39 reaug 1993 nr. 1-2

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Revue des Études Augustiniennes,  39 (1993), 3-22 La parabole de la brebis perdue dans l'Église ancienne : De l'exégèse à l'iconographie La figure du berger est sans doute celle qu'on rencontre le plus fréquemment dans l'art paléochrétien : on a pu en recenser jusqu'à 892 représentations . Elle a suscité de nombreuses études parvenant aux conclusions les plus opposées. Pour les uns, les images pastorales de l'art chrétien ne seraient pas substantiellement différentes des représentations bucoliques aimées des païens à la même époque ; pour d'autres, le berger portant la brebis sur les épaules ne représenterait pas autre chose que la vertu de "philanthropia", comme dans le paganisme ; certains encore voient dans le berger des catacombes un Psychopompe qui, tel Hermès (berger lui aussi) conduit l'homme vers l'au-delà ; pour d'aucuns, l'image renverrait au baptême ou à la pénitence ; quelques uns enfin pensent qu'elle est une figure abstraite du salut, somme toute très générale . Après cela, qui oserait encore écrire avec J. P. Kirsch que «l'image du Bon Pasteur était pour nos pères dans la foi à cette époque ce que l'image du crucifié est pour les fidèles de nos jours 3 » ? L'expression même de "Bon Pasteur" dont on se sert pour désigner le berger criophore risque d'égarer les recherches, car elle évoque exclusivement le discours parabolique de l'Évangile de Jean (eh. IO). Or, dans l'Église ancienne, la thématique du berger passait par bien d'autres canaux, et d'abord par l'Ancien Testament, où Dieu est fréquemment désigné comme le berger de son peuple et Israël comme le troupeau de Dieu 4 . Les chrétiens ont hérité de cette imagerie. A Rome même, où l'on a tant de représentations pastorales 1.  A.  PROVOOST,  / /  significato delle scene pastorali  del II  secolo  dopo Cristo,  dans  Atti del IX  Congresso  di  Archeologia  Cristiana,  Città del V aticano,  1948,1.1,  p .  407-431. 2.  On trouvera une excellente revue des opinions antérieures (accompagnée de vues nuancées) dans le récent article de J.  ENGEMANN,  dans  RLAC,  S.v.  Hirt,  c. 577-607 (1990). Cf aussi  LChrl,  s. v.  Hirt, Guter Hirt,  , e. 289-299  ( Α . Legner, 1970) ;  DPAC,  s. v.  Pasteur bon),  c. 1921-1925 (A. Pollastri , Α . Μ . Giumell a, tr. fr. 1990 ; ital. 1983). 3.  Cité dans  DACL,  s. v.  Pasteur (Bon),  c. 2272. 4.  Is  63, 9-11 ; Ps 79, 13... ; cf  DSp,  s. v.  Pasteur,  c. 366-369>(P. G relot, 1984).  RLAC, s. v.  Hirt,  c. 589-590 ;  KITTEL, S. V.  Π οίμην .

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  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

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    Revue des tudes Augustiniennes, 39 (1993), 3-22

    La parabole de la brebis perdue

    dans l'glise ancienne :

    De l'exgse l'iconographie

    La figure du berger est sans doute celle qu'on rencontre le plus

    frquemment dans l 'art palochrtien : on a pu en recenser jusqu' 892

    re pr s en ta t i on s . Elle a suscit de nombreuses tudes parvenant aux

    conclusions les plus opposes. Pour les uns, les images pastorales de l'art

    chrtien ne seraient pas substantiellement diffrentes des reprsentations

    bucoliques aimes des paens la mme poque ; pour d'autres, le berger

    portant la brebis sur les paules ne reprsenterait pas autre chose que la vertu

    de "philanthropia", comme dans le paganisme ; certains encore voient dans le

    berger des catacombes un Psychopompe qui, tel Herms (berger lui aussi)

    conduit l'homme vers l'au-del ; pour d'aucuns, l' image renverrait au baptme

    ou la pnitence ; quelques uns enfin pensent qu'elle est une figure abstraite

    du salut, somme toute trs gnrale

    2

    . Aprs cela, qui oserait encore crire avec

    J. P. Kirsch que l'image du Bon Pasteur tait pour nos pres dans la foi

    cette poque ce que l'image du crucifi est pour les fidles de nos jours

    3

    ?

    L'expression mme de "Bon Pasteur" dont on se sert pour dsigner le

    berger criophore risque d'garer les recherches, car elle voque exclusivement

    le discours parabolique de l'vangile de Jean (eh. IO). Or, dans l'glise

    ancienne, la thmatique du berger passait par bien d'autres canaux, et d'abord

    par l'Ancien Testament, o Dieu est frquemment dsign comme le berger de

    son peuple et Isral comme le troupeau de Dieu

    4

    . Les chrtiens ont hrit de

    cette imagerie. A Rome mme, o l'on a tant de reprsentations pastorales

    1.A.PROVOOST,/ /

    significato delle scene pastoralidel II secolodopo Cristo,

    dans

    Atti del

    IX Congressodi Archeologia Cristiana,

    Citt del V aticano,

    1948,1.1,

    p.

    407-431.

    2. On trouvera une excellente revue des opinions antrieures (accompagne de vues

    nuances) dans le rcent article de J.ENGEMANN,dansRLAC, S.v.

    Hirt,

    c. 577-607 (1990). Cf

    aussi

    LChrl,

    s. v.

    Hirt, G uter Hirt,

    , e. 289-299

    ( . Legner, 1970) ;

    DPAC,

    s. v.

    Pasteur

    bon),c. 1921-1925 (A. Pollastri, . . Giumella, tr. fr. 1990 ; ital. 1983).

    3.

    Cit dans

    DACL,

    s. v.

    Pasteur (Bon),

    c. 2272.

    4.

    Is

    63, 9-11 ; Ps 79, 13 ... ; cf

    DSp,

    s. v.

    Pasteur,

    c. 366-369>(P. G relot, 1984).

    RLAC,

    s. v.

    Hirt,

    c. 589-590 ;

    KITTEL, S. V. .

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    4

    MARTINE DULAEY

    dans les cimetires, les chrtiens se considrent tout naturellement comme les

    brebis du troupeau du Christ, et ce, ds les origines, puisque l'image est dans

    la premire Eptre de Pierre, chez Clment de Rome et dans le

    Pasteur

    d 'Hermas

    5

    . La symbolique pastorale est aussi particulirement frquente dans

    les textes la fin du II

    e

    et au dbut du III

    e

    sicle, c'est--dire l'poque o

    surgit pour nous l'art chrtien

    6

    .

    De plus, des prophties de l'Ancien Testament parmi les plus clbres et les

    glus souvent cites auII

    nd

    sicle ds qu'il est question de l'accomplissement des

    critures, voyaient dans le M essie un berger qui viendrait patre le troupeau

    des hommes au nom de Dieu. Les vangiles s'en font aussi l'cho : Jsus y est

    souvent compar un berger, voire se prsentait volontiers lui-mme comme

    tel,

    d'aprs les S ynoptiques comme d'aprs l'vang ile de Jean

    7

    .

    Compte tenu de ces faits, ne serait-il pas fort surprenant que, dans l'esprit

    des chrtiens des premiers sicles, si prompts voir des symboles chrtiens

    dans les objets ou images les plus banales (la croix dans le mt d'un navire,

    dans une charrue ou une chelle...), n'importe quelle reprsentation de berger

    n'ait pas veill dans leur esprit le souvenir du Christ ? Il ne faut pas oublier

    que le

    s 23 (Le Seigneur est mon berger...) a

    reu ds le III

    e

    sicle au

    moins une signification baptismale, qu'il tait appris par cur par les futurs

    baptiss et chant lors du baptme (l'usage est attest au IV

    e

    sicle, mais

    remonte probablement une poque bien antrieure)

    8

    . Les anciens Pres

    s'adressent volontiers au Christ comme au Berger de l'glise universelle

    rpandue sur toute la terre (Polycarpe), Berger de ceux qui sont sauvs

    (M liton), saint Berger qui fais patre tes troupeaux sur les montagnes et dans

    les plaines (Abercius), Berger des brebis du roi cleste (Clment

    d'Alexandrie)

    9

    .

    Reste prciser quel visage du Christ voquait pour eux le berger. tait-ce

    celui du guide spirituel ? Etait-ce son amour pour les hommes ? Ou bien

    voulait-on rappeler qu'il avait donn sa vie pour ses brebis, conformment la

    parabole johann ique

    (Jn

    10, 11) ? Th. K.Kempf, qui a eu le mrite de runir

    un abondant dossier de textes sur le Christ berger (pour les deux premiers

    sicles surtout), tait d'avis que le berger portant la brebis sur ses paules

    (gnralement appel Bon Pasteur par les iconographes) reprsentait le

    5 .1 Pe 5, 2 et 4 ; 2, 25 ; CLEM . R. cor. 54, 1 ; 57, 2 ; 59, 4 ; HERM AS,

    past.

    9, 108, 4-6. Cf

    aussi

    BARN,pis t.

    5, 12.

    6. Ceci a t bien mis en valeur par

    G. OTRANTO,

    Tra

    letteratura

    e

    iconografia.Note

    sul

    Buon

    Pastore

    e

    sull Orante nelV arte cristiana -

    sec),

    dans Vetera Christianorum

    26, 1989, p .

    6 9-

    87.

    7.

    Is

    40, 1-7 ;

    Za

    13, 7 ;

    34, 23-24... Tout cela fait partie des

    prophties anciennes

    souvent c ites.

    8. J.

    DANILOU,Etudes d exgse judochrtienne(Les Testimonia),

    Paris, 1966, p. 151 ;

    Bible et

    liturgie,Paris, 1953, p. 243-244.

    9.

    Mart. Polyc.

    19, 2

    (S C

    10, p. 234-235) ;

    M L . S.,/r.

    15

    (S C

    123, p. 242-243) ;

    inscription d'Abercius

    :

    DACL,

    s. v.

    Abercius,

    c. 70-72 ;

    CLEM.

    A .

    paed.

    3,

    hymn.

    4

    (S C

    158,

    p. 192-193).

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    LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE

    5

    Logos Roi, berger et Sauveur, voire l 'union du Logos avec la nature

    humainei. La critique a mis le doute - et c'est juste titre -, que cette

    thologie abstraite et complexe ait pu tre l'origine des reprsentations du

    Bon Pasteur dans les catacombes.

    La ralit est effectivement plus simple. C'est la parabole de la brebis

    perdue, telle qu'elle est rapporte en M t 18, 12, et non le discours deJn 10,

    qui a donn lieu dans l'glise ancienne un enseignement trs rpandu, trs

    populaire parce qu'il tait concret et parlantii, dont il ressort ceci : le berger

    qui porte la brebis sur ses paules voquait pour les chrtiens des premiers

    sicles l'Incarnation, la Passion et la Rsurrection du Christ, ce qui n'est pas,

    selon nous, sans jeter quelque lumire sur les reprsentations anciennes.

    I. - LE

    BERGER

    EN

    QUTE

    DE LA BREBIS,

    FIGURE

    DE

    L INCARNATION

    A. - Existence d un enseignement catchtique ancien surlaparabole

    La parabole de la brebis gare est ainsi rapporte par M atthieu : S i un

    homm e a cent brebis et que l'une d'entre elles vienne s garer, ne va-t-il pas

    laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres

    dans la montagne

    pour aller la

    recherche de celle qui

    s est gare ?

    Et, s'il parvient la retrouver, en vrit,

    je vous le dclare, il en a plus de joie que des quatre-vint-dix-neuf qui ne se

    sont pas gares (18, 12 ; Tob). La parabole concerne les disciples, elle leur

    enseigne qu'ils doivent avoir souci du moindre de leurs frres, et s'achve sur

    cette phrase : V otre Pre qui est aux cieux veut qu 'aucun de ces petits ne se

    perde.

    Dans l'vangile de Luc, le contexte est quelque peu diffrent. La parabole

    de la brebis (une des trois paraboles de la misricorde) met en relief l'amour

    du Christ pour les pcheurs. L'enseignement lui-mme prend une forme

    diffrente : Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne

    laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres

    dans le dsert

    pour aller la

    recherche de celle qui est

    perdue

    jusqu' ce qu'il l 'ait retrouve ? Et quand il

    l'a retrouve,

    il la charge tout joyeux sur ses paules,

    et, de retour la maison,

    il runit ses amis et ses voisins et leur dit : "Rjouissez-vous avec moi, car je

    l'ai retrouve, ma brebis qui tait

    perdue

    /"

    {L e

    15, 3-6 ; Tob). La formule

    de la conclusion n'es t pas non plus identique celle de M atthieu : Je vous le

    dclare, c'est ainsi qu'il y aura dans la joie dans le ciel pour un seul pcheur

    10.

    Th. K.

    KEMPF,

    Christus der Hirt, Ursprung und Deutung einer altchristlicher

    Symbolgestalt,Rome, 1942 (Diss. U niversit G rgorienne, dactyl.).

    11.

    Le mme auteur, dans les

    5

    pages imprimes rsumant sa thse, affirme (p. 23-24) que

    l'interprtation de cette parabole est trs frquente dans l'glise ancienne et semble

    universellement connue

    ;

    mais, la

    p.

    122 de la thse dactylographie, il affirme que la parabole

    n'aurait pas influenc la reprsentation du Bon Pasteur.

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    6

    MARTINE DULAEY

    qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas

    besoin de conversion.

    Si donc l'ide de base est la mme (le berger est capable de laisser l tout

    son troupeau p our sauver une seule brebis en danger), pour M atthieu, le

    berger laisse les brebis dans la montagne, et pour Luc, dans le dsert ; Luc est

    le seul montrer l'image du berger portant la brebis sur les paules, peut-tre

    parce qu'il est de culture grecque et qu'il a en mmoire le berger criophore de

    la statuaire hellnistique. Enfin, ni M atthieu ni Luc ne parlent explicitement de

    "berger", et encore moins de "bon berger".

    Or, trs tt, l 'enseignement chrtien a procd un amalgame des traits

    caractristiques de M atthieu et de Luc, ainsi qu'on le constate dj chez Irne

    e t Te r tu l l i en i

    2

    . La brebis est indiffremm ent dite "gare"(M t) ou

    "perdue"(Lc) ; l 'pisode est gnralement situ dans les montagnes, comme

    dans M t, mais le plus souvent, le berger charge la brebis sur ses paules

    comme dans Luc. Un bibliste aussi averti qu'Origene prsente comme citation

    un texte qui suit la formulation de Luc, mais dans lequel les quatre-vingt-dix-

    neuf brebis sont laisses dans la mon tagne comm e chez M atthieu, alors qu 'il ne

    semble pas que les manuscrits du N ouveau Testament prsentent cette variante

    harmonisante

    13

    .

    Plusieurs auteurs, tout en se rfrant M atthieu ou Lu c, qualifient le

    propritaire des brebis de "bon berger", expression qu'on ne rencontre que

    dans

    Jn

    10, 11 et 14 : c'est le cas de Tertullien et d'Origne, pour ne citer que

    les plus anciens, car le fait est extrmement frquent

    4

    . M me saint Jrme,

    qui connat bien sa Bible, n'hsite pas parler de parabole du bon pasteur

    propos du rcit de l'Evangile de Luci

    5

    .

    Les trois vangiles cits sont loin d'tre traits galit dans l'amalgame

    propos par la tradition. A Jean, on n'emprunte que l 'expression "bon

    pasteur". De l 'vangile de Luc, nos auteurs retiennent presque toujours

    l'image du berger criophore. Quant au rcit de M atthieu, il a impos de faon

    gnrale l'ide que le berger faisait patre son troupeau

    dans les montagnes

    ; la

    mention lucanienne du dsert n' intervient que pour introduire une autre

    12. IREN.haer. 3, 19, 3

    (SC

    211, p. 380-381) :le berger

    descend

    (allusion la m ontagne de

    M atthieu) ; il cherche la

    brebis

    perdue(Le) etoffre

    la

    brebisau Pre (les statues criophores sont

    souvent des offrants dans l'Antiquit

    ;

    Irne a en tte le berger de Luc ).

    TERT.

    scorp.

    8, 9

    (CC

    2, p. 1080,

    8) : il faut chercher les pcheurs

    per montes

    (M t) et les rapporter sur ses paules

    (Luc).

    13. ORIG.

    hom. Gen.

    2, 5

    ( S C

    7b, p. 100, 24-31) ; mme ensemble dans

    hom. Gen.

    13, 2,

    p.

    314, 12-14.

    14. TERT. pud. 7, 1-4 (C C 2, p. 1292, 1-18) ; OR IG . hom. Num. 19, 4 (GCS, p. 184, 16) :

    pastor bonus(Jn), in montibus(M t), impositam humeris suis(Lc) ;

    hom. Gen.

    9, 3

    ( SC

    7b, p. 250, 49-54).

    15. HIER,

    in Is.

    14 (53, 5-7),

    CC

    73A, p. 590, 34-37 : [ouis] quae in

    evangelii

    parabola

    boni pastoris atque solliciti humeris reportata est. "L'vangile", comme s'il n'y en avait

    qu'un : il est clair que Jrme se rfre une tradition. Cf aussi

    in

    M r 18, 12

    (S C

    259, p. 56,

    119-136).

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    LA PARABOLE DE LABREBIS PERDUE

    7

    interprtation, secondaire, comme c'est

    le cas

    chez

    le

    Pseudo-Cyprien,

    ou

    dans

    des commentaires exprs

    de

    l'vangile

    de Luc ;

    encore

    n y ena-t-ilque

    deux

    exemples assez tardifs

    :

    Augustin

    et

    Cyril le d 'A lexan driei

    6

    .

    Et

    mme,

    Ambroise,

    qui

    pourtant commente l 'vangile

    de Luc,

    nous

    dit,

    comme

    M atthieu,

    que le

    berger

    a

    laiss

    ses

    brebis

    sur les

    montagnes

    17

    . Comme

    on

    pouvait

    s y

    attendre dans l'glise ancienne, c'est

    le

    rcit tir

    des

    vangiles

    synoptiques

    quis est

    impos

    et non

    celui

    de

    Jean.

    Il

    faut attendre

    la fin du IV

    e

    ou

    le

    dbut

    du V

    e

    sicles pour voir apparatre dans

    le

    commentaire

    de la

    parabole

    de la

    brebis perdue d'autres traits emprunts

    Jean 10, ainsi

    du

    reste

    que des exgses suivies de

    la

    parabole johanniqu e

    18

    .

    Tout cela porte lamarquede la tradition catchtique : letexte bibliqueest

    transform

    par

    l'usage

    qui en est

    fait,

    et des

    dtails nouveaux

    y

    sont introduits

    en fonction

    de

    l'interprtation figure qu'on

    en

    donne communment.

    -

    La descente

    de la

    montagne

    la

    venue salvifique

    du

    Verbe dans

    le

    monde

    L image du berger dans lesmontagnes a clips celle

    du

    dsert

    cause

    du

    sens

    que l on a

    trs

    tt

    accord

    cette localisation.

    Les

    montagnes,

    le

    lieu

    lev (superna, superiora)

    19

    , symbolisent

    le

    monde d'en-haut,

    d o le

    Fils

    de

    Dieu

    est

    descendu pour venir parmi

    les

    hommes .

    Le

    schma d'ensemble

    (descente-remonte)

    est

    commun

    la

    littrature johannique

    et la

    gnose.

    Il est

    vraisemblable que, lorsque

    les

    gnostiques appliquent

    la

    parabole

    la

    sortie

    de

    leur Sauveur

    du

    Plrme pour recouvrer chamot

    ou

    Hlne,

    ils ne

    font

    qu'accommoder

    leur faon l'interprtation

    de la

    parabole telle qu'elle avait

    cours

    au

    II

    e

    sicle dans

    la

    grande glise

    20

    .

    La brebis, quant

    elle, errait dans

    les

    lieux infrieurs, comme l'crit saint

    J r m e

    2

    .

    La

    brebis gare reprsente l 'homme

    : Le

    Seigneur

    est

    venu

    rechercher

    la

    brebis

    qui

    avait pri,

    et

    c 'est l 'homme

    qui

    avait pri,

    dit

    16.

    A V G .

    quaest. ev.

    2, 32

    CC

    44B, p. 72, 1-20) ; CYRIL.A. in

    Le

    15, 4

    PG

    72, 797-

    800) ;Ps.CYPR.centes.10 PLS1, 58).

    17. AMBR.

    in Le

    7, 209-210

    (S C

    52, p. 87-88).

    18.

    5exemples seulement :RVF.

    epiph.

    14

    (CSEL

    46, 1, p.

    101,

    25- 102,6) ;AV G .

    en.

    ps.

    69,

    6

    (CC

    39, p. 936, 11-16) ;

    EPIPH. LAT.interpr.

    ev. (PLS

    3, 867-868)

    ; QVODVU LTD.

    ser.

    2,

    13

    (C C

    60, p. 85) ; Ps.

    AV G .

    ser.(PLS

    3, 314-317) : de l'cole d'Augustin selon J.

    LECLERCQ,

    RBen

    59, 1949,

    p.

    100-113.

    19.

    Ps. CYPR. centes. 10 PLS 1, 56-57) ;O R IG . hom. Gen. 9, 3 SC7b, p. 250, 51) ;

    horn. Num.

    19,

    4(GCS, p. 184, 16).

    20. IREN.

    haer.

    1, 8, 4 ; 1,23 ,2

    ( S C

    263,p. 124et314) ; 2, 5, 2 SC294,p.54-55);

    TERT.

    anim.

    34, 4

    CC

    1, p. 836, 30). EPIPH.

    pan.

    31, 26, 1 ; 21, 3, 5

    GCS

    25, p. 425, 3 et

    242,

    15). Sur la

    signification exacte

    de

    cette interprtation gnostique, probablement

    mal

    interprte par les crivains chrtiens,

    cf

    A.

    ORBE,Parabolas evanglicas

    en San Ireneo,

    t. 2,

    M adrid, 1972, p. 118-125.

    21 .HIER.C.

    Joh. Hier.

    34

    (PL

    23,386) : in inferioribus oberrabat.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    6/560

    8

    MARTINE DULAEY

    I r ne

    2 2

    , dans un passage qui traite de la ncessit de l'Incarnation. Pour

    Didyme d'Alexan drie, elle a err du fait de la transgression d 'Ad am

    23

    . Elle

    s'tait gare en Adam, notre brebis, attire par les piges du serpent, crit

    Ambroise ; selon Thodoret, elle errait dans les monts et les valles au

    service des dmons, et Hsychius de Jrusalem prcise, en entremlant les

    termes utiliss par M atthieu ceux de Luc : non seulement nous avons err,

    mais nous tions perdus ; l'ennemi nous a perdus : il a pris en main notre

    errance, la tromperie, il a ajout la tromperie...

    24

    L'homme, donc, tait perdu ; or, le Fils de l'homme est venu chercher et

    sauver ce qui tait perdu(Lc 19, 10) : ce verset, donn par plusieurs

    man uscri ts , versions et tmoins du N ouveau Testament comm e part ie

    intgrante de la version matthenne de la parabole (=

    Mt

    18, 11), est souvent

    cit par les Pres qui commentent la parabole

    25

    .

    Ainsi, la descente du berger signifie l'Incarnation du Fils de Dieu en vue du

    salut des hommes. L' Incarnation est , selon Origene, une descente

    extraordinaire due un excs d'amour pour les hommes, en vue de ramener,

    selon l'expression mystrieuse de la divine Ecriture, "les brebis perdues de la

    maison d'Isral", descendues des montagnes, et vers lesquelles le berger de

    certaines paraboles est descendu, laissant sur les montagnes celles qui ne

    s'taient pas gares

    26

    . U ne brebis avait pri, dit le mm e auteur, mais le

    bon pasteur, laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes,

    descendit dans notre valle, notre valle de larmes, la chercha et, l 'ayant

    retrouve, la mit sur ses paules...

    2 7

    . Ailleurs, l'Alexandrin exprime cette

    descente du berger en termes noplatoniciens : venu chercher la brebis

    l'tranger, il la ramne dans la patrie

    28

    .

    Rsumant dans son

    Commentaire sur Matthieu

    cette interprtation, que l'on

    trouvera encore chez bien d'autres auteurs

    29

    , Jrme crit que, dans le bon

    Pasteur qui rapporte sur ses paules la brebis, certains voient Celui qui, "bien

    que de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'galait Dieu,

    mais s'anantit, prenant la condition d'esclave, se faisant obissant jusqu' la

    22. IREN.

    dem.

    33

    (S C

    62, p. 83).

    23. Conserv dans la Chane Palestinienne sur le

    s

    118 :

    SC

    189, p .

    470-471.

    24. AM B . apol. Dav.

    1, 5, 20

    SC

    239, p. 96, 14). Thodoret et Hsychius, cits par la

    Chane Palestinienne,

    S C 189,

    p. 472-473.

    25.

    M me quand ils ne sont pas rpertoris comme tmoins de M i 18, 11, parce que ce

    verset n'est pas chez eux immdiatement accol au rcit de M atthieu ; par exemple

    HIER,

    in Ez

    8 (26, 19-21),

    C C

    75 , p. 356, 682-685).

    26 .

    ORIG.

    C.

    Cels.

    4, 17

    (S C

    136, 222, 17 sq).

    27. ORIG.

    horn. Num.

    19, 4

    (GCS,

    p. 184, 16) : sed hanc ouem pastor bonus, relictis

    nonaginta nouem in montibus, descendens ad uallem hanc nostram, uallem lacrimarum, et

    requirens inuenit atque impositam humeris suis, et illi numero qui in superioribus saluus

    manebat, adiunxit.

    28. ORIG.

    Jer. cat.fr.

    28

    (GCS,

    p. 212, 20 -213, 4).

    29. Par exemple CASSIOD.

    exp. ps.

    118, 76

    (C C

    98, 3251-3285).

    http://cat.fr/http://cat.fr/
  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    7/560

    LA PARABOLE

    DE LA

    BREBIS PERDUE 9

    mort, la mort de la croix". Il descendit surterre, prcism ent pour sauver

    l'unique petite brebis perdue, c'est--dire le genre humain ;

    ouicula

    :

    ce

    diminutif affectif est souvent employ pour notre brebis, tant par Tertullien

    que

    par

    Origene

    et

    Jrme

    3

    ^.

    La

    forma pastoris, dans

    le

    Com mentaire

    sur

    Ezchiel du Stridonien, correspond la venue cache du M essie , lorsde

    laquelle s'accomplissent lesprophties duberger en

    Ez

    34, 23-24et

    Is

    40 ,9-

    1131. D

    a n s

    l' interprtation symbolique d'Ambroise se superposent l' imagedu

    bon Pasteur qui descend de lamontagne pour prendre sur ses paules labrebis

    et celledu bonS amaritain qui, descendant de Jrusalem Jricho, charge

    l'homme couvert deplaies sur sam onture : deux images del 'homm e bless

    par le pch, deux images de l'Incarnation

    32

    .

    II. - LE

    BERGER

    QU I

    REMONTE PORTEUR

    DE LA BREBIS ,

    FIGURE

    CHRISTIQUE

    DU

    SALUT

    A

    -

    Le

    retour du berger

    :

    la R surrection

    et

    Ascension du Christ

    La parabolede labrebis p erdue ne mentionne p as exp licitement leretour du

    berger vers le troup eau qu il a

    laiss sur la montagne. Pourtant, ceretourdu

    berger est mis enrelief par bon nombre d'auteurs : le berger portant labrebis

    su r ses paules reprsente poureux le Christ remontant vers le Pre aprs

    avoir accompli lemystre dela rdemption.

    Ceci est dj explicite dans Y Adversus haeresesd'Irne, o "le signe dansla

    profondeur

    et

    dans

    la

    hauteur" que Dieu donne

    au roi

    Achaz sans qu'il l 'ait

    demand (cf

    Is

    7, 14) est le mystre du V erbe incarn, que l 'homm e ne

    pouvait imaginer : Ildescendit pou r nous dans les profondeurs de la terre

    pour y chercher la brebis perdue, c'est--dire sonpropre ouvrage par lui

    model,et il remonte ensuite dans les hauteurs, pour offrir et remettre son

    Pre l'homme ainsi retrouv, effectuant en lui-mme les prmices de la

    rsurrection del'hom m e. C'tait afin que, tout comme laTteest ressuscite

    des morts,lerestedu Corps, c'est--dire tout hommequi sera trouv dansla

    vie, ressuscite33.Le berger porteurde la brebis voque donc ici le Christ

    ressuscit remontant au ciel, gage de larsurrection de l'ho mm e.

    30. HIER,

    in Mt

    18, 12

    (S C

    259, p. 56-57)

    :

    Quidam putant istum esse pastorem qui "cum

    in forma Dei esset non rapinam arbitratus est esse se aequalem Deo, sed exinaniuit se formam

    serui accipiens, factus oboediens Patri usque ad mortem, mortem autem crucis",

    et

    ob

    id

    ad

    terrena descendent ut saluam faceret unam ouiculam quae perierat, hoc est humanum

    genus.Ouicula : ORIG .nom. Jos.7, 16 (cf note 35) ;TERT.paen.8, 5 ;HIER,epist.69, 1

    (note 66).

    31.

    HIER,inIS 11 (40, 9-11),CC73, p. 458, 44-69.

    32 .

    AMBR.paen. 1, 6, 27 SC179, p. 76, 7) ;in Le7, 76-77 SC52, p. 34).

    33. IREN.

    haer.

    3,

    19,

    3

    (S C

    211, p. 380-381)

    :

    ...descendere

    in ea

    quae sunt deorsum

    terrae, quaerentem ouem quae perierat, quod quidem erat proprium plasma,

    et

    ascendere

    in

    altitudinem, offerentem et commendantem Patri eum hominem qui fuerat inuentus, primitias

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    8/560

    10

    MARTINE DULAEY

    U ne telle interprtation n 'a pas t invente par Irne po ur faire pice aux

    lucubrations des gnostiques sur la parabole, mais correspond un

    enseignement traditionnel. Un passage du trait Sur la rsurrection d e

    Tertullien suppose que ses lecteurs avaient en mmoire une exgse de ce

    type

    3 4

    . Il en va de mme pour une des Homlies sur Josu d 'Origene, o

    l'Alexandrin renvoie explicitement ses auditeurs ce qu'ils savent dj : As-

    tu perdu la mmoire au point de ne plus te souvenir du

    mystre du Seigneur ?

    Lui,

    il a laiss dans les cieux quatre-vingt-dix-neu f b rebis , et po ur une seule

    petite brebis qui s'tait gare, il est descendu sur la terre, il l'a trouve, mise

    sur ses paules et rem porte dans les cieux

    35

    ?

    Dans son commentaire de la parabole, Hilaire de Poitiers dit que l'homme,

    gar, est ramen dans le monde cleste in dominico corpore , c'est--dire, (il

    joue sur le double sens de la prposition in ), la fois sur le corps du

    Seigneur (la brebis) et dans le corps du Seigneur : lors de l'Ascension, dans

    l'humanit ressuscite du Christ, les hommes sont dj virtuellement ramens

    au Pre

    36

    . Ambroise

    s est

    souvenu de la formule hilarienne quand il a crit,

    dans son magistral commentaire des trois paraboles lucaniennes de la

    misricorde : Le Christ vous porte en son corps, ayant pris sur lui vos pchs

    (...). Pasteur, il rapporte (...). La brebis qui s'tait gare en Adam est

    releve

    dans le Ch rist

    37

    . Jrme crit aussi que Jsus sur ses paules

    rapporta aux cieux la brebis, porteur patient de la pcheresse abandonne

    38

    ,

    et G rgoire le G rand : Aprs avoir restaur l 'ho mm e, notre Berger est

    revenu au Royaum e cleste

    39

    .

    resurrectionis hominis in semetipso faciens, ut quemadmodum caput resurrexit a mortuis, sic et

    reliquum corpus om nis hominis qui inuenitur in uita [...] resurgat. Sur la parabole de la brebis

    perdue chez Irne, cf

    A. ORBE,Parabolas evanglicas en San Ireneo,

    M adrid, 1972, t. 2, p.

    34. TERT.

    res.

    34, 2

    (C C

    2, p. 964, 7) : c'est la brebis tout entire qui est porte sur les

    paules du bon Pasteur

    (totum

    pecus,

    pas l'm e seulement), pour nous montrer que c'est notre

    tre complet qui doit tre ramen lavie. L'utilisation incidente de la parabole dans ce passage

    laisse entendre que l'interprtation funraire du Bon Pasteur est frquente vers211, c'est--dire

    plus ou moins l'poque o nous voyons ces reprsentations se rpandre dans les catacombes.

    35. ORIG.

    hom. Jos.

    7, 16

    (S C

    71,p. 212-213) : Sic immemor es dominici sacramenti, ut,

    cum ille derelictis nonaginta nouem in caelestibus propter unam ouiculam quae errauerat, ad

    terras descendent et inuectam reuectauerit humeris suis ad caelum ...

    36. HIL.

    in Mt

    18, 6

    ( S C

    258, p. 80 , 11-14) : in domini corpore.

    37. AM BR.in

    Lc

    7, 208-209 : Christus te suo corpore uehit, qui tua in se peccata suscepit

    (...); quasi pastor reuehit (...) ; redemptor subuenit(...). Ouis ilia quae perierat in Adam

    releuatur in Christo.

    38. HIER.C.

    Jo h. Hier.

    4

    (PL

    23, 358) : suis humeris portauit ad celos

    baiulans

    et patiens

    delicatam

    peccatricem. Il faut probablement lire baiulus et derelictans, car c'est une

    citation de TERT.

    pat.

    12, 6

    (S C

    310, p. 102, 25).

    39. GREG.

    M .

    in

    euang.

    34, 3

    (PL

    76, 1247).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    9/560

    LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 11

    Augustin, quant lui, met davantage l'accent sur la rsurrection, quand il dit

    que le berger possde la brebis par sa rsurrection

    40

    . En fait, l'Ascension est

    l ' achvement du mouvement de la Rsurrection depuis la thologie

    judochrtienne, et Pierre Chrysologue unit encore les deux thmes : pour lui,

    le Christ, ayant charg ses paules de la brebis tout joyeux de la joie de la

    rsurrection, l 'a porte et ramene par l 'Ascension jusqu' la demeure

    cleste

    4

    . Un sermon africain du V

    e

    sicle, tout entier consacr la brebis

    perdue, et qui serait de l'cole d'Augustin, selon J. Leclercq, insiste fortement

    sur ce thme : Jsus a plac la brebis sur ses paules lors de l'Ascension, ainsi

    qu 'il est crit : "M ontant dans les haute urs, il a pris les prisonniers , il a fait des

    dons aux hommes"(E/?/ 4, 8). Comment

    a-t-il

    fait des dons aux hommes ? En

    enlevant au ciel la chair de l'homme, il a fait tous sans exception un riche

    cadeau. Car, depuis que nous savons que le corps du genre humain est au ciel,

    nous croyons que tous, dans le futur, nous recevrons cette ternit que notre

    corps a dj reue dans le Christ

    42

    .

    Alexan drie, G aules, Italie du N ord, Afrique : cette interprtation est donc

    rpandue. En certaines glises, elle a la liturgie pour vecteur. En Cappadoce,

    au IV

    e

    sicle, lePs 23 (22) (Le Seigneur est mon berger) tait lu lors de la

    fte de l'Ascension ; on ignore s'il en allait de mme pour notre parabole ; ce

    qui est sr, c'est que G rgoire de N ysse rapproche les trois thmes, A scension,

    Christ berger, retour de la brebis perdue (sur le char d'lie ) : le Christ, dit-

    il,

    s'adressant dans un sermon prch lors de cette fte la brebis perdue

    qu'est l'homme, est venu t'arracher au gouffre du pch et, au moyen du char

    du Royaume, te conduire la montagne par son Ascension

    43

    . Quant la

    relation entre la parabole du berger et la Rsurrection, elle est d'autant plus

    naturelle que le

    Psaume

    23 (22), que l'on apprenait par cur aux nophytes,

    tait chant lors de la V igile pascale

    44

    . On lit encore dans le Missel Gothique

    d'Autun ce dbut de prire : O nuit (pascale), o la brebis est ramene sur les

    paules du bon berger...

    45

    40. AVG.

    en . ps.

    99, 15

    (C C

    39, p. 1403, 19-24) : qui resurgens possedit ouem (cf note

    74).

    41. PETR. CHRY.

    ser.

    168

    (C C

    24 B, p. 1034, 74-77) : ...gaudens toto resurrectionis

    gaudio per ascensum ad caelestem tulit et pertulit mansionem.

    42. Ps . QVODVULTD.

    ser. (PLS

    3, 316) : Quando super humeros imposuit ? Quando ad

    caelum-utique maiestatis suae subuectionem portauit, sicut scriptum est :"Ascendens in altum

    captiuam cepit captiuitatem, ddit dona hominibus". Quomodo ddit dona hominibus? Quia in

    eo quod humanam carnem ad caelum sustulit, omnes omnino homines diuina remuneratione

    ditauit. Ex quo enim humani generis corpus scimus in caelo, omnes nos illam aeternitatem

    accepturos credimus in futuro, quam corpus nostrum iam accepit in Christo. Je renonce

    traduire la bizarre expression maiestatis suae subuectionem portauit, o je souponne une

    erreur du ma nuscrit.

    43. GREG,NYSS.ascens.

    (d. Jaeger, t. 9, p. 323 , 20 - 324-22).

    44.

    Cf note 8.

    45 .

    P .

    DE PUNIET,

    Le symboledupa steur dans laliturgie,

    d

    ans Eph. Liturg.5 3, 1939, p.

    285.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    10/560

    12 MARTINE DULAEY

    -La brebis rintgre dans le troupeau : le retour la vie

    Ainsi, le berger portant la brebis sur ses paules dit notre Rdemption. Du

    Psalmiste qui chante

    (P s

    118, 176) : J'ai err comme une brebis perdue ;

    donne la vie ton serviteur (ou : viens chercher ton serviteur : LXX)

    46

    ,

    Hilaire crit : Il a hte d'tre ramen sur les paules de son pasteur, comme la

    brebis gare et perdue, pour que son accueil dans le ciel par son sauveur,

    pasteur ternel, donne des joies ternelles aux anges. En effet, le Fils de

    l 'homme est venu sauver ce qui tait perdu.. .

    4 7

    . Pour Bde, qui s'inspire

    probablement de ce passage d'Hilaire, le Ps 118, 176 est accompli lors de

    l'Incarnation

    48

    .

    L'interprtation la plus ancienne, celle d'Irne, voit simplement dans le

    retour de la brebis perdue le retour de l'homme la vie : Il a recouvr (ou :

    rtabli) la brebis perdue et l'a rintgre avec allgresse dans le troupeau de la

    v ie

    49

    . Pour l'vque de Lyon, le troupeau de la vie dsigne les hommes

    sauvs et non les anges

    50

    . Des auteurs ultrieurs parlent aussi de la brebis

    ramene la vraie vie, la vie d'en-haut, sans plus de dtails

    5

    .

    M ais on sait les Anciens friands de symbolique des nom bres. Dj au II

    nd

    sicle, les gnostiques accordaient une signification symbolique aux nombres de

    la paraboles ; cent, chiffre complet, est la marque du Plrme, qui, par la

    chute, a t rduit quatre-vingt-dix-neuf : les quatre-vingt-dix-neuf brebis

    du salut qui n'ont pas t perdues, mais sont demeures dans la bergerie

    52

    .

    Pour Origene, les brebis demeures sur la montagne sont les cratures

    rationnelles, c'est--dire, de son point de vue, les puissances angliques et les

    mes prexistantes, et la brebis gare et ramene la bergerie de la

    46. La diffrence entre la S eptante et laVtus Latinaest souligne parAM BR.

    in Ps

    118,22,

    27

    (CSEL

    62, p. 502, 11-15).

    47.

    HiL.

    in ps.

    118, 176

    ( S C

    347, p. 302, 4-9) : Referri enim se errabundam ac perditam

    ouem pastoris sui humeris festinat, ut per salvatorem suum aeternumque pastorem in caelo

    angelis aeterna gaudia praebeat se recepta. "Filius enim hominis uenit saluare quod perierat",

    "missus ad oues perditas domus Israhel".

    48. BED.

    in Le

    1 (2, 18),

    C C

    120, p. 55, 1409-1414) : joie des bergers l'annonce des

    anges,

    parce qu'ils voient l'accomplissement du

    Ps

    118,176.

    49. IREN.

    haer.

    5, 12, 2

    (S C

    153, p. 206-207) : in nouissimis temporibus perditos

    exquisiuit nos, suam lucrifaciens et super humeros assumens ouem perditam et cum

    gratulatione in cohortem restituens uitae. Sur la traduction de

    lucrifaciens,

    cf A.

    ORBE,

    Parabolas. . . ,

    2, p. 172.

    50. A.ORBE,Parabolas,2 , p. 174-175 ; ide qu'on retrouvera chez Bde: BED.

    inI Sam.

    3

    (16,

    11),

    C C

    119, p. 140, 145-157).

    51.

    Ps.

    CYPR.

    centes.

    10

    (PLS

    1, 56) : ad superna reuocatum. ;

    RUF.

    epiph.

    14

    (CS EL

    46, 1, p. 101,

    25 sq) : reuocavit te ad supernam et caelestem uitam.

    52. IREN.

    haer.

    2, 24, 6

    ( S C

    263, p. 248-249) ;

    HIPP,

    refut.

    6, 52, 5

    (GCS,

    p. 185, 6).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    11/560

    LA PARABOLE

    DE LA

    BREBIS PERDUE

    13

    perfection

    53

    . Lamme expression (les cratures rationnelles) revient encore

    chez D idyme, G rgoire

    de

    N ysse, Eunome, Cyril le d 'Alexandrie

    et

    chez

    l'auteur

    du

    De

    recognitione fidei,

    mais

    il est

    probable q u'ils

    en

    restreignent

    le

    sens aux seuls anges

    54

    .

    S e lon M thode d 'Olympe, le Christ est le berger de toutes les cratures

    clestes, et l 'homm e, l'origine, appartenait au troupeau cleste,quicomptait

    un nombre parfait debrebis :cent.Sur lamontagne (ilfaut en effet penser

    que

    les

    montagnes figurent

    les

    d e u x ) ,

    les

    quatre-vingt-dix-neuf brebis

    figurent, enface de l'humanit entrane dans lachute, lesanges

    55

    .Lamme

    interprtation revient chez Hilaire, Ambroise, Augustin, l'piphane latin, et

    jusque chez Isidore de Sevi l le

    56

    . Le retour au nombre cent, symbole de la

    plnitude, marque donc l'achvement de l'conom iedusalut

    57

    . Ainsi s'exprime

    G rgoire

    de

    N ysse

    : Il est

    venu chercher

    et

    sauver

    ce qui

    tait perdu,

    et, le

    prenant

    sur ses

    paules, rtablir

    ce qui

    avait pri

    cause

    de la

    vanit

    des

    choses sans existence relle

    au

    milieu

    de ce qui est

    vraiment, afin

    que le

    nombrede lacrationdeDieu retrouve son harm onie

    58

    .

    C-La brebis sur les paules : V humanit sauve

    La tradition d'interprtation de laparaboleest quasi unanimesur ce point :

    la brebisque le berger ramnesur sespaules figure l'hum anit tout entire.

    Elle est l 'hom me , Adam, son propre ouvragepar lui model pour Irne

    ou l'piphane latin

    59

    ,

    ou

    encore l'me hum aine, pour Jrme

    et

    Augustin

    60

    .

    Origene insiste

    sur le

    fait

    que la

    brebis unique porte

    par le

    Christ

    est la

    figure

    du

    Corps

    du

    Christ

    :

    Comm e plusieurs corps sont

    un

    seul corps (selon

    1Co12, 27, qu 'il vientdeciter), plusieurs b rebisqui taient perdues sont une

    53 .

    ORIG.

    hom. Gen.

    2,5

    (S C

    7b, p. 100, 24-31):totius rationabilis creaturae continens

    sacramentum ; 9, 3 (p. 250, 54) : ad supernum perfectionis ouile revocatum.

    54. Didyme

    :

    Chane Palestinienne,

    S C

    189, p. 470-47 3.

    GREG. NY SS.

    anirr. adv. Apoll.

    16

    {JPG45 ,

    1153) ;

    CYRIL.

    A.

    in Le 15,

    4

    (P G 72,

    797-800)

    ;ree.fid. (GCS,

    p.

    167,

    24).

    55.

    METH.

    conviv.

    3 ,

    5-6

    (S C

    95, p. 100-101).

    56.

    HIL.

    in

    Mt

    18,

    6

    (S C

    258, p. 80, 9-10)

    ;

    myst.

    1, 8

    (S C

    19 b, p.

    106-109)

    ;

    AM BR.

    in

    Lc7,

    210

    (S C

    52, p.

    88) ;

    A v e .

    e n.

    ps.

    8, 12 (CC

    38 ,

    p.

    55, 24-28)

    ; coll. Maxim. (PL 42,

    727)

    ;

    EPIPH.interpr.

    ev . (PLS

    3, 867) ; Ism.

    alleg.

    173

    (PL

    83, 121).

    57 .

    AMBR. inps 118,

    21 ,

    3 CSEL62, p. 489, 29). PETR. CHRY.ser. 168, 5 CC24 B, p.

    1033, 58-67).

    58.

    GREG. NYSS.

    in eccl.

    2

    (Jaeger,

    t.

    5, p. 305,

    1-13).

    59 .

    IREN. dem.

    33

    SC

    62, p.83) ; 5, 12,2

    SC

    153,p. 150-151) etc ;

    EPIPH.

    Lat.

    interpr.

    evang. PLS3 867 .

    60.

    HIER,

    in Mich.l

    (4,

    1-7),

    CC

    76, p. 47 1, 183-185)

    ;

    Ave .

    div. quaest.

    83 (65),

    BA

    10,

    p. 230-231).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    12/560

    14

    MARTINE DULAEY

    seule brebis

    6

    . Hilaire

    a

    repris l'ide

    : La

    brebis un ique doit s'entendre

    de

    l ' homme,

    et

    sous l 'homme unique,

    il

    faut voir l'ensemble

    des

    hommes

    62

    .

    Ambroise

    le

    redira

    travers

    les

    catgories rhtoriques

    de

    genus/species

    (l'exgse chrtienne

    n a pas

    attendu

    les

    Rgles

    de

    Tyconius pour

    en

    user)

    :

    Cette brebis

    est

    unique quant

    au

    genre,

    non

    spcifiquement,

    car,

    "tous, nous

    ne formons qu'un seul corps(7 Co10 ,17), mais beaucoup de membres, c'est

    pourquoi

    il est

    crit

    :

    "V ous tes

    le

    Corps

    du

    Christ,

    et

    membres

    de ses

    membres"(7 Co

    12,

    27).

    Car le

    Fils

    de

    l 'homm e

    est

    venu pour sauver

    ce qui

    avait pri

    Le 19, 10),

    c'est--dire tous, puisque, "com me tous meurent

    en

    Adam,

    de

    mme, dans

    le

    Christ, tous reoivent

    la

    v ie"

    6 3

    .

    La

    mme ide

    reparat explicitement, chez

    les

    Latins sous

    la

    plume

    de

    Jrme, chez Augustin,

    Pierre Chrysologue, dans

    le

    sermon africain

    sur la

    brebis perdue

    et

    chez

    Cassiodore

    64

    ,

    et

    dans

    le

    monde grec, chez Cyrille

    de

    Jrusalem, G rgoire

    de

    Nysse

    et

    Thodoret

    65

    .

    Ce

    qui est dit du

    Corps mystique

    est

    videmment valable p our chacun

    de ses

    membres, mais

    il

    s agit toujours alors

    d un

    dveloppement secondaire, ainsi

    qu'il ressort d'une phrase

    de

    Jrme

    :

    Tous

    les

    membres

    de la

    petite brebis

    gare

    ont t

    ports

    par le bon

    pasteur

    66

    . L'exgse christologique

    et

    ecclsiale

    de la

    parabole

    est

    premire,

    les

    interprtations personnelles

    (pnitentielles

    ou

    baptismales)

    en

    drivent

    ;

    dans

    ces

    dernires,

    le

    berger

    est

    souvent

    le

    responsable

    de la

    communaut,

    le

    troupeau

    est

    l 'Eglise,

    et la

    brebis

    gare

    le

    pcheur.

    La

    parabole

    est

    alors utilise dans

    des

    exhortations

    aux

    chefs

    des

    Eglises p our stimuler leur zle pastoral

    ou

    leur souci

    des lapsi

    61

    .

    61 .

    ORIG.

    hom . Ez.

    4, 6

    (S C

    352, 178,

    8-12) :

    Quomodo enim unum corpus plura sunt

    corpora, et una ouis plures oues quae periera nt...

    62.

    HIL.

    in Mt

    18, 12

    (S C

    258, p. 80,

    6) :

    Ouis una homo intelligendus

    est et

    sub homine

    uno uniuersitas sentienda est.

    63.

    AMBR.

    in Le

    7, 209

    (S C

    52 , p. 87)

    :

    Ouis illa genere est una, non specie ; "unum enim

    omnes corpus su mus" sed multa membra, et ideo scriptum est :"uos autem corpus estis Christi

    et membra ex m embris eius. "V enit itaque filius hominis saluum facer quod perierat, omnes

    scilicet, quia sicut in Adam omnes moriuntur, ita in Christo omnes uiuificantur".

    64.

    HIER,

    in

    Mt18,

    12 : cf

    note 30. A vo.

    ser.

    37 ,

    2

    (CC

    4 1, 448,

    44) : la

    brebis

    sur les

    paules du berger est assimile

    la ville sur la montagne de la parabole de la lampe

    ;

    pee. mer.

    1,

    27, 54 CSEL60, 25) ; PETR. CHRY. ser. 168, 6 CC24 B,

    p .

    1033, 69-70)

    ;

    Ps. Ave.ser.

    (PLS

    3, 316) ;

    CASSIOD.

    exp. ps.

    118, 176

    (CC

    98 ,

    3265-3269).

    65.

    CYRIL.

    H.

    cat.

    A 15,

    24

    (Rupp, p. 188, 14). Pour Cyrille d'Alexandrie

    et

    Grgoire

    de

    N ysse, voir

    les

    rfrences

    de la

    note 44. Thodoret

    :

    Chane palestinienne,SC189, p. 472-

    473.

    66. HIER,

    epist.

    69,1(d. Labourt,

    t.

    3, p. 192) : Cuneta ouiculae m embra portata sunt.

    67 . TERT. pud.

    13, 7

    CC

    2, p. 1304, 30) ; CYPR.

    epist.

    55, 15, 1 (Bayart, p. 140) ; Ps.

    CYPR.

    nouat.

    15,1

    (C C

    4,p. 149,1-4) ;

    coll. Avell., CS EL

    35, 1, p. 121,4-5 ;

    const, apost.

    2,20, 8

    (S C

    320, p. 202, 54, 62). S ur

    le

    lien entre

    le

    thme du bon Pasteur

    et

    de

    la

    pnitence,

    cf

    E. DAS

    s M ANN,

    S ndenvergebung durch Taufe, Busse

    und

    Martyr erverbitte

    in den

    Zeugnissen frhchristlichen

    FrmmigkeitundKunst,

    M nster, 1973, p.331-339.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    13/560

    LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 15

    III. - LEBERGERQU IPORTELA BREBIS,

    FIGURE

    DE LAPASSIONDU DIEU FAIT HOMME

    A-La

    descente du berger, la Passion et la Descente aux Enfers

    A l'origine, c 'est

    sur le

    m ouvement

    de

    descente

    et de

    remonte

    que s est

    concentre l'exgse. Toutefois,

    le

    salut accord

    par le

    Christ l'est moyennant

    la Passion,et l' ide est prsente ds l'u vre d'Irne,o ladescenteduV erbe

    va jusqu ' la descente aux Enfers : le Christ est descendu dans les

    profondeurs de la terre pour ychercher labrebis perdue

    68

    . Ladescenteaux

    Enfers est videmment lie

    la

    Passion.

    Selon Irne,

    qui

    semble

    se

    souvenir que M arc

    et

    M atthieu v oient dans

    la

    Passion l 'accomplissement

    de la

    prophtie

    de

    Zacharie

    : Je

    frapperai

    le

    berger . . .) , c 'est sur la croixet par la descente auxEnfers que le Christ

    berger consti tue

    le

    troupeau

    du

    Pre

    :

    M en comme

    un

    agneau

    regorgement, par l 'extension de ses mains il adtruit Am alech, et rassembl

    des extrmits de

    la

    terre dans

    le

    bercail du Pre les enfants disperss ;il

    s est

    souvenu

    de ses

    morts

    qui

    s'taient endormis dans

    les

    temps antrieurs

    et est

    descendu vers eux pour les sauver

    et

    les librer

    69

    .

    Le lien tabli entre le Christ berger et la descente aux Enfers parat

    remonter aux toutes premires gnrations chrtiennes, car dans

    le Psaume 23

    (22),

    la

    valle

    de

    l'ombre

    o le

    Berger divin prserve l'homme

    de la

    mort

    voquait anciennement la descente auxEnfers

    70

    . Que ces conceptions aient

    survcu au cours des sicles nous est prouvpar le sermon africain sur la

    brebis perdue dont il adj t q uestion ; son auteur, qui pourrait s'inspirerde

    Irne latin, crit

    en

    effet

    :

    Quand

    le

    Christ est-il all

    la

    recherche

    de la

    brebis, sinon quand

    il est

    descendu

    du

    ciel

    ?

    Quand l'a-t-il trouve

    ?

    Quand

    il

    est descendu aux Enfers

    ?

    i.

    Aprs Irne,

    on

    insiste plutt sur

    la

    Passion que sur

    la

    descente aux Enfers.

    Pour Jrme, c 'est

    la

    croix

    que le

    Christ runit

    la

    brebis perdue

    (les

    tres

    terrestres) avec

    les

    tres clestes (les anges, figurs

    par le

    reste

    du

    troupeau),

    et ainsi fait

    la

    paix

    par le

    sang

    de sa

    croix

    7 2

    .

    Le

    Fils

    de

    Dieu, crit-il

    encore,a subi les coups,lacroixet le fouet cause d'une seule brebis m alade,

    68 .

    IREN.

    haer.

    3, 19, 3 : notel2.

    69. IREN.

    haer.

    4,33, 1

    (S C

    100,p. 805) ...sicut ouis ad uictimam adductus, et per

    extensionem manuum dissoluens quidem Amalech, congregans autem dispersos filios a

    terminis terrae in ouile Patris, et recommemoratus mortuorum suorum qui ante dormierant et

    descendens ad eos uti erueret eos ac saluaret eos.

    70. J.DANILOU,tudes

    d exgse

    judochrtienne

    (Les testimonia),

    P aris, 1966, p. 142.

    71 . Ps . QUODVULTD.

    ser. LS

    3 316) : Videamus ergo quando primum inquisierit.

    Quando, nisi cum descendent e

    celo ? Quando inuenit ? S cilicet quando ad inferna descendit.

    72. HIER,

    in Eph.

    1 (2, 15),

    PL

    26, 474;cit par

    RvF.

    apol. e. Hier.

    1, 40

    (C C

    20, p . 75,

    48-51).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    14/560

    16

    MARTINE DULAEY

    laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres sur la montagne

    73

    . Augustin dit de

    son ct que le Seigneur rapporte sur ses paules la brebis rachete par son

    sang. Il est mort avec confiance pour la brebis, le berger qui possde la brebis

    par sa rsurrection

    74

    . Dans les derniers temps, est-il dit dans l'piphane

    latin, notre Seigneur est venu pour chercher l'homme qu'il avait cr, c'est--

    dire pour faire passer de la mort la vie tout le genre humain. Car pour nous

    il est all la mort, pour donner la vie ceux qui taient morts

    75

    .

    Basile de Cesaree, quant lui, semble encore songer la descente aux

    Enfers quand il crit que la M ort a fait patre les hom mes (As 48 , 15) jus qu 'au

    mo men t o est venu le vrai Berger qui a donn sa vie pour ses brebis et les a

    tires du cachot de la mort

    76

    .

    Il est en tout cas remarquable qu' propos de la Passion aucun de ces

    auteurs, en dehors de Basile, ne se rfre Jean 10 (le bon pasteur donne sa

    vie pour ses brebis), mais que tous ont en tte une explicitation de la parabole

    synoptique, devenue, selon le mot de l'auteur africain du De

    centesima

    (Ps.

    Cyprien), une parabola passionis

    77

    .

    -La brebis malade etlepch du monde

    A partir du IV

    e

    sicle, l' image du berger criophore tend se charger d'une

    signification nouvelle : on insiste sur le fait que, si le berger doit porter la

    brebis, c'est qu'elle est fatigue, blesse ou malade ; elle porte les stigmates de

    ses errances, c'est--dire du pch :ouis lassa (Ambroise), lassa atque fatigata

    (Quodvultdeus)

    78

    . Quant Jrme, dans les trs nombreuses allusions qu'il fait

    notre parabole, il qualifie presque systmatiquement la brebis d'ouis

    morbida

    19

    .

    C'e st la brebis langu issante du fait de ses pch s, que sa trop

    grande faiblesse empche de marcher, car, dit-il (et c'est une citation de

    73 . HIER.C.

    loh. Hier.

    4

    (PL

    23,

    358)

    :

    Dei filius propter unam morbidam ouem, nonaginta

    nouem in montibus derelictis, alapas, crucem,flagellasustinuit.

    74.

    Ave .

    en. ps.

    99, 15

    (C C

    39, p. 1403, 19-24) : reportt in humeris suis redemptam

    sanguine suo. S ecurus mortuus est pastor pro oue, qui resurgens possidet ouem.

    75.

    EPIPH.

    lat.

    interpr. evang. PLS

    3, 867 : In nouissimo enim tempore uenit Dominus

    noster quaerendo hominem quem fecerat, id est, ut omne hominum genus reuocaret de morte ad

    uitam. N am pro nobis ad m ortem accessit, ut nos mortuos uiuificaret.

    76 .

    BASIL,horn. ps .

    48, 9

    (P G

    29, 452).

    77. Ps .CYPR.

    centes.

    10

    (PLS

    1, 57 : hanc similitudinem Pa ssionis.

    78.

    A.

    ORBE,

    Parabolas...,

    2, p. 158, souligne ajuste titre qu'il y a souvent quivalence

    pratique entre la brebis malade et la brebis perdue.

    AMBR.

    in ps.

    118, 15, 24 ; 118, 20, 33

    CSEL

    62, p. 342, 22 et 461, 4-8) ;

    QUODV ULTD. ser.

    2, 13

    (PLS

    3, 297).

    79.

    Presque toutes les occurrences de

    morbidus

    chez Jrm e se rfrent la brebis perdue

    (Thesaurus Hieronymianus).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    15/560

    LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE

    17

    Tertullien), elle avait beaucoup souffert du fait de ses errances

    80

    . Chez

    Augustin, la brebis incapable de marcher et de revenir toute seule la bergerie

    rappelle que, sans la grce, l'homme ne peut en aucune faon tre sauv

    8

    i.

    La brebis reprsente donc notre nature pcheresse, comme le dit

    F u l g e n c e

    8 2

    . C'est la nature humaine blesse, qu'Ambroise se reprsente

    indiffremment sous les traits de l'homme demi-mort de la route de Jricho,

    qui est ramen sur la monture du bon Samaritain, ou comme la brebis gare

    sur les paules du berger

    83

    . Porter la brebis devient sous sa plume synonyme

    de porter le pch du monde : "Il porte nos pchs et souffre pour nous"(/s

    53, 4). Le berger a plac la brebis fatigue sur ses paules, et encore : Le

    Christ vous porte en son corps, ayant pris sur lui vos pchs

    84

    . G rgoire le

    G rand dira aussi qu'il a plac la brebis sur ses paules, parce que, prenant la

    nature humaine, il a port nos pch s

    85

    .

    Il est tentant de penser que la fresque de la catacombe des Jordans, o le

    berger porte une brebis trs mal en point (contrairement aux habitudes), est

    influence par cette tradition.

    C-La brebis sur les paules de la croix

    L'image de la brebis sur les paules du Christ se superpose parfois celle du

    Christ en croix : Les paules du Christ sont les bras de la croix : c'est l que

    j 'ai dpos mes pch s, c'est sur le noble cou de ce gibet que j 'a i repos , crit

    Ambroise

    86

    . Et encore : Place la brebis lasse, bon pasteur, sur tes paules,

    la croix

    87

    .

    A l'origine de cette interprtation, il y a une exgse trs ancienne, atteste

    chez Justin, Irne, Tertullien et Hippolyte, selon laquelle il faut voir dans le

    verset 9, 5 d'Isae (le pouvoir est sur ses paules) une prophtie de la

    80.

    Peccatis languida :

    HIER.C.

    Ioh. Hier.

    34

    (PL

    23,

    386) ;

    in Mt

    18, 12

    (S C

    259, p. 56,

    122) : propter nimiam infrmitatem ambulare non poterai ;

    epis.

    21, 39

    (CSEL

    54, p. 138,

    18) : M ultum enim errando laborauerat(=

    TERT.paen.

    8, 5

    (S C

    316, p. 178, 21).

    81. Ave .

    en.ps. 11,

    24

    (C C

    39,p. 1085, 6-12 ;

    en.ps.

    69, 6 (p. 936, 11-16).

    82. FVLG. R.

    ad Trasumundum,

    1, 9, 1

    (C C

    91, p. 105, 335-355) : hanc ouem in qua

    peccatoris hominis natura Signatur.

    83 . AM BR.

    in Le

    7, 76

    (S C

    52, p. 34).

    84.Ibid.

    :

    "Hic peccata nostra portt et pro nobis dolet"(/s 53 ,4) . Et pastor imposuit ouem

    lassam super humeros suos.

    85. GREG.

    M .

    in euang.

    34, 3

    (P L

    76, 1247) : Ouem in humeris suis imposuit, quia

    humanam naturam suscipiens peccata nostra ipse portabat.

    86. AMBR.

    in Lc 1,

    209

    ( S C

    52, p. 87) : G audeamus igitur quoniam ouis ilia quae perierat

    in Adam, leuatur in Christo. U rnen Christi crucis bracchia sunt ; ibid.7, 208 (p. 87) :

    Christus te suo corpore uehit, qui tua in se peccata suscepit.

    87. AMBR.

    inps.

    118, 20, 33

    (CSEL

    62, p. 461, 4-8) : ...ouem lassam cruci suae humeris

    superponens.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    16/560

    18

    MARTINE DULAEY

    croix

    88

    .

    Ce

    texte

    est

    d'ailleurs explicitement invoqu

    par

    Ambroise dans

    son

    commentaire

    du

    s 118 176

    (J ai

    err comme

    une

    brebis perdue)

    : Tu

    reconnais

    l le

    mystre

    de la

    brebis lasse

    qui est

    recre, parce

    que la

    condition humaine, dans

    son

    accablement,

    ne

    peut tre recre

    que par le

    mystre

    de la

    Passion

    et du

    sang

    de

    Jsus Christ "dont

    la

    principaut

    est sur les

    paules"

    ; car, sur sa

    croix,

    il a

    port

    nos

    infirmits, afin

    d y

    anantir

    les

    pchs

    de

    tous

    89

    . Selon

    A.

    Orbe, l' imag e

    du

    Sauveur qui charge

    la

    brebis

    sur

    ses paules signifierait probablement dj chez Irne l'application

    de la

    puisance

    de la

    croix

    l'homme perdu

    90

    .

    Quoi qu' il

    en

    soit, l'interprtation,

    qui

    revient plusieurs fois chez Ambroise,

    ne

    lui est

    pas propre

    ;

    elle

    se

    retrouve chez Pierre Chrysologue, ainsi

    que

    chez

    Isidore

    de

    S ev i l l e

    9

    . L ' imag e n 'est

    pas non

    plus spcifique

    du

    monde

    occidental. G rgoire

    de

    N azianze crit

    en

    effet

    que le

    Christ

    a mis la

    brebis

    gare sur ses paules

    o il y

    avait aussi

    le

    bois, confondant ainsi l'image

    du

    berger porteur

    de la

    brebis

    et

    celle d'Isaac charg

    du

    bois

    du

    sacrifice

    92

    . Chez

    Augustin, dont s'inspire Prosper d'Aquitaine,

    la

    Passion

    est

    plutt voque

    par

    la figure

    du

    berger

    qui se

    dchire dans

    les

    ronces

    o il va

    rechercher

    la

    brebis

    93

    .

    -Le berg eret labrebis leChrist en ses deux natures

    Dans

    l' interprtation primitive

    de la

    parabole,

    le

    berger

    est le

    Christ

    et la

    brebis figure l'humanit qu'il

    est

    venue sauver. S elon

    une

    autre interprtation,

    secondaire

    par

    rapport

    la

    prcdente,

    la

    brebis

    ne

    reprsente plus l'homme

    pcheur, mais

    la

    nature humaine

    que le

    Verbe

    a

    assume pour mourir pour

    nos pchs,

    et

    donc,

    le

    berger porteur

    de la

    brebis voque

    le

    V erbe

    de

    Dieu

    incarn. Ceci parat propre

    au

    domaine grec.

    A

    l 'or igine,

    il y a

    l ' ide,

    conforme

    l' imagerie

    du

    Nouveau Testament,

    que le

    Christ

    est

    non seulement

    berger, mais aussi agneau.

    On

    voit dj chez M liton

    de

    S ardes

    que

    l'agneau,

    animal sacrificiel,

    est

    assimil

    la

    nature humaine

    du

    Christ, tandis

    que le

    berger figure

    sa

    nature divine

    ;

    pareille interprtation

    est

    frquente

    propos

    88 . JUST. 1apol.35, 2 (Archambault, p. 70-71) ; IREN .dem.56 SC62, p. 119) ; TERT.

    marc.3,

    19,

    2 CC

    1, p. 533,

    7-16) ; HIPP.ben. PO

    27, p.

    166). Cf

    J.

    DANILOU,Thologie

    du

    judochristianisme,Paris, 1958, p. 296.

    89.

    AMBR.

    in ps.

    118,

    21,

    3

    (CSEL

    62, p. 489, 29) :

    Agnoscis utique mysterium,

    quomodo ouis lassa reficiatur, quia non potest aliter humana condicio lassa recreari nisi

    sacramento dominicae passioniset sanguinis Jesu Christi, "cuius principatus super humeros

    eius;in ilia enim c ruce infirmitates nostras portauit, ut ibi omnium peccata vacuaret.

    90.A. ORBE,

    Parbolas...,

    p. 174,

    n. 197.

    91 . PETR. CHRY.

    ser. 168(CC 24 B, p.

    1034,

    75) : in

    crucem leuans humeris suae

    imposuit passionis ;ISID.alleg.173

    (PL

    83,

    121):crucis suae humeris.

    92.

    GREG. NAZ.

    in

    sanctum Pascha 26

    (PG

    36, 657-660).

    93. Ave .

    en.ps.

    118,

    ser.

    32,

    7

    (C C

    40, p. 1775, 8-10)

    ;PROSPER,

    inps.

    118, 176

    (CC

    68

    A, p. 1201, 1209).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

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    LA PARABOLE DE LABREBIS PERDUE

    19

    de Gn 22, o le blier offert par Abraham la place d'Isaac reprsente

    l'humanit

    du

    Christ, tandis qu 'Isaac figure

    sa

    divinit

    94

    .

    Dans

    nos

    textes, l'application

    de

    cette ide

    la

    parabole

    du

    berger n'est

    explicite qu'au

    IV

    e

    sicle, mais elle semble dj

    arrire-plan

    du

    passage

    du

    Banquet o M thode d'Olympe traite de la parabole : Le Seigneur priten

    charge

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    18/560

    20

    MARTINE DULAEY

    autres pour les ramener dans le bon chemin rapparat chez Eusbe d'mse et

    dans un texte faussement attribu Jean Chrysostomei.

    L'exgse qui voit dans le berger porteur de la brebis une figure de

    l'Incarnation du V erbe rejoint celle qui voit en lui une figure de la Passion.

    Car, dans la statuaire antique, le criophore tait souvent un offrant, qui

    conduisait la victime sacrificielle l' immolation. Dans un passage de la

    Thophanie (syriaque), Eusbe de Cesaree voit dans le Christ la victime mise

    mort pour tout le troupeau des hommes, la brebis immole pour toute la

    race des hommes, ce qui implique que celui qui est l'agneau est aussi le

    berger. La suite du texte superpose l' image du berger porteur de la brebis et

    celle du grand-prtre qui l' immole. C'est la nature humaine (l'instrument

    qu 'est le corps assum par le V erbe) qui est figur par la brebis, tandis que la

    nature divine est reprsente par le grand-prtre, - qui, dit Eusbe, arrache

    la mort et entrane dans les hauteurs notre nature mortelle et l'y tablit comme

    prmices de la rdemption

    1 0

    : on mes ure tout ce que ce texte doit

    l'interprtation traditionnelle de la parabole.

    Eusbe d'mse reprend l' ide en une formulation trs ramasse : le Christ

    est mort pour nous, le berger a apport la brebis, le prtre a apport le

    sacrifice, ils estdonn lui-mme pour nousi

    2

    .

    Le berger portant la brebis est ainsi devenu dans le domaine grec une figure

    du Christ vrai Dieu et vrai homme, prtre et victime : interprtation sans nul

    doute secondaire et qui n'a gure de parallle en Occident.

    Ainsi, la parabole de la brebis perdue voque d'abord pour les Anciens le

    mystre du Seigneur ou le mystre de la Passion du Seigneur, ou encore

    le mystre du saluti

    3

    , et cette exgse se transmettra dans le haut M oyen-

    Age, chez G rgoire le G rand et Isidore de S eville. Partant du texte de Luc,

    G rgoire verra plutt l 'Ascension dans le verset : De retour chez lui,

    l'homme invite ses amis et ses voisins {L e 15, 7), mais, pour le reste, c'est

    bien une figure de l'Incarnation, du salut par la Passion et de l'Ascension qu'il

    voit dans notre parabolei

    0 4

    . Isidore, son habitude, rsume fort bien la teneur

    de l 'enseignement classique sur la brebis perdue dans ses Allgories :

    L'homme possdant cent brebis qui les abandonne pour chercher la brebis

    perdue et qui, lorqu'il l'a trouve, la ramne sur ses paules, est une figure du

    100.

    Evs.

    EM .

    de post, et fid.

    2, 4 (Buytaert, 1, p. 324, 12-16) ; Ps.

    IOH. CHRY.

    ser. (PG

    61, 745).

    101. Evs.

    theoph.

    3, 59

    (GCS,

    p. 154, 15-155, 26).

    102.

    Evs.

    EM .

    de arbitr. et

    uolunt.

    4 (Buytaert, 1, p. 35, 8-14) ; cf Thodoret de Cyr

    :

    PG

    83, 313.

    103. ORIG . hom. Jos. 7, 6 (S C 7 1, p. 212) ; Ps. CY PR.cenes. 10 (PLS 1, 57) ; AM BR. in

    ps.

    118, 21 , 3

    (CSEL

    62, p. 489, 31) ; GREG. NYSS.C.

    Apoll.

    16 (Jaeger, t. 3, 1, p. 151, 30).

    104. GREG.M .

    in

    euang.34, 3

    (PL

    76, 1247).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    19/560

    LA PARABOLE DE LA BREBIS PERDUE 21

    Christ qui, abandonnant au ciel les milliers d'anges, a retrouv, parmi les

    nations, en bon pasteur qu'il est, la brebis qui avait pri en Adam, et l'a

    rapporte au paradis sur les paules de sa croixi

    5

    .

    La grande antiquit de l' interprtation que nous avons dgage (elle est

    antrieure Irne), son universalit (on la trouve tant en Orient qu'en

    Occident) et sa persistance jusqu' une poque tardive, montrent qu'elle n'est

    pas le fait de quelques individus isols, mais est reprsentative d'un

    enseignement ecclsial courant. Quand Jrme parle en exgte, soucieux du

    contexte, et notamment du verset qui conclut la parabole, il considre que la

    parabole a une signification pnitentielle et s'adresse aux Scribes et aux

    Pharisiens qui refusaient le pardon aux pcheurs et aux publicains

    106

    . M ais, le

    reste du temps, dans la trs grande majorit des cas, il suit l' interprtation

    christologique courante de la parabole.

    L'ex isten ce d'un tel enseign eme nt, la frquence avec laquelle revient

    partout l'ide que les chrtiens sont les brebis du Christ, tout cela rend peu

    vraisemblable que les reprsentations chrtiennes de bergers aient seulement

    voqu pour les chrtiens qui les contemplaient des images de vie idyllique, de

    salut un peu vague, ou encore de "philanthropie". D'ailleurs, quand Clment

    d'Alexandrie parle de la philanthropie du berger divin, c'est pour souligner

    qu 'il do nne sa vie pour ses brebis, et il en va de mme pou r G rgoire de

    Nyssei

    7

    .

    L'image du berger porteur de la brebis est une reprsentation profondment

    christique du salut, englobant les ides d'Incarnation, de Passion et de

    Rsurrection ; d'o son succs chez les Anciens.

    L' image n'a pas d'abord un sens pnitentiel

    ou

    baptismal

    ou

    funraire,

    comme on l 'a dit : ces diverses applications rsultent du sens global

    christocentrique attribu au berger de la parabole dans l'glise ancienne ; elles

    sont toutes lies entre elles, si bien qu'on ne peut les sparer sans appauvrir

    l'image. La brebis porte sur les paules du berger signifie que, par le Christ,

    l'homme est rendu la vraie vie : la nouveaut de la vie chrtienne dans

    l'glise lors du baptme, la vie ternelle lors de la mort.

    Dans les baptistres, elle rappelle que la conversion est le pralable

    ncessaire du baptme, qui, par la mort et la rsurrection du Christ venu nous

    sauver, nous ramne la vie. Si les anges, crit Jrme, se rjouissent et sont

    dans la joie pour un seul pcheur qui fait pnitence, et pour une seule petite

    brebis malade qui est ramene sur les paules du berger, combien plus se

    rjouissent-ils de voir que tant de frres sont rens dans la vasque de la

    105. ISID.

    alleg.

    173

    {P L

    83, 121) : Homo habens centum oues qui, relictis illis, ouem

    perditam quaerit ac repertam humeris reuehit, figuram Christi expressit, qui relictis millibus

    angelorum in caelo, ouem quae perierat in Adam, ut bonus pastor, quaesitam, in gentibus

    reperit atque crucis suae humeris ad paradisum reportauit.

    106. HIER,

    epist.

    121, 6

    (CSEL

    56, p.

    2 1,

    9 sq).

    107. CLEM. A.paed. 1, 97, 3 ; 85, 1-3 (S C 70, p. 283 et 261) ; G R EG . N Y S S . C.Eunom.3,

    10,

    12 (Jaeger, t. 2, p. 293, 16 sq).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

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    22

    MARTINE DULAEY

    vie . . .

    1 0 8

    .

    Par lebaptme,ditle sermonDeoueperdita, l ' homme est plac

    su rles paulesduChristi

    09

    . L'homme,ouencore, selonles Pres, Adam

    : au

    baptistre

    de la

    maison chrtienne

    de

    Doura Europos, Adam

    et

    Eve sont

    reprsents

    en

    petit en-desso us

    du

    Bon Pasteur.

    Devant

    les

    images

    de

    l'art funraire,

    o le

    berger joyeux porte

    une

    brebis

    gaillarde, comment ne pas voquer les interprtations de laparabole o le

    bergerest le Christ ressuscit qui, ayant arrach l'homme auxprofondeursdes

    Enfers, remonte avec

    lui

    vers

    le

    Pre

    ?

    Seule

    une

    fresque insolite

    de la

    catacombe des Jordans rappelle l'tat

    o la

    chute avait rduit l'hommeque

    vient sauver

    le bon

    Berger

    : le

    berger

    a sur les

    paules

    une

    brebis fort

    mal en

    point. Les nombreuses reprsentations o le berger porteurde la brebisest

    encadrpardeux brebisqui

    le

    regardent avec amour, nous rappellent qu'on

    a

    l uneimagenon pas individualiste, mais communautaire (la brebis unique

    reprsente toute l'humanit) dusalutquinousestdonnpar leChristi

    10

    .Les

    images

    du Bon

    Pasteur

    ne

    sont

    si

    frquentes dans l'art palochrtien

    que

    parce

    qu'elles parlent

    au

    chrtien

    de la

    R surrection

    de

    Jsus, fondement

    dela foi

    chrtienne,

    et

    gagede sa propre rsurrection.

    Martine

    DULAEY

    U niversit dePicardie

    Facult

    des

    Lettres

    Campus, 80025 AMIENSCedex

    1

    RSUM

    :

    Dans

    la

    reprsentation

    du

    "Bon Pasteur",

    les

    archologues voient tout

    au

    plus

    une figure assez vague

    du

    salut chrtien. M ais

    les

    textes

    des

    Pres

    de

    l'glise suggrent

    l'existence

    d un

    enseignement catchtique trs ancien

    et

    largement rpandu, selon lequel

    le

    berger portant

    la

    brebis sur les paules reprsente le Chrsit ressuscit, qui remonte vers le Pre

    porteur

    de

    l'homme qu'il

    a

    sauv.

    Il

    serait fort surprenant

    que

    cela n'ait

    pas

    influenc

    les

    reprsentations palochrtiennes.

    108. HIER, in ps.41 CC78,

    p .

    543,

    58 )

    :Si enim super uno peccatore agente

    paenitentiam,

    et

    in una ouicula morbida, quae pastoris humeris est reuecta, gaudent angeli atque

    laetantur, quanto magis in tot fratribus uitali gurgite renalis...

    109.

    Ps .

    QVODVULTD.

    ser.

    (PLS

    3, 317) : S uper humeros Christi ponitur quando S ignatur et

    baptizatur in Christo.

    110. G R E G .

    N Y S S .

    in

    cant.

    2(d Jaeger, t. 6, p. 61, 8).

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    21/560

    Revue des tudes Augustiniennes,

    39 (1993), 23-35

    Du divorce, de Tertullien,

    et de quelques autres sujets...

    Perspectives nouvelles et ides reues

    1

    Voici donc un recueil de 22 articles publis par C.

    MUNIER

    entre 1978 et

    1990. Pour la commodit, je crois opportun de donner leur liste, dans l'ordre

    du livre :

    I . A propos d'Ignace d'Antioche. Observations sur la liste episcopale

    d'Antioche, ASA 55, 1981, p.

    126-131.

    II .Les doctrines politiques de l'Eglise ancienne,

    ibid.

    62, 1988, p.

    42-53.

    III.

    A propos des Apologies de Justin,

    ibid.

    6 1, 1987, p. 177-186.

    IV. La structure littraire de l'Apologie de Justin,

    ibid.

    60, 1986, p. 34-

    54.

    V. La mthode apologtique de Justin le martyr, ibid. 62, 1988, p. 90-

    100.

    VI.La mthode apologtique de Justin le martyr (suite),ibid.62, 1988, p.

    227-239.

    i.

    VIL La Tradition apostolique chez Tertullien,

    L anne canonique

    33,

    1979,

    p. 175-192.

    VIII. Les conceptions hrsiologiques de Tertullien,Augustinianum 20,

    1980, p. 257-266.

    IX. Propagande gnostique et discipline eccclsiale d'aprs Tertullien, ASA

    63,

    1989, p. 195-205.

    X. Analyse du trait de Tertullien De praescriptione haereticorum, ibid.

    59,

    1985, p.

    12-33.

    XL L'autorit de l'glise et l'autorit de l'Esprit d'aprs Tertullien,

    ibid.

    58, 1984, p. 77-90.

    XII. Tertullien face aux morales des trois premiers sicles,

    ibid.

    54, 1980,

    p.

    173-183.

    XIII.Subtilis, subtilitas... chez Tertullien,Mlanges F. Chtillon (=Revue

    du moyen ge latin4 5, 1989), p. 3-7.

    1.A propos de C.M U N IER ,

    Autorit episcopale et sollicitude pastorale.

    II

    e

    -VI

    e

    sicles,

    Variorum reprints, Londres 1991.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    22/560

    4

    PAUL MATTEI

    XIV. Initiation chrtienne

    et

    rites d'onction (II

    e

    -lll

    e

    sicles),

    RSR64,

    1990,

    p.

    115-125.

    XV. Rites d'onction, baptme chrtien

    et

    baptme

    de

    Jsus,

    ibid.

    64,

    1990,

    p.

    217-234.

    XVI. Divorce, remariage

    et

    pnitence dans l'glise primitive,ibid.

    52,

    1978,

    p.

    97-117.

    XVI I . Le tmoignage d 'Or igne en mat i re de remariage aprs

    sparation,Revue dedroit canonique 28, 1978,

    p.

    16-29.

    XVIII.

    La

    sollicitude pastorale

    de

    l'glise ancienne

    en

    m atire

    de

    divorce

    et

    de

    remariage,LThPh 44, 1988,

    p.

    19-30.

    XIX.

    A

    propos

    d'un

    ouvrage rcent

    :

    Emile Schmitt,

    Le

    mariage chrtien

    dans Vuvre de saint Augustin, Revue dedroit canonique 35,

    1985,

    p. 172-

    183.

    XX. Problmes

    de

    prosop ograph ie africaine relatifs

    la

    lettre

    20*

    d'Augustin,RSR56,1982, p. 21 9-225.

    XXI.

    La

    pastorale pnitentielle

    de

    saint Csaire d'Arles (503-543),Revue

    de droit canonique34, 1984, p. 235-244.

    XXII.

    La

    femme

    de Lot

    dans

    la

    littrature juive

    et

    chrtienne

    des

    premiers

    sicles,

    C ahiers de Biblia Patristica2,

    1989, p. 123-142

    2

    .

    Ds

    son

    premier paragraphe,

    Avant-Propos

    p. ix)

    s efforce

    despcifier

    le

    titre

    et de

    dgager

    le

    dessein d'ensemble

    qui

    sous-tendrait, unifierait cette

    image

    de

    treize

    ans de

    recherches.

    En

    dpit

    de

    tels efforts (voir galement

    p.

    xii,

    concernant

    le n

    XXII

    :

    Les commentaires varis, savoureux, suscits

    chez

    les

    Pres

    par la

    lgende

    de la

    femme

    de

    Lot... tmoignent aussi,

    leur

    manire,

    de la

    sollicitude pastorale

    des

    prdicateurs

    de

    l'Antiquit chrtienne,

    attentifs

    faire dcouvrir

    au

    peuple fidle

    les

    trsors inpuisables

    des

    Saintes

    critures),

    le

    contenu,

    ce qui est

    trs heureux, dpasse,

    et de

    beaucoup,

    les

    promesses

    du

    titre.

    On isole aisment trois blocs

    :

    Justin

    (Apologies) ;

    Tertullien (surtout

    ecclsiologie,

    et

    doctrine hrsiologique

    ;

    morale)

    ;

    thologie sacramentelle

    (baptme

    ;

    m ariage

    ;

    pnitence

    ;

    singulirement problmes conjoints

    du ma

    riage

    et de la

    pnitence

    :

    pastorale

    des

    divorcs remaris)

    ; les n I, II, XX,

    XX II, plus encoreque lestudes sur Justin, semblent assez erratiques.

    Finalement, nous avons sous

    les

    yeux de vritablesMlanges de Patrologie et

    d Histoire des sacremen ts.

    Quant

    leur esprit, l ' intrt

    de la

    plupart

    de ces

    mmoires

    est

    d'apporter

    leur contribution, sans polmique inutile,

    des

    dbats

    en

    cours. Ainsi

    l' investigation

    sur la

    datation

    de

    l 'piscopat d'Ignace

    se

    veut-elle

    une

    pice

    annexe

    la

    controverse

    sur

    l 'authenticit

    de

    tout

    ou

    partie

    des Lettres,

    rouverte, on nel'ignorepas, par R. JOLYet J. R IUS-CAM PS.

    2.J'utilise les abrviations deVAnnePhilologique.Danslasuite,je citerai seulement len

    d'ordre de chaque art. (chiffres romains), et celui des p.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    23/560

    DU DIVORCE ET DE TERTULLIEN

    25

    L'occasion des mises au point les plus riches est donne par la prsentation

    critique d'un ouvrage marquant : G. CERETI,

    Divorzio, nuove nozze

    e

    penitenza

    nella Chiesa primitiva,

    Bologne 1977 (n XVI) ; C.

    RAMBAUX,Tertullien face

    aux morales des trois premiers sicles,

    Paris 1979 (n XII) ; E.

    SCHMITT,

    Le

    mariage chrtien dans uvre de saint Augustin. Une thologie baptismale de

    la vie conjugale,

    Paris 1983.

    C. M. pratique avec prdilection ce que je nommerais

    l'art

    du dialogue. Par

    exemple, l'article relatif la pnitence dans saint Csaire se lit comme un

    complment aux travaux de C.

    VOGEL{La discipline pnitentielle en Gaule des

    origines la fin du

    VII

    e

    sicle, Paris 1952, spec. p. 116-123). Et l'on aura

    intrt comparer l'tude prosopographique de la Lettre Divjak 20* celles,

    parallles, que cette pice a suscites (voir

    BA

    46B, comm., p. 516-520, par S.

    LANCEL,

    et spc,

    infine,

    bibliog.).

    Je me bornerai quelques aspects, dont certains (date de l'piscopat

    d'Ignace

    3

    ; problmes soulevs par les

    Apologies

    de Justin

    4

    ) mriteraient

    3.

    Date de l'piscopat d'Ignace d'Antioche. C M . entend montrer que c'est artificiellement,

    pouss par

    sa

    thorie des Dix Perscutions (dont trois respectivement sous Domitien, Trajan,

    M arc Aurle), qu'Eusbe dans

    sa

    C hronique

    avait dat

    de

    Trajan

    le

    martyre d'Ignace,

    ne

    pouvant le situer ni sous Domitien ni sous M arc Aurle

    ;il

    se fonde sur la mention de la mort de

    M arc dans Thophile,

    ad Amol.

    3, 27

    pour fixer autour

    de

    180 l'piscopat dudit Thophile

    (donn par Eusbe comme sixime vque d'Antioche)

    et,

    estimant vraisemblable une dure

    moyenne de 10

    12 ans par piscopat, place en consquence approximativement celui d'Ignace

    (donn

    par

    Eusbe comme deuxime vque

    de la

    ville) vers 120-135. Hypothse peut-tre

    admissible (encore que le concept de "dure m oyenne" paraisse assez fragile). Cependant

    :

    (1)

    Si l'on voit com ment Eusbe a t conduit choisir Trajan, on ne discerne pas bien (malgr

    la

    n. 9) la raison de l'anne 107-108 : C M ., pour dmonter le mcanisme, aurait pu s'inspirer de

    la dmarche d'H.

    I.

    M ARROU,La date

    du

    martyre

    de

    saint Polycarpe,

    A B

    l 1953, p.

    5-20

    (repris dansPatristiqueethumanisme. M langes,Paris 1976, p. 281-294). (2) Que Thophile

    mentionne la mort de M arc ne permet pas de conjecturer avec un tant soit peu de prcision

    le

    dbut ni

    la fin

    de son piscopat.

    (3)

    Si

    l'on

    suit les supputations de C M ., Evodius (donn par

    Eusbe comme premier vque d'Antioche aprs Pierre) serait

    assigner aux deux premires

    dcennies

    du II

    e

    s. : ne

    convenait-il pas, alors, contre Eusbe,

    qui

    tient pour assure

    une

    succession ininterrompue d'vques sur le sige d'Antioche depuis l're apostolique, c'est--

    dire depuis

    le

    dpart de Pierre, m entionn

    au

    Livre des A ctes,

    12,

    17 (n. 18), de rappeler ce

    que

    fut, au I

    er

    s., la

    structure

    de la

    communaut antiochienne

    ? Par o l'on

    retrouverait

    les

    perplexits

    que

    crent, quant

    leur chronologie, leur matire

    et

    leur lexique,

    les

    motifs

    doctrinaux (ecclsiologie d'abord

    :

    dfinition

    de Vpiscop

    d'Ignace

    ;

    mais aussi,

    par

    prolongement naturel, christologie et hrsiologie) du corpus ignatien en sa recension moyenne.

    4. Justin. Existence d'une

    ou

    deux

    Apologies

    ? Structure

    des

    "deux"

    Apologies. (1)

    Concernant

    le

    premier problme, C M . opte pour l'unit (les deux Apologies n'ont jamais

    exist sparment

    et...

    forment depuis toujours

    un

    ensemble cohrent,

    o l'on

    reconnat

    aisment

    le

    dessein de l'auteur, III, 178). Les indications fournies par Eusbe,

    H E,

    sont (ou

    paraissent) confuses et difficilement exploitables, Justin lui-mme livre deux sries de donnes

    (d'un ct, correspondances troites entre

    Apol.I

    et II;de l'autre les adresses conserves dans

    le ms.

    Paris.Graec.450

    imposent,

    ou

    semblent imposer,

    un

    intervalle

    de 15 ans,

    encore

    qu Apol.

    I, soi-disant rdige en 139, mentionne des faits plus tardifs). Pour sortir de ce ddale

    sans corriger

    le

    texte transmis,

    CM.

    propose

    de

    voir dans l'adresse

    a

    1

    Apol.

    I une

    fiction

    http://paris.graec.450/http://paris.graec.450/http://paris.graec.450/
  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    24/560

    26

    PAUL MATTEI

    une discussion plus circonstancie. (D'autres sauront mieux que moi dire la

    pertinence des spculations sur la pratique et la thologie baptismales

    syriaques .) En fait, deux questions majeures retiendront ici l'attention : le

    divorce et l'interprtation globale de Tertullien (aucun arbitraire dans ce

    dernier choix : 7 articles du recueil portent sur le Carthaginois, et son

    tmoignage, ailleurs, est souvent invoqu ; Tertullien se rvle apparemment,

    d'aprs les Indices, comme l'crivain ecclsiastique le plus rgulirement

    cit*).

    I. - DIVORCS REMARIS

    Question aborde en XVI, XVII, XVIII.

    CM. accueille avec faveur les opinions de G. CERETI, qu'il rsume ainsi

    (XVI, 117) :

    1. Depuis

    la fin du II

    e

    sicle, dans toute l'glise,

    et

    jusqu' l'poque

    de

    Jrme

    et

    d'Augustin

    en

    Occident, l'adultre

    de la

    femme

    est

    considr comme

    un

    motif lgitime

    de

    renvoi. Conformment aux coutumes,

    la

    lgislation,

    la

    mentalit de l'poqu e, nombre

    de

    maris 'innoc ents' se remariaient. Pourtant, aucune dcision conciliaire ne prononce de sanction

    canonique ou ne presc rit de soumettre la discipline pnitentielle un mari qui

    s'est

    remari aprs

    avoir renvoy sa femme coupable d'adultre.

    2. A la mme poque, les crivains ecclsiastiques ne reconnaissent pas

    la femme spare

    d'un mari adultre le droit de se remarier ;certaines dcisions conciliaires mme prononcent des

    sanctions canoniques svres contre celles

    qui se

    remarient

    du

    vivant

    de

    leur mari reconnu

    coupable d'adultre .

    3.

    Dans tous

    les cas o des

    divorcs, remaris

    ou non,

    taient soumis

    la

    discipline

    pnitentielle, l'glise leur accordait la rconciliation au terme

    d'un

    stage pnitentiel de dure

    variable, suivant les cas.

    Il prcisait le point (3) en XVI, 98 :

    ... les divorcs remaris taient, conformment aux textes de l'criture, considrs comme

    coupables d"adultre'

    et, en

    consquence, soumis

    la

    discipline pnitentielle. M ais une fois

    invente

    par

    Justin, lequel aurait, pour diverses raisons, antidat

    son

    uvre,

    en

    fait

    contemporaine

    a Apol.

    II, vers 153. L'hypothse suscite plusieurs interrogations

    : (a)

    Ce

    qui

    vaut pour leDialogue avec Tryphon(censment tenu vers 135, d'aprs les allusions la guerre

    de Bar Kochba

    -

    mais postrieur

    Apol.

    I),

    et

    qui se trouve conforme aux rgles du dialogue

    antique, peut-il tre vraisemblable pour une apologie

    ?

    L'apologiste aurait (ou prtendrait avoir)

    attendu quinze ans avant de prsenter son placet l'empe reur ? (b) L'id e de l'antidatation par

    Justin signifie

    que

    l'auteur

    a

    voulu deux

    Apologies,

    ou

    prsente

    Apol.

    Il

    comme

    un

    "appendice"

    d Apol.I

    :que reste-t-il alors de la totale unit ? (2) La mme incertitude affecte

    le

    second problme, puisque aussi bien le n IV dtaille un plan spar des deuxApologies,aprs

    avoir galement soulign leur

    unit.

    Au reste, ces deux articles, on opposera

    J.C. FREDOUILLE,

    De l'Apologie

    de

    Socrate

    aux

    apologies

    de

    Justin,

    Hommage

    R. B raun,

    t. 2,

    N ice-Paris

    1990,

    p.

    1-22

    : le plan de la Premire

    Apologie

    est biparti, plutt que triparti

    ;ilconvientdesparer

    deuxuvres.

    5.Les art.

    de

    CM . sur Tertullien ont t, chacun en son temps, sous la plume de R .BRAUN

    ou J.C.FREDOUILLE,l'objet d'un c.r. dans les Chronica Tertullianea

    (RAug.).

    Je ne referai

    pas un travail de dtail hors de mise ici.

  • 7/24/2019 39 REAug 1993 nr. 1-2

    25/560

    DU DIVORCE ET DE TERTULLIEN

    7

    leur pnitence accomplie, une fois reue l'absolution de leur pch d'adultre, ils taient

    radmis au sein de la communaut chrtienne, comme des membres part entire, et cela sans

    avoir renvoyer leur nouveau partenaire ni

    r