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L e jugement rendu, le 18 décembre, par le tribunal correctionnel de Marseille mérite que l’on s’y arrête. Dans cette affaire, un meurtrier, Joël Gaillard, avait été considéré comme pénalement irres- ponsable de l’assassinat qu’il avait commis en 2004. En réaction au non-lieu prononcé, logi- quement, par les juges, le fils de la victime a porté plainte. Et la psychiatre, Danièle Canarel- li, médecin du futur assassin, vient d’être déclarée coupable d’homicide involontaire et condamnée à un an de prison avec sursis. « L’impunité de principe ne saurait exister, l’opinion publique ne le supporte pas », a rappe- lé le président du tribunal de Marseille. Cha- que fait divers mettant en cause un malade mental ou un condamné récidiviste en four- nit la démonstration : l’opinion a besoin de désigner un responsable. Surtout lorsqu’un tel drame est exploité politiquement. L’article 121-3 du code pénal, qui vaut au doc- teur Canarelli d’avoir été poursuivie et condamnée, est issu de la loi Fauchon du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels susceptibles d’être reprochés aux décideurs publics. Cette loi a été conçue, notamment, pour protéger les élus locaux confrontés à une augmentation des procédures mettant en cau- se leur responsabilité pénale dans des affaires concernant, par exemple, l’hygiène, la sécuri- té du travail ou les accidents de la circulation. Désormais, en cas de lien indirect entre la faute et le dommage, le délit n’est constitué que s’il y a eu « violation manifestement déli- bérée d’une obligation particulière de pruden- ce ou de sécurité ». Le prévenu ne peut être condamné que s’il a commis « une faute carac- térisée exposant autrui à un risque d’une parti- culière gravité qu’il ne pouvait ignorer ». Ainsi, dans le cas du docteur Canarelli, l’ins- truction a fait apparaître une succession de fautes. Le réquisitoire le plus terrible sur le suivi thérapeutique qu’elle avait mis en place pour Joël Gaillard n’est d’ailleurs pas venu des juges, mais de son collègue psychiatre désigné comme expert, Jean-Claude Archam- bault : ce dernier a souligné que le docteur Canarelli s’était enfermée « dans le déni ». Les juges de Marseille ont pris soin de fer- mer la porte à toute interprétation extensive de leur décision. Il ne s’agit pas de juger les psychiatres ou la psychiatrie, ont-ils assuré. Mais de déterminer si, dans cette affaire, des fautes ont été commises. Car les psychiatres ne sont pas les seuls intéressés, ou préoccu- pés, par cette décision. Parmi ceux qui guettaient avec appréhen- sion la motivation du tribunal figurent… les magistrats eux-mêmes, et notamment les juges d’application des peines. En écho à l’in- quiétude manifestée par un certain nombre de leurs collègues, le jugement relève d’ailleurs que « les magistrats savent que la prédictibilité et le risque zéro n’existent pas ». En outre, le tribunal fait la distinction entre ceux qui « agissent et réagissent dans l’urgen- ce», à l’égard desquels la justice doit se mon- trer compréhensive, et ceux qui bénéficient de la durée mais persistent dans l’erreur. De la part de magistrats qui, en l’occurren- ce, peuvent être considérés comme juges et parties, la décision rendue à Marseille ne man- que pas de courage. p LIRE NOS INFORMATIONS PAGE 11 ÉDITORIAL La psychiatre et l’assassin : un jugement courageux UK price £ 1,70

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Jeudi 20 décembre 2012 - 69e année - N˚21125 - 1,60 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur :Hubert Beuve-Méry

Le jugement rendu, le 18décembre, parle tribunal correctionnel de Marseillemérite que l’on s’y arrête. Dans cetteaffaire, un meurtrier, Joël Gaillard,

avait été considéré commepénalement irres-ponsablede l’assassinatqu’il avait commisen2004. En réaction aunon-lieu prononcé, logi-quement, par les juges, le fils de la victime aportéplainte.Etlapsychiatre,DanièleCanarel-li, médecin du futur assassin, vient d’êtredéclarée coupable d’homicide involontaire etcondamnéeàunandeprisonavec sursis.

«L’impunité de principe ne saurait exister,

l’opinionpubliquenelesupportepas»,arappe-lé le président du tribunal de Marseille. Cha-que fait divers mettant en cause un malademental ou un condamné récidiviste en four-nit la démonstration: l’opinion a besoin dedésigner un responsable. Surtout lorsqu’unteldrameest exploitépolitiquement.

L’article121-3ducodepénal,quivautaudoc-teur Canarelli d’avoir été poursuivie et

condamnée, est issu de la loi Fauchon du10juillet2000surlesdélitsnonintentionnelssusceptibles d’être reprochés aux décideurspublics. Cette loi a été conçue, notamment,pourprotégerleséluslocauxconfrontésàuneaugmentationdesprocéduresmettantencau-se leur responsabilitépénaledansdesaffairesconcernant, par exemple, l’hygiène, la sécuri-tédu travail ou les accidentsde la circulation.

Désormais, en cas de lien indirect entre lafaute et le dommage, le délit n’est constituéque s’il y a eu «violationmanifestement déli-béréed’uneobligationparticulièredepruden-ce ou de sécurité». Le prévenu ne peut êtrecondamnéques’ilacommis«unefautecarac-tériséeexposantautruiàunrisqued’uneparti-culièregravité qu’il nepouvait ignorer».

Ainsi,danslecasdudocteurCanarelli, l’ins-truction a fait apparaître une succession defautes. Le réquisitoire le plus terrible sur lesuivi thérapeutiquequ’elleavaitmisenplacepour Joël Gaillard n’est d’ailleurs pas venudes juges, mais de son collègue psychiatredésignécommeexpert, Jean-ClaudeArcham-bault : ce dernier a souligné que le docteurCanarelli s’était enfermée «dans le déni».

Les juges de Marseille ont pris soin de fer-mer la porte à toute interprétation extensivede leur décision. Il ne s’agit pas de juger lespsychiatres ou la psychiatrie, ont-ils assuré.Mais de déterminer si, dans cette affaire, desfautes ont été commises. Car les psychiatresne sont pas les seuls intéressés, ou préoccu-pés, par cette décision.

Parmi ceux qui guettaient avec appréhen-sion la motivation du tribunal figurent… lesmagistrats eux-mêmes, et notamment lesjuges d’applicationdes peines. En écho à l’in-quiétudemanifestée par un certain nombrede leurs collègues, le jugement relèved’ailleurs que « les magistrats savent que laprédictibilité et le risque zéro n’existent pas».En outre, le tribunal fait la distinction entreceuxqui «agissent et réagissentdans l’urgen-ce», à l’égard desquels la justice doit semon-trer compréhensive, et ceux qui bénéficientde la duréemaispersistentdans l’erreur.

De la part demagistrats qui, en l’occurren-ce, peuvent être considérés comme juges etparties, ladécisionrendueàMarseilleneman-quepas de courage. p

LIRENOS INFORMATIONS PAGE11

Cauchemar pourla culture enHongrieLe tout-puissantprésidentde l’Académiehongroisedesartspartencroisadecontre l’art«libéral»et«antinational».LIREPAGE24

Voyage: à la poursuitedes aurores boréalesCapauNorden2013,année idéalepouradmirer la lumièrecélestedes illuminationspolaires.LIREPAGE26

L’Egyptepriseaupiègedel’urgenceéconomiqueINTERNATIONAL – LIRE PAGE 6

LAGESTATIONPOURAUTRUI, MAINTENANT !PARELISABETHBADINTER – LIRE PAGE 22

STRATÉGIEDESPETITS PASSURLENUCLÉAIRE IRANIENINTERNATIONAL – LIRE PAGE 4

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Rendez-vousen page 13

Depardieuet le super ISFde 2012L’absencedepla-fondpour l’impôtsur la fortunecetteannéeaentraînéuneimpositionàplusde80%decertainscontri-buablescommeGérardDepardieu.FRANCE – PAGE 10

Un jury inéditpour une loisur la récidiveVingtpersonnesdetoushorizonsontétédésignéespourconstituer le«jurydeconsensus»quiaidera legouverne-mentàpréparersonprojetde loisur laprobation.SOCIÉTÉ – PAGE 12

Rentrée 2013:qui profiterades créationsde postes?LeMonderévèle larépartition,acadé-mieparacadémie,des6770postesd’enseignantscréésdans l’édu-cationnationalepourseptembre.ÉDUCATION – PAGE 14

ÉDITORIAL

AUJOURD’HUI

CULTURE & STYLES

Lapsychiatreet l’assassin:un jugementcourageux

tDernière lignedroitepourque lespartenaires sociauxsignentunaccord«historique»,notamment surles contrats courtsLIRE PAGES 2-3

tUnaccord crucialaumomentoùl’attractivitédela France est enbaisseLIRE PAGE 16

PakistanLestalibansexécutentlesvaccinateurs

tLa lutteantipolio,urgentepour l’état sanitairedupays,seheurteà l’islamismeradical

UKprice£1,70

Lanégociationsurletravaildanssaphasedécisive

LE REGARD DE PLANTU

L undi17etmardi18décembre,sixfem-mes et un homme – tous vaccina-teurs – ont été tués par balles à

Karachi et dans la banlieue de Peshawar.De telles attaques contre des vaccinateursne sont pas inédites au Pakistan. Le paysn’échappepasauxthéoriesducomplotcir-culantdans certainsmilieuxmusulmans,imputant notamment aux vaccins lespires maléfices. Le dernier assassinat endate s’était produit le 17octobre à Quetta,dansleBalouchistan.Le17juillet,unméde-cin de Karachi engagé dans la campagneantipolio sous les auspices de l’OMS avaitégalement été froidement abattu dans saclinique. La lutte antipolio au Pakistan,qui fait partie des trois derniers pays aumonde (avec le Nigeria et l’Afghanistan)où la maladie continue de sévir, risqued’en souffrir, alorsmêmeque des progrèsavaient été enregistrés.p LIRE PAGE8

UNIQUEMENTEN FRANCEMÉTROPOLITAINE

Algérie 150 DA,Allemagne 2,20 ¤,Antilles-Guyane 2,00 ¤,Autriche 2,40 ¤,Belgique 1,60 ¤, Cameroun 1 600 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 600 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,80 ¤, Gabon 1 600 F CFA, Grande-Bretagne 1,70 £,Grèce 2,20 ¤, Hongrie 750 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,60 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH,Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,20 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 600 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 35 KRS,Suisse 3,20 CHF, TOMAvion 380 XPF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL,USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 600 F CFA,

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société

MarseilleEnvoyée spéciale

I l ne peut exister d’impunité deprincipe, la société ne l’acceptepas», avait observé le prési-

dentFabriceCastoldià l’adressedupublicdepsychiatresetdeperson-nel soignant venus manifesterbruyamment leur soutien à leurcollègue Danièle Canarelli, lors desa comparutiondevant le tribunalcorrectionneldeMarseille.Ladéci-sion rendue mardi 18décembre,qui la déclare coupable d’homici-de involontaire et la condamne àune peine d’emprisonnementd’un an avec sursis, s’inscrit dansla suite logiquede ces propos.

Le tribunal a considéré qu’ilexiste bien un lien de causalitéindirect entre l’assassinat à coupsde hachette perpétré enmars2004 par Joël Gaillard sur lecompagnondesagrand-mère,Ger-main Trabuc, et la mauvaise éva-luation,parlapsychiatre,deladan-gerositédesonpatient.«Lesmulti-ples manquements qui sont repro-chés [au docteur Canarelli] sontconstitutifs de fautes caractérisées.Elle seule avait l’obligation de dis-penser aupatient, dangereuxpourlui-même et pour autrui, les soinsappropriésàsonétat», écrivent lesjuges, en soulignant que ses«défaillances» sont «à l’origine»de l’errance et de la fuite du

patient, puis de son passage à l’ac-te. Pour le tribunal, lesdeuxcondi-tionssusceptiblesd’engager lares-ponsabilité pénale indirecte d’undécideur public, telles que les pré-voit l’article121-3ducodepénalsurles délits non intentionnels, sontdonc réunies.

«Nous ne jugeons pas les psy-chiatres ni la psychiatrie, nousjugeons un cas d’espèce», a tenu àrappeler le président Castoldi enannonçant la décision. Le tribunalse savait en effet très attendu, non

seulement par les psychiatres,mais aussi par tous ceux qui peu-vent redouter de voir leur respon-sabilitépénale indirecte engagéeàlasuited’unefauted’appréciation.Parmi eux figurent les… magis-trats, etnotamment les jugesd’ap-plicationdespeinesqui sont régu-lièrement mis en cause par l’opi-nionpublique lorsqu’un crime estcommis par un délinquant qui abénéficiéd’unepermissiondesor-

tie ou d’une libération condition-nelle. Il est à ce propos intéressantde signaler que, parmi les deuxjuges assesseurs qui ont participéau délibéré, figure le président del’Association nationale des jugesd’application des peines (Anjap),ThierrySidaine.

La décision rendue mardi18décembre prend soin de fermerla porte à toute interprétationextensive de jurisprudence. Elledresse d’abord un redoutableinventaire des «défaillances» dudocteurCanarelli pendant les qua-treannées–2000à2004–oùelleapris en charge Joël Gaillard dansson unité de soins psychiatriques.Rappelant la longue liste d’inci-dents qui ont émaillé le parcoursdu patient avant les faits demars2004 – une agression à l’ar-me blanche, un incendie volontai-re et une tentative d’assassinat –,les jugessoulignent«ladiscordan-ce manifeste» qui existe entre lagravité des troubles mentaux deJoëlGaillard,telsqu’ilsontétéiden-tifiés par tous les psychiatres quiont eu à l’examiner, et «la condui-te thérapeutique» adoptée par ledocteur Canarelli. Celle-ci n’a eneffet pas semblé accorder foi auxconstatationsde ses collègues, quidiagnostiquaient chez JoëlGaillard une «schizophrénie avecdangerosité établie» et relevaientune «escalade dans les passages à

l’acte», rendue possible par lesinterruptions régulières de sontraitement dès qu’il n’était plushospitaliséd’office.

Une «attitude qui confine àl’aveuglement» relèvent les juges,en reprochant au docteur d’avoir«sous-estimé les antécédents dupatient», «négligé les diagnosticsde ses confrères», «banalisé» cer-tains incidents et «méconnu lesalertes» dont elle n’a tiré «aucuneconclusionconcrète»danssontrai-tement thérapeutique.

Enréponseauxargumentsdelapsychiatre qui avait justifié cetteattitude par « la nécessité d’insti-tuer et de maintenir une relationdeconfianceavec lepatient», le tri-bunal souligne que cette relationnesaurait être«une finen soimaisuniquement un moyen pour obte-nir l’adhésion du patient et le soi-

gner au mieux», sauf à devenir«une illusion».

S’ils reconnaissent«ladifficultéde la tâche et la complexité de lapersonnalité de Joël Gaillard» etrappellentque«la loin’imposepasaumédecinuneobligationderésul-tat», les juges justifientcependantleur sévérité par le temps dont ledocteur a disposé. Celui-ci auraitdû lui permettre de prendre encompte la «succession d’échecs»rencontréedans le parcoursmédi-cal de sonpatient. Là encore, le tri-bunalsemontreprudentdans l’in-terprétation de sa décision :«contrairement à d’autres méde-cins ou catégories demédecins quidoivent agir et réagir dans l’urgen-ce, elle a pu inscrire ses observa-tions cliniques et ses analyses dansla durée», écrivent les juges. Ils luireprochent particulièrement «de

ne pas avoir envisagé de passer lamain» à une autre équipe commececi lui avait été proposé et alorsqu’elle admettait elle-même êtreconfrontée à une «énigme» l’em-pêchant de poser un diagnosticsur Joël Gaillard. « Il apparaît endéfinitive que le docteur Canarellis’est arc-boutée sur ses convictionsetadécidé,quelsqu’aientétélesévé-nements et les alertes, de ne rienmodifierà sapratique», indique lejugement.

On y lit encore cette phrase :« Les magistrats savent que laprédictibilitéet lerisquezéron’exis-tent pas.» Est-ce pour conjurer lesort, pour chasser lemauvais sou-venir de juges mis en cause pouravoir persisté dans l’erreur oupoursoulignerlapartdeschizoph-réniedesauteursde ladécision ?p

PascaleRobert-Diard

Sur les chaînes publiques,on ose inviter tout le mondeà la même table.

©GHOSAROSSIANDelphine/FTV

Viens dîner dans ma citéMagazine mensuel22h15

France Télévisions privilégie l’ouverture sur le monde et le partageavec tous les publics, quels que soient les âges, les originessociales et ethnoculturelles, les sexes, les situations de famille,les états de santé, les opinions politiques, les convictions religieuses,les orientations sexuelles…

Dans nos équipes, comme sur nos écrans, nous nous engageonsen faveur de la diversité et de l’égalité des chances.

francetelevisions.fr

«Nousnejugeonspaslespsychiatresnilapsychiatrie,

nousjugeonsuncasd’espèce»,atenu

àrappeler leprésidentdutribunal

UnanavecsursispourlapsychiatredeMarseilleDanièleCanarelliaétédéclaréecoupabled’homicideinvolontaireaprèsl’assassinatcommisparundesespatients

Danièle Canarelli au tribunal deMarseille, lors de son procès, le 13novembre. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP

110123Jeudi 20 décembre 2012

Page 3: 5#0 *+((73+.#-10 ^bRL Lb OZbL] ^i`YLYH] .b Ri[Q`YbKYQR LIM ... · (b ms y`]if niy [i]kkby]rk bh] ... k ir zqss] hkqil hb``yrb / k]iml hqrk iki kiil obm abuu]l g ... [xg jhljlg< /x

Undétenucoûteenmoyenne32000eurosparanLESCHIFFRESont été difficiles àobtenir,mais la prison, évidem-ment, a aussi un coût. Le comitéd’organisationde la conférencede consensus a ainsi calculé qu’undétenucoûte enmoyenneà lasociété 32000eurospar an. Avecde fortes disparités: le coût dejournéedansunemaisond’arrêt(pour les prévenus, en attented’une condamnationdéfinitive)s’établissait en 2011 à 85,44 euros,dansun centrede détention (pourcourtespeines) à 98,08 euros,dansun centrepénitentiaire (quimêle plusieurs typesde condam-nés) à 96,01 euros et dansunemai-son centrale (pour les longuespei-nes), à 196,14 euros.

Ces chiffres intègrent les bud-gets de fonctionnementet leschargesdepersonnel,mais seule-

mentdans les 141 établissementsentièrementgérés par l’adminis-trationpénitentiaire, et pas dansles 50 autres qui sont sousparte-nariat public-privé, dont la ges-tion relèved’une conventionpar-ticulière. Le prix de journéed’unétablissementpénitentiairepourmineurs est de 496 euros, en rai-sondu fort taux théoriqued’enca-drement (1,2 personneparmineur).

Le budget de l’administrationpénitentiaire s’élève en 2012 à2,39milliardsd’euros et représen-te désormais lamoitié dubudgetduministèrede la justice – il estenprogressionde6,7%par rap-port à 2011. 52%desdépenses sontconsacréesaupersonnel, 30%aufonctionnement, 14%endépen-ses d’investissement, 4%en

dépensesd’intervention. La plu-part des établissements sont encessationdepaiementdès l’été. Lamaisond’arrêt de Bois-d’Arcy(Yvelines) vadébuter l’année 2013avec600000eurosde dettes.

Dix euros pour le braceletLespeines alternatives à l’incar-

cération reviennentnaturelle-mentmoins cher. La journée sousbracelet électronique coûte 10,43euros, en intégrant le coût duper-sonnel de surveillance, celui desconseillerspénitentiairesd’inser-tion et de probationet des assis-tantes sociales, le coût des véhicu-les pour la posedu bracelet et lematériel (5 eurospourunbraceletsimple, 7 pourunmobile).

Une journéedeplacement àl’extérieur revient enmoyenneà

31,32 eurospar écrou, en fonctiondesprestations fournies – repas,hébergement, accompagnementsocio-éducatif. Le coût de la semi-liberté (lesdétenus rentrentenpri-son le soir) est évalué à 59,19euros, y compris les charges defonctionnementet de personnel.

Le comitén’a en revanchepastrouvédedonnéesdistinctes surles travauxd’intérêt général, lesnombreuxsursis avecmise àl’épreuve, les libérations condi-tionnellesou les suivis sociojudi-ciaires. Pour l’ensemblede cesmesures enmilieuouvert, le coûtmoyenannuel est de 1014 eurosparpersonne,mais il est pure-ment indicatif et ne tientpascomptede la duréede lamesureprononcée.p

F. J.

société

Q ue fairepourprévenir la réci-dive?Unanaprès leur libéra-tion, un petit tiers des déte-

nus est de nouveau condamné; aubout de trois ans, ils sont un peuplusd’unsurdeux;auboutdecinqans,sixsurdixontrechuté–ils’agitderécidiveausenscommunduter-me, pas au sens légal, et donc plusexactement d’un «taux de recon-damnation». Reste qu’à l’évidencela prison ne favorise guère la réin-sertion,etChristianeTaubira,lagar-de des sceaux, a voulu prendre leproblème à la racine avec uneméthode originale: la conférencedeconsensus.

Elle a installé, le 18septembre,un comitéd’organisationde vingt-deuxpersonnes,présidéparNicoleMaestracci.Lapremièreprésidentede la cour d’appel de Rouen a déjàprésidé une conférence de consen-sus sur les sans-abri, en 2007,maisc’est une première en matière dejustice. «La conférence de consen-sus est uneméthode issue dumon-demédical, explique la présidente,qui consiste à dresser un état desconnaissancesetàformulerdespro-positions sur lesquelles chacuns’ac-corde. C’est plus facile enmédecine,une sciencedure, avecunniveaudepreuves scientifiques plus impor-tant, qu’enphilosophiedudroit.»

Le comité d’organisation, nom-mépar laministre, avait troismoispour défricher le terrain, rassem-blerlesétudesnationalesetinterna-tionales,etentendreles58organisa-tionsprofessionnellesouassociati-vesqui se sontpenchéessur la réci-dive– et ontd’ailleurseu la sagessede dépasser le discours syndicalclassique. MmeMaestracci a ainsiprésenté, mardi 18décembre, ladeuxième phase du processus: laliste des vingt membres du jury,choisis en toute libertépar le comi-té d’organisation qui, après avoirdigéré la robuste documentationqu’on va leur fournir, entendrontles14et15févrierunepetitetrentai-ned’experts,enaudiencepublique.

Le jury se retirera à huis clos lesdeux jours suivantspourproposerdes recommandations au gouver-nement.Aucunmembreducomitéd’organisation n’est membre dujury. En cela, la conférence deconsensus a peu de chose à voiravec une commission classique, etChristiane Taubira «a pris un ris-que» en laissant désigner un jurysur lequel elle n’a aucune prise etquiprendrades recommandationsdont il faudrabien tenir compte.

«La conférence de consensus neva pas régler tous les problèmes,convientMmeMaestracci.Onfaitunpari sur l’intelligence collective etsur la capacité de gens aux prati-ques professionnelles très différen-tes de se mettre d’accord sur unconstat et les évolutions souhaita-bles. Cela évitera peut-être d’avoirune nouvelle loi tous les six mois.»Lors des deux journées d’audition,le jury examinera d’abord un pre-mier état des lieux sur la récidive.«Onsait relativementpeudechose,prévientMmeMaestracci,mais il y auncertainnombredeconstatsindis-

cutables:lalibérationconditionnel-le protègemieux de la récidive que“la sortie sèche”, sans accompagne-ment.Pourquoialors le tauxde libé-ration conditionnelle n’oscillequ’autour de 6%? 81% des détenussortent sansaucun suivi.»

Deux groupes de condamnés àdecourtespeines, lesunsenmilieuouvert, les autres en prison, ontréfléchi à la récidive et viendrontexpliquer leurs points de vue,sachant que «80% des gens quientrent en prison un jour donnévont y rester moins d’un an», indi-quelaprésidente.Lejurysepenche-ra ensuite sur les facteurs de ris-queset la«désistance», c’est-à-direlasortiedeladélinquance.Lescher-cheurs, notamment anglo-saxons,

travaillentmoins désormais sur lepassage à l’acte que sur les sortiesdedélinquance: «vieillir, semarier,sortir des addictions, avoir unemploietdes liensfamiliaux» favo-risent la désistance. D’où l’impor-tance de l’évaluation individuelledes condamnés, de leur situationfamiliale et sociale pourpermettreunsuivi individualiséetunepossi-ble réinsertion, sachantque lesdis-positifs classiques d’aide socialesont enpratique àpeuprès fermésauxanciensdétenus.

Nicole Maestracci tient beau-coup au débat public. «Le grandpublic,à conditionqu’onmetteà sadisposition les éléments nécessai-res, est parfaitement en mesure decomprendre et d’intégrer la com-plexité des choses.» Comprendrenotamment que l’incarcérationn’estpaslaseuleréponsepossibleàla délinquance. La conférence deconsensus tournera nécessaire-mentautourd’unepeinedeproba-tion,c’est-à-direunepeine,décidéepar un tribunal, qui s’effectue« dans la communauté »,c’est-à-dire dans la société, avec unstrict suivi.

En 2010, 42% des condamnés lesont pour une infraction au codede la route. Est-il utile d’incarcérertous ces délinquants? 32%de ceuxqui ont été condamnés pourconduite en état d’ivresse ont eneffet recommencé dans les cinqans. Ne peut-on imaginer uneautre façonde combattre et de soi-gner ces addictions? C’est tout lesens de la peine de probation. «Onpeut imaginerà l’avenir qu’il existetrois types de sanctions, la proba-tion, la prison et les amendes, c’estune des pistes possibles, indique laprésidente. Il reste à savoir com-ment rendre crédibles les peines

alternativesà l’incarcération.»Le comité d’organisation va

publier,avantdes’effacer,unesoli-debibliographieetdesfichesdelec-tures, qui seront disponibles sursonsite(conference-consensus.jus-tice.gouv.fr), avec les contributions

écrites des 58 organisations syndi-cales, et bientôt celles des expertsqui plancheront en public les 14 et15 février. Chacun résumera sonpropos en un quart d’heure etrépondra aux questions pendantune dizaine deminutes. «Quand il

yauradesdissensus,onledira,répè-te MmeMaestracci. Ce qui importe,c’est d’expliquer ces désaccords, enfaisantappelàl’intelligencecollecti-ve etau croisementde savoirs diffé-rents.»p

Franck Johannès

«Legrandpublicestparfaitement

enmesuredecomprendrelacomplexitédeschoses»

NicoleMaestracciprésidente du comité

d’organisation

Un jurydeprofessionnelsetdenon-spécialistes

L’avenirdel’universitéprivéeportugaisedeToulonsemblecompromisL’hôpitalqui l’accueillait s’y refusedésormais, leministèreasaisi la justiceet certainsenseignementsauPortugal inquiètent lesprofessionnels

Le jury de consensus va être pré-sidé par une forte personnalité,Françoise Tulkens, une pénalis-te belge bardée de diplômes (etde décorations). Elle a surtoutété juge puis vice-présidente àlaCour européenne des droitsde l’homme jusqu’en 2012, qu’el-le a durablementmarquée deson empreinte.Les dix-neuf autresmembres dujury sont composés pourmoitiéde professionnels du droit, pourl’autre de non-spécialistes, avecune forte représentation de l’in-ternational.DelphineBourgouin est vice-pré-sidente de l’application des pei-nes àBobigny; DavidCharmatz,procureur à Narbonne; LoïcLechon, conseiller pénitentiaired’insertion et de probation à lacentrale deSaint-Martin-de-Ré;Isabelle Larroque, directrice duservice pénitentiaire d’insertionet de probation d’Indre-et-Loire ;AndréPage, directeur du centrepénitentiaire deNantes ; Gene-vièveGiudicelli-Delage, profes-seur de droit à Paris I ; BastienQuirion, professeur de criminolo-gie àOttawa; Jean-LucRivoire,avocat honoraire; ChristianBine-truy représente les associationsde victimes; YazidKherfi se pré-sente comme «consultant enprévention urbaine».Le jury comprend aussi une jour-naliste suisse duTemps, SylvieArsever; une philosophe,MyriamRevault d’Allones, uncommissaire divisionnaire, Jean-Paul Pecquet ; un gendarme, lecolonel PatrickHenry ; unmaire,celui d’Aubervilliers, JacquesSalvator (PS) ; un ancien députéUMP, EtiennePinte; une psychia-tre, Sophie Baron-Laforêt ; uneéconomiste, Annie Fouquet etun responsable d’entreprise d’in-sertion, Christian-Louis Jac-quot.

UngrandjurypourrechercherunconsensussurlarécidiveLesmembresde laconférence,désignésmardi 18décembre, seréunirontenfévrier2013pourfairedespropositionsaugouvernement

L eprojetd’ouvriràToulonuneantennedel’universitéportu-gaise privée Fernando Pessoa

pour former des professionnels desanté (dentistes, orthophonistes,pharmaciens)semble fort compro-mis. Le flou de samise enœuvre afait vivement réagir ses partenai-resetlesautoritésfrançaisesoupor-tugaises.

Ainsi, leCentrehospitalier inter-communal (CHI), qui accueille cet-te filialedel’universitéPessoadansunbâtimentdésaffecté a décidédeneplus l’héberger: «Onnous avaitparlé de sciences humaines, maislorsque nous avons découvert qu’ils’agissait d’études de santé, nousavons décidé de résilier la conven-

tionprécaired’unan», indiqueFré-déric Rodrigues, secrétaire généralduCHI.

De son côté, la ministre de l’en-seignement supérieur et de larecherche, Geneviève Fioraso, ademandéàlarectricedel’académiedeNice de saisir le procureur pourinfraction au code de l’éducation.Car,outrel’utilisationestiméefrau-duleusedumot«université»,réser-vé aux établissements publics, larectricedéplorequeleprojetaitfaitune déclaration incomplète : ilmanque le nom et le curriculumvitae des professeurs, et pour lapharmacie, ladescriptiondes équi-pements, laboratoire, bibliothè-que, jardinmédicinal.

«Ce sont des exigencesminima-les pour former des professionnelsde santé, rappelleGeneviève Fiora-so. Par ailleurs, l’année est facturéeentre 7500 et 9500euros. Je trouvepresque immoral d’exploiter ainsiledésarroidesjeunes.»Ellerappelleque « l’Etat italien a déjà interditdeux foisune telle implantation.»

Les responsables français del’université privée restent évasifs:«J’ai en vue un laboratoire pour lecursus de pharmacie, qui démarre-ra en janvier », indique JacquesLachamp,responsabledecettefiliè-re.«Nousnégocionsavecdesdentis-tes, notammentparisiens, pournosstagiaires en odontologie», assureBruno Ravaz, vice-président.

«Nous délivrerons un diplôme por-tugais, valable dans l’Union euro-péenne, si bien que ces règles nenous sont peut-être pas applica-bles», estimeM.Ravaz, par ailleursavocat, qui envisage de porter l’af-faire devant la Cour de justice del’Unioneuropéenne.

SignalementsLe secrétaire d’Etat à l’enseigne-

mentsupérieurportugais,JoãoFili-peQueiró,est toutaussinet:«L’ex-pression “diplôme portugais” peutfaire croire aux lecteurs qu’il s’agitde diplômes universitaires recon-nus officiellement au Portugal, cequi n’est pas le cas. Les cours quel’université citée dispense au Portu-

gal ont certes été reconnus parl’Agenceportugaised’évaluationetd’accréditation, mais n’ont pasvocationàêtredispensésen France.(…) Eneffet, cetteaccréditationtientcompte des conditions et des lieuxdes cours, du corps enseignant, desinstallations. Elle n’est donc pastransférable par une universitéd’unpays à l’autre. Ainsi, l’universi-té Fernando Pessoa, même dans lecas de diplômes qu’elle octroie, n’apas lacompétencepourdélivrerdesdiplômesportugais enFrance.»

Par ailleurs, l’université Fernan-do Pessoa a été repérée par la Mis-sioninterministérielledevigilanceet de lutte contre les dérives sectai-res (Miviludes), qui met en cause

uneformationdélivréeàPorto(Por-tugal)maisaussiàIvry(Val-de-Mar-ne)en«fasciathérapie»,unetechni-que demassage corporel. «Dans ledomaine de la santé, ces pratiquesque jequalifiede charlatanismecarnonévaluéesscientifiquement,fontsouvent le lit de dérives sectaires»,observe Serge Blisko, président dela Miviludes, qui fait état de plu-sieurs signalements. Le conseil del’ordre des masseurs-kinésithéra-peutesaprévenule22juinque«lestechniquesdefasciathérapienepeu-ventêtreprésentéescommesalutai-res, puisqu’insuffisamment prou-vées et potentiellement illusoi-res».p

IsabelleRey-Lefebvre

12 0123Jeudi 20 décembre 2012