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35MESURES 750 - DECEMBRE-2002

L e rail joue un rôle primordial dans la sécurité du transport ferroviaire. En France, c’est à l’exploitant qu’incombe la res-

ponsabilité de son entretien afin d’assurer les niveaux de sécurité très élevés dans le transport. Pour assurer la sécurité des passagers, il faut donc inspecter très régu-lièrement les rails afin de vérifier leur état d’usure. Le problème majeur reste bien évidemment la rupture d’un rail. Cet incident grave crée une discontinuité physique dans la structure du rail. Dans les cas où le rail est utilisé pour transpor-ter les courants de retour de traction ainsi que certains signaux de signalisation, la rupture du rail entraîne également une discontinuité électrique. Dans la prati-

que, actuellement, cette rupture de rail est détectée par un dispositif propre aux réseaux ferrés (RATP et SNCF), le circuit de voie. Ce dispositif à poste fixe mesure en permanence l’impédance entre les deux files du rail pour des zones de taille variable. Lorsqu’un train roule, il y a un court-circuit qui actionne un relais. De même lorsqu’un rail rompt, le circuit est coupé et un relais est activé. Cependant, lorsqu’un tel événement arrive, malgré une occurrence faible, de l’ordre de deux fois par an sur le réseau parisien, le mal est déjà fait avec toutes les conséquences qui en découlent en terme de perturba-tion de trafic. Pour prévenir ce type d’in-cident, il est donc préférable d’utiliser des techniques d’inspections régulières qui

permettent d’analyser l’état de santé du rail et éventuellement d’évaluer les ris-ques de ruptures. Au sein de la RATP, ces travaux sont réalisés par le biais de cam-pagnes régulières, deux fois par an sur les voies du métro, cinq à six fois par an sur le réseau du RER, avec la technique des ultra-sons. Deux contraintes limitent l’efficacité de la méthode. D’une part, la technique, de par son principe, n’inspecte que le cœur du rail et ne met donc en évi-dence que ses défauts internes (souvent liés à

Détecter un rail cassé, c’est bien. Mais prévenir ce type de défaut majeur, avant la rupture, c’est mieux. Et si le système de détection est utilisable en exploitation, c’est encore mieux. C’est l’objectif atteint par l’Inrets dans le cadre d’un projet de développement mené avec la RATP et qui porte sur un capteur à courants de Foucault capable de détecter fissures ouvertes et zones écaillées sur les rails. En phase opérationnelle, les résultats de mesure permettent de délivrer une note d’intégrité du rail analysé et d’améliorer la maintenance préventive du réseau.

L’essentiel

La technique par courants de Foucault permet de détecter les défauts de surface des rails

Mais elle est difficile à mettre en œuvre sur un matériel roulant car l’environnement électromagnétique est sévère

Un montage à plusieurs bobines permet de surmonter des difficultés et de travailler à 35-mm du rail

SolutionsMESURES PHYSIQUES

Les rails du métro sous le regard des courants de Foucault

Dans le cadre du développement dans les années à venir de trains automatisés sans conducteurs, la RATP réfléchit à de nouveaux moyens de contrôle des voies. Alors qu’à l’heure actuelle la surveillance du réseau est assurée par le biais de campagnes régulières d’inspection, dans le futur il faudra que les moyens de mesure soient utilisables en exploitation. Ce qui pose de nombreux problèmes à résoudre pour adapter les techniques traditionnelles de contrôle non destructif au cahier des charges imposé par la RATP. L’Inrets, en partenariat avec la RATP, a mis au point une solution. Celle-ci consiste à adapter les courants de Foucault à la détection en exploitation de fissures ouvertes en sommet de rail.

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Solutions

des problèmes de métallurgie, amplifiés par les contraintes imposées au rail)-; elle ne permet donc pas de localiser des fis-sures sur le sommet du rail. D’autre part, la mise en place d’une auscultation par ultrasons impose un couplage mécani-que étroit entre le rail et le capteur et ne peut donc s’envisager dans un contexte d’exploitation. De plus, bien que l’on puisse détecter de l’ordre de 80-% des défauts, les 20-% restants sont aussi des causes potentielles de rupture du rail. Il s’agit pour l’essentiel de fissures ouvertes

sur la partie supérieure du champignon du rail, indétectables avec les ultrasons. Parallèlement, le développement de trains automatisés, sans conducteur, amène la RATP à réfléchir sur de nouveaux moyens de contrôle opérationnels des rails, mais cette fois-ci en cours d’exploitation, c’est-à-dire sans avoir à mobiliser des véhicu-les spécialisés dans l’inspection des rails. C’est dans ce cadre que l’Inrets (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) et la RATP ont développé un projet de recherche commun, qui a

abouti à la mise au point d’une méthode de détection des fissures ouvertes sur le rail en mettant en œuvre un capteur ori-ginal basé sur la technologie des courants de Foucault.

Un capteur à courants de Foucault… à distanceDans son principe, le capteur développé par l’Inrets se compose d’un double bobi-nage à double fréquence. Ces deux cou-ples de bobines ont un espacement différent entre les bobines (30-mm et

Vu àla RATP

Reportage

La méthode des courants de Foucault est une des techniques classiques du contrôle non destructif. Rappe-lons qu’il s’agit de créer des courants induits dans le matériau à analyser (qui doit donc être conducteur) grâce à l’excitation d’une bobine qui crée un champ magnétique alternatif. La distribution de ces courants induits, appelés Courants de Foucault du nom du physicien français qui a mis en évidence le phénomène, varie selon

les caractéristiques électriques (con-ductivité), magnétique (perméabilité) et géométrique du matériau analysé. La méthode permet donc de détec-ter des anomalies de petites tailles situées à proximité de la surface. Elle est aussi très efficace pour la mesure de la qualité de revêtement sur des pièces métalliques.Le capteur mis au point par l’Inrets pour la surveillance des rails du réseau de la RATP fonctionne en mode dif-

férentiel de manière dynamique et à deux fréquences simultanées. La combinaison des différents signaux recueill is représente une grande richesse d’information (plus ou moins grande profondeur analysée, géo-métries diverses des défauts…) et le traitement de signal associé permet de dégager des classes de défauts. Une des originalités de ce capteur est qu’il a été conçu pour fonction-ner à une distance de 35 à 40-mm

au-dessus du rai l , une s ituation peu courante dans les méthodes des cou-rants de Foucault où la plupart du temps le capteur doit être installé à quelques m i l l i m è t r e s d e l a surface à analyser.

Une technique maîtrisée…

Alimentation10 kHz /100 kHz

Défaut : écaille

Défaut : fissure complète

Circuit magnétique

Directiond'avancement

Courants de Foucault0,15 mm > épaisseur de peau > 0,5 mm

0 100 200 300 400 500m

Ec

JE

JEJE

JEJE

S1

JS…JS…

aiguillage

Exemple d’enregistrement de signaux bruts où les défauts et caractéristiques du rail apparaissent clairement. C’est à partir de l’agrégation de ces informations que des classes de défauts sont générées avec leurs alarmes correspondantes. A la fin de l’inspection, une note d’intégrité est donnée à la portion de rail analysée. Elle reflète principalement l’état d’usure de la bande de roulement du rail.

Évolution d’un signal brut sur une portion de 500 mètres de rail

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120-mm), ce qui les dédie à la détec-tion de types de défauts différents-: étroits et profonds pour les bobines proches (ce sont les fissures), larges et moins profonds pour les bobines les plus éloignées (ce sont les phéno-mènes d’écaillage sur la partie rou-lante du rail). Sur ces bobines, deux fréquences simultanées sont appli-quées (10 et 100-kHz) afin d’explo-rer des épaisseurs différentes-: 0,10 à 0,15-mm pour la fréquence la plus haute, jusqu’à 0,5-mm pour la fré-quence la plus basse. Enfin, il s’agit d’une mesure différentielle (en fait, il y a huit bobines au total sur le cap-teur, deux couples de quatre bobines). Pourquoi une mesure différentielle-? «-Parce que le contexte de mesure est particu-lièrement difficile, explique Patrice Aknin, directeur de recherche au Laboratoire des Technologies Nouvelles de l’Inrets. En effet, la position du capteur par rapport au rail varie continûment, ce qui induit une modi-fication de la réluctance* des bobines 1-000-fois supérieures aux valeurs absolues des mesures liées

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Solutions Vu àla RATP

Reportage

Ferrite

Bobinesde mesure

Bobined'alimentation

Blindage 35 mm

Partie supérieure du champignon

du rail

Ligne de champ

Le capteur développé par l’Inrets pour la RATP a été spécialement conçu en fonction de la géométrie du rail et des types de défauts à détecter. Le choix s’est porté sur un capteur à double fréquence et mesures différentielles. La taille des bobines, l’espacement entre bobines, l’entrefer ont été ajustés pour que le capteur puisse travailler à une hauteur de 30 à 40 mm au-dessus du rail, et ceci en dynamique (essais validés à 60 km/heure).

Géométrie du capteur à courant de Foucault

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Solutions

aux défauts à détecter. De plus, la CEM est ici un gros problème car le rail véhicule des courants de retour de traction et les champs rayonnés sont loin d’être négligeables. Une des difficultés à résoudre était donc d’éliminer ces effets perturbateurs par le biais des mesures différentielles, naturellement mais aussi grâce à un traitement du signal-».La géométrie du capteur (distance de l’entrefer des bobines, hauteur des bobines…) a été spécialement étudiée en fonction de la géométrie du rail mais aussi de la hauteur du capteur par rapport au rail. En effet, l’objectif est d’avoir un système de mesure utilisable en exploi-tation, c’est-à-dire que l’on peut monter facilement sur n’importe quel matériel roulant. A priori, la technique des cou-rants de Foucault va à l’encontre de cette volonté car elle impose, du moins dans son expression classique, de rapprocher le capteur au plus près du matériau à analyser. Mais les travaux de l’Inrets ont prouvé qu’à une distance optimale de 35-mm au-dessus du rail, le capteur détectait parfaitement les défauts super-ficiels de sa partie supérieure (fissures et écailles).Cet ensemble de mesure génère quatre signaux complexes (en phase et en qua-

drature), soit huit signaux réels. La fré-quence d’acquisition de ces signaux se fait à pas géométrique constant (tous les 5-mm) grâce à l’utilisation du système odotachymétrique du train. Il s’agit d’une horloge synchronisée sur la vitesse réelle du véhicule ferroviaire via le signal d’une roue codeuse optique posée sur l’essieu du véhicule roulant. C’est ce signal d’hor-loge qui pilote le système d’acquisition.

Une validation sur site… et des perspectives d’améliorationDans la version actuelle du système, qua-tre cartes d’acquisition et de traitement des signaux (une par couple de bobine) sont insérées dans un PC classique. Ces cartes développées par la société CMS (Contrôle Mesures Système), spécia-lisée dans les applications de contrôle non destructif à base de courants de Foucault, assurent l’intégralité du pro-cessus de mesure, y compris l’alimenta-tion des capteurs, la détection synchro-ne des signaux, l’ajustement des gains et les traitements post-acquisition avec les émissions de niveaux d’alarmes.La validation de la méthode s’est faite dans des conditions réelles sur véhicu-le embarqué à une vitesse de 60-km/h. Quatre campagnes d’essais ont eu lieu. A chaque fois, la totalité des signaux a

été enregistrée sur bande magnétique afin de rejouer la séquence en labora-toire. Pour chacune de ces étapes, des améliorations ont été apportées au capteur et à la chaîne d’acquisition. Sur la portion de rail examinée, l’en-semble des caractéristiques physiques visuellement constatées a été carto-graphié afin de corréler les signaux enregistrés avec la réalité. C’est grâce à ce travail d’étiquetage des anomalies observées sur le rail, corrélées à cel-les enregistrées sur le capteur, que les ajustements de seuils ont pu être effec-tués sur la chaîne d’acquisition. «-Dans la méthode mise au point, il n’y a pas de métro-logie des défauts à proprement parler, explique M.-Aknin. Par exemple, un joint éclissé peut avoir une réponse légèrement différente d’un rail à l’autre. L’objectif est de détecter des anomalies puis de les classer selon un arbre de décision. En fait, sur les signaux différentiels, nous appliquons un filtrage de Wiener qui permet de recréer des signaux pseudo absolus et qui élimine les varia-tions lentes ainsi que le bruit haute fréquence. C’est sur ces signatures absolues “reconstituées” que l’on réalise une classification des défauts-». Pour chaque pas de temps, le système réalise l’agrégation des défauts pseudo absolus et détermine si un seuil réglé en fonction des connaissances acquises sur le terrain est dépassé ou non afin

Vu àla RATP

Reportage

Alimentation

Détection synchrone

Capteur f1

fréquences 1 + 2

f2

Numérisation

8 registres à décalage

Détection

Classification

Alarmes majeures Alarmes mineures

Rail

Classesde

défauts

Acquisition constante au pas de 5 mm

signaux numérisés s1 à s8

bobinages 1et 2

(signal odotachymétrique)

La chaîne d’acquisition et de mesure Eddyscan développée par la société CMS gère la totalité du processus : alimentation, détection synchrone, numérisation des signaux, prétraitement et génération d’alarmes sur les classes de défauts.

Synoptique de la chaîne d’acquisition

*Dans un circuit magnétique, la reluctance est le rapport entre la force magnétomotrice et le flux magnétique total. C’est l’équivalent de la résistance dans un circuit électri-que. Elle est notée R et s’exprime en henrys.

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Solutions Vu àla RATP

Reportage

de générer une alarme. Pour les défauts majeurs, il s’agit donc d’un axe de déci-sion. Pour les défauts mineurs, c’est-à-dire les écailles, il s’agit d’une surface de décision. Sur un des axes, on porte les informations relatives aux bobines espacées de 30-mm, sur l’autre les bobines écartées de 120-mm. Là aussi, les valeurs analysées sont celles des signaux pseudo absolus agrégés. Selon la forme prise par la courbe obtenue, qui ressemble à une figure classique de Lissajous, on décide de la présence ou non d’une écaille. Cette classification, réalisée grâce à un arbre de décision hiérarchisé, a été développée avec le logiciel Simulink de The Mathworks. L’al-gorithme, relativement léger en terme de puissance de calcul, est directement implanté dans la carte de traitement des signaux.Les résultats montrent une détection à 100-% de tous les joints présents sur la voie, qu’il s’agisse de joints éclissés (les rails sont mis bout à bout grâce à une éclisse) ou de joints soudés. Ces relevés montrent que la détection de fissures (qui représente exactement le même type de géométrie que les joints éclissés) est assu-rée avec une grande fiabilité. Cette détec-tion parfaite des joints sur la voie a impo-sé à la RATP la mise au point d’un système de balisage spécifique car en fait, il s’agit de faux défauts-: la solution adoptée con-siste à placer un système de repérage par étiquettes électromagnétiques posées à côté des joints.De plus, les relevés montrent que le capteur détecte plus de 90-% des phé-nomènes d’écaillage qui apparaissent sur la zone de roulement du rail. Ces renseignements permettent de donner en fin de traitement une note d’inté-grité globale du rail, une information utile pour les responsables de la main-tenance préventive du réseau car ils peuvent ainsi évaluer la dégradation dans le temps de telle ou telle portion du réseau.

Pour le futur, ce capteur, propriété de la RATP, devrait équiper les véhicules d’ins-pection pour réaliser une cartographie des écaillages sur le réseau, information jusque-là impossible à recueillir. Pour ce qui concerne l’installation de ce cap-teur directement sur des rames normales pour une analyse du rail en exploitation, le problème de l’industrialisation reste à résoudre-: choix du nombre des bobines,

des fréquences utilisées, simplification de l’électronique embarquée… Enfin, pour tout ce qui touche au traitement du signal de nouveaux travaux sont en cours pour utiliser notamment les réseaux de neurones dans l’aide à l’analyse et à la classification des défauts enregistrés.

François Gauthier

Renseignements

Inrets

2, av. du général Malleret Joinville94114 Arceuil CedexTél.-: 01-47-40-70-00 – Fax-: 01-45-47-56-06www.inrets.frContrôle Mesure Systèmes

1, chemin des Bruyères 71100 La Charmée (Chalon-sur-Saône)Tél.-: 03-85-94-14-14 - Fax-: 03-85-94-14-15www.cmseddyscan.com

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