O L F E (remettant un papier)

Mon testament. Rendez, si je m e u r s , ce p o r t r a i t

A celle d o n t il v i e n t ; d i tes- lui m o n reg re t .

(Montrant le portrait.)

Dites- lui qu ' i l ne m'a q u i t t é qu 'avec la vie.

SCENE X V I

W O I . F E et officiers.

C O L O N E L I H I W K

Ordres exécu té s et la cô te est g rav ie .

W O L F E

M o n t c a l m n e peu t t a r d e r à paraître b i e n t ô t :

T e n o n s - n o u s p rê t s . C o m m e n t nomme- t -on ce pla

[teati

V E R O O R

L e s P l a i n e s d ' A b r a h a m , p o u r vous ê t r e ag réab le .

W O L F E

A h ! vous ê tes F r a n ç a i s ; l ' end ro i t est favorable

P o u r attendre l ' a t t a q u e ; et c'est de r r i è r e n o u s

Qu 'es t p lacé B o u g a i n v i l l e ?

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V K I K i O R

I l doit venir su r voila,

W O L F E

Quoi! pris en t r e deux feux? Soldats! c 'est la victoire O u la mort! Devant v o u s , v o y e z ce promontoire: C ' e s t là que gît la c l e f de t o u t un c o n t i n e n t .

Nous n ' a v o n s encor pu la p r e n d r e : maintenant Vengeons nos m o r t s ! Du fleuve, apparaissent leurs

| ombr i s.

Comme le so le i l sor t de ces n u a g e s s o m b r e s ,

La v i c t o i r e v i e n d r a de vos r angs ébranlés.

A l i ! l ' A n g l e t e r r e v o u s r e g a r d e t o u s : Al lez!

(Exeunt, fanfare.")

S C E N E X V I I

BBLLBHUMEUR (st Irii'ini' sur UfU hi'irlir)

Aie! <>h! pour moi c'est trop longtemps garder [silence.

Ma langue est saine encor, si la jambe m'élance. Je jure, si jamais je me remets sur pié, De casser la mâchoire à l'infâme estropié! Aie! aie! à mes deux bras, quelle affreuse souffrance! Ce gredin en a-t-il un peu de l'obligeance Pour ceux qui tout à l'heure au talon l'ont mordu : Mais, pour frapper si juste à son cœur, ils ont dû

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— 8 0 —

Ou le sonder ou bien le connaître. Fanfare] ( ï ; s d e : •• Vive le Roi ! " l ' a t t aque s;1 p r é p a r e :

Oli! il me p rend envie à l'instant de danser .

Voici le géné ra l .

S C E N E W i l l

L E M KM B , M o n t c a l m , l ' a rmée

M O N T R E U I L

Vous pouvez avance r , Car c'est l ibre partout.

M O N T C A L M (e.vn m ma ni i i rec sa lunette)

.Mais c'est l ' a rmée ang la i se .

Non un détachement. Pour gravir la falaise

Comment s'v sont- i l s pr is ! '

H K L L K I M ' M K l ' I i

Mais c o m m e l ' écureu i l .

Sauf votre respect , a ie! et ma lg ré m o n accuei l .

M O N T C A L M

Et Vergor? B E L L K H l W I E r i !

11 les sui t avec m a i n t e s c o u r b e t t e s

Qui son t , m o n g é n é r a l , loin d ' ê t r e des m i e u x fai tes .

Vu sa b lessure au c œ u r . . . . c 'es t -à-di re au t a lon .

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M O V I ' i ' A I ,M

.'v!i! servile toujours! ce discoure est trop long. Jl faut l 'artillerie: en amont leur mitraille Menacé nos soldats; qu'on se range en bataille, Ainsi (pie convenu: d'abord le bataillon

Do Ghùenne et Béarn: le Royal Roussillon Au bord du fleuve, puis le Ijanguedoc, La Sarre, E t les Canadiens à droite; qu'on leur barre Toute retraite à l'anse où mouillent leurs vaisseaux. Et que fait Bougainville? Ordonne/, les signaux. Comment n'entend-il pas que de son assistanc 1

Dépend notre succès? Ciel! faites qu'il s'avance!

S C E N E X I X

LES M K M ES (un courrier présentant un papier un général)

LE pOUBBIBB

Du Gouverneur.

M O N T C A I . M [brusquement)

Donnez. (Lisant.)

" Prenez bien votre temps Avant de ne risquer aucuns engagements. Attaquons les Anglais avec l'armée ent ière: Les soldats de la ville et ceux de la rivière, Bougainville avec nous, les envelopperont De toute part. C'est mieux qu'une attaque de front."

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Qu'en .sait-il? Voyez donc : l 'ennemi se retranche;

Plus lard nous ne pourrons plus prendre la revanche

A v e c quelques soldat- que j 'aurai sous la main.

Je ne puis retarder ou remettre à demain.

Qu'en pensez-vous ? (Silence.) Pourquoi Lév i s , l 'ami

[si sage.

V e s t - i l pas avec moi? ce serait là le gage

D'une sûre vic toi re . A t t e n d r e ? lâcheté!

N'avons-nous pas ensemble, amis, souvent lente

( ' e l l e fortune <|iii sourit à notre audace?

Qu'au cri de Cari l lon votre valeur les chasse!

(L'ari)ii'(' rnniil)

Car i l l on ! (Tous tirant l'épie.)

MONT< \ I.M

Oui! montons! qu'ils descendent! j ' a i loi

En vous, en Dieu! sachons vaincre ou mourir! à moi !

[Exeunt, brandissant Vépée si criant:) ( 'arillon !

SCENE XX

B E L I . E H T ' M E r r ;

Ça m'empor te et me remet en branle

C'est la charge qui sonne et la troupe s'ébranle.

Montca lm est devant el le et l 'épée à la m a in :

A l i ! quel air mart ial! mais le profond ravin

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- S 3 —

A franchir pour tirer sur L'année ennemie! Boum! boum! oh ! la décharge affreuse qu'ont vomie, En s'entrechoquant, là-haut, fusils et canons! Tout plie et disparaît dans d'épais toui billons i )r Fumée. ( In reprend de nouveau : c'est ça, tape, Tape sur les Anglais! Mais qu'est-ce qu'il attrape Ce grand lluet qu'on tient à deux sur son cheval? Ça m'a tout l'ail- de Wolfe! Il a doue bien du mal. On l'apporte ici? non. on le dépose à terre. On l 'apporte? mais oui. C'est le temps de se taire.

(77 .«.r couché.)

S C E N E X X I

L E MKMK, Wolfe et officiers

WOLFF,

A h ! mes braves soldats ne m'ont pas vu tomber?

M O N T K T O N

X o n , non, mon général, et, pour vous dérober. Nous vous entourons comme une garde fidèle.

W O L F K

Cachez-moi, quand la mort me couvre de son aile, A leurs yeux, qui là-haut cherchent toujours les

| miens. M A J O R D A L U N O (criavl)

Vi te ! vite! appelez donc les chirurgiens!

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— 84 —

\\ 01.FK

'• euillcz nie soulever pour (pie j e voie encore

.Mes soldats; les Rangera mit t iré leur claymore: A h ! (pue ne suis-je là! tout plie; en un endroit

L ' o n résiste pourtant.

K0M0KT0N

V o y e z : Townsend va droit

Sur la viei l le maison d'où vient la fusillade.

W O L F E

( lui, mais \\ part déjà.

COLONEL H O W E

Ce n'est qu'une bravade

J)es Canadians qui tirent leurs derniers coup-.

W O L F I :

A l i ! j e ne vois plus rien.

M A .TOR I I A I . L [ \ G {an chirurgien)

Mais, docteur, hâtez-vous.

W O L F E

C'en est fait de m o i : c'est inutile, (délirant) I l s

[appuient

N o t r e g a u c h e . . . en a v a n t . . .

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— 8 5 —

Qui fu i t ?

X I U H li A Y

A h ! il dé l i r e !

M O X C K T O N (regardant)

Ils fu ien t .

WOLFE (contint' se réveillant)

M O X C K T O N

Les e n n e m i s , cédan t de tous côtés .

W O L F E

A u colonel B u r t o n , vi te , un de vous por tez

Mes ordres: des fuyards , qu ' i l coupe la r e t r a i t e .

Dieu soit l oué ! j e m e u r s en p a i x . . .

M ' K K l . I . K K

Que leur défaite Nous coû t e c h e r !

OOLONKL H O W E

Il m e u r t , mais c'est eu t r i o m p h a n t .

M O N C K T O N

l ' n p e u p l e va p l eu re r .

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— 8fi —

COLONEL now i:

La gloire le défend. Comme aux rois, Westminster, ouvre pour lui tes

[portes!

MAJOR DALLINO

Partons.

M C K E I , L E K

Quel précieux fardeau, ma main, tu portes!

S C E N E X X I I

B E L L E H U M E I ' K (sntl)

C'est t r is te: mais, pourquoi venir se frotter où 11 n'avait pas d'affaire. Oui! vrai! l'on fuit partout. Mais les Canadiens, cachés dans les broussailles. Tirent comme des bons; et, là, sur les murailles, Mrs femmes, des enfants s'arrachent les cheveux, Levant les bras au ciel qui n'entend plus leurs vœux. Ils ont là des époux, peut-être un père, un frère. Ils les voient poursuivis, et comment les soustraire A des coups menaçants, les sauver de la mort? VA. \oits tous qui pleurez, quel sera votre sort? On apporte un blessé; celui-là. c'est le nôtre. C'est le brave Montcalm! Dieu! pourquoi pas un

[autre?

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— 87 —

SCENE - W i l t

LE MÊME, Montcalm p o r t é pa r p lus i eu r s officiers e so lda t s .

M O N T C A L M

Ah! n'allez pas p lus loin.

M A U C E L

Voyez c h i r u r g i e n .

(Le chirurgien examine en hochant la tète.

M O N T C A L M

\ A \ b lessure est m o r t e l l e ?

L E C H I R U R G I E N ' A K N O U X

Oui.

M O N T C A I.M

Je le d isais b ien .

Tant m i e u x ! j e n e ver ra i pas l ' A n g l a i s d a n s la vi l le

De Québec! T o i , Marcel , écr is à ma f a m i l l e ;

Kt de r e t o u r en F rance , à ma femme, à mes deux

Fi l les , va donc por te r me- s u p r ê m e s ad i eux .

A mon me i l l eu r a m i , ce c h e r Lévis , je l ègue

Mes pap ie rs . M o n t r e u i l . vers Wol fe , je te d é l è g u e :

Qu ' i l a i t pour les va incus , m a i n t e n a n t a t t e r r é s ,

Les s e n t i m e n t s que ceux-ci m ' a v a i e n t i n s p i r é s ;

Qu' i l soit l eur protecteur comme je fus leur père: Les va incus se p r e n d r o n t à b é n i r l ' A n g l e t e r r e .

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— 88

B E L L E H U M K U R

. l 'a i vu Wolfe expirer ici.

MONTCALM

L e même sort Pour nous deux! Nous cherchions la victoire: la mort Nmis a vaincus.

M A L A R T I C

La gloire et bientôt les revanches!

MONTCALM

Ali! dites plutôt: un linceuil et quatre planches.

A R N O U X

Laissez-moi, général, étancher votre sang.

MONTCALM

Que chaque goutte qui sur la terre descend. Cher Canada, pour toi, soit toute une semence De nouveaux défenseurs!

M A R C E L

Mais à quel prix immense!

KAMSAV

Que nie conseillez-vous. Marquis, pour l 'avenir?

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— 89 —

M O N T C A L M

Assez poux ici-bas pour ce qui doi t finir.

J e ne veux m'occuper que de vie immortelle. Je voudrai- reposer dans cette humble chapelle

Des l ' rsulines où j ' a imais tant à prier.

Dieu, recevez mon âme et veuil lez oublier

'foui ee (pie j ' a i commis contre vo t re lui sainte.

Je te donne mon corps, terre de mon sanu; teinte.

Pour t'>ï j 'ai combattu, pour lui je meurs; A d i e u !

M A I I C K I . (/c regardant)

Est-ce vrai qu'il est mort ?

M O N T R E U 1 L

A b ! que nous sommes pi

MABOBL

Qu'allons-nous deveni r sans sa vai l lante épée?

H A I . A K T 1 C

Nouve l l e -France , vois le coup <pii t'a frappée.

M O N T I i E I ' l l ,

(Jui pouvait les prévoir , ces maux inal tendus?

M A R C E L

A h ! nous étions sauvés et nous sommes perdus!

K l D E A U .

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— no —

A C T E Q U A T R I E M E

SAINTE-FOYE

Victoire de Lévis sur Hurray et levée du siège de Québec à l'arrivée de la flotte anglaise.

SCENE I

Le I h é t t r e représen te un c a m p de so ldats c a n a d i e n s .

T A S C I I E l i l . A I . Y I G E R , D E L O R I M I E R , D l ' V A L .

B E L L E II l T M E l ' It

(soldat» fumant »i chantant)

Murray s'en va-t-en guerre Ne sait s'il reviendra.

Il revint feu derrière Sitôt qu'on l 'attaqua.

I ne pareille affaire Ii 'innnortalisera.

TASriIEREAU

Mais ont-ils culbuté, nos rouges fanfarons! Pour courir vers Québec, en faisaient-ils des bonds ! Ces chasseurs de renards s'y connaissent en course; Ils n'auraient pas couru plus fort pour une bourse. A les poursuivre, j 'ai pris un poing de côté, Et , malgré la moutarde, il m'est ici resté.

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— ni —

V 1 G E R

Mais c'est être chanceux: moi, œ qui me chiffonne, C'est d'avoir manqué ça: j'en veux au so r t .

BELLEHUMKUB (sentinelle, ilit un mot (le Irni/is à nuire

m pussant)

Pardonne! On aurait dit, mon cher, que tu te trouvais là.

T A S C H E K K A l "

Et puis chacun son tour, mon Baptiste: voilai

I I K I . O l i l M I K H

Après une défaite encore une victoire! Rien qu'un débris d 'armée: ah! c'est à n'y pas croire.

D U V A L

Nous relevions la tête et nous séchions nos pleurs. Ah! c'est qu'en cette nuit de nos sombres douleurs Brillait encor l'espoir, ainsi qu'un nouvel as t re : Lévis venait venger notre dernier désastre!

DBtiOU M I E H

Belle journée aussi! l'hiver s'enfuyait, las. Les branches des buissons pliaient sous le verglas; Elles aussi s'ornaient pour ce jour, et pareilles A nos femmes, avaient mis leurs pendants d'oreilles.

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T A s e 11 IC l( K A l '

(Je Murray, cet Ang la i s , j e crois encor le voir

Sort i r du vieux (Québec: tel d'un nuage noir

Jailli! soudainemen.1 L'éclair avec fur ie :

Précédé de v ingt -deux pièces d 'ar t i l ler ie ,

11 avançait vers nous avec tant de fierté!

Chacun de ses soldats portant à son côté

Outre son arme, un pie, une bêche, une pelle.

V I U E 1 !

Cet te procession devait être fort b e l l e :

Pourquoi ce! a t t i rai l?

T A s n i K H i : H T

Pour sembler seulement

A l l e r auprès îles mura faire un retranchement.

V I G E R

C'était , convenons-en, pour le moins bien étrange.

Vous ne vous êtes pas laissé prendre à ce change?

T A S O H E R E A U

N o n ! il ne tarda )>as à gagner la hauteur

Où l 'automne dernier mourait W o l f e en vainqueur.

Ses soldats, qu 'enivrai t leur récente victoire,

N e rêvaient comme lui qu'à se couvrir de g lo i re .

N o t r e tronçon d 'armée excitait leur mépris ,

I I - sYlaneent soudain sur non-: ils furent pris.

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— 1 ) 3 —

VIGlilt

Oui ? T A S C I I E H E A U

Passe-moi ta b l a g u e . . . et la trappe l'ut, faite : Levis, présent partout, ordonne la retraite.

VKiKIt (surpris) Hein?

T A S C H E R E A U

Voilà qu'à l'instant ils'partent, tombent tous Au t 'n i i i l de ce ravin, tu sais? comme des fous. Se lèvent, étourdis, pour foncer vers le centre. De Berry les attend,

V I O E R (frappant des deux mains)

Ah!

T A S C H E K E A U

Puis vous les éventre. Lévifl en ce moment vite accourt à cheval. Au bout de son épée, un chapeau: le signal! Ht droite et gauche charge et com n ie cela (charge

| sa pipe).

V I U E K

Charge Ple in : ne ménage pas, tu vois, la blague est large.

T A S C H K H F . A r

Les E c o s s a i s . . .

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— :M —

v i u i i H (interrompant)

Ceux dont les jarrets sont à l 'air?

TASCHEKEAU

Ceux-là mêmes. VIUER

Comment ont-ils passé l'hiver?

T A S C H E H E A U

Froidement, j e t 'assure: et sans les l>as de laine Faits par les sœurs, nous en aurions perdu la graine. Au moulin de Dumont ils se sont égorgés Avec nos grenadiers, tels que des enragés! Ku\ donc a \ ee leur dague, avec leur baïonnette, Les nôtres, s'attaquaient et faisaient maison nette. Comme (,-a tour à tour: si bien que pas un d'eux, San- l'ordre de leur chef, ne restait sur les l i eux .— Mais passe-moi ta pipe, (nlluiiic su pipe avec celle de

[Vïger) Ht nous comme à la chasse:

P i f ! pal'! à chaque coup tombait une l i a s s e ! Ft deux heures ainsi: Murray n'y tenait plus. F t les vainqueurs fuyaient pressés par les vaincus.

VIGER

Leurs outils?

I A S C I l E l t E A l '

Sur le champ.

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V K I E K

Ah! pas de jardinage D i m e , ce p r i n t e m p s , p o u r eux .

TASCIIEBEAU

N o u s é t ions t ous en nage .

BELLES LTMEUB

Des l ièvres à p o u r s u i v r e !

T A S C H E K E A U

I l s se sont obs t i né s

A nous fe rmer , m a l g r é ee t r o t , la po r t e au nez.

SCENE i l

(Un t/roupc de miliciens)

I I K I . U 0 1 U ' M i ; i I ! . m i l l . l . | i , l ' A l t K N T . H É B E H T , e t c .

I I I : I . L I : I I U M BTJB

H o ! les amis , fléjà fa i te , v o t r e v i s i t e?

vrr.ER

Grand désir de se battre!

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TASCHEBEATJ

A h ! revenir si vi te! Et la blonde et la brune?

H E L L E I I K M E U U

Et ta Joseph te, à toi?

J O S É C A S S E G K A I N

Et <[ue n'ajoutez-vous: " E t ma coquette, à moi? "

T A S l ' I I E K K A U

Oui! mais est-elle à bout?

B E L L E H U M E U H

Tiens! avec cette face, Cette pauvre l'aiiclmn. que veux-tu qu'elle fasse?

J O S É t ' A S S E G R A I N

Trêve de quolibet»! oui! tous ont déserté, Mais atîolés devant cette inhumanité Qui les pourvoit avec le fer et L'incendie. ( 'a ma rades, partout la plaine reverdie. Deuil en ce beau printemps, s'assombrit d'un point

[no i r :

Keste de nos maisons. A h ! que c'est triste à voir! Nous avons trouvé sous les débris et la flamme Quelques os calcinés d'enfants et d'une femme.

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Tous Honte!

1 I É U E K T

C e sont, les Braie.

D U V A I .

Qu'ile seront regrettés!

TASCHEHEAU

Mais le père et l'époux sont morts à mes côtés Au jour de Sainte-Foye. 11 nie semble l 'entendre Parler d'eux. La belle Imel aussi forte (|ue tendre!

OOUILLABD

Plus l o i n , à Saint-Michel, un brave commandant Pendu devant sa porte!

T A S f H E K E A U

El pourquoi?

COUILLABD

C'est qu'aidant Les nôtres, il voulut combattre pour la France.

BXLLKHUU ETJB

E t c'est là tout son cr ime: ah! vengeance!

Tous

Vengeance! 4

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— 98—

H E B E R T

Et quel autre spectacle au village voisin!

v u ; Kit

Emcor! Il ICI! 10HT

.Monsieur l'ortneut', prêtre à Saint-Joaehim,

J la rhé de coups de sabre et mort sur une pierre.

VIOBB Pour?

H É B E R T

Avoir aux blessés prêté 6on ministère.

TASCHEREAU

Ali! ce curé, toujours si dévoué, si bon! • (^ui nous prêcha pour tous le devoir du pardonI

BBLLEHUMEUB

Pardon! ah! que c'eet dur!

V I O E R

<^ui peut mettre un obstacle A t o u t e s c e s horreurs qu'on répète?

TASCII E R E A I'

z Un miracle.

Cost ainsi que Sainte Anne a pu sauver du feu

Sou temple incendié trois fois.

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— 99 —

V I G E l i

Jusqu'il ce lien.

I)c]>uis si longtemps cher à la France nouvel le ,

(>>e donc s'attaquer Leur rage criminelle!

•r A S C H E R E A U

A la bonne sainte A n n e , amis. Taisons un vécu:

" Que la France nous aide ou s'adoucisse un peu

" L 'ennemi! Nous irons faire un pèler inage

" Tous ensemble à Beaupré dès qu 'el le nous soulage. ' '

V H . E H

Ohl daigne, bonne Mère , entendre nos accents,

Bouter hors ce pays nos ennemis puissante.

C H A N T .

Sainte A n n e , vois notre misère,

A h ! sans toi , nous allons péril'.

Du Canada sois donc la mère!

Hâ te - to i de le secourir.

N o s aïeux jusqu'à ce r ivage ,

Se confiant en ton amour.

Emportèrent ta douce image

E t tu les payas de retour.

Si ton cœur enfin s 'apitoie

Sur leurs fils en ces tristes jours.

I L t 'appelleront avec jo i e

La Bonne Sainte Aune toujour-!

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— 100 —

SCENE 111

L E S M Ê M E S , groupe de femmes et d'enfants

D E L L E M i M E U R (sentinelle)

Ou ne passe pas, dis-je!

COUlLL.Utli

Et que vois-je? des femmes!

BELLEHU.MEUIt

Le mot d'ordre ou p a s un pas.

V I G E R

Que veulent t e s dames?

LOUISE PANET (« lu ttttiinelle)

N o u s n'en connaissons qu'un, c'est le nom de Lévis.

H E L L E H l ' M E l ' R

Mes ordres, vous savez, doivent être suivis.

H E N I! I B T T É l ' A P I X E A U

Et nous voulons le voir.

V I G E R

Que peuvent-elles faire?

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— 101 —

BKLLEHUM BUB

Jl faut Be défier de tout, en tempe de guerre: Par la femme est toinl>é notre vieux père Adam, Et veux-tu donc que moi, son (ils. j'en fasse autant?

V T O E B

l'as de danger pour toi.

D E B O U G A I N V I L L E [entrant)

Respect à L'amazone.

B E L L E H U M E U B

Mais ça me va.

D E B O U G A I N V I L L E i t .

Veut-on dos armes?

L O U I S E r - A X E T

. . . l'aumône.

r o r i L L . v n i )

Quoi! ma fille!

L O U I S E P A N E T

Mon père! à soixante-dix ans, Vous, ici!

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— 102 —

c o n 1.1.Ait»

M;n- je puis r e m p l a c e r les a b s e n t s .

Que j e u n e et vieux se soient levés c o m m e u n seul

[ h o m m e , |

F a u t - i l ê t r e su rp r i s , quand la voix qui nous s o m m e

D'accourir, pa r l e à n o t r e â m e au nom d e la foi,

Au n o m de la pa t r i e : '

L O l ' I S E P A N ET

0 p è r e !

M A D E I . O X BOUBGRT

Mais c'est t o i !

(.1 lia ni ii son fils.) A h ! c'est bien lu i . mon fils!

L E F I L S

Mais , oui ! c'est moi , m a mère .

E t soldat à douze a n s !

M A D E L O X B O l ' R G E T

Que c'est b i en là son p è r e !

On no t ' a pas fait m a l ? (l'embrassant)

L E F I L S

Mère , D i e u m e d é f e n d

Ou c'est q u ' o n no veu t pas faire m a l à l ' en fan t .

M A D E I . O X B O C R G E T

Ce serai t si c rue l ! on voit t a n t de m i s è r e s :

Je c ra ins .

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— 1 0 3 —

L E S M Ê M E S . Lévis, un aide dé camp

LAVIS {tablant lee damée)

Qui me demande!' en des temps plus prospères, De vous recevoir c'eût été plus qu'un honneur.

L O U I S E l'A N E T

Et pour nous, chevalier, aussi plus qu'un bonheur. Nous venons de Québec.: L'ennemi nous en chasse, l'.iiiint depuis hier sans trouver une place Pour nous abriter ou même un morceau de pain, N o u s n m i s rendons ici pour vous tendre la main.

L E V I S

Votre loyauté fut faussement alléchée. Ceux qui nous ont donné leur dernière bouchée. Non, ne partiront pas sans être restaurés. Mesdames, nous n'avons (pie du pain. . . vous l'aurez.

M A D E L O . V BOUBGET

.Merci! les Anglais nous ont promis mer et inonde: Voyez leur bonne foi! que le ciel les confonde!

LÉVI8

On craint que vous prêtiez main-forte aux assié-[geants.

Reste-t-il à Québec personne de nos gens?

SCENE IV

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— 104 —

UBNBIBTTB PAKNBAU

l'as même la l 'éan.

I . K V is 4

A l i ! c'est qu'on la redoute,

X o n sans lionnes raisons; chez elle on s'est sans doute

Amusé tout l 'h iver?

il EN KIKTTi: P A P I M B A U

Bien oui! c'était le lieu

Favori des Anglais: et la danse et le jeu

Y ramenaient Bigot, V e r g o r et compagnie.

L É V I S

A l i ! si jamais j e tiens la cl ique qui renie

l.e Canada, la France, elle le paiera cher.

M V I I K I . O N B O l ' R G K T

Rentrez à Québec, nous aussi: ça va de pair.

L E V I S

Si j ' ava i s sous la main quelques plus grosses pièces

J ' irais faire une lirèclic et finir les prouesses

l>es Angla i s . f>e premier, je gr imperais au mur.

L O U I S E P A N E T

Après votre vic toi re , ah! vous rentriez sûr!

Lc> soldats éperdus étaient incontrôlables.

I ls défonçaient , pi l laient tous les lieux habitables.

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DE BOTH A IX V I L L K

Comment d o u e et pourquoi?

LOUISE l 'A N E T

Pour y t rouver du vin.

vHiicit (riant)

C'est qu'ils voulaient peut-être y noyer leur chagrin.

L É V I S

A lo r s , qui l 'aurait .su! Mais le premier navire

Va décider de tout.

A N T O I N E T T E 1)0 Kl ON

L ' ennemi pour le dire

N e s'en eaelie pas même.

L É V I S

Al lons donc! j ' oub l ia i s

Que roua êtes à j e u n . (Aux soldait.) Nous, sans être

| inquiet- ,

Prenez quelque repos. {Aux dumps.) Venez. Mais.

| sentinelle,

Ve i l l e z bien sur le Meuve et j e veux q u ' o n m'appel le

Si l 'un voit un vaisseau. (lit sortent.)

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— IOC —

S C E N E V

B 8 l.l.Kll D N 1«: l' it (sen I in el le)

Si j e vois ua vaisseau, Le lui dire, mais oui! me prend-il pour Bigot?

Et , grand'mère, j e puis le voir sans tes lunettes.

Mes paupières, aussi, ce matin, sont bien nettes,

Malgré qu'il fasse froid pour se laver au camp.

N'allons pas oublier notre navire: Ah! quand

Au port il entrera, quels cris et quel tapage!

Plusieurs ont déjà fait des paris, moi j e gage

Ma chemise, que c'est un navire français,

.le leur ai dit : pas un n'accepta. Mais je sais

Qu'elle vaut bien peu, hein? après cette campagne.

Ou c'est qu'on ne veut pas que l'avide Anglais .gaguc

Jje n a v i r e . . . v i e n t . . . pas. Ocs femmes: quel mal-

[heur!

Depuis que j e ne suis plus portier j ' a i le cœur

Plus tendre, je ne sais, pour les femmes, affaire

Ordinaire. Pour moi c'est extraordinaire!

Je n e me comprends plus, bien qu'avant de partir

L'on semblait me comprendre. (Siijnc de baiser)

[Ah! j e mourrai martyr

Plutôt que de risquer perdre ce qui me reste

De cheveux. Le navire. . . Ah! j e gage ma veste:

C'est lui! non: un c a n a r d . . . c'est plus gros? un

[butor . . .

N o n . . . que le cœur me t o q u e ! . . . et ça grossi!

[encor.

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— 107 —

Mais quoi donc? ça grossit, toujours: c'est un na-[navire!

Oui! j'étouffe, mon Dieu! Bien, le voilà qui vire!

( Faisant signe que sa tête tourne.)

El ma tête! I n navire! Ah! regardez là-bas.

SCENE VJ

(Soldats.)

Quoil serait-ce bien vrai?

B E L L E I I U M E U K

Vous ne me croyez pas? Navire! je dis.

C O U I L L A H I )

Où?

B E L L E H U M E l J{

Voyez, le long de l'île.

VI (JEU

Nos rangs vont se gTossir.

T T É n E U T

Par ici. comme il file]

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— 1 0 8 —

Adieu donc à Québev!

B E L I . E H I M BOB

Ma chemise et ma veste!

T A S C H E R E A U

Pouah !

DUT AL

Voilà poudre et canons!

TA8CHEBEAU

Sais-tu s'il est français!-'

DELLEHUll EUS

Embrassons- nous!

T A S C ' H E R E A U

Attends.

DELOBIHIKB (montrant le poing)

Ah ! messieurs les Anglais,

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— Kl!) —

S C E N E VI1

i F.S M E M E S , Levis, officiers

BKLLBHUMEUB

Là! mon général, m o n dernier cheveu!

V I G E K

Peste!

L É V I S •

C'est un navire enfin! quelles sont ses couleurs?

TABCHEBEAU

Aucune n'a paru.

M A L A B T I G

Les nôtres! pas les leurs!

DE B O U G A I N V I L L E

Et la France de n o u s enfin s'est souvenue.

M A L A K T I C

Soyons prêts à donner salut et bienvenue!

D E B O U G A I N V I L L E (désignant Québec)

L'Anglais aussi regarde.

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— 110 —

i.Évis

l ne voile sur l'eau, C'est bien l'aile dans l'air! n'est-ce pas que c'est beau! Ht quand s'enllent ses jilis d'un souffle de la France, Haleine parfumée!... il n'est plus de souffrance! Mais celle-ci va-t-elle arborer à son mât 1A' drapeau fleur de lys, cher au cœur du soldat?' Seraient-ee le- blancheurs île l'aube malmalc Ou ce qui monte là (lex xnhlatx regardent) l 'écarlate

| fatale? Dieu, <|ue vois-je! il est rouge, il dégoûte du sang De vos martyrs, Irlande, Acadie! Ah! il sent Une victime encore et son vol de vampire S'en vient s'abattre ici. Pour toi, qu'est-il de pire. Canada, que j e veux rendre à la France un jour!

M A L A HT le

Ecoutez-lee: quele oris!

DI B O U G A I N V I L L E

Hélas! c'est à leur tour.

LÉVIS

Préparez le départ. Il faut lever le siège.

A l 'instant. (Us sortent.)

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SCENE VIII

LEVIS

Ali! (|iu'l coup! quelle pensée assiège Mon àme! je ne puis tout dire devant eux. J e retiens mes sanglots, ces pleurs qui dans nies yeux Trahissent ma colère et tout ce qui m'indigne Contre ceux que mon cœur si hautement désigne. Votre œuvre inique va bientôt se consommer, Vous qui l'avez voulu. Devrais-je vous nommer? Mais j'essuyais, à peine un an, vos moqueries, Quand Bougainville et moi, de nos âmes aigries Vous laissaient voir la plaie et le dernier espoir! Crainte de nous aider: refus de recevoir. Trop peu de millions pour Thérèse, et l 'Autriche! l'our le Canada seul, on voulut être chiche. Ah! dans de pareils temps ne pas avoir un roi! Les grands hommes tou jou r s , t'ont les grands peu-

[ples. Quoi! Pourrait-il nous sauver, lui que perd une femme? Il lui faudrait un cœur que l 'honneur seul enflamme. 11 est mort au passé, bien mort à l 'avenir. . . . Comment, toi, courtisane, oses-tu donc venir A lui, franchir le seuil du temple de nos gloires. Sans craindre d'éveiller là nos vieilles victoires! La Pompadour en viole la majesté, Insulte à ce qui fut des siècles respecté. Et le ciel souffre tout! l'ange de la patrie, De son épée en feu, ne l'a donc pas meurtrie! 11 te souffre. Voltaire aussi, vil insulteur Dn Dieu, de la patrie. Ah! ton verbe menteur

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Qu'on sènie aux quatre vents et ton r i r e qui glace O n t trop bien Becondé ton in t e n i a le a u d a c e ! Il-; éteignent « l iez n o u s le foyer de la lo i , l ' o n t la 11;)m 11 IL> en i l i r a sa i l ci' i n o n d e t r op é t r o i t .

L e f o y e r où t o u j o u r s s ' a l l u m e l ' h é r o ï s m e ,

O ù l'âme prend, a ins i qu'un rayon dans mi p r i s m e , Toul eei éclal qui met u n e a u r é o l e au front! I l i l e s : 11ili r é p o n d r a p o u r l ' é t e rne l a l ï r o n l

Qui n o u s est i n f l i g é ? V o u s t ro i s , m a u v a i s g é n i e s !

(,111e vos mémoires soient dans tous les tempe honnie . -! Qu'on ne prononce ici vos exécrables n o m s Qu'avec t o u t e l'horreur qui d o n n e des f r i s sons .

E t q u ' i l s s o i e n t , ô m o n D i e u , t o u j o u r s à n o t r e bouche

C e q u ' e s t u n e vipère à la m a i n qu i la t o u c h e !

(Il tombe ipuiii SIM" mi .lièf/e.)

SCENE I X

L é v i s , s o l d a t s , f e m m e s .

LÉVIS

M a i s en v i e n t . T o u t est p r ê t ?

OFFICIERS

O r d r e s e x é c u t é s .

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— ii;? —

I . O l ' I S E l ' A N E T

Qu'allons-nous devenir? Général, voua p a r t e z :

A v e c v o u s su r L'abîme où no t r e a v e n i r p e n c h e

D u sa lu t d i s p a r a î t n o t r e d e r n i è r e p l a n c h e .

M A D E I . O N n o r n u E T

11 ne n o u s r e s t e p l u s (pie d ' ê t r e tous b a n n i s ,

N o u v e a u x A c a d i e n s , n o u s si l o n g t e m p s u n i s :

L ' é p o u x l o in de l'épouse, et le lils lo in d u p è r e ,

D e la m è r e ! a h ! (piel so r t !

L É V I S

N o n , m e s d a m e s , j ' e s p è r e

V o u s s a u v e r , m a i s il f au t a t t e n d r e du s ecou r s ,

K p a r g n e z mes so lda t s .

A N T O I N E T T E DORION

A h ! attendre toujours!

E N F A N T (à sa mère)

A l l o n s - n o u s - e n c h e z n o u s .

H E N R I E T T E P A P I N E A U

C h e z n o u s ! t a n t ô t , m o n a n g e ;

I l y d o r m a i t h i e r . M o n D i e u ! c o m m e t o u t change! R e v e r r a i - j c j a m a i s ce n id de mes a m o u r s

O ù , c o m m e u n e o n d e pu re , o n t c o u l é m e s b e a u x

[ j o u r s ?

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— 114 —

Là, joignant la chanson par l'oiseau gazouillée,

Aux fenêtres souvent j e rêvais éveillée:

Là, j 'entendis ce fils pousser son premier cri,

J e reçus ton dernier soupir, père chéri! . . .

I . K V 1 S

C'est le printemps où tout se pare de jeunesse :

Priez pour que bientôt le Canada renaisse!

Car lorsque Dieu le veut, sous son souille adouci

On voit les peuples morts ressusciter aussi!

I.OI/ISK l 'ANKT {llll ririlliinl)

C'est trop vous retenir. Bénissez-moi, mon père:

C'est la dernière l 'ois!

OQUILLAHD [embrassant si bénissant)

Non, ma tille t r è s chère,

Nous allons nous revoir.

M A D K L O X itot'HGET (mère du jeune garçon)

France, il sera donc dit

Que nous sacrifierons, dans ce grave conflit.

Tout pour toi! mais tu mis dans nos cœurs l 'étincelle

D'un invincible amour: va. mon fils, meurs pour elle!

J E GARÇON

l'eut être vaincu, mais encor digne de vous.

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— 115 —

LOUISE PAN BT

Bien! sans plus dc retard partez. Pensez à nous, Pensez à vos lovers déjà livrés aux flammes, A u x autels profanée par des troupes infâmes. S i vous êtes défaits, ce sçra glorieux Que de tomber ainsi. .VI1! ce sol, nos aïeux U n jour l'ont découvert pour le Chris t et la France. Pour le garder, c'est un combat à toute outrance. Vous , n'allez pas faiblir, et pour que l 'avenir Ne TOUS reproche rien, jusqu'au dernier soupir Aimons la patrie!

DE BOUGAINVILLE

Oh! la patrie! oui qu'on l 'aime! Plus que des cires chers et bien plus que soi-même, Puisque pour elle, au jour des suprêmes défis. Les mère- donnent tout, jusqu'au Bang de leur (ils!

LÉVIS

Quel noble exemple! allons donc mourir, le sourire S u r les lèvres, quand au fond le cœur se déchire. Adieu! Quéln-c si fier, ô rocher immortel, Cher comme un lieu natal, sacré comme un autel. Abaissé maintenant comme tout ce qui tombe. . . Berceau de tout un peuple, en serais-tu la tomlte? Si nous t 'avons quitté, tu restes encor plein Des souvenirs bénis des Laval, des Champlain. Qui pourrait effacer sur ton sol cette trace Qu'ils firent si belle et qui grandira leur race?

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— 1 ir> —

Salu t donc à leur r e lu i r e ! à l 'espri t c r é a t e u r

Qui su! donner un père avec un fondateur! Salu t à t a grande ombre, ô l u t t e u r i n t r é p i d e ,

F r o n t e n a c ! mais ne vas-tu pas , ô n o t r e égide, A u x coups des e n n e m i s , cpiand n o u s t ' a b a n d o n n o n s .

R é p o n d r e eneor par la bouche de tes c a n o n s ?

T o i , le d e r n i e r t o m b é , vai l lant c o m p a g n o n d ' a r m e s ,

Montcalm, reçois aussi mes ad ieux et mes l a rmes !

Sois h e u r e u x d ' ê t r e m o r t : au moins tes yeux fe rmés

N ' o n t p u vo i r le so r t fait à ces b o r d s tant aimés. T u m'appelles, t u d i s : coure à leur délivrance. Ab ! j ' y vais, e spé ran t con t r e t ou t e espérance .

RIDEAU.

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ACTE CINQUIEME

SAINTE-HELENE

ou

La capitulation de la dernière armée française an Canada.

SCENE I

L a scène se passe à l'île de Sa inte -Hélène , en face de Montréa l . I.e

théâtre représente le c a m p de Levis : tentes, celte de L e v i s est

entr'ouverte, V a u d r e u i l et Lév i s en sortent, B e l l e h n m e n r fait la

sentinel le à la porte.

L É V I S

C'est signer, je vous l'ai dit, votre déshonneur.

V A l ' D K K l ' l L

A mis, vous êtes soldat ; moi, je suis gouverneur. Vous aimez à courir les chances de la guerre; De ces Canadiens je suis encor le père.

L É V I S

Ce que vous allez faire enfin n'a pas de nom: Se rendre sans tirer un seul coup de canon, Et cela, cher Marquis, en face de la ville De Dollard!

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— 118 —

V A U D R E U I L

Mais combattre encore est inutile Et l'Histoire <lira qu'ici, si l'on se rend, Non pas un homme, mais tout un peuple fut grand. Et d'ailleurs Saintc-Foye a sauvé notre gloire: Nous ne capitulons qu'après une victoire: Les Anglais ont vingt mille hommes à Montréal: Et, vous, une poignée: est-ce combat égal? Amherst connaît sa force et sait notre faiblesse; On tel état de chose évidemment ne laisse Que i l c u \ c h o i x : la ruine ou la reddition, . l 'opté pour le dernier. Toute une nation. Au Canada, depuis longtemps, a pris ratine. Seul, sans doute. Dieu sait quel rôle il lui destine. A nous de protéger vie et propriété T>angue et religion, tout ce qui fut planté T)e France sur ces bonds, au prix du sacrifice. Comment obtenir plus tard un traité propice? Nous viendrons implorer la merci du vainqueur, Mais en vain.

L É V I S

Allez done! écoutez votre cœur.

V A U D R E U I L

Mais c'est l'âme brisée, aux yeux presque des larmes, (/ne je vous quitte. Hélas! c'est la force des armes. Et puis comment Amherst va-t-il me recevoir? l'I.iignez-moi! jusqu'au bout, je ferai mon devoir.

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S C E N E I I

h K V I S

A h ! fau t - i l en ven i r à ce la? Q u o i ! se r e n d r e ,

V i c t o r i e u x ! Si la F r a n c e eû t su n o u s c o m p r e n d r e !

E t V a u d r e u i l a ra i son , j e suis t r o p d u r p o u r l u i :

P e u de m u n i t i o n s , p r ivé de t o u t a p p u i ,

J e ne p e u x r e t a r d e r cpie de d e u x j o u r s la p e r t e

D e ce pays , e t c 'es t la p o r t e e n s u i t e o u v e r t e

A u x p lus g r a n d e s r i g u e u r s e t j u s q u ' à l ' échal 'aud.

.M H is q u e l ' h o n n e u r soit sauf. (.4 la sentinelle). S'i l y

[ a d u nouveau, S e n t i n e l l e , venez m ' a v e r t i r t o u t de su i t e .

S C E N E I I I

B E L L E I I U M E U B (sentinelle)

11 doi t pa r ce t emps -c i c o n n a î t r e m a c o n d u i t e .

S'il y a d u n o u v e a u , su r le c h a m p p r é v e n i r !

F a i r e la s en t ine l l e , on d o i t en conven i r ,

Ça n e m 'es t pas n o u v e a u , j e vei l le , j e r e g a r d e

E t t o u j o u r s l ' a rme au liras, r a r e m e n t je b a v a r d e .

E t qu ' e s t - ce q u e j e vois? B a h ! t o u j o u r s des A n g l a i s '

P a r devant, pa r d e r r i è r e , à mets c ô t é s : les l a ids !

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Ça, ce n'est pas nouveau: commun, je le déclare.

Du monde comme moi , ce serait au moins rare.

| ( Hn/tinliini)

V o i l à des visiteurs: l ' n . . . (comptant ovtc le doigt) | quai re hommes, parbleu !

Quoi ! (se frottant 1rs yi'iu). C'est bien ça pourtant :

[une femme, ô mon Dieu!

Je connais ces gens-là! qu'est-ce qui les amène?

Tris tes comme des veufs! mais-eux à Ste Hé lène!

Et dois-je en aver t i r le Cheval ier? B i g o t ,

lia Péan. Y c r g o r , tous: ça, ce n'est pas nouveau.

Si j e ne retenais ce qui du cœur déborde,

Je ferais feu, mais non, c'est le pied ou la corde

Qu'à ces lâches il faut.

S C E N E I V

LK MÊME, BIGOT, D A M E P É A N , VERGOH, l'A DUT, MAL'RIX

BIGOT

Monsieur le chevalier

Est- i l ici?

H E i . i . K i i i M K i i! (sèchement)

Non. BIGOT

l'as même un autre officier?

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B E L L I C I l l ' M H U R

N o n .

BIGOT

Ne Bavez-vous pas commandé à ce pos t e?

B E L L E H U M E U R

N o n .

BIGOT

A nos ques t ions , une si-iile r i pos t e?

BELLEHUHEU I)

Oui.

BIGOT

Mais tu me para i s p o u r le inoins s i n g u l i e r ?

B E L L E H U M E U R

Oui .

BIGOT [l'examinant)

Mais où t ' a i - je v u ? n ' e s t - t u pas m o n p o r t i e r ?

B E L L E T I U M E P R

Oui .

BIGOT

T o i , p r e sque m u e t , t u c h a n g e s ; p a r l e , d rô le .

On j e . . . (menaçant).

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— 123 —

BBLLEHUMIUH [para/ni avec le fusil)

C'est qu'à vous voir, j 'a i perdu la parole. Le chevalier, monsieur, je vais l'aller chercher; Mais j ' i ra is plutôt, si j 'étais vous, me cacher. (E.rii.)

SC'KN'K Y

L E S M Û M E S

T E R O O R

Que ça commence mal! que peut vouloir cet être?

D A M E P É A N

Le valet, comme un ch ien , prend les airs de son | maître.

B I G O T

De Levis a toujours été brusque, j 'admets.

D A M E P É A N

Mais offrons-loi de l'or.

B I G O T

Oui! nous perdre à jamais.

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— 1 8 8 —

V E R G O R

C e t t e c a t a s t r o p h e a d o n c éc la té t r o p v i t e ?

VEltGOR

P o u r t a n t j ' a i c ru que l 'or ache ta i t t ous les h o m m e s .

BIGOT

On n ' achè t e que ceux qu i son t c o m m e nous s o m m e s .

CADET

E t que lui res tc- t - i l d o n c a u j o u r d ' h u i ! '

BIGOT

L ' h o n n e u r .

M A T R I X (riniil)

H a ! qu ' i l g a r d e p o u r lui t o u t son p e t i t b o n h e u r .

DAME PÉAN

E t j u s q u ' à ce .Murray qui fait le difficile,

E t qu i g r o s s i è r e m e n t n o u s me t h o r s d e la ville: R e m e r c i e m e n t d ' avo i r t r o p b ien reçu les s iens .

V E R G O R

Mais A m h e r s t vau t - i l m i e u x ?

BIGOT

Où t r o u v e r nos s o u t i e n s ?

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— 124 —

HI G O T

C ' e s t l ' a v a l a n c h e qui (It's m o l l i s so p r é c i p i t e ,

E m p o r t e la d e m e u r e a v e c ses h a b i t a n t s .

N o u s s o m m e s e n t r a î n é s avec les c o m b a t t a n t s

E t c h a c u n d ' e u x auss i , dé f i an t , n o u s rejette.

O u i , tout: g o u v e r n e m e n t et f o r t u n e s ec r è t e ,

Roule p e u t - ê t r e a u f o n d d ' u n a b î m e b é a n t .

DAME PÉAN

T â c h o n s de l e g a g n e r : peut-être q u ' a g r é a n t

N o s p r o t e s t a t i o n s , Levis sera s e n s i b l e

A nos malheurs c o m m u n s .

B I G O T

L u i ! l u i ! l ' i n c o r r u p t i b l e ,

L e j u g e !

V E I Î G O I Î

L e v o i l à !

DAME P É A N

J ' a i peur .

B I G O T

Q u e d i r e ?

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SCENE VI

LES MÊMES, LÉVIS

LEVIS

Quoi! Vous ici! parmi nos défenseurs. Et pourquoi? Est-il resté de l 'or pour qu'on le pille encore? l ' n e moisson cachée afin qu'on la dévore? Ou si, pour les vaincus, il n'est plus que l 'honneur. En vient-on trafiquer par ordre du vainqueur? Ali! vous savee trop bien que cette colonie, ' On l'a vu dépouiller en sa longue agonie, Livrée, et faible et nue, aux mains du conquérant! Et , qu'à cette heure, hélas! elle s'en va mourant . Mais, vous, cruels vautours, voyant presqu'un oada-

[ v r e ,

Battez de l'aile, heureux de sa fin qui nous navre, Accourez vous nourrir des lambeaux de sa chair. Porter les derniers coups à oet être si cher! C'est Bigot et Vergor, toute l'avide bande.

BIGOT

Pour qui nous prenez-vous? écoutez la demande De ceux que l'on accuse à tort. Protégez-nous Contre les délateurs et les esprits jaloux.

EÉVIS

Ha! pour qui je vous prends? mais pour ce que vous [êtes!

I>es hommes les plus vils et les plus malhonnêtes.

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Kl d ' abord , N O U S , .Bigot, h i e r n o t r e i n t e n d a n t , Q u e fû tes -vous p o u r n o u s ? u n voleur i m p u d e n t ! Vous n 'avez employé vot re h o n o r a b l e office Que p o u r sacrifier t o u t à vo t re avar ice . V o u s deviez, l 'œil o u v e r t , p o u r v o i r à t o u t besoin : A ceux d e nos colons , de nos s o l d a t s ; niais loin D ' a g i r a ins i , r apace a u t a n t q u e s a n g u i n a i r e , V o u s avez a r r a c h é j u s q u ' a u p a i n nécessai re A u sou t i en des so lda t s , nos braves défenseurs . L ' a r g e n t a insi g a g n é , c ' é t a i t p o u r les j o u e u r s , lx*s p la is i rs , les p ro j e t s d ' aven i r . T o u t s ' a jus te : L a f o r t u n e s 'écroule.

BIGOT

A h ! vous ê t e s i n j u s t e !

LEVIS

P l u s q u e ce l a : du do ig t , c o n n u e on m o n t r e à dee [ c h i e n s .

A u x vô t r e s , vous avez d i t : " Ce son t là vos biens . " C ' é t a i t le C a n a d a r édu i t à la dé t resse . '• F a i t e s , " command iez -vous , " m a i s que r i en ne pa ­

raisse. " Saluez votre chef, m e s s i e u r s ! (A Bigot.) Vous , soyez

[ f i er

D e vos d isc ip les , ils o n t t o u t p r i s : vo t re Hair. V o t r e voracité. Vergor, s'il est pontile, Vous surpasse . (.1 Vtrgor.) \ 'V~- tu pas le p lus coni-

[ t e m p t i h l e De ces ê t res déjà si 1ms? C a r à ton f ront S ' i m p r i m e n t en des t r a i t s qu i t o u j o u r s g r a n d i r o n t .

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Le pire déshonneur, l'infâme nom de traî tre! Judas à des bourreaux livra son divin Maître, Toi, tu laissas l'Anglais surprendre la cdlé. LTscariote avait lâchement exploité Un baiser, de l'amour le signe le plus tendre: Toi, ton poste c'était de garder, de défendre ! Gage de confiance en ton bras, en ta foi, E t tu ne fus qu'alors plus infidèle au roi.

VERUOR

Fatigué. . .

I . H V I S (/'interrompant)

Par le jeu. Manque de vigilance, N'est-ce pas trahison? E t quand dans la balance Des peuples on jetait notre s o r t , tu donnais!

VERGOR

J'aimais le Canada . . .

LÉVIS

Mensonge! Tu l'aimais? Oui! oomme le bourreau peut aimer sa victime. Et vous, Cadet, Maurin, émules de leur crime, Vous léchiez le sang, ne pouvant mordre la chair Du peuple assassiné dont les crie fendaient l'air. E t vous, vous, une femme, en cette compagnie 1 Mais la femme, ici-bas, créature bénie, ("est bien ce q u e l e ciel a donné d e plus doux. Qui n'a [ras d'aile afin de rester avec nous:

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I Do sd ' i ir, une amante, une épouse, one mure! Qui sait verser du miel dans une coupe amère, ("est l'auge qui ramène au sentier du devoir L'homme, quand il s'égare, en lui parlant d'espoir El d'immolation, qui fait voler aux armes! Mais, dame Péan, vous, vous n'usez de vos charmes Que pour le pervertir et profaner l'amour Qui doit être éternel, non le jouet d'un jour.

DAME PÉAN

( i race!

LÉVIS

Faisiez-vous grâce, alors que tant de mères Vous demandaient du pain pour leurs enfants?

DAME PÉAN

Qu'ainères De ce jour ont été mes larmes! Nous rendrons Tous les biens confisqués.

TOUS

Oui! tous, nous le jurons!

LÉVIS

Dites: qui nous rendra ce que par votre faute Xous perdons aujourd'hui? ce que l'Anglais nous ôte, C'est un empire, c'est tout un monde: océans Baignant un continent, lacs et fleuves géants Rélh'vhissant le ciel et fécondant les plaines. Monts couronnéa de neiffe. interminables chaînes!

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— 120 —

S C E N E VI

T,I:S MÊMES , m o i n s Lév is

D A M E I 'ÉAN

Et c'est là d o n c que m è n e

V o t r e d iplomatie?

5

Cités na issan t p a r t o u t à nos yeux éb louis ,

U n peup l e p ro fessan t la foi de sa in t L o u i s

E t m u r m u r a n t ici la l a n g u e de Corne i l l e .

Aussi l abor ieux q u e r u c h e qu i s 'éveil le,

Aux l a v o n s du j o u r , r ien n e l ' au r a i t a r r ê t é

D a n s ses nob les é l ans , vers D ieu , la l i b e r t é :

0 sp l end ide idéa l ! e t c ' eû t é té la F r a n c e !

E t t o u t est p e r d u . . . Moi, p r e n d r e vo t r e défense ,

L 'espérez-voua?

D A M E P É A N

P i t i é !

LEVIS

M o n c œ u r es t u n vo lcan .

J e ne pu i s r e t e n i r l ' i n d i g n a t i o n , q u a n d

D a n s m o n sang , elle bout e t , d é b o r d a n t e lave,

Appe l l e u n c h â t i m e n t d o n t l ' i n t e n s i t é lave

V o s c r imes . V o u s avez t o u t v e n d u p o u r de l 'or ,

V o u s verrez qu'en F r a n c e il e s t des j u g e s encor .

(.4 la sentinelle)

( 'onduiscz-les au fort. ( Kxil.)

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— 130 —

B I G O T

Et la belle sirène Sut si bien encbanter que l'on s'en est allé Se briser au récif.

V E R O O R

Vous avez calculé

Mal.

M A U R I N

Pour le dire c'est bien tard.

B I G O T

[/homme p ropose . . .

C A D E T

Ce que vous avez fait souvent.

B I G O T

Mais Dieu dispose.

D A M E l 'ÉAX

E t j ' y crois maintenant. .le n'ai plus un ami, Et Lévis nous repousse, ainsi que l'ennemi. Nous sommes renvoyés au gré de leur caprice, Comme le flot des mers rejette l'immondice. Vers qui donc se tourner?

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B I G O T

Gomme des criminels Etre traînés en France!

V E l î G O R

Et jugés comme tels!

B E L 1 . E H U M E U U

Excusez: mais, madame et messieurs, le temps presse.

D A M E l ' É A N

Ah! oui, comme le temps luit à grande vitesse! Tant fie rêves finis!

B E U . K I l l ' M K l ' K

Tant \ a la c r u c h e à l'eau Qu'enfin elle se brise.

M AURIN

Ainsi c'est le bedeau, Au lieu de son curé, qui pour nous monte en chaire.

B I C L L E I I U M E U R

Ces! ("ni ce qu'il vous faut : un conseil de grand-[mère,

Bon pour les casse-cou. (A Vergor boitant.) On a mal [au talon?

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— 132 —

S C E N E V U I

V A U D R E U I L e t u n officier

V A U D R E U I L (à l'affilier qui suri)

S u r le c h a m p q u ' o n p r é v i e n n e

M o n s i e u r le cheval ier .

(L'officier exit.)

P o u r lui q u e j ' a i de pe ine !

Ce généra l A m h e r s t , r ien n ' a pu le fléchir.

A t o u t m e refuser n 'a- t - i l pa.s p r i s p la i s i r?

S C E N E J X

LE MÊME, L É V I S

L E V I S

E h h i e n ?

V A U D R E D I L

% T o u t est c o n c l u ; j ' a i mi s m a s i g n a t u r e

v W c c celle d ' A m h e r s t ; ce t r a i t é n o u s a s su re

VERGOIt

Mais m o i n s q u ' a u c œ u r .

BEi.i.EHi'MKi'K (imita ni devant lui les détenus)

V r a i m e n t ? Montez u n éche lon . (A part.) A h ! ça, c 'est d u nouveau . {Exeunt).

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Liberté de croyance, usage de nos l o i s .

Maît r i se de nos b iens , respect à tous nos d r o i t s : J

Et n o u s , rapatriés, r a m e n é s su r nos terras : U n seul r e f u s . . .

L É V I S

Leque l ?

V A U D R E U I L

Les h o n n e u r s mi l i t a i r e s .

L É V I S (surpris)

C o m m e n t ?

V A U D R E U I L

Le croyez-vous? avec lui j'ai p la idé . Que n ' a i - j e pas offert! j ' a i pr ié , m a r c h a n d é . Mais A m h e r s t est res té jusqu'au bout inflexible: Après vo t re c a m p a g n e !

L É V I S

Al lons ! c'est imposs ib le .

P o u r n o u s t r a i t e r a ins i , quel est d o n c son m o t i f ?

V A U D H K U I I .

C'est , m o n c h e r chevalier, qu ' i l est v ind i ca t i f :

I l n e p e u t de Clus te r oub l i e r la h o n t e u s e

C a p i t u l a t i o n . Mais sa b o u c h e m e n t e u s e

P r é t e n d v e n g e r a insi les s iens des c r u a u t é s

Commise? par nos P e a u x - R o u g e s su rex i t é s .

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— 134 —

L E V I S

Chez lui, scalper n'est pas le seul fait des sauvages Les Rangers ont sur nous exercé ces outrages. Il veut nos drapeaux?. . .

V A U D R E U I L

Et votre épée.

L E V I S

A h ! jamais!

Quand la reddition?

V A l ' D U l C r i l .

A u matin.

L É V I S

Je promets

De tenir ici prêt tout mon reste d'armée, Mais ma main, soyez-en sûr. sera désarmée. Axant que de venir remettre à ce brutal Mon épée, et je pars sans voir un tel rival.

V A U D R E U I L

Mon cœur comprend le vôtre. Adieu!

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— 135 —

S C E N E X

LÉvis et sentinelle

LEVIS

Eté! sentinelle! Allez à tous les campe: j e veux que l'on appelle E n cet endroit e t sans retard les régiments Qui se trouvent dans l'île. (Sentinelle exit.)

S C E N E X I

L É v i s [seul, touchant son épee)

U ciel! j e nie démens, Si j e te livre ainsi, toi, ma vaillante épée, Parmi tant de trésors au naufrage échappée. E t vous, nobles drapeaux, ô mes chères couleurs! Qui nous restiez encore au sein de nos malheurs! Au refus d'épargner ce que le plus on aime, Répondons à l 'instant par un effort suprême. (Se

| frappant le front.) Ah! cette idée, oui! oui! j e l 'exécuterai, Quoiqu'il m'en coûte tant. (Exil; en .sortant il parle

[à Viger.)

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- 138—

SCENE XII

viOER et autres soldats

VKiER

C'est moi le ferai .

TASCI1EREAU

Q u o i ?

VIGER

Du feu.

HÉBERT

Pourquoi donc?

VKiER

Mais d u bois, une. b û c h e !

COUII.LARD

Es t - ce pour se chauffer:*

BELLEHUMEUR

A h ! m i e u x v a u t u n e crucl ie .

DUT AL

Ou bien f ro t t e r encor des orei l les d ' A n g l a i s .

HÉBERT

O u ' e n d isent les a m i s ?

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V M ; K H

C'est ce que je voulais, Mais le chevalier veut du feu: mais vite, allume.

C O U I L L A R D

Tiens! mon tousseur, voilà ce qu'il faut pour ton

[rhume.

T A S C H E R E A U

Tu tousses: l'on dirait la gueule d'un canon.

D E L O R i M i E R (arrivant)

Là! là! que veut-on faire? est-ce la Saint-Jean?

V I G E R

N o n , Je ne fais pas ici, je pense, un feu de joie.

JOSÉ C'ASSEGRAIN

( " e s t Tile d'Orléans, quand, la nuit, tout flamboie Et que tous les sorciers dansent autour, tour lou! ]1 faut la (.'orriveau.

B E L L E H U M E U R

Mais j 'ai la Péan.

Fou! V I G E R

G

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— 138 —

B E L I . E H U M E U R

Je l'ai mise sous clef, je te dis, toul à L'heure, Et la belle! si tu l'avais vue! elle en pleure.

T A S C H E R E A U

Mais je te félicite: ah! tu l'as Le trésor!

B E L L E I H ' M EUR

Oui! penses-tu que c'est pour moi qu'elle est au fort? Kl le est avec Bigot, beau Maurin . . .

T A S C H E R E A f (interrompant)

Et sa bosse!'

B E L L E l i I'M EUR

(Tous.) A b ! que je les tienne un jour, je vous les [brosse.

V I G E R

Que nous sommes mal pris!

U K I . I . K I I I M i . r i ;

l'aree que ce beau bec De Ramsay, sans se battre, est sorti de Québec.

DEI.ORIMIKR

C'oininent sortir d'ici?

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— 189 —

V I G Kl!

Goup manqué : perte entière. Ali! Bougainville aurait dû venir en arrière Des Anglais, lorsque nous les tenions par devant! Ils seraient disparus, comme feuilles au vent.

DELOBJMIEB

Le chevalier Devis revient. {Les soldats prennent po-[silinii.)

V1QEB

Qu'il parait Bombre!

TA8CHEBEAU

Ah! c'est plus que la nuit qui l'enveloppe d'ombre.

SCENE XIII

L E S M Ê M E S , L E V I S , UK B O l ' G A I N V I L L K , H O U R -

i . A M A Q r K , tous les soldats se sont mis sous les armes. . . roulement de tambour, trompette.

L É V I S

Soldats, ensemble, avons-nous combattu souvent, Allant droit au danger et toujours le bravant! Quelle valeur jamais a surpassé la nôtre? Vous connaissiez ma voix, je connaissais la vôtre.

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— 140 —

Notre sang, se mêlant, sur tous ees champs bénis, Faisait que nous n'étions qu'un, à jamais unis. Nous fûmes enivrés du vin de la victoire, Nous rêvâmes alors tant de rêves de gloire, Songeant que nous pourrions bien recréer, un jour, Sur ces bonis adorés, la France, notre amour! Fli! bien, tout est fini!. . . n'étant qu'une poignée,. Far la mère patrie enfin abandonnée, Au pouvoir des vainqueurs et sans munition-. Four obtenir de moins tristes conditions 11 ne nous reste plus maintenant qu'à nous rendre. C'est la dernière fois que vous allez entendre La voix de votre chef, de votre général: D'un grand drame historique, ah! c'est l'acte final. F t , soldats, cet adieu, qu'ici je vous adresse. A pour moi l 'amertume et toute la tristesse De celui que l'on fait au mourant le plus cher.

(Fusillade.)

Fntendez-vous ce coup qui retentit dans l'air? 0 nuit , couvre le ciel de tes funèbres voiles! Fleuve, éclate en sanglots, et vous, pleurez, étoiles! Arbres, où l'on entend dans l'horreur de ce soir (iémir le vent, tordez vos bras de désespoir: f a r ce coup, c'est le glas d'un peuple qui succombe: Ici. la France va mourir. Déjà sa tombe, Comme un abîme noir, s'entrouve... avec nos pleur». Nous allons laisser là la moitié de nos c<eurs. Et demain ce sera ses tristes funérailles. Tout ce que nous avons porté dans les batailles Four défendre sa gloire, il faudra, sort cruel! IJC livrer à qui lui donne ce coup mortel.

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Ajuheret sans pitié va nous arracher ces armes, l'art de nous-mêmes: ah ! je vois couler vos larmes. . . L'éjR 'e, un fusil, c 'est, dans la main du soldat. Ce qu'est à l'astre d'or son rayonnant éclat. Et vos nobles drapeaux, frémissant à m'entendre. Allez-vous lâchement, comme une arme, les rendre?

SOLDATS

Non! non!

LEVIS

I'll étendard, c'est plus (pl'un peu de 1er: t ' es t un être qui vit, quelque chose de fier, l ' ne âme est dans ses plis, qui tressaille et s'envole. S e s claquements dans l'air, c 'est bien une parole. Et comme je comprends son langage sans mots. Pleure en reconnaissant ses emblèmes si beaux! Ali! il est promené du couchant â l'aurore. Et puisque, sous ce ciel, on le revoit encore Saluez, saluez ce glorieux drapeau : C'est la K ran ce qui passe en ce monde nouveau!

(On lève les ilrii/n'iiii.r. tous saluent. )

Bien! ne le livrons pas, ce cher lambeau de soie. Au gré de l'ennemi, comme une vile proie. De cet outrage, il faut le sauver, je le veux. Et même en le perdant. Là, voyez-vous cen feux? Les voici préparés pour la noble victime: Tout en cendre, plutôt qu'une tache s'imprime A son front radieux! Appelez les drapeaux

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M A I . A R T I C

(ïuienne!

(LA porte-drapeau s'araure.)

L E V I S

Que ses plis sont amples! qu'ils sont beaux I

P O R T E - D H A P B A i

Ils couvraient de Cartier les blanches caravelles, Quand ce marin cingla vers ces terres nouvelles. Ils se sont déployés, depuis, du Saint-Laurent Au golfe du Mexique et toujours s'emplissant Par la main des Champlains et celle des Lasallcs De moissons de lauriers, de palmes triomphales. La relique de tout un glorieux ]>assé, Cet emblème par tant de brises caressé, A la voûte du temple avait ployé son aile. Lorsque trahi. Québec ouvrit >a citadelle. Je le pris, espéraul que ce guidon béni A nos couleurs bientôt se verrait réuni. C'était notre gloire à nous, soldats de Ouienne. Eh bien, au feu plutôt que l'ennemi le prenne!

M A I . A I I T I C

La Sarre!

I . É V I S

Comme emor ces antiques couleurs.

Malgré les ans. ont bien conservé les trois fleurs

De lys.

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POETB lilt A l ' K A U

La Trinité s'y grave en doux symbole. Te l un groupe de trois colombes au eieï vole, (.'es triples Heurs d'argent sèmenl ee ehamp d'azur. Cet étendard, sacré comme un nuage pur, Ombrageait l'ostensoir au pied du Mont-Royal Dans la nuit immortelle où naquit Montréal. Et , quelques jours après, il guidait Maisonneuve Lorsque sur son épaule il portait de ce fleuve, A u rivage enchanteur, par des sentiers étroits, Comme un trophée altier, le bois lourd d'une croix, Jusqu'au plus haut sommet de la verte-montagne, Pendant que tout un peuple en chantant l 'accom-

I pagne. C'est lui qui le soutint, chère apparition! Kt. contre l'Iroquois, le changeait en lion! A son ombre, Dollard et sa bande héroïque Courait renouveler là-bas un geste antique. Ne nous parlait-il point à Monongahéla? Eh bien! quoique pâli, déchiré, le voilà, L'étendard précieux du régiment la Sarre! Mais, au feu! général, avant qu'on s'en empare!

M A l . A RTIC

Languedoc! L É V I S

J A h ! c'est lui, votre cher pavillon!

P O R T K - D H A P E A U

Ceux qui l'ont défendu tracèrent un sillon De gloire pour la France en tentant l ' impossible:

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— 144 —

('"est ce «|ue fit, à la baie Hudson, d'Ibcrvillc. Avec un seul navire, enlevant trois vaisseaux. Ou lorsque de Bienville allait, noble héros, Sous le feu des canons, recueillir, à la nage. Un drapeau d'amiral, qu'abattit le courage Du brave Sainte-Hélène. Il a flotté l'hiver Et l'été, ce drapeau, sur la terre et la mer, Depuis le pôle nord à la Louisiane; E t sur nos fronts, enoor victorieux, il plane: E t l'on veut le ravir à notre Languedoc? Qu'il aille au feu plutôt que souffrir un tel choc!

M A I . A H T I C

l.e Royal Boussilton! LÈVIS

Plus qu'une banderolle!'

I ' O n T F . - U I î A P K . V I

Il en reste bien peu. mais le cœur en raffole, Car il nous-fût un jour donné par le grand roi Pbur défendre d'un fils l'imprescriptible droit. A-t-il pris quelque ehoêe, en allant en Espagne, Du pala<lin Holland, neveu de Charlemagne:-' Il courait, comme lui, le premier, au danger. S'agitent au-dessus de moi. joyeux, léger! Mais l'aigle au combat perd les plumes de .-es ailes: Lui, de même en lut tant , a jeté des dentelles Aux frénétiques coups des balles et des vents. Cependant, ces lambeaux sont encor si vivants Qu'à les voir on s'émeut et .la nuit on en rêve. Mais lout au l'eu plutôt que l'Anglais nous l'enlève!

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— 145 —

MA L A R T I C

Milice!

L É V I S

Qu'ai-jc vu? cette enseigne à mes yeux,

En see longs plis île neige, a les relicts des eieux!

T A S C I I E R E A U

Comme l'aube elle est Manche et brillante connue [«lie.

I 'our les Canadiens, en eet-il de plus belle? Montcalm nous l'a remise et de sa propre m a i n .

Disant : " A i m e z Dieu, puis allez votre chemin! " La poudre l'a touchée, à peine, elle est si pure! E t voyez: elle n 'a qu'une seule blessure. La gloire, en la baisant, y laissait un rayon: C'était l'autre jour, et sous vous, à Carillon! Et faite j H i u r monter, elle ne peut descendre: Eh bien! je ne veux pas q u ' u n la réduise en cendre. Epargnez mon drajwau. celui de Carillon, Lui, l 'amour et l'orgueil de notre bataillon! Epaignez ma bannière, image de la France, C'est un souffle de vie, arc-en-eiel d'espérance, (^uc tout ne meure pas! <|ti'il nous reste, l'esprit De- glorieui exploits dont notre âme s'éprit. E t le peuple, oublieux du drapeau des ancêtres. Peut-il être jamais fidèle à d'autres maîtres? Ah! plus tard, quand les temps de haine auront

| cessé, L'Anglais ne sera pas. par ce signe, offensé:

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— 14(i —

Nos d e s c e n d a n t s pourront, d a n s l e u r s plus g r a n d e s

[ f ê t e s ,

L e p o r t e r , c o m m e n o u s , a u - d e s s u s d e l e u r t ê t e s .

I l l e u r d i r a : s o y e z d i g n e s d e v o s a ï e u x !

L É V I S

i l a i s l ' e n n e m i ? c o m m e n t l e s o u s t r a i r e à s e s y e u x ?

TASCIIKHEAU (oïlirtlltt son hitbil)

J e s a u r a i b i e n c a c h e r là c e t t e c h è r e é p a v e .

LÉVIS

B i e n ! m e t s - l a sur t o n c œ u r , c ' e s t l ' a s i l e d u b r a v e .

(.1 l'offirirr) E s t - i l quelque d r a p e a u qui m a n q u e à

c e t a p p e l ?

H A I. A IÎT IL'

l ' a s u n s e u l . V o u s p o u v e z porter le c o u p m o r t e l .

I . K V I S

A b ! c o m m e v o u s , j e s u i s é m u j u s q u ' a u x e n t r a i l l e s !

S o l d a t s , n o u s l e u r f e r o n s d e b e l l e s f u n é r a i l l e s !

I l f a u d r a i t u n b û c h e r q u i m o n t â t j u s q u ' a u c i e l .

C o m m e o n f a i s a i t j a d i s u n a p p r ê t s o l e n n e l

P o u r b r û l e r d e s ( ' é s a r s la d e r n i è r e d é p o u i l l e :

N o s v i r u s l e s p o r t e n t h a u t p o u r q u e r i e n n e l e s

[ s o u i l l e .

C o m m e l ' h e u r e e s t u n i q u e e t l e s p e c t a c l e g r a n d !

1M n a t u r e s ' u n i t a u x h o n n e u r s q u ' o n l e u r r e n d .

A l i ! l e s i l e n c e é c o u t e , u n s o u f f l e l e s e f f l e u r e

E t la n u i t a v e c n o u s d e t o u s s e s y e u x l e s p l e u r e .

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Cette île est un autel, ce feu, c'est un sauveur: Car sa flamme à l'instant va de tout déshonneur Garder pieusement ces superbes bannières. Elles ne seront paa un moment prisonnières : Oui! oui! puisqu'il le faut, tous les drapeaux au l'eu! VA roue, roulez, tambours; c'est l'éternel adieu!

Tous les drapeaux s'abaissent vers les flammes: les soldats inclinent In tête, Lévis de ses deux mains

se couvre les yeux; roulement de tambours.

E h ! mon Dieu ! pour qu'il soit complet ce sacrifice, Il ne manque p lus qu'une hostie expiatrice, Ki c'est toi, mon épée! (Il met la main à son épée.)

[ A h ! rien qu'à te toucher, Je te sens tressaillir, et l'on veut t 'arracher Des mains loyales qui si souvent t'ont pressée . Toi , symbole d'honneur, ma chère fiancée! Me pardonnerais-tu jamais un tel oubli? Que je voie encor ton acier clair ei poli. (// tire son

[épée.) T u n'as servi toujours que la plus juste cause Et , sur ta lame, un roi, tranquille, se repose. Toujours, pour commander, je te brandis dans l 'air : Mes soldats nie suivaient alors à ton éclair. J'espérais te porter, étincelante, agile, Jusqu'au jour où mon bras deviendrait immobile. Mais il te veut aussi, .notre insolent vainqueur. Avant de te livrer, qu'il m'arrache le cœur! Adieu donc! (il la baise) je te brise, arme de la vail-

[lanee! (// jette Ivs tronçons de son épée dans h: fen.)

A h ! voilà bien la fin de la Nouvelle-France !

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UK BOUOAINYILLI

Ne par lez pas a in s i , q u a n d tou t semble p e r d u . T o u t est sauvé souvent , t o u t p e u t ê t r e r e n d u . L ' a u t e u r île l ' ê t re est seul des n a t i o n s le m a î t r e , Lu i , les laisse m o u r i r , les fai t aussi r e n a î t r e . Ce c h a n g e m e n t — qui s a i t ? — est p rov iden t i e l . Et pouvons -nous sonde r tous les desse ins d u ciel ? VotM vîtes c o m m e moi l ' é tat de la p a t r i e : Là-bas, on joue avec son h o n n e u r e t sa vie. C a r on sape à leur hase e t le t r ô n e et l ' a u t e l : T o u t c e qui paraissai t devoir ê t re é te rne l Va s o m b r e r d a n s la boue et d a n s le s a n g peut-être. T a n d i s que , su r ces bords , ce peuple peut renaîtra De ses cendres , ainsi q u ' u n Phén ix merve i l l eux . I l sera séparé du beau pays des p r e u x : S ' i l n ' en a pas le n o m . il en sera la c h o s e : E t , s u r ce sol fécond, double fleur p iesqu 'éc losc , La langue des aïeux et leur t o u c h a n t e foi P o u r r o n t s ' é p a n o u i r : ce sera i t encor to i <^ui pour lui revivra is , ô no t r e d o m e F r a n c e ! P e r d u e à regret, mais toujours son espérance .

I . K V I S

C o m m e n t s'orienter? il fait p a r t o u t si noir . Astre de l ' avenir , puis - je t ' a p e r c e v o i r ? La tbunnie brû le encore et la v i c t ime est p r ê t e : Dieu, «pie ta volonté . 7 1 0 1 1 la m i e n n e , soit f a i t e !

DE n o n ; A i N V I L L I ;

0 ciel ! c o m p t e tout : pleurs et s a n g : que ce tombeau De tou t e s lc> g r a n d e u r s dev i enne le b e r c e a u !

RIDEA1

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