40 reaug 1994 nr. 1-2

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  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    1/579

    Revue des tudes Augustiniennes,

    40 (1994), 1-22

    Pour une histoire de la lecture

    pneumatologique de Gn 2, 7 :

    Quelques jalons jusqu ' Irne de Lyon

    Dans un article paru en 1989, Marie-Odile Boulnois a men une vaste

    enqute sur les exgses patristiques de l' insufflation originelle de Gn 2, 7 en

    lien avec celle de Jn 20, 22

    1

    . En introduction de cet article, elle note que de

    manire gnrale, le verset de

    Gn

    2, 7 a peu attir l'attention des patrologues,

    alors que l ' interprtation de cette premire insufflation est capitale pour

    l'laboration d'une anthropologie, puisqu'elle met en cause l' identification du

    don reu par l'homme la cration

    2

    . Une recherche consacre aux premires

    manifestat ions d 'une anthropologie chrtienne

    3

    nous a conduit la mme

    conclusion que Mme Boulnois en ce qui a trait au rle qu'a jou dans la

    construction de cette anthropologie l' interprtation de Gn 2, 7. Mais elle nous

    a aussi permis de constater que cette interprtation se fonde sur une

    transformation pralable, qui est antrieure au christianisme. En d'autres

    termes, l ' exgse que le chr ist ianisme ancien - y compris le Nouveau

    Testament - a pratique de Gn 2, 7 prsuppose en bonne partie la substitution

    de

    , et cette substi tu t ion, lo in

    d'tre propre aux chrtiens, est

    d'origine juive. Voil ce que nous voudrions mettre en lumire dans le prsent

    article, qui, nous l'esprons, contribuera l'tude de l' interprtation de Gn 2,

    7 que souhaite Mme Boulnois

    4

    . Notre propre enqute se situera cependant en-

    de de la sienne, puisque nous nous arrterons l o celle-ci commence. Ce

    terminus ad quem

    se justifie nanmoins en raison, dans la mesure o Irne de

    Lyon marque une rupture dans l' interprtation pneumatologique de Gn 2, 7.

    1.

    Tel est le sous-titre de cet article intitul Le souffle et l'Esp rit, paru dans les

    Recherches

    augustiennes,

    vol. XXIV, 1989, p. 3-37.

    2.Art. cit.,p. 5.

    3. paratre dans le vol. V du

    Trattato di antropologia del sacro

    des ditions Jaca Book-

    Massimo, M ilan.

    4.

    Cf.

    art. cit.,

    p. 9, n. 22.

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    2

    PAUL-HUBERT POIRIER

    La Sagesse de Salomon

    La plus ancienne attestation d'une comprhension pneumatologique du

    souffle

    ( ) de Gn 2 , 7 est sans doute celle qu offre laSagesse de Salomon,

    Rdig probablement Alexandrie dans la seconde moiti, ou mme le dernier

    tiers,

    du premier sicle avant notre re

    5

    , ce livre prsente, au chapitre 15, une

    reprise ironique de Gn 2, 7 pour l 'appliquer au faonnage par le potier

    d' idoles muettes et sans vie, parce que dpourvues du souffle vital. Le

    vocabulaire caractristique de G 2, 7 y est sans cesse repris, en positif comme

    en ngatif

    6

    , cette exception que la

    de Gn 2,1 y d evient un ,

    celui-ci

    tant communiqu l 'homme au moment de sa cration. Ainsi au v.

    11 : (L 'hom me ) n 'a pas reconnu celui qui l 'a faonn, qui lui a insuffl

    ( - ) une

    me agissante et inspir un esprit vivifiant

    ( - -

    ) ; de mme au . 16 : un homm e les se . les faux-dieux) a faits,

    quelqu un dont le souffle ( - ) es t

    emprunt, les a faonns

    ( ), car

    aucun homme n a le pouvoir de faonner ( ) u n dieu se mb la ble lui

    7

    .

    Philon d Alexandrie

    Aprs le livre de la Sagesse, c 'est chez Philon d 'Alex andrie que l 'on

    enregistre le premier tmoignage d'une lecture pneumatologique de

    Gn

    2, 7.

    Notons tout d 'abord

    8

    que, si Philon connat une forme de

    Gn

    2, 7 selon

    laquelle

    remplace , la plupar t du temps, il conserve le texte t rad i

    tionnel, mais en en donnant une

    interprtation franchement pneumatologique.

    Celle-ci se situe dans le cadre de l'explication que donn e Philon des deux rcits

    de la cration de l'homme en

    Gn

    1 et 2. Comprenant le doublet scripturaire

    la lumire de l 'exemplarisme platonicien, Philon en tire l ' ide des deux

    crations de l'homme, qui lui sert marquer le passage de l' intelligible (G n 1,

    26-27) au sensible et l ' individuel (G n 2, 7). Mais, tout en affirmant la

    supriorit de la premire cration, selon l' image et selon la ressemblance, il

    n'en rserve pas moins la seconde le privilge de la rception du

    d i

    vin. Nous pouvons citer en ce sens le

    dveloppement que le De opificio mundi

    9

    consacre, aux 134-135, Gn 2, 7, et dans lequel Philon dgage la

    signification pour l'homme d'avoir t faonn et non plus seulement fait

    l' image de Dieu :

    Mose dit ensuite : Dieu faonna l'homme en prenant une motte de terre et il

    souffla sur son visage un souffle de vie. Il montre par l trs clairement la

    diffrence du tout au tout qui existe entre l'homme qui vient d'tre faonn ici et

    celui qui avait t prcdemment engendr l'image de Dieu. Celui-ci, qui a t

    5. Cf. C.LARCHER Le livre de la Sagesse ou la Sagesse de Salomon , I{tudesbibliques,

    nouvelle srie, 1), Paris, 1983, p. 159-160.

    6. Cf., p. ex., pour

    , le v. 5b ; p ou r , les v v. 7a et 8b ; p ou r , l es v v.

    7bc, 8a, l i a et 16bc ; ^ - , le v . I le ; pour , l e v. I l e .

    7. Trad modifie) A. GUILLAUMONT,dans

    La

    Bible,AncientTestament II Bibliothque

    de la Pliade),Paris, 1959.

    8. la suite

    d

    eTh.H. TOBIN,

    The Creation

    of

    Man : Philo and the History

    of Interpretation

    (The

    Catholic

    Biblical

    Q uaterly,

    Monograph Series, 14), Washington, 1983, p. 78. n. 62.

    9. d. et trad. R. ARNALDEZ,

    Les uvres de Philon d Alexandrie,

    vol. 1, Paris, 1961.

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    LA LECTURE PNEU MATOLOGIQUE DE GN. 2,7

    3

    celui qui avait t prcdemment engendr l'image de Dieu. Celui-ci, qui a t

    faonn, est sensible

    ;

    il participe dsorma is la qualit ; il est compos de corps et

    d'me ; il est homme ou femme, mortel par nature. Celui-l, fait l'image de Dieu,

    c'est une ide, un genre ou un sceau ; il est intelligible, incorporel, ni mle ni

    femelle, incorruptible de nature. Quant l'homme sensible et individuel, Mose dit

    qu'il est, dans sa constitution, une combinaison de substance terrestre et de souffle

    divin. En effet, le corps a t cr du fait que l'artiste prit une motte et en forma une

    figure hum aine ; au contraire l'me ne vient absolument de rien de cr , mais du

    Pre et Matre de l'univers. Car ce qu'il a insuffl n'tait rien d'autre que le souffle

    divin ( ) qui a dtach de cette nature fortune et bienheureuse une

    sorte de colonie parmi nous, pour le bien de notre race, afin que, m ortelle par sa

    partie visible, elle ft du moins imm ortelle par sa partie invisible. Aussi pourrait-on

    trs bien dire que l'homme est la limite de la nature mortelle et de la nature

    immortelle, dans la mesure o il participe ncessairement de l'une et de l'autre, et

    qu'il est la fois mortel et immortel, mortel selon le corps, mais selon la pense,

    immortel.

    Malgr son caractre second, l 'homme n de la terre de

    Gn

    2, 7 n 'en

    possde pas moins une excellence qui le distingue de ceux qui devaient le

    suivre, excellence qui lui vient notamment de ce qu'il est o

    du p ro pre L og os de D ieu :

    Dieu en effet semble ne

    s'treservi pour le fabriquer, d'aucun autre modle pris

    dans le devenir, mais uniquement, comme je le disais, de son propre Logos. Aussi

    Mose dit-il que c'est une reprsentation de ce Logos qu'e st devenu l'hom me vivifi

    par le souffle au visage

    ( - ) (139).

    Les Legum allegori

    10

    , commentant Gn 2, 7, tmoignent de la mme lecture

    pneumatologique :

    Et Dieu faonna l'homme en prenant une motte de terre, et il insuffla sur sa face un

    souffle de vie

    ( ) , et l hom me fut

    engendr en me vivante. Il y a

    deux genres d'hommes : l'homme cleste et l'homme terrestre. L'homme cleste,

    en tant que n l'image de Dieu, n'a pas de part une substance corruptible et en

    un mot pareille la terre ; l'homm e terrestre est issu d'un e matire parse, qu'il a

    appel une motte : aussi dit-il que l'homme cleste a t non pas faonn, mais

    frapp l'image de Dieu, et que l'homm e terrestre est un tre faonn, mais non

    engendr par l'artisan. Mais il faut rflchir que l'homme de terre, c'est

    l'intelligence au moment o Dieu l'introduit dans le corps, mais avant qu'elle y

    demeure introduite. Cette sorte d'intelligence serait en vrit semblable la terre et

    corruptible, si Dieu ne lui insufflait pas ( - ) un e p uis sa nc e d e v ie

    vritable

    ;

    en ce cas, en effet, elle est engendre et non plus faonne en une

    me qui n'est pas inactive et dpourvue de la frappe divine, en une me intelligente

    et rellement vivante:L'homme, dit-il, fut engendr

    11

    en me de vie (I, 31-32).

    10.

    d. et trad. Cl. MONDSERT,

    Les uvres de Philon d Alexandrie,

    vol. 2, Paris, 1962.

    11.

    Je traduirais plus volontiers, ici et ailleurs, par

    devint

    ( )

    me vivante (cf. le

    Philon de la

    Loeb

    Classical Library

    1,

    p. 169).

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    4

    PAUL-HUBERT POIRIER

    Il est intressant de noter qu'une telle lecture pneumatologique semble en

    quelque sor te s ' imposer Philon bien qu'e l le soit plus ou moins en

    contradiction avec son affirmation de la supriorit de la premire cration sur

    la seconde. Philon sent d'ailleurs la difficult, qui l'amne poser la question

    suivante : On peut chercher pourquoi en gnral Dieu a jug digne d'un

    esprit divin

    ( - ) l in te llig en ce

    ne de la terre et amie du corps,

    et non l' intelligence ne sa ressemblance et son image (I, 33). Il dira aussi,

    en I, 36, que le

    - ( il in su ffla) d e Gn 2 , 7

    quivaut

    - (il

    inspira), ce qui lui permet de

    rinterprter en termes pneumatiques les

    lments du verset biblique : Tpva yp

    , , ,

    - , ,

    E n effet, trois choses sont requ ises : ce q ui

    souffle, ce qui reoit, ce qui est souffl. Ce qui souffle, c'est Dieu ; ce qui

    reoit, c'est l' intelligence ; ce qui est souffl, c'est le souffle (I, 37). C'est

    d'ailleurs la possession du souffle qui seule permet l'me d'accder la

    connaissance de D ieu (I, 38).

    Que Philon reprenne ici une interprtation traditionnelle ressort du fait qu'il

    maintient sa lecture pneumatologique tout en tant bien conscient qu'elle n'est

    pas supporte par la lettre de

    Gn

    2, 7 :

    Il a dit: souffle lger

    ( ) et non souffle ( ) , parce qu i l y a une

    diffrence:le souffle

    ( ) contient les notions de force, de tension et de

    puissance; et le souffle

    lger

    ( ) est comme une brise et une exhalaison

    paisible et douce.Onpourrait doncdire que intelligence,ne

    l'image

    de Dieu

    et

    selon l'ide, a particip au souffle

    ( ) car

    l'activit de sa pense adela

    vigueur, et l'autre, qui est de matire lgre et plus subtile, une brise qui est

    comme une de ces manations venant des plantes aromatiques : mme si on

    conserve celles-ci sans les brler,

    elles

    dgagent

    une

    odeur agrable (1,42).

    Flavius Josephe

    Aprs Philon d'Alexandrie, si nous restons dans le judasme hellnistique,

    c'est chez Flavius Josephe que nous voyons rapparatre, mais sans qu'elle soit

    dveloppe ni thorise comme chez Philon, la lecture pneumatologique de Gn

    2,

    7 : Aprs le septime jour, Mose commence disserter sur les choses de

    la nature ; et sur la formation de l 'ho m m e, il dit ceci : Dieu faonna

    ( ) l h om m e en pre na nt de la

    poussire de la terre, puis il introduisit en

    lui un esprit

    ( ) et une

    me

    (Antiquits juives

    I , 34)i

    2

    . Cette rcriture

    de

    Gn

    2, 7 est d'autant plus intressante que c 'est spontanment, pour

    reprendre le mot de Dom Jacques Dupont^, en dehors de tout cadre

    interprtatif, que Josephe mentionne le .

    12.d.

    et trad, (modifie)

    Et.

    NODET,

    Flavius Josephe

    /- //, Paris, 1990.

    13.

    VoirGnosis.

    La connaissance religieuse dans les pitres de saint

    Paul,Paris-Louvain,

    1960, p. 173.

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    LA LECTURE PNEUMATOLOGIQUE DE GN. 2, 7

    5

    Paul

    Dans le christianisme, l' interprtation pneumatologique de Gn 2,1 s'est trs

    tt manifeste au point qu'on puisse en relever des traces chez Paul, et tout

    d'abord en conclusion de sa plus ancienne lettre, en 1

    T h

    5, 23. Ce texte a t

    bien tudi par A.-J. Festugirei

    4

    , qui a montr que Paul y reprend le schma

    traditionnel de l'anthropologie tripartite

    ~ - ~ VOO

    , mais en

    substituant au

    le . Il ne s agit c ep en dant p as d u

    stocien,

    mais d'un conceptjuif,ou du m oins labor en fonction de textes juifs

    15

    . Ces

    textes sont prcisment ceux, entre autres, de Philon d'Alexandrie et de Flavius

    Josephe que nous avons cits. La mme exgse de Gn 2,7 se retrouve dans un

    autre passage de Paul, 1 C o 15, 45-47, o il dveloppe l'antithse psychique ~

    pneumatique. R. Morissettei

    6

    a tabli propos de ce texte que les versets 45 et

    47 constituent un midrash de Gn 2,1, dont ils reprennent les lmen ts en les

    inversant, de la manire suivante :

    Gense 2 1C orinthiens 15

    7c

    45

    -

    7b - 45 b

    7 a K a l 47a

    Depuis fort longtemps, on

    s est

    interrog, propos de ce passage, sur

    l'origine de l'antithse

    ~ . S il

    n'apparat pas possible de

    dterminer de faon prcise le lieu d'origine de cette terminologie, il est sr,

    en revanche, qu'elle requiert, en arrire-plan, une interprtation de

    Gn 2,1

    semblable celle que l 'on trouve dans le judasme hellnistiquei

    7

    et dont

    Philon d'Alexandrie et Flavius Josephe, et, avant eux, la

    Sagesse de Salomon,

    sont les tmoins ; une interprtation qui comprenait la

    de Gn 2,1 dans le

    sens du b ib liq ue .

    Malgr la reprise polmique que Paul fait de cette

    interprtation, en relguant en dernier lieu l 'apparition du second homme,

    venu

    ( . 4 7 ), il y a d on c u ne remarqu ab le

    continuit de la tradition

    dans l'utilisation de Gn 2, 7. C'est la comprhension que l'on avait de ce texte

    14.Dans un article de 1930 repris dans

    L idalreligieuxdes Grecs etVEvangile {tudesb i

    bliques),

    Paris, 1932, p. 196-220.

    15.

    Voir

    ar t. cit., p.

    212.

    16.

    Voir L'antithse entre le "psychique" et le "pneum atique" en I Corinthiens, XV, 44

    46,

    Revue des sciences religieuses

    46 (1972) 97-143 , sp. p. 98.

    17. Cf. R. A. HORSLEY, Pneumatikos vs. Psychikos distinctions of spiritual status

    among the Corinthians,

    Harvard

    Theological

    Review

    69 (1976), p. 274-280.

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    6

    PAUL-HUBERT POIRIER

    dans le judasme hellnistique qui permit Paul de construire son antithse du

    psychique et du pneumatique, en tirant matriellement

    i8

    le - de la -

    de

    Gn

    2 , 7 c , e t le - , , d u n e

    rinterprtation de la

    la lumire

    du

    vtro-testamentaire.

    Justin

    Laissons maintenant Paul pour passer Justin. Nous nous arrterons au long

    passage qu'en ouverture de son

    Dialogue

    i 9

    , en 4, 1-6, 2, Justin consacre la

    critique de la doctrine de l 'me des philosophes. Dans ce dveloppement

    20

    ,

    Justin, encore platonicien, est conduit par le mystrieux vieillard qu'il vient de

    rencontrer, remettre en cause la doctrine platonicienne de la

    - de

    l 'me avec Dieu en raison de son immortalit. Aprs avoir fait admettre

    Justin que les philosophes n'ont pas su dire ce qu'est l 'me {Dial. 5, 1),

    puisqu' ils l 'ont crue immortelle et inengendre alors que la vie ne lui

    appartient pas en propre comme elle appartient Dieu

    > -

    Dial.

    6, 2), le vieillard conclut

    l'change par ces

    mots :

    De mme que l'hom me n'existe pas perptuellement, et que le corps ne subsiste pas

    toujours uni l'me, mais que, lorsque cette harmonie doit tre dtruite, l'me

    abandonne le corps et l'homme n'existe plus, de mme aussi, lorsque l'me doit

    cesser d'tre, l'esprit vivifiant s'chappe d'elle ; l'me n'existe plus et s'en

    retourne son tour l d'o elle avait t tire Dial.6, 2).

    D'aprs ce texte, l 'homme est compos de trois lments

    (

    , - , , dont les deux derniers form ent une qu i

    n est pas

    appele perdurer, puisqu'en dfinitive, ils doivent leur subsistance

    dans l'tre l'esprit vivifiant.

    Nous avons ici une trichotomie qui est oppose par le vieillard la

    dichotomie platonicienne du

    et de la - im m ortelle e t

    inengendre.

    Comme l'a bien vu J. C. M. van Winden, dans son commentaire

    2

    , le

    qui co uro nn e le

    compos humain et lui permet de subsister est

    l ' vidence appel par

    G 2, 7 relu dans une tradition que nous avons

    rencontre dj plusieurs reprises et qui remplace la

    par le . En

    effet, l e xp re ss io n se re tro uv e en Sg 15, 11, verset qui, nous

    l avons

    not, paraphrase Gn 2, 7. La pratique d'une lecture pneumatologique

    du texte de la Gense est suffisamment atteste depuis le I

    er

    sicle avant notre

    re pour qu'on puisse douter que c'est bien l

    arrire-plan de Justin. Mm e

    si , par ailleurs, Justin souscrit la dichotomie platonicienne (cf. Apol. I, 8, 4),

    18.

    Cf. J. DUPONT,

    op. cit.,

    p. 172.

    19.

    d. et trad. G. ARCHAMBAULT,

    Ju stin. Dialogue avec T ryphon (Textes et Docum ents),

    Paris,

    1909.

    20 .

    Sur lequel on consultera le commentaire dtaill de J. C. M. Van WINDEN,

    An Early

    Christian Philosopher. Justin M artyr s Dialogue with Trypho Chapters O ne to Nine.

    Introduction, Text, Commentary

    PhilosophiaPatrum,

    1), Leiden, 1971.

    21 .

    Van WINDEN,

    op. cit.,

    p. 105.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

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    LA LECTURE PNEUMATOLOGIQUE DE GN.2,7

    il reste que, dans leDialogue, il est plus proche de la triade chrtienne ~

    > ~

    2 2

    .

    Taen

    Tatien ne cite pas une seule foisGn 2,1 dans sonDiscours aux Grecs

    23

    , mais

    il mrite nanmoins qu'on s'y arrte en raison de sa doctrine de l'esprit ou,

    plus exactement des esprits. Malgr les difficults que prsente l'interprtation

    des donnes pneumatologiques duDiscours,celles-ci ne sont pas sans lien, nous

    semble-t-il, avec ce que nous avons rencontr jusqu' maintenant. Tatien

    considre divers aspects de cette doctrine, qu'il aborde d'abord sous l'angle de

    la thologie entendue au sens strict :

    Notre Dieu n 'a pas de commencement dans le temps,

    il

    est seul sans principe et lui-

    mme est le principe de toute chose. Dieu est un esprit (

    )

    2 4

    ; il ne

    se

    rpand pas

    travers

    la

    matire

    ov

    - ) , m ais

    il est le

    crateur des esprits matriels

    ( - ) et des formes qui sont en

    elle. On ne peut le voir ni le toucher

    c est

    lui qui est le

    pre des choses sensibles et

    des choses invisibles (4,

    1-2 ; p. 4,

    29-5,

    5

    Schw artz).

    Dans ce premier passage, Dieu est dfini comme

    , et il est

    aussitt

    qualifi de faon ngative : - qui ne serpand pas

    travers la matire. La suite de ce chapitre 4, qui affirme la transcendance de

    Dieu mais dans le cadre d'une polmique anti-idoltrique, prcise la nature de

    cet esprit :

    C'est

    pour nous

    que le

    soleil

    et la

    lune

    ont t

    crs, comment donc pourrais-je

    adorer ceux qui sont mes serviteurs

    ?

    Comm ent pourrais-je dclarer dieux du bois

    et des pierres

    ?

    Car l'esprit qui se rpand

    travers

    la

    m atire

    (

    )

    est

    infrieur

    l'esprit plus divin

    ( -

    ) )

    ;

    commeil est

    assimil

    l 'me

    25

    ,

    on ne

    doit

    pas lui

    rendre

    les

    mmes honneurs

    qu'au Dieu parfait (4,

    2

    ; p .

    5,

    8-12 Schwartz).

    Avant de voir comment, dans la suite du Discours, Tatien dveloppe et

    prcise dans une perspective anthropologique sa thorie des esprits, il n'est pas

    inutile d'essayer d'organiser les donnes du chapitre 4. On y trouve en effet

    22 .

    Quoi qu'en dise G. ARCHAMBAULT,

    op. cit.,

    1.1, p. 34, n.

    ad

    loc.

    23 .

    d. M.WHITTAK ER,

    Tatian

    Oratio

    ad

    Grcos

    and

    Fragments {Oxford

    Early Christian

    Texts),

    Oxford, 1982 (qui conserve la pagination et la lination de l'dition de Schw artz) ; trad.

    A. PUECH,

    R echerches sur leDiscoursaux G recs de T atien suivies d une traduction franaise

    du

    Discours

    avec notes

    (Universit de Paris,

    Bibliothque

    de la Facult des Lettres,

    17), Paris,

    1903,p.

    107-158.

    On

    trouvera chez M. SPANNEUT,

    Le stocisme

    des

    Pres

    de

    glise.

    De

    Clment de Rome

    Clmen t d Alexandrie, Patristica sorbonensia,

    1, Paris, 1960, p.

    138-

    140,

    la traduction de quelques textes de Tatien, dont nous nous sommes inspir

    l'occasion.

    24.

    Formule identique

    Jn

    4,2 4, m ais faut-il y voir une citation du quatrime vangile ? Elle

    n'est,

    en

    tout cas, pas retenue comme telle par la

    Biblia

    patristica

    (vol. 1, Paris , 1975, p. 391),

    non sans raison tant donn le caractre gnral qu'elle prsenteetl'arrire-plan philosophique

    des dveloppements de Tatien sur le .

    25 .

    Assimil

    la

    matire,

    si l'on

    adopte

    la

    correction de Schwartz ; m ais nous prfrons

    suivre le texte des manuscrits, comme le fait d'ailleurs Puech

    (o p. cit.,

    p. l

    3

    n.

    4).

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    8/579

    8

    PAUL-HUBERT POIRIER

    trois entits distinctes :

    l esprit

    qui est Dieu, lequel

    (se.

    Dieu ) est aussitt dit

    ne pas se rpandre travers la matire ; Vesprit qui se rpand travers la

    matire, assimil l'me, et infrieur Vesprit plus divin. Devant une telle

    enumeration, on peut se poser une premire question : l 'esprit qui est Dieu

    est-il identique l 'esp rit plus divin ? On serait tenter de le penser

    premire lecture, mais le comparatif fait douter. Nous y reviendrons. Mais

    l'origine du vocabulaire qu'emploie ici Tatien ne saurait, quant elle, prter

    hsitation, et en particulier l'expression

    )

    ) :

    ce vocabulaire est clairement

    stocien

    26

    . Mais pour Tatien, il ne fait pas de

    doute que le fait de d ire, d'un ct, de Dieu qu 'il est esprit et qu 'il (se. Dieu)

    ne se rpand pas travers la matire, et de lui opposer, de l'autre, un esprit

    infrieur, qui se rpand travers la matire et est assimil l'me,

    constitue la fois une critique de la conception du

    -

    me du monde,

    divinis, immanent toute chose, et une acceptation de cette notion, une fois

    dpouille de son caractre divin. Nous verrons cependant que Tatien ne se

    satisfait pas d'exclure le pneuma stocien de la sphre du divin, il instaure entre

    lui et le Dieu parfait, un esprit plus divin.

    Venons-en maintenant aux chapitres 12 15, o Tatien prsente sa

    pneumatologie en regard de sa doctrine de l 'me humaine. Il commence par

    noncer une proposition qu'il dveloppera par la suite:

    Nous savons qu'il y a deux espces diffrentes d'esprits

    ( -

    ) , dont l un s appelle

    l'me, et l'autre est suprieur l'me, (tant)

    image et ressemblance de Dieu; l'un et l'autre se trouvaient chez les premiers

    hommes, de faon qu'ils fussent en partie matriels, en partie suprieurs la

    matire (12, 1; p. 12, 18-21 Schwartz).

    Suit un dveloppement qui montre la communaut de constitution et

    d'origine du monde, du corps humain et des dmons, puisque toute la

    constitution du monde et la cration dans son ensemble sont nes de la matire,

    et que la matire elle-mme a t produite par Dieu, de telle sorte que, avant

    d'avoir t distingue en ses lments, elle tait sans qualit et sans forme, et

    qu'aprs cette division elle fut ordonne et rgle (12, 1 ; p. 12, 22-26

    Schwartz). D'o la conclusion: Il y a donc un esprit dans les astres, un esprit

    dans les hommes, un esprit dans les animaux ; et cet esprit, qui est un et le

    mme, a cependant en lui-mme des diffrences. Il semble bien que cet esprit

    soit identifier, d'une part, l'me du monde stocienne, pareillement une et

    la mm e, et affecte de nom s div ers (cf. S V F II 1021) et, d'a utr e p art, la

    - dont parle Tatien au

    dbut du chapitre 12.

    Quant l'me humaine, qui ne peut chapper la mort qu'en acqurant la

    connaissance de Dieu (cf. 13, 1), par elle-mme elle n'est que tnbres, et

    rien de lumineux n'est en elle, et c'est l ce qui a t dit : "Les tnbres ne

    reoivent pas la lumire" (13, 1 ; p. 14, 16-18 Schwartz). Ds lors, elle ne

    peut d'elle-mm e possder vie et salut :

    26 .

    Cf. l'index des

    Stoicorum veterum fragmenta,

    IV, Stuttgart, 1924, p. 41.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    9/579

    LA LECTURE PNEUMATOLOGIQUE DE GN. 2, 7

    9

    Ce n'est donc

    pas

    l 'me

    qui a

    sauv l'esprit

    ;

    elle

    a t

    sauve

    par

    lu i

    27

    ; et la

    lumire

    a

    reu les tnbres,

    en

    tant que

    la

    lumire de Dieu est verbe,

    et

    que l'me

    ignorante

    est

    tnbres. C'est pourquoi l'me livre

    elle-mme s'abme dans

    la

    matire

    et

    meurt avec

    la

    chair

    ;

    mais

    si

    elle possde l'union avec l'esprit divin

    ( - - ... - ) , elle ne m an qu e p lu s d a id e; e lle

    monte vers les

    rgions

    o la

    guide l'esprit, car c'est en haut qu'il

    a

    sa demeure,

    et

    c'est en bas qu'elle

    a

    son origine (1 3, 1-2; p. 14, 18-26 Schw artz).

    D'aprs ce texte, on aboutit une structure trichotomique forme des

    lments suivants : l'esprit divin, l'me, la chair. Dans la suite, Tatien prcise,

    au sujet de l'esprit divin, qu'il

    s'agit

    de celui de Dieu, que l'me possdait

    l'origine, mais qui ne se trouve plus en tous ;

    c'est

    lui seul qui permet de

    connatre Dieu :

    Ds l'origine l'esprit

    se fit le

    compagnon ( )

    de

    l 'me

    ;

    mais l'esprit

    l'abandonna quand ellenevoulutpas lesuivre. Elle gardaitunetincellede sa

    puissance

    ;

    spare de lui, elle ne pouvait voir les choses parfaites

    ;

    elle cherchait

    Dieu

    et

    dans son erreur elle se forma des dieux multiples, suivant les contrefaons

    des dmons. L'esprit de Dieu n'est point en tous ; mais en quelques-uns seulement

    qui vivent justement

    il est

    descendu,

    s'est

    uni

    leur m e,

    et par

    ses prdictions

    a

    annonc aux autres mes les choses caches ;etcelles qui ont obi lasagesse ont

    attir l'esprit qui leur est apparent

    ( - ), tandis que celles qui

    ne l ont pas

    coute

    et qui ont

    rpudi

    le

    ministre

    du

    Dieu

    qui a

    souffert

    (

    6 ) se sont

    montres

    les

    ennemies

    de

    Dieu

    plutt que ses adoratrices (1 3, 2-3 ; p. 14, 26-15, 7 Schwartz).

    La perspective dcrite par le texte que nous venons de citer (voir aussi 7, 3 ;

    p .

    7, 29-31 Schwartz : Celui-l qui avait t fait l'image de Dieu, l'esprit le

    plus puissant s'tant retir de lui, est devenu mortel) commande l'idal qui est

    propos l'homme : retrouver la - - de l'me avec l'esprit divin (13,2 ;

    p .

    14, 22-23 Schwartz) :

    Il faut donc

    que

    nous cherchions

    retrouver maintenant

    ce que

    nous avions

    autrefois, mais que nous avons perdu ; que nous unissions notre me

    l'esprit saint

    et que nous nous donnions de la peine pour l'union selon Dieu

    (

    - - ) ( 15, 1 ; p. 16,4-6Schwartz).

    Cet assemblage, ou accouplement, se ralisera en procurant l'homme de

    chair et d'me, ce par quoi il est image et ressemblance de Dieu, c'est--dire

    l'esprit saint ou divin :

    L'me

    des

    hommes

    est

    forme

    de

    plusieurs parties

    et non

    simple.

    Car

    elle

    est

    compose, de m anire tre visible par le moyen du corps ; par elle-mm e, en effet,

    elle ne serait jamais visible sans le corps,

    et la

    chair non plus ne ressuscite pas sans

    l'me. Car l'homme n'est pas, comme

    le

    prtendent les dogmatiseurs

    la

    voix

    de

    corbeau, un tre raisonnable

    ( )

    2 8

    , capable de recevoir l intelligence

    et la science : on montrerait, selon eux, que les

    tres privs

    de

    raison peuvent

    recevoir l'intelligence

    et la

    science. Mais l'homme

    est

    seul l'image

    et la

    27.

    Cette phrase

    a une

    coloration polmique, peut-tre dirige contre

    la

    valorisation

    stocienne de l'me du monde.

    28.

    Dfinition scolaire

    que ni

    Justin

    (cf.

    Dialogue

    93, 3) ni le

    Pseudo-Justin

    De

    resurrectione

    8) ne craignent de reprendre leur compte.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    10/579

    10

    PAUL-HUBERT POIRIER

    ressemblance de Dieu, et j'appelle homme non celui qui se conduit comme les

    animaux, mais celui quis'estloign bien loin de l'humanit pour se rapprocher de

    Dieu lui-mm e. J'ai dvelopp tout cela plus exactement dans mon trait Sur les

    animaux

    ;

    mais maintenant ce qu 'il faut

    dire,

    c'est ce que signifie

    :

    tre l'image et la

    ressemblance de Dieu. Ce qu'on ne peut comparer ne peut tre rien d'autre que

    l'tre en soi ; ce qu'on compare n'est rien d'autre que le semblable

    (

    ) . Or le Dieu parfa it n a pas de chair, mais l homme es t chair l'me est

    le lien de la chair

    ( ) , et la c hair est ce qui co ntien t ( )

    l'me. Si la

    forme d'un tel arrangement est comme un tem ple, Dieu veut y habiter par le moyen

    de l'esprit, son reprsentant

    29

    . Mais, si l'habitation n'est point telle, l'homme ne

    l'empo rte sur la bte que par la parole articule ; pour le reste, il mne la mme vie,

    n'tant pas la ressemblance de Dieu (1 5,1-3 ; p. 16, 6-27 Schwartz).

    Ici encore, nous retrouvons une division trichotomique de l 'tre humain,

    identique celle du chapitre 13, sauf que ses lments constitutifs sont

    autrement qualifis :

    - =

    =

    Il est

    noter que cette trichotomie est avance par Tatien dans une vise

    polmique : l 'homme ne saurait tre, comme l 'enseignent les philosophes, un

    pur

    , et s il peut

    tre

    , c est pour

    autant qu il

    possde un

    , un

    lment qui fonde sa parent avec le

    divin. Cet lment, c'est l'esprit, ambassadeur du Dieu la ressemblance

    duquel l'hom m e est fait, en mm e temps qu 'il est parent (cf. 13, 3,

    )

    des

    mes dociles la sagesse.

    Au dbut de cet examen de la pense anthropologique de Tatien, nous nous

    sommes interrogs sur la nature des diffrents q u i l fait i nte rv en ir.

    Nous pouvons maintenant, la lumire des textes qui ont t invoqus, revenir

    cette question capitale pour la comprhension de son anthropologie.

    L'analyse a confirm qu'il y a chez Tatien trois esprits : le

    premier

    est Dieu

    lui-mme, appel esprit en 4, 2 (p. 5, 2 Schwartz), appellation galement

    applique au verbe, esprit fait depuis l'esprit (7, 1 ; p. 7, 6 Schwartz) ; quant

    au

    troisime,

    il n'est autre que le

    stocien,

    - (4, 2 ;

    p.

    5, 10 Schwartz),

    la fois me du monde et me individuelle (12, 1 ; p. 12,

    18-19 Schwartz), esprit matriel

    ( , 12 , 3 ; p . 13, 11 Schwartz) partout

    le

    mme, mais susceptible de prendre toutes les formes et de recevoir toutes les

    appellations (cf. 12, 5 ; p. 13, 30-31 Schwartz).

    29 .Le texte grec porte: . Cette expression peut tre

    traduite de deux faons diffrentes. Selon la premire (notre traduction, la suite de Otto et de

    Whittaker), on comprendra que Dieu n'habite pas directement dans l'me, mais qu'il est prsent

    par l'intermdiaire de l'esprit, son ambassadeur;quant la seconde traduction (par le moyen

    de l'esprit suprieur, Puech), elle a en sa faveur que Tatien qualifie plusieurs reprises le

    par un comparatif. Il est difficile de trancher entre ces deux

    possibilits.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

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    LA LECTURE PNEUMATOLOGIQUE DE GN. 2, 7

    11

    En ce qui concerne le

    deuxime

    esprit men tionn par Tatien , il est mo ins

    facile de dfinir exactement sa nature. Mais ce qui ressort clairement des textes

    que nous avons ex amins, c'est ce qui touche :

    (1) sa situation et sa fonction : il est au sommet de la trichotomie

    anthropologique (cf. 13, 1-3 et 15, 1-3),

    de Dieu et d e

    l 'me, tout en lui tant suprieur (12, 1) ; compagnon originel de l'me (cf.

    13 ,

    2), il l 'abandonne si elle est dsobissante et ne subsiste plus en elle que

    comme tincelle

    (ibid.)

    ; mais il descend chez les justes qui deviennent ses

    prophtes (cf. 13, 3). Procurant l'me l' immortalit (cf. 13, 2), il est image

    et ressemblance de Dieu et, ce titre, il dfinit l'homme vritable (15, 1).

    (2) ses appellations : il est tout la fois l'esprit divin (13, 2), plus divin

    (4,

    2), esprit saint (15, 1), esprit plus puissant (7, 3). Il est encore dit

    reprsentant de Dieu (15, 2) et ministre du dieu qui a souffert (13 , 3).

    Pour dterminer la nature exacte, ou le statut ontologique, de cet esprit, il

    faut considrer l'ensemble des indications parses que livre le Discours aux

    Grecs. Disons tout d'abord qu'il ne peut tre identifi avec Dieu, puisqu'il en

    est le reprsentant ; et pas davantage au verbe, tant le ministre du Dieu qui a

    souffert, c'est--dire du verbe incarn

    30

    . Par ailleurs, il est, ds l'origine, ce

    qui relie l'me au divin, il la mne avec lui vers le haut (13, 2) ; inspirateur

    des prophtes, il est prsent aux mes qui ont obi la sagesse (13 , 3 ; p. 15,

    4 Schwartz). Ds lors, il semble difficile de voir dans cet esprit une

    christianisation pure et simple de

    stocien

    3

    . Nous dirions plutt

    que par son statut d'envoy et de ministre, d' inspirateur et d'tincelle

    ( ) , il rempli t une fonc tion ana logue celle du chez

    Justin, en

    mme temps qu'il se rapproche du

    de la t radit ion sapientiel le

    juive qui couronne les trichotomies de Paul et de Justin.

    Les gnostiques

    Il ne saurait

    tre question de procder ici un examen de l'ensemble des

    sources, directes ou indirectes, qui donnent accs la thologie des gnostiques.

    Nous nous contenterons de retenir deux tmoignages qui illustrent le recours

    des docteurs valentiniens

    Gn

    2, 7, en mme temps que la diversit de leur

    attitude face la tradition interprtative dont nous avons identifi quelques

    jalons.

    Le premier tmoignage que nous retiendrons est celui de la Grande

    Notice d'Irne, c'est--dire l'expos de la doctrine de Ptolme, disciple de

    Valentin, qui occupe les neuf premiers chapitres du livre I de

    YAdversus

    hreses

    32

    .

    D'ap rs ce texte, l 'anthropologie valentienne s'enracine dans les

    30 .

    Ce qui nous amne voir dans le y du

    Discours aux Grecs

    le verbe incarn, ou le

    Christ, ce sont les reprises du prologue de

    Jn

    que comporte le

    Discours.

    31 .

    Comme l'affirme M. SPANNEUT,

    op. cit.,

    p. 139 ; nous lui accordons cependant qu 'il y

    a une parent fonctionnelle entre le de Tatien et stocien.

    32 .

    d., trad, et annotation : A. ROUSSEAU, L. DOUTRELEAU,

    Sources chrtiennes

    263-

    264,Paris, 1979. Cette Grande Notice a fait l'objet d'une tude critique approfondie de la part

    de Franois Sagnard dans son livre intitul

    La Gnose valentinienne et le tmoignag e de saint

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    12/579

    12 PAUL-HUBERT POIRIER

    trois lments issus, en dernire analyse, du trouble survenu dans le Plrme :

    Il existait donc ds lors trois lments, d'aprs eux : l'lment provenant de la

    passion, c'est--dire la matire ; l'lment provenant de la conversion, c'est--

    dire le psychique ; enfin l'lment enfant par Achamoth c'est--dire le

    pneumatique Adv. hr.I, 5, 1). C'est la formation ( ) du second

    de ces lments que va dsormais s'occuper Achamoth : Cependant elle

    n'avait pas le pouvoir de former l'lment pneumatique, puisque cet lment

    lui tait consubstantiel. Elle se tourna donc vers la formation de la substance

    issue de sa conversion, c'est--dire de la substance psychique

    (

    - ) Adv. hr.I, 5, 1). Elle forme tout d'abord celui qui est le Dieu, le

    Pre et le Roi de tous les tres, tant de ceux qui lui sont consubstantiels,

    c'est-

    -dire des psychiques, qu'ils appellent la droite , que de ceux qui sont issus de

    la passion et de la matire et qu'ils nomment la gauche . C'est le Mre-

    Pre , Sans Pre , Dmiurge et Pre ; ils le disent Pre des tres de

    droite, c'est--dire des psychiques, Dmiurge des tres de gauche, c'est--dire

    des hyliques, et Roi des uns et des autres Adv. hr. I, 5, 1). Tous les tres

    extrieurs au Plrme (5, 2), le Dmiurge s'imagina qu'il les produisait de

    lui-mme, mais en ralit il ne faisait que raliser les productions

    d'Achamoth Adv. hr. I, 5, 3) ; mme, il se crut seul Dieu et dit par la

    bouche des prophtes : C'est moi qui suis Dieu, et en dehors de moi il n'en est

    point d'autre Adv. hr. I, 5, 4). C'est ce mme Dmiurge qui procde la

    cration de l'homme :

    Lorsque

    le

    Dmiurge

    eut

    ainsi fabriqu

    le

    monde,

    il fit

    aussi l'homme choque,

    qu 'il tira, non de cette terre sche, mais de

    la

    substance invisible, de

    lafluidit

    et de

    l'inconsistance

    de la

    matire. Dans

    cet

    homme, dclarent-ils,

    il

    insuffla ensuite

    l 'homme psychique.

    Tel est

    l 'homme

    qui fut

    fait selon l'image

    et la

    ressemblance. Selon l'image d'abord : c'est l'homme hylique, proche de Dieu

    33

    ,

    mais sans

    lui

    tre consubstantiel. Selon

    la

    ressemblance ensuite

    :

    c'est l'homme

    psychique.

    De l

    vient que

    la

    substance

    de ce

    dernier

    est

    appele esprit

    de

    vie

    ( ) , car elle provient d u n

    coulement spirituel. Puis, en dernier lieu,

    disent-ils, l'homm e

    fut

    envelopp de

    la

    tunique de peau :

    les en croire, ce serait

    l'lment charnel perceptible par les sens. Quant

    l'enfantement qu'avait produit

    leur Mre, c'est--dire Achamoth,

    en

    contemplant

    les

    Anges

    qui

    entouraient

    le

    Sauveur, il tait consubstantiel celle-ci, donc pneumatique:c'est pourquoi il resta,

    disent-ils, lui aussi, ignor du Dmiurge. Il fut dpos secrtement dans le

    Dmiurge,

    l'insu

    de

    celui-ci, afin d'tre sem

    par

    son entremise dans l'me

    qui

    proviendrait de lui, ainsi que dans

    le

    corps hylique

    :

    ainsi port dans ces lm ents

    comme dans une sorte de sein,

    il

    pourrait y prendre de la croissance

    et

    devenir prt

    pour

    la

    rception

    du

    Logos parfait. Ainsi donc, comme

    ils

    disent,

    le

    Dm iurge

    n'aperut pas l'homme pneumatique sem par Sagesse l'intrieur m me de son

    souffle

    lui par l'effet d'une puissance et d'une providence inexprimables. Comme

    il avait ignor

    la

    Mre,

    il

    ignora

    la

    semence

    de

    celle-ci. Cette semence, disent-ils

    encore, c'est l'glise, figure

    de

    l'glise

    d'en

    haut.

    Tel est

    l 'homme qu'ils

    Irene

    (Paris, 1947) ; Sagnard

    a

    men son analyse en mettant constamment en parallle le texte

    d'Irne avec celui deYElenchosd'Hippolyte (VI, 29, 2-34, 8). Outre l'analy se de Sagnard, on

    consultera celles

    de

    Rousseau

    et

    Doutreleau

    op. cit.,vol. 263 p.

    116-130),

    et de R.

    BERTHOUZOZ,

    Libert

    et

    Grce suivant

    la

    thologie d Irne

    de

    Lyon (tudes d thique

    chrtienne,

    8), Paris-Fribourg (Suisse), 1980, p. 56-86.

    33 .

    Entendons le Dm iurge.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    13/579

    LA LECTURE PNEUMATOLOGIQUE DE GN. 2, 7 13

    prtendent exister en eux, de sorte qu'ils tiennent leur me du Dmiurge, leur corps

    du limon, leur enveloppe charnelle de la matire et leur homme pneum atique de leur

    Mre Achamoth (I, 5, 5-6)

    34

    .

    Le texte que nous venons de citer pose, sur la base d'une interprtation

    combine de Gn 1, 26 et Gn 2, 7, le thme fondamental de l 'anthropologie

    valentinienne, savoir celui de la tripartition hylique/choque ~ psychique ~

    pneumatique. En 5, 5-6, cette tripartition est considre, du point de vue de

    l'homme fabriqu par le Dmiurge, sur le modle d'un embotement de trois

    ralits, elles-mmes enveloppes par les tuniques de peau :

    homme choque/hylique tir de la matire par le Dmiurge selon l'image

    homme psychique insuffl dans le prcdent par le s el on la re s-

    Dmiurge semblance

    substance

    ( - ) du psychique, esprit de vie

    provenant, l'insu du Dmiurge,

    d'un coulement spirituel

    tuniques de peau,

    La doc trine des trois hom me s q u ex po se le chap. 5, 5-6, pour

    caractristique qu 'elle soit de la thologie valentinienne, n'en est pas mo ins tout

    du long traditionnelle. Cela est clair pour les deux premiers hommes,

    transposition du couple biblique image ~ ressemblance, mais galement pour le

    troisime. Notons tout d'abord que, si l 'homme pneumatique n'est pas indiqu

    de faon explicite en 5, 5, il faut nanmoins le reconnatre

    35

    dans

    - du

    psychique dont parle le texte, o-

    qualifie de

    et dite

    . D autre part, ce n est rien d autre que

    celui que nous avons

    rencontr plusieurs reprises dj et qui s'explique par

    une lecture pneumatologique de Gn 2, 7, qui substitue la

    du

    texte biblique un

    36

    . Q u il s agisse bien l de la mme tradition,

    nous en avons deux indications dans le texte d'Irne (et trs srement aussi

    dans sa source) : I

    o

    en 5, 6, le est sem par Sagesse

    dans le souffle du Dmiurge

    ( - ), de

    mme que la

    de Gn 2,1, devenue, dans la tradition sapientiel le juive, le , avait

    t

    insuffl

    ( - ) ; 2 l u tilis atio n, en 5, 5 , du v erb e

    propos de

    l'identification

    = - , sc. , indique que nous

    avons

    l la reprise d'un lment traditionnel. Ce qui revient dire que

    34 . La finale de ce texte (lin. 582-586 Rousseau-Doutreleau) montre bien qu'en chaque

    pneumatique rsident les niveaux infrieurs (psychique, hylique et charnel), ainsi que nous le

    verrons

    propos

    d

    esExtraitsdeThodote.

    35 .

    Ce que n'a pas vu Berthouzoz

    (op. cit.,

    p. 62), mais qu'a remarqu E. Thomassen,

    propos du

    Trait tripartite

    , p. 105, 23, cf. E. THOMASSEN, L. PAINCHAUD,

    Le Trait

    Tripartite

    1,5 ,

    Bibliothque copte de N ag Hamm adi,

    section Textes, 19), Qubec,

    1989,p. 405.

    36 .

    Berthouzoz

    (op. cit.,

    p. 113-118) a bien not qu'il y avait l un type d'exgse asso

    ciant

    Gen.

    1:26

    Gen.

    2:7, mais sans en dgager toutes les implications.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    14/579

    14

    PAUL-HUBERT POIRIER

    l 'exgse valentinienne a tir de l ' interprtation de Gn 2, 7 sa trichotomie

    anthropologique.

    Venons-en maintenant un autre expos de la doctrine valentinienne, celui

    des Extraits des uvres de Thodote et de l'cole dite orientale, l'poque de

    Valentin

    3

    ^ , constitus en recueil par Clment d'Alexandrie. Les extraits qui

    se rapportent l'anthropologie (50-57) se situent dans une section (43-65) qui

    est parallle la Grande Notice d'Irne

    38

    .

    Le texte suivi reconstitu par Clment d'Alexandrie rend compte de la

    manire suivante de la formation de l 'homme psychique dans l ' homme

    hylique :

    Prenant du limon de la terre, non de la terre sche, mais une portion de la m atire

    multiple et complexe, il confectionna une me de terre, me hylique,

    irrationnelle, consubstantielle celle des btes : c'est l'hom me l'image. Mais

    l'homme qui est la ressemblance du Dmiurge lui-mme, c'est celui qu'il a

    insuffl et sem dans le prcdent, o il a dpos, par l'intermdiaire des

    Anges, quelque chose de consubstantiel lui-mme. Et en tant que cet homme est

    invisible et immatriel, il a appel sa substance souffle de vie

    ( ) ;

    mais en tant qu il a

    t form, il est devenu me vivante. Qu'il en soit bien

    ainsi, (le Dmiurge) lui-mme le confesse dans les crits prophtiques. Il y a donc

    l'homme dans l'homm e, le psychique dans le terrestre, non comme une partie

    qui s'ajoute une partie, mais comme un tout se joignant un tout, par

    l'inexprimable puissance de Dieu. De l vient que l'homme est faonn dans le

    Paradis, au quatrime Ciel. Car, la chair terrestre ne monte pas jusque-l

    :

    mais,

    pour l'me divine

    39

    , l'me hylique tait comme une chair. C'est ce que

    signifie : Voici maintenant l'os de mes os, allusion l'me divine, cache

    l'intrieur de la chair, me solide, difficilement passible, suffisamment forte

    , et la chair de ma chair, l'me hylique, qui est le corps de l'me

    divine. C'est au sujet de ces deux mes que le Sauveur dit

    :

    Il faut craindre celui

    qui a le pouvoir de perdre dans la ghenne et notre me et notre corps, le

    corps psychique (50-51).

    Notons tout de suite que, par rapport la notice irnenne, les Extraits se

    caractrisent par un plus grand souci de prcision et d'explicitation. Par

    exemple, alors qu'Irne se contente de noter (en I, 5, 5) que l'homme hylique

    n'est pas consubstantiel Dieu (= le Dmiurge), les Extraits prcisent que

    l'me hylique est consubstantielle celle des btes alors que l 'homme

    fabriqu la ressemblance, c'est--dire le psychique, a quelque chose de

    consubstantiel au Dmiurge. D'autre part, les

    Extraits

    prennent le contre-pied

    de l' interprtation pneumatologique de

    Gn 2,

    7 releve chez Irne

    40

    :

    -

    du p sy chiq ue est b ie n la d u tex te b ib liq ue , et non le d e

    la tradition sapientielle.

    Peut-tre faut-il mme voir dans la remarque de 50, 3

    (Qu'il en soit bien ainsi, (le Dmiurge) lui-mme le confesse dans les crits

    37.

    d. et trad. : F. SAGNARD,

    Sources

    chrtiennes

    23, Paris, 1948.

    38.

    Cf. F. SAGNARD,

    d. cit.,

    p. 35.

    39.Entendons psychique.

    40 .

    E n

    Adv. hr.

    I, 5, 6 (lin. 565-566).

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    15/579

    LA LECTURE PNEU M ATO LO Gl QU E DE GN. 2, 7

    15

    prophtiques) une pointe polmique rencontre d'une exgse valentinienne

    concurrente, trop peu soucieuse de la lettre du texte.

    Comme chez Irne, il faut encore ajouter deux lments l'hylique et au

    psychique pour obtenir l'homme complet

    41

    . D'abord le

    :

    Adam possda, seme

    en lui son

    insu

    par

    Sagesse,

    en son me, la

    semence

    pneumatique, tablie

    dit

    (Paul), par

    intermdiaire

    des

    Anges, dans

    la

    main

    d'un Mdiateur :

    or

    le mdiateur ne Test pas

    d'un

    seul terme

    ;

    mais Dieu

    est

    un.

    Ainsi par l'intermdiaire des Anges m les sont servies les semences, celles que

    Sagesse avait mises dans l'existence, autant qu'il leur tait possible d'exister. Car,

    comme

    le

    Dmiurge,

    m

    secrtement

    par

    Sagesse, croit

    se

    mouvoir de lui-mm e,

    ainsi

    en

    est-il

    des

    hommes. Donc,

    en

    premier lieu, Sagesse

    a

    mis

    la

    semence

    pneumatique qui est en Adam, afin que l'os l'me raisonnable et cleste

    ne soit pas vide, mais qu'il soit rempli de moelle pneumatique (53),

    puis l'enveloppe charnelle :

    Sur Adam, par-dessus les trois lments immatriels, l'homme terrestre en a revtu

    un quatrime : les tuniques de peau (55 ,1).

    Comme chez Irne encore, les trois lments valent deux niveaux, celui

    de l'humanit, par la constitution de trois natures, ou races, et celui de

    l'individu, en dterminant son appartenance l'une de celles-ci :

    Ainsi

    partir d 'Adam, trois natures

    4 2

    sont engendres

    : la

    premire,

    irrationnelle

    laquelle appartient Can ; la deuxim e, la nature raisonnable

    et

    juste, dont fait partie Abel ; la troisime,

    la

    pneumatique,

    laquelle appartient

    Seth. Et l'homme terrestre est l'image ; le psychique, la ressemblance

    de

    Dieu

    ; le

    pneumatique

    est

    en propre.C'est

    de ces

    trois (races) qu 'il

    est dit,

    sans autre mention d'enfants d'Adam

    :

    Voici

    le

    livre

    de la

    gnration

    des

    hommes.

    Et

    parce que Seth

    est

    pneumatique,

    il

    n'est

    ni

    pasteur,

    ni

    cultivateur,

    mais

    il

    fructifie

    en un

    enfant comme (tout)

    ce qui est

    pneum atique.

    Et cet

    (enfant)

    qui

    eut

    la

    confiance d'invoquer le Nom

    du

    Seigneur, lui dont

    le

    regard

    se porte en haut et dont la vie se passe dans le C iel, celui-l,

    le

    monde ne

    le

    contient pas (54,1-3).

    Ici aussi, on note le souci de sparer plus nettement le pneumatique de la

    cration-formation de Gn 1, 26 et 2, 7 :

    41.Cf. F. S AGNARD,

    ed. cit.,

    p. 164, note

    a d

    extrait 50.

    42 .

    On

    trouve

    ici

    - a lors

    que le

    texte parallle d'Irne

    (Adv. hr.I, 7, 5)

    porte

    genera

    =

    ; ce dernier te rme

    apparat cependant dans les

    E xtraits,

    en 57

    :

    .

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    16/579

    16 PAUL-HUBERT POIRIER

    Alors que le terrestre et le psychique subsistent selon l ' image ou la

    ressemblance, seul le pneumatique existe en propre, c 'est--dire sansrfrence aucune un modle extrieur lui, en l 'occurrence celui du

    Dmiurge

    43

    .

    Les trois natures constituent donc trois races diffrentes d'hommes,

    dfinies non par une option morale qui dpendrait d'eux, ni par un choix

    gracieux qui les rendrait tels qu'ils sont, mais par la prsence en eux d'un seul

    lment, pour les hyliques, de deux, pour les psychiques, de trois, pour les

    pneumatiques, l ' lment suprieur (dans le cas des psychiques et des

    pneumatiques) tant prpondrant et seul dterminant, ainsi qu'on peut le

    reprsenter par le schma suivant :

    pneumatique

    psychique psychique

    h y l i que hylique hylique

    les hyliques lespsychiques les pneumatiques

    C'est ce qu'exprime clairement le texte des

    Extraits

    55 , 2-56, 2 :

    Ce n'es t donc pas partir du pneuma, ni partir de l'lment insuffl que

    sme Adam : ce sont l, en effet, deux lments divins, tous les deux mis

    par

    l intermdiaire

    d'Adam et non

    par

    lui.

    Et son lment hylique opre en semence

    et en gnration, en tant qu'il est mlang la semence

    (se.

    pneumatique) et qu'il ne

    peut pas tre exclu de c t 't assemblage avec elle en ce te vie. C'est en ce sens

    qu'Adam, notre pre est

    s. : Tribus

    modis loquimur de Christo. Aliquando loquimur secundum diuinitatem, aliquando secundum

    humanitatem, aliquando secundum membra

    (d.

    . M.

    HRING,

    Die Sententie m agistri

    Gisleberti Pictavensis

    episcopi,

    dans

    Archives

    d'histoire

    doctrinalee tlittraire du Moyenge,

    t. 45, 1978, p. 128).

    71.

    Les usages modernes obligent dulcorer le texte original : Saturauit discipulum de

    pectore su o. Ule autem saturatus ructauit, et ipsa ructatio euangelium est ( 5 ). Cette image du

    renvoi digestif est courante chez Augustin

    :

    cf. D. DlDEBERG,

    SaintJean,

    le

    disciplebien-aim,

    rvlateurdes secrets duVerbede Dieu,

    d

    ans Saint Augustinet la Bible, Paris,

    1

    986, p. 189-

    20 1; M.-F. BERROUARD,Le disciple que Jsus aimait, Jean l van gliste,

    d

    ansBiblio

    thque

    Augustinienne

    (=

    BA),

    t. 74A, Paris, 1993, p. 418-421. Le processus selon lequel

    ructatio

    finit, en milieu chrtien, par caractriser un nonc prophtique a t expliqu par

    BERROUARD, dans

    A , t. 72, 1977, p. 224-225, n. 3. Au M oyen

    ge, le double sens du

    terme a donn lieu diverses parodies : cf. P. E. BEICHNER,

    Non alleluia ruciare,

    dans

    Mediaeval Studies,

    t. 18, 1956, p. 135-144.

    72 .Cette critique de l'incarnation enrichit le dossier runi par

    P.

    COURCELLE,

    Propos anti

    chrtiens

    rapportspa rsaintAugustin,d

    ans

    RecAug,

    t. 1, 1958, p. 149-186.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    155/579

    NOUVEAUX SERMONS D'AUGUSTIN VII

    157

    leurs parties. Le Verbe divin est entier partout o il veut

    73

    , mais il nes est pas

    incarn partout. Ne le divise pas plus que la parole humaine. Si l'on partageait

    entre vous de la nourriture, chacun en aurait un morceau. Mais quand je parle,

    chacun capte toutes mes paroles, qui pourtant disparaissent, aprs avoir retenti.

    De mme, on peut penser simultanment la justice en Orient et en Occident,

    sans qu'elle soit mutile de part et d'autre. Les ralits incorporelles sont

    entires partout. N'hsite donc pas croire cela du Verbe de Dieu, qui est Dieu

    avec Dieu.

    Voici la seconde manire dont les critures parlent du Christ : Le Verbe

    s est fait chair, et il a demeur parmi nous (Jean 1, 14). Il est venu, sur sa

    monture de chair, vers celui qui gisait bless le long du chemin

    74

    . Il a

    commenc d'tre homme sans cesser d'tre Dieu. coutez le fameux chapitre

    de Paul, qui le manifeste homme et Dieu (Philippiens 2, 6-7) : Alors qu'il

    tait de condition divine, il n'a pas cru que ce ft une usurpation d'tre gal

    Dieu, mais il s'anantit lui-mme en prenant la condition d'esclave. Notez la

    diffrence entre tait et prenant

    75

    . La premire phrase revient dire :

    Le Verbe tait Dieu, la seconde : Le Verbe

    s est

    fait chair.

    Ne vous laissez pas impressionner par les difficults que soulvent les

    hommes. Gardez cette virginit d'esprit

    76

    , que le serpent cherche corrompre,

    comme il a sduit ve. Les ariens ont troubl les plus faibles d'entre les

    fidles, mais comme le Seigneur n'a pas abandonn son peuple, la foi catholi

    que l'a emport. Ce quis est pass jadis au paradis, se passe aujourd'hui dans

    l'glise. Le serpent continue de susurrer : Vous ne mourrez pas (Gense 3,

    4).

    Est-ce-que par hasard Dieu voudrait la perte de tous ? Il murmure enco

    re : Voici qu'il est crit : Le Pre est plus grand que moi (Jean 14, 28), et toitu le dis gal au Pre ? Mais l'vangile dit aussi : Moi et mon Pre sommes

    un (Jean 10, 30). Accepte les deux tmoignages : le Christ est gal au Pre en

    tant que Dieu, infrieur lui en tant qu'homme

    7 7

    . Ou alors montre-moi

    com men t, l' incarnatio n mise part, il pourrait tre infrieur Vas-tu dans la

    divinit, comme dans les tres corporels, distinguer des qualits : force,

    73 . Cf. M. FRICKEL, Deus totus ubique simul. Untersuchungen zur allgemeinen

    Gottgegenwart im

    Rahmen

    der Gotteslehre Gregors des Grossen,Freiburg, 1956, p. 72-74

    (Freiburger theologische Studien, 69).

    74.Voir M .-F. BERROUARD,

    L interprtationchristologiqued ela parabole du bonSamari

    tain,

    dans

    , t. 73A, 1988, p. 516-517.

    75.

    Cf. VERWILGHEN,Christologiee tspiritualit

    (n. 69), p. 147-148.

    16.Thme comment par M. AGTERBERG,

    Ecclesia-Virgo.

    Etude sur la virginit de

    glise et des fidles chez saint Augustin,

    Hverl-Louvain, 1960, p. 35-46 ; M.-F.

    BERROUARD,L gliseViergeet lavirginitde l esprit,

    d

    ansBA ,t. 71, 1969 (21993), p. 935-

    937.

    77.La rgle fournie est m oins labore que celle qui est nonce en

    S .

    Morin 3, 7 (=217

    augment) : Regulam uobis do, ut non expauesca tis, quando dicit aliquid filius, ubi uidetur

    maiorem patrem significare : aut ex persona hominis dicit, quia deus homine m aior est

    ;

    aut ex

    persona geniti dicit, in honorem eius a quo genitus est. Plus non quaeratis. Il se peut

    qu'Augus tin simplifie ici dessein pour des raisons didactiques. Dans Mayence 5 5, le terme

    regula

    est utilis deux fois (vers la fin des 17 et 18), selon une acception qui vient d'tre

    commente par C. P. MAYER,Die Bedeutung des Terminus regula fr die Glaubens

    begrndung undd ieGlaubensvermittlungbei Augustin,

    dans

    RevistaAgustiniana,

    t. 33, 1992,

    p.

    639-675, spec. p. 653-658 et 663-666 (=

    Augustinus minister et magister.

    Homenaje al

    profesor Argimiro Turrado Turrado, t. 2).

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    156/579

    158

    FRANOIS DOLBEAU

    longueur, couleur ? Le Fils serait par exemple gal en pouvoir, mais infrieur

    en sagesse ? Mais en Dieu, il n'existe pas de distinction entre pouvoir, sagesse,

    force et justice ; de lui, rien ne peut tre dit comme il convient. Avec des mots

    humains, les critures dclarent de Dieu qu' il est juste, mais aussi qu' il

    regrette ou qu'il ignore. Tu te rcries devant les verbes 'regretter' ou 'igno

    rer' , et tu admets qu'ils ont un sens figur, mais il en va de mme pour 'tre

    juste', car Dieu est au-del de la justice. Il est ineffable et n'a pas plus en lui de

    qualits que de parties. Le Fils ne peut don c tre dit gal en justice et infrieur

    en vertu, ou gal en vertu mais infrieur en savoir. En tant que Dieu, son

    galit avec le Pre ne saurait tre que parfaite ; son infriorit vient de ce

    qu'il a pris la condition d'esclave. Grce cette distinction, ne soyez troubls

    ni par le verset vanglique (Jean 20, 17) : Vers mon Pre et votre Pre, vers

    mon Dieu et votre Dieu, ni par les mots du psaume d'aujourd'hui (21, 11) :

    Ds le ventre de ma mre, tu es mon Dieu. Nous sommes seulement des fils

    adoptifs. Lui est le Fils engendr avant le porte-lumire (Ps. 109, 3), c'est--

    dire avant toute crature. Il distingue donc bon droit notre filiation et la

    sienne, mais invoque aussi, en tant qu'homme, le Pre comme son Dieu.

    Le troisime mode d'voquer le Christ est relatif son union avec l'glise.

    Tous deux sont la tte et le corps, l'poux et l'pouse

    78

    , dont Isae parle de

    faon unitaire (61, 10) : Je fus coiff par lui d'un diadme, comme un poux,

    et par d'un vtement, comme une pouse. Nous sommes ensemble les

    membres de ce corps, non seulement les gens ici prsents, mais les habitants de

    la terre entire, non seulement ceux qui vivent maintenant, mais tous les justes

    depuis Abel jusqu' la fin du monde

    79

    . Cette glise en plerinage, associe

    l'glise cleste, constitue la cit du grand roi (Ps. 47, 3), o, aprs la rsur

    rection, nous deviendrons les gaux des anges

    80

    . L'union de la tte et du corps

    est indissociable et dcoule du bon vouloir du Christ. Elle est mentionne dans

    ce verset de la Gense (2, 24) : Ils seront deux en une seule chair, que Paul

    commente en disant (phsiens 5, 32) : Grand est ce mystre. Je veux dire

    qu' il s 'applique au Christ et l 'glise

    81

    . Quand l 'aptre pourchassait les

    chrtiens, ce fut le Christ qui l'interpella (Actes 9, 4) ; quand il fut perscut

    son tour, ses souffrances vinrent complter la passion du Seigneur (Colossiens

    1, 24 )

    ;

    Soyez donc dignes d'un tel poux, c'est--dire une pouse sans tache ni

    ride (ph. 5, 27), lave de toute souillure et tendue vers l'au-del.

    Ce qui, dans les critures, parat absurde, peut tre compar une noix

    close, mais bien pleine. Soupse ces textes rpandus par toute la terre, et tu

    78 .

    Sur ce troisime mode, on consultera notamment E. FRANZ,

    Totus Christus. Studien

    ber Christus und die Kirche bei Augustin, Bonn, 1956 ; R. DESJARDINS, Le Christ

    sponsus

    et glise

    sponsa chez saintAugustin,

    dans

    Bulletin

    de

    littratureecclsiastique,

    t. 67, 1966, p. 241-256.

    79.Voir Y. CONGAR,

    Ecclesia

    ab Abel,

    d

    ans

    Abhandlungen ber Theologie undKirche.

    Festschrift fr Karl Adam,

    Dsseldorf, 1952, p. 79-108 (spec. p. 84-85).

    80.

    Cf. .

    LAMIRANDE,

    L'glise cleste selon saint Augustin,

    Paris, 1963, p. 141-142,

    235-236 et

    passim.

    81 .

    Nombreux parallles rassembls par P. BORGOMEO,

    L'glise de ce temps dans la

    prdication desaintAugustin,

    Paris, 1972, p. 235-241 A.-M. LA BONNARDIRE,L'interpr

    tationaugustinienne dumagnum sacramentumde phs. 5, 32,

    dans

    RecAug,

    t. 12, 1977,

    p.

    3-45.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    157/579

    NOUVEAUX SERMONS D'AUGUSTIN VII

    159

    verras quel est leur poids d'auto rit. Tu te dis en toi-mme : Que signifie : Ils

    seront deux en une seule chair ? Dieu s'occuperait-il des relations entre

    hommes et femmes ? Un tel verset est ferm, mais non vide. Si tu ne parviens

    pas l'ouvrir, tu dois, comme un enfant, t'en remettre l'aptre, dont l'amour

    est la fois paternel et maternel. coute-le : tu auras de quoi t'alimenter. Si tu

    rejettes la noix parce que ferme, tu n'atteindras pas la nourriture.

    Cette comparaison me fait songer un pisode biblique, malais entendre.

    L o les troupeaux allaient boire, Jacob, au temps des accouplements, disposa

    des baguettes en partie corces sous les yeux de ses femelles (Gen. 30 , 37-39).

    Il cherchait ainsi multiplier les agneaux et chevreaux tachets, car il avait

    convenu avec son beau-pre que ceux-ci lui reviendraient. Mais pourquoi mit-

    il trois baguettes et de trois essences diffrentes : noyer, platane et aliboufier ?

    L'obscurit rvle ici la prsence du mystre. Jacob prfigure le Christ ; les

    femelles sont les aptres qui, bien qu'appartenant tous au peuple juif, donnent

    naissance aux petits tachets, les fidles des diverses nations, parce qu'ils se

    sont abreuvs au mystre de l' incarnation. Ce dernier est annonc par les trois

    essences dans lesquelles Jacob tailla ses baguettes : le noyer en effet est Jsus

    qui,

    par l'entremise du bois de la croix, nous conduit la nourriture de son

    corps ; l 'aliboufier, un arbuste odorifrant, renvoie au parfum suave de la

    virginit inviole de Marie ; le platane, recherch pour l 'opacit de son

    feuillage, est le Saint-Esprit qui couvrit la Vierge de son ombre et la protgea

    des ardeurs de la concupiscence

    82

    .

    Voici, trs chers, ce que je suis, par la volont du Seigneur, en mesure de

    vous expliquer. Comme une terre bien arrose, produisez des fruits en abon

    dance. En ces jours de ftes paennes, priez pour les chrtiens qui se laissent

    entraner des excs. S'il se trouve ici des gens qui ont omis de jener hier,

    qu'ils s'en affligent, afin d'effacer et notre tristesse et leur faute.

    Circonstances. Les indications de jou r et de lieu se sont con serv es,

    comme on a vu plus haut, dans la rubrique du florilge de Vrone (=

    V).

    Si

    l'on se fie ce document

    83

    , Augustin aurait parl un 12 dcembre, dans la

    Basilica Restitua ou cathdrale de Carthage

    84

    . La veille avait t un jour de

    jene, institu durant une priode de ftes profanes, la fois pour le salut des

    paens et en expiation des dbauches auxquelles se livraient alors certains

    chrtiens

    85

    . Augustin ne prcise pas ce qui occasionnait ces db auches : il faut

    82.

    Cette interprtation allgorique des verges de Jacob est discute ci-dessous aux p. 164-

    167.

    83 .

    Ce qui semble de bonne mthode, mme s'il est avr que de telles mentions peuvent

    tre fautives : cf. C. LAMBOT,

    Collection antique de sermons de saint Augu stin,

    dans

    Revue

    Bndictine,

    t. 57, 1947, p. 89-108 (spec. p. 90).

    84. Cf.

    p.150.

    85.

    Ieiunia per istos dies festos paganorum ad hoc exercenda sunt, ut pro ipsis paganis

    rogemus deum. Sed ita multorum infelices luxurias perhorrescimus, ut uos hortemur, fratres,

    pro quibusdam fratribus christianis orare nobiscum, ut ab ista nequitia se aliquando eme ndan et

    corrigi patiantur... Qui hic sunt hodie qui hesterno die non ieiunauerunt, doleant se ceteris

    diebus testis paganorum ita uixisse...( 26). L'hostilit des prdicateurs chrtiens l'gard

    des ftes est un phnomne gnral, bien comment par R. A. MARKUS,

    The End ofancient

    Christianity,

    Cambridge, 1990, p. 107-123 ; ID.,

    Die 'spectacula' als religises Konfliktfeld

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    158/579

    160 FRANOIS DOLBEAU

    sans doute comprendre que la semaine tait chme partiellement ou en

    totalit, en raison d'une srie de spectacles (ou muera). Cela confirme d'une

    certaine manire le tmoignage de V, puisque le mois de dcembre tait

    effectivement une priode de jeux publics

    86

    .

    L'allocution d'Augustin s'apparente plus une confrence qu' un sermon

    proprement dit. L'assemble, o elle fut prononce, tait certes une runion de

    prire, laquelle l'orateur invite en finale son auditoire

    87

    . On y avait, d'autre

    part, lu et chant le psaume 21

    8 8

    . Mais s'agissait-il d'une assemble eucharis

    tique ? Le fait est pour le moins douteux : l'exorde, dont le texte hlas est

    endommag, laisse en effet entendre qu'Augustin prit la parole aussitt aprs le

    psaume

    89

    , et non aprs l'vangile, comme on s'y attendrait durant une synaxe.

    Le confrencier et son public entretiennent une certaine complicit. Certains

    sont venus pour s'instruire ; d'autres, parce qu'ils apprcient tout spcialement

    l'loquence de l'orateur

    90

    . Un moment difficile de l'expos provoque une chute

    de l'attention et la multiplication des conversations particulires : Augustin

    invite gentiment les bavards se taire, en mlant sa requte et l'argum ent alors

    trait avec une habilet que pourraient lui envier bien des confrenciers

    modernes

    91

    . Ailleurs, par un silence calcul, il encourage au contraire les audi

    teurs intervenir et les complimente longuement d'avoir devin ce qu'il allait

    dire

    92

    . Il n'hsite pas non plus solliciter la mmoire des fidles, en faisant

    rfrence une homlie sur saii et Jacob, apparemment prche dans la

    mme basilique ( 23)

    93

    .

    stdtischen Lebens in der Sptantike,

    dans

    Freiburger Z eitschrift fr Philosophie und

    Theologie,

    38 ,

    1991,

    p. 253-271 (trad, partielle du prc dent) ; M. HARL,

    La

    dnonciation

    des

    festivits profanes dans le discours episcopal et

    monastique

    en O rient chrtien, la fin du IV

    e

    sicle,

    chez

    EAD.,

    Le

    dchiffrement

    du sens.

    Etudes

    sur l'hermneutique

    chrtienne

    d'Origne

    Grgoire de Nysse,

    Paris, 1993, p. 433-453 (Collection des tudes Augustiniennes.

    Antiquit, 135).

    86 .

    Cf. A.-M . LA BONN ARDIERE,

    Les Enarr aones in psalmos prches par saint

    Augustin Carthage en dcembre 409,

    dans

    Ree Aug,

    t. 11, 1976, p. 52-90 (spec. p. 71-75 et

    86-87).

    87.

    Cf. n. 85.

    88.

    In psalmo quod m odo cantauimus... Audi psalmum qui lectus est... ( 18).

    89.Psalmus

    iste,

    ut christianis omnibus notu m... ( 1). Je n'a i relev aucune allusion la

    lecture d'une ptre ou d'un vangile.

    90 .

    Quidam nesciunt, et multi quod audierunt obliti sunt, et nonnulli in eo quod tenent

    confirmari uolunt, nee desunt qui etiam id in quo firmi sunt

    propter nos ipsos

    a nobis audireuelint ( 1).

    91.

    Intendite ad id quod loquimur

    :

    melius enim ex hoc uerbo accipitis documentum, quod

    multis uobis dicitur, quam ex illis, cum eiusdem quidem naturae sint, quae uobis inuicem

    dicitis. Agitis enim uos cum paucioribus, nos cum tarn m ultis agimus : omnes audiunt quod

    dicimus et omnes totum audiunt ( 9). Un tel rappel l'ordre n'a rien d'inhabituel : cf. A .

    OlAVAR, La

    predicacin cristianaantigua,

    Barcelona,

    1991,

    p. 815-833.

    92 . Quod ita darum est, ut uocem meam intellectu praeueniretis ; quod, antequam

    explicarem quod dicere coeperam, uoce uestra declarastis. Quis uos duxit ad istam escam, ut

    tam cito intellegeretis, nisi qui pependit in ligno ?... ( 25). Sur ces interventions du public,

    on consultera avec profitOLIVAR,

    La predicacin cristianaantigua,

    p. 761-814.

    93.

    Minor quippe ille populus in Iacob, unde dictum est :

    Et maior seruiet minori

    (Gn 25,

    23).Iam recensemini exposuisse me sanctitati uestrae de Esa et Iacob, cui etiam dictum est in

    illa benedictione quam sumpsit a ptre :

    Seruient tibi omnes gentes

    (Gn 27, 29). Si la forme

    recensemini

    est correcte, elle pourrait s'expliquer par l'influence analogique d'un dponent

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    159/579

    NOUVEAUX SERMONS D'AUGUSTIN VII

    161

    quelle pice Augustin, qui cite Gense 25, 23 et 27, 29, veut-il renvoyer ? Nous

    possdons encore deux sermons authentiquessurl'histoiredeJacob. Le

    S .

    5 (De luctatione

    Iacobcumangelo) explique le premier verset, maisnon lesecond.Le

    S.

    4 (De Esaet

    Iacob), qui

    fut

    prononc

    un

    22 janvier, comm ente

    le

    second,

    en

    faisant seulement une brveallusion au premier ; mais

    il

    faut prciser que la veille, soit un

    21

    janvier, Augustin avait dj

    trait longuement d'saiiet Jacob^.Onsupposera donc, avec vraisemblance^, que Mayence

    55 serfre cette explication mmorablequi

    s tait

    prolonge deux joursdesuite. Notre

    rapprochement,s ilest correct, implique que le

    S.

    4 fut,lui a ussi, prchCarthage. Le renvoi

    fait ici par Augustin interdit, mon sens, de sparer beaucoup dans

    le

    temps les deux sermons

    :

    ce qui,enpratique, obligeconclure que l'vque d'Hippone avait sjournCarthage deux

    hiversdesuite(savoirles 21-22 janvieret 12 dcembrede la mme anne)ou, auplus,

    quelques saisons d'intervalle

    96

    .

    Il est malais de prciser l anne o fut prch Mayence 55. Si l on dispose

    en effet d un solide

    terminus post quem,

    on manque d indice srieux pour fixer

    avec la mme fermet un

    terminus ante quem.

    Trois points doivent tre tenus

    pour acquis. Tout d abord, le sermon fait tat d une visite impriale Rome,

    durant laquelle le souverain rgnant

    s tait

    prostern sur la tombe de Pierre

    97

    .

    Cette visite, dit l orateur, s est produite

    temporibus nostris,

    c est--dire il y a

    quelque temps dj. Elle tait aussi voque en Mayence 61, mais cette fois au

    prsent et avec l adverbe

    modo,

    ce qui impliquait une concomitance quasi

    parfaite

    98

    . Notre sermon est donc postrieur Mayence 61 et aux textes lis

    cet ouvrage

    99

    .

    En second lieu, cette chronologie relative peut tre fonde dans l absolu.

    Durant l piscopat d Augustin, il y eut Rome plusieurs sjours de la cour

    impriale, mais la premire date possible, et cela quelle que soit la visite

    voque, remonte au rgne d Honorius et concide avec l hiver 403-404. Vu le

    temps ncessaire pour que soit connue Carthage la dmarche d Honorius,

    celle-ci n a pu tre relate au pass en dcembre 403. Le 12 dcembre 404 est

    galement exclu, car Augustin se trouvait, ce jour-l, Hippone, en train de

    dbattre avec Flix le manichen

    100

    . En consquence, le premier jour disponi

    ble pour la prdication de Mayence 55 est le 12 dcembre 405.

    comme

    recordamini ;recenseor

    n'e st pas rpertori dans l'ouvrag e de P. FLOBERT,

    Lesverbes

    dponents latinsd esOriginesCharlemagne,

    P aris, 1975.

    94 .ce sermon aujourd'hui gar, les auditeurs du

    S .

    4sont renvoys plusieurs reprises

    (

    1, 3, 12,

    14

    et

    30)

    : cf.

    l'dition

    de

    C. LAMBOT, dans

    CCSL,

    t.

    41 , Turnhout, 1961, p.

    18-

    48 (spec.p.19). Notonsenpassant que chez Possidiusle

    S.

    4suit immdiatement le S. 51,

    c'est--dire Mayence 58 (cf.

    Indiculum,

    X

    6

    8-9),

    et

    prcde de quelques numros M ayence

    55

    (X 6

    13).

    95 .

    Sans exclure tout fait l'hypothse d'autres sermons perdus sur le mme thme.

    96 .

    Ajoutons que le

    S.

    4(du

    22

    janvier) ne peut avoir t donn le mme hiver que Mayence

    5 (prch Carthage un

    23

    janvier), sauf s'ils agitd'un sermon d'aprs-midi

    :

    Mayence 5 nous

    apprend en effet qu'Augustin avait renonc prcher durant la synaxe de la veille.

    97 .

    Temporibus enim nostris uenit imperator in urbem Romam : ibiest templum impera-

    toris,

    ibi est sepulcrum piscatoris. Itaque ille ad deprecandama domino salutem imperator pius

    atque christianus non perrexit ad templum imperatoris superbum, sed

    ad

    sepulcrum piscatoris,

    ubi humilis ipsum piscatorem imitaretur 4).

    98.

    Cf.

    Nouveaux

    sermonsI,p . 75-76 : Veniunt modo reges Romam ( 25) ... V eniunt,ut

    dicere coeperam, reges Rom am ... ( 26),

    et

    les parallles voq us

    ibid.

    aux

    p.

    55-56.

    99 .

    savoir Mayence 60

    et

    54

    :cf.

    Nouveaux

    sermons

    II,

    p. 265.

    100.

    PERLER-MAIER,

    Les voyages de saint Augustin,

    p. 255.

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    160/579

    162

    FRANOIS DOLBEAU

    La troisime certitude est que la datation admise, depuis Kunzelmann

    101

    ,

    pour le S. 341 est impossible. Cet rudit avait considr que le passage sur

    l'arianisme refltait une situation et une problmatique analogues celles du

    Contra sermonem arianorum,

    ce qui l' incitait proposer 418, ou au plus tard

    419. Perler et Maier ont montr ensuite qu'Augustin se trouvait Hippone en

    dcembre 418 et qu'il fallait donc prfrer 419

    102

    . Mais leur argumentation a

    t, elle aussi, rendue caduque par la lettre Divjak 23A*, qui rvle la fois

    que le Contra sermonem arianorum est de l'automne 419 et qu'Augustin, cette

    anne-l, tait rentr chez lui depuis le 11 septembre

    10 3

    .

    La suite de la discussion oblige se dplacer en terrain plus mouvant. En tenant compte de

    ce qu'on vient de rappeler, A. Verwilghen a propos de remonter le 5. 341 au 12 dcembre

    417

    104

    .Mais c'est en ralit au fondement mme du raisonnement de Kunzelmann qu'il faut

    renoncer. La lecture du sermon dans sa version intgrale montre que la rfrence l'arianisme

    ( 12) n'y est pas vraiment lie l'actualit, mais qu'elle a un caractre topique dans un expos

    systmatique de christologie

    1

    ^. Je ne vois donc aucun motif de rapprocher Mayence 55 du

    Contra sermonem

    arianorum.

    Quatre indices suggrent une datation tardive, ou du moins postrieure la Confrence de

    411.

    Tout d'abord, le silence de l'orateur l'gard des donatistes, d'autant plus surprenant que

    le psaume 21 se prtait des sorties contre le schism e

    10 6

    : une telle retenue d'Augustin en ces

    matires, durant les annes

    405-411,

    serait au moins trange, sans tre totalement exclue

    10 7

    .

    Ensuite, le lien tabli entre

    informa serai

    de Philippiens 2, 7 et la mdiation du Christ, tte de

    l'glise, dont la seule autre attestation figure dans une uvre rdige vers la fin de4 15

    10 8

    .En

    troisime lieu, la citation de Tite 3, 5 ( 21), qui, rarissime avant le dbut de la querelle

    plagienne, devint subitement banale partir de 411-412

    10

    9. Enfin, l'extension temporelle qui

    est confre l'glise : Ex Abel iusto usque in finem saeculi ( 19). Le Pre Congar a

    montr en effet que le thme d'Abel comme origine de

    YEcclesia

    tait li celui des deux Cits

    et qu'il tait exploit, en dehors du

    S.

    341, par la

    Cit de Dieu

    11 0

    et trois

    Enarrationes in

    101.

    A. KUNZELMANN,

    Die Chronologie der Sermones des hl. Augustinus,

    dans

    Miscellanea Agostinina,

    t. 2, Roma,

    1931,

    p. 488.

    102.PERLER-MAIER,

    Les voyag es de saint Augustin,

    p. 359-360.

    103.

    Cf. G. MADEC,

    DU

    nouveau dans la correspondance augustinienne,

    dans

    RAug,

    t.

    27 ,

    1981,

    p. 56-66 (spec. p. 63-64) ; M.-F. BERROUARD,

    L'activit littraire desaint Augustin

    du11 septembreau 1

    er

    dcembre419 d'aprs la Lettre23*A Possidius deCalama,

    dans

    Les

    Lettres de saint Augustin

    dcouvertes

    par Johannes Divjak,

    Paris, 1983, p. 301-326 (spec. p.

    303-304).

    104.Dans

    Christologie etspiritualit

    (n. 69), p.

    220-221,

    n. 83.

    105.Augustin tient ici l'arianism e pour une hrsie du pass, comme il le faisait d'ordinaire

    avant 419 : cf. M.-F. BERROUARD, dans

    BA,

    t. 73A, 1988, p. 467-471 et 485-486. On ignore

    quelle poque eut lieu la confrence contradictoire avec le comte Pasc entius : selon PERLER-

    MAIER,

    Les voyages de saint Augustin,

    p. 263, la date de 406 propose par Tillemont reste

    hypothtique.

    106.Voir, titre d'exem ple, le parti qu'en tire la lettre 76.

    107.

    Grce Mayence 9

    {Nouveaux

    sermons VI,

    p. 403 et 413), on sait qu'Augustin

    s est

    abstenu, vers 404, de faire allusion aux schismatiques durant plusieurs sermons successifs,

    mais le public justement s'en est tonn.

    108.

    Le

    D e

    perfectione iustitiae

    hominis,

    15, 35 : cf.

    VERWILGHEN,

    L e

    Christ mdiateur

    (n.

    69),p. 481, n. 40. On notera aussi un parallle troit entre les 12-13 et

    Y Enarrano inps.

    73,

    25,

    qu'on place habituellement en 412, mais cette date, fixe par S. M. ZARB,

    Chronologia

    enarrationum S. Augustini in psalmos,

    V aletta, 1948, p. 225 et 233, repose sur une argumen

    tation qui me laisse sceptique.

    109.Se lon A.-M . LA BONNARDIRE,

    Biblia

    Augu stiniana.

    N . T. Les Eptres aux T hessalo-

    niciens, Tite et Philemon,

    Paris, 1964, p. 37-39 et 46-48.

    110. Sic in hoc saeculo, in his diebus malis non solum a tempore corporalis praesentiae

    Christi et apostolorum eius, sed ab ipso Abel, quem primum iustum impius frater occidit, et

  • 7/24/2019 40 REAug 1994 nr. 1-2

    161/579

    NOUVEAUX SERMONS D'AUGUSTIN VII

    163

    psalmos

    (90, 2, 1 ; 118, 29, 9 ; 142,

    3 )

    11 1

    .

    Il en situait l'apparition vers 412, en se fondant, il

    est vrai, sur les datations alors admises du

    S.

    341 et des

    Enarrationes.

    Son argumentation a

    perdu de sa force, car le thme des deux C its, vu la dfinition fournie par M ayence 9 , 8

    11 2

    , est

    srement antrieur 412. Le m otif de

    Ecclesiaab Abelpourrait donc, lui aussi,

    tre remont

    dans le tem ps

    11 3

    , mais on ne saurait nier que ses occurrences les mieux dates

    (De ciu. dei

    18,

    Inps.

    118) appartiennent aux annes 418-422.

    D'autres considrations, pourtant, inciteraient situer le texte dans la premire dcennie du

    V

    e

    sicle. Il existe d'abord quelques parallles troits soit avec des ouvrages composs avant

    410,soit avec le reste de la collection de Mayence-Lorsch :par exemple l'vocation d'Honorius

    prostern devant la tombe de Pierre (4)

    11 4

    ,un vnement survenu en tout tat de cause entre

    404 et 408 ; la petitesse de Bethlem

    (ibid.),

    souligne de mme dans le

    De consensu euange-

    listarum,

    le

    De

    catechizandis rudibus

    et Mayence 62^5 ; la recommandation du jene durant les

    ftes paennes ( 26), qui figure, en termes voisins, dans Mayence 10 (=

    S .

    36 1, 18-19), 58 (=

    S.

    51, 1), 62

    (Nouveaux sermons IV,

    p. 95-97) et en

    In ps.

    98, 5 (hlas non datable). Il y a

    surtout l'expos christologique qui devrait fournir, quand il aura t scrut par les thologiens,

    le moins mauvais

    terminus ante quem.

    Il ne semble pas que la rflexion augustinienne sur

    l'incarnation y ait atteint le terme de son volution. Le mot

    persona

    ne figurait pas dans le

    S.

    341,

    de sorte que cette pice est reste trangre la belle enqute de H. R. Drobner

    11 6

    . Il se litmaintenant trois fois en Mayence 55 ( 1 et 9), mais sans y tre appliqu l'union, chez le

    Christ, de la divinit et de l'humanit, bien que le sujet impost souvent l'orateur d'aborder le

    mystre du V erbe incarn. Or, selon Drobner,

    c est

    dans l'hiver 411-412, alors qu'il rdigeait

    la lettre 137 Volusien

    11 7

    , qu'Augustin dcouvrit la solution laquelle, par la suite, il resta

    toujours fidle :Vna persona in utraque natura. Les formules de M ayence 5 5, qu i cherchent

    rendre l'union des deux natures du Christ : Idem deus qui homo et idem homo qui deus (

    2).. .

    non ubique personam hominis suscepit, cum qua unus fieret deus et homo ( 9)... deus

    homo est et homo deus ( 10)... deus et homo ( 13, 18, 19), appartiennent clairement au

    vocabulaire antrieur la lettre 137

    11 8

    . L'argume nt est fragile, car A ugustins est longtemps

    dfi du concept de personne

    11 9

    et n'a peut-tre pas jug indispensable d'voquer aussitt

    dans sa prdication

    Yunitas personae.

    S'il devait tre accept, le

    terminus post q uem non

    de

    Mayence 55 serait fixer au 12 dcembre 4 09, car il est presque assur que ni en 410 ni en 411

    Augustin ne passa dcembre Carthage

    120

    .

    La conclusion de cette discussion chronologique ne peut tre que provisoire. mon sens, le

    sermon est antrieur

    419,

    c'est--dire au moment o la question arienne retrouva une certaine

    actualit. Selon le poids accord aux indices qui viennent

    d tre

    numrs, il sera dat soit de

    405-409, soit de 412-418. Quelle que soit la priode retenue, il doit reflter sur le plan pastoral,

    deinceps usque in huius saeculi finem inter persecutiones mundi et consolationes dei peregri

    nando procurrit ecclesia (18, 51).

    111. Ecclesia ab Abel

    ( . 79), p. 84-85. Cf. aussiIn ps. 61 , 6 (datable de 416 ?) ; 64, 2

    (de dcembre 412 ?).

    112.

    Nouveaux serm ons VI,

    p. 408-409 et 419.

    113.Augustin disait dj en

    Inp