39 reaug 1993 nr. 1-2
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Revue des tudes Augustiniennes, 39 (1993), 3-22
La parabole de la brebis perdue
dans l'glise ancienne :
De l'exgse l'iconographie
La figure du berger est sans doute celle qu'on rencontre le plus
frquemment dans l 'art palochrtien : on a pu en recenser jusqu' 892
re pr s en ta t i on s . Elle a suscit de nombreuses tudes parvenant aux
conclusions les plus opposes. Pour les uns, les images pastorales de l'art
chrtien ne seraient pas substantiellement diffrentes des reprsentations
bucoliques aimes des paens la mme poque ; pour d'autres, le berger
portant la brebis sur les paules ne reprsenterait pas autre chose que la vertu
de "philanthropia", comme dans le paganisme ; certains encore voient dans le
berger des catacombes un Psychopompe qui, tel Herms (berger lui aussi)
conduit l'homme vers l'au-del ; pour d'aucuns, l' image renverrait au baptme
ou la pnitence ; quelques uns enfin pensent qu'elle est une figure abstraite
du salut, somme toute trs gnrale
2
. Aprs cela, qui oserait encore crire avec
J. P. Kirsch que l'image du Bon Pasteur tait pour nos pres dans la foi
cette poque ce que l'image du crucifi est pour les fidles de nos jours
3
?
L'expression mme de "Bon Pasteur" dont on se sert pour dsigner le
berger criophore risque d'garer les recherches, car elle voque exclusivement
le discours parabolique de l'vangile de Jean (eh. IO). Or, dans l'glise
ancienne, la thmatique du berger passait par bien d'autres canaux, et d'abord
par l'Ancien Testament, o Dieu est frquemment dsign comme le berger de
son peuple et Isral comme le troupeau de Dieu
4
. Les chrtiens ont hrit de
cette imagerie. A Rome mme, o l'on a tant de reprsentations pastorales
1.A.PROVOOST,/ /
significato delle scene pastoralidel II secolodopo Cristo,
dans
Atti del
IX Congressodi Archeologia Cristiana,
Citt del V aticano,
1948,1.1,
p.
407-431.
2. On trouvera une excellente revue des opinions antrieures (accompagne de vues
nuances) dans le rcent article de J.ENGEMANN,dansRLAC, S.v.
Hirt,
c. 577-607 (1990). Cf
aussi
LChrl,
s. v.
Hirt, G uter Hirt,
, e. 289-299
( . Legner, 1970) ;
DPAC,
s. v.
Pasteur
bon),c. 1921-1925 (A. Pollastri, . . Giumella, tr. fr. 1990 ; ital. 1983).
3.
Cit dans
DACL,
s. v.
Pasteur (Bon),
c. 2272.
4.
Is
63, 9-11 ; Ps 79, 13 ... ; cf
DSp,
s. v.
Pasteur,
c. 366-369>(P. G relot, 1984).
RLAC,
s. v.
Hirt,
c. 589-590 ;
KITTEL, S. V. .
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MARTINE DULAEY
dans les cimetires, les chrtiens se considrent tout naturellement comme les
brebis du troupeau du Christ, et ce, ds les origines, puisque l'image est dans
la premire Eptre de Pierre, chez Clment de Rome et dans le
Pasteur
d 'Hermas
5
. La symbolique pastorale est aussi particulirement frquente dans
les textes la fin du II
e
et au dbut du III
e
sicle, c'est--dire l'poque o
surgit pour nous l'art chrtien
6
.
De plus, des prophties de l'Ancien Testament parmi les plus clbres et les
glus souvent cites auII
nd
sicle ds qu'il est question de l'accomplissement des
critures, voyaient dans le M essie un berger qui viendrait patre le troupeau
des hommes au nom de Dieu. Les vangiles s'en font aussi l'cho : Jsus y est
souvent compar un berger, voire se prsentait volontiers lui-mme comme
tel,
d'aprs les S ynoptiques comme d'aprs l'vang ile de Jean
7
.
Compte tenu de ces faits, ne serait-il pas fort surprenant que, dans l'esprit
des chrtiens des premiers sicles, si prompts voir des symboles chrtiens
dans les objets ou images les plus banales (la croix dans le mt d'un navire,
dans une charrue ou une chelle...), n'importe quelle reprsentation de berger
n'ait pas veill dans leur esprit le souvenir du Christ ? Il ne faut pas oublier
que le
s 23 (Le Seigneur est mon berger...) a
reu ds le III
e
sicle au
moins une signification baptismale, qu'il tait appris par cur par les futurs
baptiss et chant lors du baptme (l'usage est attest au IV
e
sicle, mais
remonte probablement une poque bien antrieure)
8
. Les anciens Pres
s'adressent volontiers au Christ comme au Berger de l'glise universelle
rpandue sur toute la terre (Polycarpe), Berger de ceux qui sont sauvs
(M liton), saint Berger qui fais patre tes troupeaux sur les montagnes et dans
les plaines (Abercius), Berger des brebis du roi cleste (Clment
d'Alexandrie)
9
.
Reste prciser quel visage du Christ voquait pour eux le berger. tait-ce
celui du guide spirituel ? Etait-ce son amour pour les hommes ? Ou bien
voulait-on rappeler qu'il avait donn sa vie pour ses brebis, conformment la
parabole johann ique
(Jn
10, 11) ? Th. K.Kempf, qui a eu le mrite de runir
un abondant dossier de textes sur le Christ berger (pour les deux premiers
sicles surtout), tait d'avis que le berger portant la brebis sur ses paules
(gnralement appel Bon Pasteur par les iconographes) reprsentait le
5 .1 Pe 5, 2 et 4 ; 2, 25 ; CLEM . R. cor. 54, 1 ; 57, 2 ; 59, 4 ; HERM AS,
past.
9, 108, 4-6. Cf
aussi
BARN,pis t.
5, 12.
6. Ceci a t bien mis en valeur par
G. OTRANTO,
Tra
letteratura
e
iconografia.Note
sul
Buon
Pastore
e
sull Orante nelV arte cristiana -
sec),
dans Vetera Christianorum
26, 1989, p .
6 9-
87.
7.
Is
40, 1-7 ;
Za
13, 7 ;
34, 23-24... Tout cela fait partie des
prophties anciennes
souvent c ites.
8. J.
DANILOU,Etudes d exgse judochrtienne(Les Testimonia),
Paris, 1966, p. 151 ;
Bible et
liturgie,Paris, 1953, p. 243-244.
9.
Mart. Polyc.
19, 2
(S C
10, p. 234-235) ;
M L . S.,/r.
15
(S C
123, p. 242-243) ;
inscription d'Abercius
:
DACL,
s. v.
Abercius,
c. 70-72 ;
CLEM.
A .
paed.
3,
hymn.
4
(S C
158,
p. 192-193).
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LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE
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Logos Roi, berger et Sauveur, voire l 'union du Logos avec la nature
humainei. La critique a mis le doute - et c'est juste titre -, que cette
thologie abstraite et complexe ait pu tre l'origine des reprsentations du
Bon Pasteur dans les catacombes.
La ralit est effectivement plus simple. C'est la parabole de la brebis
perdue, telle qu'elle est rapporte en M t 18, 12, et non le discours deJn 10,
qui a donn lieu dans l'glise ancienne un enseignement trs rpandu, trs
populaire parce qu'il tait concret et parlantii, dont il ressort ceci : le berger
qui porte la brebis sur ses paules voquait pour les chrtiens des premiers
sicles l'Incarnation, la Passion et la Rsurrection du Christ, ce qui n'est pas,
selon nous, sans jeter quelque lumire sur les reprsentations anciennes.
I. - LE
BERGER
EN
QUTE
DE LA BREBIS,
FIGURE
DE
L INCARNATION
A. - Existence d un enseignement catchtique ancien surlaparabole
La parabole de la brebis gare est ainsi rapporte par M atthieu : S i un
homm e a cent brebis et que l'une d'entre elles vienne s garer, ne va-t-il pas
laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres
dans la montagne
pour aller la
recherche de celle qui
s est gare ?
Et, s'il parvient la retrouver, en vrit,
je vous le dclare, il en a plus de joie que des quatre-vint-dix-neuf qui ne se
sont pas gares (18, 12 ; Tob). La parabole concerne les disciples, elle leur
enseigne qu'ils doivent avoir souci du moindre de leurs frres, et s'achve sur
cette phrase : V otre Pre qui est aux cieux veut qu 'aucun de ces petits ne se
perde.
Dans l'vangile de Luc, le contexte est quelque peu diffrent. La parabole
de la brebis (une des trois paraboles de la misricorde) met en relief l'amour
du Christ pour les pcheurs. L'enseignement lui-mme prend une forme
diffrente : Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne
laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres
dans le dsert
pour aller la
recherche de celle qui est
perdue
jusqu' ce qu'il l 'ait retrouve ? Et quand il
l'a retrouve,
il la charge tout joyeux sur ses paules,
et, de retour la maison,
il runit ses amis et ses voisins et leur dit : "Rjouissez-vous avec moi, car je
l'ai retrouve, ma brebis qui tait
perdue
/"
{L e
15, 3-6 ; Tob). La formule
de la conclusion n'es t pas non plus identique celle de M atthieu : Je vous le
dclare, c'est ainsi qu'il y aura dans la joie dans le ciel pour un seul pcheur
10.
Th. K.
KEMPF,
Christus der Hirt, Ursprung und Deutung einer altchristlicher
Symbolgestalt,Rome, 1942 (Diss. U niversit G rgorienne, dactyl.).
11.
Le mme auteur, dans les
5
pages imprimes rsumant sa thse, affirme (p. 23-24) que
l'interprtation de cette parabole est trs frquente dans l'glise ancienne et semble
universellement connue
;
mais, la
p.
122 de la thse dactylographie, il affirme que la parabole
n'aurait pas influenc la reprsentation du Bon Pasteur.
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MARTINE DULAEY
qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas
besoin de conversion.
Si donc l'ide de base est la mme (le berger est capable de laisser l tout
son troupeau p our sauver une seule brebis en danger), pour M atthieu, le
berger laisse les brebis dans la montagne, et pour Luc, dans le dsert ; Luc est
le seul montrer l'image du berger portant la brebis sur les paules, peut-tre
parce qu'il est de culture grecque et qu'il a en mmoire le berger criophore de
la statuaire hellnistique. Enfin, ni M atthieu ni Luc ne parlent explicitement de
"berger", et encore moins de "bon berger".
Or, trs tt, l 'enseignement chrtien a procd un amalgame des traits
caractristiques de M atthieu et de Luc, ainsi qu'on le constate dj chez Irne
e t Te r tu l l i en i
2
. La brebis est indiffremm ent dite "gare"(M t) ou
"perdue"(Lc) ; l 'pisode est gnralement situ dans les montagnes, comme
dans M t, mais le plus souvent, le berger charge la brebis sur ses paules
comme dans Luc. Un bibliste aussi averti qu'Origene prsente comme citation
un texte qui suit la formulation de Luc, mais dans lequel les quatre-vingt-dix-
neuf brebis sont laisses dans la mon tagne comm e chez M atthieu, alors qu 'il ne
semble pas que les manuscrits du N ouveau Testament prsentent cette variante
harmonisante
13
.
Plusieurs auteurs, tout en se rfrant M atthieu ou Lu c, qualifient le
propritaire des brebis de "bon berger", expression qu'on ne rencontre que
dans
Jn
10, 11 et 14 : c'est le cas de Tertullien et d'Origne, pour ne citer que
les plus anciens, car le fait est extrmement frquent
4
. M me saint Jrme,
qui connat bien sa Bible, n'hsite pas parler de parabole du bon pasteur
propos du rcit de l'Evangile de Luci
5
.
Les trois vangiles cits sont loin d'tre traits galit dans l'amalgame
propos par la tradition. A Jean, on n'emprunte que l 'expression "bon
pasteur". De l 'vangile de Luc, nos auteurs retiennent presque toujours
l'image du berger criophore. Quant au rcit de M atthieu, il a impos de faon
gnrale l'ide que le berger faisait patre son troupeau
dans les montagnes
; la
mention lucanienne du dsert n' intervient que pour introduire une autre
12. IREN.haer. 3, 19, 3
(SC
211, p. 380-381) :le berger
descend
(allusion la m ontagne de
M atthieu) ; il cherche la
brebis
perdue(Le) etoffre
la
brebisau Pre (les statues criophores sont
souvent des offrants dans l'Antiquit
;
Irne a en tte le berger de Luc ).
TERT.
scorp.
8, 9
(CC
2, p. 1080,
8) : il faut chercher les pcheurs
per montes
(M t) et les rapporter sur ses paules
(Luc).
13. ORIG.
hom. Gen.
2, 5
( S C
7b, p. 100, 24-31) ; mme ensemble dans
hom. Gen.
13, 2,
p.
314, 12-14.
14. TERT. pud. 7, 1-4 (C C 2, p. 1292, 1-18) ; OR IG . hom. Num. 19, 4 (GCS, p. 184, 16) :
pastor bonus(Jn), in montibus(M t), impositam humeris suis(Lc) ;
hom. Gen.
9, 3
( SC
7b, p. 250, 49-54).
15. HIER,
in Is.
14 (53, 5-7),
CC
73A, p. 590, 34-37 : [ouis] quae in
evangelii
parabola
boni pastoris atque solliciti humeris reportata est. "L'vangile", comme s'il n'y en avait
qu'un : il est clair que Jrme se rfre une tradition. Cf aussi
in
M r 18, 12
(S C
259, p. 56,
119-136).
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LA PARABOLE DE LABREBIS PERDUE
7
interprtation, secondaire, comme c'est
le cas
chez
le
Pseudo-Cyprien,
ou
dans
des commentaires exprs
de
l'vangile
de Luc ;
encore
n y ena-t-ilque
deux
exemples assez tardifs
:
Augustin
et
Cyril le d 'A lexan driei
6
.
Et
mme,
Ambroise,
qui
pourtant commente l 'vangile
de Luc,
nous
dit,
comme
M atthieu,
que le
berger
a
laiss
ses
brebis
sur les
montagnes
17
. Comme
on
pouvait
s y
attendre dans l'glise ancienne, c'est
le
rcit tir
des
vangiles
synoptiques
quis est
impos
et non
celui
de
Jean.
Il
faut attendre
la fin du IV
e
ou
le
dbut
du V
e
sicles pour voir apparatre dans
le
commentaire
de la
parabole
de la
brebis perdue d'autres traits emprunts
Jean 10, ainsi
du
reste
que des exgses suivies de
la
parabole johanniqu e
18
.
Tout cela porte lamarquede la tradition catchtique : letexte bibliqueest
transform
par
l'usage
qui en est
fait,
et des
dtails nouveaux
y
sont introduits
en fonction
de
l'interprtation figure qu'on
en
donne communment.
-
La descente
de la
montagne
la
venue salvifique
du
Verbe dans
le
monde
L image du berger dans lesmontagnes a clips celle
du
dsert
cause
du
sens
que l on a
trs
tt
accord
cette localisation.
Les
montagnes,
le
lieu
lev (superna, superiora)
19
, symbolisent
le
monde d'en-haut,
d o le
Fils
de
Dieu
est
descendu pour venir parmi
les
hommes .
Le
schma d'ensemble
(descente-remonte)
est
commun
la
littrature johannique
et la
gnose.
Il est
vraisemblable que, lorsque
les
gnostiques appliquent
la
parabole
la
sortie
de
leur Sauveur
du
Plrme pour recouvrer chamot
ou
Hlne,
ils ne
font
qu'accommoder
leur faon l'interprtation
de la
parabole telle qu'elle avait
cours
au
II
e
sicle dans
la
grande glise
20
.
La brebis, quant
elle, errait dans
les
lieux infrieurs, comme l'crit saint
J r m e
2
.
La
brebis gare reprsente l 'homme
: Le
Seigneur
est
venu
rechercher
la
brebis
qui
avait pri,
et
c 'est l 'homme
qui
avait pri,
dit
16.
A V G .
quaest. ev.
2, 32
CC
44B, p. 72, 1-20) ; CYRIL.A. in
Le
15, 4
PG
72, 797-
800) ;Ps.CYPR.centes.10 PLS1, 58).
17. AMBR.
in Le
7, 209-210
(S C
52, p. 87-88).
18.
5exemples seulement :RVF.
epiph.
14
(CSEL
46, 1, p.
101,
25- 102,6) ;AV G .
en.
ps.
69,
6
(CC
39, p. 936, 11-16) ;
EPIPH. LAT.interpr.
ev. (PLS
3, 867-868)
; QVODVU LTD.
ser.
2,
13
(C C
60, p. 85) ; Ps.
AV G .
ser.(PLS
3, 314-317) : de l'cole d'Augustin selon J.
LECLERCQ,
RBen
59, 1949,
p.
100-113.
19.
Ps. CYPR. centes. 10 PLS 1, 56-57) ;O R IG . hom. Gen. 9, 3 SC7b, p. 250, 51) ;
horn. Num.
19,
4(GCS, p. 184, 16).
20. IREN.
haer.
1, 8, 4 ; 1,23 ,2
( S C
263,p. 124et314) ; 2, 5, 2 SC294,p.54-55);
TERT.
anim.
34, 4
CC
1, p. 836, 30). EPIPH.
pan.
31, 26, 1 ; 21, 3, 5
GCS
25, p. 425, 3 et
242,
15). Sur la
signification exacte
de
cette interprtation gnostique, probablement
mal
interprte par les crivains chrtiens,
cf
A.
ORBE,Parabolas evanglicas
en San Ireneo,
t. 2,
M adrid, 1972, p. 118-125.
21 .HIER.C.
Joh. Hier.
34
(PL
23,386) : in inferioribus oberrabat.
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I r ne
2 2
, dans un passage qui traite de la ncessit de l'Incarnation. Pour
Didyme d'Alexan drie, elle a err du fait de la transgression d 'Ad am
23
. Elle
s'tait gare en Adam, notre brebis, attire par les piges du serpent, crit
Ambroise ; selon Thodoret, elle errait dans les monts et les valles au
service des dmons, et Hsychius de Jrusalem prcise, en entremlant les
termes utiliss par M atthieu ceux de Luc : non seulement nous avons err,
mais nous tions perdus ; l'ennemi nous a perdus : il a pris en main notre
errance, la tromperie, il a ajout la tromperie...
24
L'homme, donc, tait perdu ; or, le Fils de l'homme est venu chercher et
sauver ce qui tait perdu(Lc 19, 10) : ce verset, donn par plusieurs
man uscri ts , versions et tmoins du N ouveau Testament comm e part ie
intgrante de la version matthenne de la parabole (=
Mt
18, 11), est souvent
cit par les Pres qui commentent la parabole
25
.
Ainsi, la descente du berger signifie l'Incarnation du Fils de Dieu en vue du
salut des hommes. L' Incarnation est , selon Origene, une descente
extraordinaire due un excs d'amour pour les hommes, en vue de ramener,
selon l'expression mystrieuse de la divine Ecriture, "les brebis perdues de la
maison d'Isral", descendues des montagnes, et vers lesquelles le berger de
certaines paraboles est descendu, laissant sur les montagnes celles qui ne
s'taient pas gares
26
. U ne brebis avait pri, dit le mm e auteur, mais le
bon pasteur, laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes,
descendit dans notre valle, notre valle de larmes, la chercha et, l 'ayant
retrouve, la mit sur ses paules...
2 7
. Ailleurs, l'Alexandrin exprime cette
descente du berger en termes noplatoniciens : venu chercher la brebis
l'tranger, il la ramne dans la patrie
28
.
Rsumant dans son
Commentaire sur Matthieu
cette interprtation, que l'on
trouvera encore chez bien d'autres auteurs
29
, Jrme crit que, dans le bon
Pasteur qui rapporte sur ses paules la brebis, certains voient Celui qui, "bien
que de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'galait Dieu,
mais s'anantit, prenant la condition d'esclave, se faisant obissant jusqu' la
22. IREN.
dem.
33
(S C
62, p. 83).
23. Conserv dans la Chane Palestinienne sur le
s
118 :
SC
189, p .
470-471.
24. AM B . apol. Dav.
1, 5, 20
SC
239, p. 96, 14). Thodoret et Hsychius, cits par la
Chane Palestinienne,
S C 189,
p. 472-473.
25.
M me quand ils ne sont pas rpertoris comme tmoins de M i 18, 11, parce que ce
verset n'est pas chez eux immdiatement accol au rcit de M atthieu ; par exemple
HIER,
in Ez
8 (26, 19-21),
C C
75 , p. 356, 682-685).
26 .
ORIG.
C.
Cels.
4, 17
(S C
136, 222, 17 sq).
27. ORIG.
horn. Num.
19, 4
(GCS,
p. 184, 16) : sed hanc ouem pastor bonus, relictis
nonaginta nouem in montibus, descendens ad uallem hanc nostram, uallem lacrimarum, et
requirens inuenit atque impositam humeris suis, et illi numero qui in superioribus saluus
manebat, adiunxit.
28. ORIG.
Jer. cat.fr.
28
(GCS,
p. 212, 20 -213, 4).
29. Par exemple CASSIOD.
exp. ps.
118, 76
(C C
98, 3251-3285).
http://cat.fr/http://cat.fr/ -
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LA PARABOLE
DE LA
BREBIS PERDUE 9
mort, la mort de la croix". Il descendit surterre, prcism ent pour sauver
l'unique petite brebis perdue, c'est--dire le genre humain ;
ouicula
:
ce
diminutif affectif est souvent employ pour notre brebis, tant par Tertullien
que
par
Origene
et
Jrme
3
^.
La
forma pastoris, dans
le
Com mentaire
sur
Ezchiel du Stridonien, correspond la venue cache du M essie , lorsde
laquelle s'accomplissent lesprophties duberger en
Ez
34, 23-24et
Is
40 ,9-
1131. D
a n s
l' interprtation symbolique d'Ambroise se superposent l' imagedu
bon Pasteur qui descend de lamontagne pour prendre sur ses paules labrebis
et celledu bonS amaritain qui, descendant de Jrusalem Jricho, charge
l'homme couvert deplaies sur sam onture : deux images del 'homm e bless
par le pch, deux images de l'Incarnation
32
.
II. - LE
BERGER
QU I
REMONTE PORTEUR
DE LA BREBIS ,
FIGURE
CHRISTIQUE
DU
SALUT
A
-
Le
retour du berger
:
la R surrection
et
Ascension du Christ
La parabolede labrebis p erdue ne mentionne p as exp licitement leretour du
berger vers le troup eau qu il a
laiss sur la montagne. Pourtant, ceretourdu
berger est mis enrelief par bon nombre d'auteurs : le berger portant labrebis
su r ses paules reprsente poureux le Christ remontant vers le Pre aprs
avoir accompli lemystre dela rdemption.
Ceci est dj explicite dans Y Adversus haeresesd'Irne, o "le signe dansla
profondeur
et
dans
la
hauteur" que Dieu donne
au roi
Achaz sans qu'il l 'ait
demand (cf
Is
7, 14) est le mystre du V erbe incarn, que l 'homm e ne
pouvait imaginer : Ildescendit pou r nous dans les profondeurs de la terre
pour y chercher la brebis perdue, c'est--dire sonpropre ouvrage par lui
model,et il remonte ensuite dans les hauteurs, pour offrir et remettre son
Pre l'homme ainsi retrouv, effectuant en lui-mme les prmices de la
rsurrection del'hom m e. C'tait afin que, tout comme laTteest ressuscite
des morts,lerestedu Corps, c'est--dire tout hommequi sera trouv dansla
vie, ressuscite33.Le berger porteurde la brebis voque donc ici le Christ
ressuscit remontant au ciel, gage de larsurrection de l'ho mm e.
30. HIER,
in Mt
18, 12
(S C
259, p. 56-57)
:
Quidam putant istum esse pastorem qui "cum
in forma Dei esset non rapinam arbitratus est esse se aequalem Deo, sed exinaniuit se formam
serui accipiens, factus oboediens Patri usque ad mortem, mortem autem crucis",
et
ob
id
ad
terrena descendent ut saluam faceret unam ouiculam quae perierat, hoc est humanum
genus.Ouicula : ORIG .nom. Jos.7, 16 (cf note 35) ;TERT.paen.8, 5 ;HIER,epist.69, 1
(note 66).
31.
HIER,inIS 11 (40, 9-11),CC73, p. 458, 44-69.
32 .
AMBR.paen. 1, 6, 27 SC179, p. 76, 7) ;in Le7, 76-77 SC52, p. 34).
33. IREN.
haer.
3,
19,
3
(S C
211, p. 380-381)
:
...descendere
in ea
quae sunt deorsum
terrae, quaerentem ouem quae perierat, quod quidem erat proprium plasma,
et
ascendere
in
altitudinem, offerentem et commendantem Patri eum hominem qui fuerat inuentus, primitias
-
7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2
8/560
10
MARTINE DULAEY
U ne telle interprtation n 'a pas t invente par Irne po ur faire pice aux
lucubrations des gnostiques sur la parabole, mais correspond un
enseignement traditionnel. Un passage du trait Sur la rsurrection d e
Tertullien suppose que ses lecteurs avaient en mmoire une exgse de ce
type
3 4
. Il en va de mme pour une des Homlies sur Josu d 'Origene, o
l'Alexandrin renvoie explicitement ses auditeurs ce qu'ils savent dj : As-
tu perdu la mmoire au point de ne plus te souvenir du
mystre du Seigneur ?
Lui,
il a laiss dans les cieux quatre-vingt-dix-neu f b rebis , et po ur une seule
petite brebis qui s'tait gare, il est descendu sur la terre, il l'a trouve, mise
sur ses paules et rem porte dans les cieux
35
?
Dans son commentaire de la parabole, Hilaire de Poitiers dit que l'homme,
gar, est ramen dans le monde cleste in dominico corpore , c'est--dire, (il
joue sur le double sens de la prposition in ), la fois sur le corps du
Seigneur (la brebis) et dans le corps du Seigneur : lors de l'Ascension, dans
l'humanit ressuscite du Christ, les hommes sont dj virtuellement ramens
au Pre
36
. Ambroise
s est
souvenu de la formule hilarienne quand il a crit,
dans son magistral commentaire des trois paraboles lucaniennes de la
misricorde : Le Christ vous porte en son corps, ayant pris sur lui vos pchs
(...). Pasteur, il rapporte (...). La brebis qui s'tait gare en Adam est
releve
dans le Ch rist
37
. Jrme crit aussi que Jsus sur ses paules
rapporta aux cieux la brebis, porteur patient de la pcheresse abandonne
38
,
et G rgoire le G rand : Aprs avoir restaur l 'ho mm e, notre Berger est
revenu au Royaum e cleste
39
.
resurrectionis hominis in semetipso faciens, ut quemadmodum caput resurrexit a mortuis, sic et
reliquum corpus om nis hominis qui inuenitur in uita [...] resurgat. Sur la parabole de la brebis
perdue chez Irne, cf
A. ORBE,Parabolas evanglicas en San Ireneo,
M adrid, 1972, t. 2, p.
34. TERT.
res.
34, 2
(C C
2, p. 964, 7) : c'est la brebis tout entire qui est porte sur les
paules du bon Pasteur
(totum
pecus,
pas l'm e seulement), pour nous montrer que c'est notre
tre complet qui doit tre ramen lavie. L'utilisation incidente de la parabole dans ce passage
laisse entendre que l'interprtation funraire du Bon Pasteur est frquente vers211, c'est--dire
plus ou moins l'poque o nous voyons ces reprsentations se rpandre dans les catacombes.
35. ORIG.
hom. Jos.
7, 16
(S C
71,p. 212-213) : Sic immemor es dominici sacramenti, ut,
cum ille derelictis nonaginta nouem in caelestibus propter unam ouiculam quae errauerat, ad
terras descendent et inuectam reuectauerit humeris suis ad caelum ...
36. HIL.
in Mt
18, 6
( S C
258, p. 80 , 11-14) : in domini corpore.
37. AM BR.in
Lc
7, 208-209 : Christus te suo corpore uehit, qui tua in se peccata suscepit
(...); quasi pastor reuehit (...) ; redemptor subuenit(...). Ouis ilia quae perierat in Adam
releuatur in Christo.
38. HIER.C.
Jo h. Hier.
4
(PL
23, 358) : suis humeris portauit ad celos
baiulans
et patiens
delicatam
peccatricem. Il faut probablement lire baiulus et derelictans, car c'est une
citation de TERT.
pat.
12, 6
(S C
310, p. 102, 25).
39. GREG.
M .
in
euang.
34, 3
(PL
76, 1247).
-
7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2
9/560
LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 11
Augustin, quant lui, met davantage l'accent sur la rsurrection, quand il dit
que le berger possde la brebis par sa rsurrection
40
. En fait, l'Ascension est
l ' achvement du mouvement de la Rsurrection depuis la thologie
judochrtienne, et Pierre Chrysologue unit encore les deux thmes : pour lui,
le Christ, ayant charg ses paules de la brebis tout joyeux de la joie de la
rsurrection, l 'a porte et ramene par l 'Ascension jusqu' la demeure
cleste
4
. Un sermon africain du V
e
sicle, tout entier consacr la brebis
perdue, et qui serait de l'cole d'Augustin, selon J. Leclercq, insiste fortement
sur ce thme : Jsus a plac la brebis sur ses paules lors de l'Ascension, ainsi
qu 'il est crit : "M ontant dans les haute urs, il a pris les prisonniers , il a fait des
dons aux hommes"(E/?/ 4, 8). Comment
a-t-il
fait des dons aux hommes ? En
enlevant au ciel la chair de l'homme, il a fait tous sans exception un riche
cadeau. Car, depuis que nous savons que le corps du genre humain est au ciel,
nous croyons que tous, dans le futur, nous recevrons cette ternit que notre
corps a dj reue dans le Christ
42
.
Alexan drie, G aules, Italie du N ord, Afrique : cette interprtation est donc
rpandue. En certaines glises, elle a la liturgie pour vecteur. En Cappadoce,
au IV
e
sicle, lePs 23 (22) (Le Seigneur est mon berger) tait lu lors de la
fte de l'Ascension ; on ignore s'il en allait de mme pour notre parabole ; ce
qui est sr, c'est que G rgoire de N ysse rapproche les trois thmes, A scension,
Christ berger, retour de la brebis perdue (sur le char d'lie ) : le Christ, dit-
il,
s'adressant dans un sermon prch lors de cette fte la brebis perdue
qu'est l'homme, est venu t'arracher au gouffre du pch et, au moyen du char
du Royaume, te conduire la montagne par son Ascension
43
. Quant la
relation entre la parabole du berger et la Rsurrection, elle est d'autant plus
naturelle que le
Psaume
23 (22), que l'on apprenait par cur aux nophytes,
tait chant lors de la V igile pascale
44
. On lit encore dans le Missel Gothique
d'Autun ce dbut de prire : O nuit (pascale), o la brebis est ramene sur les
paules du bon berger...
45
40. AVG.
en . ps.
99, 15
(C C
39, p. 1403, 19-24) : qui resurgens possedit ouem (cf note
74).
41. PETR. CHRY.
ser.
168
(C C
24 B, p. 1034, 74-77) : ...gaudens toto resurrectionis
gaudio per ascensum ad caelestem tulit et pertulit mansionem.
42. Ps . QVODVULTD.
ser. (PLS
3, 316) : Quando super humeros imposuit ? Quando ad
caelum-utique maiestatis suae subuectionem portauit, sicut scriptum est :"Ascendens in altum
captiuam cepit captiuitatem, ddit dona hominibus". Quomodo ddit dona hominibus? Quia in
eo quod humanam carnem ad caelum sustulit, omnes omnino homines diuina remuneratione
ditauit. Ex quo enim humani generis corpus scimus in caelo, omnes nos illam aeternitatem
accepturos credimus in futuro, quam corpus nostrum iam accepit in Christo. Je renonce
traduire la bizarre expression maiestatis suae subuectionem portauit, o je souponne une
erreur du ma nuscrit.
43. GREG,NYSS.ascens.
(d. Jaeger, t. 9, p. 323 , 20 - 324-22).
44.
Cf note 8.
45 .
P .
DE PUNIET,
Le symboledupa steur dans laliturgie,
d
ans Eph. Liturg.5 3, 1939, p.
285.
-
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12 MARTINE DULAEY
-La brebis rintgre dans le troupeau : le retour la vie
Ainsi, le berger portant la brebis sur ses paules dit notre Rdemption. Du
Psalmiste qui chante
(P s
118, 176) : J'ai err comme une brebis perdue ;
donne la vie ton serviteur (ou : viens chercher ton serviteur : LXX)
46
,
Hilaire crit : Il a hte d'tre ramen sur les paules de son pasteur, comme la
brebis gare et perdue, pour que son accueil dans le ciel par son sauveur,
pasteur ternel, donne des joies ternelles aux anges. En effet, le Fils de
l 'homme est venu sauver ce qui tait perdu.. .
4 7
. Pour Bde, qui s'inspire
probablement de ce passage d'Hilaire, le Ps 118, 176 est accompli lors de
l'Incarnation
48
.
L'interprtation la plus ancienne, celle d'Irne, voit simplement dans le
retour de la brebis perdue le retour de l'homme la vie : Il a recouvr (ou :
rtabli) la brebis perdue et l'a rintgre avec allgresse dans le troupeau de la
v ie
49
. Pour l'vque de Lyon, le troupeau de la vie dsigne les hommes
sauvs et non les anges
50
. Des auteurs ultrieurs parlent aussi de la brebis
ramene la vraie vie, la vie d'en-haut, sans plus de dtails
5
.
M ais on sait les Anciens friands de symbolique des nom bres. Dj au II
nd
sicle, les gnostiques accordaient une signification symbolique aux nombres de
la paraboles ; cent, chiffre complet, est la marque du Plrme, qui, par la
chute, a t rduit quatre-vingt-dix-neuf : les quatre-vingt-dix-neuf brebis
du salut qui n'ont pas t perdues, mais sont demeures dans la bergerie
52
.
Pour Origene, les brebis demeures sur la montagne sont les cratures
rationnelles, c'est--dire, de son point de vue, les puissances angliques et les
mes prexistantes, et la brebis gare et ramene la bergerie de la
46. La diffrence entre la S eptante et laVtus Latinaest souligne parAM BR.
in Ps
118,22,
27
(CSEL
62, p. 502, 11-15).
47.
HiL.
in ps.
118, 176
( S C
347, p. 302, 4-9) : Referri enim se errabundam ac perditam
ouem pastoris sui humeris festinat, ut per salvatorem suum aeternumque pastorem in caelo
angelis aeterna gaudia praebeat se recepta. "Filius enim hominis uenit saluare quod perierat",
"missus ad oues perditas domus Israhel".
48. BED.
in Le
1 (2, 18),
C C
120, p. 55, 1409-1414) : joie des bergers l'annonce des
anges,
parce qu'ils voient l'accomplissement du
Ps
118,176.
49. IREN.
haer.
5, 12, 2
(S C
153, p. 206-207) : in nouissimis temporibus perditos
exquisiuit nos, suam lucrifaciens et super humeros assumens ouem perditam et cum
gratulatione in cohortem restituens uitae. Sur la traduction de
lucrifaciens,
cf A.
ORBE,
Parabolas. . . ,
2, p. 172.
50. A.ORBE,Parabolas,2 , p. 174-175 ; ide qu'on retrouvera chez Bde: BED.
inI Sam.
3
(16,
11),
C C
119, p. 140, 145-157).
51.
Ps.
CYPR.
centes.
10
(PLS
1, 56) : ad superna reuocatum. ;
RUF.
epiph.
14
(CS EL
46, 1, p. 101,
25 sq) : reuocavit te ad supernam et caelestem uitam.
52. IREN.
haer.
2, 24, 6
( S C
263, p. 248-249) ;
HIPP,
refut.
6, 52, 5
(GCS,
p. 185, 6).
-
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11/560
LA PARABOLE
DE LA
BREBIS PERDUE
13
perfection
53
. Lamme expression (les cratures rationnelles) revient encore
chez D idyme, G rgoire
de
N ysse, Eunome, Cyril le d 'Alexandrie
et
chez
l'auteur
du
De
recognitione fidei,
mais
il est
probable q u'ils
en
restreignent
le
sens aux seuls anges
54
.
S e lon M thode d 'Olympe, le Christ est le berger de toutes les cratures
clestes, et l 'homm e, l'origine, appartenait au troupeau cleste,quicomptait
un nombre parfait debrebis :cent.Sur lamontagne (ilfaut en effet penser
que
les
montagnes figurent
les
d e u x ) ,
les
quatre-vingt-dix-neuf brebis
figurent, enface de l'humanit entrane dans lachute, lesanges
55
.Lamme
interprtation revient chez Hilaire, Ambroise, Augustin, l'piphane latin, et
jusque chez Isidore de Sevi l le
56
. Le retour au nombre cent, symbole de la
plnitude, marque donc l'achvement de l'conom iedusalut
57
. Ainsi s'exprime
G rgoire
de
N ysse
: Il est
venu chercher
et
sauver
ce qui
tait perdu,
et, le
prenant
sur ses
paules, rtablir
ce qui
avait pri
cause
de la
vanit
des
choses sans existence relle
au
milieu
de ce qui est
vraiment, afin
que le
nombrede lacrationdeDieu retrouve son harm onie
58
.
C-La brebis sur les paules : V humanit sauve
La tradition d'interprtation de laparaboleest quasi unanimesur ce point :
la brebisque le berger ramnesur sespaules figure l'hum anit tout entire.
Elle est l 'hom me , Adam, son propre ouvragepar lui model pour Irne
ou l'piphane latin
59
,
ou
encore l'me hum aine, pour Jrme
et
Augustin
60
.
Origene insiste
sur le
fait
que la
brebis unique porte
par le
Christ
est la
figure
du
Corps
du
Christ
:
Comm e plusieurs corps sont
un
seul corps (selon
1Co12, 27, qu 'il vientdeciter), plusieurs b rebisqui taient perdues sont une
53 .
ORIG.
hom. Gen.
2,5
(S C
7b, p. 100, 24-31):totius rationabilis creaturae continens
sacramentum ; 9, 3 (p. 250, 54) : ad supernum perfectionis ouile revocatum.
54. Didyme
:
Chane Palestinienne,
S C
189, p. 470-47 3.
GREG. NY SS.
anirr. adv. Apoll.
16
{JPG45 ,
1153) ;
CYRIL.
A.
in Le 15,
4
(P G 72,
797-800)
;ree.fid. (GCS,
p.
167,
24).
55.
METH.
conviv.
3 ,
5-6
(S C
95, p. 100-101).
56.
HIL.
in
Mt
18,
6
(S C
258, p. 80, 9-10)
;
myst.
1, 8
(S C
19 b, p.
106-109)
;
AM BR.
in
Lc7,
210
(S C
52, p.
88) ;
A v e .
e n.
ps.
8, 12 (CC
38 ,
p.
55, 24-28)
; coll. Maxim. (PL 42,
727)
;
EPIPH.interpr.
ev . (PLS
3, 867) ; Ism.
alleg.
173
(PL
83, 121).
57 .
AMBR. inps 118,
21 ,
3 CSEL62, p. 489, 29). PETR. CHRY.ser. 168, 5 CC24 B, p.
1033, 58-67).
58.
GREG. NYSS.
in eccl.
2
(Jaeger,
t.
5, p. 305,
1-13).
59 .
IREN. dem.
33
SC
62, p.83) ; 5, 12,2
SC
153,p. 150-151) etc ;
EPIPH.
Lat.
interpr.
evang. PLS3 867 .
60.
HIER,
in Mich.l
(4,
1-7),
CC
76, p. 47 1, 183-185)
;
Ave .
div. quaest.
83 (65),
BA
10,
p. 230-231).
-
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12/560
14
MARTINE DULAEY
seule brebis
6
. Hilaire
a
repris l'ide
: La
brebis un ique doit s'entendre
de
l ' homme,
et
sous l 'homme unique,
il
faut voir l'ensemble
des
hommes
62
.
Ambroise
le
redira
travers
les
catgories rhtoriques
de
genus/species
(l'exgse chrtienne
n a pas
attendu
les
Rgles
de
Tyconius pour
en
user)
:
Cette brebis
est
unique quant
au
genre,
non
spcifiquement,
car,
"tous, nous
ne formons qu'un seul corps(7 Co10 ,17), mais beaucoup de membres, c'est
pourquoi
il est
crit
:
"V ous tes
le
Corps
du
Christ,
et
membres
de ses
membres"(7 Co
12,
27).
Car le
Fils
de
l 'homm e
est
venu pour sauver
ce qui
avait pri
Le 19, 10),
c'est--dire tous, puisque, "com me tous meurent
en
Adam,
de
mme, dans
le
Christ, tous reoivent
la
v ie"
6 3
.
La
mme ide
reparat explicitement, chez
les
Latins sous
la
plume
de
Jrme, chez Augustin,
Pierre Chrysologue, dans
le
sermon africain
sur la
brebis perdue
et
chez
Cassiodore
64
,
et
dans
le
monde grec, chez Cyrille
de
Jrusalem, G rgoire
de
Nysse
et
Thodoret
65
.
Ce
qui est dit du
Corps mystique
est
videmment valable p our chacun
de ses
membres, mais
il
s agit toujours alors
d un
dveloppement secondaire, ainsi
qu'il ressort d'une phrase
de
Jrme
:
Tous
les
membres
de la
petite brebis
gare
ont t
ports
par le bon
pasteur
66
. L'exgse christologique
et
ecclsiale
de la
parabole
est
premire,
les
interprtations personnelles
(pnitentielles
ou
baptismales)
en
drivent
;
dans
ces
dernires,
le
berger
est
souvent
le
responsable
de la
communaut,
le
troupeau
est
l 'Eglise,
et la
brebis
gare
le
pcheur.
La
parabole
est
alors utilise dans
des
exhortations
aux
chefs
des
Eglises p our stimuler leur zle pastoral
ou
leur souci
des lapsi
61
.
61 .
ORIG.
hom . Ez.
4, 6
(S C
352, 178,
8-12) :
Quomodo enim unum corpus plura sunt
corpora, et una ouis plures oues quae periera nt...
62.
HIL.
in Mt
18, 12
(S C
258, p. 80,
6) :
Ouis una homo intelligendus
est et
sub homine
uno uniuersitas sentienda est.
63.
AMBR.
in Le
7, 209
(S C
52 , p. 87)
:
Ouis illa genere est una, non specie ; "unum enim
omnes corpus su mus" sed multa membra, et ideo scriptum est :"uos autem corpus estis Christi
et membra ex m embris eius. "V enit itaque filius hominis saluum facer quod perierat, omnes
scilicet, quia sicut in Adam omnes moriuntur, ita in Christo omnes uiuificantur".
64.
HIER,
in
Mt18,
12 : cf
note 30. A vo.
ser.
37 ,
2
(CC
4 1, 448,
44) : la
brebis
sur les
paules du berger est assimile
la ville sur la montagne de la parabole de la lampe
;
pee. mer.
1,
27, 54 CSEL60, 25) ; PETR. CHRY. ser. 168, 6 CC24 B,
p .
1033, 69-70)
;
Ps. Ave.ser.
(PLS
3, 316) ;
CASSIOD.
exp. ps.
118, 176
(CC
98 ,
3265-3269).
65.
CYRIL.
H.
cat.
A 15,
24
(Rupp, p. 188, 14). Pour Cyrille d'Alexandrie
et
Grgoire
de
N ysse, voir
les
rfrences
de la
note 44. Thodoret
:
Chane palestinienne,SC189, p. 472-
473.
66. HIER,
epist.
69,1(d. Labourt,
t.
3, p. 192) : Cuneta ouiculae m embra portata sunt.
67 . TERT. pud.
13, 7
CC
2, p. 1304, 30) ; CYPR.
epist.
55, 15, 1 (Bayart, p. 140) ; Ps.
CYPR.
nouat.
15,1
(C C
4,p. 149,1-4) ;
coll. Avell., CS EL
35, 1, p. 121,4-5 ;
const, apost.
2,20, 8
(S C
320, p. 202, 54, 62). S ur
le
lien entre
le
thme du bon Pasteur
et
de
la
pnitence,
cf
E. DAS
s M ANN,
S ndenvergebung durch Taufe, Busse
und
Martyr erverbitte
in den
Zeugnissen frhchristlichen
FrmmigkeitundKunst,
M nster, 1973, p.331-339.
-
7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2
13/560
LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 15
III. - LEBERGERQU IPORTELA BREBIS,
FIGURE
DE LAPASSIONDU DIEU FAIT HOMME
A-La
descente du berger, la Passion et la Descente aux Enfers
A l'origine, c 'est
sur le
m ouvement
de
descente
et de
remonte
que s est
concentre l'exgse. Toutefois,
le
salut accord
par le
Christ l'est moyennant
la Passion,et l' ide est prsente ds l'u vre d'Irne,o ladescenteduV erbe
va jusqu ' la descente aux Enfers : le Christ est descendu dans les
profondeurs de la terre pour ychercher labrebis perdue
68
. Ladescenteaux
Enfers est videmment lie
la
Passion.
Selon Irne,
qui
semble
se
souvenir que M arc
et
M atthieu v oient dans
la
Passion l 'accomplissement
de la
prophtie
de
Zacharie
: Je
frapperai
le
berger . . .) , c 'est sur la croixet par la descente auxEnfers que le Christ
berger consti tue
le
troupeau
du
Pre
:
M en comme
un
agneau
regorgement, par l 'extension de ses mains il adtruit Am alech, et rassembl
des extrmits de
la
terre dans
le
bercail du Pre les enfants disperss ;il
s est
souvenu
de ses
morts
qui
s'taient endormis dans
les
temps antrieurs
et est
descendu vers eux pour les sauver
et
les librer
69
.
Le lien tabli entre le Christ berger et la descente aux Enfers parat
remonter aux toutes premires gnrations chrtiennes, car dans
le Psaume 23
(22),
la
valle
de
l'ombre
o le
Berger divin prserve l'homme
de la
mort
voquait anciennement la descente auxEnfers
70
. Que ces conceptions aient
survcu au cours des sicles nous est prouvpar le sermon africain sur la
brebis perdue dont il adj t q uestion ; son auteur, qui pourrait s'inspirerde
Irne latin, crit
en
effet
:
Quand
le
Christ est-il all
la
recherche
de la
brebis, sinon quand
il est
descendu
du
ciel
?
Quand l'a-t-il trouve
?
Quand
il
est descendu aux Enfers
?
i.
Aprs Irne,
on
insiste plutt sur
la
Passion que sur
la
descente aux Enfers.
Pour Jrme, c 'est
la
croix
que le
Christ runit
la
brebis perdue
(les
tres
terrestres) avec
les
tres clestes (les anges, figurs
par le
reste
du
troupeau),
et ainsi fait
la
paix
par le
sang
de sa
croix
7 2
.
Le
Fils
de
Dieu, crit-il
encore,a subi les coups,lacroixet le fouet cause d'une seule brebis m alade,
68 .
IREN.
haer.
3, 19, 3 : notel2.
69. IREN.
haer.
4,33, 1
(S C
100,p. 805) ...sicut ouis ad uictimam adductus, et per
extensionem manuum dissoluens quidem Amalech, congregans autem dispersos filios a
terminis terrae in ouile Patris, et recommemoratus mortuorum suorum qui ante dormierant et
descendens ad eos uti erueret eos ac saluaret eos.
70. J.DANILOU,tudes
d exgse
judochrtienne
(Les testimonia),
P aris, 1966, p. 142.
71 . Ps . QUODVULTD.
ser. LS
3 316) : Videamus ergo quando primum inquisierit.
Quando, nisi cum descendent e
celo ? Quando inuenit ? S cilicet quando ad inferna descendit.
72. HIER,
in Eph.
1 (2, 15),
PL
26, 474;cit par
RvF.
apol. e. Hier.
1, 40
(C C
20, p . 75,
48-51).
-
7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2
14/560
16
MARTINE DULAEY
laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres sur la montagne
73
. Augustin dit de
son ct que le Seigneur rapporte sur ses paules la brebis rachete par son
sang. Il est mort avec confiance pour la brebis, le berger qui possde la brebis
par sa rsurrection
74
. Dans les derniers temps, est-il dit dans l'piphane
latin, notre Seigneur est venu pour chercher l'homme qu'il avait cr, c'est--
dire pour faire passer de la mort la vie tout le genre humain. Car pour nous
il est all la mort, pour donner la vie ceux qui taient morts
75
.
Basile de Cesaree, quant lui, semble encore songer la descente aux
Enfers quand il crit que la M ort a fait patre les hom mes (As 48 , 15) jus qu 'au
mo men t o est venu le vrai Berger qui a donn sa vie pour ses brebis et les a
tires du cachot de la mort
76
.
Il est en tout cas remarquable qu' propos de la Passion aucun de ces
auteurs, en dehors de Basile, ne se rfre Jean 10 (le bon pasteur donne sa
vie pour ses brebis), mais que tous ont en tte une explicitation de la parabole
synoptique, devenue, selon le mot de l'auteur africain du De
centesima
(Ps.
Cyprien), une parabola passionis
77
.
-La brebis malade etlepch du monde
A partir du IV
e
sicle, l' image du berger criophore tend se charger d'une
signification nouvelle : on insiste sur le fait que, si le berger doit porter la
brebis, c'est qu'elle est fatigue, blesse ou malade ; elle porte les stigmates de
ses errances, c'est--dire du pch :ouis lassa (Ambroise), lassa atque fatigata
(Quodvultdeus)
78
. Quant Jrme, dans les trs nombreuses allusions qu'il fait
notre parabole, il qualifie presque systmatiquement la brebis d'ouis
morbida
19
.
C'e st la brebis langu issante du fait de ses pch s, que sa trop
grande faiblesse empche de marcher, car, dit-il (et c'est une citation de
73 . HIER.C.
loh. Hier.
4
(PL
23,
358)
:
Dei filius propter unam morbidam ouem, nonaginta
nouem in montibus derelictis, alapas, crucem,flagellasustinuit.
74.
Ave .
en. ps.
99, 15
(C C
39, p. 1403, 19-24) : reportt in humeris suis redemptam
sanguine suo. S ecurus mortuus est pastor pro oue, qui resurgens possidet ouem.
75.
EPIPH.
lat.
interpr. evang. PLS
3, 867 : In nouissimo enim tempore uenit Dominus
noster quaerendo hominem quem fecerat, id est, ut omne hominum genus reuocaret de morte ad
uitam. N am pro nobis ad m ortem accessit, ut nos mortuos uiuificaret.
76 .
BASIL,horn. ps .
48, 9
(P G
29, 452).
77. Ps .CYPR.
centes.
10
(PLS
1, 57 : hanc similitudinem Pa ssionis.
78.
A.
ORBE,
Parabolas...,
2, p. 158, souligne ajuste titre qu'il y a souvent quivalence
pratique entre la brebis malade et la brebis perdue.
AMBR.
in ps.
118, 15, 24 ; 118, 20, 33
CSEL
62, p. 342, 22 et 461, 4-8) ;
QUODV ULTD. ser.
2, 13
(PLS
3, 297).
79.
Presque toutes les occurrences de
morbidus
chez Jrm e se rfrent la brebis perdue
(Thesaurus Hieronymianus).
-
7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2
15/560
LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE
17
Tertullien), elle avait beaucoup souffert du fait de ses errances
80
. Chez
Augustin, la brebis incapable de marcher et de revenir toute seule la bergerie
rappelle que, sans la grce, l'homme ne peut en aucune faon tre sauv
8
i.
La brebis reprsente donc notre nature pcheresse, comme le dit
F u l g e n c e
8 2
. C'est la nature humaine blesse, qu'Ambroise se reprsente
indiffremment sous les traits de l'homme demi-mort de la route de Jricho,
qui est ramen sur la monture du bon Samaritain, ou comme la brebis gare
sur les paules du berger
83
. Porter la brebis devient sous sa plume synonyme
de porter le pch du monde : "Il porte nos pchs et souffre pour nous"(/s
53, 4). Le berger a plac la brebis fatigue sur ses paules, et encore : Le
Christ vous porte en son corps, ayant pris sur lui vos pchs
84
. G rgoire le
G rand dira aussi qu'il a plac la brebis sur ses paules, parce que, prenant la
nature humaine, il a port nos pch s
85
.
Il est tentant de penser que la fresque de la catacombe des Jordans, o le
berger porte une brebis trs mal en point (contrairement aux habitudes), est
influence par cette tradition.
C-La brebis sur les paules de la croix
L'image de la brebis sur les paules du Christ se superpose parfois celle du
Christ en croix : Les paules du Christ sont les bras de la croix : c'est l que
j 'ai dpos mes pch s, c'est sur le noble cou de ce gibet que j 'a i repos , crit
Ambroise
86
. Et encore : Place la brebis lasse, bon pasteur, sur tes paules,
la croix
87
.
A l'origine de cette interprtation, il y a une exgse trs ancienne, atteste
chez Justin, Irne, Tertullien et Hippolyte, selon laquelle il faut voir dans le
verset 9, 5 d'Isae (le pouvoir est sur ses paules) une prophtie de la
80.
Peccatis languida :
HIER.C.
Ioh. Hier.
34
(PL
23,
386) ;
in Mt
18, 12
(S C
259, p. 56,
122) : propter nimiam infrmitatem ambulare non poterai ;
epis.
21, 39
(CSEL
54, p. 138,
18) : M ultum enim errando laborauerat(=
TERT.paen.
8, 5
(S C
316, p. 178, 21).
81. Ave .
en.ps. 11,
24
(C C
39,p. 1085, 6-12 ;
en.ps.
69, 6 (p. 936, 11-16).
82. FVLG. R.
ad Trasumundum,
1, 9, 1
(C C
91, p. 105, 335-355) : hanc ouem in qua
peccatoris hominis natura Signatur.
83 . AM BR.
in Le
7, 76
(S C
52, p. 34).
84.Ibid.
:
"Hic peccata nostra portt et pro nobis dolet"(/s 53 ,4) . Et pastor imposuit ouem
lassam super humeros suos.
85. GREG.
M .
in euang.
34, 3
(P L
76, 1247) : Ouem in humeris suis imposuit, quia
humanam naturam suscipiens peccata nostra ipse portabat.
86. AMBR.
in Lc 1,
209
( S C
52, p. 87) : G audeamus igitur quoniam ouis ilia quae perierat
in Adam, leuatur in Christo. U rnen Christi crucis bracchia sunt ; ibid.7, 208 (p. 87) :
Christus te suo corpore uehit, qui tua in se peccata suscepit.
87. AMBR.
inps.
118, 20, 33
(CSEL
62, p. 461, 4-8) : ...ouem lassam cruci suae humeris
superponens.
-
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18
MARTINE DULAEY
croix
88
.
Ce
texte
est
d'ailleurs explicitement invoqu
par
Ambroise dans
son
commentaire
du
s 118 176
(J ai
err comme
une
brebis perdue)
: Tu
reconnais
l le
mystre
de la
brebis lasse
qui est
recre, parce
que la
condition humaine, dans
son
accablement,
ne
peut tre recre
que par le
mystre
de la
Passion
et du
sang
de
Jsus Christ "dont
la
principaut
est sur les
paules"
; car, sur sa
croix,
il a
port
nos
infirmits, afin
d y
anantir
les
pchs
de
tous
89
. Selon
A.
Orbe, l' imag e
du
Sauveur qui charge
la
brebis
sur
ses paules signifierait probablement dj chez Irne l'application
de la
puisance
de la
croix
l'homme perdu
90
.
Quoi qu' il
en
soit, l'interprtation,
qui
revient plusieurs fois chez Ambroise,
ne
lui est
pas propre
;
elle
se
retrouve chez Pierre Chrysologue, ainsi
que
chez
Isidore
de
S ev i l l e
9
. L ' imag e n 'est
pas non
plus spcifique
du
monde
occidental. G rgoire
de
N azianze crit
en
effet
que le
Christ
a mis la
brebis
gare sur ses paules
o il y
avait aussi
le
bois, confondant ainsi l'image
du
berger porteur
de la
brebis
et
celle d'Isaac charg
du
bois
du
sacrifice
92
. Chez
Augustin, dont s'inspire Prosper d'Aquitaine,
la
Passion
est
plutt voque
par
la figure
du
berger
qui se
dchire dans
les
ronces
o il va
rechercher
la
brebis
93
.
-Le berg eret labrebis leChrist en ses deux natures
Dans
l' interprtation primitive
de la
parabole,
le
berger
est le
Christ
et la
brebis figure l'humanit qu'il
est
venue sauver. S elon
une
autre interprtation,
secondaire
par
rapport
la
prcdente,
la
brebis
ne
reprsente plus l'homme
pcheur, mais
la
nature humaine
que le
Verbe
a
assume pour mourir pour
nos pchs,
et
donc,
le
berger porteur
de la
brebis voque
le
V erbe
de
Dieu
incarn. Ceci parat propre
au
domaine grec.
A
l 'or igine,
il y a
l ' ide,
conforme
l' imagerie
du
Nouveau Testament,
que le
Christ
est
non seulement
berger, mais aussi agneau.
On
voit dj chez M liton
de
S ardes
que
l'agneau,
animal sacrificiel,
est
assimil
la
nature humaine
du
Christ, tandis
que le
berger figure
sa
nature divine
;
pareille interprtation
est
frquente
propos
88 . JUST. 1apol.35, 2 (Archambault, p. 70-71) ; IREN .dem.56 SC62, p. 119) ; TERT.
marc.3,
19,
2 CC
1, p. 533,
7-16) ; HIPP.ben. PO
27, p.
166). Cf
J.
DANILOU,Thologie
du
judochristianisme,Paris, 1958, p. 296.
89.
AMBR.
in ps.
118,
21,
3
(CSEL
62, p. 489, 29) :
Agnoscis utique mysterium,
quomodo ouis lassa reficiatur, quia non potest aliter humana condicio lassa recreari nisi
sacramento dominicae passioniset sanguinis Jesu Christi, "cuius principatus super humeros
eius;in ilia enim c ruce infirmitates nostras portauit, ut ibi omnium peccata vacuaret.
90.A. ORBE,
Parbolas...,
p. 174,
n. 197.
91 . PETR. CHRY.
ser. 168(CC 24 B, p.
1034,
75) : in
crucem leuans humeris suae
imposuit passionis ;ISID.alleg.173
(PL
83,
121):crucis suae humeris.
92.
GREG. NAZ.
in
sanctum Pascha 26
(PG
36, 657-660).
93. Ave .
en.ps.
118,
ser.
32,
7
(C C
40, p. 1775, 8-10)
;PROSPER,
inps.
118, 176
(CC
68
A, p. 1201, 1209).
-
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17/560
LA PARABOLE DE LABREBIS PERDUE
19
de Gn 22, o le blier offert par Abraham la place d'Isaac reprsente
l'humanit
du
Christ, tandis qu 'Isaac figure
sa
divinit
94
.
Dans
nos
textes, l'application
de
cette ide
la
parabole
du
berger n'est
explicite qu'au
IV
e
sicle, mais elle semble dj
arrire-plan
du
passage
du
Banquet o M thode d'Olympe traite de la parabole : Le Seigneur priten
charge
-
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20
MARTINE DULAEY
autres pour les ramener dans le bon chemin rapparat chez Eusbe d'mse et
dans un texte faussement attribu Jean Chrysostomei.
L'exgse qui voit dans le berger porteur de la brebis une figure de
l'Incarnation du V erbe rejoint celle qui voit en lui une figure de la Passion.
Car, dans la statuaire antique, le criophore tait souvent un offrant, qui
conduisait la victime sacrificielle l' immolation. Dans un passage de la
Thophanie (syriaque), Eusbe de Cesaree voit dans le Christ la victime mise
mort pour tout le troupeau des hommes, la brebis immole pour toute la
race des hommes, ce qui implique que celui qui est l'agneau est aussi le
berger. La suite du texte superpose l' image du berger porteur de la brebis et
celle du grand-prtre qui l' immole. C'est la nature humaine (l'instrument
qu 'est le corps assum par le V erbe) qui est figur par la brebis, tandis que la
nature divine est reprsente par le grand-prtre, - qui, dit Eusbe, arrache
la mort et entrane dans les hauteurs notre nature mortelle et l'y tablit comme
prmices de la rdemption
1 0
: on mes ure tout ce que ce texte doit
l'interprtation traditionnelle de la parabole.
Eusbe d'mse reprend l' ide en une formulation trs ramasse : le Christ
est mort pour nous, le berger a apport la brebis, le prtre a apport le
sacrifice, ils estdonn lui-mme pour nousi
2
.
Le berger portant la brebis est ainsi devenu dans le domaine grec une figure
du Christ vrai Dieu et vrai homme, prtre et victime : interprtation sans nul
doute secondaire et qui n'a gure de parallle en Occident.
Ainsi, la parabole de la brebis perdue voque d'abord pour les Anciens le
mystre du Seigneur ou le mystre de la Passion du Seigneur, ou encore
le mystre du saluti
3
, et cette exgse se transmettra dans le haut M oyen-
Age, chez G rgoire le G rand et Isidore de S eville. Partant du texte de Luc,
G rgoire verra plutt l 'Ascension dans le verset : De retour chez lui,
l'homme invite ses amis et ses voisins {L e 15, 7), mais, pour le reste, c'est
bien une figure de l'Incarnation, du salut par la Passion et de l'Ascension qu'il
voit dans notre parabolei
0 4
. Isidore, son habitude, rsume fort bien la teneur
de l 'enseignement classique sur la brebis perdue dans ses Allgories :
L'homme possdant cent brebis qui les abandonne pour chercher la brebis
perdue et qui, lorqu'il l'a trouve, la ramne sur ses paules, est une figure du
100.
Evs.
EM .
de post, et fid.
2, 4 (Buytaert, 1, p. 324, 12-16) ; Ps.
IOH. CHRY.
ser. (PG
61, 745).
101. Evs.
theoph.
3, 59
(GCS,
p. 154, 15-155, 26).
102.
Evs.
EM .
de arbitr. et
uolunt.
4 (Buytaert, 1, p. 35, 8-14) ; cf Thodoret de Cyr
:
PG
83, 313.
103. ORIG . hom. Jos. 7, 6 (S C 7 1, p. 212) ; Ps. CY PR.cenes. 10 (PLS 1, 57) ; AM BR. in
ps.
118, 21 , 3
(CSEL
62, p. 489, 31) ; GREG. NYSS.C.
Apoll.
16 (Jaeger, t. 3, 1, p. 151, 30).
104. GREG.M .
in
euang.34, 3
(PL
76, 1247).
-
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19/560
LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 21
Christ qui, abandonnant au ciel les milliers d'anges, a retrouv, parmi les
nations, en bon pasteur qu'il est, la brebis qui avait pri en Adam, et l'a
rapporte au paradis sur les paules de sa croixi
5
.
La grande antiquit de l' interprtation que nous avons dgage (elle est
antrieure Irne), son universalit (on la trouve tant en Orient qu'en
Occident) et sa persistance jusqu' une poque tardive, montrent qu'elle n'est
pas le fait de quelques individus isols, mais est reprsentative d'un
enseignement ecclsial courant. Quand Jrme parle en exgte, soucieux du
contexte, et notamment du verset qui conclut la parabole, il considre que la
parabole a une signification pnitentielle et s'adresse aux Scribes et aux
Pharisiens qui refusaient le pardon aux pcheurs et aux publicains
106
. M ais, le
reste du temps, dans la trs grande majorit des cas, il suit l' interprtation
christologique courante de la parabole.
L'ex isten ce d'un tel enseign eme nt, la frquence avec laquelle revient
partout l'ide que les chrtiens sont les brebis du Christ, tout cela rend peu
vraisemblable que les reprsentations chrtiennes de bergers aient seulement
voqu pour les chrtiens qui les contemplaient des images de vie idyllique, de
salut un peu vague, ou encore de "philanthropie". D'ailleurs, quand Clment
d'Alexandrie parle de la philanthropie du berger divin, c'est pour souligner
qu 'il do nne sa vie pour ses brebis, et il en va de mme pou r G rgoire de
Nyssei
7
.
L'image du berger porteur de la brebis est une reprsentation profondment
christique du salut, englobant les ides d'Incarnation, de Passion et de
Rsurrection ; d'o son succs chez les Anciens.
L' image n'a pas d'abord un sens pnitentiel
ou
baptismal
ou
funraire,
comme on l 'a dit : ces diverses applications rsultent du sens global
christocentrique attribu au berger de la parabole dans l'glise ancienne ; elles
sont toutes lies entre elles, si bien qu'on ne peut les sparer sans appauvrir
l'image. La brebis porte sur les paules du berger signifie que, par le Christ,
l'homme est rendu la vraie vie : la nouveaut de la vie chrtienne dans
l'glise lors du baptme, la vie ternelle lors de la mort.
Dans les baptistres, elle rappelle que la conversion est le pralable
ncessaire du baptme, qui, par la mort et la rsurrection du Christ venu nous
sauver, nous ramne la vie. Si les anges, crit Jrme, se rjouissent et sont
dans la joie pour un seul pcheur qui fait pnitence, et pour une seule petite
brebis malade qui est ramene sur les paules du berger, combien plus se
rjouissent-ils de voir que tant de frres sont rens dans la vasque de la
105. ISID.
alleg.
173
{P L
83, 121) : Homo habens centum oues qui, relictis illis, ouem
perditam quaerit ac repertam humeris reuehit, figuram Christi expressit, qui relictis millibus
angelorum in caelo, ouem quae perierat in Adam, ut bonus pastor, quaesitam, in gentibus
reperit atque crucis suae humeris ad paradisum reportauit.
106. HIER,
epist.
121, 6
(CSEL
56, p.
2 1,
9 sq).
107. CLEM. A.paed. 1, 97, 3 ; 85, 1-3 (S C 70, p. 283 et 261) ; G R EG . N Y S S . C.Eunom.3,
10,
12 (Jaeger, t. 2, p. 293, 16 sq).
-
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22
MARTINE DULAEY
vie . . .
1 0 8
.
Par lebaptme,ditle sermonDeoueperdita, l ' homme est plac
su rles paulesduChristi
09
. L'homme,ouencore, selonles Pres, Adam
: au
baptistre
de la
maison chrtienne
de
Doura Europos, Adam
et
Eve sont
reprsents
en
petit en-desso us
du
Bon Pasteur.
Devant
les
images
de
l'art funraire,
o le
berger joyeux porte
une
brebis
gaillarde, comment ne pas voquer les interprtations de laparabole o le
bergerest le Christ ressuscit qui, ayant arrach l'homme auxprofondeursdes
Enfers, remonte avec
lui
vers
le
Pre
?
Seule
une
fresque insolite
de la
catacombe des Jordans rappelle l'tat
o la
chute avait rduit l'hommeque
vient sauver
le bon
Berger
: le
berger
a sur les
paules
une
brebis fort
mal en
point. Les nombreuses reprsentations o le berger porteurde la brebisest
encadrpardeux brebisqui
le
regardent avec amour, nous rappellent qu'on
a
l uneimagenon pas individualiste, mais communautaire (la brebis unique
reprsente toute l'humanit) dusalutquinousestdonnpar leChristi
10
.Les
images
du Bon
Pasteur
ne
sont
si
frquentes dans l'art palochrtien
que
parce
qu'elles parlent
au
chrtien
de la
R surrection
de
Jsus, fondement
dela foi
chrtienne,
et
gagede sa propre rsurrection.
Martine
DULAEY
U niversit dePicardie
Facult
des
Lettres
Campus, 80025 AMIENSCedex
1
RSUM
:
Dans
la
reprsentation
du
"Bon Pasteur",
les
archologues voient tout
au
plus
une figure assez vague
du
salut chrtien. M ais
les
textes
des
Pres
de
l'glise suggrent
l'existence
d un
enseignement catchtique trs ancien
et
largement rpandu, selon lequel
le
berger portant
la
brebis sur les paules reprsente le Chrsit ressuscit, qui remonte vers le Pre
porteur
de
l'homme qu'il
a
sauv.
Il
serait fort surprenant
que
cela n'ait
pas
influenc
les
reprsentations palochrtiennes.
108. HIER, in ps.41 CC78,
p .
543,
58 )
:Si enim super uno peccatore agente
paenitentiam,
et
in una ouicula morbida, quae pastoris humeris est reuecta, gaudent angeli atque
laetantur, quanto magis in tot fratribus uitali gurgite renalis...
109.
Ps .
QVODVULTD.
ser.
(PLS
3, 317) : S uper humeros Christi ponitur quando S ignatur et
baptizatur in Christo.
110. G R E G .
N Y S S .
in
cant.
2(d Jaeger, t. 6, p. 61, 8).
-
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Revue des tudes Augustiniennes,
39 (1993), 23-35
Du divorce, de Tertullien,
et de quelques autres sujets...
Perspectives nouvelles et ides reues
1
Voici donc un recueil de 22 articles publis par C.
MUNIER
entre 1978 et
1990. Pour la commodit, je crois opportun de donner leur liste, dans l'ordre
du livre :
I . A propos d'Ignace d'Antioche. Observations sur la liste episcopale
d'Antioche, ASA 55, 1981, p.
126-131.
II .Les doctrines politiques de l'Eglise ancienne,
ibid.
62, 1988, p.
42-53.
III.
A propos des Apologies de Justin,
ibid.
6 1, 1987, p. 177-186.
IV. La structure littraire de l'Apologie de Justin,
ibid.
60, 1986, p. 34-
54.
V. La mthode apologtique de Justin le martyr, ibid. 62, 1988, p. 90-
100.
VI.La mthode apologtique de Justin le martyr (suite),ibid.62, 1988, p.
227-239.
i.
VIL La Tradition apostolique chez Tertullien,
L anne canonique
33,
1979,
p. 175-192.
VIII. Les conceptions hrsiologiques de Tertullien,Augustinianum 20,
1980, p. 257-266.
IX. Propagande gnostique et discipline eccclsiale d'aprs Tertullien, ASA
63,
1989, p. 195-205.
X. Analyse du trait de Tertullien De praescriptione haereticorum, ibid.
59,
1985, p.
12-33.
XL L'autorit de l'glise et l'autorit de l'Esprit d'aprs Tertullien,
ibid.
58, 1984, p. 77-90.
XII. Tertullien face aux morales des trois premiers sicles,
ibid.
54, 1980,
p.
173-183.
XIII.Subtilis, subtilitas... chez Tertullien,Mlanges F. Chtillon (=Revue
du moyen ge latin4 5, 1989), p. 3-7.
1.A propos de C.M U N IER ,
Autorit episcopale et sollicitude pastorale.
II
e
-VI
e
sicles,
Variorum reprints, Londres 1991.
-
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4
PAUL MATTEI
XIV. Initiation chrtienne
et
rites d'onction (II
e
-lll
e
sicles),
RSR64,
1990,
p.
115-125.
XV. Rites d'onction, baptme chrtien
et
baptme
de
Jsus,
ibid.
64,
1990,
p.
217-234.
XVI. Divorce, remariage
et
pnitence dans l'glise primitive,ibid.
52,
1978,
p.
97-117.
XVI I . Le tmoignage d 'Or igne en mat i re de remariage aprs
sparation,Revue dedroit canonique 28, 1978,
p.
16-29.
XVIII.
La
sollicitude pastorale
de
l'glise ancienne
en
m atire
de
divorce
et
de
remariage,LThPh 44, 1988,
p.
19-30.
XIX.
A
propos
d'un
ouvrage rcent
:
Emile Schmitt,
Le
mariage chrtien
dans Vuvre de saint Augustin, Revue dedroit canonique 35,
1985,
p. 172-
183.
XX. Problmes
de
prosop ograph ie africaine relatifs
la
lettre
20*
d'Augustin,RSR56,1982, p. 21 9-225.
XXI.
La
pastorale pnitentielle
de
saint Csaire d'Arles (503-543),Revue
de droit canonique34, 1984, p. 235-244.
XXII.
La
femme
de Lot
dans
la
littrature juive
et
chrtienne
des
premiers
sicles,
C ahiers de Biblia Patristica2,
1989, p. 123-142
2
.
Ds
son
premier paragraphe,
Avant-Propos
p. ix)
s efforce
despcifier
le
titre
et de
dgager
le
dessein d'ensemble
qui
sous-tendrait, unifierait cette
image
de
treize
ans de
recherches.
En
dpit
de
tels efforts (voir galement
p.
xii,
concernant
le n
XXII
:
Les commentaires varis, savoureux, suscits
chez
les
Pres
par la
lgende
de la
femme
de
Lot... tmoignent aussi,
leur
manire,
de la
sollicitude pastorale
des
prdicateurs
de
l'Antiquit chrtienne,
attentifs
faire dcouvrir
au
peuple fidle
les
trsors inpuisables
des
Saintes
critures),
le
contenu,
ce qui est
trs heureux, dpasse,
et de
beaucoup,
les
promesses
du
titre.
On isole aisment trois blocs
:
Justin
(Apologies) ;
Tertullien (surtout
ecclsiologie,
et
doctrine hrsiologique
;
morale)
;
thologie sacramentelle
(baptme
;
m ariage
;
pnitence
;
singulirement problmes conjoints
du ma
riage
et de la
pnitence
:
pastorale
des
divorcs remaris)
; les n I, II, XX,
XX II, plus encoreque lestudes sur Justin, semblent assez erratiques.
Finalement, nous avons sous
les
yeux de vritablesMlanges de Patrologie et
d Histoire des sacremen ts.
Quant
leur esprit, l ' intrt
de la
plupart
de ces
mmoires
est
d'apporter
leur contribution, sans polmique inutile,
des
dbats
en
cours. Ainsi
l' investigation
sur la
datation
de
l 'piscopat d'Ignace
se
veut-elle
une
pice
annexe
la
controverse
sur
l 'authenticit
de
tout
ou
partie
des Lettres,
rouverte, on nel'ignorepas, par R. JOLYet J. R IUS-CAM PS.
2.J'utilise les abrviations deVAnnePhilologique.Danslasuite,je citerai seulement len
d'ordre de chaque art. (chiffres romains), et celui des p.
-
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23/560
DU DIVORCE ET DE TERTULLIEN
25
L'occasion des mises au point les plus riches est donne par la prsentation
critique d'un ouvrage marquant : G. CERETI,
Divorzio, nuove nozze
e
penitenza
nella Chiesa primitiva,
Bologne 1977 (n XVI) ; C.
RAMBAUX,Tertullien face
aux morales des trois premiers sicles,
Paris 1979 (n XII) ; E.
SCHMITT,
Le
mariage chrtien dans uvre de saint Augustin. Une thologie baptismale de
la vie conjugale,
Paris 1983.
C. M. pratique avec prdilection ce que je nommerais
l'art
du dialogue. Par
exemple, l'article relatif la pnitence dans saint Csaire se lit comme un
complment aux travaux de C.
VOGEL{La discipline pnitentielle en Gaule des
origines la fin du
VII
e
sicle, Paris 1952, spec. p. 116-123). Et l'on aura
intrt comparer l'tude prosopographique de la Lettre Divjak 20* celles,
parallles, que cette pice a suscites (voir
BA
46B, comm., p. 516-520, par S.
LANCEL,
et spc,
infine,
bibliog.).
Je me bornerai quelques aspects, dont certains (date de l'piscopat
d'Ignace
3
; problmes soulevs par les
Apologies
de Justin
4
) mriteraient
3.
Date de l'piscopat d'Ignace d'Antioche. C M . entend montrer que c'est artificiellement,
pouss par
sa
thorie des Dix Perscutions (dont trois respectivement sous Domitien, Trajan,
M arc Aurle), qu'Eusbe dans
sa
C hronique
avait dat
de
Trajan
le
martyre d'Ignace,
ne
pouvant le situer ni sous Domitien ni sous M arc Aurle
;il
se fonde sur la mention de la mort de
M arc dans Thophile,
ad Amol.
3, 27
pour fixer autour
de
180 l'piscopat dudit Thophile
(donn par Eusbe comme sixime vque d'Antioche)
et,
estimant vraisemblable une dure
moyenne de 10
12 ans par piscopat, place en consquence approximativement celui d'Ignace
(donn
par
Eusbe comme deuxime vque
de la
ville) vers 120-135. Hypothse peut-tre
admissible (encore que le concept de "dure m oyenne" paraisse assez fragile). Cependant
:
(1)
Si l'on voit com ment Eusbe a t conduit choisir Trajan, on ne discerne pas bien (malgr
la
n. 9) la raison de l'anne 107-108 : C M ., pour dmonter le mcanisme, aurait pu s'inspirer de
la dmarche d'H.
I.
M ARROU,La date
du
martyre
de
saint Polycarpe,
A B
l 1953, p.
5-20
(repris dansPatristiqueethumanisme. M langes,Paris 1976, p. 281-294). (2) Que Thophile
mentionne la mort de M arc ne permet pas de conjecturer avec un tant soit peu de prcision
le
dbut ni
la fin
de son piscopat.
(3)
Si
l'on
suit les supputations de C M ., Evodius (donn par
Eusbe comme premier vque d'Antioche aprs Pierre) serait
assigner aux deux premires
dcennies
du II
e
s. : ne
convenait-il pas, alors, contre Eusbe,
qui
tient pour assure
une
succession ininterrompue d'vques sur le sige d'Antioche depuis l're apostolique, c'est--
dire depuis
le
dpart de Pierre, m entionn
au
Livre des A ctes,
12,
17 (n. 18), de rappeler ce
que
fut, au I
er
s., la
structure
de la
communaut antiochienne
? Par o l'on
retrouverait
les
perplexits
que
crent, quant
leur chronologie, leur matire
et
leur lexique,
les
motifs
doctrinaux (ecclsiologie d'abord
:
dfinition
de Vpiscop
d'Ignace
;
mais aussi,
par
prolongement naturel, christologie et hrsiologie) du corpus ignatien en sa recension moyenne.
4. Justin. Existence d'une
ou
deux
Apologies
? Structure
des
"deux"
Apologies. (1)
Concernant
le
premier problme, C M . opte pour l'unit (les deux Apologies n'ont jamais
exist sparment
et...
forment depuis toujours
un
ensemble cohrent,
o l'on
reconnat
aisment
le
dessein de l'auteur, III, 178). Les indications fournies par Eusbe,
H E,
sont (ou
paraissent) confuses et difficilement exploitables, Justin lui-mme livre deux sries de donnes
(d'un ct, correspondances troites entre
Apol.I
et II;de l'autre les adresses conserves dans
le ms.
Paris.Graec.450
imposent,
ou
semblent imposer,
un
intervalle
de 15 ans,
encore
qu Apol.
I, soi-disant rdige en 139, mentionne des faits plus tardifs). Pour sortir de ce ddale
sans corriger
le
texte transmis,
CM.
propose
de
voir dans l'adresse
a
1
Apol.
I une
fiction
http://paris.graec.450/http://paris.graec.450/http://paris.graec.450/ -
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26
PAUL MATTEI
une discussion plus circonstancie. (D'autres sauront mieux que moi dire la
pertinence des spculations sur la pratique et la thologie baptismales
syriaques .) En fait, deux questions majeures retiendront ici l'attention : le
divorce et l'interprtation globale de Tertullien (aucun arbitraire dans ce
dernier choix : 7 articles du recueil portent sur le Carthaginois, et son
tmoignage, ailleurs, est souvent invoqu ; Tertullien se rvle apparemment,
d'aprs les Indices, comme l'crivain ecclsiastique le plus rgulirement
cit*).
I. - DIVORCS REMARIS
Question aborde en XVI, XVII, XVIII.
CM. accueille avec faveur les opinions de G. CERETI, qu'il rsume ainsi
(XVI, 117) :
1. Depuis
la fin du II
e
sicle, dans toute l'glise,
et
jusqu' l'poque
de
Jrme
et
d'Augustin
en
Occident, l'adultre
de la
femme
est
considr comme
un
motif lgitime
de
renvoi. Conformment aux coutumes,
la
lgislation,
la
mentalit de l'poqu e, nombre
de
maris 'innoc ents' se remariaient. Pourtant, aucune dcision conciliaire ne prononce de sanction
canonique ou ne presc rit de soumettre la discipline pnitentielle un mari qui
s'est
remari aprs
avoir renvoy sa femme coupable d'adultre.
2. A la mme poque, les crivains ecclsiastiques ne reconnaissent pas
la femme spare
d'un mari adultre le droit de se remarier ;certaines dcisions conciliaires mme prononcent des
sanctions canoniques svres contre celles
qui se
remarient
du
vivant
de
leur mari reconnu
coupable d'adultre .
3.
Dans tous
les cas o des
divorcs, remaris
ou non,
taient soumis
la
discipline
pnitentielle, l'glise leur accordait la rconciliation au terme
d'un
stage pnitentiel de dure
variable, suivant les cas.
Il prcisait le point (3) en XVI, 98 :
... les divorcs remaris taient, conformment aux textes de l'criture, considrs comme
coupables d"adultre'
et, en
consquence, soumis
la
discipline pnitentielle. M ais une fois
invente
par
Justin, lequel aurait, pour diverses raisons, antidat
son
uvre,
en
fait
contemporaine
a Apol.
II, vers 153. L'hypothse suscite plusieurs interrogations
: (a)
Ce
qui
vaut pour leDialogue avec Tryphon(censment tenu vers 135, d'aprs les allusions la guerre
de Bar Kochba
-
mais postrieur
Apol.
I),
et
qui se trouve conforme aux rgles du dialogue
antique, peut-il tre vraisemblable pour une apologie
?
L'apologiste aurait (ou prtendrait avoir)
attendu quinze ans avant de prsenter son placet l'empe reur ? (b) L'id e de l'antidatation par
Justin signifie
que
l'auteur
a
voulu deux
Apologies,
ou
prsente
Apol.
Il
comme
un
"appendice"
d Apol.I
:que reste-t-il alors de la totale unit ? (2) La mme incertitude affecte
le
second problme, puisque aussi bien le n IV dtaille un plan spar des deuxApologies,aprs
avoir galement soulign leur
unit.
Au reste, ces deux articles, on opposera
J.C. FREDOUILLE,
De l'Apologie
de
Socrate
aux
apologies
de
Justin,
Hommage
R. B raun,
t. 2,
N ice-Paris
1990,
p.
1-22
: le plan de la Premire
Apologie
est biparti, plutt que triparti
;ilconvientdesparer
deuxuvres.
5.Les art.
de
CM . sur Tertullien ont t, chacun en son temps, sous la plume de R .BRAUN
ou J.C.FREDOUILLE,l'objet d'un c.r. dans les Chronica Tertullianea
(RAug.).
Je ne referai
pas un travail de dtail hors de mise ici.
-
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DU DIVORCE ET DE TERTULLIEN
7
leur pnitence accomplie, une fois reue l'absolution de leur pch d'adultre, ils taient
radmis au sein de la communaut chrtienne, comme des membres part entire, et cela sans
avoir renvoyer leur nouveau partenaire ni
r