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M é m o i r e s Elan Sud 39-45 en Vaucluse nous étions des sans-culottes Dirigé par Dominique Lin Témoignages et documents Septembre 1939 à mai 1945 La vie continue, malgré tout…

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M é m o i r e s

Elan Sud

39-45 en Vauclusenous étions des sans-culottes

Dirigé par

Dominique LinTémoignages et documents

Septembre 1939 à mai 1945La vie continue, malgré tout…

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© Elan Sud – 2014ISBN : 978-2-911137-21-1

Photos : tous droits réservésOuvrage collectif - Direction : Dominique LinComposition : Elan SudPhotos de couverture : Serge Issautier et Elan Sud

Du même éditeurCollection Mémoires978-2-911137-07-5 : Évariste Galois - Bruno ALBERRO978-2-911137-08-2 : Lettres du Front - Émile SAUVAGE

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Dirigé par Dominique Lin

Collection Mémoires

Elan Sud

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Avant-propospar Dominique Lin

L’association Expressions Littéraires Universelles, dont l’objet est de partager les mots avec le plus grand nombre, a souhaité donner la parole aux témoins de la Deuxième Guerre mondiale en Vaucluse.

« Tant qu’ils sont encore là… » André Brun, à l’origine de ce projet, ne croyait pas si bien dire, lui qui, comme d’autres membres de l’association et témoins cités dans ce livre, nous a quittés.

Pendant plusieurs années, des bénévoles ont fouillé les archives, consulté des documents, collecté des témoignages. Ils ont sillonné le Vaucluse, rencontré de nombreux anciens combattants, déportés, résistants ou simples civils…

Résistants de l’ombre, célèbres ou non, ils ont parfois combattu sans moyens, mais avec détermination, faisant d’eux les sans-culottes du Vaucluse.

Certains interlocuteurs éprouvaient un peu de gêne à parler, cicatrice encore fragile, malgré le temps passé. Parmi ces récits, des mots n’ont été prononcés pour la première fois que plus de soixante ans après les faits, remontant du fin fond des abîmes, comme une libération, enfin ! Si, par moments, le terme Boche est utilisé, il est à replacer dans son contexte historique et ne concerne pas les Allemands d’aujourd’hui.

Certains textes sont restés dans leur version originale. Si leur écriture relève de l’oralité, la profondeur des sentiments et la force du témoignage demeurent intactes.

Nous n’avons pas voulu réveiller les rancœurs, rappeler les fautes, les faiblesses, les trahisons ; nous souhaitions épargner les descendants.

Cet ouvrage collectif reflète le quotidien de la population durant ces années de conflit. Il n’aurait pas pu voir le jour sans la participation des bénévoles, associations et collectivités, voir en dernière page.

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Les hommespendant le conflit

Daladier, le taureau du Vaucluse 11

La capitulation 12

L’exode 14

Le temps des restrictions (Raymond Granier) 15

Les bombardements (André Brun) 20

Orange, de l’armistice à la libération (Raphaël Mossé) 22

L’avion condamné (Lucien Chabaud) 28

Mimi Marchetti (Marie-Thérèse Rauch) 30

Témoin à 14 ans (Jean Pinet) 32

Orange, les Chorégies 34

La musique (André Simon, par Cécile Marinelli) 36

Orange, dernier arrêt (Henriette Habay) 38

Souvenirs (Marie-Rose, par Marie-Thérèse Rauch) 40

Les terrains d’aviation d’Orange [Musée de la BA 115, Caritat] 41

Sacrifice en plein vol (François De Geoffre) 48

Chronologie des bombardements aériens 49

Brèves (Renée Ayme Lapeyre) 50

Lettres censurées 52

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Daladier, le taureau du Vaucluse

Fils d’un boulanger, Édouard Daladier commence sa carrière en devenant maire de Carpentras, sa ville natale. Député du Vaucluse, puis ministre des Colonies et de l’Instruction, il devient Président du Conseil (1er ministre) en 1933. Il participe à l’aventure du Front populaire en devenant ministre de la Défense. Mais très vite, Édouard critique la politique économique et sociale du Front et succède à Léon Blum.Le 29 septembre 1938, Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier se rencontrent pour décider du sort de la Tchécoslovaquie. La France et le Royaume-Uni avaient signé à Locarno en 1926, un traité d’assistance avec ce pays, né du traité de Versailles. D’abord fortement opposé à tout compromis avec Hitler, Daladier se laisse convaincre par Chamberlain et signe les accords de Munich. La légende raconte qu’Édouard avait peur de se faire huer en arrivant en France, il s’est fait, au contraire acclamer… Il aurait alors lâché :« Ah les cons, s’ils savaient » !

Daladier signe les accords de Munich.Photo : © Heinrich Hoffmann/German Federal Archive

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Les hommes pendant le conflit12

La capitulation

Français,

À l’appel de M. le Président de la République, j’assure à partir d’aujourd’hui, la direction du Gouvernement de la France.Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supé-rieur en nombre et en armes.Sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos Alliés.Sûr de l’appui des Anciens Combattants, que j’ai eu la fierté de commander.Sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne, pour atté-nuer son malheur.En ces heures douloureuses, je pense aux mal-heureux réfugiés qui, dans un dénuement ex-trême, sillonnent nos routes.C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat.Je me suis adressé, cette nuit, à l’adversaire, pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec moi, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’obéir qu’à leur foi dans le destin de la Patrie.

Le maréchal Pétain, le 17 juin 1940

Hitler salue le maréchal Pétain, le 24 octobre 1940 à Montoire-sur-le-Loir.Photo : © Heinrich Hoffmann/German Federal Archive

Carte de France : les zones Françaises occupées pendant la Seconde Guerre mondiale - GNU Free Documentation License - © Free Software Foundation, Inc., 51 Franklin

St, 5th Floor, Boston , MA 02110-1301 USA

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Le 19 juin 1940, les soldats du Génie de la Wehrmacht avaient sorti le wagon historique de son musée. L’idée de la résurrection et de l’utilisation vengeresse du wagon de Com-piègne était due à Gœbbels. À 15 h 25, Hitler et sa suite franchissaient le seuil du wagon. Cinq minutes plus tard, les Français, hébétés, arrivèrent dans la clairière de Rethondes. Ce face à face historique mêla le passé et le pré-sent. Hitler ne desserra pas les dents.Le chef d’état-major d’Hitler lut le préambule des négociations d’armistice : C’est dans le même wagon que commença le calvaire du peuple allemand… La France est vaincue…Hitler, suivi de son escorte, sortit du wagon.À l’intérieur, assisté de l’interprète et d’autres officiers, Keitel s’installa en face d’Huntziger et des cinq autres Français. Une âpre et vaine discussion pour l’arrêt de la guerre dura plus de vingt-sept heures.À 18 h 50, samedi 22 juin 1940, le général Charles Huntziger signa le traité de capitu-lation de la France devant le Reich hitlérien. Dans le wagon de Compiègne, un à un, les yeux brouillés de larmes, les Français se reti-rèrent. Keitel adressa à Huntziger quelques brèves paroles de soldat. Finalement, le vain-queur tendit la main au vaincu.

Compiègne, le 22 juin 1940 : signature de l’Armistice dans le wagon de l’armistice en forêt de Compiègne.À gauche le général Keitel, à droite, la délégation française avec le général Huntziger entouré du général d’aviation Bergeret et du vice-amiral Le Luc (de profil) Photo : © Inconnu/German Federal Archive

Caricature britannique critiquant la signature de l’armistice (Marianne, enchaînée et aveuglée, signe le document sous la pression d’Hitler et de Mussolini).Auteur inconnu

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L’exode

Je survole donc des routes noires de l’intermi-nable sirop qui n’en finit plus de couler. On éva-cue, dit-on, les populations. Ce n’est déjà plus vrai. Elles s’évacuent d’elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils ces vagabonds ? Ils se mettent en marche vers le Sud, comme s’il était, là-bas, des logements et des aliments, comme s’il était, là-bas, des ten-dresses pour les accueillir. Mais il n’est, dans le Sud, que des villes pleines à craquer, où l’on couche dans les hangars et dont les provisions s’épuisent. Où les plus généreux se font peu à peu agressifs à cause de l’absurde de cette invasion qui, peu à peu, avec la lenteur d’un fleuve de boue, les engloutit. Une seule province ne peut ni loger ni nourrir la France !

Où vont-ils ? Ils ne savent pas ! Ils marchent vers des escales fantômes, car à peine cette caravane aborde-t-elle une oasis, que déjà il n’est plus d’Oasis. Chaque oasis craque à son tour, et à son tour se déverse dans la caravane. Et si la cara-vane aborde un vrai village qui fait semblant de vivre encore, elle en épuise, dès le premier soir, toute la substance, elle le nettoie comme les vers nettoient un os. L’ennemi progresse plus vite que l’exode. Des voitures blindées en certains points doublent le fleuve, qui, alors, s’empâte et reflue. Il est des divisions allemandes qui pataugent dans cette bouillie, et l’on rencontre ce paradoxe qu’en certains points ceux-là mêmes qui tuaient ail-leurs, donnent à boire.

Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre Gallimard 1942

L’exode en France est une fu i te mass ive de la population française en mai-juin 1940 lorsque l’armée allemande envahit la majorité du territoire national lors de la fin de la bataille de France. Dix millions de personnes s’exilent de façon massive, parfois sans but, soit près du quart de la population française de l’époque.Photo : Tritschler/ German Federal Archive

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Le rationnement vint tout doucement et frappa peu à peu une population qui ne s’y attendait pas. Les véhicules furent réquisitionnés. Seuls l’armée, les services publics et les transports prioritaires purent circuler (médecins, sages-femmes, etc.).Le 29 février 1940, le ministre des Finances, Paul Reynaud, annonce que le rationnement de la population française est envisagé.Le 23 septembre 1940, des cartes de pain, viande, fromage, pommes de terre furent mises en service. Les Français ne se doutaient pas que cela allait durer dix ans.Il y eut au début six catégories de consomma-teurs. Les enfants de mois de 3 ans, les jeunes de 3 à 12 ans, les adultes de 12 à 70 ans effec-tuant des travaux pénibles, et les personnes de plus de 70 ans. Plus tard, ces catégories se sub-divisèrent.Tous les mois, il fallait aller à la mairie, muni de la carte individuelle d’alimentation, afin de retirer les cartes de rationnement. Tout un réseau de contrôleurs et inspecteurs fouillait

les cars et les trains pour éviter le transport clandestin. Certains de ces contrôleurs fer-maient les yeux sur quelques petites denrées contenues dans les valises.La sous-alimentation a sérieusement touché les jeunes : tuberculose, décalcification… On manquait de lait, de fromage et de viande. Le sel était rare et fut sévèrement rationné. Les principales causes du manque de denrées furent : les réquisitions de l’occupant, le manque de bras dans la culture à cause des prisonniers et le blocus qui empêchait les pro-duits de venir d’Afrique du Nord.Les fausses cartes. Elles firent leur apparition dès le début du rationnement. Cela concernait surtout les cartes de pain. Il y eut des vols très importants en Avignon. Les particuliers trafi-quaient habilement leur carte de pain. Il y eut de véritables experts dans cet art.Le pain. Il fut officiellement rationné à partir du mois d’octobre 1940. La population se plaignait de sa mauvaise qualité. Il ne levait pas, collait au couteau et prenait vite le goût du moisi.

Le temps des restrictionsRaymond Granier

Les files d’attente s’allongent devant les magasins souvent à moitié vides - Photo : anonyme

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L’huile. Pour pallier le manque, on en fabri-quait avec du lichen blanc ou carragahen que l’on trouvait en pharmacie et qu’on faisait bouillir, ce qui donnait une huile sans matière grasse. Recette de vinaigrette : 15 g de vinaigre, 15 g de fécule, 30 g de carragahen, 0,14 g de safran ainsi que de l’eau bouillie.

Le café. Introuvable. Il fallait faire griller sur une plaque ou dans un grilloir de l’orge, du soja ou toutes graines rappelant le café. En 1942, on avait droit à 150 g de ce café par mois, soit 60 g de café et 90 g de succédanés (orge grillée, malt, graines de tomates, etc.).

Les légumes. Rares, à part les topinambours et rutabagas.

Le sucre. La saccharine qui était aussi contin-gentée remplaçait le sucre. Tirée du goudron de houille, elle était présentée sous forme de petites pastilles blanches. Elle est d’ailleurs toujours utilisée par les diabétiques.

Les chaussures. Elles furent rationnées sévère-ment. Il y avait en vente libre des chaussures dont le dessus était en carton et la semelle en bois, articulées ou non. Pour les dames, le des-sus était en toile cirée et la semelle en bois. Les pantoufles étaient fabriquées avec du vieux tissu militaire, les semelles étant en carton ou en bois. Les cordonniers fabriquaient des san-dales taillées dans de vieux pneus, les lanières dans du cuir de récupération. Il fallait un bon de ressemelage pour pouvoir faire réparer ses chaussures.

Le papier. Il fut rationné strictement. Les jour-naux parurent sur une demi-feuille seulement. À l’épicerie, il fallait emporter les sachets ou boîtes vides, la loi obligeant à livrer les pro-duits en vrac. On réutilisait les papiers usagés.

Dès 1940, il est nécessaire de rationner la consommation de certaines denrées. Un ministère du Ravitaillement est créé. Le rationnement s’est mis en place par le biais de cartes d’alimentation, de coupons et de tickets d’approvisionnement. - Photos : collection privée

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Les élèves et professeurs des écoles avaient une carte de tickets pour articles écoliers.Le savon. Dès le début, le marché fut inondé de produits de remplacement. La ration a varié au cours des années, allant de 75 à 125 g par mois et par adulte. À partir de 18 ans, les hommes avaient droit à un savon à barbe pour quatre mois. Les trucs et recettes pour rempla-cer ou économiser le savon furent nombreux. Exemple de recette : 600 g de graisse, 125 g de résine, 120 g de soude caustique, 2,5 litres d’eau. Il était pratiquement impossible de réa-liser ces recettes, la difficulté était de trouver les ingrédients. Les pharmaciens, sages-femmes, médecins, etc. en exercice, avaient droit à un supplément de savon.Les métaux. Les titres de rationnement, qu’on n’obtenait que parcimonieusement, furent en usage entre le mois de mai 1941 et 1949. Les plaques d’impôt sur les vélos qui étaient en cuivre ou en aluminium furent remplacées dès 1942 par un laissez-passer en carton qu’il n’était plus obligatoire de fixer sur les vélos. La loi du 11 octobre 1941 avait autorisé l’enlè-vement des statues et monuments constitués de métal cuivreux se trouvant dans les lieux publics. Certaines furent retrouvées en Allemagne et remises en place, mais très peu. Le Tambour d’Arcole à Cadenet fut enlevé par

les résistants et remis en place à la libération par l’équipe qui l’avait caché pendant ces sombres années.Les pneumatiques. Le caoutchouc a manqué très vite et fut tout de suite rationné. Il fallait un bon pour obtenir des pneus ou des chambres à air pour vélo. Diverses astuces pour faire des pneus ont été trouvées. Puis il y a eu le fameux pneu fait avec des rondelles découpées dans de vieilles chambres à air de camion enfilées sur un gros fil de fer. Mais il ne fallait pas que le fil de fer casse sinon les rondelles s’épar-pillaient sur le sol.L’électricité et le gaz. Dans les villes, la consommation était rationnée, celui qui la dépassait était pénalisé. La première fois, il avait une amende ; en cas de récidive, l’élec-tricité ou le gaz était coupé. Malgré cela, on coupait le courant électrique et le gaz par sec-teur à certaines heures de la journée alternati-vement pour permettre de livrer tout le monde. En campagne, ceux qui n’avaient pas l’électri-cité pouvaient bénéficier de bougies, de pétrole ou de carbure de calcium.Le chauffage. Il y eut des hivers rigoureux, les distributions de combustibles étaient insuffi-santes. Le charbon étant rare, en ville certaines personnes allaient se chauffer dans les édifices publics. On fabriquait des briquettes avec de la

Urne pour recevoir les différents tickets de rationnement dans les magasins - Photo : collection privée

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poussière de charbon. On confectionnait des boulettes de papier avec des journaux. Ce com-bustible mélangé à du charbon chauffait bien. Le poêle à sciure était aussi utilisé.Le tabac. Il fut rationné en novembre 1941, il y avait trois distributions par mois. La ration contenait 2 paquets de Gauloises ou 1 paquet de gris. Les fumeurs utilisèrent diverses plantes en se livrant à des mélanges savants. Le trafic fut très important et les mégots étaient récupérés.Les textiles. Tous les tissus, laine, coton, etc., étaient rationnés et ne pouvaient s’obtenir sans remise de points de textiles. Dès le début du rationnement, un certain nombre de tissus syn-thétiques firent apparition. À Montfavet, près d’Avignon, une usine traita le genêt pour en faire du fil transformé en très joli tissu. Malgré toutes ces privations, les femmes restaient très coquettes. La vieille laine était récupérée pour être tricotée de nouveau.

L’agriculture. Les agriculteurs rencontrèrent de nombreuses difficultés. Il était impossible de renouveler le matériel. Il fallait un bon pour obtenir de l’outillage ou des matériaux, mais aussi pour acquérir des semences ou de l’en-grais. Pour l’huile, les agriculteurs furent encou-ragés à mettre en culture certaines plantes : le colza, le tournesol, la navette, le soja ; ces huiles étaient réservées à l’alimentation, d’autres à l’industrie. Les tourteaux provenant de ces plantes étaient réservés à l’alimentation des ani-maux. Les agriculteurs possédant des oliviers faisaient eux-mêmes de l’huile.Le bois. Il se faisait rare lui aussi. Il y eut des bons pour le bois de carburation pour les gazo-gènes, le bois de chauffage, et la menuiserie.Les cafés et les bars. Il y eut des jours sans alcool. Les autres jours, l’autorisation était soumise à des horaires. Le pastis étant interdit, il était servi malgré tout du pastis maison en cachette dans les villages.Au comptoir, il n’était pas question de donner du sucre pour le café ou son ersatz ; on appor-tait une bouteille avec une solution de saccha-rine liquide.Les transports. La guerre a paralysé l’arrivée du pétrole et le peu que nous possédions était confisqué par l’occupant. Tout de suite, on a pensé au gazogène qui roulait au bois et au charbon de bois. Un appareil à gazogène se composait d’une chaudière, d’un refroidisseur de gaz et d’un épurateur à manchons filtrants. On mit en exploitations nos nombreuses forêts. La main-d’œuvre était fournie gratuitement en zone libre par les chantiers de jeunesse qui coupaient le bois dans les montagnes et en faisaient du charbon. Le gaz de ville fut peu employé, à part pour les autobus parisiens.Publicité dans les journaux en 1943

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Les hostilités créèrent de nouvelles contraintes :

réquisition des voitures automobiles privées, cartes de circulation

temporaire, cartes de rationnement, STO,

service militaire obligatoire,

incorporation forcée, déportation, expulsion,

collaboration, occupation.

Photo D. Lin,musée de

la Résistance de Pernes-les-Fontaines

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Les bombardements aériens dans le Vaucluse eurent lieu sur diverses villes ou points straté-

giques du département : Avignon, Orange, Carpentras ou d’autres agglomérations. Certains furent très meurtriers, principalement celui du 27 mai à Avignon 1944. Le but de ces bombarde-ments était de détruire les infrastructures (ponts, viaducs, voies ferrées, etc.) afin de retarder le repli des troupes ennemies. La première fois que ma grand-mère a vu dans le ciel vauclusien une formation d’avions en alignement parfait dont les carlingues miroitaient sous l’effet du soleil, c’était à Avignon. Elle a trouvé le spectacle mag-nifique, mais au bruit des premières bombes, elle a vite compris que ce n’était pas de la rigolade. Au début, la population était prise un peu au dépourvu malgré les avertissements des autorités, mais par la suite au son de la sirène située à la mairie à côté du jacquemart de l’hôtel de ville, il ne fallait pas attendre la fin de celle-ci pour déguerpir et aller dans les abris. D’ailleurs, toutes les sirènes des villages voisins sonnaient en même temps comme un écho, car personne ne savait où ces bombes destructives allaient tomber.J’avais 5 ans, je me suis trouvé quelquefois en Avignon pendant ces alertes ; mes grands-parents étaient locataires au premier étage d’une maison de trois étages près de la place de l’horloge. La consigne de chaque famille était de descendre dans les caves de la maison dont les voûtes en pierre assuraient une sécurité. Nous y allions chaque fois avec une petite valise contenant les papiers de la famille, et une autre un peu de pro-visions. Cette réserve était intouchable en cas,

mais à la libération elle a fait la joie de la famille. D’ailleurs à cette époque on ne se préoccupait pas de regarder si la date était périmée ou pas sur les boîtes de conserve. Les voûtes en pierre devaient nous protéger de l’effondrement de l’édifice, on n’a jamais vérifié. Lorsqu’une alerte survenait et que nous étions en ville, de grandes caves réquisitionnées recevaient la population ; aux établissements Rullière par exemple. Des agents de la défense passive à coups de sifflet accéléraient la ruée vers ces lieux, en général il n’y avait pas de traînards. À la fin de l’alerte au son de la sirène tout le monde retrouvait l’air pur, les adultes cherchaient des renseignements pour savoir dans quel quartier se trouvaient les dégâts. Parfois, il arrivait que le courant s’absente, c’était lugubre, tant de monde dans le noir c’était impressionnant. Habitant Sorgues les alertes étaient différentes. Lorsque les sirènes sonnaient, la plupart des gens quittaient la ville pour fuir leur maison d’habitation. Sorgues n’étant pas un point stratégique, il n’y eut pas de bombarde-ments, peut-être une bombe perdue, néanmoins on avait peur. La maison de mes parents étant près de l’église, nous n’étions pas trop loin de l’extérieur, et on allait, je me souviens, sur les bords de l’Ouvèze ou sur la route d’Oiselet qui à cette époque ne comportait pas les habitations actuelles. On se retrouvait bien souvent entre voisins et certains regardaient et commentaient le spectacle. Une fois, deux officiers allemands n’étaient pas loin de nous, ils avaient la trouille comme tout le monde. C’est au cours d’une de ces alertes que j’ai appris à faire du vélo sur celui de ma mère.

Les bombardements,André Brun

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Bien longtemps après, me trouvant sur la place de l’horloge à Avignon, il était de coutume d’essayer la sirène une fois par mois. J’étais là et d’un seul coup mon cœur a fait un bond en arrière de quelques années.Si les enfants sont parfois insouciants, les périodes graves d’une vie les marquent à jamais.

Bombardement du viaduc et de la gare de marchandises. Au premier plan le clocher de Saint-Agricol. Cliché Pellas.

Le Junker Ju-87, ou plus communément appelé Stuka, de l’allemand Sturtzkampfflugzeug. Bombardier en piqué, il a terrorisé les populations civiles durant ces années de guerre.Source : The history of the Ju 87, Peter C. Smith

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Les hommespendant le conflit 9

Daladier, le taureau du Vaucluse 11La capitulation 12L’exode 14Le temps des restrictions 15Les bombardements 20Orange, de l’armistice à la libération 22L’avion condamné 28Mimi Marchetti 30Témoin à 14 ans 32Orange, les Chorégies 34La musique 36Orange, dernier arrêt 38Souvenirs 40Les terrains d’aviation d’Orange 41Sacrifice en plein vol 48Chronologie des bombardements 49Brèves 50Lettres censurées 52

Les résistants 61

Appel du 18 juin 1940 63Les sans-culottes de la guerre 64Qu’est-ce que la Résistance 65Solidarité patriotique 69Maudite mitraillette 70Garcin, un nom, une famille 71Résister à Orange 80Gabriel Moutte 84La Résistance en haut-Vaucluse 86Les fusillés de Valréas 92Ce matin-là, à Valréas 96Au secours de notre France 97Commandant Gervais 100Les femmes dans la Résistance 105La Résistance au féminin 106Aimé Chabert 108Vous n’aimez pas les gendarmes? 112Les premières liaisons radio 114Les Russes dans les maquis 116Petites histoires de la Résistance 120Le maquis de Viens 122Résistance et religion 128Solidarité envers les résistants 129Oraison 130Coordination de la Résistance 132Izon-la-Bruisse 134Valaury-de-Barret 143Les cheminots 150Hommage à Georges Bottey 174

Sommaire :

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Les déportés 177

Le camp de la mort : Dachau 17860 ans après… 17975902, cet inconnu 180Déporté à Dachau 182Parcours d’un prisonnier évadé 188Albert Laugier 202Le Train Fantôme 208Le Train Fantôme par ses acteurs 209

Des hommes libérés 221

Charles de Gaulle, le 8 mai 1945 223Débâcle et représailles 224Pertuis libérée 226Bollène libérée 228Orange libérée 230

Lexique 234Quelques livres 236Remerciements 237

En été 1943, des militaires de la Luftwaffe devant le pont d'Avignon.© Archives Wehrmacht

Résistants en pause, l’humour reste présent…© musée de Pernes-les-Fontaines

Nous, les survivants, devons témoigner en leur nom.© Bernard-Paul Brémond

28 août 1944, un M8 de la 1re division blindée en Avignon, avec des FFI.Source inconnue

Photos :

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Éditions Elan Sud233 rue de Rome – 84 100 Orangehttp://www.elansud.fr/Editionhttp://elansudeditions.over-blog.org/Composition : Elan SudDépôt légal : avril 2014ISBN : 978-2-911137-21-1

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Dominique Lin, auteur de romans, a déjà publié un ouvrage sur le Vaucluse. Son travail d’écriture, tourné vers nos racines, reflète une fine observation des comportements humains. En accomplissant ce travail de mémoire, il nous rappelle la complexité des agissements durant cette période hors du commun.

La réalisation de cet ouvrage a été rendue possible grâce à l’association Expressions Littéraires Universelles.

39-45 en Vaucluse, nous étions des sans-culottesTémoignages et documents - Dirigé par Dominique Lin

Un collectif a fouillé les archives, consulté de nombreux documents et rencontré des anciens combattants, déportés, résistants et civils… pour réaliser cet ouvrage de référence en Vaucluse sur la Seconde Guerre mondiale.Activement ou non, parfois sans moyens, la population a pris part au conflit ignorant les limites départementales.

Ce livre est classé en 4 chapitres :- Les hommes pendant le conflit (l’occupation, les restrictions, la BA 115 Caritat…)- Les résistants (le maquis Ventoux, Valréas, Izon-la-Bruisse… les cheminots)- Les hommes déportés (dont le parcours d’un évadé)- Les hommes libérés.

Plus de 180 documents, photos et dessins en noir et blanc. C’est une empreinte, la parole donnée aux acteurs de ce drame pendant qu’il était encore temps. 70 ans après la libération de la Provence, ce livre nous propose de nombreux textes et documents inédits.

Prix : 28 €ISBN : 978-2-911137-21-1

www.elansud.fr/lin