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31
72 5 Insuffisance cardiaque L’insuffisance cardiaque est une des principales applications de l’épreuve d’effort cardiorespiratoire. Elle a, pour le médecin, des applications physio- pathologiques, diagnostiques et thérapeutiques. SPÉCIFICITÉS DE L’ÉPREUVE D’EFFORT CARDIORESPIRATOIRE DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE Indications et contre-indications Les indications de l’épreuve d’effort cardiorespiratoire dans l’insuffisance cardiaque sont multiples : • évaluation fonctionnelle objective ; • rattachement des symptômes à la pathologie cardiaque ; • indications thérapeutiques : médicaments, stimulateurs multisites, trans- plantation cardiaque ; • évaluation des effets des thérapeutiques ; • estimation du pronostic. L’insuffisance cardiaque a longtemps été considérée comme une contre- indication à l’épreuve d’effort. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais il faut quand même respecter des précautions : • un angor instable, des troubles du rythme ventriculaire non controlés, une hypotension symptomatique, un thrombus intracardiaque non adhérent restent des contre-indications. De même que le bloc de branche gauche si l’on ne connaît pas l’anatomie coronaire ; en revanche, si la coronarographie est normale, le test peut être réalisé ; • un thrombus adhérent, une HTAP sévère sont des contre-indications relatives. Protocoles • Pas de test chez un patient qui a été récemment déstabilisé ; de toute les façons, ce test serait sous-maximal et peu informatif (notamment pour la détermination du pronostic) ; de façon générale, ces patients étant souvent déconditionnés, un 2 e test en ambulatoire est souvent plus informatif ; • Protocole « doux » : 10 W.min -1 au maximum, les incréments trop brutaux étant mal tolérés. Il faut savoir qu’avec de tels protocoles, un état stable n’est jamais atteint à la fin de chaque palier ; pour avoir un état stable à chaque palier quel que soit le degré d’insuffisance cardiaque d’un patient, il faudrait

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Health & Medicine


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5 Insuffisance cardiaque

L’insuffisance cardiaque est une des principales applications de l’épreuved’effort cardiorespiratoire. Elle a, pour le médecin, des applications physio-pathologiques, diagnostiques et thérapeutiques.

SPÉCIFICITÉS DE L’ÉPREUVE D’EFFORT CARDIORESPIRATOIRE DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Indications et contre-indications

Les indications de l’épreuve d’effort cardiorespiratoire dans l’insuffisancecardiaque sont multiples :• évaluation fonctionnelle objective ;• rattachement des symptômes à la pathologie cardiaque ;• indications thérapeutiques : médicaments, stimulateurs multisites, trans-

plantation cardiaque ;• évaluation des effets des thérapeutiques ;• estimation du pronostic.L’insuffisance cardiaque a longtemps été considérée comme une contre-indication à l’épreuve d’effort. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais il fautquand même respecter des précautions :• un angor instable, des troubles du rythme ventriculaire non controlés, une

hypotension symptomatique, un thrombus intracardiaque non adhérentrestent des contre-indications. De même que le bloc de branche gauche sil’on ne connaît pas l’anatomie coronaire ; en revanche, si la coronarographieest normale, le test peut être réalisé ;

• un thrombus adhérent, une HTAP sévère sont des contre-indicationsrelatives.

Protocoles

• Pas de test chez un patient qui a été récemment déstabilisé ; de toute lesfaçons, ce test serait sous-maximal et peu informatif (notamment pour ladétermination du pronostic) ; de façon générale, ces patients étant souventdéconditionnés, un 2e test en ambulatoire est souvent plus informatif ;

• Protocole « doux » : 10 W.min-1 au maximum, les incréments trop brutauxétant mal tolérés. Il faut savoir qu’avec de tels protocoles, un état stable n’estjamais atteint à la fin de chaque palier ; pour avoir un état stable à chaquepalier quel que soit le degré d’insuffisance cardiaque d’un patient, il faudrait

Insuffisance cardiaque

73

des incréments de 10 W sur des durées de 3 à 4 minutes, ce qui estincompatible avec un test en milieu hospitalier.

• Tapis roulant ou cycloergomètres : le cycloergomètre est plus pratique pourl’analyse des courbes respiratoires ; le tapis roulant reproduit plus lesactivités quotidiennes et les symptômes rapportés (il est difficile dereproduire sur cycle une dyspnée d’effort ; les patients s’arrêtent le plussouvent pour fatigue ; un arrêt pour dyspnée sur bicyclette ergométrique estsuspect de pathologie respiratoire ou d’augmentation majeure des pressionspulmonaires). Le pic de VO2 est supérieur de 10-15 % sur tapis car la massemusculaire mobilisée est plus importante (figure 22) ;

• Prévoir une longue phase de mesure au repos, au moins 3 à 5 minutes, pourdétecter des oscillations respiratoires ;

• Dans l’absolu, une petite phase d’échauffement de 3 à 5 minutes à 0-10 Wserait souhaitable ;

• En récupération, prévoir une récupération à 10 ou 20 W mais les hypo-tensions de récupération sont rares dans cette affection, la cinétique debaisse du débit étant ralentie.

Figure 22 : Évolution de la consommation d’O2 au cours d’un test pratiqué sur tapis

roulant (T) selon le protocole de Naughton modifié ou sur cycloergomètre (C) (protocole de

10 W/min).

Le pic de VO2 est plus bas de 10 % sur bicyclette mais l’augmentation de V02 est plus régulière.

cycloergomètre

tapis roulant

TC

2500

2000

1500

1000

500

00

Page et Cohen-Solal (1994).

5 10Temps (min)

15 20

(*p < 0,05)

V02

(mL.

min

–1)

Applications

74

PARAMÈTRES MESURÉS

La VO2 reste le paramètre le plus utilisé. Mais l’intérêt de l’EECR est de fournirune multitude d’informations à côté du pic de VO2 qui ne saurait résumer à luiseul les informations fournies par le test.

Le pic de VO2 et la pente ΔVO2/ΔW

La VO2 mesurée en fin d’effort chez un insuffisant cardiaque n’est pas une vraieconsommation maximale d’oxygène avec plateau et n’a pas la même significationque celle-ci. En effet, l’effort nécessaire pour atteindre ce plateau n’est pasréalisable par les patients. On doit alors parler de pic de VO2 ou de VO2 limitéepar les symptômes, fatigue ou dyspnée. Tout test limité par un autre motif(douleur, ischémie, chute tensionnelle, trouble du rythme) ne peut avoir designification fonctionnelle. On voit donc toute l’importance d’une stimulationpermanente des patients tout au long de l’effort (ces patients et leur médecinétant souvent effrayés par un risque que ce test soit mal toléré) et des autrescritères ventilatoires pour être certain que le chiffre mesuré en fin d’effort soitvalide (seuil ventilatoire, fréquence cardiaque maximale atteinte, vitesse derécupération de VO2).Le pic de consommation d’oxygène est réduit dans l’insuffisance cardiaquechronique. En effet, l’augmentation insuffisante du débit cardiaque lors del’exercice ne peut être compensée par une augmentation supplémentaire de ladifférence artérioveineuse en oxygène, déjà très augmentée au repos. Lacinétique d’augmentation du débit cardiaque est généralement diminuée. De cefait, les valeurs de VO2 mesurées en fin d’effort sont généralement inférieures à25 mL.min-1.kg-1. Une VO2 au pic de l’effort > 25 mL.min-1.kg-1 chez unpatient non traité présentant des symptômes compatibles avec une insuffisancecardiaque rend le diagnostic très improbable. Néanmoins, il est possible d’avoirune insuffisance cardiaque modérée, ou une dysfonction ventriculaire gauchesévère, avec une réduction modérée de la consommation maximale d’oxygène,entre 10 et 20 mL.min-1.kg-1. C’est notamment le cas chez des patientsentièrement entraînés ou sportifs ou après traitement efficace.Il n’existe aucune corrélation entre le pic de VO2 et le débit cardiaque ou lapression capillaire de repos ou la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG).Dans la mesure où la respiration au cours de l’exercice est beaucoup pluserratique dans l’insuffisance cardiaque que chez le sujet sain, il vaut mieuxconsidérer la valeur moyennée enregistrée au cours des 15-30 dernièressecondes de l’effort plutôt que la dernière valeur instantanée de VO2. On peutobserver, chez l’insuffisant grave, une persistance de l’augmentation de la VO2,ou un rebond de celle-ci (figure 23) après l’arrêt de l’effort. Cette observationa toujours une mauvaise valeur pronostique ; elle témoigne probablement à lafois d’une augmentation paradoxale du VES du fait de la levée de vasoconstric-

Insuffisance cardiaque

75

tion artérielle de fin d’effort et d’une grande baisse du débit, les modificationsobservées au niveau des muscles actifs n’étant observées qu’avec retard auniveau de l’échangeur pulmonaire. Mais, par convention, on ne retient que lesvaleurs les plus hautes de VO2, mesurées pendant le test et non en récupération.

Il est important de mesurer la VO2 chez l’insuffisant cardiaque et non pas del’estimer à partir d’abaques obtenu chez des sujets sains. La cinétiqued’augmentation de la VO2 en fonction de la charge est abaissée dans cettepathologie, et ce d’autant plus qu’elle est sévère. En effet, cette pente estschématiquement de 10 mL.min-1.W-1 chez un sujet sain ; elle peut êtrediminuée jusqu’à 7 chez un insuffisant cardiaque sévère. Ainsi la VO2 mesuréeà 100 W au cours d’un ramp-test de 10 W.min-1 est en général aux alentoursde 20 mL.min-1.kg-1 chez un sujet sain de 60 kg ; alors qu’elle peut êtreinférieure à 16 chez un insuffisant cardiaque sévère (figure 24). Cette pente d’augmentation de la VO2 en fonction de la charge (ΔVO2/ΔW) adeux intérêts, diagnostique et pronostique : • diagnostique : en effet, en cas d’épreuve sous-maximale, si la pente est

abaissée, on peut considérer que la valeur basse du pic de VO2 est bien enrapport avec l’insuffisance circulatoire et non avec une motivation insuffi-sante. Si elle est normale, on doit suspecter une épreuve sous-maximale oulimitée par une raison non cardiovasculaire ;

• pronostique : on a montré que plus la pente ΔVO2/ΔW est abaissée, moinsbon est le pronostic (figure 25).

Figure 23 : Exemple de rebond de VO2 et VCO2 en début de récupération, alors que

la ventilation et la fréquence cardiaque baissent normalement.

Cet aspect est toujours pathologique.

140200180160140120100

80

604020

120

100

80

60

40

20

2010Temps (minutes)

VC02

mL.min–1V02

mL.min–1

0

FCVO2

VCO2VE

0

1 000 1 000

2 000 2 000

0

VE-BPTSL.min–1

FCbpm

Applications

76

Figure 24 : Relation ΔVO2/ΔCharge chez des sujets sains et des insuffisants cardiaques (IC)

de gravité variable (classe A, B ou C-D de Weber) au cours d’un test sur cycloergomètre

(10 W.min-1). Alors que la pente des IC classe A est superposable à celle des sujets sains, elle est d’autant plus abaissée que l’IC est sévère.

Figure 25 : Relation entre la pente de la relation ΔVO2/ΔW et le pronostic dans une

population d’IC. Une pente < 7 est associée au plus mauvais pronostic, notamment quand associée à une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) basse.

0

VO2

(mL.

min

–1.k

g–1 )

5

10

15

20

25*p < 0,05 vs témoins

20 40 60Charge (Watts)

Cohen-Solal et al (1990).

80 100

TémoinsIC classe AIC classe BIC classe C-D

120

Survie

Durée de suivi (jours)

Koike et al (2002).

0

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1,0

500 1 000 1 500 2 000 2 500

ΔVO2/ΔW<7et FEVG<0,5

ΔVO2/ΔW<7

7≤ΔVO2/ΔW<9

ΔVO2/ΔW≥9

Insuffisance cardiaque

77

Attention toutefois à ne pas passer à coté d’une erreur de calibration, que l’ondoit toujours évoquer quand la pente ΔVO2/ΔW est supérieure à 11 ouinférieure à 8.

Valeur du pic de VO2 pour la classification fonctionnelleLe pic de VO2 peut permettre une classification de l’intolérance à l’effort despatients en 4 classes selon la classification de Weber et Janicki (Tableau 11).Cette classification est discutable, car elle sous-entend que la réponse à l’effortmaximale est un reflet de la gêne fonctionnelle pour des efforts sous-maxi-maux, ce qui n’est pas nécessairement le cas.

Valeur du pic de VO2 pour l’évaluation des thérapeutiquesUne amélioration de la fonction cardiaque s’accompagne généralement d’uneamélioration de la symptomatologie fonctionnelle et de la tolérance à l’effort.Mais ce n’est pas toujours le cas et, à l’inverse, l’effet placebo est fréquent ici(notamment après implantation de prothèse). Une amélioration du pic de VO2permet une confirmation objective de cette amélioration. Mais deux remarquesdoivent être faites ici :• la reproductibilité du pic de VO2 est médiocre et seules des variations de

plus de 10 % ont une signification ;• en l’absence d’une augmentation de l’activité physique secondaire à

l’amélioration hémodynamique, le pic de VO2 peut ne pas être amélioré soustraitement, alors que les autres paramètres sous-maximaux ou un test demarche le sont.

Valeur pronostique du pic de VO2Le pic de VO2 a surtout une valeur pronostique. C’est même un des critèrespronostiques les plus robustes de l’insuffisance cardiaque chronique. Depuis letravail princeps de Mancini en 1991, on a généralement retenu la valeur seuilde 14 mL.min-1.kg-1 pour indiquer ou non une transplantation cardiaque ;

Tableau 11 – Classification de la tolérance à l’effort en 4 classes selon K. Weber et J. Janicki

(Weber K, Kinasewitz G, Janicki J, Fishman A (1982)).

Classe Pic VO2 (mL.min-1.kg-1) SV1 Gêne fonctionnelle

A > 20 > 14 Absente-minime

B 16-20 11-14 Modérée-moyenne

C 10-15 8-11 Moyenne-sévère

D < 10 < 8 Sévère

SV1 : seuil ventilatoire 1.

Applications

78

plusieurs études ont confirmé cette observation, avec toutefois des nuances.En effet, il est trop risqué de ne retenir qu’une valeur unique pour poser desindications thérapeutiques et la valeur pronostique du pic de VO2 est continue.Pour des raisons pratiques, on continue à raisonner en termes de seuils. Il vautmieux réfléchir alors avec deux seuils : • un seuil haut, au-dessus duquel le risque est faible : il pourrait correspondre

à 18 mL.min-1.kg-1 chez ces patients avec un risque de mortalité à un aninférieur à 5 % ;

• un deuxième seuil, bas, serait effectivement celui de 14 avec une survie àun an inférieure à 75 % dans ce cas, chiffre de survie qui est généralementcelui retenu pour la greffe cardiaque (figure 26).

À l’heure actuelle, toutefois, la majorité des patients sont traités par desbêtabloquants. Or, ceux-ci améliorent très nettement le pronostic (réduction de35 % de la mortalité à un an), alors qu’ils ne modifient pas significativement le picde VO2 (figure 27). Dans ces conditions, il a fallu revoir les valeurs seuils : • pour la valeur seuil basse, le seuil défavorable semble être aux alentours de

11 ou 12 plutôt que 14 mL.min-1.kg-1 ;• on ne connaît pas bien la valeur seuil supérieure de bon pronostic, mais on

peut de la même façon penser qu’elle a diminué et qu’elle se situe auxalentours de 16 mL.min-1.kg-1.

Figure 26 : Valeur pronostique du pic de VO2 indexé au seul poids, supérieur ou inférieur

à 17 mL.min-1.kg-1 dans une population de 180 insuffisants cardiaques chroniques, non

traités par bétabloquants.

Cohen-Solal et al (1997).Durée (jours)

Surv

ie (%

)

Survie (Pic VO2 > 17 mL.min–1.kg–1)

Survie (Pic VO2 < 17 mL.min–1.kg–1)0

0 500 1000 1500 2000 2500 3000

20

40

60

80

100

Insuffisance cardiaque

79

Quand on considère la valeur pronostique la VO2 en mL.min-1.kg-1, il faut garderen mémoire un certain nombre de limites. D’abord, l’indexation au poids estimparfaite et ne tient pas compte de l’âge, du sexe et du degré d’entraînementphysique. Ainsi, un pic de VO2 à 14 mL.min-1.kg-1 est catastrophique chez unancien sportif qui présente une fraction d’élection basse ; alors qu’il estpratiquement normal chez une femme âgée de plus de 70 ans. Néanmoins,toutes les tables ne donnent pas des corrections parfaites en fonction du poids.Certains auteurs ont proposé d’indexer la VO2 à la masse maigre ; mais celle-cine peut être mesurée avant chaque test … Ensuite, chez des sujets antérieure-ment sportifs, il faut tenir compte du fait que la valeur de référence de VO2 estplus élevée que celle que de sujets sédentaires. Ainsi, un pic de VO2 à 18représente une altération très importante de la réponse circulatoire chez unancien sportif de compétition. La valeur pronostique du pic de VO2, indexé auxvaleurs théoriques qui prennent en compte l’âge, le sexe et le poids (Wasserman,Jones), a toujours été légèrement meilleure que celle du pic de VO2 indexéuniquement en fonction du poids (figure 28). Néanmoins, dans la mesure où lesenfants, les sujets très âgés et les sujets obèses ne réalisent pas souventd’épreuve d’effort, la différence de sensibilité n’est pas très importante pour lespatients vus tous les jours ou à inscrire sur liste de greffe.

La pente VE/VCO2

La pente VE/VCO2 (pente de la ventilation par minute sur le volume expiré dedioxyde de carbone [CO2]) est un témoin de l’efficience respiratoire,

Figure 27 : Modification de la valeur pronostique du pic de VO2 chez des IC avec et sans

bêtabloquants.

On voit que pour les patients avec un pic de VO2 > ou < à 14 mL.min-1.kg-1, le fait de prendre des bêtabloquants décale les courbes de survie vers le haut, sans que la valeur discriminante de cette séparation soit altérée.

> 14 avec β−bloquant (n = 74)

≤ 14 avec β−bloquant (n = 84)> 14 sans β−bloquant (n = 101)

≤ 14 sans β−bloquant (n = 138)

Zugck et al (2002).0

25

0

50

75

100

Surv

ie s

ans

évén

emen

t (%

)

Suivi (mois)

pic VO2mL.min-1/kg-1

4 8 12

Applications

80

c’est-à-dire du nombre de litres d’air que le patient doit ventiler par minutepour rejeter 1 L de CO2 ramené par la circulation. Cette pente a normalementun gain de 20 à 25, c’est à dire qu’il faut ventiler 20-25 L.min-1 pour rejeter1 L de CO2. Néanmoins, dans la grande majorité des cas, notamment après40 ans, il faut plutôt considérer des valeurs normales jusqu’à 30. Cette penteest naturellement augmentée dans toutes les pathologies respiratoires. Elleaugmente aussi chez le patient insuffisant cardiaque pour des motifs qui sontmultiples et complexes. Ainsi, si l’on reprend l’équation reliant la ventilation àla production de CO2 [VE/VCO2 = 863/PaCO2 – (1 – Vd/Vt)], deux facteursinterviennent : la PaCO2 et l’espace mort Vd, ou plutôt le rapport espace/venti-lation alvéolaire. Une première cause d’augmentation de cette pente est donc une diminutionimportante de la PaCO2. Celle-ci peut être en rapport avec une hyperventilationcompensatrice d’une hypoxie, quelle qu’en soit la cause (œdème interstitiel parexemple). Elle peut également être liée à une hyperventilation d’origine centrale enrapport avec une anomalie des chémorécepteurs aortiques et carotidiens,démontrée chez ces patients. Une troisième explication à une baisse de PaCO2 est le métaboréflexe del’insuffisant cardiaque. On a en effet mis en évidence l’existence d’unergoréflexe musculaire c’est-à-dire d’une augmentation de la ventilation par un

Figure 28 : Courbes de survie en fonction du pic de VO2 indexé aux valeurs théoriques.

Pic de VO2 indexé > 60%

Pic de VO2 indexé < 60%

0

0 500 1000

Durée (jours)Cohen-Solal et al (1997).

8989

7658

4735

3827

2715

n (Valeur indexée > 60%)n (Valeur indexée < 60%)

1500 2000 2500 3000

20

40

60

80

100Su

rvie

(%)

Insuffisance cardiaque

81

mécanisme central, nerveux, indépendant des modifications en O2 et en CO2au niveau sanguin, à partir de la stimulation lors de l’exercice de récepteursmusculaires périphériques sensibles à des médiateurs chimiques (potassium,protons, adénosine, prostaglandines …) et qui stimulent la ventilation enutilisant des fibres nerveuses remontant au système nerveux central. Cettehyperventilation par ergoréflexe est donc indépendante des variations de PO2,PCO2 et PH au niveau des chemorécepteurs aortiques et sinocarotidiens. Elleest très améliorée par la réadaptation.La deuxième raison possible de l’augmentation de VE/VCO2 est l’augmentationde l’espacement mort ventilatoire (rapport Vd/Vt), dont le déterminisme estcomplexe, en rapport notamment avec une augmentation insuffisante du débitpulmonaire à l’effort. Celle-ci crée un effet espace mort qui perturbe leséchanges gazeux. La contribution relative de ces deux mécanismes, augmentation de Vd/Vt etbaisse de PaCO2, reste discutée. Des corrélations, qui n’impliquent pasnécessairement une relation de causalité, ont été trouvées avec Vd/Vt, le débitpulmonaire, la faible augmentation de pression artérielle et la sensibilité àl’hypoxie ou au CO2 …

Mode de calculLe mode de calcul de cette pente n’est pas très bien défini. On peut la calculerde trois façons (figure 29) :1) la manière classique des physiologistes consiste à prendre en compte tousles points depuis le début de l’exercice jusqu’au deuxième seuil ventilatoire.C’est en effet pendant cette phase d’exercice que VE et VCO2 sont étroitementcorrélés. Cette pente traduit bien alors une efficience ventilatoire ; néanmoins,le deuxième seuil ventilatoire n’est pas toujours facile à déterminer ni atteintchez ces patients ;2) la deuxième façon consiste à mesurer la pente du début à la fin du test. Cefaisant, on prend en compte également la phase survenant après le deuxièmeseuil ventilatoire où l’augmentation de ventilation n’est pas seulement déter-minée par l’augmentation de la VCO2, mais aussi par la baisse du pHplasmatique qui est stimulus supplémentaire à la ventilation. Plusieurs étudesont montré que ce mode de calcul de la pente a une valeur pronostiquesupérieure au précédent ; néanmoins, il est fonction du degré d’effort poursuiviau-delà du SV2, et il est parfois difficile d’interpréter des pentes subnormalesavant le SV2 et qui deviennent très élevées si on prend aussi en compte laphase d’hyperventilation terminale ; 3) enfin des auteurs ont proposé simplement de calculer cette pente au coursdes trois premières minutes avec des résultats peu différents de la premièreméthode.

Applications

82

Si l’on prend comme méthode de mesure la deuxième de celles énoncées, denombreuses études ont défini un seuil pathologique de la pente VE/VCO2 au delàde 35, mais de ce seuil reste à notre sens relativement bas. C’est probablementau-delà de 40 qu’il faut considérer cette pente comme pathologique et associée

Figure 29 : Les différents modes de calcul de la pente VE/VCO2.

La manière des physiologistes utilise uniquement la pente initiale du début du test jusqu’au SV2. Après celui- ci survient une deuxième phase d’hyperventilation, où la ventilation est aussi stimulée par la baisse du pH. Actuellement, on tend à utiliser tous les points de la relation.

Figure 30 : Exemple de pente VE/VCO2 chez un sujet sain, un IC modéré et un IC sévère.

0

200 600 1000

pente globale

pente finale

pente initiale

1400

VCO2 (mL.min-1)

1800 2200

10

20

30

40

50VE

(L.min-1)

60

70

80

90

IC sévère

IC modérée

Normal

140

120

100

80

60

40

20

00 1 2 3 4 5 6

VCO2 (L.min–1)

V E (L

.min

–1)

Insuffisance cardiaque

83

à un mauvais pronostic (figure 30). Des valeurs supérieures à 50 sont toujoursde mauvais pronostic.

Intérêt de la pente VE/VCO2Un des intérêts de la pente est qu’elle peut être calculée même en casd’exercice sous-maximal, quelles qu’en soient les raisons. Les bêtabloquantsne modifient pas le pic de VO2 mais il diminuent la pente VE/VCO2 dans l’IC.La baisse des pressions pulmonaires, de la pression capillaire pulmonaire,l’augmentation du débit cardiaque, l’amélioration de la performance muscu-laire périphérique par la réadaptation normalisent également cette pente. Au total, la pente apporte des informations pronostiques importantes complé-mentaires de celles du pic de VO2. Au delà du débat concernant les valeurspronostiques respectives du pic de VO2 et de la pente VE/VCO2, il sembleimportant d’associer ces deux paramètres plutôt que de les opposer. Il ne fauttoutefois pas oublier que toute pathologie respiratoire, quelle qu’elle soit,notamment une BPCO, augmente cette pente.Le rapport VE/VCO2 en fin d’effort a une signification proche de celle de lapente VE/VCO2 ; il témoigne de l’efficience respiratoire à un moment donné, lafin de l’effort. La valeur pronostique est moindre de celle de la pente VE/VCO2.

Le quotient respiratoire

Il doit être supérieur à 1,10 pour considérer le test valide. Des valeurs de 1,2-1,3observées chez le sujet sain sont rarement atteintes par les insuffisantscardiaques. Rappelons qu’il n’y a aucune relation entre un quotient respiratoirede 1 et le seuil ventilatoire, toujours plus précoce, et que le même sujet peutdébuter un test avec un quotient à 0,70 ou 0,90 selon qu’il est à jeûn ou non.

Le seuil ventilatoire 1 ou seuil anaérobie

Le seuil ventilatoire 1 (SV1), ou seuil anaérobie des anglosaxons, correspondthéoriquement à l’incapacité de l’organisme à produire l’énergie nécessaire àla réalisation de l’effort uniquement grâce au métabolisme aérobie ; au-delà dece seuil, le complément d’énergie est fourni par le métabolisme de la glycolyseanaérobie. On considère aujourd’hui il s’agit d’une interprétation un peusimpliste, mais la valeur informative du paramètre est toujours importante,notamment confrontée au pic de VO2. Un SV1 bas témoigne ainsi, soit d’uneinsuffisance circulatoire sévère nécessitant une participation précoce dumétabolisme anaérobie pour poursuivre l’effort, soit d’un simple décondition-nement important (les deux anomalies pouvant s’associer). Une diminution durapport SV1/VO2max (normalement compris entre 0,4 et 0,6) témoignegénéralement d’un déconditionnement, alors que dans l’insuffisance circula-toire sévère, SV1 et pic de VO2 sont abaissés et le rapport SV1/VO2max estmaintenu (cas clinique n°2). Le SV1 est un indice très informatif sur la qualité

Applications

84

de vie des patients, il permet d’évaluer les efforts réalisables sans participationsignificative du métabolisme anaérobie, donc sans dyspnée ou fatiguemusculaire excessives et ainsi de fixer le niveau d’entraînement. Il reste toutefois souvent difficile à détecter de façon fiable et sa déterminationsouffre d’une grande variabilité interobservateur ; il faut aussi faire attention àne pas confondre seuil non atteint et seuil non déterminable : les implicationsen sont différentes. Le franchissement précoce du SV1 a une valeur pronosti-que péjorative mais toujours moindre que celle d’un pic de VO2 bas. Le SV1 enfin témoigne de la qualité du test et oriente vers la cause del’arrêt (tableau 12) :• un insuffisant cardiaque s’arrête toujours après le SV1 ;• un arrêt juste après le SV1 suggère un test sous-maximal ;• un test arrêté avant le SV1 suggère soit un test sous-maximal par motivation

insuffisante, soit une cause non circulatoire à l’arrêt de l’effort.

Le mode de calcul du SV1 a été détaillé auparavant. Dans l’IC, il est préférablede confirmer la détermination du seuil par plusieurs méthodes. La méthode laplus sensible semble être celle des équivalents respiratoires en O2 et CO2(VE/VO2 et VE/VCO2) : le SV1 correspondant à l’augmentation de VE/VO2 aprèsson nadir et sans augmentation concomitante de VE/VCO2 (cas clinique n°1) ;l’augmentation simultanée de VE/VO2 et VE/VCO2 correspond au SV2. Il estimportant de bien différencier les deux seuils (le 2e n’est pas toujours atteintou alors confondu avec le SV1) (figure 31). On s’aide souvent du graphe oùsont représentées les pressions téléexpiratoires en O2 et CO2 (PetO2 etPetCO2) en fonction du temps : ici, le SV1 correspond à l’augmentation de laPetO2 (du fait de l’hyperventilation) sans diminution simultanée de la PetCO2.La méthode du V-slope où VCO2 est en ordonnée et VO2 en abscisse est moinsprécise chez ces patients.

La ventilation maximale

La ventilation minute maximale n’est pas très altérée dans l’IC et la réserveventilatoire non entamée, les patients s’arrêtant généralement à 40-60 % de

Tableau 12 – Algorithme d’interprétation d’un teste selon le seuil ventilatoire et le pic de VO2

SV1 normal ou non atteint SV1 bas

Pic VO2 normal Normal Déconditionnement

Pic VO2 bas - Motivation insuffisante- Insuffisance respiratoire

Insuffisance circulatoire

L’entraînement des patients permet de retarder le SV1 et augmente le rapport SV1/VO2max.

Insuffisance cardiaque

85

leur ventilation maximale minute. La fréquence respiratoire est plus élevée. Àchaque niveau ventilatoire, le volume courant tend à être plus faible et l’espacemort plus grand que chez un sujet sain. La sensation de dyspnée est plusélevée que celle d’un sujet sain à chaque niveau ventilatoire. Il est important de noter les pressions artérielles en O2 et en CO2 à l’effort nesont pas différentes de celles d’un sujet sain. Une baisse de la PaO2 ou de laSaO2 à l’effort doit faire rechercher une pathologie respiratoire.

Figure 31 : Exemple de détermination du seuil ventilatoire 1 par méthode graphique.

Ici, la courbe la plus intéressante semble être celle des pressions téléexpiratoires en O2 (PETO2,en rouge) et en CO2 (PETCO2, en vert) en haut de la figure. La séparation des deux a un aspectclassique en diapason. Au niveau du trait vertical, la PETO2 augmente reflétant l’hyperoxie liéeà l’hyperventilation.Sur la courbe des équivalents respiratoires en O2 (VE/VCO2, en fuschia) et en CO2 (VE/VCO2,en bleu), le SV1 correspond à la remontée de la VE/VO2 après une phase de plateau, alors quela courbe VE/VCO2 reste encore en plateau.Le SV2 survient plus loin, lorsque VE/VCO2 augmente à son tour (flèche).En général, c’est la courbe des équivalents respiratoires qui est la plus démonstrative dansl’insuffisance cardiaque.

Seuil déterminé par l’opérateurPET02 PETC02 VE/V02 VE/VC02

SV1 SV2

140 50 130

40

30

20

Temps1

10

100

50

0

130

100 100

50 50VO2 Max

TempsVO2

VO2/Kg OR FCVE

VE/VO2PetO2Watts

Seuil4 : 33 6 : 27558 7327 91,06 1,2397 12427 4549 61121 130– 351 – 333

Applications

86

Cas clinique n°1 : (a) Exemple de difficulté de détermination d’un seuil ventilatoire chez

un insuffisant cardiaque.

(b) Ce seuil est beaucoup plus évident quand on le recherche sur les courbes des

équivalents respiratoires, aux alentours de la 7e ou 9e minute.

3000302010

tSampl [S]

0-4.0

-2.0

2.0Vol(t)

[L]

VCO2

(mL.min–1)

2000

1500

1000

500

0

3000

FC

VO2 VCO2 QR VE EqO2 EqCO2 t-ph Temps

133

1702 1869 1.10 60 32.4 29.5 09:06 13:11

32 12.8 25.4 92

RC O2/HR VO2/kg VO2%p

200

FC[L.min–1]

160

140

120

100

80

60

40

20

160

VE[L.min–1]

120

100

80

60

40

20

VCO2

(mL.min–1)

2000

1500

1000

500

00 1 2 3 4 5 6 7 8

Temps [min]

9 10 11 12 13 14 15

60EqO2

50

55

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

60EqO2

50

55

45

40

35

30

25

20

15

10

5

00 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22

Temps (min)

(a)

(b)

Insuffisance cardiaque

87

Le pouls d’oxygène

Le pouls d’oxygène correspond au rapport de la VO2 par la fréquence cardiaque. Ilreprésente à chaque instant le produit instantané du volume d’éjection systoliquepar la différence artérioveineuse en oxygène ; il est donc un reflet indirect del’évolution du volume d’éjection systolique. Lors d’une épreuve d’effort à chargecroissante, la DAVO2 augmente, même en présence d’une insuffisance circulatoireévoluée. Une stagnation du pouls d’oxygène observée au cours de l’effort est doncle reflet d’une baisse du volume d’éjection systolique, que l’on peut ainsi détecterpar le monitorage du pouls d’oxygène. Plus le plafonnement du pouls d’oxygèneest précoce, plus précoce est le plafonnement ou la baisse du volume d’éjectionsystolique (cas clinique n°3). Un pouls d’oxygène augmenté est en général associéà un bon pronostic (mais cette valeur pronostique reste néanmoins inférieure à

Cas clinique n°2 : Épreuve d’effort d’un patient insuffisant cardiaque présentant

un déconditionnement marqué.

Sur la courbe du bas, on voit que la production de VCO2 (courbe en rouge) se rapproche dès le début de l’épreuve d’effort de la consommation d’oxygène (courbe en vert) ; les deux courbes se croisant pratiquement à l’arrêt de l’exercice.Sur la courbe des équivalents respiratoires, en haut, on voit que l’équivalent respiratoire en oxygène, VE/VO2 (courbe rouge) augmente dès la 4e minute d’effort, ce qui suggère soit une insuffisance circulatoire sévère, soit comme c’est probablement le cas, un déconditionnement marqué.Dans ce cas, la notion de seuil ventilatoire est discutable.

VE/VO2

VO2 VCO2

VE/VCO2 PETCO2

VEFC

PETO2

60

50

40

30

20

10

60 50140

100

50

40

30

20

10

0

50

40

30

20

10

0

1500

1000

500

1500 200

150

100

50

100

75

50

25

0

1000

500

0

Temps (min)

Temps (min)

14

140

Applications

88

celle du pic de VO2). Il peut alors témoigner, soit d’une DAVO2 max haute, soitd’un VES max élevé, soit des deux. Il est très dépendant de la CaO2 initiale (il estdonc abaissé en cas d’anémie) et de la fréquence cardiaque (figure 32).Quelques exemples :• Un patient a un pic de VO2 à 15 et une FC maximale à 150 ; son pouls

d’O2 max sera de 10. Si le même patient est mis sous traitement bradycar-disant et que sa FC max soit de 100, pour un pic de VO2 identique, le poulsd’O2 max sera à 15, essentiellement par augmentation du VES, mais sansque le pronostic soit nécessairement meilleur.

• Deux patients peuvent avoir un pouls d’O2 max à 8 avec, dans un cas, uneaugmentation régulière de 4 au repos à 8 ; dans l’autre cas, une montéerapide du pouls de 4 à 8, suivie d’un plafonnement du pouls d’O2 pendantla majeure partie de l’effort. Lequel à le meilleur pronostic ? Dans la mesureoù on ne connaît pas les valeurs de départ et de fin de la DAVO2, il esttoujours hasardeux de tirer des conclusions sur le VES à partir du poulsd’O2 : une augmentation par 3 du pouls d’O2 à l’effort peut correspondre àune augmentation modérée du VES si la DAVO2 ne fait pas plus que doubler(ce qui peut se voir en cas d’effort sous-maximal, d’augmentation initialeimportante de la DAVO2 ou en cas d’anémie) ; où à une baisse du VES si laDAVO2 est multipliée par plus de 3 à l’effort, passant par exemple de 5 à16 volumes d’O2/100 ml de sang.

Figure 32 : Le pouls d’O2 n’a pas de valeur pronostique, à la différence du pic de VO2,

dans l’insuffisance cardiaque.

Surv

ie (%

)

Durée (jours)

Cohen-Solal et al (1997).

0

0

20

40

60

80

100

500 1000 1500 2000

Pouls d’O2 > 8.6

NS

Pouls d’O2 < 8.6Pouls d’O2 < 8.6

2500 3000

Insuffisance cardiaque

89

La cinétique de récupération de la VO2

La cinétique décroissante de la VO2 au cours de la récupération dépend de lacinétique de resynthèse des réserves énergétiques musculaires utilisées lors despremières minutes de l’exercice (reconstitution de la dette d’oxygène). Schémati-quement, plus la dette en oxygène lors de l’effort est importante, plus la penteVO2/W était basse, plus lente sera la récupération de la VO2. L’insuffisancecardiaque se caractérise par une dette oxygène prononcée au cours de l’effort etdonc un temps de resynthèse prolongée de l’ATP et surtout de la phosphocréa-tine, ce qui se traduit par un allongement du temps de décroissance de la VO2(et des autres paramètres, VCO2 et VE). Il s’agit du contraire de ce qui est observéchez le sportif, qui diminue très vite sa VO2 et son débit cardiaque après l’effort(avec parfois des malaises hypotensifs, exceptionnels chez l’IC).La cinétique de récupération de la VO2 peut être mesurée soit par modélisationmonoexponentielle de la VO2 pendant les 3 premières minutes de récupérationet en calculant la constante τ de décroissance ; soit beaucoup simplement enpratique en mesurant le T1/2 VO2, c’est la dire le temps nécessaire à la VO2 enrécupération pour diminuer de 50 % par rapport au pic de VO2. Après un

Cas clinique n°3 : Cette patiente a un pouls d’O2 à 3-4 ml O2 au repos ; il n’augmente

pas au cours de la première minute d’effort, ni après, en raison de l’apparition de la

tachycardie supraventriculaire.

200 30

O2/HR[mL]

26

28

24

22

20

18

16

14

12

10

8

6

4

2

0

160

180

140

120

100

80

60

40

20

00 1 2 3 4 5

Temps [min]

6 7 8 9 10

FCL/min

Applications

90

exercice triangulaire maximal, un sujet sain verra sa VO2 décroître de 50 % en80 ± 10 secondes, alors qu’un patient IC verra son T1/2 VO2 s’allonger demanière proportionnelle à son degré d’IC, de 100 à 180 secondes en moyennede la classe I à la classe IV de la New York Heart Association (NYHA)(figures 33 et 34). La valeur pronostique ce paramètre est inférieure à celle dupic de VO2, mais reste intéressante en cas d’effort sous-maximal où le pic deVO2 perd sa valeur pronostique.La cinétique de récupération de la VO2 est peu affectée par l’intensité de l’effort.Ainsi, elle est identique tant que l’effort reste > 75 % de l’effort maximal. Cecipermet de valider la qualité de l’effort en cas de pic de VO2 bas. Ainsi :• une prolongation du T1/2 VO2 en présence d’un pic de VO2 bas permet de

confirmer que l’on est en présence d’une insuffisance circulatoire sévère etnon pas d’une épreuve d’effort sous-maximale pour diverses raisons ;

• à l’inverse, une récupération rapide de la VO2 après un effort bref et un picde VO2 bas doit faire suspecter un effort sous-maximal.

À noter toutefois que si le pic de VO2 est inférieur au double de la VO2 derepos, il n’est pas possible de calculer un T1/2 VO2.

Figure 33 : T1/2 VO2 (en s) en récupération chez des sujets sains après un effort

triangulaire poussé à 100 %, 75 % ou 50 % de la charge maximale.

On voit que le T1/2 VO2 reste constant autour de 80 secondes.

50 %0

Cohen-Solal et al (1995).

120

T 1/2V

O2

100

80

60

40

20

75 % 100 %

Insuffisance cardiaque

91

Les oscillations respiratoiresLa présence d’oscillations respiratoires au repos ou au cours de l’effort témoigned’un asynchronisme entre la stimulation des chemorécepteurs aortiques etsinocarotidiens à l’hypo/hypercapnie et la réponse ventilatoire, liée notammentau retard circulatoire associé au bas débit cardiaque. La physiopathologie de cephénomène est complexe et se rapproche de la dyspnée de Cheynes Stokesdécrite dans l’IC sévère. Schématiquement, les modèles retenus associent unesystème de contrôle (le système nerveux central) recevant ses informations dediverses origines (chemo-, metabo-, ergo-, barorecepteurs), un système controlé(PaO2 et PaCO2 à travers les mouvements des muscles respiratoires) et uneboucle de rétrocontrôle, qui fonctionnent de façon à ce que le système oscillespontanément s’il y a un retard dans la boucle de rétrocontrôle (par exemple unallongement du temps de circulation) ou si la sensibilité du système de contrôle(par exemple le contrôle ventilatoire) est très augmentée. Elles sont souventassociées à des apnées nocturnes de type central. Ces oscillations sont assezrares, mais témoignent en général d’une élévation des pressions de remplissageet/ou d’un débit effondré. Elles baissent avec la pression capillaire pulmonairesous nitroprussiate de sodium. Elle tendent à diminuer ou disparaître à mesureque la charge augmente pour réapparaitre en recupération (cas clinique n°4).Leur amplitude est variable et il semble que plus elles sont importantes, moins

Figure 34 : Cinétiques de récupération (moyennes et déviation standard) de la VO2, VCO2

et de la ventilation VE, appréciées par le T 1/2 chez des sujets sains et des insuffisants

cardiaques en classe A, B ou C-D de Weber.

0

25

50

75

100

125

150

175

T 1/2

(s)

200

225

250

Cohen-Solal et al (1995).

TémoinIC AIC BIC C-D

*p < 0.05

VCO2VO2 VE

Applications

92

bon est le pronostic ; de même, leur persistance à l’effort semble plus péjorative.La valeur pronostique indépendante de ces phénomènes reste controversée,mais est indiscutablement mauvaise. Ces oscillations gênent malheureusementla détermination du pic de VO2 et de VE/VCO2 et invalident toute déterminationdu SV1 (figures 35 et 36).

La réponse tensionnelle et la puissance circulatoire

La faible montée ou l’absence de montée tensionnelle a, chez l’IC comme chezle coronarien, une signification péjorative. Elle témoigne d’une insuffisancecirculatoire sévère et ne doit pas être négligée, même si le pic de VO2 n’est pasabaissé. Les médicaments vasodilatateurs utilisés dans l’insuffisance cardia-que peuvent limiter la montée tensionnelle.La puissance cardiaque générée au cours de l’effort est définie comme leproduit débit cardiaque par la pression artérielle moyenne : elle nécessite pourêtre mesurée des techniques invasives (ou non-invasives peu validées dansl’IC), et donc peu utilisables en pratique. Elle représente un des facteurspronostiques les plus puissants de l’affection. En effet, toutes les études ontmontré que le travail (VES x PA moyenne) ou la puissance cardiaque (Qc x PAmoyenne) au pic de l’effort avaient une valeur pronostique supérieure à celledu pic de VO2. Par analogie, on peut définir la « puissance circulatoire » (PC)maximale comme le produit de la VO2 par la pression artérielle mesurées au

Figure 35 : Oscillations respiratoires majeures chez un IC sévère.

Le premier trait vertical correspond au début du test à 3 min 45, le 2e à 6 min 15 à la fin

du test.

FC : fréquence cardiaque ; VE : ventilation.

V02

FC

FC (bpm)

VE

VE (L.min–1)

VC02

1000 1000

500 500

00

010

50 25

50100

100

75

200

150

Durée (min)

Cohen-Solal et al (2002).

V02 (mL.min–1)

.

.

.

.

VC02

(mL.min–1)

.

Insuffisance cardiaque

93

maximum de l’effort (en pratique, on utilise la pression artérielle systoliquepériphérique du fait de l’impossibilité de mesurer la PA moyenne à l’effort enraison des difficultés de mesure de la PAd, en sachant que celle-ci estdifférente de la PA systolique centrale). On a ainsi l’équation 54 :

Équation 54PCirc max = VO2 max × PAs max = puissance cardiaque max × DAVO2 max.

Cet indice permet d’évaluer l’adaptation du débit cardiaque et du système artérielpériphérique du patient à l’effort. Intégrant l’évolution de la post-charge à l’effort,il semble avoir une valeur pronostique supérieure à celle du pic de VO2. Un sujet sain, avec un pic de VO2 compris entre 20 et 30 mL.min-1.kg-1 et unepression artérielle maximale entre 150 et 200 mmHg aura une puissancecirculatoire maximale entre 3500 et 6000 mmHg.mL.min-1.kg-1. Une valeurinférieure à 2000 est en général associée à un pronostic très sévère ; à l’inversedes sujets hypertendus peuvent avoir des puissances à l’effort élevées, ce quitémoigne de l’aptitude de leur pompe à générer des pressions élevées. Il faut se méfier d’une absence d’augmentation de la pression à l’effort chezsujet avec un pic de VO2 conservé ; ceci suggère une insuffisance cardiaquesévère compensée par une bonne adaptation vasculaire ou musculaire périphé-rique, par exemple sur un sujet antérieurement bien entraîné. La conjonction

Figure 36 : Épreuve très pathologique avec :

1- un pic de VO2 bas à 900 mL.min-1 plafonnant en fin d’effort et après arrêt de celui-ci ;

2- des oscillations respiratoires ;

3- une cinétique de récupération de la VO2 lente.

Le 1er trait vertical correspond au SV1. Le second correspond à la fin du test.

FC (bpm)

200

VO2

(mL.min–1)

2000

1500

1000

500

VCO2 (mL.min–1)

2000

1500

1000

500

0

100

VE (L.min–1)

100 50

50 25

0160 Temps (min)

150 75

Corra et al (2002).

Applications

94

d’un pic de VO2 peu abaissé et d’une pression artérielle qui ne monte pas estpéjorative et doit interpeller le médecin ; la puissance circulatoire à l’avantaged’intégrer cette réponse dissociée (tableau 13, figure 37).

La réponse en fréquence

Une incompétence chronotrope est bien documentée dans l’IC, indépendam-ment de toute thérapeutique médicamenteuse. Elle est liée à la tachycardie derepos et à la difficulté fréquente d’atteindre la FMT, du fait d’une internalisa-tion membranaire des récepteurs béta-adrénergiques myocytaires. Elle a une

Tableau 13 : Algoritme d’interprétation d’un test selon le pic de VO2 et la pression artérielle

systolique (PAs).

Pic VO2 bas Pic VO2 normal

PAs max basse Mauvaise réponse circulatoire Compensation par une bonne périphérie d’une mauvaise réponse cardiaque

PAs max normale Test sous-max ?IC hypertensive ?

Réponse normale

Figure 37 : Courbe de survie d’une population de 200 insuffisants cardiaques en fonction

de la puissance circulatoire, supérieure ou inférieure à 3 047 mmHg.mL.min-1.kg-1

(médiane dans l’étude).

Puissance circulatoire < 3 047

Durée (mois)

100

80

60

40

20

0

0 10 20 30 40 50 60 70

Puissance circulatoire > 3 047

Surv

ie s

ans

évén

emen

t (%

)

Insuffisance cardiaque

95

valeur pronostique. Néanmoins, son analyse est difficile du fait des thérapeu-tiques médicamenteuses généralement utilisées chez ces patients : bétablo-quants, digoxine, amiodarone. En dehors de cas extrêmes, il est difficile, encas d’incompétence chronotope, de rattacher celle-ci à l’intolérance à l’effort.La cinétique de décroissance de la fréquence cardiaque est liée à la diminutiondu tonus sympathique et la réapparition du tonus vagal. Certains auteurs onttrouvé une valeur pronostique à une décroissance ralentie de la FC dans lapopulation. Ceci n’est pas à ce jour démontré dans l’IC.Divers algoritmes ont été proposés pour tenir compte de l’ensemble desparamètres tirés de l’épreuve d’effort cardiorespiratoire (figures 38, 39). Aucunne remplace une analyse exhaustive et fine de tous les paramètres, patient parpatient.

Figure 38 : Algorithme d’interprétation d’un test selon le seuil ventilatoire et le pic de VO2.

Traitement médical intensif et suivi

proche ou greffe cardiaque

Optimisation du traitement médical et suivi 6 mois, puis

réévaluation

Épreuve d'effort limitée par des symptômes (fatigue, dyspnée) : QR ≥ 1,05

Risque moyen

Risque faible

Risque élevé

Pic VO2

≥18 mL/kg/min.

VE/VCO2 pente <35

VE/VCO2 pente ≥35

10-18 mL/kg/min.≤10 mL/kg/min.

Poursuite du traitement médical et réévaluation au

bout d’1 an

Applications

96

CAS PARTICULIERS

Profil spécifique de certaines cardiomyopathies

Les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH)

Les anomalies du pouls d’oxygène En cours de l’effort, il est fréquent que le volume systolique n’augmente pas,voire baisse dans les CMH. Ceci peut être en rapport avec :• l’obstruction dynamique du ventricule gauche qui limite l’augmentation du

débit aortique ;• les troubles de la fonction diastolique ;• les troubles de la compliance ou de la relaxation qui empêchent le

remplissage correct du ventricule gauche à l’effort, notamment lorsque lafréquence augmente.

Ceci va se traduire par une cassure de l’augmentation de la courbe du poulsd’oxygène à l’effort qui va plafonner et atteindre une valeur maximale basse.De façon exceptionnelle, le pouls d’oxygène peut même baisser à l’effort. L’analyse du pouls d’oxygène permet donc de suspecter des modificationsdynamiques du remplissage ou de la contractilité à l’effort dans une CMH.

Les variations de la pression artérielleL’obstruction dynamique du ventricule gauche et/ou la gêne au remplissageventriculaire à l’effort font que la pression artérielle augmente moins à l’effortque chez un sujet sain. Deux profils anormaux ont bien été démontrés : soitune augmentation insuffisante suivie d’un plafonnement de la pressionartérielle (< 20 mmHg d’augmentation), soit une baisse de la pression

Figure 39 : Algorithme décisionnel utilisé à l’hôpital Lariboisière.

Pic VO2

Pronostic correctRISQUE +++

Voir : Voir :

30-50 %12-16 mL.min-1.kg-1

• VE/VCO2 < 45• PCirc < 2000 • PCirc > 2000• PA max < 120 • PA max > 120• T1/2 VO2 > 180 • T1/2 VO2 < 180

• VE/VCO2 > 45

< 30 %< 12 mL.min-1.kg-1

> 50 %> 16 mL.min-1.kg-1

Insuffisance cardiaque

97

artérielle au cours de l’exercice. Ces deux paramètres ont une valeur péjorativeextrêmement bien documentée maintenant. Ils sont même devenus parmi lesparamètres pronostiques les plus puissants dans cette affection. Il est doncindispensable d’évaluer toute CMH à l’effort et de bien noter le profil de lapression artérielle. On peut noter que la puissance circulatoire, produit de lapression artérielle systolique maximale par la VO2max, peut également être

Cas clinique n° 4 : Épreuve d’effort d’un patient de 50 ans porteur d’une cardiomyopathie

dilatée avec fraction d’éjection ventriculaire gauche à 15 %, en classe fonctionnelle III de

la NYHA.

L’épreuve sur cyclo-ergomètre a été arrêtée pour dyspnée à 90 watts, à un pic de VO2 de 17 mL.min-1.kg-1. Le 1er trait vertical (R) représente le début de la phase de repos, le 2e (T) le début de l’exercice et le 3e (R) le début de la phase de récupération. La pente VE/VCO2 (non représentée ici) est à 65. Ce chiffre de 17 pourrait paraître rassurant mais plusieurs éléments suggèrent l’extrême gravité de l’état circulatoire du patient.Ces 17 mL.min-1.kg-1 ne représentent que 35 % des valeurs théoriques chez ce patient.Le test a été arrêté pour dyspnée, ce qui est rare sur cycloergomètre dans l’insuffisance cardiaque et suggère, soit une augmentation majeure des pressions pulmonaires, soit une origine respiratoire à l’arrêt de l’effort.Les oscillations ventilatoires (flèches) ne se voient que dans l’insuffisance cardiaque sévère. Elles sont majeures ici.La pression artérielle (PA) ne monte pas (de 90 à 100 mm Hg), suggérant une insuffisance cardiaque sévère compensée par une bonne adaptation périphérique ; la puissance circulatoire effondrée (1700 mmHg.mL.min-1.kg-1) le confirme.La pente VE/VCO2 est très élevée, à des niveaux suggérant une indication de greffe cardiaque.Il n’est pas possible ici de déterminer un seuil ventilatoire de façon fiable.

FCbpm

VEL.min-1

100

80

60

40

VE

FC

VCO2 VO2

20

VO2

mL.min-1VCO2

mL.min-1

1600 1600E RR

1400

1200

1000

800

600

400

200

0 00 5 10

Temps (min)

VO2VEVCO2FC

15

200

400

600

800

1000

1200

1400

20

40

60

80

100

Applications

98

évaluée à l’effort chez ces patients. Néanmoins sa valeur diagnostique etpronostique n’a pas été déterminée précisément dans cette affection.

Anomalies de la réponse ventilatoireIl existe, dans les CMH sévères, une augmentation très importante de la penteVE/VCO2 de mécanisme multiple. Il peut s’agir tout d’abord d’une augmenta-tion importante des pressions de remplissage et des pressions artériellespulmonaires (HTAP post capillaire liée aux troubles de la fonction diastoliqued’un ventricule qui ne peut se remplir correctement à l’effort avec augmenta-tion des pressions de remplissage d’amont ); il peut également s’agir d’un débitsystémique en oxygène insuffisant à l’origine d’une acidose précoce et d’uneréponse ventilatoire excessive. Dans les deux cas, cette pente VE/VCO2 élevéea probablement une valeur pronostique péjorative, bien que ceci n’ait pas étéclairement démontré.Enfin, l’EECR aide à différencier une hypertrophie cardiaque d’athlète d’uneCMH : un pic de VO2 > 50 mL.min-1.kg-1 ou > 120 % de la valeur théoriqueexclut virtuellement une CMH.

Cardiopathies aux anthracyclinesCes cardiopathies se comportent comme des cardiopathies restrictives car leventricule gauche, peu compliant, se dilate peu ; les pressions de remplissagesont augmentées, la tachycardie de repos fréquente et le pouls d’oxygène trèsbas du fait de la tachycardie et de la gêne au remplissage.

L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservéeIl faut différencier probablement les IC à FEVG entre 35-50 % qui combinentune dysfonction systolique modeste et possiblement des troubles de la fonctiondiastolique des IC à FEVG parfaitement normale. L’expérience avec des patientsdu premier groupe est faible mais il n’y a pas de raison de penser que lesinformations obtenues chez ces patients soient différentes de celles obtenueschez les patients à FEVG basse. L’autre groupe correspond généralement à dessujets âgés faisant des épisodes paroxystiques d’œdème pulmonaire et non del’IC chronique. Les informations obtenues chez ces patients sont mal connues,à part les dysfonctions diastoliques majeures des amyloses cardiaques, qui ontun profil proche des cardiopathies restrictives.

Indication de la transplantation cardiaque

L’épreuve d’effort cardiorespiratoire est apparue une vingtaine d’annéescomme élément pronostique essentiel chez les insuffisants cardiaques etsurtout comme élément important pour prédire l’heure de la transplantationcardiaque. Ceci provient probablement du fait que cette épreuve est un desseuls tests qui permette d’évaluer la réponse du système cardiocirculatoire à

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l’exercice et probablement aussi la réponse à un stress. Le pic de VO2 estétroitement corrélé au débit cardiaque maximal. Toutefois ce pic intègred’autres paramètres non cardiaques comme la ventilation, la réponsevasculaire périphérique et la réponse musculaire périphérique.Les recommandations nord-américaines valident un pic de VO2 inférieur à10 mL.min-1.kg-1 avec franchissement du seuil anaérobie comme une indicationabsolue à la transplantation cardiaque ; un pic de VO2 > 18 mL.min-1.kg-1

comme associé à un faible risque de mortalité avec une survie à deux anssupérieure à celle procurée par la transplantation cardiaque et un troisième seuilà 14 mL.min-1.kg-1 correspondant à une survie à un an de 75 % qui est celleprocurée par la transplantation cardiaque (cas clinique n°5). En fait, tout ceci doitêtre revu avec prudence dans la mesure où d’autres études ont montré qu’iln’existait pas de seuil bien défini mais que le pic de VO2 avait une valeurpronostique continue et surtout dans la mesure où, premièrement, le pronostic dela transplantation cardiaque s’est amélioré et deuxièmement, celui des patientssous traitement médical s’est transformé avec, notamment, les bêtabloquants. Eneffet, les bêtabloquants améliorent le pronostic à un an de 30 à 35 % chez lesinsuffisants cardiaques alors qu’ils ont un effet modéré voire nul sur le pic de VO2.En effet, si les bêtabloquants améliorent les symptômes, la ventilation et latolérance à l’effort sous maximale, l’incompétence chronotrope qu’ils procurentempêche généralement les patients d’améliorer leur pic de VO2 malgré l’améliora-tion hémodynamique. Différentes études ont ainsi montré que les seuils devaientêtre revus à la baisse. Un seuil de 14 mL.min-1.kg-1 sans bêtabloquantscorrespond vraisemblablement à un seuil d’environ 11 à 12 mL.min-1.kg-1 sousbêtabloquants. Ainsi, un patient qui a un pic de VO2 entre 12 et 14 mL.min-1.kg-1

sous bêtabloquants ne doit plus nécessairement être considéré comme candidat àune transplantation cardiaque s’il n’a pas d’autres critères péjoratifs par ailleurs.Les valeurs seuils de VO2 indexées au valeurs théoriques sont moins bienconnues : les seuils de 35 % et 25 % des valeurs théoriques chez des patientssans et avec bêtabloquants respectivement peuvent probalement retenues.De nombreux autres critères ont également été proposés pour indiquer l’heurede la transplantation mais aucun n’a, à ce jour, remplacé le pic de VO2. Le critère le plus puissant est probablement la pente VE/VCO2 qui, dans beaucoupd’études, rivalise avec le pic de VO2. L’intérêt de cette pente est qu’elle estindépendante du niveau d’effort et qu’elle peut donc être calculée même en casd’effort sous-maximal. En pratique, une pente VE/VCO2 élevée est une indicationindiscutable à une transplantation cardiaque mais la valeur seuil n’a pas étéformellement déterminée. Il est probable qu’elle se situe au dessus de 50. Le seuil anaérobie, le pouls d’oxygène maximal ont une valeur pronostiquemoindre que les deux autres paramètres pour prédire l’heure de la transplan-tation cardiaque.

Applications

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Un dernier paramètre semble avoir une grande valeur pronostique : c’est lapuissance circulatoire, produit du pic de VO2 par la PAs maximale, qui est unreflet de la puissance cardiaque maximale. Néanmoins la valeur seuil pourprédire la transplantation cardiaque avec ce paramètre n’a pas encore étéclairement déterminée. Dans notre expérience, des valeurs inférieures à1 800 mmHg.mL.min-1.kg-1 doivent faire considérer une transplantation.Que faut-il faire chez un patient qui améliore nettement son pic de VO2 enattente de transplantation cardiaque, sous seul traitement médical ou sousréadaptation ? La réponse à la question n’est pas clairement établie, maiscertaines études suggèrent qu’une augmentation de plus de 2 mL.min-1.kg-1

du pic de VO2, si celui-ci est à la fin supérieur à 12 mL.min-1.kg-1, peutpermettre de retirer le patient de la liste de transplantation. L’épreuve d’effort cardiorespiratoire peut être également intéressante chez lespatients sous assistance circulatoire pour permettre de prédire le sevrage del’assistance circulatoire. Certains auteurs ont montré qu’une amélioration de20 % du pic de VO2 chez un patient stable sous assistance circulatoirepermettait de tenter un sevrage du système.Enfin, de façon générale, l’épreuve d’effort cardiorespiratoire est utile pourévaluer de façon objective l’intolérance circulatoire d’un patient notammentlorsque l’on discute une resynchronisation cardiaque. Les indications actuellesde la resynchronisation suggèrent que seuls les patients en classe III ou IV,lorsqu’ils ont les autres critères appropriés d’asynchronisme, peuvent bénéfi-cier de la thérapeutique. Néanmoins, il est bon de vérifier cette gênefonctionnelle rapportée par un test d’effort : un pic de VO2 supérieur à 20 estpeu compatible avec une classe III ou IV de la NYHA. À l’inverse, un pic deVO2 inférieur à 14, par exemple, est peu compatible avec une classe I ou II dela NYHA.

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Cas clinique n°5 : Patient de 40 ans, porteur d’une myocardiopathie dilatée à coronaires

saines, adressé pour bilan pré-greffe cardiaque.

(a) En mode TM, le diamètre télédiastolique est à 100 mm à l’échocardiographie.(b) L’ECG inscrit un bloc de branche complet large.(c) Toutefois, le pic de VO2 reste conservé à 23 mL.min-1.kg-1, à 80 % des valeurs théoriques. On note toutefois un plafonnement précoce du pouls d’O2.Le patient n’a été transplanté que 18 ans après ce test, sur les données favorables du test d’effort.

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VO2 (mL/min/kg)

TIME (min)

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(mL/

min

/kg)

HR

(min

-1)

O2 pulse (mL O2/min)

HR (min-1)

(a)

(c)

(b)

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Effets des traitements de l’insuffisance cardique sur les paramètres ventilatoires

Ils sont rapportés dans le tableau 14 ci-dessous.

Tableau 14 – Effets des traitements de l’IC sur les paramètres ventilatoires

BB IEC/ARA2 CRT Réadaptation

VO2 = + + +

VE/VCO2 – + – –

Pcirc = + + +

Pouls O2 + + + +

VO2/WR = + + +

BB : bêtabloquants ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; ARA2 : antagonistes desrécepteurs de l’angiotensine 2 ; CRT : stimulation triple chambre.