81e réunion annuelle de la

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Pour nous contacter et commander : Tél : + 33 (0)1 71 16 55 99 Fax : + 33 (0)1 71 16 55 77 - Internet : www.masson.fr - e-mail : [email protected] Les données qui vous concernent seront utilisées par ELSEVIER MASSON pour la promotion commerciale de ses produits et services. Nous pouvons être amenés à les transmettre à des tiers. Si vous ne le souhaitez pas, cochez cette case . Vous disposez d’un droit d’accès et de rectification des données qui vous concernent. Pour l’exercer, adressez-vous à ELSEVIER MASSON. Mode de règlement choisi (cochez la case correspondante) - Je joins mon règlement de TTC par : Chèque bancaire ou Postal à l’ordre de ELSEVIER MASSON. Carte bancaire Carte Bleue Nationale Visa Eurocard/ MasterCard Veuillez noter les 3 derniers caractères des 7 chiffres figurant au dos de votre carte bancaire Signature : Expire fin Titre / ISBN Prix Qté Montant Mlle Mme M Nom Prénom Adresse Code postal Ville Profession/Spécialité(s) E-mail J’accepte de recevoir des informations commerciales ELSEVIER MASSON par courrier électronique. Auteurs : Bernard BIOT, Alain DIMEGLIO, Christian HERISSON 2007, 16 × 24 ISBN : 978-2-294-70095-8 168 pages - 65 Le spondylolisthésis (SPL), glissement d’une vertèbre par rapport à l’autre impressionne d’autant plus le malade et son entourage que la majeure partie des problèmes apparait lors de la croissance. Cette période importante pour le développement d’une bonne compétence corporelle (entre autre vertébrale) et l’épanouissement psychique se trouve bousculée par une affection dont l’évolution est difficile à codifier. Cet ouvrage multidisciplinaire aborde cette pathologie vertébrale et développe différentes thématiques : – le diagnostic de cette maladie chez l'enfant et l'adolescent ainsi que chez l'adulte (imagerie, biomécanique, traitement médical…) – la place de la chirurgie dans la stratégie thérapeutique – ainsi que les conséquences de cette pathologie dans la vie quotidienne des enfants et des adultes (sport, aptitude au travail, grossesse). À découper ou photocopier et à renvoyer à : ELSEVIER MASSON - Service clients - 62 rue Camille Desmoulins 92442 Issy les Moulineaux cedex TOTAL de ma commande 65 ELSEVIER MASSON - SAS au capital de 675 376 - 542 037 031 RCS Nanterre - code APE 221A - N° de TVA : FR 01542037031 - Création : La Firme - Paris BON DE COMMANDE Spondylolisthésis de l’enfant à l’adulte 978-2-294-70095-8 Les frais d’envoi vous sont offerts. P07001

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Pour nous contacter et commander : Tél : + 33 (0)1 71 16 55 99Fax : + 33 (0)1 71 16 55 77 - Internet : www.masson.fr - e-mail : [email protected]

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Auteurs : Bernard BIOT, Alain DIMEGLIO, Christian HERISSON2007, 16 × 24ISBN : 978-2-294-70095-8168 pages - 65 €

Le spondylolisthésis (SPL), glissementd’une vertèbre par rapport à l’autreimpressionne d’autant plus le malade etson entourage que la majeure partie desproblèmes apparait lors de la croissance.Cette période importante pour ledéveloppement d’une bonne compétencecorporelle (entre autre vertébrale) etl’épanouissement psychique se trouvebousculée par une affection dontl’évolution est difficile à codifier.

Cet ouvrage multidisciplinaire abordecette pathologie vertébrale et développedifférentes thématiques :– le diagnostic de cette maladie chezl'enfant et l'adolescent ainsi que chezl'adulte (imagerie, biomécanique, traitementmédical…)– la place de la chirurgie dans la stratégiethérapeutique– ainsi que les conséquences de cettepathologie dans la vie quotidienne desenfants et des adultes (sport, aptitude autravail, grossesse).

À découper ou photocopier et à renvoyer à : ELSEVIER MASSON - Service clients - 62 rue Camille Desmoulins 92442 Issy les Moulineaux cedex

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Spondylolisthésisde l’enfant à l’adulte

978-2-294-70095-8

Les frais d’envoi vous sont offerts.

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SO.F.C.O.T. 2006 3S11

Membres ès qualité : Didier MAILHÉ, FMC

Norbert PASSUTI, Laboratoire labellisé

Didier MAINARD,

Laboratoire labellisé

Daniel GOUTALLIER,

représentant comité des anciens présidents

Philippe BURDIN,

Président section CNU

Jacques-Yves NORDIN,

Président APCORT

CFCOT : Jean PUGET

Christophe GLORION

SNCO : Jacques CATON

Patrice PAPIN

Bureau de la SO.F.C.O.T.

Président de la Société : Jean-Luc LERAT

1er Vice-Président : Bernard TOMENO

2e Vice-Président : Frantz LANGLAIS

Ancien Président : Jacques-Yves NORDIN

Secrétaire Général : Thierry BÉGUÉ

Secrétaire Général Adjoint : Christian GARREAU DE LOUBRESSE

Trésorier : Jean-Marie POSTEL

Trésorier Adjoint : Philippe LANDREAU

Membres : Pierre LASCOMBES

Christian MABIT

Didier MAILHÉ

Henri MIGAUD

Philippe BEAUFILS

Jean-Luc CLÉMENT

Jean NORTH

Guy PIETU

Membre étranger : Christian DELLOYE

Représentants de l’Académie : Claude VIELPEAU

Raphaël SERINGE

Denis HUTEN

Représentants du CFCOT : Jean PUGET

Christophe GLORION

Représentants du SNCO : Jacques CATON

Patrice PAPIN

SO.F.C.O.T. Réunion Annuelle, novembre 2006 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés(suppl. au no 6, Rev. Chir. Orthop. 2007, 93, 3S12-3S25)

Séance d’ouverture de la 81e réunion annuelle de la SO.F.C.O.T.

Allocution du Président de l’Académie d’Orthopédie Traumatologie

Claude VIELPEAU (Caen)

« L’amitié de quelques-unes d’entre vous et la bienveillance de tous m’appellent pour quelquesinstants à cette place éminente où je ressens, avec la sensation de l’étrangeté d’y paraître, toutl’émoi et tout l’embarras d’avoir à vous haranguer ».

Avec toute l’humilité et le respect dus à son auteur, je fais mienne, cette phrase de Paul Valéryalors que, le 17 octobre 1938, il prononçait le discours inaugural du Congrès de chirurgie, présidépar Léon Imbert et dont le secrétaire général était Henri Mondor.

Rien ne pouvait laisser supposer que je ferais une carrière chirurgicale, ni mon origine modestedans la campagne ornaise, ni l’absence totale de médecins dans mon entourage de jeunesse. Peut-être la lecture d’un roman, au moment où l’adolescence, qui peut nourrir un ardent désir de sauverles autres, a-t-elle produit l’étincelle. Ce n’étaient pas non plus deux maîtres d’externat qui, dès lesrésultats connus, vinrent voir le major du concours 69 pour tenter de me convaincre qu’il seraitdommage que je ne fasse « que » de la chirurgie.

La chirurgie caennaise vivait, à la fin des années soixante, le début de la différentiation de notrespécialité. Nous pouvions acquérir une solide formation généraliste mais, en chirurgie orthopédi-que, la pauvreté numérique de notre encadrement, si elle nous conférait une grande expériencetechnique, nous obligeait, pour assurer les bases théoriques, à fréquenter assidûment les manifes-tations nationales. Les lundis de Cochin avec Robert Meary, Michel Postel, F. Mazas, M. Kerboullconstituaient un incontournable déplacement hebdomadaire tant il était perceptible que la techni-que n’était que le résultat d’une réflexion et d’une discussion structurées. C’est ainsi que monséjour à Cochin, grâce à l’accueil de Michel Postel, fut pour le vieil interne que j’étais en 1974, larévélation que la cible chirurgicale ne pouvait être isolée de la personne, et qu’autour de l’articula-tion à opérer il y avait de la chair et de l’esprit dont la prise en compte permettait d’ajuster la bonneindication aux besoins du patient. L’élégance chirurgicale de Marcel Kerboull, jeune agrégé, et larigueur et l’honnêteté viscérale de Michel Postel me fascinaient. J’ai rarement connu un concepteurd’implant ne perdre aucune occasion pour demander aux collègues de ne plus poser la prothèse quiportait son nom. Cette honnêteté intellectuelle et le principe d’utilisation de techniques transmissi-bles et reproductibles adaptées à chaque individu, sont restés pour moi des règles de vie profession-nelle.

Revenu chef de clinique à Caen, en même temps que J.-H. Aubriot s’y installait comme agrégé,nous avons pu vivre ensemble l’exaltation de la création. Le service d’Orthopédie passa de 45 à140 lits en deux ans. Durant les 7 ans passés ensemble, nous avons vécu la grande et malheureuseaventure des cupules couplées scellées. Elle fut très riche en enseignements, montrant combien uneapparente bonne idée pouvait s’éroder puis s’effondrer avec le temps.

Notre métier a beaucoup évolué. En chirurgie de la hanche dégénérative, par exemple, nous cher-chions la meilleure position à donner à la tête fémorale pour que la Nature organise un nouvel inter-ligne et pour que la modification de l’importance et de l’orientation des contraintes permette lenettoyage des géodes et des condensations osseuses, témoins visibles du soulagement clinique.Mais, la longueur des suites opératoires et le caractère aléatoire des résultats sont devenus progres-sivement incompatibles avec l’exigence des patients, d’autant que, parallèlement, le remplacementprothétique s’affirmait comme rapide et efficace.

SO.F.C.O.T. 2006 3S13

Les 2 révolutions de la vie professionnelle des chirurgiens de ma génération ont été l’explosionde la chirurgie de remplacement et la réduction des abords grâce à l’arthroscopie.

Jacques Beguin, récemment disparu, était rhumatologue et, dans les années soixante-dix, il com-mençait, sous anesthésie locale, faute d’anesthésistes, à regarder dans les genoux. Nous l’obser-vions, d’un œil amusé, mais très vite, de purement contemplative, cette technique commença à êtreun moyen thérapeutique lorsqu’il commença à enlever les corps étrangers puis des languettesméniscales. Nous le fîmes entrer dans notre équipe chirurgicale où, avec Bruno Locker, il participaau développement de l’arthroscopie.

Lors de l’introduction du premier cours d’arthroscopie que nous avions organisé à Caen avecBruno Locker et notre équipe, il y a plus de 20 ans, je mettais en garde contre le risque de multiplierles actes avec cette technique relativement anodine et aux suites simples. Nous considérions quec’était un moyen d’abord du genou qui devait continuer à s’inscrire dans une démarche chirurgicalecomportant une écoute, un examen, un diagnostic et, enfin, une indication opératoire. L’arthrosco-pie a fait son chemin et ses indications se sont élargies, mais elle reste un moyen de faire de lachirurgie orthopédique. Elle s’inscrit naturellement, dans le cadre de notre spécialité comme unmoyen incontournable dans notre arsenal thérapeutique.

La chirurgie prothétique a atteint sa maturité. Elle vit actuellement un virage dont nous devonsêtre pleinement conscients.

Jusqu’à maintenant, le chirurgien orthopédiste est entièrement responsable de son interventionqui comprend l’indication, le moment choisi de la chirurgie, la procédure chirurgicale elle-même etles éventuelles complications. L’implant, dans la chirurgie prothétique, est naturellement inclusdans cette responsabilité. Y a-t-il une fracture de tige, une rupture de tête, c’est le chirurgien qui, dufait de son choix, est tenu pour responsable, quitte pour lui, à se retourner vers l’industriel qui l’afabriquée et vendue.

Mais plusieurs éléments nouveaux tendent à modifier la donne : l’évolution de notre environne-ment immédiat — directions et administrations tentent de considérer le corps des chirurgiens aumême titre que les corps paramédicaux — ; la tutelle cherche à s’emparer du problème en nousenfermant dans des systèmes de référentiels les plus fermés possible pour limiter nos choix afin deréduire les coûts ; enfin, l’inclusion des prothèses dans les GHS, qui est une quasi-certitude, n’estpas acceptable tant qu’il n’y a pas autant de GHS que de situations cliniques, tant que le groupageactuel est vague et inhomogène.

Une directive européenne a récemment assimilé dispositif médical implantable et médicament.Certes, comme un médicament, une prothèse a des indications, des contre-indications, des effetsindésirables et des complications. Mais, il y a plusieurs différences essentielles : le médicament estun médiateur de soins prescrit par un médecin et dont l’efficacité n’est pas dépendante de celui quil’administre. La durée de vie et d’efficacité du médicament est limitée dans le temps, à quelquesheures voire quelques jours.

Au contraire, dans la chirurgie de remplacement articulaire, le résultat de l’implant est directe-ment lié aux mains de celui qui le pose et sa durée d’action est souhaitée illimitée.

Il serait difficilement acceptable que l’indication étant posée par un logiciel de référentiels, lerôle du chirurgien ne soit réduit qu’à celui de « poseur ».

Notre responsabilité, le pouvoir de soigner, doit s’appuyer sur deux piliers : la formation etl’évaluation. La formation commence par l’éducation qui impose à nos jeunes un long cursusd’internat et de post-internat. Elle est indispensable et toute disposition qui viendrait à la réduire ouà accepter de qualifier à moindre coût constituerait un danger pour la profession et les patients.L’éducation ne consiste pas uniquement à apprendre des techniques que l’on répéterait ensuitetoute sa vie. Elle donne les outils du jugement, indispensables à une évolution appuyée par la for-mation permanente. C’est le rôle primordial du Collège de veiller à la qualité de l’éducation.

L’évaluation de nos pratiques est le deuxième pilier de notre responsabilité. Si le progrès est lerésultat d’un subtil mélange d’espoirs et de doutes, l’évaluation est le moteur indispensable del’évolution de nos certitudes.

3S14 COMPTE RENDU DE LA SÉANCE D’OUVERTURE DE LA 81e RÉUNION ANNUELLE DE LA SO.F.C.O.T.

Elle fait partie intégrante de la vie de notre Société et de notre Revue.

Sa méthodologie doit cependant être améliorée selon les critères de la médecine fondée sur lespreuves. Le plus haut niveau de preuve qui utilise la randomisation est difficile dans notre spécia-lité. C’est pourtant le seul moyen de répondre à une question précise pourvu que les effectifs aientété calculés au préalable en fonction des différences attendues dans les deux bras, que les critèresd’inclusion et d’exclusion aient été définis, et que le recueil des données prospectives soit exhaustif.

Les études de cohortes constituent le moyen habituel de notre évaluation clinique. Pour qu’ellessoient valides, il est indispensable que la série soit continue, exhaustive et que le cahier de recueilde données soit complet et figé. Tous les critères ne sont vraiment respectés que dans les étudesprospectives. Il est regrettable que de nombreux symposia qui demandent à leurs participants uneénergie et un travail considérables ne puissent pas être mieux reconnus. La collecte des dossiers estsouvent discontinue, non exhaustive et rétrospective. Ils représentent pourtant des avis d’expertsqui forment le « socle des données acquises de la Science ».

L’aide d’équipes de méthodologistes engagées par la SO.F.C.O.T. nous épaule pour évoluer à cepoint de vue. Mais, il est tout de même regrettable que sur les 215 publications retenues par laHaute Autorité de Santé pour le travail sur la reclassification des prothèses de hanche, seulement8,5 % soient d’origine française. Cela ne reflète pas l’important travail d’évaluation effectué par leséquipes et les groupes de chirurgiens français.

L’Académie d’Orthopédie Traumatologie, toute fraîchement individualisée au sein de laSO.F.C.O.T. a pour mission de collecter et de sélectionner les travaux scientifiques proposés par lescollègues. Elle doit avoir aussi pour rôle de susciter des travaux méthodologiquement plus receva-bles.

Une des nouveautés de ce congrès est l’organisation des deux séances de controverses sur legenou et sur le pied. Il s’agit de faire s’affronter deux orateurs qui utilisent des stratégies différentesdans des situations semblables. Leurs arguments, développés à partir de leur expérience et de la lit-térature, vont permettre de faire le point sur l’état de l’Art. Mais les protagonistes doivent égale-ment, en prolongement de leur joute, mettre sur pied une étude prospective dont les résultats serontprésentés dans 5 ans ou plus.

La patience et la ténacité sont la rançon de cette méthode mais nous ne manquons pas del’enthousiasme qui, comme le disait Claude Bernard, « devrait toujours être notre compagnon ».

Les membres des deux symposia de cette année, sur les ménisques et ligaments de l’enfant, etsur les prothèses dans l’omarthrose excentrée, termineront leur présentation en formulant des RPC.Ces Recommandations pour la Pratique Clinique seront proposées pour validation à l’HAS.

Nous avons également souhaité, dans le cadre européen de l’EFORT, organiser un forum sur lathrombose. Il s’agit d’un des dommages collatéraux de notre chirurgie. Même si nous déléguonsparfois la prévention et le traitement de cette complication, possiblement gravissime, nous ne pou-vons pas nous désintéresser de cet aspect qui peut réduire à néant les meilleurs espoirs que nousfondions légitimement dans nos reconstructions articulaires prothétiques ou dans la meilleure res-tauration d’une fracture complexe. Les participants à ce forum figurent parmi les plus grands nomsen Europe, voire au-delà, mais il est intéressant de remarquer que les Français sont anesthésistesréanimateurs pour 2 d’entre eux, le 3e étant pharmacologue clinicien, alors que les 3 non Françaissont chirurgiens orthopédistes.

Le congrès 2006 va également être riche en présentations et discussions de dossiers. Nous avonssouhaité, avec J.-L. Lerat, les multiplier car dans des situations pratiques, ils apportent non pas seu-lement la solution, mais les chemins de la discussion. Nous attendons également avec grand intérêtle travail dirigé par Jean Puget sur l’extraction des tiges fémorales.

Les quelques relents de pessimismes qui ont pu se dégager de mes propos ne sont qu’apparents.Les chirurgiens orthopédistes français ont le défaut d’être individualistes. Le congrès ne doit pasêtre le barycentre de toutes les solitudes, mais, je l’espère, va contribuer par les échanges fructueuxen séance et dans les couloirs, à ce que chacun se sente membre d’une collectivité, où les désac-cords sont uniquement constructifs.

SO.F.C.O.T. 2006 3S15

Cette année passée à la présidence de l’Académie a été riche et instructive, dans un climatde convivialité studieuse. Je me réjouis d’avoir pu travailler, dans la plus grande harmonie, avecJean-Luc Lerat, le Président de la SO.F.C.O.T. et avec tous les membres du bureau. Qu’ils soientremerciés pour leur participation aux longues réunions marathon orchestrées par nos secrétairesgénéraux Thierry Bégué et C. Garreau de Loubresse. Un grand merci également à Madame Keller,à Ghislaine Patte et à Catherine Plo pour leur efficacité et à Colloquium pour son professionna-lisme dans l’organisation.

Merci à tous et bon congrès.

Allocution du Président de la SO.F.C.O.T.

Jean-Luc LERAT (Lyon)

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Chers Collègues,

Chers Amis

Je voudrais remercier tout d’abord les Présidents des Sociétés étrangères pour leur présence etleur dire que nous sommes très sensibles à l’honneur qu’ils nous font et que nous comptons sur euxpour développer toujours plus la coopération entre nos sociétés.

Je voudrais vous remercier tous pour votre présence amicale à cette séance inaugurale de notre81e congrès. Cette cérémonie marque le début d’une semaine studieuse et riche en événementssociaux et professionnels qui sont tellement importants pour la vie de notre société, elle marqueaussi la fin du mandat du président de la SO.F.C.O.T. C’est l’occasion pour lui d’exprimer ses sen-timents reconnaissants.

Je voudrais remercier publiquement tous ceux qui travaillent pour le bien de la SO.F.C.O.T enparticulier nos trois secrétaires dévouées et compétentes ainsi que tous les membres du bureau quiont accompli un énorme travail toute cette année, dans un climat sympathique, convivial et désin-téressé, avec à sa tête notre excellent secrétaire général Thierry Bégué. Je voudrais remercier par-ticulièrement le Président de l’Académie, Claude Vielpeau, qui a magnifiquement organisé cecongrès et avec lequel la complicité a été précieuse, amicale et totale depuis un an. Travailler aveceux tous a été une expérience passionnante ! Je souhaite bonne chance à mon successeur BernardTomeno.

Tous mes prédécesseurs, à cette occasion, ont été amenés à se poser, comme moi aujourd’hui, laquestion de leur mode d’entrée en chirurgie, comme d’autres se posent la question de leur entréedans les ordres. Il n’y a aucun médecin ni aucun chirurgien dans ma famille. Dans ma mémoire, jene retrouve aucune influence extérieure (sauf, peut-être, quelques livres de Soubiran et surtout dechirurgiens comme Killian et Leriche au hasard des lectures de l’adolescence). Ce choix s’estimposé comme une évidence pour moi, tout simplement, et il n’a pas surpris mes parents pour quimes prédispositions pour le bricolage tous azimuts depuis l’enfance à la maison, les avaient déjàconvaincus que le « manuel de la famille » comme ils m’appelaient, ne serait pas agrégé de lettresclassiques ! Tout m’orientait pourtant vers les lettres ou les arts.

Mes deux frères et ma sœur, tous trois littéraires et artistes à la fois (comédien, poète, pianiste),ont, comme moi, été profondément marqués par un grand-père maternel dont nous avons beaucoupentendu parler, Paul Chatry. Outre le fait qu’il était magistrat et qu’il écrivait aussi fort bien, il nousa laissé 150 toiles qui démontrent aussi ses talents de peintre.

Je vous en montrerai quelques-unes pendant cette allocution pour reposer vos yeux fatigués parles diapositives depuis ce matin. Seize d’entre-elles ont été exposées au Salon des Artistes Françaisentre 1920 et 1926 et 7 ont été primées (d’après le catalogue du Grand Palais des Champs-Élyséeset la Revue Moderne des Arts et la Vie). Ayant toujours refusé de vendre sa peinture il n’a donc pas

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de cote officielle et pour cette raison il reste inconnu, sauf des archives. L’important, pour nous, aété que cette peinture couvrait les murs de la maison, elle a contribué à nous éveiller à l’Art, enfamille !

En plus de ces talents, ce grand père jouait du violon, assez bien pour être 1er violon dansl’orchestre symphonique de Paris. D’après la famille, il jouait fabuleusement et cela était sûrementvrai, car il recevait chez lui lors de leurs séjours parisiens des violonistes aussi célèbres que GeorgesEnesco et Jacques Thibaud, et ils passaient, paraît-il, des nuits entières à jouer ensemble, ce quiprouve que tout amateur qu’il fût, il avait un réel talent. Hélas, il n’y a pas d’enregistrement !

Des huiles et pastels parmi les plus beaux nous amènent à Coulommiers, où il était Procureur dela République en 1914 et où il s’était illustré en 14-18 par un acte d’héroïsme immortalisé par deuximages d’Epinal, en s’offrant comme otage aux envahisseurs avec deux autres notables, afin desauver la ville de Coulommiers qui devait être brûlée en représailles par l’ennemi. Les trois otagesavant d’être fusillés par les soldats du général Von Klück ont eu droit à la marche funèbre de Chopinavant d’être conduits devant le peloton d’exécution. Ils ont été sauvés par l’arrivée d’une colonneanglaise du maréchal French.

Un concentré des talents de ce grand-père s’est retrouvé chez notre mère qui avait déjà composéun certain nombre de morceaux de piano et de poèmes à l’âge de 13 ans et qui nous a laissé uneœuvre musicale et poétique très riche. Entre ma mère et ma sœur, qui était élève au conservatoire,le piano fonctionnait des heures chaque jour et la musique a baigné mon enfance. C’est donc danscette ambiance artistique que j’ai fait des études secondaires bien moyennes, ce qui désespérait unpeu mes parents, qui eux, avaient fait des études brillantes. J’aimerais aussi vous raconter commentse sont connus mes parents, à la Sorbonne, car ce n’est pas banal : il existait dans les amphis unevéritable compétition pour qui aurait la meilleure note en thème latin, en dissertation française ouen thème grec et il paraît que la compétition les a réunis au plus haut niveau. Ma mère était parti-culièrement fière de pouvoir parfois surclasser les garçons brillants, dont mon père, et aussi sescamarades de promotion de l’École normale supérieure, qui suivaient le même enseignement litté-raire à la Sorbonne. Elle nous le racontait plus tard, devant mon père qui ne démentait pas, et elle enétait d’autant plus fière que ces hommes ont eu par la suite des destins prestigieux puisqu’ilss’appelaient entre autres, Paul Guth, Henri Quéffelec, Léopold Sédar Senghor et Georges Pompidou.Pour terminer cette histoire, mes parents se sont vraiment connus plus tard sur un bateau, au coursd’une croisière Bude en Méditerranée qui récompensait les étudiants qui avaient eu mention trèsbien à tous leurs certificats de licence ! Et l’année suivante, mon père était premier à l’agrégationde grec et il était aussi reçu membre de l’École française d’archéologie d’Athènes. Ce fut ensuiteune brillante carrière d’enseignant pour les deux et, aussi, d’archéologue pour mon père, qui fut deplus, doyen de sa faculté. Il était spécialisé dans la Grèce antique et il fut aussi un des plus grandsspécialistes de la Gaule romaine. Vous comprendrez ainsi la présence symbolique du théâtreromain de Lyon sur la couverture du programme du congrès. J’ai donc eu la chance d’avoir plusieursmodèles très proches de moi, dans ma famille.

J’ai eu la chance aussi d’avoir de très bons Maîtres en chirurgie. Je parlerai de trois d’entre eux.

D’abord, Jacques Rebouillat, de Giens, pour qui j’ai gardé une grande admiration et un profondattachement et qui a eu une influence importante sur les internes orthopédistes de Lyon qui ontpresque tous fréquenté son service pendant 35 ans. Il avait été reçu très tôt au chirurgicat des hôpi-taux, puis expatrié à Giens en attendant qu’un service soit construit pour lui à Lyon-Sud, où il n’estjamais revenu. Sa modestie explique qu’il ait décliné l’offre d’être membre d’honneur de laSO.F.C.O.T., ce qui me prive du plaisir de lui remettre cette distinction. C’est un « Grand Monsieur »de l’Orthopédie.

Claude-Régis Michel, que j’ai connu dans le service d’Albert Trillat où il s’occupait brillammentdes scolioses, « Crac » comme on l’appelait, a été un très grand Président de la SO.F.C.O.T.J’ai toujours admiré son sens de la convivialité, son humour subtil et une grande délicatesse. Il avaiten plus d’exceptionnelles qualités de chansonnier, révélées aux non Lyonnais au congrès de 1990.On le voit ici à l’une de ses dernières présidences de thèses. Il était préoccupé par le fait qu’un

SO.F.C.O.T. 2006 3S17

Lyonnais devait absolument reprendre le flambeau et il me disait souvent et il me l’a écrit :« Jean-Luc, je sais que ce n’est pas ta tasse de thé et je sais que tu ne souhaites pas les honneurs,mais il faut que tu sois Président de la SO.F.C.O.T. ». Cet honneur m’est arrivé à cause de lui, àcause de son estime et de sa bienveillante protection, faisant suite à celle d’A. Trillat en son temps !Et l’ironie du sort a voulu que ce soit moi qui représente la SO.F.C.O.T à ses obsèques, avec la dou-loureuse tâche d’y prononcer un discours.

Albert Trillat, autre ancien grand président de la SO.F.C.O.T., est mon père en orthopédie ; je luidois son soutien dès le début et le fait qu’il ne m’ait pas laissé hésiter longtemps sur le choix d’unecarrière hospitalo-universitaire. Il n’était question pour moi que de travailler et de faire tout pourpouvoir concourir dans les meilleures conditions, le moment venu. C’est ainsi que j’ai pu lui suc-céder dans son poste. Ses qualités chirurgicales sont très connues, de même que son action pourl’éclosion de la chirurgie du genou, en France et dans le monde, puisqu’il a en effet organisé àLyon, en 1978, le 1er congrès de la Société Internationale du Genou dont il a été président et j’ai eula chance d’être aux premières loges, puisque j’étais le secrétaire de ce congrès. Je voudrais insistersurtout sur ses qualités humaines, son affection pour ses élèves et sa générosité pour eux, son cha-risme. Il existait dans son service une ambiance extraordinaire pour les internes et les assistants ;il avait su y créer un excellent bouillon de culture pour que s’y développent des embryons de chi-rurgiens, avec en plus une liberté totale permettant aux inventifs de s’exprimer.

Tous auraient fait n’importe quoi pour le succès de ces fameuses Journées Lyonnaises de Chirurgiedu Genou qui ont eu un grand retentissement, à partir de 1971, avec des matinées opératoires télé-visées, ce qui à l’époque avait été une révolution ! J’avais eu la chance de participer à celles de1971 et de 1973, comme interne, puis d’être l’organisateur de la 3e édition de 1977. Sur cette photode ce congrès, on voit A. Trillat avec son équipe et l’on reconnaît Henri Dejour et puis tous les élè-ves de la deuxième génération, que je ne peux tous citer. Ils ont tous eu des carrières orthopédiquesbrillantes. Quelques-uns au premier rang sont bien connus de la SO.F.C.O.T., Jacques Tabutin,Pierre Chambat, Jacques Caton qui étaient internes. Je voudrais insister sur les assistants plusanciens Gilles Bousquet et Paul Grammont, de très peu mes aînés, trio que les autres ont appelé lesmousquetaires. Ces deux garçons auraient dû être présidents de la SO.F.C.O.T. si le destin ne leuravait pas été contraire. Je les associe dans ma pensée aujourd’hui car ils ont de nombreux pointscommuns, avec des personnalités riches qu’on peut qualifier d’atypiques et un génie inventifexceptionnel. Grâce à eux, plusieurs inventions françaises ont été adoptées dans le monde entier,même aux États-Unis où l’on compte pourtant sur les doigts d’une main celles qui ont été consa-crées. Citons seulement la cupule à double mobilité inventée par G. Bousquet, auquel on a récem-ment rendu l’hommage qui convient pour le dixième anniversaire de sa mort. Pour P. Grammont,citons la prothèse inversée d’épaule dont il sera beaucoup question jeudi prochain lors du sympo-sium et le clou d’allongement. Paul, qu’on voit ici avec sa merveilleuse Françoise, a malheureuse-ment été privé de l’usage de sa main droite qui était si habile en chirurgie, mais sa main gauchecontinue à produire cette belle peinture, dont vous verrez quelques exemples. Il a été aussi privé enpartie de sa parole, qui en faisait une des voix les plus contestataires et originales de l’orthopédie.La SO.F.C.O.T va le faire membre d’honneur à la fin de cette séance pour les services rendus àl’orthopédie.

A. Trillat a été pour nous tous un véritable père, lui, ce solitaire qui n’avait pas d’enfant et quiavait beaucoup d’admiration pour d’autres solitaires célèbres, comme vous les voyez sur ces livresd’Eric Tabarly et Alex Chichester qu’il m’avait offerts, connaissant notre amour de la mer. On voitici A. Trillat chez nous, à l’occasion du passage des fellows américains de l’ESSKA en 1990. À soncôté, Marie-Noëlle, mon épouse, qui arbore ici un petit foulard offert par nos invités et portantl’insigne américain bien connu. Je voudrais ici rendre un hommage particulier à Marie-Noëlle dontl’amour est le plus précieux des biens et pour laquelle l’orthopédie a été une rivale terrible ! Je laremercie d’avoir supporté de partager avec l’orthopédie, d’autant qu’elle n’a pas eu la plus grandepart ! Je lui en demande pardon, ainsi qu’à mes trois enfants qui ont été un peu sacrifiés et qui n’ontpas beaucoup profité de leur père. Tout le temps qui me restera sera consacré à réparer ce préjudice,autant qu’il sera possible.

3S18 COMPTE RENDU DE LA SÉANCE D’OUVERTURE DE LA 81e RÉUNION ANNUELLE DE LA SO.F.C.O.T.

Je voudrais adresser un grand merci à Bernard Moyen. Nous avons partagé la direction de notreservice pendant 19 ans (9 années à l’Hôpital E. Herriot et 10 années à Lyon-Sud). Il est en photo iciavec les seniors du service : Jean-Luc Besse, Christophe Levigne, Bruno Balay et Claude Jegou.Notre longue collaboration a été fertile et, avec tous nos assistants successifs, dont les portraitsdéfilent, nous avons opéré plus de 53 200 patients, publié 183 articles, fait 329 communications,organisé des centaines de colloques lyonnais, contribué à former 253 internes, 33 chefs de clini-ques, enseigné à plus de 3 000 étudiants en médecine et à 430 externes hospitaliers. Le travail encommun a été assez considérable, mais surtout dans une ambiance où l’amitié a toujours prévalu etoù l’humour a été roi. Il est exceptionnel qu’une équipe fonctionne aussi longtemps en harmonie.Ceci s’explique probablement par l’amitié et par nos qualités complémentaires, surtout les tiennes,Bernard, je te remercie pour ton exceptionnelle gentillesse et pour ta patience.

Je voudrais aussi parler de l’orthopédie. Je fais miennes toutes les idées qui viennent d’être expo-sées avec talent par C. Vielpeau. Je voudrais ajouter quelques mots en remarquant que dansce métier, nous devons nous adapter en permanence à des conditions nouvelles qui nous sontimposées et qui en rendent toujours plus difficile la pratique. Je pense surtout à l’avenir et donc auxplus jeunes, qu’il faudrait encourager et non pas décourager, et quand je vois tout ce qu’ils doiventsubir, j’ai envie de pousser un coup de gueule, ce qui n’est pas classique dans un discours deprésident !

Pourquoi un coup de gueule ?

Parce qu’à la suite d’erreurs d’appréciation de nos politiques, on manque de jeunes chirurgienspour la relève ! Phénomène incroyable, pour ce métier qui est si passionnant ! Le constat estconsternant ! La chirurgie est sinistrée, il n’y a presque plus d’internes ! Je vais vous montrer touten parlant, des photos de nos jeunes internes, car c’est en pensant à eux avec affection que monindignation bouillonne !

L’explication est qu’au début on en a découragé beaucoup de faire de la médecine, puis plus tardde la chirurgie et de l’orthopédie, alors qu’il aurait fallu au contraire doper cette spécialité en con-tinuelle expansion, qui doit faire face au vieillissement de la population et à l’augmentation prévi-sible de la demande. La cécité des pouvoirs publics a été totale et leur responsabilité écrasante, carla pénurie a été organisée. Je les accuse, avec le numerus clausus, d’avoir voulu délibérément tuerla chirurgie. De plus, quand on s’est aperçu du terrible déficit en chirurgiens, au lieu de corriger lacause, on a seulement organisé le recrutement de chirurgiens étrangers dont les diplômes n’étaientpas équivalents. Actuellement, le déficit persiste toujours, malgré un numerus clausus trop chiche-ment et trop tardivement ouvert et parce qu’il faut 15 ans pour former un chirurgien !

Aujourd’hui on nous demande de participer à des jurys pour recruter par concours de nouveauxchirurgiens à l’extérieur, selon des règles du jeu différentes de celles qui existent dans nos hôpitaux etfacultés. Ensuite, ils seront censés compléter leur formation par des stages dans les hôpitaux, pourune mise à niveau. Et nous sommes appelés à cautionner tout cela !

Pour bien comprendre notre émotion, il faut savoir que toute notre vie d’enseignant nous l’avonsconsacrée aux jeunes, que ce soit à la faculté ou à l’hôpital. Une grande partie de notre énergie aété dépensée pour leur apprendre tout ce que nous avons appris nous-mêmes, dans un esprit decompagnonnage très caractéristique de la chirurgie. En tant qu’enseignants, nous sommes trahis.En effet, on nous a toujours demandé d’enseigner aux étudiants avec exigence, pour nous-mêmes,et d’être exigeants vis-à-vis d’eux lors des contrôles de connaissances, pour les certificats, pour unconcours d’internat difficile, et il a fallu en abandonner au bord de la route un grand nombre, enparticulier dès la première année de médecine où des milliers ont dû renoncer en France, mêmeen ayant des notes de 13 ou 14, à cause du numerus clausus !

Et de façon complètement paradoxale, incompréhensible et même humiliante pour notre fonc-tion d’enseignant, on sollicite notre complicité pour faire nommer, avec des règles différentes, deschirurgiens qui entreront en concurrence directe avec les élèves que nous avons formés selon lesrègles normales. C’est une démarche schizophrénique qui nous est demandée ! Négation en plusd’une des trois devises de la République, l’égalité, puisqu’on voudrait nous obliger à la bafouer,

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contre toute éthique. Comment pourrions-nous faire cette mauvaise action ? La SO.F.C.O.T aussipense continuellement aux jeunes, toute son action leur est vouée, l’action de son Académie et deson Collège avec à leur tête Claude Vielpeau et Jean Puget qui font un travail excellent.

Cette question est très délicate et on a souvent peur d’en parler, car on est vite suspecté de nourrirdes sentiments xénophobes ou racistes. Je voudrais affirmer ici et très fort qu’il n’en est rien et que,bien au contraire, nous avons reçu avec grand plaisir de nombreux étrangers dans nos servicescomme internes ou résidents et que les échanges ont été très fructueux et je pense qu’ils doiventêtre multipliés. La SO.F.C.O.T. en est convaincue aussi puisqu’elle offre de nombreuses boursespour aider à la formation de chirurgiens étrangers en France, qui pourront ensuite soigner leurscompatriotes dans leurs pays et y enseigner. Il n’y a aucune raison pour que la France vide certainspays de leur potentiel médical et prive leurs populations de chirurgiens.

La SO.F.C.O.T. s’est donc mobilisée, mais le ministre n’a pas daigné répondre à la lettre de pro-testation de son président et les syndicats n’ont pas davantage eu gain de cause. Que les jeunesorthopédistes sachent que leurs anciens désapprouvent cette mauvaise action et je suis personnel-lement favorable au boycott de ces jurys.

La relève, comme vous le voyez, pose de difficiles problèmes, celui-ci en est un parmi tantd’autres. Pour les régler il va falloir une coopération étroite entre les générations. J’appelle tous lesjeunes internes et chefs de clinique-assistants rescapés de ce naufrage à venir rejoindre laSO.F.C.O.T., si ce n’est déjà fait.

Qu’ils viennent nous aider à défendre la profession, à en relever l’attractivité, sans craindre lesgardes, sans craindre de dépasser les 35 heures ! Qu’ils s’enthousiasment pour ce métier quiredonne la fonction motrice et fait des gens heureux ! Surtout, il faut qu’ils parlent aux étudiants lesplus jeunes, afin de les convaincre de ne pas se décourager et de choisir quand même la chirurgie ;il y aura du travail pour tous et de plus en plus !

Qu’ils viennent participer à nos travaux, qu’ils écoutent bien sûr, mais aussi qu’ils se mettent trèsvite à l’ouvrage dans le but de prendre la parole, de faire partie des symposia prospectifs, prendrepart à la vie de la SO.F.C.O.T. qui a besoin d’eux pour entretenir le feu sacré. Qu’ils viennentrelayer les anciens, ces vestales enthousiastes que nous sommes.

Que les jeunes n’oublient pas que l’expérience des aînés est riche d’enseignements ; les aînés,eux, savent bien que ce sont les jeunes qui sont porteurs d’innovation.

Je vous souhaite un très bon congrès à tous et vive la SO.F.C.O.T. !

3S20 COMPTE RENDU DE LA SÉANCE D’OUVERTURE DE LA 81e RÉUNION ANNUELLE DE LA SO.F.C.O.T.

Edouard ZARIFIAN se faisait un plaisir de donner cette conférence. Malheureusement, ils’est senti trop fatigué pour pouvoir le faire. Voulant pourtant remplir ses engagements, il aaccepté d’écrire le texte ci-dessous que j’ai eu la charge de lire en tentant d’en mettre envaleur toute la richesse. Début janvier 2007, je lui ai remis la médaille au nom de l’AOT etde la SO.F.C.O.T. Il venait d’apprendre que l’évolution de sa maladie était inéluctable àcourt terme. Il était calme, serein, et n’avait rien perdu de sa grande courtoisie, de sonhumour désabusé, de sa finesse d’esprit et de son élégance naturelle tout en se préoccupantde prendre lui-même les dispositions pour gérer sa fin de vie auprès des siens. Le texte de saconférence sur les intrications entre la souffrance morale et la douleur physique m’est alorsapparu encore plus fort et pertinent. Au-delà des mots, sa force morale pouvait vraimentdominer sa douleur somatique. Ses derniers ouvrages (La Force de guérir, Le Goût de vivre,et… Dans la bulle de champagne) prenaient également un relief tout particulier. Il s’en estallé le 21 février 2007.

C. VIELPEAU

Conférence du Professeur Edouard ZARIFIAN †

Professeur émérite de psychiatrie et de psychologie médicale à la faculté de médecine de Caen.Douleur physique et souffrance morale du patient en chirurgie orthopédique.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Je remercie les puissances invitantes de la SO.F.C.O.T. de m’inviter à m’exprimer aujourd’huidevant une assemblée aussi choisie. Mais que vient donc faire un psychiatre au Congrès national dela Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique ? C’est une question que vousdevez naturellement vous poser. On pourrait imaginer que plus de vingt ans passés dans le mêmeCHU que Claude Vielpeau, mon admiration pour ses diatribes enflammées en CME pour défendrel’orthopédie et les moyens dont elle a besoin, et l’amitié qui s’est tissée au cours du temps sont unargument suffisant. Je n’écarte pas totalement cette hypothèse. Claude Vielpeau possède aussi unbon service de renseignements et il a découvert que ma première année d’externat en chirurgieavait été effectuée à Cochin dans le service d’orthopédie et traumatologie dirigé d’une main de ferpar Robert Merle d’Aubigné. Cette année, qui coïncidait avec l’accession à mes premières vraiesresponsabilités médicales, m’a marqué à tout jamais. Il est vrai que ce service accueillait une col-lection de chirurgiens hors du commun par leurs compétences et leurs personnalités. Il y avait unehiérarchie subtile, un code relationnel implicite mais très précis. L’externe ouvrait grand ses yeux,essayait d’apprendre un maximum, fier de côtoyer d’aussi prestigieux chirurgiens.

Le « patron » était au sommet d’une hiérarchie incontestée. Cet ancien chirurgien de la 2e DBavait le sens de l’apparat. Alors que tout le monde portait les « capotes » en gros tissu bleu marinede l’A.P. de Paris il était vêtu d’un élégant manteau en laine blanche coupé sur mesure. Il fallait levoir partir opérer à l’hôpital américain au volant de son Aston Martin décapotable avec ses deuxchefs de clinique préférés, tassés sur les petits sièges arrières, et écrasés par les étincelantes et énor-mes boîtes d’instruments qu’ils tenaient dans leurs bras !

Déjà dans ces années-là — il y a plus de quarante ans — chaque chirurgien maîtrisait une spé-cialité dans la discipline. Ramadier c’était le genou, Meary c’était le pied, Mazas l’épaule. J’avaiseu la chance d’être particulièrement accepté par Michel Postel : le virtuose de la prothèse de han-che. Quand il me désignait pour l’aider, c’était un moment extraordinaire. Avant la première inci-sion, quand le champ opératoire était définitivement installé, il y avait son coup d’œil vers lapendule. J’essayais, à mon minuscule niveau, de ne faire aucun geste qui puisse ralentir cettesynchronisation fascinante de tous les acteurs de l’intervention. Mille images reviennent à ma

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mémoire en particulier les six mois passés au service des brûlés… mais je ne suis pas là pour vousraconter mes souvenirs d’enfance.

Sachez simplement que le quotidien d’un service d’orthopédie est encore profondément ancré enmoi.

La vraie raison de ma présence aujourd’hui ce n’est pas ce qui sépare nos exercices profession-nels mais ce que nous pouvons avoir en commun. Vous êtes confrontés à la douleur physique,qu’elle soit aigüe en traumatologie, ou qu’elle soit chronique dans les pathologies rhumatismales.Les psychiatres, pour leur part, sont des familiers de la souffrance psychique. Mon propos concer-nera les rapports entre ces deux aspects du malheur de l’homme malade et la manière dontles échanges avec les « psy » peuvent permettre de justifier des comportements relationnels que leschirurgiens ont souvent établis spontanément et intuitivement avec les patients et leurs familles.

Cet exposé s’en tiendra exclusivement aux douleurs consécutives aux lésions et aux soins, et auxrapports entre le patient et les soignants chez des malades adultes. Les situations et les attitudesrelationnelles lorsqu’il s’agit d’enfants sont trop spécifiques pour être évoquées ici.

La représentation de la douleur physique dans le modèle médical : évolution du concept aucours des dix dernières années.

La douleur physique du patient a longtemps été considérée comme inéluctable et faisant partiedu tableau clinique. Il est « normal » que l’on éprouve une douleur et que l’on s’en plaigne lorsquel’on vient de se fracturer un membre. La douleur physique exprimée par le patient parfois bruyam-ment, contribue à gêner l’examen et même les soins en postopératoire. Le dualisme cartésien sépa-rant le corps de l’« âme » prévaut parfois encore dans nos représentations. On comprend la douleurphysique. Aujourd’hui, on la traite souvent avec efficacité mais on comprend moins bien lorsque lacause organique de la douleur semble correctement traitée que le patient puisse encore se plaindre.On y voit parfois une certaine pusillanimité voire une somatisation sans légitimité. Pourtant, onentre dans le domaine de la souffrance « morale » que l’on appelle plutôt aujourd’hui souffrancepsychique et qui tisse des liens particuliers avec la douleur physique. Pendant longtemps, on apublié des livres ou des articles sur « le traitement de la douleur » sur « comment soulager ladouleur » mais il y avait peu d’éclairage sur ce qu’était l’homme souffrant. En fait, une douleurphysique sans souffrance psychique est impossible. En revanche, et en dehors des situations quel’on voit en chirurgie, la souffrance psychique peut exister sans aucune douleur physique.Des expériences liées aux épreuves de la vie génèrent chez chacun d’entre nous des souffrancespsychiques dont le deuil est un exemple auquel personne n’échappe.

Depuis une dizaine d’années, les spécialistes de la douleur physique prennent de plus en plussouvent en compte la souffrance psychique qui l’accompagne. J’emprunterai à Patrice Queneau,ancien doyen du CHU de Saint-Étienne, et à Gérard Ostermann de Bordeaux, qui ont beaucoupécrit sur ce sujet, les quelques notions suivantes. La création relativement récente et qui s’intensifiedes « Centres d’évaluation et de traitement de la douleur » a permis de réunir des spécialistesvenant d’horizons différents. Ils ont contribué à faire évoluer le concept de l’association indissocia-ble douleur/souffrance. Le recours à des techniques non pharmacologiques permettant d’atténuerdes douleurs aigües, comme des douleurs chroniques, a été l’occasion de replacer l’homme souf-frant dans la globalité de ce qu’il est. Les techniques d’hypnose sont largement pratiquées dans cescentres de traitement de la douleur. Les écoles du dos qui améliorent les lombalgiques chroniquesprennent également en compte les dimensions psychologiques du patient.

Les différentes formes de psychothérapies qui peuvent être utilisées, parfois extrêmement sim-ples, car basées sur l’échange de paroles entre le soignant et le soigné, permettent à celui-ci dechanger ses représentations erronées, ses croyances et ses appréhensions à propos de sa pathologie.On peut citer un article de M. Simpson et al. paru dans le British Medical Journal en 1991 (303,p : 1385-1387) concernant la communication médecin/patient et qui a abouti à ce qu’on appelle le« consensus de Toronto ». Le point de départ était une grande enquête chez des patients qui seplaignaient de lombalgies. Il a été montré que le malade exposant son problème est interrompupar le médecin au bout de 18 secondes en moyenne. Le consensus de Toronto a abouti à privilégier

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la nécessité de la communication entre malades et médecins comme un élément essentiel de la gué-rison.

Un autre élément qui a contribué au changement des représentations chez les soignants c’estl’efficacité de la « relation placebo » qui montre le rôle puissant du psychisme du patient sur sespropres douleurs. Le placebo, substance inerte, n’a aucun intérêt en soi. Ce qui a un intérêt c’est lamanière dont le résultat attendu est présenté au patient. C’est la relation qui est tissée avec lui et quidevient alors un véritable espace thérapeutique qui doit être réhabilité. On sait que, quelle que soitla nature des douleurs y compris cancéreuses, la relation placebo permet une atténuation ou unedisparition de la douleur dans 30 à 35 % des cas. On sait aussi que la morphine dans les douleurscancéreuses n’est efficace que dans 75 à 80 % des cas. On n’a donc pas le droit de se priver de cerôle soignant du médecin qui prescrit ainsi sa conviction sincère dans le résultat. C’est ce queClaude Levi-Strauss appelait « l’efficacité symbolique ».

C’est à partir des années 1995 que l’organisation hospitalière des divers traitements de la douleura été fixée par la loi du 4 février 1995 définissant la prise en charge de la douleur dans les lieux desoins. Quelques mois plus tard la Charte du malade hospitalisé, le 6 mai 1995, stipulait la nécessitéde prendre en compte la douleur physique mais aussi psychologique et le soulagement de la souf-france psychique.

Anthropologie de la douleur en sciences humaines.

Il n’y a pas que les médecins qui s’intéressent à la douleur même si cela fait partie de leur quo-tidien. David Le Breton est un sociologue qui a consacré une partie de son œuvre au corps, à notrerapport au corps et à ce que nous en faisons. Il y a également une dizaine d’années, il a écrit unouvrage de référence intitulé Anthropologie de la douleur dans lequel il met bien en évidence queles hommes réagissent à une blessure ou à une affection identique de manière très différente. Il faitentrer en jeu dans ces différences la condition sociale, culturelle, contextuelle et l’histoire person-nelle. L’attitude à l’égard de la douleur n’est jamais figée. On sait que, dans le feu de l’action, unsoldat blessé n’éprouve de la douleur que lorsqu’il est hors de l’action de combat.

David Le Breton a bien montré que la signification de la douleur est variable et que le rôle del’autre, en l’occurrence le soignant, joue même dans la douleur physique comme on le voit dansl’apaisement obtenu par la relation dans les soins palliatifs.

Toute douleur physique s’accompagne d’une souffrance psychique qui comporte un sens affectifpropre au sujet. La sensation physiologique qui est une information douloureuse est appelée enanglais sensory pain. S’y ajoutent une expression émotionnelle et une perception personnelle del’ordre du symbolique qui est différente et qui est appelée en anglais suffering pain. Cela veut direque chacun a sa manière personnelle d’éprouver la douleur physique.

La souffrance morale ou souffrance psychique des sciences humaines.

Pour mieux comprendre la souffrance psychique il faut au préalable dire un mot de ce qu’estnotre psychisme. C’est ce qui fait de chacun de nous un être unique. Notre psychisme construitdepuis les premiers jours de notre vie les représentations que nous avons de nous-mêmes, desautres et du monde. Il s’est élaboré grâce aux interactions par la parole et le sens qu’elle contientavec nos proches puis avec notre entourage et enfin avec le milieu social.

Notre psychisme évolue entre trois pôles dont certains sont privilégiés à certains moments de lavie mais qui fonctionnent toujours en synergie. Il s’agit du réel, du symbolique et de l’imaginaire.Le réel, c’est le fait incontournable, c’est la matérialité des choses et nous n’y pouvons rien.Le symbolique c’est le sens que chacun d’entre nous attribue aux événements qu’il vit ou aux sen-sations qu’il éprouve. L’imaginaire, heureusement qu’il existe, c’est ce qui peuple notre psychismede projets, d’interrogations, de créativité et de fantasmes.

Dans le domaine de la souffrance psychique, le réel c’est le corps et la douleur physique, le sym-bolique c’est le sens pour le sujet de ce qui se joue pour lui : un handicap, une perte fonctionnelle,un changement de vie. L’imaginaire en cas de pathologie crée toujours des images négatives. C’esttout ce que l’on craint, tout ce que l’on n’ose pas dire, tout ce que l’on n’ose pas demander à son

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chirurgien. Voilà pourquoi, si la douleur physique est évidente car le patient n’hésite pas à l’expri-mer parfois même à son corps défendant quand la douleur est intense, en revanche la souffrancepsychique est beaucoup plus pudique ou ne dit pas son nom. C’est au soignant d’aller à sa rencon-tre par quelques questions qui libèrent le patient et permettent d’exprimer les représentations quil’assaillent.

On conçoit que les caractéristiques culturelles et l’éducation du patient jouent sur ses capacitésde verbalisation. Le plus difficile est sûrement de parler le même langage et d’utiliser des mots quipeuvent être compris par l’interlocuteur. Si la douleur physique est un signal d’alarme émis par lecorps, la souffrance psychique rend compte de la nature des représentations qu’a le patient de cequi lui arrive. Même s’il est difficile de dissocier chez un même sujet ces deux aspects, le discoursqu’on lui adresse doit être focalisé successivement sur l’un ou l’autre aspect.

La douleur physique nécessitera une intervention pharmacologique mais on peut aussi parler decette douleur physique avant qu’elle ne survienne et cela jouera un rôle préventif lorsqu’un actepeut être douloureux. On peut dire : « Vous allez peut-être avoir un peu mal mais je ferai tout cequ’il faut pour limiter cette douleur ». Pendant le moment de la douleur il faut montrer au patientqu’on en reconnaît l’existence. Pouvoir parler de la douleur du patient avec lui sans la minimiser,pouvoir annoncer que tout est mis en œuvre pour qu’elle cesse rapidement possède une efficacité.Un peu à distance poser la question « Avez-vous toujours mal ? En principe, cela devrait êtreterminé » contribue à la conclusion à laquelle arrive le patient : « On s’intéresse à moi ».

Le discours à propos de la souffrance psychique est différent. Il s’agit d’explorer l’inquiétude, derassurer, de montrer qu’une empathie existe c’est-à-dire une reconnaissance de ce que l’autreéprouve et qui n’est pas de l’ordre de la sympathie c’est-à-dire de la capacité à souffrir avec lui.Le soignant doit se protéger et garder une distance convenable, ni trop loin ni trop près et cela per-met pour le patient de conclure : « J’existe en tant que personne pour le soignant. »

Un mot aux proches, à la famille souvent présente, contribue par un effet indirect à la sérénité dupatient. Ce lien de la parole et ce lieu de la parole ne doivent jamais être minimisés.

Applications à l’orthopédie et à la traumatologie, et à leurs spécificités.

La nature des pathologies et les conditions de leur traitement jouent bien évidemment un rôle surla communication et la nature du lien relationnel. Je laisserai de côté des aspects particulierscomme la chirurgie plastique et reconstructrice qui répondent à des demandes ou à des besoins quipossèdent des caractéristiques bien particulières. Votre activité se répartit entre la traumatologied’urgence qui implique pour le blessé la bascule brutale d’un monde dans un autre. Il existe sou-vent une polytraumatologie et bien évidemment les proches ne sont en rien préparés à ce qu’ils vontdécouvrir. L’autre partie des activités correspond à une chirurgie programmée comme c’est le casbien souvent en clinique privée.

Les pathologies sont caractérisées par la douleur, des phénomènes d’arthrose et débouchent sou-vent sur des poses de prothèses. Dans tous les cas, pour le patient, les questions qui se posent sontgraves de conséquences. Il s’agit de ses capacités fonctionnelles impliquant peut-être des change-ments d’activité et même des changements de mode de vie. On conçoit que chaque cas est particulier.

La douleur, en traumatologie, survient dans un contexte où le pronostic vital peut être en jeu, lepronostic fonctionnel intervenant dans une deuxième étape. En orthopédie, la douleur peut prendredeux aspects : l’un aigu, en particulier en postopératoire, et l’autre chronique. Elle génère unedemande de la part du patient dans l’espoir qu’une intervention permettra de mettre fin à la douleuret à la gêne fonctionnelle.

Au-delà de la nature des pathologies et du contexte de leur survenue, la personnalité des patients,leurs attentes, la représentation qu’ils ont de leur corps doivent être prises en compte dans l’attituderelationnelle du soignant. Le malade peut être dans une situation « de perte d’objet » au sens pre-mier du terme. C’est évident lorsqu’il s’agit d’une amputation, c’est-à-dire d’une modification duschéma anatomique que chacun d’entre nous possède comme représentation de son propre corps.C’est aussi la perte d’un corps fonctionnel qui amène à dire « Je ne pourrai plus rien faire commeavant » sauf à être capable de s’adapter à la nouvelle situation.

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Les attitudes relationnelles pour le chirurgien

Le psychiatre ou le psychologue dont le quotidien est de soulager la souffrance psychique peu-vent apporter des éclairages pour rationaliser l’attitude relationnelle du chirurgien avec son patient.

La question dite de la « somatisation » n’obéit pas toujours aux idées qu’on peut s’en faire.Un malade qui continue à souffrir alors que l’acte chirurgical a été parfait et que la fonction del’articulation ou du membre est pleinement retrouvée a sûrement des raisons non anatomiquesde continuer à se plaindre. Une des premières raisons, parfois liée au niveau culturel, est uneméconnaissance anatomique complète des os, des articulations, du processus de réparation etmême de l’acte chirurgical qui a été réalisé. Ces représentations erronées et presque toujours terro-risantes expliquent la persistance d’une souffrance psychique alors même qu’il ne devrait plusexister de douleur physique pour des raisons objectives. C’est encore pour des raisons culturellesque le malade ne saura exprimer cette souffrance psychique qu’en terme de douleur physique etdira « J’ai encore mal ».

Je voudrais vous raconter une anecdote qui a été très éclairante pour moi. Je connaissais unemployé du service de nettoiement des routes qui était une vraie force de la nature. Il pouvait seblesser avec ses outils et parfois se faire des plaies non négligeables qu’il traitait par le mépris parceque ses yeux étaient capables de voir ce qui lui était arrivé. Un jour il se fait une fracture de Dupuytren.Il est très correctement traité et aurait dû reprendre la marche dans les délais habituels sans aucunedifficulté. Or, cet homme ne pouvait plus poser le pied par terre et ressentait des douleurs impor-tantes que le chirurgien ne pouvait pas expliquer de manière anatomique. En discutant avec lui,il m’a exprimé sa hantise que l’os « à l’intérieur » et qu’il ne pouvait pas voir soit beaucoup plusfragile qu’avant et que s’il s’appuyait sur son pied cet os risquait de se « briser comme du verre ».J’ai donc rassemblé ses radios et j’ai dessiné sur un papier la représentation de ce que l’on voyaitsur les radios. Je lui ai expliqué ce qu’était un cal. Il m’a interrompu en disant : « Mais je serai alorsplus costaud qu’avant ». Une semaine plus tard cet homme faisait son jardin, bêchait et n’éprouvaitplus aucune douleur.

Expliquer dans un langage simplifié, se mettre à la portée de l’autre et de ses représentations,c’est souvent accélérer un processus de guérison. On sait bien qu’à traumatisme et à chirurgie iden-tiques, les caractéristiques de la personne vont générer des craintes qui sont liées à ses attentes.Le risque esthétique d’une fracture de la clavicule ne sera pas vécu de la même manière par unmannequin et par un rugbyman. Le footballeur professionnel ne vivra pas de la même manière lesrisques futurs de sa fracture de jambe ou de son traumatisme du genou que Monsieur-tout-le-monde dont l’avenir professionnel n’est pas en jeu.

Dans la relation au patient et à sa souffrance psychique, il est une donnée qui différencie le« psy » du chirurgien : c’est la dimension du temps. Bien souvent le chirurgien est dans le « ici etmaintenant ». Il a programmé une intervention, il a choisi la stratégie thérapeutique, le matériel,il attend un certain résultat au plan anatomique et plus tard fonctionnel et il est en grande partiepréoccupé par le présent. La souffrance psychique du patient est habitée autant par le passé que parl’avenir. Crainte de perdre les possibilités qu’il a connues. Crainte aussi de ce que l’avenir luiréserve au plan fonctionnel. Le « psy » connaît bien ces allers et retours entre le passé et le futurexprimés par son patient. Il n’y a que l’angoisse mais qui est déjà une pathologie, qui s’exprime auprésent. Il en est de même pour les pathologies psychiatriques mais ce n’est pas ce à quoi le chirur-gien est confronté. Le délirant et le déprimé expriment au présent les symptômes de leurs troubles.

La douleur physique est exprimée par la parole et la mimique du patient au présent mais les com-posantes de sa souffrance psychique balayent son existence et il faut qu’il puisse la mettre en mots.C’est possible lorsque l’on va au-devant de ses craintes et de ses appréhensions. Être capable pourle patient de les exprimer c’est en partie les évacuer. Le plus souvent s’il n’est pas orienté vers sesvéritables appréhensions la souffrance du patient s’exprime par des questions techniques : duréed’immobilisation, temps de consolidation, durée de la rééducation, résultat final, etc.

Une autre dimension dans la relation avec le patient c’est l’image qu’a le chirurgien. Quels quesoient les changements du statut social du médecin, le chirurgien possède encore une aura qui

SO.F.C.O.T. 2006 3S25

contribue dans l’esprit des patients à le placer hors du commun. J’ai le souvenir des frères Judet quiétaient sans doute d’exceptionnels orthopédistes mais dont les résultats propagés par le bouche àoreille en faisaient des personnages dont on attendait des miracles. Cette position du chirurgiendans l’esprit du patient le rend quasi inatteignable dans la relation directe. On lui fait une totaleconfiance, on lui livre son corps on attend tout et peut-être trop de lui mais la distance est si grandequ’on n’ose pas lui parler. Cela peut flatter l’ego de certains mais doit aussi les rendre conscientsque c’est eux qui doivent faire une partie du chemin vers le patient par un autre miracle qui est celuide leur propre parole.

Cette parole, pour obtenir une guérison, doit rencontrer un écho auprès du malade et auprès de safamille. Il faut que le chirurgien, lorsque cela est possible et qu’il en est convaincu, puisse dire :« En ce qui me concerne vous êtes guéri ». Le malade ayant évacué sa souffrance psychique etconstaté le résultat doit pouvoir dire : « Je me sens guéri ». La troisième dimension c’est celle de lafamille qui doit pouvoir dire : « Il est guéri ». Lorsque ces trois discours sont en coïncidence alorsla guérison peut être totale.

Pour conclure, je dirai que la douleur n’existe pas en soi mais qu’elle est toujours exprimée parune personne souffrante qui construit sa souffrance psychique avec des représentations qui lui sontstrictement personnelles. Le chirurgien ne doit pas avoir seulement pour objectif de réaliser uneintervention techniquement parfaite garante d’une fonctionnalité retrouvée. Il doit aussi soignerune personne avec ses caractéristiques personnelles et ses représentations individuelles de l’inter-vention qu’il a subie. Seule la parole du chirurgien, même limitée dans l’échange, permettra lapoursuite heureuse de l’acte chirurgical. Ce n’est pas une perte de temps. Ce sera toujours une aideprécieuse pour le bien être du patient et pour l’achèvement de sa guérison.

Je vous remercie.