6me a n° 120 1er avril...

8
6 me A nnée . N° 120 1er AVRIL 1899 ( Bi-Mensuel) Un lNU.mér-0 15 centimes & m Un A n ................................ .• .............. 5 fr Edition de luxe .......................................... 10 fr Les abonnements partent du 1er janvier et du /or juillet. Les manuscrits non insérés et les dessins non reproduits ne seront pas rendus . TRIBUNE LIBRE REDACTION ET ADMINISTRATION TOULOUSE - S, Rue XDeville, S - TOULOUSE Mardi et Vendredi de 3 à 5 li> 'es O Pâques d’amour! maintenant voici Des rêves nouveaux, des cloches nouvelles Voici palpiter d’autres caravelles Et s’étioler la fleur du souci !

Upload: others

Post on 10-Oct-2019

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

6 me A n n é e . N° 120

1er A V R IL 1 8 9 9( Bi-Mensuel)

Un lNU.mér- 0 15 cen t im es

&m

Un A n ................................ . • .............. 5 frEdition de luxe.......................................... 10 fr

Les abonnements partent du 1er janvier et du /or ju illet.

Les manuscrits non insérés et les dessins non reproduits ne seront pas rendus.

TRIBUNE LIBRE

REDACTION E T ADM INISTRATIONTOULOUSE - S, Rue XDeville, S - TOULOUSE

Mardi et Vendredi de 3 à 5 li>'es

O Pâques d ’amour! maintenant voici Des rêves nouveaux, des cloches nouvelles Voici palpiter d ’autres caravelles Et s’étioler la fleur du souci !

S O M M A I R E <........................................... E. R OCH ER. |

................................... J. HUGOUNENC. i.......................................... Gésa DARSUZY. |............................................ Joseph BOSC. \ i........................................... J. de L ’HERS. jj.......................................... Marc LEGRAND. ■ m

........................................... de VILLESIX. \< ......... .. PASSIM. »

|

LA PASSIOHE Dl GRISTOS e l o n S a i n t - M a r c , M u s i q u e d e M . P e r o s i

ONSIEUR l’abbé don LorenzoPerosi— 26 ans, directeur du chant à la Chapelle Sixtine ; \auteur de quatre grands oratorios : La Passion selon Saint-M arc, La Transfigura- tion de N otre-Seigneur Jésus-C hrist, La Résurrection de Lazare, La Résurrection ' |du Christ ; vingt-cinq messes; plusieurs psaumes et motets. Quelle fécondité ! Je n’ai ;>pas dit : facilité. — se présente au monde smusical de France précédé d'une réputation và laquelle son éditeur, Ricordi de Milan, yn’est peut-être pas étranger. y

En effet, bien avant l’audition de l’œuvre dernière de M. Perosi \\La Résurrection du C hrist, donnée il y a quelques semaines aux Concerts Lamoureux, à Paris , les marchands de musique offraient j; à tout venant les œuvres du jeune maître italien. <<

Peut-on blâmer Ricordi ? Non. Peut-on en-vouloir aux mar- <chands de musique? Pas davantage. !

Ricordi a exposé des fonds, son droit est de les faire valoir. sMais le public ne résiste pas à une réclame intelligemment faite, fet c ’est pourquoi le nom de Perosi est sur toutes les lèvres.

Perosi est un grand musicien ! Perosi est un génie !Allons moins vite, mon bon public. Ecoutez les œuvres de s

l’auteur dont on vous parle, puis prononcez-vous. sjLa Passion selon Saint-Marc, que M. l’abbé Mathieu a eu s

l’heureuse idée de nous donner le 20 mars -dernier, n’est pas une \\composition générale.

Combien j ’eusse préféré entendre La Résurrection du Christ ! sRésignez-vous comme moi, ou bien partez pour Paris, car un Sjaimable ami m’a déclaré que M. Perosi s’était réservé le droit ( personnel de direction et d ’autorisation d'exécution, et, que iM. l'abbé Mathieu, malgré son énergique insistance, n’avait \\point obtenu cette double concession de M. Perosi. — Je donne ce fait tel qu’il m’a été liv'ré, sans garantie d ’authenticité. üabsolue. — Donc, à plus tard La Résurrection du Christ ; aujourd’hui je dois analyser La Passion. 8

Il y a trois parties dans cette Passion. »

La première partie : La Cena del S ignore, est tirée des versets h17 à 26 du chapitre quatorze : E t le soir étant venu , etc. s

La deuxième partie : L ’Orazione al Monte, est tirée des versets p33 et 34 du chapitre quatorze : E t il p r it avec lu i , P ierre , Jacques ij j et Jean et il commença à avoir peur, etc. 5?

La troisième partie : La morte del Redentore, est tirée des ver­sets de 25 à 37 du chapitre quinze. E t il était la troisième heure du jo u r , et ils le crucifièrent, etc. ^

Prem ière partie : L’introduction en mi mineur, écrite pour le \\

quatuor à cordes, sonne mal. Peu intéressante cette introduction même avec la phrase du Lauda Sion confiée au Cor, difficile d ’exécution. Trop d’intervalles disjoints. Point de phrase sail­lante.

Page quatre : Psalmodie quelconque par le chœur. Récit de Jésus en ré mineur, ou dans tout autre ton. A la 4e mesure, mau­vaise modulation en mi mineur.

Page sept : Phrase du quatuor à cordes avec des notes répétées comme accompagnement.

Page huit : Quelle originale modulation de mi bémol majeur en ré mineur !

Page dix : Terminaison d’un chœur en fa majeur, et, sans transition aucune, attaque du ton de sol majeur. Je livre ce petit détail aux réflexions des harmonistes.

Page onze : A méditer sur l ’avant-dernière mesure. Un la sur un accord de sol.

Page quatorze : Une fugue ? ? ? Et je fuis le charme de conti­nuer mon analyse, car en passant je trouve l’introduction de la seconde partie qui a bien un bémol à la clé, mais qui ne possède pas Vombre d ’une tonalité définie. Il y a de tout dans cette intro­

duction, et surtout désaccords majeurs s’enchaînant brutalementles uns aux autres. Plus loin je trouve un choral imité de Bach. Je trouve aussi un dessin chromatique descendant qui jure étran­gement avec la teinte générale de l'œuvre.

Je vous recommande page 29 les accords des trombones, et page 46 l’entrée du tuba.

A signaler encore de grands intervalles pour la voix, enfin une mauvaise écriture instrumentale. E t quel orchestre ! Point de clarinettes, point de flûtes. Un hautbois, un basson, un cor, le quatuor à cordes et des cuivres. C'est tout.

Etait-il utile de refaire ce qui a été fait? Non La Passion de Bach est un chef-d’œuvre qui traversera tous les âges, et le chant du texte liturgique ne peut pas périr, car ce qui frappe dans la mélopée religieuse c ’est la majesté et la résignation divines des beaux récits de Jésus-Clîrist; c ’est encore la sincérité de levan- géliste, les cris de la foule, l’accusation des faux témoins. E t tout ce chant est sans recherches, vrai, impressionnant comme léchant de la Préface attribué au pape Gélase qui vivait au Ve siècle

M. Perosi arrive bon troisième. C’est une place honorable, mais je ne crois pas que la postérité intervertisse l’ordre malgré lestyle prétentieusementfugué — simplement canonique —malgré le chant liturgique du Lauda S ion qui appartient en propre à l’office du Saint-Sacrement et’non à la Passion. Ce chant du Lauda S ton, compose par saint Thomas du treizième siècle, est origi­nalement contrepointé. Pourquoi accompagner un thème qui ne peut pas supporter un accompagnement? Lorsque les chants de1 église furent écrits, les affinités tonales de la gamme moderne étaient inconnus. Il n existait entre les sons qu’une relation mélo­dique, et la mélodie seule avait la noble tâche d'exprimer les sentiments intimes du compositeur. Selon le degré d ’intensité de ce sentiment, 1 auteur indiquait une inflexion grave ou aigüe du son. Il transmettait aux auditeurs le meilleur de son être par des moyens secrets de lui seul connus, mais qu’il lui était impossible d ’analyser ; c ’est ce que nous appelons : génie.

L individualité du génie, a écrit Gounod dans sa préface sur les chorals de Bach — Paris-Choudens, éditeur, — consiste à dire d ’une manière nouvelle des choses qu i ne le sont pas.

Certes, la Passion n’est pas une chose nouvelle, et la manière de M. Perosi n est guère géniale. Est-on personnel parce que l’on débute pas un accord de quarte et sixte ? parceque l’on écrit une fausse relation de triton ? parce que l'on fait crier un baryton et grogner un tuba ?

M. Perosi perd à Toulouse la première manche de la partie engagée.

Pâques d ’Amour.........La Passione d i Crisio, Article de Paris . . . . L ’Extase du Prieur . . .Bernard Bènèzet........Notes Parisiennes. . . . Théâtres et Concerts.. Echos et Nouvelles. . . .

Pour le moment il n'est pas ; mais il peut être. Nous attendons,pour le consacrer, l’occasion d'entendre une de ses dernières œuvres.

Avec M. l’abbé Mathieu, directeur infatigable de la Cœcilia, •on peut tout espérer. Il ne ménage ni sa peine, ni son talent pour mener à bien une audition musicale. Le concert du 20 mars dernier nous a prouvé qu’il est possible de monter en quatre jours une œuvre assez lourde pour les chœurs. Toutefois, à ce jeu on court des risques : on fatigue les voix et la fusion n est pas ■complète entre l’orchestre et les chœurs, quel que soit le talent des exécutants. Au même concert, il fut donné une troisième audition de Rédemption, œuvre géniale de César Franck.

J . H u g o u n e n c .

>s

«>s

A R T IC L E D E PAR IS

G a l a a l ’O p é r a . — L e D i r e c t o i r e a l a B o d i n i è r e

24 Mars 18çg.

E fut vraiment, en effet, une représentation de gala que celle donnée à l’Opéra au bénéfice de l’asso­ciation de secours mutuels des artistes dramati­ques. Non pas parce que M Loufcet y assistait,

avec une tête de poupée de massacre, entre deux dames mûres e t inélégantes, mais parce que les meilleurs artistes delà Comé- die-Française, de l’Opéra, de l’Opéra-Comique et de l’Odéon prêtaient leur concours et que le spectacle se composait des Rendez-vous Bourgeois d ’Hoffmann, musique de Nicolo, et du Bourgeois gentilhome avec des divertissements extraordinaires, parmi lesquels le ballet de Don Juan.

Naturellement, c ’était M. Coquelin cadet qui tenait le rôle de M. Jourdain, et je dois dire que la salle, qui était archicomble et ultra select,— non, smart, — n’a pas trouvé son jeu... inimi­table, pour parler comme lui-même. Autrement fin et juste fut M. Leloir en maître de philosophie, autrement dans la peau de son rôle, M. Truffier en maître de danse. E t je ne parle pas de MM. Le Bargy (Dorante,) et de Féraudy (Covielle) d'une distinc­tion ou d’un naturel merveilleux, depuis la cravate jusqu’à la

semelle du soulier.Mme Pinson (Madame Jourdain) avait un rôle trop sacrifié,

plus sacrifié, il me semble, que dans Molière lui-même. La belle Dorimène, MUe Marsy — rayonnait de diamants,, de morgue et de beauté... c ’est tout dire. Et cette espiègle Nicole, — Mlle Kalb — eut une scène d ’éclats de rire si naturels et si bons enfants que toute la salle ne put faire autrement que de l’imiter, malgré les règles du bon ton, de la mode et de la dignité, qui veulent que chacun a it l'air sérieux et ennuyé, même lorsqu’il partage les pures et saines joies de l’esprit et de la famille.

J ’en arrive vite aux divertissements, parce qu’ils m’ont procuré la douce joie d’entendre du Gluck, du Lulli, du Martini, avec des interprètes de premier ordre, tant pour la musique que pour le chant. E t d ’abord Mlle Ackté, dont la voix idéale n’avait jamais été si pure, si merveilleusement mélodieuse, si veloutée que dans ses stances remarquables du P a n s et Hélène de Gluck< M. Renaud, — un vra i baryton — dit ensuite avec grand sen-

tim ente t délicatesse P la isir d ’amour de Martini, et obtint presque le même succès de silence et d ’applaudissements que Mlle Ackté, qui a positivement ravi toute la salle. Oh ! quelle voix, quelle •délicieuse voix !...

MUe Sauvaget ne prêtait pas son concours au spectacle.

E t combien gracieuses,nombreuses, délicieuses furent lesdanses, soit la Sarabande de Zoroastre, soit le Passepiedde Castor et Pol- lux , soit le Rigodon de Dardanus ! Quant à la Cérémonie turques elle fit défiler devant nous toutes les gloires des quatre grandes scènes nationales dans les costumes de1 leurs principaux rôles, et fut d ’une bouffonnerie charmante. Puis vint enfin le B allet de Don J u a n , qui termina la cérémonie pour la plus grande joie de nos yeux et le plus grand succès de Mlles Hirch et Sandrini.

Pourquoi ne donner pareil régal que tous les cinq ou six ans ? Ilm esem ble que le chiffre de la re ce t te— 47,000 francs — devrait, à défaut d’autres considérations, engager M. Gailhard à renouveler de temps en temps un pareil spectacle, en changeant la pièce, au besoin, bien que le Bourgeois gentilhomme se prête admirablement à ce déploiement de magnificence et soit encore demeuré, et pour quelque temps sans doute, au dessus du théâtre de M. François Coppée et de M. Pierre Loti.

Une des agréables surprises de la quinzaine, ce fut aussi l’audi­tion à la Bodinière des Chansons Directoire que dit si fine­ment, si gracieusement MUe Jane Willème, accompagnée sur la harpe par MUe Marguerite Achard. De ravissants costumes de l’époque donnent l’illusion qu’on est transporté au temps des Incroyables, et que des verts galants sont là, qui écoutent comme nous la délicate Romance de l ’Amandier de Berton ou le célèbre Bélisaire de Garat. E t souvent, hélas! c ’est tellement meilleur que la réalité, l’illusion.

Gésa DARSUZY.

B e r n a r d B É N E ZE TP E IN T R E D ’HISTOIRE

E dimanche 5 mars, l’Académie des Jeux Floraux a entendu l’éloge de l ’un de ses Mainte-' neurs, M. Bernard Bér.ezet,par notre collaborateur le baron Desazars deMontgailhard. C’é­tait un peintre distingué,et, en en outre, un érudit et un lettré M. le baron Desazars a fait revivre sa figure de la façon la plus intéressante.

Nous lui empruntons le pas­sage où il caractérise scn talent.

.... Ce qui caractérise le talentpictural de Bernard Bénezet, c ’est la facilité et la puissance de son inspiration, 1 élévation e t la distinction de sa pensée, la verve et l’ingéniosité de sa facture, la hardiesse et la correction de son dessin, la vérité naturelle et la grandeur idéale de ses personnages, son habileté a grouper les

individualités et varier leurs attitudes.Il procède évidemment des Renaissants et rappelle Baudry,

lorsqu’il s’exerce dans le cercle des événements historiques, soit qu’il eût à peindre des faits ou des individus, soit qu’il eut a synthétiser une époque ou une institution. Comme lui,il excellait à mettre en scène à la fois l’esprit et le corps de ses personna. ges et à rendre la vérité des caractères, des types et des costumes, la logique et la clarté de l’ordonnance et des situations, ainsi

qu’on peut le voir surtout au château des \ errières.

Mais, quand il avait à peindre des scènes religieuses, il savait y ajouter un sentiment chrétien qui le distinguait complètement de la vieille école académique. Il suivait en cela les nou­veaux enseignements d ’Overbeck, d’Orsel, d'Amaury Duval e t surtout de Flandrin. Au Christianisme purement plastique des Renaissants, sachant s’accommoder aux passions humaines et se prêter aux jouissances matérielles de la vie," les artistes néo­catholiques du commencement de notre siècle avaient substitué un Christianisme austère et pur de tout sensualisme, sanctifiant la souffrance et les privations, montrant le triomphe de 1 esprit

sur la chair. Le premier pouvait évidemment suffire à dévelop per le goût artistique ; mais il a conduit Raphaël et ses imita­teurs à introduire dans leurs œuvres une foule d’éléments païenset de sensations purement physiques. Les figures qu’on y voit sont

le plus souvent fraîches et roses, pleines de vie et de san té j heureuses et souriantes. Elles jurent avec les doctrines d une religion qui prêche la mortification du corps et ne considère que les qualités de l'âme. Le Catholicisme menant à 1 ascétisme, la beauté matérielle devenait inutile, sinon fausse et dangereuse : elle devait être sacrifiée, et il en est de même des jeux de la lumière et de la couleur si recherchées par les Ecoles du Nord- A la beauté plastique et aux effets pittoresques succédèrent les formes idéales et surnaturelles qui élèvent l’âme et la portent à la méditation et à la sanctification. C’est pourquoi l’esthétique de Bernard Bénezet pour la peinture religieuse était plutôt celle des artistes médiévaux pour leurs fresques si pénétrantes malgré leur naïveté. Ses tableaux sont le plus souvent des hymnes ou des prières. L’âme y est surtout montrée aux regards de la foule. De là un dédain calculé pour tout ce qui peut attirer l’attention curieuse des sens et l’indifférence systématique pour l’étude détaillée du corps humain. Ses figures .de saints et de madones charment doucement la vue et captivent mystérieusement la pensée par l’expression saisissante de leur chasteté mystique et de leur mélancolie céleste. Ses ̂ anges, portent toujours des ailes « comme les oiseaux qui se lèvent sur la rivière », suivant l’ex­pression de Dante ; mais ils ne sont plus dans des paysages pitto­resques où s'étagent des montagnes enfantines, des rocailles, des villes fortifiées, des palmiers ébouriffés, des pins parasols, bien taillés en boule par les jardiniers célestes,, et des cyprès pointus, effilés, noirs,

Longs soupirs de feuillage élancés vers le ciel.

Rien ne chante, rien ne bruit, rien ne luit, à la façon de Benozzo Gozzoli. On y voit encore moins les pompes éclatantes et redon­dantes de Rubens. On dirait l’adoration du silence inaugurée par Lorenzo di Credi pour ses Nativités. L'humanité suffit à Bernard Bénezet, mais une humanité tranquille, sereine, transfigurée par la mélancolie ou par l’extase.

Néanmoins, Bernard Bénezet n’abandonna pas la tradition gréco-latine. S ’il répudia le réalisme académique des Renaissants, e t en même temps le naturalisme naïf des Trécentistes et des Quattrocentites, il resta fidèle aux enseignements classiques de l’école de Toulouse. Tout en les purifiant, il continua à faire ses emprunts à la civilisation païenne : costume, coiffure, ajuste­ments, attributs, autels, vases, objets du culte. Ses figures procè­dent de l’art grec : elles en ont la pureté^ la grâce, la simplicité, la correction élégante, la forme délicate. Et la perfection de son dessin est telle qu’elle rappelle celle des meilleurs maîtres tou­lousains. Mais, à l’exemple de Flandrin, il s’efforce de donner des formes idéales à la réalité plastique. Il ne va pas, toutefois, jus­qu’au << synthétisme » de Puvis de Chavannes. Il ne peint pas des abstractions ni même des généralités. La nature reste pour lui une souveraine maîtresse et il y puise les éléments de ses concep­tions. Mais il recherche en elle ce qui la rapproche dé la perfec­

tion idéale, et à la noblesse de la statuaire grecque il unit l’expres­sion chaste et pure du sentiment chrétien.

Quant à sa couleur, elle est large et puissante, et ses tons sont variés dans leur intensité ; mais ils manquent de modulations mi­neures 11 cherchait la vibration dans les tonalités fortes. C’était, assurément, u n e qualité sérieuse pour ses grandes représentations murales en des édifices le plus souvent ti op sombres, ou il devait, en outre, compter avec les buées moites de la foule, avec la fumée obscurcissante des cierges, avec les décolorations et les effacements séculaires du temps. En revanche, c était parfois un défaut pour ses tableaux de chevalet, où les jeux de la couleur étaient en général trop sommaires et où son pinceau semblait indifférent aux recherches délicates, et même au jeu des nuances. Ce n’est pas lui qui aurait mis en pratique les célèbres préceptes

de Verlaine :

Pas la Couleur, rien que la Nuance ;

Car la Nuance seule fiance

Le rêve au rêve, la flûte au cor.

C’était un puissant, non un raffiné. Il voyait large et grand, et, quand l’espace lui était ménage, il risquait de tomber dans la sécheresse de la couleur et la maigreur des formes. S’il a été moins bien inspiré pour ses représentations de sainte Germaine, tant dans la basilique de Saint-Sernin que dans la cathédrale de Saint-Etienne, peut-être doit-on l’attribuer à l’insuffisance des emplacements. Il eut certainement pris sa revanche dans la pro­chaine église de Pibrac, si la mort n'était venue le surprendre au moment où il méditait pour elle de superbes cartons.

Baron DESAZARS DE MONTGAILHARD.

Cet éloge a été apprécié d’une façon très favorable par la presse Toulousaine, qui en a reproduit de longs, extraits. Dans sa séance du 8 mars dernier, l 'Union artistique de Toulouse a voté à M. le Baron Desazars « les remerciements et les félicitations empressées de la Société ».

-2*âOë>e-

NOTES PARISIENNES

L e s P a r i s i a n i s m e s . — A l ' O d é o n .

S e y s s e s

C h e z l e s c u l p t e u r

ANS la Revue des Revues, où se lisent des proses intéressantes, nous retrouvons la signature de Frédéric Loliée au-dessous d ’un article bien amusant sur les «Parisianismes», ou locutions propres au dialecte séquanien en l'an de grâce où nous essayons de vivre. Ces parisianismes sont les fleurs, souvent aussi brillantes qu'éphé­mères, de l’argot des salons où l’on pose. Il en a une santé ! C ’ est un raseur. I l y a un cheveu. Ça me chante. Avoir des tuyaux. Se rincer l'œil. E tre sm art. E tre dans le bal, etc: autant de pa­risianismes. La liste en serait longue, infinie, et

flottante. M . Loliée s’est fait le psychologue aigu de ces façons de parler ou d ’écrire empruntées par les mondains ou les revuistes au turf, au Parlement, à l’Angleterre, à l’actualité, aux divers métiers, à la science, à l’art, à la crapule, à n’importe quoi et n’importe qui, fantaisies de l'expression pittoresque, métaphores chantournées, exagérées et déformées, assimilations imprévues, raccourcis de mots ou d'idées plus ou moins osés, familiarités po­pulaires, voire populacières, que « les gens bien » adoptent et recueillent et s’infusent comme des gouttes de sang rouge à re ­donner la vie au sang bleu de la conservation polie.

Ce sera la tâche du texicographe et du philologue de donner j;l ’explication de certains parisianismes. P ar exemple trompette, ^pour visage, vient de petite trompe ; c ’est le nez, la partie pour |3e tout. L’exclamation : La peau ! signifiant rien! ne donne-t-ëlle >pas à sous-entendre que du fruit que quelqu’un mange ou partage il ne vous offre que Fépluchure ? Les mots épaté, épatement mar- •quent-ils la pose d ’une personne fixée au sol, et comme calée sur ses pieds, par l'étonnement, la surprise, l e m o t / t f ^ remplaçant ïle mot pied? Nul doute que : avoir un béguin pour ne corresponde Jdirectement à : être coiffa de. Pour le mot gigolette, au sujet j•duquel, il y a quelques années, un journaliste du .Figaro consulta un certain nombre d ’écrivains, j ’en attribuerais l'origine à g igue jou jambe, qui a donné g igotter : la gigolette n ’est-elle pas la ^jeune personne qui lève la jambe à la hauteur d ’une profession ? <

La locution bien connue : fa ire son persil ne m'a pas paru élu- \cidée par M. Loliée, et je doute que son explication exacte soit ;« aller au Bois de bonne heure, quand l'herbe est encore humide \de rosée. » Talons-courts, désignant une courtisane ne se ren- -contre pas, si je ne me trompe, dans Rabelais: mais on en trouve dans le Pantagruel l’explication nette. Il s’agit d ’un pays où les \ femmes ont les talons si petits qu'ils ne peuvent le soutenir et 5qu’elles tombent pour un rien à la renverse. L’allusion est trop i■claire.... Le mot bossoir, emprunté à la marine, pour désigner le lsein de la femme se lit dans la M er de Richepin comparant au <vaisseau (non du désert, mais de la mer) une belle amoureuse :

Ses deux bossoirs au vent... SEt qutnd il appareille iDans la rade des lits, SLa secousse est pa eille jAu rouler des roulis.

.Avec Mra0 Marni, son collaborateur Donnay, Gyp, Willy et jLavedan, M. Loliée aurait pu citer quelques poètes. Je pense j

•qu’on trouverait chez ce parisien impénitent qu'est Coppée de beaux et bons parisianismes. Bergerat-Caliban, dont la verve est jextraordinaire dans le néologisme, s'imposait aussi. C’est lui qui \appelle la Troisième, le gouvernement qui nous régit. C’est à lui \qu’on doit le verbe tripatouiller, tripoter avec ses pattes, comme M. Porel fit des ours de Bergerat. Banville, qui portait monocle |jsous sa couronne de lauriers, parisianisait dans ses contes et ses \•chroniques rimées. Il a mentionné les souliers pointus du bécarre \de son temps, et les habits étriqués du boudiné :

. . .J’avais l'air d ’être anglais, s sSerré dans un faux-col de marbre où j ’étranglais.

Certes, comme M. Loliée le constate, cette manie d'innovation o■dans le rendu des sensations de la vie contemporaine si agitée et ?si mêlée ne doit point trop tourmenter les vrais stylistes. La mode passe, dans la langue comme dans le costume; Ja beauté reste, la >beauté, c ’est-à-dire la simplicité dans l’originalité de l’expression. oDites c'est un beurre! c’est un sucre! Vous n’effacerez pas et ne oremplacerez pas l’épithète qu’Homère applique au gazon brouté 0par les mules de Nausicaa: doux comme lem iel (méliêdu). L’épi- o-cerie, la métallurgie, le sport ni le cyclisme ne peuvent rien pour vieillir le style d ’un Flaubert ni d’un France.

& o• . * * o

L’Odéon est à la Chine. Le mois dernier il donnait la Tunique hmerveilleuse de Mm0 Judith Gautier; hier il rejouait Turandot, jjprincesse de Chine. o

Nous n’avons pas à faire l’éloge de Mme Judith Gautier. Son oœuvre le fait sans nous Mais qu’il nous soit permis de nous oétonner qu’elle n’ait pas fait suivre son nom sur l ’affiche de ceux odes deux auteurs « célestes » auxquels elle a emprunté les deux jparties de son acte pittoresque. Celui-ci évoque, jusqu’à l’identité, l ’Avare chinois et la Tunique confrontée de Tchang-Koué-pin. o

| La mise en scène du second Théâtre français- était d ’ailleurs: bonne, les costumes fort exacts, le jeu des artistes très fidèle.

Cette Tunique... substituée (Cf. Bazin) a reçu le meilleur accueil. Deux morceaux de flûte et un morceau chinois (trio pour piano,

; flûte et harpe) accompagnaient la pièce.

Turandot, adoptée par Ch. Raymond, était servie avec la mu- j sique de Weber, exécutée sous la baguette exercée de M. Colonne.| On avait, pour loger l'orchestre, enlevé plusieurs rangs de fau-ï teuils, et, dans la pénombre, les partitions étalées sur les pu- ̂ pitres au dessous de la scène figuraient à nos yeux rêveurs des larges nénuphars sur un étang de sonorité harmonieuse....

Faut-il « chiner », pendant que nous y sommes, les Truands de Richepin ? Il nous en coûte de dire que les premiers actes et le

\ dernier sont froids ; que 1 œuvre dans son ensemble sonne comme: une creuse improvisation,; que le poète des Gueux s’y est laissé' aller à sa faconde et à sa truculence comme en ses « chansons

illustrées» bonnes pour Le Journa l, sans arriver à nous toucher;| que son Ecole-de-la-botte-de-paille, où Mlle Chapelas, en un insup-ï portable Villon ju n io r , criaille et jambille, évoquait plutôt le

c h a rd ’une mi-carême attardée que le collège studieux del'histo- rique rue du Fouarre ; que la ballade où Robin Costeau manque d'une rime en ibre, comme avant lui Cyrano d ’une rime en entre, n 'a pas passé la rampe ; que surtout Décori, trop gras, trop lourd, avec son sourire perpétuel de danseuse d'Opéra et son souci de faire un sort à tous les mots, nous a terriblement indisposés.... Remercions, pour être juste, Mme Tessandier, très belle dans une injustifiable folie, et Mlle Laparcerie, très « amignotéfe » sous un costume de bohémienne ou à peu près, qui la cache moins qu’il ne la livre à notre vue séduite. Je’ ne parlerai pas de la virtuosité notoire des vers (des vers libres selon la définition qu’on nous en donnait en rhétorique) ; encore la langue, savoureuse et pimentée, est-elle déparée par quelques anachronismes.

. . . . * - •* *

Un tour dans le nouvel atelier du sculpteur Seysses, rue Bréa. Seysses est un Toulousain qui est plus souvent à Paris ou à l’étranger que dans sa ville natale. Pour l’instant, il met la der­nière main à la glaise de VEternelle Idole, un groupe que nous admirerons au Salon, cette année : L u i , à genoux, suppliant, devant E lle , enigmatique et froide et charmeuse tout de même.

Sur les murs, des études rapportées de Tunisie et d'Espagne; une copie de Ribeira faite à Madrid; un fusain, très beau, le por­trait de la grand'mère de l’artiste ; un médaillon de plâtre, le P arfum , commandé par Houbigant ; des photographies d ’œuvres antérieures, Pro Libertate, (qui fut d ’abord un Saint-Séverin ou Sain t-Sern in mais les Saints ne sont pas à vendre !) jeune homme mort, d ’un parfait modelé ; la P udeur , voilée, la sournoise ! de ses doigts en claire-voie ; etc.

Des maquettes un peu partout : VAdieu, Après la fa u te , une Danse de faunes (à moi l'amour antique ! ), Circé, le pied sur un groin dompté, VAveu couple rêveur ; une cheminée avec pour cariatides des amours enfants; des Eléphants, beaucoup d ’élé­phants, avec ou sans cornac, calmes ou luttant.

Au milieu de l’atelier, le montage du R etour , ou la rénnion du couple qui s’étreint avec un chaste emportement, œuvre d’un sentiment exquis, d ’une impeccable facture dans son harmonie sincère. Il y a, dans ce baiser ardent et défaillant tout ensemble, la poésie profonde de ces odyssées qui inspirèrent les aèdes grecs après la prise de Troie.

Je feuillette l’album où Seysses a crayonné des vues de Syra­cuse, des monuments de Venise, des paysages de Kairouan et prends enfin congé, en laissant entre ces murs largement éclairés beaucoup de sympathie et de jalouse amitié.

Marc Legrand.

L’EXTASE DU PRIEUR

Devant l'autel roman supportant l’ostensoirLe Prieur est courbé contre la pierre lisseSous les cintres puissants qu’une archivolte plisse,Où la chaux blanche bave entre chaque voussoir.

Dissous dans la fumée âcre d’un encensoir,Par un treillis de fer un jour livide glisse.Le front chauve, les flancs meurtris par le cilice Le moine à genoux dit la prière du soir.

Or, par delà les murs de lave et de basalte,En un transport sacré son âme qui s’exalteVoit dans le Saint des Saints le Trône du Dieu Fort,

Et, lumineux, chantant les célestes Cantiques De l’Agneau qui brisa les sept Sceaux sans effort,Les Séraphins unis en phalanges mystiques.

Joseph Bosc.

f>sSS

I

THÉÂTRES & CONCERTS

T H É Â T R E DU CAPITOLE

Q UE de bohémiens au théâtre ! si l’on peut ainsi appeler les admirateurs de M. Puccini et de son œuvre, qui du reste

est toujours bien représentée même avec- M. Mestre remplaçant M. Galand comme voix sinon comme talent. Plus de monde

encore pour ouïr notre Figaro, le seul, le vrai, j’allais direl unique. Vous reconnaissez que je veux parler de M. Frédéric Boyer. Je me rappelle une critique d ’un connaisseur : il manque un peu de distinction. Cruel amateur ! 11 est vrai que. les gens distingués ne portent pas si facilement les bras en l’air, mais ils ne sont que rarement figaros. E t nous, d ’accord avec tout le public, nous fûmes ravis de ces gestes, de ces sauts en opposition avec l’élé. gance pleine de réserve d’Almaviva. Ravis encore d ’entendre après les roulades de nostré Frédéric celles de Rosine, Mlle Korsoff. Qu ’il est gentil, hi ! hi ! le Mysoli, hi ! hi ! Non, je me trompe, la talentueuse chanteuse légère chante qu’il est gentil ah ! ah ! Et c ’est gentil tout de même ; c’est à se demander si M. Borae a plus de justesse et de légèreté.

Ce qui est moins gentil, c ’est Thaïs avec ses notes ultra aigües que Mme Lucas chante avec un courage digne d’admiration et de pitié : admiration pour son talent et sa bonne volonté, pitié pour sa belle voix et pour la peine qu'elle doit prendre. Nous re­viendrons plus en détails sur cette solide et copieuse partition ; mais d’ores et déjà il nous est permis de dire que l’enthousiasme manque aux fauteuils. Cette comédie lyrique a le tort de finir tristement et d ’être plutôt faite avec du talent qu’avec de l’é­motion. M. Blancard s’y dépense beaucoup ; sa voix y sonne bien malgré le manque de franchise dans l’attaque des sons. L’orches­tre y reste curieux à écouter comme dans toutes les œuvres de M. Massenet qui eut le bonheur, avant Thaïs, d’écrire des chefs- d ’œuvres plus prenants.

Avec Daphnis et Chloé nous eûmes le plaisir d ’applaudir au talent fin et distingué de M. Busser, un jeune plein d ’avenir, à en juger par cette élégante partition qui constitue pour lui un heureux présent.

N ’ayant pu saisir les paroles qui sechantaient, nousattendrons, pour mieux la juger, d’avoir lu l’œuvre de M. Busser. L'ouver­ture de fê te , très sonore produisit grand effet.

A. M,

1ts s

!ssss

V A R IÉ T É S

M d'Albert, mû par un sentiment aussi louable que com- . préhensible, vient de reprendre la Passion,&nsi que nous

l’avions a n n o n c é . Jésus c’est M. Froment dont nous fîmes la c o n n a i s s a n c e avec les tournées Silvain. On le peut louer encore mais on dirait que s a nature s’accommode moins d’avoir à repro­duire le Divin personnage. C’est de l’art sans émotion, en sorte qu’un jeune poète nous disait en sortant : il est quelque chose de plus beau que ce drame, l’idée que je m’en étais fait. M. Lassalle avec ses tendances réalistes nous donne un Judas saisissant.

En somme, l e spectacle e s t attachant, ne serait-ce que pour les tableaux de la Cène, du Jugement et de la Descente de Croix rendus avec un soin infini. Comme 1 an passe, tout ie monde y va.

Mercredi 22 mars, Charlotte Corday (Ponsard) au bénéfice de Mu» Georgette Chavannes. La Convention trouble et sauve la France. Elle bat les alliés ; e l l e proclame la République, mais les dissensions la déchirent. Les colères de la Montagne seront lourdes aux Girondins ! E t la Montagne, c est M ara t , Marat qui tue la France pour la guérir. Qui donc osera frapper le tyran rouge? Une femme! Charlotte Corday.

Si le drame est impuissant à donner un frisson dépouvante, si la figure de Charlotte reste indecise, dans 1 ombre de Marat, le vers éclate, superbe, si beau parfois, en des envolées telles,

qu’on sent passer un vent sublime d epopée.L’interprétation fut excellente. M118 Chavannes- a su donner

au rôie de Charlotte Cbrday ce caractère fatal qui devait la mener au crime, et c ’est très justement que le public a fait à l’excellente artiste, u n e longue ovation. Comme Danton qu’il in­carnait, M. Derigal fut superbe d'audace ; il partage nos félici­tations avec Mme Murât, MM.Duval et Marmignon ; mais le vrai héros de la soirée, c’est encore le héros de la pièce : c est Marat, c’est M. Lassalle ; il a interprété son rôle en artiste de très grande valeur, et c e t t e soirée ajoute beaucoup aux regrets que nous cause

son départ. ^

Avec la Princesse des Canaries nous retrouvons une ancienne connaissance, et pour être ancienne elle n’en est pas plus di­vertissante. Ces charges poussées à l’extrême deviennent usées

• comme les trucs et vieux procédés qui caractérisent cette par­tition de M. Lecoq. M. Saint Léon,lui-même a de la peine à sou­tenir cette pâle opérette en compagnie de Mm0 Laya, qui, déci­dément, ne sait ni dire ni chanter finement. Elle fait la grosse voix, c ’est un genre comme un autre, mais un genre qui nous séduit peu. Sa sœur de lait n’a qu’un petit filet de voix mais elle est si potelée... Le général Pataquès, M.Royol, fut drôle comme ce cher général Bombardos,M. Gérard,dont les efforts et la cons­

cience sont louables.Pourquoi dans les frises un vélum commé décor dans la grande

salle du château au 2e acte ? E t un vélum rouge !

T H E A T R E FRANÇAIS

LA reprise de Séraphine de M . Sardou fut saluée d ’unanimes applaudissements. Séraphine, c’était Mm0 Boyer qui sait

mettre dans son personnage toute la sévère austérité que comporte un cœur de dévote, dont le cœur refroidi ne comprend plus les humaines faiblesses. MUe Diska jouait Yvonne et vous savez quelle conscience, quel ar t et quelle naturelle ingénuité elle porte sur la scène. M. Joffre avait, en partage, le sympathique rôle de l’amiral. Point n ’est besoin de dire qu’il y fut excellent. Mais quel chapeau au 30 acte ! Même dans la marine on les a plus modernes.

M. Charny ne venait qu’au second p l a n p a r l a n a t u r e de son rôle,

mais au dernier acte il se mit au premier par des rires i n t e m p e s t i f s

tandis qu’il tournait le dos au public. L e rire étant communicatif,

ses camarades se mirent quelque peu de la partie en sorte qu’il nous fut difficile d ’être ému en écoutant les imprécations mélo­dramatiques d’un père qui... parlait sans conviction et sans justesse.

L ’Aînée fait toujours recette, il est vrai que cette pièce est supérieurement jouée.

L ’Evasion est encore l'occasion de succès pour ces vaillants artistes et particulièrement pour M. Joffre qui a composé un saisissant tableau de docteur enflé par la science et gâté par le doute. Il est sobre et juste de gestes comme d ’accents. On n’est pas plus artiste.

Comédienne, de MM. Lacroix et Janot,fut parfaitement accueil­lie, plutôt pour son côté littéraire que pouf ses qualités scéniques. Ces jeunes auteurs ont évidemment voulu faire quelque chose de neuf et de piquant. Y ont-ils réussi ? D'aucuns le disent.

Le Résultat des Courses, la pièce à succès de M. Brieux, fut montée avcc un très grand soin. Tout Toulouse voudra voir M. Joffre et M. Charny dans les rôles du père et du fils Chantaud qu’ils tiennent admirablement, comme M. Bénédict celui de Les- terel. Au reste, les principaux rôles sont toujours très bien tenus chez M. Vidal et les autres n’en paraissent que plus mauvais. ■Excellentes Mlle Diska faisant Juliette et Mm0 Schuller dans le rôle de Grand’Mère. Remarqué aussi, une fois n’est pas coutume, M. Deler, jouant Auguste.

SÉANCE D’ORGUEA L’ÉGLISE DU T A U R

N ne peut s’attarder à louer le talent d ’organisté- compositeur de M. F. de la Tombelle ; le voilà passé maître et dans l’art d ’écrire et dans l’art d ’interpré­ter les Maîtres.

Sa séance d’orgue fut toute à son honneur, je n’en veux pour preuve que la présence de tous les virtuoses du pédalier comme

les Ponsan, les de Lescazes, les Berny, les Baisset, les Bergès et tous ceux quj nous n’avonspas su retrouver dans la très nom­breuse assistance.

Ce n’est point à dire que tout fut d ’un intérêt égal dans cette mémorable après-midi ; le prélude et fugue en mi bémol de Bach parurent très sévèresaux profanes. La Pastorale,dé]kconnu& de M.de la Tombelleparut assez peu champêtre, mais ses préludes sur le premier et le troisième ton ainsi que sa fu g u e sur un thème grégorien produisirent le meilleur effet.

Il nous joua encore, une-sonate de Lemmens dont le finale très brillant fait passer sur l’allegro et l ’andante quelque peu ingrats, et surtout la célèbre marche funèbre de Guilmant suivie d'un chant séraphique d ’un très curieux effet avec son chant du pédalier joué avec une liaison de jeu remarquable.

Au reste la réputation de M. de la Tombelle lui vaut d ’être réclamé par le Nord comme p ar le Midi. Peu de jours avant sa, venue à Toulouse le chapitre de là cathédrale de Laon l’avait demandé pour l'inauguration des grandes orgues de cette magni­fique église du XIIIe siècle, et, détail à noter; après la cérémonie, M. de la Tombelle reçut un magnifique brevet d ’organiste hono­raire. Le cas est rare.

Entre le concert de la Tolosa et celui dont nous,parlons c’était la Schola de Tarbes qui le réclamait pour une audition de cha­rité. Son succès fut considérable.

Comme divertissement dans la séance du T aur nous eûmes un Repentir de Gounodqui nous toucha fort peu, bien qu’il fut chanté avec autant d ’émotion que de talent par Mme Laffont Papi.

«D ivin Rédempteur, par donne à ma faiblesse /»Elle est grande, en effet, puisque l’auteur la fait clamer sur les notes les plus aigües contrairement à ce que le sens naturel pourrait demander. Et puis ces successions chromatiques rappellent trop l'opéra de Faust où du reste elles font très bien. C'est étonnant combien Gounod, qui passait pour essentiellement religieux, portait de sens profane dans l’église. Musique pour vierge troublée c ’est le plus souvent le programme de ce défunt grand maître.

Nous entendîmes ce même jour la Tolosa dans 1 e Sanctus de M. Saint Saënsl 'Adoremus te deRolanddeLassus ,\&SanctaMaria de César-Franck et le Tantum ergo de Bach. C’était bien mais pas parfait du tout. La franchise des attaques et des finales laisse à désirer ; de plus les chanteurs sont loin de se faire les esclaves de la baguette qui les conduit et les nuances sonl quelconques. Ces Messieurs ont encore pas mal à faire pour chanter ensemble comme une seule voix qui donnerait toute son âme.

MUSIQUE DE CHAMBRE

L e 4° CONCERT DE MUSIQUE DE CHAMBRE s’est donné le jeudi 16 mars avec, au programme, une sonate piano et violoncelle de A. Rubinstein qui fut très remarquée. Mlle Vannier nous rendit en valsant de Zarzicki (ça valse peu) et la danse rustique de Th. Dubois qui suffît à mettre sà virtuosité en bonne lumière. On eût dit pourtant la très distinguée pianiste un peu nerveuse tant par quelques précipitations que par certaines incertitudes de mesures. Ce défaut reparut dans le quintette intéressant de César Franck en f a mineur. On marche ensemble et en mesure ; mais ne dirait- on pas que les accentuations ne sont pas senties également par tous, que les temps sont plus serrés au quatuor qu’au piano ? Le rubato si recommandé pour chopiniser ne l’est pas pour lés œuvres sévères de César Franck. A part cette légère critique qui montrera au moins avec quel soin nous avons écouté cet intéres­sant concert, nous complimenterons ces zélés artistes sans même critiquer des défauts de justesse:

De V ILLES1X.

ÉCHOS ET NOUVELLES

Fêtes du Congrès.

LES Sociétés littéraires et scientifiques de Toulouse se promet­tent de recevoir splendidement les congressistes étrangers à

l’Hôtel d ’Assézat et de Clémence Isaure.

A titre d'indication, voici quelques renseignements sur le pro­gramme de la Soirée du mercredi 5 avril.

Des masses chorales et instrumentales, groupées souslaloggia, feront entendre des chants et des morceaux de musique exclusi­vement toulousains.

Un orchestre, composé de jeunes amateurs, jouera des morceaux toulousains inédits du dix-huitième siècle, pris dans les manuscrits de la bibliothèque du Conservatoire.

Dans les intervalles, de grandes projections seront faites sur un des côtés de la magnifique cour intérieure de l’hôtel restauré.

MM. Cartailhac, Regnault et T ru ta t reproduiront les vues des cavernes et des grottes célèbres de la région, les principaux sites pyrénéens et les monuments remarquables du Sud-Ouest.

Un jardin d ’agrément sera créé dans l'arrière-cour de l’hôtel, par les soins de M. le Docteur Audiguier,

L’Hôtel et ses dépendances seront éclairés à giorno, par la lu­mière électrique alternant avec les feux de Bengale.

Le buffet sera tenu par la Maison Tivollier.

Naissances

et Mme Edmond Doat communiquent naissance de

leur fils Jean.- T f f -

ALyon on vient de reprendre H enri V III. Le succès ne fut pas grand ; après avoir déclaré le livret « grotesque », le

Tout Lyon s’exprime ainsi :« Malgré toutes les excuses invoquées pour justifier Saint-

Saëns : les goûts du public, 1 opéra auquel elle çtait destinée, l'époque, etc ., elle n’en est pas moins une défaillance à laquelle d’autres compositeurs n’auraient certainement pas consenti mal­gré leur désir d’être joués et qui dénote un manque de sincérité

et de foi artistique.»A Toulouse nous pensons très différemment.

DE Béziers :Comme nous l’avons annoncé, Déjanire, l'œuvre de

Gallet et de Saint-Saëns, sera donnée encore cette année aux Arènes ; c ’est la troupe de l’Odéon qui l’interprétera dans son

ensemble.Il est question de Mrae S a rah B ernhsic t peur le rôle d ’Iole

et de Mounet-Sully pour celui d’Hercule.-T&—

M Ambrosiny, le maître de ballet dont nous louions le zèle . en parlant de C yris et M in tha , dans le nirr.éro précé

dent, vient de signer un brillant engagement pour le théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles.

Tous nos compliments à ce consciencieux artis te avec nos regrets de ne pas le voir venir à Toulouse comme il en avait été question.

Louis Soullié, éditeur à Paris, 25, rue de Lille, vient de dresser un fort intéressant catalogue des ventes de

tableaux, dessins et objets d ’art de 1800 à 1895.Dans une préface de style alerte, M. J. Duplessis nous initie à

l’intérêt qu’offrent souvent les catalogues de ventes pour les détails qu’ils donnent sur les artistes et leurs œuvres. Les col­lectionneurs peuvent du reste trouver chez M. Soullié tous tes catalogues de vente anciens et modernes avec annotation des p r ix .

'G7De Bordeaux.

M.

M.Gravière avait très richement monté la Vie de Bohème de Puccini, et le spectacle était a ttrayant, l’interprétation

très soignée. Mlle Mercy (Mimi) fut peut-être un peu pleurarde au début, M1}0 Mary Boyer (Musette) fit preuve d’un tempérament tout de joie et d ’enthousiasme servi par une voix très belle’—• on dit qu’elle va l’an prochain aborder les rôles de chanteuses légères.

Pourquoi tenter l’aventure ? M. Jacquin (Schaunard), Labis (Colline) Allard, (Rodolphe), David (Rodolphe) étaient bien dans la note qu'il fallait. La pièce de Puccini quitte l’affiche et nous voici à la musique de Blocks, Princesse d'Auberge, c ’est peut-être très beau. — Nous y reviendrons. —

Je déplore qu’au théâtre des Arts la pièce de Georges Feydeau ait autant de succès.

La dame de chez M axim ’s est du vaudeville habile, d ’un rir^ basé sur de l'incohérence. Ce qu'il faut être organisé pour bâtir des machines pareilles! ! !

M. Depay est un homme heureux.

L ’H o m m e a u g i l e t d e v e l o u r s

LE Jour de Pâques à l’église métropolitaine aura lieu à10 heures, l’exécution de la messe de Haydn dite Impériale,

à grand orchestre, avec le concours du grand Séminaire.

« L ’auteur conduisit cette messe, au couronnement de Joseph II,

empereur d'Allemagne, qui eut lieu à Francfort, en 1567. » Voir VEcho du M id i , journal politique, etc., de Toulouse, du

mercredi, 3 octobre 1821.C’est â cette année, que remonte la première audition de cette

messe dans la cathédrale Saint-Etienne.Aux vêpres pontificales (3 heures) : Faux-Bouraons des.

maîtres du XVIIe siècle ; Magnificat en musique, de P. Nouguès; A llélu ia , chœur du Messie de Haendel ; O F ili i , 0 F ü iœ , chant traditionnel ; Tamtum Ergo de Pâques, de dom L. Perosi.

NOUS apprenons les fiançailles de M. E . Deniau, rédacteur en chef du Messager de Toulouse, avec M»0 Gleyses. Nous

prions notre très aimable confrère, de recevoir nos très empres­

sés compliments. ___

DE Nice, nous arrive la triste nouvelle du décès de Mmc la duchesse douairière de Lévis Mirepoix, née de Mérode

Cette sainte femme, manquera tout aussi bien aux pauvres qu a

ses parents et amis. _

ON annonce le décès de :Ty[mo veuve de Henry de Rocous de Cahuzac. Ce deuil

touche les familles de Cahuzac, baron et baronne de Belloc de Chamborant, de Rayssac, de Labarthe-Malard, marquise de Gayraud d ’Auxilhon, vicomte et vicomtesse de Laurens, de

Tholosany, etc.—«y—

NOUS eûmes le plaisir d entendre ces jours derniers a 1 A rt Méridional, une splendide voix de falcon ; c était

Mme Lemoine, qui chantait S a lu t, splendeurs du jo u r , de igurd. Avant peu, dans toutes les fêtes musicales, on voudra s'assurer le concours de cette nouvelle étoile, qui se lève à Toulouse.

A. M.- T g r -

LE Samedi i cr, Dimanche 2 et Lundi 3 Avril, dans la Salle du Pré-Catelan, la troupe Cantarel, composée d’artistes des

divers théâtres de Paris, donnsra E l l e , M . A D O LPH E et LA.

M O M E L O U P IO T T E . Inutile d'ajouter que ce sera salé.— w —

NOUS avons l ’honneur de prévenir ceux de nos abonnés de j a n v i e r q u i n'ont pas encore payé le montant de leur abon­

nement, que nous leur ferons présenter un m a n d a t par la poste sans augmentation de prix . Nous les prions de lu i réserver bon

accueil.

Etude de M6 Henri MONTAGNOLNotaire à Toulouse, place Esquirol, 7

A VENDREA U X E N C H È R E S P U B L I Q U E S

En la Chambre des Notaires dé Toulouse,sise en cette vibe, rue Temponières, 2

Par le m inistère de MG Henri MONTAGNOL l ’un deux

L E J E U D I 6 A V R I L 1 8 9 9A 2 heures de l’après-midi

DEUX p i S O f t S D’HABITATIONCONTIGUES RÉUNIES EN UNE SEULE

Situées dans la ville de Toulouse, rue Alexandre-Fpurtanier ,Figurant au plan cadastral de ladite commune de Toulouse, s o u s les num .10s

780 et 781 ûe la Section ] J.SUSCEPTIBLES D’UN REVENU DE 2,700 FRANCS

Mige à : 30,000 Fr&qcgPour tous renseignements, s'adresser à M0 MONTAGNOL, notaire dètenteu

du Cahier des eharges.

L'Administrateur-Gérant : P. GRILLON.

TOULOUSE, IMPRIMERIE DU CENTRE , ALLÉES I.AFAYETTE, 10 bis