a. gardeil (1910). le donné révélé et le théologie. paris, gabalda
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Bibliothque
tholog
ique
'
^
r
LE DONNE
REVELE
ET
LA THEOLOGIE
LE
PRE
A
GARDEIL
DOMIMCAIN
MAITRE
EN
THOLOGIE
PARIS
LIBRAIRIE
VICTOR
LECOFFRE
J.
GABALDA
&
Cie
RUE BONAPARTE
1910
;,
90
-
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Nous
soussigns,
avons
lu
le
livre
du
T.
R.
P.
Gardeil
intitul
: Le
Donn
rvl
et
la
Thologie, leons
du
cours
d'apologtique
donnes
en
1908-1909
l'Institut catholique
de
Paris
: nous
en
approuvons
l'impression.
Le
Saulchoir,
Belgique,
le
29
juillet
1009.
Henri
Dormuiq
ue
AOBLE,
Reg.
GARRIGOU-LAGRANGE
lecteur
en
thologie.
lecteur
en
thologie.
NIHIL
OBSTAT
rCF
f/EriAEVAL
8TUDIE3
?AeLEy
PLACE
Raym.
BOULANGER.
^ .^..TO
6,
CANADA
.oi
'^'^
IMPRIMATUR
Parisiis,
die
30
Aug.
1909.
P.
PAGES,
V.
g.
-
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AVERTISSEMENT
Les dix
leons qui
composent
ce volume
ont
t
donnes
l'Institut
catholique
de Paris,
pen-
dant
le
premier trimestre
de Tanne scolaire
1908-
1909.
Je
les publie
telles
qu'elles
ont
t pro-
nonces.
J'ai
seulement
restitu
les
passages
que
j'avais d
courter
ou supprimer,
faute
de temps.
Dans la leon quatrime on trouvera
une
expres-
sion de ma pense
un
peu
diffrente
de
celle
que
contenait
la
leon
orale.
Les
conclusions
sont
identiques,
mais les
motifs qui
les
fondent
ont
t
approfondis
et
justifis
,
de manire
mettre
da-
vantage
en
relief
le
cavdiCiere
positif
des
rensei-
gnements que
nous
fournit sur
Dieu
la
connais-
sance
analogique.
C'est pour
moi un
devoir
de remercier
ceux dont
la
sympathie
m'a soutenu
dans
cette
entreprise.
Au
premier
rang,
comment
ne
pas
nommer
M^^
Baudrillart,
qui, en
m'installant,
pour trois
mois,
dans
la chaire du
Cours
d'Apologtique
spcialement
destin aux
hommes,
s'est
plu,
fort
-
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VIII
AVERTISSEMENT.
gracieusement,
rappeler aux
assistants que l'-
cole
des
Carmes
avait
jadis
t
la maison
des
Do-
minicains et
en
particulier
du Pre
Lacordaire
*
?
J'exprime
aussi
toute
ma
reconnaissance
mes
fidles
auditeurs, dont la
bienveillance
et l'intel-
ligente
attention,
en dpit
de l'austrit des
ques-
tions
traites,
ne
se
sont
pas
un seul
instant
d-
menties.
Fr.
A.
Gardeil,
Des
Fi-res Prcheurs.
Couvent
d'tudes
du
Saulchoir,
Kain,
Belgique.
Le
1
octobre
1909.
1.
La
Croix,
19
novembre
lfK)8.
-
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INTRODUCTION
I.
Objet et
but de cet
ouvrage.
Le
sujet
gnral
de
ces
leons
est
exprim
dans
l'antithse
de son
titre
: Le Donn
recel
et la
Tho-
logie.
Ce
sujet
fait
corps avec un
autre
que
j'ai
trait
antrieurement
:
La
Crdibilit
et
l'Apologtique^
.
Aprs
avoir
tudi le Dogme
catholique
dans
sa
vrit
extrinsque,
ou
crdibilit
rationnelle,
et
d-
fini l'Apologtique
en fonction
de
cette
notion
prcise,
j'aborde
l'tude de
la vrit
interne
de
ce
mme
dogme,
en d'autres
termes,
de sa crdibilit
surna-
turelle
et
actuelle^,
et je m'efforce
de
dterminer
le
concept de
la Thologie
en
fonction
du
Donn r^>l
comme tel.
Je
complte
ainsi
l'uvre
commence
dans
mon
premier
ouvrage,
et que j'ai
appele,
un
peu cr-
1.
Cet
ouvrage
est
actuellemeut
puis.
J'ai
le
projet de
le rema-
nier et
d'en
donner
plus
tard
une
autre
dition, dans
laquelle
je tien-
drai
compte des
remarques,
des
critiques,
des discussions
dont
la
pre-
mire
a
t
l'occasion,
comme
aussi
des
travaux
nouveaux
sur
le mme
sujet, par exemple,
le
livre
du P.
Hugueny,
les articles
de
M. Bain-
vel,
l'article
Apologtique
du
Dictionnaire
d'Apologtique.
Dans
ce
dernier
article,
j'ai
eu
la
satisfaction
de
reconnatre
un
grand
nom-
bre d'ides et
mme
de passages
emprunts
La
Crdibilit
et l'A-
pologtique.
Je
ne
puis que
me
rjouir
de voir,
aprs si
peu de
temps, ces doctrines
prsentes
dans un
dictionnaire
desiin l'aire
autorit
en
tliologie, non
comme
l'opinion
personnelle
d'un
auteur,
mais comme
le sentiment
reu,
commun,
courant,
et, ds
lors, forc-
ment
anonyme,
des Thologiens.
2. Cf. pour
l'intelligence
de
ces
termes,
La
Crdibilit
et
l'Apolo-
gtique,
p.
29-33
et
42-45.
T
a.
Z64-
-
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X
INTRODUCTION.
ment
peut-tre,
une
uvre
d'assainissement
du
domaine
thologique.
Ce
n'est
pas seulement
en
Apologtique,
en
effet,
que
nous
constatons
la
con-
fusion des
doctrines et
des
mthodes
^
c'est
aussi en
thologie.
Quest-ce,
au
juste,
par
exemple, que la
Thologie
positive? Qu'est-ce
que
la
Thologie
historique
?
Qu'est-ce
que
la Thologie biblique
?
En
quoi
ces
disciplines
diffrent-elles
de
l'Histoire
des
Dogmes,
de
l'Histoire
des
Doctrines,
de
l'Ex-
gse
biblique? Quelles sont leurs relations avec la
Thologie
proprement dite, conserve, dans
la
no-
menclature des
disciplines
nouvelles,
sous le
nom de
Thologie
spculative?
Autant
de
questions diverse-
ment poses et diversement rsolues^.
Je
n'ai
pas
ici
l'intention
de
solutionner
toutes ces
questions. J'y toucherai dans
la
mesure
o
il paratra
utile
pour
mettre en
lumire
la notion de la Tholo-
gie
que je
considre
comme la
seule
vraie.
Je
dfen-
drai
donc
la Thologie
catholique
vritable
contre les
entreprises
d'annexion
ou
d'infiltration de
sciences
connexes,
dont
le
but,
le
point
de
vue,
l'objet et
la
mthode sont
toutefois
diffrents. Mais,
dans
l'excu-
tion
de
ce
plan
de dfense,
je me proposerai comme
principal
objectif de
manifester,
directement et
pour
\.
Cf.
Opre
cit.,
p.
131-134
et
142-155.
2.
Cf.
la Note
du
P.
Jacquin,
Question de
mots,
etc.,
et
la
biblio-
graphie
qui
l'accompagne,
dans
la
Revue
des
Sciences
philosophiques
et
thologiques, janvier
1907,
p.
105;
Lemonnyer,
Bulletin
de Tholo-
[/fe
biblique,
Ibidem,
p.
130-133;
Schwalm,
Les deux
Thologies,
etc.,
Ibidem,
novembre
1908,
p.
674;
Coconnier,
Positive et spculative,
Revue thomiste,
janvier
1903;
T.
Richard,
tude critique sur
le
but
et la
nature
de la
Scolaslique,
Ibid.,
mai
1904; M? ^ Mignot, Let-
tres
sur les
tudes
ecclsia'itiques,
spcialement
Lettre VI, Paris,
1908.
Nous
nous
en
tenons
l,
mais
on
trouvera
l'indication
d'autres
con-
tributions
la
question
dans
la
Bibliographie
des
articles
et ouvrages
cits.
-
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INTRODUCTION.
\i
lui-mme,
le
caractre
spcial,
autonome,
unique de
la
Thologie. De mme, en
effet, que
la meilleure
manire
de
n'tre
pas
attaqu,
c'est
de
mettre
hors
de
pair
sa
valeur
personnelle, le meilleur moyen
de
soustraire une
doctrine
la
tyrannie des
disciplines
connexes,
c'est
de faire
la
preuve
de sa
consistance
intrinsque parfaite
et de son autonomie.
Cette
tactique
est celle
que
j'ai suivie dans
l'ou-
vrage
complmentaire
de
celui-ci,
pour
dgager
l'Apologtique
de cette
tunique de Nessus
que
lui ont
tisse ses
surs
ennemies. 11
a
suffi de met-
tre
clairement
en
vidence son
objet formel, la
Cr-
dibilit, pour que les autres
disciplines fussent
irrmdiablement
dboutes
de
leurs
prtentions
l'englober.
Pareillement,
c'est
du
moins
mon
esp-
rance,
il suffira de
mettre clairement
en
vidence
l'objet formel de la
Thologie,
pour
manifester l'incu-
rable
strilit
de
ces
maladroits
essais de
rforme
qui
prtendent
la restaurer,
sans
en
avoir saisi
la
pure
essence,
et ne russissent qu'
l'encombrer
d'lments
htrognes.
Or, ce
qui
fait
l'originalit
de
la
Thologie
et
lui
donne une place part parmi toutes
les
sciences,
y
compris
les
sciences
dites ecclsiastiques,
ma tche
sera de
le dmontrer,
c'est qu'elle
est
une
science
intrinsquement
surnaturelle, dont
les
conclusions
sont
homognes au donn
rvl qu'elles
laborent.
La
substance
de
la
rvlation,
avec
le
caractre pro-
pre qu'elle
doit
son
origine surnaturelle, se
re-
trouve tout
entire dans
l'organisme
thologique;
elle
y
est
comme transfuse
^
1. Je dis
dans
l'organisme
thologique considr
dans son
ensem-
ble. Il
va de
soi
que
chaque
membre
de
l'organisme, chaque
cellule
-
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XII
INTRODUCTION.
Voil
ce
qui
fait de
la
Thologie
catholique
une
doctrine
unique,
sotrique
pourrait-on
dire,
en
tout
cas
distincte
de
toutes
les
autres
doctrines,
voire
mme
spare,
de cette
sparation
qui s'appelle trans-
cendance
et
que
le
vieil
Anaxagorc
rclamait
pour
son
Intellect,
spar,
disait-il, afin de
commander
.
Elle
commande,
en
effet,
toutes
les
sciences
qui
s'occupent,
des
points de
vue spciaux, de son objet
premier,
le
Donn
rvl
:
semblable
la
m-
taphysique
qui,
selon
la
conception
d'Aristote,
ayant
reu
en
partage
comme son objet
propre l'tre lui-
mme,
commande
toutes
les
parties
de
la
Philoso-
phie
de
rtre,
physique,
psychologie, morale, logi-
participe
cette
caractrisation
dans la mesure de
son
importance.
C'est
cette
mesure
que
j'essaie
de
dterminer
plusieurs
reprises,
spcialement
dans
les leons sur
la Science
thologique,
les
Systmes
thologiques
et
la
Thologie de
saint
Thomas d'Aquin.
Au
sujet
de
celte caractrisation
surnaturelle
de
la
doctrine
tho-
logique,
je
signale ds
maintenant, l'adresse
des
Thologiens qui me
feront
l'honneur
de me
lire,
et pour prvenir toute
mprise
de
leur
part,
une
diffrence
notable entre la manire dont le
Donn
rvl
comme
tel
dtermine
spcifiquement
la
Thologie, et la
manire
dont
la
Crdibilit
spcifie
l'Apologtique. Dans
ce dernier
cas, la
dter-
mination
est
immdiate
et
directe.
L'Apologtique
est la Science
du
divinement
croyable,
tel que la
raison
naturelle l'tablit.
Au
con-
traire,
et
j'aurai
soin
de
le
noter
toutes les fois qu'il
en
sera besoin,
le
Donn
rvl ne
spcifie que
mdiatement
la Thologie. La facult
de
connaissance
qui regarde
directement le
Donn rvl
comme tel,
c'est
la
foi
divine. Mais
la
Thologie
bien
entendue s'origine
aux
v-
rits
de
foi comme
telles
:
ces
vrits
sont
ses
principes
:
elle est,
vis--vis
d'elles,
dans
une
dpendance essentielle.
Et de
l vient que,
tout en
ayant la
structure et
les
procds
d'une
science
humaine,
la
Thologie ne
laisse
pas de dpasser toutes les
sciences
humaines
par
le
caractre
formellement
surnaturel
des
donnes
premires
de
ses
laborations.
De
l vient aussi que
l'espce de
vrit
obtenue
au
terme
de
son
travail, sans tre du
formellement
rvl
,
n'est
pas
non
plus de
l'ordre des
vrits naturelles,
mais
du
virtuel-
lement
rvl
, ou,
comme
dit
saint Thomas, du
rvlablQ.
Et cela
suffit
marquer
la
Thologie
une place
part, unique,
transcen-
dante,
parmi
toutes les
sciences
humaines,
dites,
improprement et
matriellement,
thologiques.
Cf.
Summa
theologica,
P
P.,
q.
I,
a.
1, 2,
3;
SCH^ZLER,
Introd.
in
S.
Theologiam,
c. i,
a.
2,
n.
6;
Jean
DE
Saint-Thomas,
Cursus
theoL, I
P.,
q.
I,
disp.
H,
a.
n.
H.
-
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21/417
INTRODUCTIOiN. xiii
que
mme,
les
utilisant
toutes,
sans tre
au
service
ou dans la dpendance
d'aucune
d'entre
elles.
La
reconnaissance
de
cette
autonomie,
de
cette
transcendance
et
de cette matrise
est
le
but
sup-
rieur auquel
tendent
les
dmonstrations dont
la
srie
constitue cet ouvrage.
Il
en
rsultera,
comme
cons-
quence
pratique immdiate,
que
la
Thologie,
bien
loin
de
constituer,
comme on
Ta dit,
de
l'extrins-
cisme
par rapport
la
vie
chrtienne,
est.
au
con-
traire,
une doctrine
de
pit
et de
religion
surnatu-
relles,
quelle
est capable,
non
seulement
de
nourrir,
de
dfendre
et
de
fortifier
la foi
divine,
ce
principe
premier
de toute
vie surnaturelle,
mais
mme
de lui
rendre son tour
le service
qu'elle
en
a
reu,
c'est--dire,
suivant
le
mot
hardi
de
saint
Augustin,
de
l'engendrer'
,
et
d'enrichir
ainsi le
domaine
de
la
charit
et toute la vie
spirituelle.
II.
Plan
d'ensemble.
Pour
mener
bonne
fin le
programme
que
je
viens
d'esquisser,
deux
points capitaux
sont
lucider.
La
thologie,
c'est un fait
notoire,
a
pour
point
de
dpart
immdiat
la
vrit
de
foi,
c'est--dire le
dogme
catholique.
C'est par
le
dogme
donc qu'elle
est en
communication
avec le
Dpt
de la
Rvlation,
ou
donn
rvl
proprement
dit;
et
c'est,
en
cons-
quence,
sous
la forme
du
dogme,
que le
donn
rvl
influence
spcifiquement
les
conclusions
de
la
Tho-
logie.
Or, dans
ce
double
trajet qui
va
du
Donn
im-
mdiatement
rvl au
Dogme,
et du
Dogme
aux
1.
De Trinitate, 1. XIV,
c.
i.
-
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22/417
XIV
INTRODUCTION.
conclusions
thologiques,
sommes-nous
surs
et
cer-
tains
que
la
valeur
propre
du
point
de dpart
premier,
c'est--dire
l'autorit
de
la
rvlation
divine,
conserve
toute
sa
vigueur,
toute
sa
puret,
que
ce
double d-
veloppement
s'accomplit
dans
une
continuit et
une
homognit
parfaites?
La
chose
est conteste
de
nos
jours,
pour
l'un et
pour
l'autre
parcours.
Rsumant
toutes
les
objections
anciennes et
les
systmatisant,
comme
l'a
si
implacablement
dvoil
l'Encyclique
Pascendi,
le
Modernisme
s'est
attaqu
toutes
et
chacune
des
tapes
qui
jalonnent
cette marche
de
la
vrit
rvle,
depuis
le moment o
elle
a
jailli
dans
l'esprit
humain
sous
l'action
du
Charisme
rvlateur,
jusqu'aux
conclusions
thologiques
closes sous les
dernires
pressions
de
sa
divine
pousse,
j ai
nomm
les
conclusions
des systmes
thologiqiies.
Rien
n'a
t
nglig,
rien n'a
t
pargn
;
l'attaque a t
mene
fond, avec
une vivacit
passionne,
un
accent
sou-
vent
austre,
de
bonne
foi, religieux
mme,
une con-
naissance
consomme
des
ressorts
psychologiques
de
l'art
de
la
persuasion
et
de
leur
maniement,
avec
la
magie
d'un
style sducteur,
d'une
littrature
habile
varier ses
moyens
de
propagande,
du
roman
l'orai-
son
funbre
\
enfin
et
surtout,
avec
le
prestige
d'une
science,
sinon
toujours relle
et
profonde,
en
tout
cas
puise aux
sources
qui sont
rputes
faire
autorit
dans
le
monde
intellectuel
contemporain.
Et
il
en
est
rsult, d'abord,
que
les Notions
premires
du
Dogme,
de
la Rvlation
et
jusqu'
celle de
la
Vrit
humaine
1.
Oraisons
funbres
de
la
vieille glise,
du
vieux
Dogme, de
la
Scolastique,
etc.
Celles
de
Bossuet
ne
sont
plus qu'un mince
ncrologe
ct de ces innombrables
amplifications
sur la
mort du
pass
catho-
lique.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
23/417
INTRODUCTION. xv
(cet
indispensable
support
de la
rvlation
et
du
dogme),
se
sont
obscurcies
dans
bien
des esprits,
peu
prpars par
leur
ducation
thologique lmentaire
de tels
assauts; ensuite, que,
dans beaucoup de
consciences,
se sont
poss des
problmes et
des
ques-
tions
:
problmes
de
la
possibilit
et
de
la lgitimit
du passage du
Donn rvl au
dogme
dfini
et
dve-
lopp
:
questions de la
persistance
de
la donne r-
vle
dans
la
Thologie,
des
limites
de
cette
per-
sistance,
de la
nature
enfin, humaine
ou
surnaturelle,
de
la Thologie.
C'est en regard
de ces
difficults,
et leur faisant
face, que
j'ai
ordonn
le
plan de
ce
livre.
I.
Premire
partie.
Avant
de
montrer
comment
la
Thologie
trouve dans
le
Donn rvl son principe
spcificateur,
il fallait
reconnatre
le
Donn
rvl
dans
son essence
propre. Il fallait
aussi
montrer
que
ce
mme donn conserve
toute
sa valeur
dans
les
assertions
techniques ou
dveloppes du dogme,
qui
sont
le
point
de
dpart
immdiat
de
l'laboration
thologique. C'est
cette double tache que
rpondent
les deux
livres
qui
se
partagent
la premire
partie,
consacre
au
Donn
ri^l,
et
dont
le
premier
s'occupe
des
Notions,
le second
des
Problmes,
division
pa-
rallle
celle des deux
premires
divisions
de mon
essai
sur la Crdibilit.
1.
Z/zVre
premier.
Les
Notions
relatives
au
Donn
rvl
sont au nombre
de
trois :
l'affirmation
humaine,
la
rvlation,
le dogme.
/
Il
semblera
singulier, au
premier
abord,
que
Ton
dbute
par
une
dissertation
purement
philosophique
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
24/417
XM
INTRODUCTION.
sur
la
nature
de
l'affirmation
humaine.
Les
raisons
d'tre de ce
prambule sont
cependant
des
plus
faciles
comprendre.
Le
donn
rvl, s'il est
divin
dans sa
cause,
prend,
dans
la pense
et
la parole des
hommes
qui
reoivent
la
rvlation ou
la transmettent,
la
forme
d'une
affirmation
humaine.
Il
est
construit
en
concep-
tions
et
en
termes
humains, il est soumis aux lois
de
la
structure
mentale
humaine
^
Pour
que
Ton puisse
esprer
voir
la
vrit
rvle
conserver
son
homog-
nit
travers
toutes
les
phases
de
sa
vie dans l'esprit
humain,
du
donn
rvl
aux conclusions
tholo-
giques,
il
faut
videmment que
l'aflirmation humaine
qui lui
sert de
support et
comme
de
vhicule, soit
ca-
pable
de
cette
constance,
qu'il
y
ait
en
elle une
capa-
cit
d'absolu
chappant
la
mobilit
de
ses
vne-
ments
historiques^.
Ce
caractre d'absolu a t
dni
l'affirmation
humaine par
nombre
de
philosophes
modernes,
et
des
modernistes se
sont autoriss
de
cette
ngation
pour saper
par
la
base la
possibilit de
la
permanence,
dans
une
signification
substantielle-
ment
identique,
de
la
vrit
rvle.
C'est
l
le
motif
de
cette
premire
leon
: V
Affirmation
humaine.
Cette
question
prliminaire rsolue par
l'affirmative,
il
est
possible
d'aborder
ltude
directe de ce qui
cons-
titue en
propre
le
Donn rvl.
C'est
l'objet
de
la
seconde
division du
premier
livre,
intitule La
Rv-
lation.
On
a
essay
d'y
montrer
comment
Dieu,
par
un
charisme
spcial,
s'empare
de
la
capacit
d'affir-
mation
absolue
du prophte, et
la
fait servir
expri-
1.
cf.
Sum7na theologica, U^
U'^,
q.
I.
a.
-2.
2.
La
religion
a
besoin
pour tre
entendue
correctement,
d'un
certain nombre de
principes rationnels
,
dit
judicieusement
l'auteur
du
Programme
d'Etudes
de
la
Revue
de Philosophie,
mai
1908.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
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INTRODUCTION.
xvii
mer,
dans
des
ides
et
dans une
langue
humaines,
les
vrits
divines
qui sont Tobjet
propre
de la
science
divine.
Le
donn
rvl
se
trouve
ainsi
dou
d'un
double
caractre
d'absolu, celui qui lui revient
du
fait
de
sa
nature d'affirmation humaine vraie
et
celui
que
lui apporte la garantie divine
de
la
rvlation.
Il
a
toutes
les
conditions requises
pour
tre
transmis,
sans
changer substantiellement,
tant
dans
sa
signification
humaine
que
dans
sa valeur
divine,
aux
membres
fu-
turs
de la Socit
ecclsiastique.
Mais
ce
n'est pas avec
le
donn
rvl,
tel qu'il
est
sorti
de l'action
de
Dieu,
c'est
avec
le
Dogme,
c'est--
dire avec
la forme
d'affirmation
officielle
de ce
donn,
qui nous est
transmise
par l'Eglise,
que la
Thologie
est
en
contact
immdiat.
Or,
le
Donn
rvl,
par
le
fait
mme
de
sa dfinition
comme
dogme,
de sa
for-
mulation
en noncs
prcis, souvent
techniques
et
engags, semble-t-il, dans
les ides
des
poques qu'il
a
traverses, est souponn
par
quelques-uns,
parmi
ceux-l
mmes
qui
reconnaissent
le
droit
de
l'glise
le
dfinir
authentiquem.ent,
de
ne
plus
tre
un
substi-
tut quivalent de la
pure
parole
de Dieu. Il
fallait
donc
en claircir la
notion
exacte et.
ce faisant,
manifester
son
homognit
substantielle
avec le donn
primitif.
Avec
cette troisime
tude
se
termine
le
premier livre
de
la
premire
partie, consacr
aux
Notions.
2.
Lw-e
second.
A
l'tude
des
Notions
succde
l'examen
des
Problmes
concernant
le Donn rvl.
C'est
l'objet
du second
livre
de cette
mme
premire
partie.
L'un
de ces
problmes
concerne
la
possibilit
mme
de
se
servir
du
dogme,
des
vrits rvles,
et
jusque
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
26/417
iviu
INTRODUCTION.
de raffrmation
humaine,
philosophique
ou
de
sens
commun, pour .exprimer
les ralits
divines
avec
un
rendu
suffisant
pour
que
Ton
puisse
s'en
faire
une
ide
ivraie,
et
surtout
que
l'on
puisse oprer,
comme
disent les
mathmaticiens,
avec des
lments
aussi
imparfaits. S'il
y
avait l une
impossibilit
relle
et
dfinitive, c'en serait
fait
de
toute doctrine
spcu-
lative touchant
les
ralits divines,
et, plus
forte
raison,
de
la
thologie,
dont
la
tche
propre
est
pr-
cisment
d'oprer avec les
formules
de son Donn,
de
les
mettre
en relation entre
elles
ou avec
des
vrits
de
Tordre naturel, pour
en
tirer,
par
le
moyen
de la
logique rationnelle,
des conclusions
vraies
et
qui
tendent
notre
connaissance
de la
divinit.
Dans
la
premire
section
du deuxime
livre
nous
nous
sommes
efforcs
de
montrer
que le
procd analo-
gique
nous met
en
possession d'un
moyen
efficace
de
proportionnement
de
notre
intelligence
une
con-
naissance vraie
du
Divin. Cette connaissance
possde
une signification
suffisamment
rigide
pour que ses
noncs
puissent
entrer
dans
les
changes
intellec-
tuels
de la dialectique
rationnelle.
On
aboutit ainsi,
au terme des raisonnements,
des
conclusions doues
de la
mme
et
fixe valeur
de
signification
et
d'expres-
sion du
Divin
que leurs
principes
eux-mmes.
L'autre problme concerne
le
fait
de
l'annexion
au
dogme
dfini
de
certains
d^^eloppemenls des
noncs
primitifs,
qui ne
se
trouvaient
ni
explicitement,
ni
mme
formellement compris dans la
teneur
du
Dpt
de la
rvlation.
Il ne
s'agit
plus
ici
seulement
d'une
volution
de
termes;
le contenu
lui-mme
est,
d'une
certaine
manire,
neuf.
Il
n'tait
contenu
que
virtuel-
lement
dans le
donn
rvl;
il
est
exprim formelle-
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
27/417
INTRODUCTION.
\ix
ment
dans
le dogme
dfini.
La thologie,
au
moment
o
elle
s'abouche
ces
dveloppements
qui
consti-
tuent
une
part
de
sa
mise
de
fonds
premire,
de
son
donn brut
(puisque c'est au
Dogme,
quel qu'il
soit,
qu'elle
s'origine), suppose que leur
homognit
avec
la vrit
rvle
a t
dfendue
et
justifie.
Et
c'est
la
raison
de
la deuxime section
de
la
premire partie
de
cet
ouvrage,
le Dveloppement du
Dogme.
il.
Deuxime
partie,
La deuxime
partie
traite
de la
nature essentielle
de
la
thologie
et
de
sa
dis-
tinction
d'avec
les disciplines
connexes. Elle
contient
quatre
leons
:
1
Le
donn
thologique
;
2
La science
thologique
;
3
Les systmes
thologiques
;
4
Ce
que
doit
tre
pour
nous
saint
Thomas
d'Aquin.
Justifions
cette
division.
La
thologie,
ai-je
dit,
rencontre
tout son donn
dans
la
rvlation et
le dogme. Il semble
donc
inutile,
premire
vue,
d'instituer
une tude
spciale
du
donn
thologiqiie.
Mais procder ainsi serait
se r-
duire
volontairement,
en fait
de lumires
sur
l'objet
de
la
Thologie,
la
portion
congrue.
La
thologie
catholique
a
la prtention
d'tre
une science,
et
toute
science,
pour
tre intgrale, rclame
un
inventaire
scientifique
de son
donn.
De
l
cette premire
leon.
On
y
rfute
deux
conceptions de
la
mise-en-tat
scientifique
du
donn thologique
qui
compromettent
son homognit
avec
le
donn
dogmatique
et,
par
suite,
avec
le
donn
rvl
lui-mme
:
J'ai
nomm
la
conception
du
donn thologique
naturel,
fond
sur
la foi scientifique rsultant
des
dmonstrations
apo-
logtiques
\
et
celle du
donn
thologique
5c/e/i^//?-
\.
Cf. La
Crdibilit et
VApologtique,
p
150.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
28/417
xx
INTRODUCTION.
que^
qui,
sous
prtexte
de
mettre
le
donn
thologique
en relation
plus rigoureuse avec le donn
rvl,
abou-
tit
faire
de la
thologie
une
dpendance
des
sciences
humaines.
J'explique, dans cette
tude,
comment,
tout
en ouvrant
largement
la porte
toutes
les contri-
butions scientifiques
dignes
de
ce
nom,
on
peut par-
faitement
maintenir
le
donn thologique
dans la
dpendance
du
seul
donn
rvl;
et
quel
est
le
vritable
rle
des
sciences
critiques
et
documentaires
dans
l'tablissement
de
l'inventaire dogmatique int-
gral
que
constitue le donn thologique.
La
conclu-
sion
est que
la
thologie
peut
oprer
avec le
donn
thologique
ainsi entendu, assure d'utiliser
le
donn
rvl
lui-mme.
Elle
le
fait de
deux manires
qui
caractrisent, res-
pectivement,
la
science
thologique et les
systmes
thologiques,
tudis
dans
les deux
sections
qui sui-
vent.
Pour prolonger
le donn
thologique,
en
dvelop-
pant
ses
virtualits
dans
des conclusions
qui
les
ex-
plicitent,
la Science thologique prend soin
de n'uti-
liser que des
instruments scientifiques
de valeur
absolue.
Ce
sont,
sans compter
la
forme
logique ri-
goureuse
du raisonnement,
des
principes
rationnels
vidents, des vrits
de
sens commun
incontestes,
des
points
de
vue
gnrateurs de
sa
synthse
scienti-
fique
qui
ne
font
pas difficult
en
raison,
ou qui
sont
emprunts
aux
donnes les plus effectives de l'objet
de
foi.
Les Systmes
thologiques,
au
contraire,
trou-
vant
occupes par la
science thologique
toutes les
positions
apodictiquement
dmontrables
de
la
tholo-
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
29/417
INTRODUCTION.
xxi
gie,
doivent
se tailler
une province
dans
la rgion
des
hypothses.
Leur but
est de
remplir
les
parties
laisses
en blanc,
pour
ainsi dire,
par
la science.
C'est
l
une
tche
qui
a sa
grandeur
et
son utilit,
comme
je
l'ai
fait
observer
ailleurs,
propos
d'une
discipline analogue,
la
Dialectique
^
Mais c'est ce-
pendant
une tche
secondaire.
Aussi,
doit-on excuser
les
systmes
thologiques
d'introduire parmi les
ins-
truments
de
connaissance
apodictique, qui
relvent
en
propre
de la
science,
des
instruments
de
moindre
efficacit,
propositions
probables
ou
hypothses,
que
Ton peut
discuter
sans
se
mettre
dos
la
foi
ou
la
philosophie.
tablir qu'en
dpit du
logicisme des
procds,
du
caractre
naturel,
extrinsciste,
si
l'on
peut
dire,
des
propositions
et
des
hypothses
rationnelles
utilises,
en
un mot, de ce
qu'il
semble
y
avoir
d'artificiel
dans
toute
systmatisation
doctrinale
d'ensemble, les
con-
clusions de la
science
thologique
expriment
une
part,
jusque-l
inconnue,
de cette
ralit
surnaturelle
dont
la
rvlation
globale a
t
dpose
dans
le
Donn
primitif,
tel
est
le
but
de
ma
leon
sur
la
Science
thologique.
Dans
la
leon
sur
les
Systmes,
au
contraire, je
fais surtout
uvre
de
rhabilitation.
Je
montre
leur
rle
la
suite
de
celui
de
la
Science
thologique,
je
plaide
leur
innocuit
et les
services
qu'ils
rendent,
je
fais
valoir
la
ncessit
psycholo-
gique
qui en rend
fatale
l'existence.
Cependant,
passant de
la
dfense
l'attaque,
j'essaie
de
mettre
en
vidence, la
limite
suprieure
des
efforts
inga-
lement russis
que
tentent
les
systmes
pour
s'galer
au
divin
contenu
du
Donn
thologique,
l'existence
1.
La
notion
du
Lieu
thologique,
p.
10.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
30/417
XIII
INTRODUCTION.
de
systmes
de premire grandeur,
construits
d'une
seule
venue avec.une
ide
toute
simple et
toute
grande,
qui
rayonne
sur
l'ensemble
du
savoir
thologique
im-
perturbablement. Je
salue,
au
premier rang
de ces
systmes
de
race vraiment thologique,
ceux
qui
prennent comme
point
de
vue rgulateur de
leurs
synthses,
l'Ide mme
de Dieu que nous donne
la
Rvlation,
saisie
et
assimile
avec
l'un des concepts
mtaphysiques
les
plus
appropris
l'expression
du
divin.
C'est
le
Bien,
estime
saint
Augustin;
saint
Thomas
tient
pour
VEtre.
Un pas de
plus,
et
le sys-
tme dont l'hypothse, dfinitivement
justifie
devant
la
raison,
fera
rayonner
souverainement
le
critre
homogne
de cette
ide
de
Dieu sur toutes
les
con-
clusions
qu'il
organise en
synthse,
ralisera
le
maxi-
mum
d'homognit
avec
le donn
rvl,
dont cette
ide est l'ide-mre. Il
concidera, en
tant
que
sjti-
thse,
avec
la Science
thologique.
Cette
russite
ma-
jeure
excuse
l'imperfection
des systmes
demeurs
en
route.
L'arbre
gant
des
forts
n'aurait
jamais
pu
lever
sa
cime
sublime,
si,
avant
lui,
et
autour
de
lui,
d'autres arbres de moindre avenir
n'avaient,
en suc-
combant la
tche,
accumul
l'humus nourricier.
Jusqu'ici,
nous
avons raisonn
dans l'abstrait
de
la
science.
Or,
les exemples,
pour
beaucoup, sont
plus
dcisifs
que
les
raisonnements
:
Exempta
trahunt.
C'est
le
motif
pour lequel
je
fais succder
la preuve
en
forme
de
l'homognit
de la
thologie
et
du
donn
rvl,
suppose
acquise
et
classe,
l'examen
d'une
thologie
concrtement
existante,
o
tous
les
lments
que
nous
avons
reconnus
concourir
la
dite homognit
se retrouveront
vivants,
agissants,
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
31/417
INTRODUCTION.
ixni
dans
leur
plein
exercice
de
facteurs d'homognit,
Je
n'avais
pas
choisir cette
thologie.
L'glise,
par
lorgane
contemporain
de
Lon
XllI
et
de
Pie
X,
l'a
choisie pour
nous.
Il
est
vrai,
la
parole
des
papes
reste
incomprhensible
nombre
d'es-
prits.
Il
est
plus
frquent
d'entendre
affirmer,
dans
certains
milieux
thologiques,
ce que
doit
ne
pas
tre
saint
Thomas,
que
ce
qu'il doit
tre.
Raison
de
plus
pour
poser
cette
question
:
Que
doit
tre
pour
nous saint
Thomas?
J'ai essay d'y
rpondre
en
manifestant
la
concidence,
dans
la
thologie
de
saint
Thomas,
d'un donn
thologique
minent;
d'une
science
thologique
rigoureuse,
dont les
conclusions
ont
tout
ce
qu'il
faut
pour tre
reconnues
parfaite-
ment
homognes
leur
donn
;
d'un
systme
thologi-
que
rgl,
d'un bout
l'autre,
et
comme
imprgn
par
l'une de ces
ides
(la
plus
expressive,
sans
doute,
de
toutes)
qui engendrent
ces
systmes
typiques,
que
j'ai
nomms
plus
haut
des gants
.
La dmonstration est
close,
et
l'antithse,
entre
le
Donn
rvl
et
la
Thologie,
qui ouvre
cet
ouvrage
se
fond dsormais en
une
quation synthtique,
permet-
tant
au regard
intellectuel
de
passer
de
l'un
l'autre
de ses termes
sans
solution
de
continuit,
sans
prouver la sensation
de
l'htrogne,
avec
une
vue
claire,
au
contraire,
de
la substantielle
homognit
de
leur
enchanement.
A
l'issue
de
cette
dmonstration, la
thologie
se
trouve
classe
comme
doctrine
sacre,
comme
science
sotrique
,
c'est--dire
d'initi, de
fidle, de
ca-
tholique.
Comment
ne
serait-elle pas,
ds
lors,
l'a-
bri
des
entreprises
des sciences
naturelles,
des
in-
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
32/417
XIV
INTRODUCTION.
croyants
qui
ignorent
son
essence
surnaturelle
et
s'imaginent
qu'ils
la
peuvent
miner
avec
les
dbiles
outils
de
leur
raison?
Les
deux
buts
viss,
assainis-
sement
du
domaine
thologique,
dtermination
du
concept
exact
de
la
thologie,
sont
atteints.
Cependant,
par
del
ce
rsultat
qui intresse sur-
tout
le
thologien,
le
chrtien
fidle
qui
vit sous
le
thologien,
ou
mieux,
selon
la
logique de la con-
clusion
de
ce
livre,
dans
le
thologien, prouve
le besoin
de
faire
part,
ceux
qui
l'ont
suivi
jusqu'au
bout,
de
la
confidence
d'une
perspective
entrevue,
dun
rsultat,
en
un
sens,
meilleur, parce
que,
tout
extrinsque
qu'il
scit
la recherche
thologique,
il
touche
la
vie
chrtienne
elle-mme.
C'est
cette
confidence
que
j'essaie
de
faire
dans
une
dernire
le-
on
qui
forme
comme
une
conclusion
surnumraire,
comme
l'pilogue de
l'ouvrage,
et
qui
pourrait
porter
en
exergue,
l'adresse
des
chrtiens
et
des
tholo-
giens,
qui veulent
aller
jusqu'
la
suprme
dmar-
che
du
dogme
et
de
la
thologie,
ce
mot
du
Christ
la
Samaritaine
: Si
scires
doniim Deil
Puisque
la
Thologie,
le Dogme
et
le
Donn
rvl
sont
un,
dans
leur
fond, c'est
donc
que
l'on
peut
vivre
du
dogme
et
de
la thologie
C'est
donc
qu'ils
se
mprennent,
ces
faux
prophtes,
qui
vont
rptant
que
la
Thologie
scolastique
n'a
rien pour
la
vie
in-
trieure,
qu'elle
est
un
obstacle,
une
superftation,
le
dernier mot
de
l'extrinscisme
en fait
de
vie
re-
ligieuse
Pourrions-nous
douter,
d'ailleurs, de
leur
erreur,
quand
nous
contemplons
la saintet
d'un
Thomas
d'Aquin
ou
d'un
Bonaventure,
la pit
d'un
Duns
Scot,
ou
d'un
Banez,
le
matre
en
divinit
de
sainte
Thrse?
Et
c'est
ici la
conclusion
de
ce
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
33/417
INTRODUCTION.
xxv
Cours,
conclusion
apologtique,
autant
que
pratique,
puisqu'elle
rpond aux
accusations
des
immanentis-
tes
en
faisant valoir la
valeur du
Dogme
et de
la
Thologie
pour la vie
surnaturelle.
III.
Esprit
et
mthode.
Il
est
dcidment
impossible, crivait
rcemment
M.
Emile Boutroux
*,
un
homme qui veut
tre
une
personne,
une
conscience
une
et
raisonnable,
d'ad-
mettre
galement,
sans les
confronter
l'un
avec
l'au-
tre,
les deux
principes,
science et
religion,
qui
se
disputent les intelligences.
Oui, videmment, une mise
en
prsence
s'impose,
et
Tapologiste
chrtien
ne saurait
l'luder.
Mais
cette
confrontation,
en
ce
qui
regarde
la
religion
catholi-
que,
ne saurait
aboutir
qu'
certaines
conditions.
La
premire,
c'est
qu'il
s'agira
vraiment
de la
science,
qu'au terme science,
on
ne
substituera
pas des
opi-
nions
philosophiques ou religieuses,
revtues
d'appa-
rences
scientifiques,
tels
les
placita
du
Modernisme.
La
seconde,
c'est
qu'il
s'agira
vraiment
du
catholi-
cisme
et non
d'un
concordisme,
plus
ou moins avou,
entre
certaines
thories
en
faveur
et la doctrine
catholique.
Science authentique, religion
authentique,
voil
les
termes vrais
du
problme.
Certes, il doit
y
avoir
conciliation,
mais
cette
con-
ciliation
ne
doit
pas
rsulter
de
l'enregistrement
fatalement
caduc de
concordances
prmatures,
de
l'amalgame
de donnes
htrognes,
de
concessions
faites
par
un
pseudo-catholicisme
une
science
ia-
1.
Science et
religion,
p.
3*o.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
34/417
XXVI
INTRODUCTION.
fecte
du
viras
moderniste. Nous
ne voulons
pas
plus
des
concordances des
couches
gologiques
avec
le
premier
chapitre de la Gense,
que
de Texplication
des
catgories
scolastiques
par
les
hypothses
des
sciences
physiques,
que des
synthses
thologiques
o
voisinent
saint Thomas
et
Auguste
Sabatier.
La
conciliation est au
prix
d'une
entre
en posses-
sion
plus
approfondie
de
la
juste
intelligence
de
chacun
des
termes
opposs,
science moderne et
doctrine
catholique.
Ce
sera
l'uvre
d'hommes
sin-
cres,
convaincus,
selon
l'admirable
parole
de saint
Thomas
\
qu'il
est
impossible de
dmontrer
le con-
traire
du vrai
.
L'approfondissement de chacun
des termes
de
l'opposition devra se faire
pour
lui-
mme, en regard du
terme
oppos. Chaque spcia-
liste
devra
s'attacher
faire
sortir
du
terme
de
sa
comptence
: Religion ou
Science,
Critique
ou
Tho-
logie,
conformment aux
lois
constitutives
de
sa va-
leur, des
virtualits nouvelles,
capables de se
dve-
lopper et de
faire
face aux
rquisits
lgitimes du
terme
corrlatif.
Il
se
peut
que
la
concidence
n'clate
pas
du
premier
coup
:
il
se
peut
mme que,
sur certaines questions,
des
gnrations de
travailleurs soient ncessaires
pour
mettre les
choses au
point; il
peut
arriver,
tant est
grand
le mystre des
choses,
surtout du
Di-
vin,
qu'on
n'aboutisse
sur
bien
des points
qu' des
solutions
ngatives
ou
d'attente^.
Quoi
qu'il
en
soit,
si
la
solution
intgrale
doit tre trouve,
et,
pour
l'honneur
de l'esprit
humain
et de
la vrit
catholi-
que, elle doit
l'tre
dans une
large
mesure,
ce
sera
1. Su7nma
theologica,
I
P..
q.
I,
a.
8.
2. Ibidem.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
35/417
INTRODUCTION.
xxvii
par cette
mthode
d'approfondissement
autonome,
quoique
corrlatif
et
parallle,
des
termes
antinomi-
ques,
non
par la
mthode
des
concessions.
C'est
dans
cet
esprit
que
j'ai
essay
d'explorer
un
coin
de ces vastes questions
thologiques
qu'a
poses
devant
le
catholique
moderne
la
condamnation
du
Modernisme
:
L'homognit
de
la
Rvlation
^ du
Dogme
et
de la
Thologie.
Je
n'apporte
pas
une
nou-
velle
rfutation
en
rgle
des
positions
errones
sur
ce sujet.
Mon
ambition
est
moins
de
rfuter
le
Mo-
dernisme
que
d'essayer,
sur
le
point
choisi,
de
le
remplacer.
Et,
conformment
l'ide-programme
que
je viens
d'exposer, j'ai
tent
cette
entreprise,
du
ct
o peut
s'exercer
directement
ma
comptence
pro-
pre,
en
me
plaant
donc,
d'emble,
au
centre
de
la
doctrine
traditionnelle, en
m'efforant
de
faire
valoir
ce
que
Brunetire
et appel
peut-tre
sa
modernit,
et
que
je
prfre
nommer
sa
perptuelle
et
inbran-
lable valeur
humaine.
-
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-
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37/417
ERRATUM
P.
252,
lig.
D,
au
lieu
de
:
Chamfort,
lire
:
Leibniz.
nONNE
RLVKl. :
-
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38/417
-
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PREMIERE
PARTIE
LE
DONN
RVL
LIVRE
PREMIER
LES
NOTIONS
I
La
question
de
la
valeur
de
l'affirmation humaine
semble
trangre au
sujet de ces
leons
:
mais
ce
n'est
l
qu'une
apparence. Les
noncs rvls,
en
effet, le
dogme,
la
thologie viennent se
greffer
sur
l'esprit
humain.
Leur
origine est
divine;
leur forme
effective est
celle
d'affirmations
humaines.
Sans doute,
si
tout
le
monde s'entendait
sur
la
porte
de
l'affir-
mation
humaine,
nous
pourrions nous
dispenser
de
ces
prolgomnes
mtaphysiques,
dont
l'austrit
n'est point
approprie
aux exigences
d'une
leon
d'ou-
verture.
Mais
peut-on
hsiter
en prsence de
dclara-
tions
comme celles
qui
ont retenti
durant
ces
der-
nires
annes
et
dont
je
vous
demande la
permission
de
relire
avec
vous
quelques
extraits?
Si
l'on
sup-
pose,
a dit
un
critique
bien
connu,
que la
vrit,
en
i.
Leon
I.
DONN
RVL. 1
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
40/417
2
LE
DONNE REVELE.
tant
qu'accessible
Tintelligence
humaine,
est
quel-
que chose d'absolu,
que
la
rvlation a
eu
ce
caractre
et
que
le
dogme
y
participe
;
que
ce
n'est
pas
seule-
ment
l'objet
de
la
connaissance qui
est ternel et
im-
muable
en
soi,
mais
la
forme
que cette
connaissance
a
prise
dans l'histoire
humaine,
les
assertions
(du
petit
livre)
sont
plus
que tmraires,
elles
sont
absur-
des
et
impies.
Et
voici
les
paroles
d'un
savant
:
Le
grand
dsaccord
entre
les
Scolastiques
et
nous
porte
sur
la notion
mme de vrit.
La
leur
est
statique
:
ils se
reprsentent
la vrit
comme une chose,
ils lui
accolent
tout
naturellement
les pithtes
:
ternelle
et
immuable.
Nous croyons, au contraire,
que la vrit
est vie, donc mouvement;
croissance plutt
que
terme...
Toute
proposition,
ds
lors
qu'on
l'isole
et
qu'on
l'arrache au
courant de
la
pense, tout
systme,
ds lors
qu'on
le
clt,
et
qu'ainsi
on
l'rig
en absolu,
par
J
mme
deviennent erreur
.
Il est clair. Messieurs,
que
si
je
devais
accepter ces
arrts sur
la
valeur
de
l'affirmation humaine,
je
n'au-
rais
qu
renoncer
cette
Dfense
de
l'homognit
de
la
vrit
rvle sous ses diverses
formes
d'affir-
mation.
Il
est donc indispensable, avant
d'entreprendre
notre
uvre apologtique,
de
nous donner
un
esprit
humain
:
j'emploie
dessein,
bien
qu'
regret cette
expression.
A
dessein,
parce
que,
pour
traiter
honn-
tement
cette
question
d'pistmologie,
ce
n'est
pas
une
leon
qu'il faudrait,
mais quelque
vingt
ou trente.
A
la
lettre donc,
et quelle
que
soit la
valeur des preuves
que
j'esquisserai,
aux yeux
de
ceux
qui
savent,
je me
donnerai
un
esprit
humain.
A
regret, d'a-
bord,
parce que la
brivet
amne
la
concentration
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
41/417
L'AFFIRMATION
HUMAINE.
3
des
ides,
laquelle
est
rennemie des
clarts
faciles.
Ensuite,
pour
cette
raison
que
donnait
rcemment
le
Rdacteur
du
programme
d'tudes,
si
bien compris,
que
vient
de
publier la Reue
de
Philosophie
\
sa-
voir
que,
dans
l'tude
du
problme de
la connais-
sance,
rien ne
doit
inspirer
plus
de
mfiance que
les
solutions
en
bloc.
Il
est
vrai que Ton citait,
Tappui,
ce mot
de
Fustel
de
Coulanges, de nature
rassurer
plutt
un
tudiant en
philosophie depuis longtemps
jubilaire
:
Une
vie
d'analyse
pour une
heure
de
synthse.
Voici,
rsumes
en
deux
assertions
fondamentales,
les ides
que
j'ai
l'intention
de
proposer
votre
exa-
men
dans cette premire
leon.
I.
Tout
homme
affirme
sans cesse. C'est
un
fait
d'histoire naturelle humaine.
L'affirmation
est
dans
la
nature
de
Thomme. Or,
ce
fait,
si
on le
prend
dans
toute
sa gnralit, c'est--dire
comme
le
fait
pur
et
simple
d'affirmer,
n'est
explicable, n'a
de
sens
que
s'il
existe
une
Ralit
absolue,
la
ralit
de
l'tre.
II.
Nos
affirmations
concrtes, dont
le
dtail
cons-
titue le
plus clair
et
le plus important
de
notre
vie
mentale
effective,
sont
comme
un effort
pour
incor-
porer,
disons mieux, pour
restituer, en
connaissance
de
cause,
les
objets
de
notre
intuition
sensible,
ou
que
nous
abstrayons
de
notre
intuition sensible,
l'absolu
de
ce
rel
premier.
Cet
effort
n'aboutit parfois qu'
des
russites
incompltes : c'est le
cas
des lois
exp-
rimentales,
dites lois
scientifiques;
d'autres
fois,
il
aboutit
vraiment;
mais
le
rsultat
obtenu
ne
se
justi-
1.
Mai
1908,
p.
449.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
42/417
4 LE
DONNE
REVELE.
fie
pas ncessairement
: c'est le
cas
des
vrits de fait,
de sens
commun
exprimental
qui
visent les
ralits
contingentes
en
elles-mmes;
dans
certains cas,
en-
fin, la
jonction
avec l'absolu
est
parfaitement
ralise
:
cas des vrits
mtaphysiques,
des faits
et
des
vrits
de
sens commun
intellectuel,
qui le
sont
effectivement.
Le
corollaire
oblig
de ces
deux
assertions,
sera
que, dans
la
mesure
o
notre
effort russit, nous
pou-
vons
parler
d'absolu
dans
nos
affirmations
et
dans
la
vrit
qu'elles
dveloppent.
D'un bout l'autre de ces
leons,
nous
ne ferons
que poursuivre
l'application
de
ce corollaire
aux
diffrentes
formes
d'affirmation
dans
lesquelles
s'exprime le
Donn
rvl.
I.
L'affirmation
humaine,
en
gnral,
suppose
et
vise un
Rel
absolu.
La
seule
signification
que
l'on
puisse
donner
au
fait
universel
de
l'affirmation
humaine,
c'est que
nous
nous
estimons
capables,
dans
une
mesure du
moins,
de saisir
le
rel.
Devant
la
conscience humaine, seul
juge
possible
de
ce
qui
se
passe
en elle, l'affirma-
tion
n'est
rien, si
elle
n'est
saisie
du
rel*.
Mais,
qui
osera,
sans
sourire
de la
contradiction o il s'engage,
soutenir
qu'elle
n'est
rien? Nier
toute
valeur
raliste
l'affirmation
humaine, c'est
se
condamner
ne pas
affirmer,
et donc
retirer
la
ngation
mme que
l'on
fait
de
la
valeur
de
l'affirmation;
c'est
consentir
ne
voir
prter
aucune
attention
ses
discours
;
et je
ne sache
pas
qu'aucun
sceptique,
aucun partisan
de
la
vrit
libre
se
soit
condamn
jusqu'ici au
silence.
Tout
au contraire
;
dans les
derniers dbats,
certains
1.
Cf.
F.
Blanche, La
Notion de
vrit
dans le
Pragmatisme.
Revue
de Philosophie,
juillet
1909,
p.
17
et
suiv.
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
43/417
L'AFFIRMATION
HUMAINE.
5
tenants
de
la
vrit
libre avaient
le
verbe
si
haut,
que
Ton
n'entendait plus qu'eux.
Qu'eiit-ce
t,
grands
dieux,
s'ils
eussent
cru
la
vrit
obligatoire
Ce que l'on peut
discuter,
et
ce
que
l'on
discute,
c'est
le
sens donner au mot Rel. Est-il
un
absolu
d'existence?
S'identifie-t-il
avec
la
pense, considre
comme
action
vitale?
Est-il
la
ncessit
idale
qui
rgle
l'accord
logique
de nos reprsentations?
Sui-
vons,
un
instant,
si
vous
le
voulez
bien,
ces
diff-
rentes conceptions.
1.
Et d'abord, le
rel que nous prtendons
saisir
par
l'affirmation,
est-il un absolu
d'existence,
htro-
gne
l'action
de
penser,
une
chose
en
soi,
spatia-
lement
distincte
de
notre
pense
vivante,
un
au-del
de
la pense?
C'est
ordinairement,
sous
les
espces
de cette
caricature,
que
certains
partisans
de
la
phi-
losophie
nouvelle reprsentent
la
conception
de l'objet
de
l'intelligence
selon
les scolastiques. Divertissement
innocent,
qui a tout
juste
la
porte
de
ces
travestis-
sements
que
l'on
fait subir
aux
personnages
d'un
jeu
de massacre pour
donner plus
de
cur
aux
amateurs
dsireux
de
les pourfendre.
Si cette navet
tait effectivement
le
dernier mot
de
la
conception
traditionnelle, j'imagine
que
tant
de
grands
esprits
dogmatiques, d'Aristote
Leibniz,
en passant
par
saint
Thomas, n'auraient pas laiss
de s'en
aperce-
voir.
Disons donc que,
bien
loin
d'tre tranger
et
extrinsque
la pense, l'tre,
condition
de l'affirma-
tion, lui
est
intimement
prsent,
que,
ds son premier
veil, la
pense affirmante
se
voit
suspendue lui,
comme
la condition
mme
de
sa mise
en
exercice,
puisqu'elle ne
saurait
affirmer,
qu'en
prononant un
-
7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
44/417
6
LE
DONNE
REVELE.
Oui
ou
un
Non^
et
que
son Oui
ou
son
Non
n'a
de valeur
qu'autant
qu'il dit
Ce
qui
est.
L'Etre
n'est
donc
pas
une
chose
en
soi
trangre
notre
activit
pensante,
mais une
chose qui
a son
chez^soi
chez
nous,
et
cela
primitivement,
comme
il
appert ds
notre
toute
premire
intuition
effective, dont il rem-
plit
d'emble
tout l'horizon, c'est
une
ralit
objec-
tie qui
fait corps,
d'une
certaine faon,
avec
l'esprit
mme.
2.
Mais
alors, si
cette
ralit
objective
de l'tre
fait
corps avec
la
pense, ne serait-elle pas
l'acte
de
penser
lui-mme,
ou
du moins son
produit,
sa
pro-
jection, quelque
chose
comme
un
premier dcret,
tabli
dans
l'origine pour
des
raisons de
simplifica-
tion,
de
commodit,
pass
dans
la
suite
par
la
force
de
l'habitude au rang de rgle, de
norme (toujours
relative au
fond)
des
dmarches
ultrieures
de
l'es-
prit?
En
sorte que
la
seule ralit absolue demeu-
rante ne
soit
autre que la pense-action,
dsormais
affranchie de
toute
ncessit contraignante,
puisque
ses
ncessits
ne
sont
que
des
accoutumances,
ses
principes
directeurs
des points de
vue facultatifs,
absolument
libre donc,
et
marchant
la
vrit,
c'est-
-dire
la
ralisation
plus plnirc d'elle-mme,
coup d'affirmations cratrices?
Il ne le
semble
pas,
car
sans
relever
l'tranget de
cet
accouplement
s^rit
libre,
vrit
cre
de
toutes
pices
qui
dsignent,
si
je ne
me
trompe,
ce
que,
bonnement, nous
entendions
jusqu'ici par
mensonge,
une telle
explication de
la
pense af-
firmatrice
est sa ngation
mme.
Lorsque
j'affirme,
j'entends
me
prononcer, par Oui
ou
par Non,
sur
Ce qui est
tout
simplement, je n'entends pas dcider
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7/24/2019 A. Gardeil (1910). Le Donn Rvl Et Le Thologie. Paris, Gabalda.
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L'AFFIRMATION
HUMAINE. 7
de
ce
qui
est,
sous
condition,
et
par
hypothse,
en
vertu
d'une
convention
librement
dcrte.
Si
je
soup-
onnais la
moindre
hypothse
dans
la constitution
de
cette
rgle
premire de
mon
affirmation,
je de-
vrais
dire
:
peut-tre,
et
non pas
:
Oui ou
Noriy
comme je
le
dis
cependant,
comme
tous
le
disent,
y
compris
les
sceptiques...
qui
affirment.
Si
je
soup-
onnais
que
la
rgle
de
mes
affirmations ft
cre de
toutes
pices,
je
me
tairais
tout
fait,
et
pour
toujours.
Eh
bien,
me
dira-t-on, si
vous ne
souponnez rien,
tant
pis
pour vous
Vous
vous
mprenez sur
le sens
de
votre
affirmation,
voil
tout
Fort bien,
mais
comment donc,
votre
tour,
pouvez-vous
affirmer
que
je
me
trompe,
et
que
ce
n'est pas vous
qui
vous
leurrez,
sinon
parce
que,
en
dpit
de
vous-mme,
pose
en soutien de
votre
affirmation,
l'intuition de
ce
qui
est,
absolument,
obligatoirement
et
non pas
par
libre
hypothse?
La
nature
soutient
la
raison im-
puissante
et
l'empche
d'extravaguer
jusque-l,
di-
sait Pascal.
Je
sais bien que
vous avez chang
tout
cela.
Il
n'y
a
plus
de
natures.
Vous
les
avez
rem-
places par des
crations de vrit;
mais, chose
sin-
gulire, ces
crations ne se
peuvent
affirmer
et
produire qu'en se
reprant sur
le
vieux
systme na-
turiste.
Vous
avez absorb
la
ralit
rgulatrice de
l'tre dans les
dcrets
libres
de
la
pense
action.
C'est
bien
fini.
L'Absolu
est
mort...
Mais
regardez-le
donc,
agissant sur
votre
propre
esprit, s'exasprant
la
moindre contradiction
ejcigeant,
au sein
mme
de
votre prtendue immanence
dominant
par
son
in-
fluence,
de
caractre
normatif,
partant
autonome et
indpendant, vos soi-disant
crations
de
vrit.
Mais,
mon
ami, votre
mort...
parle
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LE
DONNE
REVELE.
3.
Une
troisime position
est possible
: entre
l'-
tre,
absolu
d'.existence et
l'tre,
cration
libre
de la
pense-action,
il
y
a
l'tre
idal,
dont
toute
la
ralit
comme
existence est
la
ralit
mme
de
l'esprit, mais
qui
s'en
distingue, dit-on, comme
la norme
se
dis-
tingue
de
l'activit
rgle.
Ce
qui
est
n'est
plus
une
ralit objective
en soi, mais
un
principe
rgulateur
:
le
principe
d'identit
et ses
drivs.
C'est un
absolu,
mais
il
est
absolu,
de
l'absolu
de
l'esprit
qui
le
pose
ncessairement,
comme la loi immanente
sa
struc-
ture,
et
la
rgle de
toutes
ses affirmations.
La valeur
catgorique est conserve
celles-ci,
mais
elle
est
cependant
conditionne, non plus
par
les
dcrets
li-
bres,
mais par le dclanchement fatal
de
l'esprit.
Nous
n'affirmons,
au
fond,
que
nos
ncessits
intel-
lectuelles.
Fort bien,
mais
comment savez-vous
donc
qu'existe cet
esprit
sur
lequel
vous
vous ap-
puyez?
Par la
conscience
intime?
Cogito
ei-go sumP
Doucement.
Cogito,
soit
mais, sum?
Ce
n'est
pas
la mme chose. Vous
avez conscience
de
penser,
mais
qui
vous
assure
que
la
pense
est
relle,
du
fait
de
la pense ou
de la conscience que vous
en
avez?
ne
serait-ce pas
que
vous
vous
tes donn
subreptice-
ment
l'intuition
de
l'tre? Comment
pouvez-vous
affirmer
que
la
pense
est,
sinon
parce
que vous
savez
dj
que
quelque chose est, ou
peut
tre
^
?
sinon
parce
que
pose
originellement
devant
votre
esprit
l'invitable ide
de Ce
qui est? Ceci a
l'air
d'un
para-
doxe
et
cependant
est d'une
logique rigoureuse
:
Vous
pourriez
parfaitement penser
et
ne pas
pouvoir
4.
Cf.
Gaurigoi-Lagrakge.
Le
sens
commun,
la
philosophie
de
l'tre
et les formules
dogmatiques, Revue
thomiste,
juillet
1908,
p.
2U1
;
en
volume,
Paris,
Beaucliesne,
I901>,
p.
i02.
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L'AFFIRMATION HUMAINE.
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affirmer
la
ralit de
votre
pense,
et
donc
ne pas
tre,
pour
vous
du
moins,
si
vous
ne
jugiez
d'avance
impossible
que
le
mme,
la
fois,
soit
et
ne
soit
pas,
ce
qui suppose que
Ftre
est,
indpendamment
de
votre
pense.
Mais
alors, il n'est plus
besoin de
l'existence
du
Cogito
pour
affirmer
les principes rgulateurs de
l'entendement,
puisqu'ils dcoulent eux-mmes de
la
ralit
conceptuelle
de
l'tre,
saisie
ds
notre
toute
premire
affirmation.
La place
est
prise.
Ainsi,
l'analyse
de
laffirmation
humaine,
par
le
simple
jeu
d'une
rgression,
qui
limine successive-
ment les
conceptions
fautives
de l'objet
invitable de
notre
pense,
savoir,
d'abord
celle
d'un
absolu
d'existence
htrogne
la pense,
puis celle
d'une
cration
libre et
sans
norme, dgage,
du
sein
mme
de
notre dynamisme intellectuel, la
ralit
de
l'tre
rgulatrice
de l'activit affirmante.
Celle-ci n'est
rien
moins
qu'un rgulateur logique, sorte de pense sub-
jective
change
d'aspect;
c'est
un
rgulateur
objectif,
autonome,
qui ne
relve
que de
soi
dans sa
valeur
di-
rective
essentielle,
encore qu'il
n'exerce
son
empire
qu'en
se
ralisant
en nous,
par
le
concept
ou
l'ide
que
nous rencontrons
ds
l'veil
premier
de
notre ac-
tivit
affirmante.
L'tre n'est ni
une chose
extrins-
quement subsistante, ni
l'activit pensante,
ni
l'ide
de
l'tre
qui
s'veille
contemporainement
notre
pre-
mire
affirmation,
c'est le
Rel
que
laisse
transpa-
ratre
cette invitable
ide
de l'tre, Ensy
Ce
qui
est.
C'est,
pour
le
nommer
par
ce qui le contient,
la
ra-
lit
conceptuelle
de l'tre,
simple ralisation
objective
de
son
ide,
mais
antrieure
ontologiquement
cette
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LE
DONNE REVELE.
ide
telle
qu'elle
est
en
nous.
Singulire
dcouverte,
en vrit, que.
celle
de
cette
ralit
d'un
nouveau
genre;
mais
TafTirmation
humaine,
dment
analyse,
la
manifeste
norgiquement; elle
dnonce
sa
pr-
sence relle comme
celle
de
son
ractif
spcifique,
si
je
puis
me
servir d'une aussi
grossire
comparaison.
On
dirait
l'attraction d'un
aimant
commandant
le
mouvement
naturel
et
foncier de
l'esprit,
sans
lequel
ce
mouvement
serait
jamais
inexpliqu,
voire
mme
impossible. En sorte que la
vritable
expression
de
Fenthymme
gnratrice des premires
certitudes
n'est
pas
:
Je
pense
donc je
suis;
mais,
prenant
les
choses
de
l'autre
bout