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Printed at United Nations, GenevaGE.11-01720—October 2011—3,970UNIDIR/2011/8ISSN 1020-7287

Imprimé sur papier recyclé

Les articles publiés dans le Forum du désarmement n'engagent que leurs auteurs.

Les articles ne reflètent pas nécessairement les vues ou les opinions de l'Organisation des Nations Unies, de l'UNIDIR, de son personnel ou des États ou institutions qui apportent leur concours à l'Institut.

Les noms et désignations de pays, territoires, villes ou zones employés dans le Forum du désarmement n'impliquent ni reconnaissance ni acceptation officielles de la part de l'Organisation des Nations Unies.

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Table des matières

1 Note de la rédactrice en chef Kerstin Vignard

Les enfants dans les conflits

3 Commentaire spécial Secrétaire générale adjointe Radhika Coomaraswamy

7 Le cadre juridique international pour protéger les enfants dans les conflits armés Jaap Doek

25 Désarmer les écoles : des stratégies pour mettre un terme à l’utilisation militaire des écoles lors des conflits armés Bede Sheppard et Kyle Knight

37 Soutenir la réintégration des jeunes mères touchées par la guerre Miranda Worthen, Susan McKay, Angela Veale et Mike Wessells

51 Universalisme ou relativisme culturel : comment améliorer les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration Lysanne Rivard

61 Indignation sélective : les dangers des processus de DDR dans la partie est de la République démocratique du Congo Claudia Seymour

71 Actualité de l’UNIDIR

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Note de la rédactrice en chefKerstin Vignard

L’utilisation des enfants dans les conflits est abominable.

S’il est facile d’exiger que les enfants ne soient pas impliqués dans les conflits violents qui éclatent dans le monde, la réalité est toute autre. L’on sait bien toutes les tâches que les enfants accomplissent dans les zones de conflit et les cicatrices qu’elles leur laissent sur les plans physique, mental et sexuel. C’est souvent sous la menace d’une arme que les enfants s’engagent dans un conflit, mais ils y sont parfois contraints en raison de circonstances cruelles et de l’absence d’autres possibilités. Il est difficile de sortir les enfants de ces situations. Ils ont beaucoup de mal à s’engager dans les processus de désarmement et de démobilisation lorsque le groupe armé les nourrit et leur donne des vêtements et lorsque leurs commandants et les autres soldats sont, pour eux, ce qui s’apparente le plus à une communauté.

La Secrétaire générale adjointe Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, ouvre ce numéro du Forum du désarmement avec un message de son bureau. Nous examinerons ensuite le cadre juridique en place pour protéger les enfants dans les conflits et verrons comment mieux coordonner les différents organismes travaillant à la protection des enfants. Nos auteurs évoqueront les besoins particuliers des élèves, des filles et des jeunes mères tout en expliquant quels sont les programmes qui réussissent et pourquoi. Un autre article nous amènera à nous interroger sur la conception habituelle de l’enfance et nous expliquera les dangers des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration qui ne tiennent pas compte des circonstances conduisant les enfants à participer aux activités de groupes armés ou de forces armées.

Notre prochain numéro portera sur les conséquences des conflits sur l’environnement. La destruction des écosystèmes, de la faune et de la flore perturbe les chaînes alimentaires et aggrave la pauvreté et la famine ; elle risque également d’exacerber les conflits autour de certaines richesses comme la nourriture et l’eau. Ce numéro du Forum du désarmement étudiera les mécanismes qui sont en place pour limiter les conséquences des conflits sur l’environnement et verra comment évaluer aussi justement que possible l’impact environnemental des conflits. Il tentera de voir quels sont les projets les plus efficaces pour les situations d’après-conflit et quelle est la meilleure façon d’éviter un effondrement des politiques et des infrastructures environnementales.

L’UNIDIR a organisé, en octobre, quatre événements lors de la session de la Première Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le séminaire de clôture du projet de l’UNIDIR sur « Les approches multilatérales du cycle du combustible nucléaire » a souligné l’intérêt que représentent les approches multilatérales sur le plan économique et sur celui de la non-prolifération. Une autre réunion, organisée dans le cadre du projet visant à soutenir par des discussions régionales les négociations pour un traité sur le commerce des armes, a rendu compte d’une meilleure compréhension des positions régionales en matière de sécurité,

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Les enfants dans les conflits

une avancée indispensable alors que la communauté internationale s’apprête à entamer des négociations en 2012 pour un tel traité. L’UNIDIR a également démontré, lors de deux rencontres, ses compétences sur des sujets en plein essor comme les mesures de confiance pour les activités spatiales et l’aspect juridique des conflits cybernétiques.

La septième Conférence chargée de l’examen de la Convention sur les armes biologiques aura lieu à Genève du 5 au 22 décembre 2011. Cette année, le premier numéro du Forum du désarmement, intitulé « Au-delà de la Conférence d’examen de la CIAB » a examiné ce que font les États parties et ce qui peut être envisagé pour renforcer la Convention. En vue de la Conférence d’examen qui aura lieu cette année, l’UNIDIR a publié, en collaboration avec le Bureau des affaires de désarmement, un livre intitulé Improving Implementation of the Biological Weapons Convention. Cet ouvrage avance des idées pour faire progresser la Convention et aborde les questions clefs soulevées lors des travaux intersessions. Pour plus de détails sur cette publication, veuillez vous reporter à la section consacrée à l’Actualité de l’UNIDIR ou consulter notre site web.

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Commentaire spécialRadhika Coomaraswamy

La Secrétaire générale adjointe Radhika Coomaraswamy est la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

De nombreux progrès ont été réalisés depuis que Graça Machel soumit à l’Assemblée générale son rapport mettant en évidence les horreurs infligées aux enfants lors des guerres1. Suite à ce rapport phare, les gouvernements, le système des Nations Unies, les organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres représentants de la société civile se mobilisèrent. Ensemble, nous avons renforcé les normes et règles internationales. Nous avons plaidé pour que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité accordent une attention accrue au sort des enfants touchés par les guerres et nous avons informé les gens des stratégies et programmes les plus efficaces pour aider et protéger les enfants impliqués dans des conflits.

Il n’en reste pas moins que malgré les avancées considérables réalisées depuis le rapport de Graça Machel en 1996, des difficultés subsistent et la situation des enfants impliqués dans les conflits armés reste dramatique. Plus d’un milliard d’enfants de moins de 18 ans vivent dans des zones en conflit ou sortant d’une guerre et plus de 18 millions d’enfants sont des réfugiés ou ont été déplacés à l’intérieur de leur pays2. Les enfants qui vivent dans des zones touchées par une guerre ont moins de chances d’aller à l’école, de bénéficier de soins de santé corrects et de disposer d’une eau potable et d’installations sanitaires. Aujourd’hui encore, des enfants sont enrôlés par des parties armées, tués au combat ou victimes de tirs croisés. Aujourd’hui encore, des filles et des garçons sont victimes d’agressions sexuelles, privés de leur droit d’aller à l’école ou de recevoir une aide humanitaire élémentaire.

L’évolution de la nature des guerres et le fait que la distinction entre cibles civiles et cibles militaires est de plus en plus floue suscitent de nouvelles inquiétudes pour la protection des enfants dans les situations de conflit. Des enfants sont désormais recrutés pour effectuer des attentats suicide, les écoles sont de plus en plus prises pour cibles et des enfants sont arrêtés, soupçonnés d’association avec des groupes armés, souvent au mépris des normes de la justice pour mineurs.

Des difficultés subsistent, mais des progrès ont été enregistrés. Il existe aujourd’hui un solide cadre juridique avec notamment la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. En outre, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale définit comme crime de guerre « [l]e fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités ».

La communauté internationale multiplie les initiatives pour surveiller le respect des engagements pris et mettre un terme à l’impunité, en particulier pour les auteurs de crimes

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Les enfants dans les conflits

considérés comme des violations graves commises à l’encontre des enfants. Ainsi, en 2008, la Cour pénale internationale accusa Thomas Lubanga Dyilo de la République démocratique du Congo d’avoir procédé à l’enrôlement et à la conscription d’enfants de moins de 15 ans.

En 1999, le Conseil de sécurité estima que la protection des enfants en période de conflit armé est une question qui relève de la paix et de la sécurité internationales et, en 2005, il pria le Secrétaire général d’instaurer un mécanisme de surveillance et de communication pour rassembler des informations sur les violations graves commises à l’encontre des enfants. Il instaura au même moment un Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé, chargé d’examiner les rapports de ce mécanisme, et demanda aux parties citées dans les rapports du Secrétaire général de convenir avec l’Organisation des Nations Unies de plans d’action pour mettre un terme aux violations commises à l’encontre des enfants. En 2009, le Conseil de sécurité pria le Secrétaire général de mentionner dans les annexes à ses rapports sur les enfants en temps de conflit armé non seulement les forces armées et les groupes armés qui enrôlent ou utilisent des enfants mais également ceux qui commettent sur les enfants des violences sexuelles, des meurtres ou des mutilations. En 2011, le Conseil de sécurité pria le Secrétaire général de mentionner également dans ces annexes les forces armées ou groupes armés qui se livrent à des attaques répétées contre des écoles ou des hôpitaux, et ceux qui se livrent à des attaques ou à des menaces d’attaques répétées contre des personnes protégées associées à des écoles ou à des hôpitaux, en temps de conflit armé.

Le Conseil de sécurité s’est prononcé résolument en faveur de mesures ciblées à l’encontre de ces parties figurant dans les annexes aux rapports annuels du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé. Ainsi, dans sa résolution 1998 (2011), le Conseil de sécurité précise qu’il entend examiner l’opportunité d’inclure dans le mandat des régimes de sanctions pertinents des dispositions consacrées aux droits et à la protection des enfants en temps de conflit armé à l’encontre des parties à un conflit armé qui contreviennent au droit international applicable. J’ai été invitée à faire des exposés aux comités des sanctions concernés.

Ces différentes initiatives menées au niveau international commencent à avoir un effet dissuasif. La perspective de sanctions du Conseil de sécurité a, par exemple, encouragé divers groupes à participer à des plans d’action avec le système des Nations Unies pour libérer des enfants. L’accusation de Thomas Lubanga Dyilo par la Cour pénale internationale a envoyé un message très clair : les chefs militaires devront répondre devant la justice pénale pour avoir enrôlé et utilisé des enfants. Pour être véritablement efficace, la lutte contre l’impunité nécessite des actions nationales. Il faut ainsi mettre en place, au niveau national, la législation, le ministère public et les systèmes nécessaires pour empêcher l’enrôlement des enfants ainsi que d’autres violations graves commises à leur encontre dans les situations de conflit armé. Il faut également encourager les initiatives visant à renforcer les capacités nationales pour y parvenir.

Un autre domaine où des progrès sont nécessaires est celui de la réintégration à long terme des anciens enfants soldats. Les normes concernant la réintégration des enfants ayant été associés

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Commentaire spécial

à des groupes armés ou à des forces armées ont été renforcées et des pratiques optimales ont été recensées. Les Principes de Paris précisent quelles sont ces normes et indiquent des bonnes pratiques tirées de différentes expériences. Pendant ce temps, les gouvernements, les partenaires du système des Nations Unies et les ONG se heurtent toujours au même problème : les stratégies de réintégration axées sur les communautés s’inscrivent, par nature, sur le long terme et nécessitent un soutien solide de la communauté des donateurs, ce qui n’est pas toujours assuré ni facile à obtenir.

Les programmes de réintégration ont souvent le défaut de négliger les besoins des filles enrôlées ou enlevées par les groupes armés. Les filles participent elles aussi aux combats. Elles effectuent d’autres tâches pour les groupes armés, qu’il s’agisse de porter des choses, de nettoyer, de réunir des informations, de trouver ou préparer de la nourriture, et sont parfois utilisées comme esclaves sexuelles ou comme épouses. Les besoins spécifiques en matière de réintégration pour les filles ayant été associées à des groupes armés sont autant d’impératifs supplémentaires. Rejetées par la communauté, elles connaissent la difficulté d’élever un enfant né à la suite d’un viol ; cette situation provoque des problèmes supplémentaires pour ces filles qui ont été des enfants soldats et souhaitent se réintégrer. Il est essentiel pour ces jeunes femmes de trouver un moyen de gagner de l’argent et les initiatives engagées pour les aider à se faire accepter par la communauté sont indispensables. Nombre de ces jeunes mamans veulent protéger leurs enfants et souhaitent qu’ils aient notamment accès à l’éducation et aux soins de santé.

Les stratégies de consolidation de la paix doivent envisager des interventions stratégiques pour limiter l’impact des conflits armés sur les enfants et lutter contre ces conséquences. Pour assurer la sécurité à plus long terme des sociétés qui sortent d’un conflit, il faut s’occuper des besoins des enfants qui ont été gravement touchés. C’est la raison pour laquelle mon Bureau soutient toujours que là où les enfants ont été impliqués dans un conflit, l’éducation, la formation et l’emploi des jeunes doivent être des priorités pour les stratégies de reconstruction et de consolidation de la paix.

Les sujets abordés dans ce numéro du Forum du désarmement figurent dans le programme de travail concernant les enfants et les conflits armés. Comme l’a précisé le Conseil de sécurité, la protection des enfants dans les situations de conflit armé est une question de paix et de sécurité. La dissuasion, la protection et la prévention sont autant d’objectifs qui nécessitent d’agir sur plusieurs plans et d’obtenir la mobilisation de tous.

L’impact des conflits armés sur les enfants doit être le souci de chacun et est la responsabilité de chacun3.

Notes

Assemblée générale, 1. Impact des conflits armés sur les enfants – Rapport présenté par l’expert désigné par le Secrétaire général, Mme Graça Machel, conformément à la résolution 48/157 de l’Assemblée générale, document des Nations Unies A/51/306, 26 août 1996.

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Les enfants dans les conflits

Fonds des Nations Unies pour l’enfance, 2. Machel Study 10-Year Strategic Review: Children and Conflict in a Changing World, 2009.Assemblée générale, op. cit., p. 98.3.

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Le cadre juridique international pour protéger les enfants dans les conflits armés

Jaap Doek

Jaap Doek est professeur honoraire de droit (spécialiste en droit de la famille et des mineurs) à l’Université libre (VU) d’Amsterdam depuis juillet 2004. Auparavant, il avait été doyen de la faculté de droit. Il a été membre du Comité des droits de l’enfant de 1999 à 2007 et président de ce comité de 2001 à 2007. Il a travaillé comme juge des enfants pour le tribunal d’arrondissement d’Alkmaar et à La Haye. Il est aujourd’hui juge suppléant à la cour d’appel d’Amsterdam. Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université VU d’Amsterdam, du Comité des droits de l’enfant, d’un tribunal ou de l’Organisation des Nations Unies.

La protection des enfants dans les conflits armés a toujours été une préoccupation majeure de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité dispose d’un groupe de travail spécial qui examine, chaque année, les violations les plus grave des droits de l’enfant dans les conflits armés : l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par des forces armées ou des groupes armés, les meurtres et mutilations d’enfants, les viols et autres sévices sexuels dont sont victimes les enfants, les enlèvement, les attaques visant des écoles ou des hôpitaux ainsi que le refus de laisser les enfants bénéficier de l’aide humanitaire1.

Il nous est impossible d’évoquer la totalité des documents pertinents dans cette introduction sur le cadre juridique international pour protéger les enfants dans les conflits armés. Je ne citerai donc que les instruments internationaux qui me semblent les plus importants.

La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de •guerre (Convention IV de Genève), adoptée en 1949 ;le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la •protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), adopté en 1977 ;le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la •protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), adopté en 1977 ;la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1989 ; •la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, adoptée en 1990 ; •le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté en 1998 ; •la Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action •immédiate en vue de leur élimination (Convention 182 de l’OIT), adoptée en 1999 ;le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant •l’implication d’enfants dans les conflits armés, adopté en 2000 ;les Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux •groupes armés (Principes de Paris), adoptés en 2007.

En droit international public relatif à la guerre et au conflit armé, une distinction est habituellement faite entre le droit international humanitaire et le droit international relatif

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Les enfants dans les conflits

aux droits de l’homme. Plusieurs raisons expliquent cette distinction : le droit international humanitaire ne s’applique qu’en temps de guerre ou de conflit armé, alors que le droit international relatif aux droits de l’homme s’applique avant, pendant et après une guerre ou un conflit armé.

La distinction présente aussi un intérêt pratique mais ne doit pas laisser penser que le droit international humanitaire n’inclut pas les droits de l’homme. Bien au contraire, de nombreux instruments du droit international humanitaire comprennent des droits de l’homme fondamentaux et les traités pertinents du droit international humanitaire insistent sur le fait que ces droits de l’homme sont applicables aussi bien en temps de guerre qu’en période de conflit armé. Nous pouvons distinguer deux catégories de droits de l’homme : l’une s’appliquant en temps de guerre comme en temps de paix, l’autre ne s’appliquant qu’en temps de guerre ou de conflit armé.

Dans cette présentation du cadre juridique international pour la protection des enfants, j’ai décidé de retenir la distinction habituelle. Je commencerai par le droit international humanitaire puis examinerai le droit international relatif aux droits de l’homme. J’évoquerai le rôle et l’importance de la Convention relative aux droits de l’enfant et du Protocole facultatif à cette convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et ferai également référence à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et à la Convention 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

Toute personne – y compris tout enfant – dont les droits ont été violés a le droit à un recours effectif, y compris de demander réparation, à ceux qui sont responsables de cette violation. Dans une autre partie, j’évoque différentes dispositions, existantes ou futures, concernant le droit à un recours effectif.

Sur ces questions, je ne me réfère pas uniquement aux instruments cités ci-dessus mais évoque également, lorsque cela se justifie, d’autres instruments pertinents, comme des conventions (par exemple sur les mines terrestres2 et sur les armes légères et de petit calibre3), des résolutions du Conseil de sécurité et les Principes de Paris.

Malgré les nombreuses dispositions du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme traitant de la protection des enfants dans les conflits armés, la triste et brutale réalité est que les enfants sont trop souvent victimes de violations graves de leurs droits. Un rapport du Secrétaire général de l’ONU publié en 2011 expose une réalité très dérangeante en signalant les violations nouvelles et récurrentes des droits de l’enfant. Le rapport examine 22 zones de conflit. Dans 15 d’entre elles, des écoles ont été prises pour cible par des forces armées ou des groupes armés, d’autres ont subi des fermetures forcées et des enfants ont été enrôlés de force. Des chefs de guerre afghans exploitent de « jeunes danseurs » (baccha baazi) et leur font subir des sévices sexuels. En Iraq, Al-Qaida utilise des enfants appelés « oiseaux de paradis » pour mener des attaques-suicides4. D’autres rapports montrent que de très nombreux enfants sont victimes des agissements des forces armées et

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Le cadre juridique international

des groupes armés5. La triste réalité c’est que les atrocités qui sont commises contre les enfants durant les conflits armés vont bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer.

Le droit international humanitaire

La Convention IV de Genève

Après la deuxième guerre mondiale, la Convention IV de Genève fut le premier instrument international portant expressément sur la protection des enfants en période de conflit armé. Aux termes de l’article 24, les parties à un conflit « prendront les mesures nécessaires pour que les enfants de moins de quinze ans, devenus orphelins ou séparés de leurs familles du fait de la guerre, ne soient pas laissés à eux-mêmes » et « favoriseront l’accueil de ces enfants en pays neutre pendant la durée du conflit ». Elles prendront, en outre, les mesures nécessaires pour que les enfants de moins de 12 ans puissent être identifiés « par le port d’une plaque d’identité ». Une disposition similaire concernant les enfants dans les territoires occupés figure à l’article 50 ; elle interdit expressément à la puissance occupante de modifier le statut personnel des enfants et de les enrôler dans des organisations dépendant d’elle. Pendant l’internement, les membres d’une famille, en particulier les parents et leurs enfants, doivent rester dans le même lieu (article 82). Les « femmes enceintes et en couches, et les enfants âgés de moins de quinze ans, recevront des suppléments de nourriture » (article 89). Les articles sur l’application de la législation pénale dans les territoires occupés et le chapitre IX sur les sanctions pénales et disciplinaires (articles 117 à 126) ne comprennent aucune disposition spécifique sur les enfants.

Il convient de noter que les dispositions de la Convention IV de Genève concernant la protection des enfants ne s’appliquent qu’en cas de conflit international. L’article 2 stipule que la Convention « s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes ». L’article 3 comporte des dispositions en cas de « conflit armé ne présentant pas un caractère international » mais ne prévoit aucune mesure de protection particulière pour les enfants.

Les Protocoles I et II additionnels aux Conventions de Genève de 1949

Les Protocoles I et II précisent la protection des enfants, le Protocole II l’étendant aux conflits armés non internationaux. La disposition la plus importante figure à l’article 77 du Protocole I. Il s’agit de l’interdiction de recruter des enfants de moins de 15 ans dans les forces armées et de l’obligation de prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique » pour que les enfants de moins de 15 ans ne participent pas directement aux hostilités. Concernant les enfants de plus de 15 ans : « Lorsqu’elles incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans, les Parties au conflit s’efforceront de donner la priorité aux plus âgées ». Cette règle est reprise dans l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

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Les enfants dans les conflits

Les Principes de Paris

Les Principes de Paris représentent un document important pour la protection des enfants dans les conflits armés6. Le premier chapitre, l’introduction, donne des précisions sur le droit international humanitaire. Le chapitre 6 porte sur la prévention des activités illégales de recrutement et d’utilisation des enfants et le chapitre 7 sur la libération et la réinsertion des enfants soldats et des enfants ayant été autrement impliqués dans un conflit armé.

En septembre 2010, 95 États avaient adopté ce document conclu en 2007 lors d’une conférence à Paris7. Je me demande encore pourquoi le temps et l’énergie consacrés alors n’ont pas été employés à faire adopter ces principes par l’Assemblée générale des Nations Unies. Le document aurait une plus grande valeur et serait, sur le plan moral, plus contraignant qu’un document adopté lors d’une conférence et approuvé par moins de la moitié des États Membres de l’ONU.

Le droit international humanitaire et la Convention relative aux droits de l’enfant

Aux termes du paragraphe 1 de l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant, « Les États parties s’engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit armé et dont la protection s’étend aux enfants ». Les dispositions des traités humanitaires ne s’appliquent toutefois qu’aux États engagés dans le conflit armé qui sont parties à ces traités8. Se pose alors la question de savoir ce que signifie exactement le paragraphe 1 de l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant. La formulation de cette disposition laisse à penser qu’elle ne va au-delà du respect et de l’application que si les deux parties au conflit sont tenues, par exemple, par la Convention IV de Genève ou le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. C’est d’ailleurs ce que semble confirmer le paragraphe 4 de l’article 38 : « Conformément à l’obligation qui leur incombe en vertu du droit humanitaire international de protéger la population civile en cas de conflit armé, les États parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d’une protection et de soins ». J’imagine que l’obligation d’assurer cette protection aux enfants s’applique à tous les États tenus de respecter le droit international humanitaire, que les autres États engagés dans le conflit armé soient liés ou non par les mêmes instruments de droit international humanitaire.

Le droit international relatif aux droits de l’homme

Les droits de l’homme tels qu’ils sont inscrits dans divers instruments internationaux s’appliquent à tous. Certains comportent des dispositions assez générales sur le droit de l’enfant à la protection comme l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’interprétation qui peut être faite de ces articles selon les circonstances a été peu

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Le cadre juridique international

abordée, voire pas du tout, lors des discussions sur l’application de ces dispositions concernant les droits de l’homme.

Cette attitude consistant à négliger les droits humains des enfants changea radicalement en 1989, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies adopta la Convention relative aux droits de l’enfant9. En juillet 2011, la Convention ayant été ratifiée par 193 États, elle peut être considérée comme du droit coutumier international.

La Convention relative aux droits de l’enfant

La Convention relative aux droits de l’enfant est l’élément fondamental du cadre international de protection pour tous les enfants touchés par les conflits armés. L’article 38 de cette convention, qui porte sur l’enrôlement et l’utilisation des enfants dans les conflits armés, est en lien direct avec cette protection. Les normes de cette disposition ont été améliorées dans le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Aux termes de l’article 2, « Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune ». Une disposition similaire figure à l’article 3 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

Dans les pays et régions touchés par une guerre, une grande attention est naturellement accordée aux enfants qui sont, ou ont été, activement impliqués comme enfants soldats ou qui ont participé à des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration. La Convention relative aux droits de l’enfant est bien plus qu’une convention sur les droits de l’homme pour la protection des enfants. La reconnaissance des droits humains de l’enfant est reflétée, par exemple, dans l’article 5 qui précise que l’enfant a le droit d’exercer des droits « d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités ». En outre, d’après l’article 12 :

Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

Le Comité des droits de l’enfant a publié des directives précises pour appliquer ces droits. Tous les enfants, y compris ceux touchés par un conflit armé, devraient avoir « véritablement la possibilité » – dans le cadre d’un processus et non pas de manière ponctuelle – d’exercer leur droit à la liberté d’expression, autrement dit « le droit d’avoir et d’exprimer des opinions et de rechercher et de recevoir des informations par quelque moyen que ce soit »10, leur liberté d’association et leur liberté de rassemblement pacifique, par exemple, la constitution d’organisations d’étudiants. Les enfants devraient être considérés non seulement comme devant bénéficier d’une protection mais aussi comme des personnes pouvant influer le changement en exerçant leurs droits humains. Nous pouvons illustrer cela par le rôle que les

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Les enfants dans les conflits

enfants ont joué dans les commissions Vérité et réconciliation en Afrique du Sud, au Libéria et en Sierra Leone11.

D’autres droits sont également importants pour la protection des enfants touchés par les conflits armés comme le droit d’être enregistré à la naissance, le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux (article 7). L’enregistrement des naissances peut être perçu comme une action administrative mineure, mais c’est un acte fondamental pour la protection des enfants. Les enfants qui n’ont pas d’acte de naissance sont particulièrement exposés au risque d’enrôlement par les forces armées ou groupes armés. Ces derniers semblent avoir compris l’importance des actes de naissances puisqu’il leur arrive d’attaquer ou de chercher à paralyser le système des registres de l’état civil ou à détruire les registres12.

Au niveau des droits de l’homme, le premier impératif pour protéger les enfants dans les conflits armés est l’interdiction totale qui est effectivement faite aux groupes armés et aux forces armées d’enrôler et d’utiliser des enfants. Une grande partie des dispositions visant à protéger les enfants touchés par des conflits armés concerne leur réadaptation et leur réinsertion. Il convient toutefois de préciser que le droit international humanitaire ne comporte aucune disposition spécifique concernant la réadaptation et la réinsertion des enfants. Cela est dû au fait qu’il ne s’applique qu’aux situations de conflits armés. Il n’en reste pas moins que les questions de réadaptation et de réintégration devraient mériter toute notre attention.

La Convention relative aux droits de l’enfant ne comporte aucune disposition spécifique sur la réadaptation et la réinsertion des enfants touchés par des conflits armés, l’article 38 exige seulement des États parties qu’ils « s’engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit armé et dont la protection s’étend aux enfants » et à prendre « toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n’ayant pas atteint l’âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ».

La réadaptation et la réinsertion sont pourtant, au niveau des droits de l’homme, des obligations découlant de l’obligation qui est faite aux États parties d’assurer « dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant » (article 6). Ce qui est attendu des États parties est très clair. Ils doivent prendre les mesures pour que tous les enfants soient effectivement protégés, en toutes circonstances, y compris lors des conflits armés, contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques, sexuelles ou autres, ou d’exploitation (articles 19 et 32 à 38)13 et mettre en œuvre les droits essentiels à la survie et au développement des enfants comme le droit de jouir du meilleur état de santé possible (article 24), le droit de bénéficier de la sécurité sociale (article 26), le droit à un niveau de vie suffisant (article 27), le droit à l’éducation (article 28) et le droit au repos et aux loisirs, au jeu et à des activités récréatives et culturelles (article 31). Si ces obligations sont claires, il n’est pas pour autant simple de s’en acquitter. C’est d’autant plus difficile pour les États qui sont touchés ou se remettent d’un conflit armé.

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Le cadre juridique international

Le Comité des droits de l’enfant a systématiquement recommandé aux États parties d’élaborer une stratégie globale avec des politiques ou plans d’action nationaux pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant14. Les États impliqués dans un conflit armé peuvent être dans l’impossibilité de suivre cette recommandation. Dans le cadre des processus de relèvement après les conflits armés, il est très important d’élaborer et d’appliquer des plans nationaux qui impliquent autant que possible les enfants et de tenir compte de leurs droits pour régler les nombreux problèmes que rencontrent ceux touchés par un conflit armé. Ces plans nationaux de réadaptation et de réinsertion doivent prévoir :

de restaurer l’accès à une éducation de qualité ; •de rétablir les services de santé et la possibilité d’y avoir accès ; •de prendre des mesures pour favoriser le regroupement des familles ; •de prévoir des programmes de réadaptation et de réinsertion pas seulement pour les •enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés mais pour tous ceux qui ont été touchés par le conflit armé, en prêtant une attention particulière aux filles, aux enfants handicapés et aux enfants déplacés ;de mettre en place un processus effectif de justice (transitionnelle) pour que les auteurs •de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre aient à répondre de leurs actes et soient traduits devant la justice.

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant

Même si la Convention relative aux droits de l’enfant constitue une base solide pour la réadaptation et la réinsertion des enfants touchés par un conflit armé, je voudrais insister sur certaines dispositions du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

L’article 6 du Protocole facultatif exige des États parties qu’ils accordent aux enfants ayant été enrôlés ou utilisés dans des hostilités en violation du Protocole « toute l’assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale ». Je tiens à préciser que cette obligation ne concerne pas tous les enfants touchés par un conflit armé mais, comme nous l’avons dit plus haut, cette lacune est couverte par les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant.

L’article 7 du Protocole facultatif comprend des dispositions importantes en matière de coopération et de solidarité internationales. Il exige des États parties qu’ils coopèrent pour la réadaptation et la réinsertion des enfants :

[...] y compris par une coopération technique et une assistance financière. Cette assistance et cette coopération se feront en consultation avec les États Parties concernés et les organisations internationales compétentes.

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Les enfants dans les conflits

Les États Parties qui sont en mesure de le faire fournissent cette assistance par l’entremise des programmes multilatéraux, bilatéraux ou autres déjà en place ou, le cas échéant, dans le cadre d’un fonds de contributions volontaires constitué conformément aux règles établies par l’Assemblée générale.

Quelles que soient ces règles, je ne crois pas que des mesures aient été prises pour créer un tel fonds de contributions volontaires. Un tel fonds pourrait fournir des ressources complémentaires, par exemple en aidant les communautés à instaurer les conditions nécessaires pour la réadaptation et la réinsertion sociale de tous les enfants touchés par un conflit armé et à proposer un soutien individuel, en particulier aux enfants souffrant d’un handicap physique ou mental suite à un conflit armé.

Pour souligner l’importance du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, les Nations Unies ont lancé en 2010 une campagne mondiale pour encourager la ratification universelle de ce protocole d’ici à 2012. Cette campagne est soutenue, entre autres, par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance15.

L’enrôlement et l’utilisation des enfants

Empêcher l’enrôlement et l’utilisation des enfants dans les conflits armés est la mission la plus importante de la communauté internationale pour protéger les enfants. Il existe de nombreux rapports, ouvrages et articles évoquant les pratiques d’enrôlement des enfants, les traumatismes des enfants impliqués dans des conflits armés (qu’ils aient été enfants soldats ou pas) ainsi que les initiatives de démobilisation et de réinsertion des enfants.

Le cadre juridique international comporte différentes normes sur l’enrôlement et l’utilisation des enfants dans les conflits armés :

L’interdiction de recruter des enfants de moins de 15 ans et de les faire participer 1. directement aux hostilités, applicable à tous les États parties aux Protocoles I et II des Conventions de Genève et à la Convention relative aux droits de l’enfant.L’interdiction et l’élimination du recrutement forcé ou obligatoire des enfants (toute 2. personne n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans) en vue de leur utilisation dans des conflits armés, applicable à tous les États parties à la Convention 182 de l’OIT.L’interdiction de faire participer des enfants directement aux hostilités et de les enrôler 3. dans des forces armées ou des groupes armés, applicable à tous les États parties au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.L’interdiction de l’engagement volontaire d’enfants dans les groupes armés et d’enfants 4. de moins de 16 ans dans les forces armées, applicable à tous les États parties au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

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Le cadre juridique international

L’interdiction d’enrôler des enfants et de les faire participer directement aux hostilités, 5. applicable à tous les États parties à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

La norme 1

La norme 1 fut introduite en 1977 avec l’article 77 du Protocole I et l’article 4 du Protocole II des Conventions de Genève de 1949 ; elle figure aussi à l’article 38 de la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant. Lors de la rédaction du projet de convention relative aux droits de l’enfant, les initiatives prises pour renforcer cette norme échouèrent16. Toutefois, une fois la Convention relative aux droits de l’enfant en vigueur, le Comité des droits de l’enfant consacra, dès qu’il fut opérationnel, sa première journée de débat général aux enfants dans les conflits armés. Ces discussions eurent une influence importante. Suite à la recommandation du Comité des droits de l’enfant, l’Organisation des Nations Unies engagea une étude globale qui aboutit, en 1996, au Rapport de Graça Machel17, et à la nomination du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. De plus, en 1994, la Commission des droits de l’homme de l’ONU18 décida, dans sa résolution 1994/91, de créer un groupe de travail à composition non limitée chargé d’élaborer un projet de protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfant dans les conflits armés19. Le Comité des droits de l’enfant a fait transmettre au groupe de travail un avant-projet de protocole20. Le texte final du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, qui fut adopté par l’Assemblée générale le 25 mai 2000, est entré en vigueur le 12 février 2002.

La norme 2

La norme 2 peut être considérée comme la première étape internationale visant à renforcer la norme 1. Presque tous les États parties à la Convention 182 de l’OIT sont également parties à la Convention relative aux droits de l’enfant. Ils se sont engagés à respecter l’interdiction et l’élimination du recrutement forcé ou obligatoire de toute personne n’ayant pas atteint l’âge de 18 ans, sans faire de distinction entre les forces armées et les groupes armés.

Les normes 3 et 4

Les normes 3 et 4 sont des éléments clefs du cadre juridique international applicable à tous les États parties au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Comité des droits de l’enfant contrôle la mise en œuvre du Protocole facultatif en examinant les rapports des États parties et des informations qui lui sont communiquées par d’autres sources. Il a publié des directives sur les informations que les États parties doivent remettre au Comité des droits de l’enfant21.

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Les enfants dans les conflits

L’interprétation de l’expression « participer directement aux hostilités », qui figure à l’article premier du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ne devrait pas se limiter à la participation active au combat mais englober d’autres fonctions et activités militaires comme l’espionnage, le sabotage, l’intervention comme leurre, messager ou porteur, et l’aide apportée aux points de contrôle militaires.

Il existe deux normes différentes sur l’enrôlement : l’une concerne les groupes armés et l’autre les forces armées. Les groupes armés ne doivent en aucune circonstance enrôler d’enfants (article 4 du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés). L’enrôlement obligatoire par les forces armées est également interdit, mais l’engagement volontaire est autorisé à certaines conditions ; l’âge minimum de l’engagement volontaire doit être de 16 ans, mais les États parties doivent relever cet âge minimum (article 3 du Protocole facultatif).

Dans ses études sur l’application du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’enfant note avec inquiétude que l’enrôlement et l’utilisation des enfants en violation des dispositions du Protocole figurent souvent uniquement dans des dispositions du droit militaire sans que ces violations soient explicitement érigées en infraction par la législation22. Par conséquent, en se fondant sur les dispositions du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants23, le Comité a recommandé aux États parties :

de préciser en droit que les violations des règles concernant l’enrôlement et l’utilisation •d’enfants dans les conflits armés sont des crimes et qu’elles doivent être sanctionnées par des peines sévères appropriées ;d’établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes – en tout cas pour ceux qui •sont commis par ou contre une personne qui est ressortissant de cet État ;d’instaurer des règles d’extradition effectives similaires à celles énoncées à l’article 5 du •Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants .

La norme 5

La norme 5, qui ne s’applique qu’aux États africains, est la plus radicale car elle interdit, sans exception, l’enrôlement obligatoire, l’engagement volontaire et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés. Il convient de noter que l’article 2 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant définit un enfant comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans ». Contrairement à l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, la Charte africaine ne fait pas d’exception « si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». En somme, c’est la norme la plus élevée. Il est remarquable et encourageant de penser que cette norme est celle d’un continent qui a été, et continue d’être, touché par les conflits armés.

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Le cadre juridique international

Mise en œuvre

Le Comité des droits de l’enfant

Il est juste de dire que le cadre juridique international et ses principales normes, que nous venons de décrire, constituent des outils adaptés, à tout le moins sur le papier, pour protéger les enfants dans les conflits armés, mais cela ne suffit pas pour changer la situation de ces enfants. Il faut en effet que toutes ces normes internationales soient appliquées intégralement.

Sur ce plan, il faut préciser qu’il incombe principalement aux États parties aux conventions internationales humanitaires et à celles relatives aux droits de l’homme de faire respecter ces normes. En ce qui concerne le respect des droits de l’enfant, le rôle du Comité des droits de l’enfant est de donner des indications aux États parties en formulant des recommandations dans les Observations finales sur les différents pays et diverses Observations générales. La façon dont chaque État partie applique ces recommandations varie et dépend souvent non seulement des priorités et de la volonté politique mais aussi des actions des organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres organisations de la société civile. Le système des droits de l’homme tente de voir comment améliorer le suivi des observations finales ; le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme joue un rôle important dans ces discussions.

Le Représentant spécial du Secrétaire général

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés est un autre acteur important pour la défense et le respect des normes internationales de protection des enfants dans les conflits armés. Les rapports annuels du Représentant spécial citent une liste impressionnante d’activités et notamment des visites sur place, des présentations lors de conférences, la campagne pour la ratification universelle du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et un mémoire d’amicus curiae présenté à la Cour pénale internationale dans l’affaire Lubanga. Toutes ces activités visent à empêcher l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés et à promouvoir et soutenir la démobilisation, la réadaptation et la réinsertion des enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés.

Le Conseil de sécurité

Depuis 2000, le Conseil de sécurité s’est engagé activement dans différents aspects de la protection des enfants touchés par les conflits armés. Il a régulièrement condamné la pratique consistant à prendre délibérément pour cible des enfants lors des conflits armés et souligné qu’il incombe à tous les États de mettre fin à l’impunité et de poursuivre ceux qui sont responsables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Il a exhorté les États à respecter intégralement les normes juridiques internationales applicables aux droits et à la

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Les enfants dans les conflits

protection des enfants dans les conflits armés, en particulier les Conventions de Genève de 1949, leurs Protocoles additionnels I et II, la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés24. Le Conseil de sécurité a créé un groupe de travail pour surveiller le respect du droit international et relever les violations les plus graves des droits des enfants, en particulier les actes des personnes qui : tuent ou mutilent des enfants, commettent des viols et d’autres formes de violence sexuelle contre des enfants, enlèvent des enfants ou les déplacent par la force, empêchent les enfants d’avoir accès à l’aide humanitaire, attaquent les écoles ou les hôpitaux, sont impliquées dans la traite des enfants, le travail forcé et toutes formes d’esclavage dans les pays touchés par un conflit armé ou l’ayant été récemment. Voir la liste annexée au rapport du Représentant spécial25. Le Conseil de sécurité peut, lorsqu’il le juge nécessaire, imposer des sanctions aux États qui manqueraient systématiquement au devoir qu’ils ont de prendre des mesures effectives face aux violations graves des droits des enfants.

Les possibilités de recours

La Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ne comprennent aucune disposition sur les possibilités de recours en cas de violation des droits de l’enfant. Néanmoins, d’après l’article 44 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant « est habilité à recevoir des communications concernant toute question traitée par la présente Charte, de tout individu, groupe ou organisation non gouvernementale reconnue par l’Organisation de l’unité africaine, par un État membre, ou par l’Organisation des Nations unies ». Il peut donc porter plainte en cas de violation de l’article 22 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant concernant l’interdiction d’enrôler et d’utiliser des enfants dans les conflits armés.

Dès 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaissait à toute personne le « droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus » (article 8)26. Ce droit a été précisé à l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui précise que « l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative [...] statuera sur les droits de la personne qui forme le recours » et « garanti[t] la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié ». L’on peut dire que dans les conventions portant sur les droits de l’homme, le droit à un recours effectif est un principe du droit coutumier international.

Il incombe en priorité aux États d’assurer un recours effectif. Ils devraient disposer de procédures adaptées et efficaces permettant de former un recours, les appliquer et les faire respecter. Ces procédures devraient être accessibles aux enfants et à leurs représentants légaux et tenir compte des besoins spécifiques des enfants. Dans un certain nombre de pays, des

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Le cadre juridique international

commissions Vérité et réconciliation ont été créées dans le cadre d’une justice transitionnelle pour se pencher sur le problème des atrocités commises contre des enfants.

Les crimes commis

Notons que la Cour pénale internationale n’a pas compétence à l’égard des enfants ayant commis un crime (article 26 du Statut de Rome). Les autorités nationales doivent donc se demander comment elles doivent traiter les (anciens) enfants soldats qui ont commis des crimes (de guerre) graves. Ces enfants devraient surtout être considérés comme des victimes (voir les Principes de Paris). Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ne doivent pas répondre des crimes qu’ils ont commis. Il faut pour cela un processus de justice transitionnelle avec des procès menés selon le code pénal de chaque pays tout en respectant intégralement la Convention relative aux droits de l’enfant et les normes internationales pertinentes. Ces procès n’aboutissent pas forcément à une longue peine d’emprisonnement pour l’enfant soldat. Aux termes de l’article 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties sont tenus :

de promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, et en particulier :

[...]

De prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés27.

Les commissions Vérité et réconciliation examinent aussi la responsabilité des enfants soldats pour les crimes qu’ils ont commis.

Afin de compléter les procédures nationales, des instances spéciales ont été créées au niveau international pour traiter des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre contre des enfants : la Cour pénale internationale, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Les statuts des tribunaux créés pour traiter les cas de ces différents pays ne mentionnent pas l’enrôlement et l’utilisation d’enfants comme constituant des crimes, contrairement au Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui considère « Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités » comme des crimes de guerre (article 8)28. Cette définition limite fortement la protection des enfants et leur droit à un recours effectif. Les chefs de groupes armés peuvent éviter d’être traduits devant la Cour pénale internationale s’ils n’enrôlent et n’utilisent que des enfants de 16 ans ou plus. Il est, par conséquent,

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Les enfants dans les conflits

particulièrement important que des poursuites soient possibles au niveau national en cas d’enrôlement ou d’utilisation de toute personne âgée de moins de 18 ans.

Les enfants en tant que témoins

Les enfants ayant été victimes de crimes de guerre peuvent être entendus et peuvent avoir à comparaître devant un tribunal en tant que témoin. Le Statut de Rome prévoit des règles spéciales pour la protection et la participation aux procès des victimes et des témoins. Par exemple, la Cour peut ordonner le huis clos lorsqu’un enfant est victime ou témoin. La Cour pénale internationale s’est dotée d’une Division d’aide aux victimes et aux témoins pour conseiller le Procureur et la Cour sur les mesures de protection et les activités d’aide.

L’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants prévoit des règles spécifiques pour protéger les droits des enfants victimes ou témoins dans les procédures portant sur des affaires d’exploitation sexuelle. La Cour pénale internationale devrait tenir compte de ces règles dans la façon dont elle traite les enfants qui ont été victimes ou témoins de crimes de guerre29. Les accusations contre les auteurs de crimes de guerre peuvent impliquer de nombreux enfants en tant que victimes ou témoins, mais lorsque les poursuites sont engagées nombre d’entre eux ont plus de 18 ans. Il est impossible de les interroger tous et de les faire venir devant la Cour pénale internationale à La Haye. Cette situation soulève la question de la sélection par le procureur des enfants appelés à témoigner devant la Cour pénale internationale et des facteurs influençant cette décision.

Le troisième protocole facultatif

Concernant le droit à un recours effectif, le projet de troisième protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant représente une avancée importante car il vise à instaurer une procédure de présentation de communications. En termes plus simples, il s’agit d’un protocole pour porter plainte auprès du Comité des droits de l’enfant au sujet de violations. Le texte final de ce projet qui a été adopté par le Conseil des droits de l’homme en juin 2011 devrait l’être également par l’Assemblée générale des Nations Unies à la fin de l’année pour être ensuite soumis à ratification30.

Le troisième protocole facultatif permettra aux enfants touchés par une guerre de porter plainte et revendiquer leur droit à la réadaptation et à la réinsertion. Il sera aussi possible de porter plainte pour l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de 15 ans ou plus, ce que ne permet pas le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. La faille du Statut de Rome est ainsi comblée, même si c’est de manière limitée. Le troisième protocole facultatif représente un instrument supplémentaire important pour former un recours car il autorise le Comité des droits de l’enfant à examiner une plainte même si tous les recours

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Le cadre juridique international

nationaux n’ont pas été épuisés ou si la constitution du recours (au niveau national) est exagérément longue ou si elle a peu de chance d’aboutir à de réelles réparations.

Conclusion

Les principaux éléments du cadre juridique international sont des instruments forts pour protéger les enfants touchés par les conflits armés. Il existe néanmoins d’autres instruments que nous n’avons pas évoqués dans cette introduction, comme la Convention d’Ottawa et les Orientations de l’Union européenne sur les enfants face aux conflits armés, qui contribuent également à protéger les enfants.

La mise en œuvre de ce cadre nécessite d’agir régulièrement au niveau de la législation nationale, d’attribuer des ressources suffisantes et de mobiliser de nombreux organismes comme des ONG, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, le Conseil de sécurité et d’autres organismes des Nations Unies. Cet engagement ne devrait pas se limiter aux enfants associés aux forces armées ou à des groupes armés mais porter également sur la protection, la réadaptation et la réinsertion de tous les enfants touchés par les conflits armés, comme le prévoient la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et la Convention relative aux droits de l’enfant.

Une attention particulière est portée à la question du recours en cas de violation des droits de l’enfant – par exemple, par le biais des commissions Vérité et réconciliation aux niveaux national et international, et la poursuite des auteurs de crimes contre les enfants devant des tribunaux spéciaux et la Cour pénale internationale. Le troisième Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications peut devenir un instrument supplémentaire pour former des recours.

Les quatre actions suivantes devraient être envisagées pour renforcer le cadre international en matière de protection des enfants touchés par les conflits armés.

La ratification universelle du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans •les conflits armés ;la révision des Principes de Paris ; •l’amendement du Statut de Rome pour étendre la juridiction de la Cour pénale •internationale à l’enrôlement et à l’utilisation de tout enfant dans un conflit armé ;la création d’un fonds des Nations Unies pour la réadaptation et la réinsertion de tous les •enfants touchés par les conflits armés comme recommandé par le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

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Les enfants dans les conflits

Notes

Conseil de sécurité, 1. Résolution 1998 (2011), document des Nations Unies S/RES/1998 (2011), 12 juillet 2011.La Convention d’Ottawa ou Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du 2. transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, ouverte à la signature le 3 décembre 1997 et entrée en vigueur le 1er mars 1999.La Convention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest sur les armes légères et 3. de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes, adoptée le 14 juin 2006.Assemblée générale et Conseil de sécurité, 4. Le sort des enfants en temps de conflit armé, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/65/820-S/2011/250, 23 avril 2011.Voir Conseil des droits de l’homme, 5. La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés – Rapport de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza, document des Nations Unies A/HRC/12/48, 25 septembre 2009.Les Principes de Paris peuvent être considérés comme une révision des Principes du Cap concernant la 6. prévention du recrutement d’enfants dans les forces armées, et la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants soldats en Afrique, adoptés en 1997.Gouvernement français et UNICEF, « Conférence internationale consacrée aux enfants associés aux 7. groupes et forces armés : Libérons les enfants de la guerre », Paris, 5-6 février 2007.C. Greenwood, « Historical Development and Legal Basis », 8. in D. Fleck (sous la direction de), The Handbook of Humanitarian Law in Armed Conflicts, 1995, p. 9.Assemblée générale, 9. Résolution 44/25, Convention relative aux droits de l’enfant, document des Nations Unies A/RES/44/25, 20 novembre 1989.Comité des droits de l’enfant, 10. Observation générale no 12 (2009) – Le droit de l’enfant d’être entendu, document des Nations Unies CRC/C/GC/12, 20 juillet 2009, p. 17.Pour plus d’informations, voir S. Parmar 11. et al. (sous la direction de), Children and Transnational Justice: Truth-Telling, Accountability and Reconciliation, UNICEF, 2010.Pour plus d’informations, voir UNICEF Innocenti Research Centre, 12. Birth Registation and Armed Conflict, 2007.Le Rapport mondial des Nations Unies sur la violence contre les enfants ne prêtait pas particulièrement 13. attention à la violence contre les enfants dans les conflits armés. Voir P. Pinheiro, Rapport mondial sur la violence contre les enfants, Nations Unies, 2006 ; et Assemblée générale, Droits de l’enfant, document des Nations Unies A/61/299, 29 août 2006.Comité des droits de l’enfant, 14. Observation générale no 5 (2003) – Mesures d’application générales de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 4, 42 et 44, par. 6), document des Nations Unies CRC/GC/2003/5, 27 novembre 2003.Pour plus d’informations, voir Radhika Coomaraswamy, « The Optional Protocol to the Convention on the 15. Rights of the Child on the Involvement of Children in Armed Conflict: Towards Universal Ratification », International Journal of Children’s Rights, vol. 18, 2010, p. 535 à 549.Pour un compte rendu des négociations, voir S. Detrick (sous la direction de), 16. The United Nations Convention on the Rights of the Child: A Guide to the «Travaux préparatoires», 1992, p. 502 à 517 ; et Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Legislative History of the Convention on the Rights of the Child: Volume II, 2007, p. 775 à 799.Assemblée générale, 17. Impact des conflits armés sur les enfants – Rapport présenté par l’expert désigné par le Secrétaire général, Mme Graça Machel, conformément à la résolution 48/157 de l’Assemblée générale, document des Nations Unies A/51/306, 26 août 1996.Le 15 mars 2006, l’Assemblée générale des Nations Unies votait pour remplacer la Commission des droits 18. de l’homme par le Conseil des droits de l’homme.Assemblée générale, 19. Rapport du Comité des droits de l’enfant, document des Nations Unies A/55/41, 8 mai 2000.

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Le cadre juridique international

Commission des droits de l’homme de l’ONU, 20. Droits de l’enfant, document des Nations Unies E/CN.4/1994/91, 20 décembre 1993.Comité des droits de l’enfant, 21. Directives concernant les rapports initiaux que les États parties doivent présenter conformément au paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, document des Nations Unies CRC/OP/AC/1, 14 novembre 2001. Voir aussi UNICEF, Guide to the Optional Protocol on the Involvement of Children in Armed Conflict, 2003.Voir les rapports et observations finales à l’adresse <www2.ohchr.org/english/bodies/crc/crcs42.htm>.22. Également connu comme le deuxième protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant.23. Voir les résolutions suivantes du Conseil de sécurité : 24. Résolution 1314 (2000), document des Nations Unies S/RES/1314 (2000), 11 août 2000 ; Résolution 1460 (2003), document S/RES/1460 (2003), 30 janvier 2003 ; Résolution 1539 (2004), document S/RES/1539 (2004), 22 avril 2004 ; Résolution 1612 (2005), document S/RES/1612 (2005), 26 juillet 2005 ; Résolution 1882 (2009), document S/RES/1882 (2009), 4 août 2009. Conseil des droits de l’homme, 25. Rapport annuel de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Radhika Coomaraswamy, document des Nations Unies A/HRC/15/58, 3 septembre 2010.Assemblée générale, 26. Résolution 217 (III) A, document des Nations Unies A/810, 10 décembre 1948, p. 71 à 77.Pour plus d’informations, voir Comité des droits de l’enfant, 27. Observation générale no 10 (2007) – Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, document des Nations Unies CRC/C/GC/10, 25 avril 2007 ; et Conseil économique et social, Résolutions et décisions adoptées par le Conseil économique et social à sa session de fond de 2000, document des Nations Unies E/2000/INF/2/Add.2, 15 août 2000.Statut de Rome, art. 8 par. 2 b) xxvi).28. Voir aussi Conseil économique et social, 29. Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, résolution 2005/20 en date du 22 juillet 2005.Voir Conseil des droits de l’homme, 30. Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, document des Nations Unies A/HRC/17/L.8, 9 juin 2011.

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Désarmer les écoles : des stratégies pour mettre un terme à l’utilisation militaire des écoles lors des conflits armés

Bede SheppardKyle Knight

Bede Sheppard est chercheur senior pour la division des droits de l’enfant de Human Rights Watch. Kyle Knight, ancien associé de la division des droits de l’enfant de Human Rights Watch, est titulaire d’une bourse d’études Fulbright pour 2011-2012 au Népal. Les vues exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du Programme Fulbright, de Human Rights Watch ou de l’Organisation des Nations Unies.

Depuis vingt ans, les gens ont pris conscience de la détresse des enfants touchés par les conflits armés et multiplient les actions pour améliorer leur situation. Il reste néanmoins un phénomène auquel on ne prête pas assez attention malgré la fréquence avec laquelle il se produit : il s’agit de l’utilisation des bâtiments scolaires par les forces militaires et d’autres groupes armés. Ce qui est particulièrement préoccupant c’est l’attitude des groupes armés qui occupent des écoles et les transforment, à moyen ou long terme, en bases militaires.

Dans cet article, nous examinerons comment des forces armées, des groupes armés non étatiques et des paramilitaires utilisent des écoles à des fins militaires et les conséquences de cette occupation sur la sécurité des enfants et leur possibilité d’avoir accès à l’éducation. Nous évoquerons, dans un premier temps, l’ampleur du problème dans le monde et ses conséquences négatives sur les enfants. Nous présenterons ensuite quatre stratégies efficaces utilisées par des acteurs locaux pour mettre un terme à l’utilisation des écoles pendant les conflits armés.

L’ampleur du problème

Les écoles, de par leur emplacement, leurs structures et leurs équipements électriques et sanitaires, attirent les groupes armés. Elles leur servent de lieu d’entreposage, de casernes, de dépôts et de bases. La présence des forces de sécurité oblige parfois à déplacer tous les élèves d’une école, alors que dans d’autres cas, les forces militaires n’occupant que certaines parties d’une école, les cours sont maintenus dans les parties non occupées de l’école. Même si parfois l’utilisation des écoles ne dure pas longtemps et intervient alors que les écoles sont déjà fermées pour raison de sécurité, les risques pour la sécurité des enfants et leur éducation augmentent lorsque cette occupation dure des semaines voire des mois ou des années.

Les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques ont utilisé des écoles dans la plupart des grands conflits qui ont eu lieu entre décembre 2008 et juin 2011, que ce soit en Afghanistan1, en République centrafricaine2, en Colombie3, en Côte d’Ivoire4, en République démocratique du Congo5, dans la bande de Gaza6, en Inde7, en Libye8, aux Philippines9, en Somalie10, à Sri Lanka11, en Thaïlande12 et au Yémen13.

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Les enfants dans les conflits

Les conséquences négatives

L’utilisation militaire des écoles entraîne deux problèmes majeurs : elle met en danger les élèves et les enseignants, et compromet le droit des enfants à l’éducation.

Des élèves et des enseignants en danger

Lorsque des forces de sécurité utilisent une école, ce bâtiment civil qui était jusqu’alors protégé risque d’être pris pour cible14. En vertu du droit international humanitaire, les écoles et les établissements d’enseignement sont des biens de caractère civil qui ne peuvent être l’objet d’attaques délibérées à moins qu’ils ne soient utilisés par les forces belligérantes à des fins militaires et seulement tant que dure cette utilisation militaire. Par conséquent, une école utilisée comme base militaire ou comme dépôt de munitions devient un objectif militaire susceptible d’être attaqué. Mais aux termes de l’article 58 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), les parties à un conflit « s’efforceront [...] d’éloigner du voisinage des objectifs militaires la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil soumis à leur autorité ». En outre, « elles prendront les autres précautions nécessaires pour [les] protéger ». Lorsqu’une école sert à la fois d’établissement d’enseignement et de bastion armé, les enfants, les enseignants, le personnel de l’éducation et d’autres civils sont exposés à des risques inutiles. Il est, par conséquent, interdit d’utiliser ainsi des écoles.

Lorsque des forces de sécurité occupent une école, elles décident souvent de militariser et fortifier le bâtiment, peu leur importe que les occupants de l’école doivent partir ou que les élèves et les enseignants tentent de poursuivre leurs cours si les forces n’occupent qu’une partie de l’école. Par exemple, en Inde, des sacs de sable et des fils barbelés ont été placés autour de certaines écoles, des miradors mis en place pour le personnel armé et des tranchées creusées autour des établissements. Les forces qui occupent des écoles ajoutent souvent sur les bâtiments scolaires le nom de leur unité ou des graffiti15. Durant la guerre civile au Népal, des maoïstes obligèrent des élèves et des enseignants à creuser des tranchées à l’intérieur des nombreuses écoles qu’ils utilisaient pour faciliter leur riposte contre les forces de sécurité en cas d’attaque16. Lorsqu’ils quittent les locaux d’une école, les groupes armés laissent souvent derrière eux les fortifications qu’ils ont installées et les signes ou panneaux signalant leur présence ; les écoles risquent alors d’être considérées par erreur comme des cibles militaires.

Le droit à l’éducation compromis

Lorsqu’une école ne peut remplir sa mission éducative, l’État doit prendre les dispositions nécessaires pour que ceux qui subissent cette situation puissent, d’une façon ou d’une autre, suivre un enseignement. En cas d’utilisation prolongée d’une école à des fins militaires, la capacité des enfants à recevoir une éducation est compromise ; une telle situation constitue

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Désarmer les écoles

une violation du droit à l’éducation garanti par la Convention relative aux droits de l’enfant17. Aux termes de l’article 28, les États parties :

a) [r]endent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ;

b) [e]ncouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant ;

[...]

e) [p]rennent des mesures pour encourager la régularité de fréquentation scolaire et la réduction des taux d’abandon scolaire.

Si l’occupation totale d’un établissement empêche son utilisation en tant qu’école, les enseignants et les élèves doivent être déplacés dans un endroit où l’enseignement pourra se poursuivre. Par exemple, au Yémen, lorsque des rebelles occupèrent en 2010 des dizaines d’écoles dans le nord du pays, au moins 30 000 enfants se retrouvèrent dans l’impossibilité de se rendre dans leurs écoles primaires et secondaires18. Lorsqu’une partie des bâtiments est ainsi occupée, la présence de forces de police ou de paramilitaires lourdement armés là où les enfants étudient gêne l’éducation des enfants et compromet leur droit à l’éducation.

Lorsqu’une école est totalement occupée par des forces armées, les cours sont parfois donnés à l’extérieur ou dans des salles improvisées. Les élèves risquent de suivre des cours dans des conditions dégradées ou inadaptées, par exemple sous des arbres, dans des bâtiments désaffectés, sous une véranda, dans des couloirs ou dans des centres de santé communautaires. Lorsque les cours sont donnés dehors, les élèves sont plus distraits. Cette situation peut se traduire par une aggravation de l’absentéisme et une augmentation des taux d’abandon scolaire. Dans ces circonstances, les élèves subissent les conditions météorologiques ; ils peuvent alors venir moins régulièrement voire arrêter de venir à l’école. Dans les salles de fortune, les enseignants ne disposent pas du matériel de base comme des tableaux. Il se peut aussi qu’il n’y ait pas de toilettes convenables. Ce facteur peut entraîner une baisse du nombre de filles venant à l’école19. En Inde, un repas doit être servi le midi dans les écoles. Lorsque l’enseignement doit être donné provisoirement dans d’autres bâtiments, ce service risque d’être supprimé.

Il arrive que des élèves changent d’établissement, soit parce que leurs cours ont été déplacés (les bâtiments de leur école étant occupés) soit parce que leurs parents craignent pour leur sécurité. Ces élèves doivent parfois se rendre dans des établissements se trouvant plus loin de chez eux. Ils sont donc exposés à d’autres dangers car ils doivent effectuer des trajets plus longs. Cette situation représente aussi une dépense supplémentaire pour les familles qui doivent payer le transport de leurs enfants jusqu’à cette autre école. Lorsque de nombreux élèves changent d’école, les établissements qui récupèrent ces élèves peuvent se retrouver en sureffectif. L’occupation d’une école entraîne de multiples répercussions.

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Bien sûr, une occupation même partielle d’une école peut avoir des répercussions sur les locaux disponibles et aggraver le problème des classes en sureffectif. Les élèves peuvent difficilement étudier correctement lorsqu’ils sont en sureffectif ou travaillent dans des conditions tendues. Frustrés, certains élèves préfèrent arrêter l’école.

Les risques d’exactions

Les élèves qui se rendent dans une école occupée par des forces armées sont exposés au risque de harcèlement sexuel et peuvent voir les militaires boire, se droguer ou commettre des actes violents. Lorsque des forces armées occupent une école, l’on observe bien souvent un exode presque immédiat de certains élèves. En raison des affaires de harcèlement ou de la crainte d’en être victime, les filles sont généralement celles qui arrêtent de venir à l’école. Même s’il n’y pas eu de cas avéré de harcèlement, les parent hésitent à envoyer leurs filles dans une école occupée car ils craignent qu’elles ne soient harcelées ou attaquées par des officiers de police ou des militaires présents dans l’établissement. En République centrafricaine, plusieurs familles ont retiré leurs filles de l’établissement qu’elles fréquentaient car celui-ci étant partiellement occupé, les parents craignaient que leurs filles ne subissent des sévices sexuels. Les rebelles envoyaient souvent les enfants leur acheter des cigarettes, des boissons ou de la nourriture20.

Lorsqu’une école est utilisée comme base pour des forces armées ou des forces de police, les élèves risquent d’assister aux opérations d’une base normale ou d’un poste de police. Ils peuvent être témoins d’actes violents et se retrouver à proximité d’armes et de munitions. D’après un rapport du Secrétaire général21, en 2009, les forces armées de Sri Lanka ont utilisé neuf écoles pour détenir des adultes « qui se sont rendus » (identifiés par le Gouvernement de Sri Lanka comme d’anciens combattants associés aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul) D’après le rapport : « Malgré les fils barbelés qui séparent les écoles des sites occupés par les combattants qui se sont rendus, on signale que des adultes appartenant à cette catégorie errent autour des écoles ». Les forces armées sri-lankaises ont construit des casernes dans les enceintes des écoles et utilisent des salles de classe ainsi que d’autres locaux, « ce qui perturbe fortement les activités d’enseignement ». Cette situation a obligé plus de 5 700 enfants à interrompre leurs études.

Évacuer les troupes qui occupent des écoles au Népal

Au Népal, le programme « Les écoles, havres de paix » a été lancé pour faire face aux attaques contre l’éducation ; il vise à empêcher l’utilisation militaire des écoles par des forces armées.

Entre 1996 et 2006, une guerre civile opposant rebelles maoïstes et forces gouvernementales a ravagé le Népal. Les forces maoïstes de l’Armée de libération populaire (PLA) et les forces gouvernementales de l’Armée royale du Népal (RNA) attaquèrent des écoles, les utilisèrent à des fins politiques et organisèrent des rassemblements et des meetings politiques dans les

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Désarmer les écoles

écoles. L’Armée de libération populaire menaça les enseignants, exigea la fermeture d’écoles et recruta des enfants dans les écoles. L’Armée de libération populaire et l’Armée royale du Népal occupèrent des écoles et les utilisèrent comme casernes22.

L’idée de considérer les enfants comme des « havres de paix » est apparue au niveau international en 1983, suite à une recommandation d’un membre du Conseil exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Nils Thedin. Cette idée repose sur trois principes23 :

les enfants ne lancent pas de conflits armés ; •les enfants subissent d’une façon disproportionnée les conséquences des conflits ; •les enfants doivent être protégés. •

Le programme « Les écoles, havres de paix » repose sur l’idée de considérer les enfants comme des « havres de paix ». Cette idée présentée en 2001 par Save the Children Norway fut lancée par Save the Children, l’UNICEF, de nombreuses organisations non gouvernementales népalaises et d’autres groupes internationaux. Il fut lancé à une époque où, au Népal, le droit à l’éducation des enfants était gravement menacé par l’utilisation d’école dans le conflit. Les groupes exposèrent leurs points de vue et leurs priorités. Ils s’entendirent sur la philosophie du programme : les enfants doivent avoir accès à leurs écoles et il faut mettre un terme à l’utilisation des bâtiments scolaires et ne plus demander aux élèves d’effectuer des activités politiques ou armées24.

Le programme instaura un modèle de négociation pour :

convaincre les différentes forces armées impliquées dans le conflit et les acteurs locaux •de ne plus prendre les écoles pour cibles et d’élaborer un code de conduite incitant à respecter les propriétés des écoles ;mobiliser la société civile et les médias pour surveiller les menaces ; •fournir un soutien psychologique et d’autres services d’aide aux élèves et aux enseignants •touchés par le conflit ;sensibiliser les gens aux risques des mines terrestres. •

Le programme « Les écoles, havres de paix » entend aussi réduire la présence des forces armées à l’intérieur et autour des écoles. L’élément le plus important est peut-être le modèle qu’il a élaboré pour négocier et rédiger des codes de conduite pour protéger les écoles, ainsi que le Quality Education Resource Package de l’UNICEF, un kit réunissant des documents et des activités qui doivent aider les parents, les enseignants et les élèves à régler divers problèmes qui peuvent surgir dans les écoles afin d’améliorer la qualité de l’éducation25. Pour être désignée officiellement comme un havre de paix, une école doit de doter d’un code de conduite. La négociation de ces codes implique les gouvernements locaux et la société civile, la police, les autorités de l’éducation et les représentants de l’Armée de libération populaire et de l’Armée royale du Népal. D’après un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)26, des médiateurs communautaires formés par du personnel

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du programme « Les écoles, havres de paix » ont encouragé toutes les parties à s’impliquer dans les négociations ; ces groupes ont ainsi eu la possibilité d’être vus sous un jour positif par les communautés. Cette initiative repose sur l’idée que la façon dont les différents adversaires traitent les enfants devrait être un signe évident de leur crédibilité. Le rapport contient un modèle de code de conduite rédigé pour le programme « Les écoles, havres de paix » qui pourrait être une base utile pour des négociations. Ce modèle comprend huit dispositions. Il exclut notamment toute arme dans le périmètre de l’établissement, toute intervention dans le cours normal des activités d’enseignement et l’utilisation des écoles comme bases armées.

Le programme « Les écoles, havres de paix » a permis de négocier des codes de conduite pour près de 450 écoles. D’après les conclusions d’une étude menée par Save the Children dans les écoles impliquées dans ce programme, les interventions politiques et les fermetures d’écoles ont diminué alors que le temps d’étude et le sentiment de sécurité ont progressé. Dans ces écoles, la présence des élèves et des enseignants s’est améliorée27.

Évacuer les troupes qui occupent des écoles en Inde

En Inde, les tribunaux ont joué un rôle important pour tenter de restituer les écoles aux élèves. Les forces de sécurité gouvernementales ont, en effet, fréquemment utilisé les écoles comme bases militaires, en particulier dans les États touchés par le conflit contre les forces maoïstes, ainsi que dans le nord-est du pays. Dans le cadre de deux affaires actuellement examinées par la Cour suprême, des décisions importantes ont été prises pour mettre un terme à l’utilisation des écoles par les forces de sécurité.

La première affaire concerne le conflit qui, dans l’État du Chhattisgarh, oppose les forces gouvernementales, la milice Salwa Judum, soutenue par le Gouvernement, et les maoïstes. En mai 2007, sur l’initiative d’un professeur de sociologie de l’Université de Delhi, Nandini Sundar, trois personnes saisirent la Cour suprême en se fondant sur quatre rapports d’enquête réalisés dans l’État du Chhattisgarh. M. Sundar avait participé à la rédaction de l’un de ces rapports28. La Cour suprême fut également saisie en août 2007 par trois personnes habitant l’un des districts les plus violents de l’État ; elles avaient été victimes du mouvement Salwa Judum (pillage, incendie criminel et brutalités)29. La Cour suprême a examiné les deux affaires simultanément.

Les requérants attendent de la Cour qu’elle ordonne au Gouvernement de l’État de ne plus soutenir le mouvement Salwa Judum et qu’elle demande une enquête indépendante sur les exactions commises par les forces de sécurité gouvernementales et le mouvement Salwa Judum, ainsi que sur les massacres perpétrés par les maoïstes. Le Gouvernement de l’État du Chhattisgarh a récusé les accusations portées contre Salwa Judum et l’État.

En avril 2008, la Cour chargea la Commission nationale des droits de l’homme d’enquêter sur des allégations de violations des droits de l’homme qui auraient été commises par les différentes parties. Le rapport de la Commission nationale conclut, entre autres, que : au lieu de proposer d’autres solutions, le Gouvernement de l’État a, dans de nombreux cas, autorisé

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Désarmer les écoles

les forces de sécurité à occuper les locaux des écoles ou des ashrams [des internats ruraux dépendant du Gouvernement] habituellement utilisés pour des activités d’enseignement30. La Cour ordonna au Gouvernement du Chhattisgarh d’appliquer les recommandations figurant dans le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme et de remettre en janvier 2009 un rapport sur les progrès réalisés. Depuis, les parties ont dénoncé l’attitude du Gouvernement, qui n’aurait pas respecté cette obligation. Le 18 janvier 2011, la Cour a fixé une date bien précise pour le respect des décisions concernant la situation des écoles : des instructions devraient être données à l’Union de l’Inde et à l’État du Chhattisgarh pour veiller à ce que les forces de sécurité libèrent tous les établissements d’enseignement, les bâtiments scolaires et les foyers d’étudiants dans un délai de quatre mois à compter de ce jour-là31. Le Gouvernement du Chhattisgarh n’ayant pu respecter ce délai, il a demandé une extension pour exécuter la décision de la Cour. À l’heure où nous écrivons, la Cour suprême surveille toujours les efforts de l’État pour évacuer toutes les écoles32.

Dans l’autre affaire examinée par la Cour suprême, aussi depuis 2007, de nombreux enfants auraient été transportés illégalement des États du nord-est de l’Inde jusqu’à l’État du Tamil Nadu, dans le sud du pays. La Cour suprême chargea la Commission nationale pour la protection des droits de l’enfant (NCPCR) d’effectuer une enquête. La NCPCR se rendit dans les États de l’Assam, du Manipur et du Tamil Nadu pour une mission de 13 jours. La NCPCR a recommandé que la Cour suprême exige du Ministère de l’intérieur qu’il libère toutes les écoles occupées par les forces de sécurité gouvernementales. La Cour suivit cette recommandation et précisa que l’occupation des bâtiments scolaires par des forces de sécurité ou des forces armées à l’avenir n’était pas autorisée pour quelque motif que ce soit33.

Il convient de noter que la Cour suprême fut saisie de ces deux affaires avant l’entrée en vigueur en avril 2010 de la loi sur le droit des enfants à une éducation gratuite et obligatoire. Cette loi ne peut qu’étayer les arguments juridiques pour évacuer les troupes stationnées dans des écoles34.

La Cour suprême de l’Inde n’est pas la seule à avoir examiné cette question. Dans les années 90, une affaire avait été examinée dans l’État du Bihar ; à l’époque les forces de sécurité utilisaient souvent des écoles pour mener leurs activités anti-insurrectionnelles contre les forces maoïstes. Une décision de 1999 de la Haute Cour de Patna, la capitale du Bihar, aurait, d’après des militants de la région, conduit à l’évacuation des troupes déployées dans des écoles35. En 2008, Shashi Bhushan Pathak, le Secrétaire général du bureau de l’État du Jharkhand d’une organisation indienne pour les droits de l’homme (People’s Union for Civil Liberties), attaqua l’État en justice pour dénoncer la présence de troupes armées dans les écoles de cet État et obtint une ordonnance d’évacuation de toutes les écoles (même si à l’heure où nous écrivons cet article, toutes les écoles n’ont pas encore été évacuées)36. Au Bengale-Occidental, la Haute Cour de Calcutta qui avait été saisie d’une affaire accusant les forces de sécurité gouvernementales d’utiliser 22 écoles leur ordonna d’évacuer les écoles, ce que firent les forces de sécurité37.

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Les enfants dans les conflits

Évacuer les troupes qui occupent des écoles aux Philippines

Après l’éviction du Président Ferdinand Marcos en 1986, qui avait exercé un pouvoir absolu, un conflit éclata entre le Gouvernement philippin, les communistes de la Nouvelle armée populaire (NPA) et les séparatistes du Front de libération islamique Moro. Les conséquences de ce conflit civil pour les enfants devinrent un sujet de grave préoccupation pour l’ensemble des partis politiques et les groupes de la société civile.

L’installation dans les écoles de bases pour les forces armées gouvernementales était un motif d’inquiétude. L’occupation des écoles s’expliquait parfois par leur emplacement stratégique, mais d’autres fois, elle intervenait à la demande de certains secteurs des communautés, y compris de principaux d’établissements, qui réclamaient une présence militaire ou policière pour la protection des élèves. Il n’en reste pas moins que les parents s’inquiétaient des risques auxquels leurs enfants pouvaient être exposés lorsque l’établissement était occupé.

Les organisations de la société civile impliquées dans la gestion des situations d’urgence et des catastrophes craignaient aussi que cette présence militaire ne gêne l’évacuation des civils vers les écoles. Selon elles, une école occupée n’était pas un lieu sûr pour accueillir des personnes déplacées car les troupes et l’établissement risquaient d’être pris pour cibles.

En 1992, le Congrès adopta la loi sur la protection spéciale des enfants contre les abus, l’exploitation et la discrimination38. La partie 22 de la loi stipule que les enfants sont des havres de paix et interdit d’utiliser les écoles à des fins militaires qu’il s’agisse d’en faire des postes de commandement, des casernes, des détachements ou des dépôts d’approvisionnement.

Cette loi de protection des enfants est très large. Les principes sur lesquels se fonde cette loi furent définis au cours d’une série de réunions organisées par le Gouvernement et financées par l’UNICEF. Ces rencontres qui réunissaient des comités intergouvernementaux examinaient différents risques auxquels étaient exposés les enfants se trouvant dans des situations particulièrement difficiles. Ces comités se concentraient sur différents problèmes et avançaient diverses mesures comme des dispositions législatives, des programmes ou des textes exécutifs.

Une fois que la législation nationale eut interdit l’utilisation des écoles à des fins militaires, plusieurs entités municipales et provinciales réitérèrent cette interdiction absolue dans des arrêtés municipaux39. Malheureusement, des cas d’occupation d’école par les forces armées philippines sont encore signalés40. En juillet 2011, la Chambre des représentants adopta une proposition de loi prévoyant des mesures de protection plus importantes pour les enfants touchés par un conflit armé, y compris des sanctions pénales en cas d’occupation militaire des écoles41.

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Désarmer les écoles

La Nouvelle-Zélande et l’évacuation des troupes qui occupent des écoles

Les forces de défense néo-zélandaises comptent environ 10 000 personnes dans la force régulière. En mai 2011, ces personnes étaient déployées sur 16 opérations de maintien de la paix, des missions de l’ONU et des exercices de défense dans 10 pays. La Nouvelle-Zélande doit publier une version réactualisée du Manual of Armed Force Law. Ce nouveau manuel aborde de manière intéressante la question de l’utilisation des écoles. Il évoque trois sujets importants :

il réaffirme l’obligation qu’ont les forces de défense néo-zélandaises de respecter les •droits des enfants à l’éducation et précise comment ce droit peut être compromis par l’utilisation des bâtiments scolaires ;il souligne l’importance d’une planification logistique adéquate avant les opérations de •façon à limiter la nécessité d’utiliser des écoles ;il avance des mesures concrètes pour réduire et limiter les conséquences négatives de •l’utilisation des écoles.

Le manuel stipule que toutes les mesures possibles doivent être prises pour veiller à ce que :

les civils, et plus particulièrement les enfants, soient protégés contre les effets d’une •attaque contre les établissements d’enseignement par des forces d’opposition, y compris si cela s’avère nécessaire en éloignant ces personnes du voisinage des établissements ;cette utilisation dure aussi peu que possible ; •les effets néfastes sur les enfants, concernant notamment leur droit à l’éducation, soient •aussi limités que possible42.

Il est précisé dans une version provisoire du manuel que les écoles et autres établissements d’enseignement ont droit à une protection particulière contre les effets de la guerre car la destruction ou la mise en danger de ces installations constitue une attaque évidente contre l’éducation et le développement des générations futures qui n’ont aucune responsabilité dans le conflit armé à l’origine de ces dégâts.

Le manuel reconnaît que même si dans de nombreux cas les troupes pourront facilement reconnaître les bâtiments qui sont des établissements d’enseignement, l’on ne peut supposer que ce sera toujours le cas. Le manuel souligne qu’il est de la responsabilité des commandants et des membres des forces de défense néo-zélandaises qui planifient et exécutent les opérations de repérer ces bâtiments et de veiller à ce que l’information soit transmise aux personnes impliquées dans les opérations.

Point important, il est expressément stipulé dans le nouveau manuel que la Nouvelle-Zélande reconnaît le droit des enfants à l’éducation et admet que l’utilisation et l’occupation des écoles et d’autres établissements d’enseignement constituent une entrave évidente à l’exercice de ce droit.

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Les enfants dans les conflits

Lorsque l’utilisation militaire d’un tel établissement s’avère nécessaire pour des raisons militaires, toutes les mesures possibles doivent être prises, en concertation avec les autorités locales, pour limiter autant que possible l’interruption des études des enfants. Il peut s’avérer nécessaire de recenser et faciliter l’utilisation d’autres installations adaptées.

Conclusion

La question de la portée et des conséquences de l’utilisation et de l’occupation des écoles par des groupes armés n’ayant pas été une grande préoccupation jusqu’à présent, elle mériterait d’être étudiée de manière plus approfondie. Dans cet article, nous avons toutefois voulu montrer que certains acteurs locaux ont déjà fait des efforts pour trouver des idées afin de mettre un terme à cette pratique. Réfléchir à ces expériences riches en enseignements permettrait d’aider les enfants qui veulent se rendre chaque jour dans leur école malgré les guerres qui font rage autour d’eux.

Notes

En Afghanistan, les forces progouvernementales ainsi que les forces armées internationales ont occupé 1. des écoles en 2010. Pour plus d’informations sur les États mentionnés dans le texte, voir Assemblée générale et Conseil de sécurité, Le sort des enfants en temps de conflit armé, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/65/820-S/2011/250, 23 avril 2011.En République centrafricaine, les forces armées gouvernementales et deux groupes rebelles 2. – la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) et l’Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD) – ont utilisé des écoles en 2009 et 2010. Voir Watchlist on Children and Armed Conflict, An Uncertain Future? Children and Armed Conflict in the Central African Republic, 2011.Les forces de sécurité nationales et des groupes armés ont occupé des écoles dans plusieurs départements 3. de la Colombie à savoir Antioquia, Arauca, Cauca, Córdoba et Norte de Santander.Lors des combats en Côte d’Ivoire, les forces de sécurité ivoiriennes ont formé de jeunes gens dans 4. des écoles et des locaux d’habitation des universités à Abidjan, Yamoussoukro et Duékoué. Au moins 25 écoles furent occupées par des groupes armés à Abidjan, Guiglo, San Pédro et Zouan Hounien. Pour plus d’informations, voir Human Rights Watch, « Côte d’Ivoire : AU should press Gbagbo to halt abuses », communiqué de presse, 23 février 2011 ; Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, Côte d’Ivoire Situation Report #8, 2011, et Côte d’Ivoire Situation Report #9, 2011.En République démocratique du Congo, certaines écoles furent occupées par les forces armées en 2010.5. En décembre 2008 et janvier 2009, pendant l’opération Plomb durci à Gaza, « les Forces de défense 6. israéliennes ont fait irruption dans les enceintes des écoles et se sont servi de certains établissements comme centres d’interrogatoire ». Voir Assemblée générale et Conseil de sécurité, Les enfants et les conflits armés, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/64/742-S/2010/181, 13 avril 2010, p. 29.En Inde, une centaine d’écoles furent occupées pendant des mois, voire des années, par les forces de 7. police paramilitaires du Gouvernement, plus particulièrement dans les États les plus touchés par la rébellion maoïste – Bihar, Chhattisgarh et Jharkhand – mais aussi dans le nord-est du pays, dans les États d’Assam et de Tripura. Pour plus d’informations, voir affidavit du Gouvernement du Chhattisgarh auprès de la Cour suprême de l’Inde le 6 janvier 2011, cité par J. Venkatesan, « Chhattisgarh government pulled up for misleading court », The Hindu, 8 janvier 2011 ; et « SC asks Jharkhand, Tripura to free schools from security forces », The Times of India, 7 mars 2011.

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Désarmer les écoles

En Libye, les rebelles ont utilisé une cour d’école pour réparer des armes et organiser des formations 8. au maniement des armes. Voir T. Birtley, « Libya rebels use discards to make own weapons », Al-Jazeera, 14 juin 2011.Aux Philippines, en 2010, les Forces armées des Philippines et les Unités géographiques de la force armée 9. des citoyens (CAFGU) ont utilisé de plus en plus d’écoles publiques pour établir leurs casernes et leurs centres de commandement et pour stocker des armes et des munitions.En 2009, en Somalie, plus de 10 écoles de Mogadiscio furent « temporairement occupées par des forces 10. armées ». Voir Assemblée générale et Conseil de sécurité, Les enfants et les conflits armés, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/64/742-S/2010/181, 13 avril 2010, p. 32.En 2009 et 2010, des écoles de Sri Lanka furent utilisées à des fins diverses : comme casernes pour les 11. forces de sécurité, comme sites de transit pour des personnes déplacées ou comme sites de détention pour des adultes identifiés par les forces de sécurité de Sri Lanka comme d’anciens combattants associés aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul mais n’ayant pas été officiellement inculpés. Dans le cadre d’opérations anti-insurrectionnelles dans le sud de la Thaïlande, le Gouvernement a 12. augmenté le nombre des forces militaires et paramilitaires déployées dans les provinces de Narathiwat, Pattani et Yala. Le Gouvernement a souvent installé ces troupes dans des bâtiments et des enceintes scolaires. Les forces de sécurité ont occupé au moins 79 écoles en 2010. Ces établissements, qui ne sont généralement pas menacés directement, peuvent rester occupés plusieurs années. Pour plus d’informations, voir Human Rights Watch, Thailand—“Targets of Both Sides”: Violence Against Students, Teachers, and Schools in Thailand’s Southern Border Provinces, 2010 ; et Z. Coursen-Neff et B. Sheppard, « Schools as Battlegrounds: Protecting Students, Teachers, and Schools from Attack », in World Report: 2011, Human Rights Watch, 2011, p. 37 à 50.En 2009, dans le nord du Yémen, les forces de sécurité gouvernementales et les rebelles chiites dirigés 13. par Houthi ont occupé au moins 16 écoles lors de combats dans le gouvernorat de Saada. Même après la signature en février 2010 d’un accord de cessez-le-feu entre les parties au conflit, les forces continuèrent d’occuper des dizaines d’écoles. Voir Integrated Regional Information Network, « Yemen: Children hit hardest by northern conflict », 23 février 2010 ; et Seyaj Organization for Childhood Protection, Situation of Children in Armed Conflict: Sa’dah War and Harf Sofian North Yemen, 2009, 2009.Un principe fondamental du droit international humanitaire est la distinction entre les objectifs civils et 14. les objectifs militaires, une attaque ne pouvant viser que des objectifs militaires. Le droit international humanitaire interdit de prendre pour cible des biens de caractère civil, comme des écoles. Pour plus d’informations, voir la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (Convention IV de Genève) et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I).Pour plus d’informations, voir Human Rights Watch, 15. India-Sabotaged Schooling: Naxalite Attacks and Police Occupation of Schools in India’s Bihar and Jharkhand States, 2009.Watchlist on Children and Armed Conflict, 16. Caught in the Middle: Mounting Violations Against Children in Nepal’s Armed Conflict, 2005.Assemblée générale, Résolution 44/25, 17. Convention relative aux droits de l’enfant, document des Nations Unies A/RES/44/25, 20 novembre 1989.Integrated Regional Information Networks, « Yemen: Rebel occupation of schools threatens northern 18. ceasefire », 10 mai 2010.Pour plus d’informations, voir B. Herz et G. Sperling, « What Works in Girls’ Education: Evidence and Policies 19. from the Developing World », Council on Foreign Relations, 2004, p. 63 et 64 ; et Inter-Agency Network for Education in Emergencies, Minimum Standards for Education in Emergencies, Chronic Crises and Early Reconstruction, 2004, p. 47 et 48.Pour plus d’informations, voir Watchlist on Children and Armed Conflict, 20. An Uncertain Future? Children and Armed Conflict in the Central African Republic, 2011.

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Les enfants dans les conflits

Assemblée générale et Conseil de sécurité, 21. Les enfants et les conflits armés, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/64/742-S/2010/181, 13 avril 2010, p. 41.Watchlist on Children and Armed Conflict, 22. Caught in the Middle: Mounting Violations Against Children in Nepal’s Armed Conflict, 2005.J. Gulaid et L. Gulaid, « Children as a Zone of Peace: A Framework for Promoting Child Health and Welfare 23. in Developing Countries », Global Public Health, vol. 4, no 4, 2009, p. 338 à 349.B. Shrestha, 24. A Mapping of SZoP Programs in Nepal, Partnership Nepal, 2008.Pour en savoir plus sur le Quality Education Resource Package de l’UNICEF, voir <www.worlded.org>.25. Pour plus d’informations sur le programme « Les écoles, havres de paix », voir M. Smith, « Schools as Zones 26. of Peace: Nepal Case Study in Access to Education During Armed Conflict and Civil Unrest », in Protecting Education from Attack: A State-of-the-Art Review, UNESCO, 2010, p. 261 à 278.Save the Children, 27. The Future is Now: Education for Children in Countries Affected by Conflict, 2010.Nandini Sundar, Ramachandra Guha and E.A.S. Sarma versus State of Chhattisgarh, Writ Petition (Civil) No. 250 28. of 2007 ; et Independent Citizens’ Initiative, War in the Heart of India: An Enquiry into the Ground Situation in Dantewara District, Chhattisgarh, 2006. Voir aussi N. Sundar, Pleading for Justice, 2010.Kartam Joga and others versus State of Chhattisgarh and Union of India, Writ Petition (Criminal) No. 119 29. of 2007.NHRC (Investigation Division), 30. Chhattisgarh Enquiry Report, sans date, p. 38.Nandini Sundar and others versus State of Chhattisgarh, Writ Petition (Civil) No. 250 of 200731. , décision de la Cour suprême du 18 janvier 2011.Nandini Sundar and others versus State of Chhattisgarh, Writ Petition (Civil) No. 250 of 200732. , décision de la Cour suprême du 5 juillet 2011.Exploitation of Children in Orphanages in the State of Tamil Nadu versus Union of India and ORS, Writ Petition 33. (Criminal) No. 102 of 2007, décision de la Cour suprême du 1er septembre 2010.Cette loi fut adoptée après le quatre-vingt-sixième amendement de la Constitution indienne, 34. le 12 décembre 2002.Inqualabi Nauzwan Sabha and another versus State of Bihar and others35. , Case No. CWJC–4787/1999, Haute Cour de Patna.Shashi Bhusan Pathak versus State of Jharkhand and others, W.P.(PIL) No. 4652 of 200836. , Haute Cour du Jharkhand, Ranchi.Paschim Medinipur Bhumij Kalyan Samiti v. State of West Bengal, W.P. No. 16442(W) of 200937. , Haute Cour de Calcutta.Les Philippines, 38. An act providing for stronger deterrence and special protection against child abuse, exploitation and discrimination, and for other purposes, Republic Act No. 7610, 17 juin 1992.Pour plus d’information sur ces arrêtés, voir Save the Children, 39. Philippine Laws Related to the Discipline and Punishment of Children, 2006.Assemblée générale et Conseil de sécurité, 40. Le sort des enfants en temps de conflit armé, Rapport du Secrétaire général, document des Nations Unies A/65/820-S/2011/250, 23 avril 2011.Sénat des Philippines, loi instaurant une protection spéciale des enfants dans les situations de conflit armé 41. et définissant des sanctions en cas de violation de cette protection, projet de loi no 4480, 7 juin 2011.Draft Manual of Armed Force Law (2nd Ed)42. , vol. 4, par. 14.35.8, cité dans une lettre adressée à Human Rights Watch par le général de brigade Kevin Riordan, directeur général des services juridiques de la défense, Forces de défense néo-zélandaises, 21 avril 2011.

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Soutenir la réintégration des jeunes mères touchées par la guerre

Miranda Worthen, Susan McKay, Angela Veale et Mike Wessells

Miranda Worthen est doctorante à la Division d’épidémiologie de l’Université de Californie, Berkeley. Susan McKay est professeur d’études sur les femmes et le genre, Université du Wyoming. Angela Veale est maître de conférences à la School of Applied Psychology, University College Cork. Mike Wessells est professeur de Clinical Population and Family Health dans le Programme sur la migration forcée et la santé, Columbia University. Les vues exprimées dans le présent article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des organisations qu’ils représentent ou celles de l’Organisation des Nations Unies.

Lors des conflits qui éclatent à travers le monde, des forces armées et des groupes armés enrôlent des enfants pour qu’ils combattent, qu’ils s’occupent des campements, qu’ils effectuent différentes tâches et pour les exploiter sur le plan sexuel. Les expériences des enfants associés aux forces armées ou à des groupes armés sont très diverses et il n’existe de stratégie unique pour les aider lorsque les conflits prennent fin. Cet article s’intéresse plus particulièrement aux expériences que vivent les filles, que ce soit avant d’être enrôlées, pendant tout le temps qu’elles restent avec les forces combattantes, lors des processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et dans leurs communautés, une fois que le processus officiel de DDR se termine. Nous évoquerons aussi une étude participative menée auprès de jeunes mères au Libéria, dans le nord de l’Ouganda et en Sierra Leone. Réalisée principalement avec des enfants ayant été associés aux forces armées ou à des groupes armés, cette méthode très participative veut aider les gens à se réintégrer dans la communauté. Les jeunes mères qui ont participé à cette étude, ont joué un rôle central en s’impliquant dans la conception et l’élaboration d’un processus de réintégration qui les aiderait sur le plan psychosocial et leur permettrait de trouver comment gagner leur vie. Cette formule a été la clef du succès. Ces jeunes mères n’avaient généralement qu’un statut social très limité, manquaient de confiance en elles, ne se respectaient pas et n’avaient pas d’aptitudes économiques élémentaires. Par conséquent, le soutien et la mobilisation de la communauté ont joué, dès le début, un rôle crucial en favorisant la mise en place et la pérennité d’activités de subsistance.

Le processus de DDR

D’après les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration des Nations Unies, le processus de DDR vise à favoriser la sécurité et la stabilité dans les situations d’après-conflit pour permettre le relèvement et le développement1. Ce processus met largement l’accent sur la menace immédiate que peuvent représenter les anciens combattants, qui sont généralement des hommes. La priorité est d’éliminer les armes et de proposer aux gens diverses possibilités de gagner leur vie pour qu’ils ne retournent pas se battre. Les processus de DDR peuvent également favoriser l’instauration d’un environnement propice au développement et à la stabilité. Si la sécurité prise au sens strict signifie la fin des hostilités militaires, au sens large, elle signifie créer des communautés suffisamment sûres et fortes pour résister à la reprise des combats.

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Les enfants dans les conflits

Les premiers processus de DDR impliquant des enfants eurent lieu au milieu des années 90. Les gouvernements et la communauté internationale savaient que les jeunes gens ayant une expérience militaire représentaient une menace pour la paix s’ils ne trouvaient pas de travail à leur retour dans leurs communautés, mais ils n’ont admis que récemment qu’il en était de même pour les filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés, alors qu’elles avaient été jusqu’alors considérées uniquement comme des femmes de combattants ou des filles suivant les campements. Il a fallu la publication de plusieurs rapports examinant la situation de ces filles pour que les responsables politiques reconnaissent que les filles jouent de nombreux rôles dans un conflit, y compris celui de combattant2. Aujourd’hui, si les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration reconnaissent que les jeunes femmes ayant combattu sont tout aussi capables de retourner à la violence si, après le conflit, elles ne trouvent pas de moyens de gagner leur vie3, elles ne soulignent pas le rôle positif que les filles et les jeunes femmes peuvent jouer pour instaurer dans leurs communautés un climat propice au développement et à la paix.

Les gens sont de plus en plus conscients de la présence d’enfants et de jeunes femmes au sein des forces armées et des groupes armés, et de plus en plus de recommandations sont faites au niveau politique pour soutenir les processus de DDR, mais les processus ne tiennent pas comptent du point de vue des filles et ne répondent pas à leurs besoins. Si nous voulons que les processus de DDR soutiennent efficacement la réintégration des filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés, nous devons d’abord comprendre comment les filles définiraient la réintégration et l’expérience qu’elles en ont. Comme le précisent les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration, à leur retour, les filles risquent plus d’être rejetées par la société que les garçons.

Les filles dans les forces armées et les groupes armés

L’expression enfants associés aux forces armées ou à des groupes armés regroupe des réalités très diverses. D’ailleurs, les Principes de Paris reconnaissent que :

La situation et l’expérience des filles et des garçons présentent des points communs, mais la situation des filles peut être très différente en ce qui concerne les raisons et les modalités de leur association avec les forces armées ou groupes armés ; les possibilités de libération ; l’impact de cette association sur leur bien-être physique, social et affectif ; et les conséquences qu’elle peut avoir sur leur capacité d’adaptation à la vie civile ou de réinsertion dans la vie familiale et communautaire après leur libération4.

Les filles, comme les garçons, intègrent les forces armées et les groupes armés par des voies très différentes. Si de nombreuses filles sont enlevées, certaines s’engagent volontairement, souvent pour fuir leur foyer où elles sont maltraitées ou pour suivre des membres de leurs familles dans le service militaire5. Les filles sont parfois plus exposées au risque d’enlèvement

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Soutenir la réintégration des jeunes mères touchées par la guerre

que les garçons car elles doivent souvent s’éloigner de la communauté pour effectuer diverses tâches, comme aller chercher de l’eau ou du bois de chauffe. Dans le vide sécuritaire causé par la guerre, les filles peuvent décider de s’engager dans des forces armées ou des groupes armés pour bénéficier d’une certaine protection. En 1999, au Libéria, de nombreuses filles se sont alliées aux rebelles lorsque la guerre éclata à nouveau, alors qu’elles avaient vécu au sein de la communauté pendant la première phase du conflit. Comme elles avaient vu de nombreux combattants bénéficier de certaines prestations pendant la paix alors qu’elles subissaient des violences dans leurs communautés, elles pensaient qu’elles seraient peut-être plus en sécurité si elles faisaient partie d’un groupe armé.

Si l’on s’est beaucoup intéressé à la situation des filles exploitées comme « esclaves sexuelles » au sein des forces armées et des groupes armées, les filles jouent souvent de multiples rôles, qu’il s’agisse de combattre, de porter du matériel, d’effectuer des tâches ménagères, d’espionner, de piller voire d’enlever d’autres enfants. Lors de l’étude réalisée au Libéria, en Ouganda et en Sierra Leone, la plupart des jeunes mères ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés ont déclaré avoir été victimes d’abus sexuels et avoir été utilisées pour au moins une autre activité, la plupart du temps pour combattre. Elles étaient très importantes pour rassembler de la nourriture et pour gérer la communauté ; certaines se voyaient même confier des responsabilités. Une étude analysant trois rapports sur la situation des filles associées aux forces armées ou à des groupes armés a conclu que les filles jouent un rôle opérationnel déterminant dans le fonctionnement général des groupes armés et que ce n’est pas un hasard si les elles sont généralement les dernières à être libérées par les commandants et les chefs des groupes armés6.

La réintégration des filles

Les filles ont bien moins de chances que les garçons de quitter les forces armées ou les groupes armés par le biais de processus officiels de DDR. Pendant très longtemps, ces processus attendaient des participants qu’ils restituent leurs armes, ce qui constituait une discrimination très claire à l’encontre des filles qui n’avaient pas accès aux armes. En outre, les filles qui avaient eu des armes ont signalé que leurs armes leur avaient été confisquées pour être données à des hommes. Lorsque les processus de DDR n’exigent pas la restitution d’armes, les filles affirment n’avoir pas été informées ou décident de ne pas participer à ce processus réalisé au vu et au su de tous. Elles préfèrent, bien souvent, retourner dans leurs communautés d’origine ou s’installer dans une nouvelle communauté sans passer par un processus de DDR7.

D’après les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration des Nations Unies :

Les personnes chargées d’élaborer les programmes de DDR ne sont pas conscients de la présence de filles dans les forces armées ou groupes armés ni de leurs différents rôles, ne connaissent pas les mesures dont elles auraient

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Les enfants dans les conflits

besoin et, par conséquent, conçoivent souvent des programmes qui, de manière involontaire, empêchent les filles de participer à ces programmes et compromettent leurs chances de relèvement à long terme8.

Dans les programmes de DDR, les filles sont continuellement exposées à l’insécurité des camps militaires. Par exemple, en Ouganda, les filles qui rejoignirent l’armée ougandaise après avoir quitté l’Armée de résistance du Seigneur ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel dans les casernes. Les filles ayant des enfants sont particulièrement vulnérables car des conflits peuvent les opposer à leurs familles ou leurs maris à propos des enfants. Cette menace peut persister une fois que les mères adolescentes sont de retour dans leurs communautés. En plus des divers obstacles qui les empêchent de rejoindre leurs familles, ces filles craignent de voir les rebelles qui sont les pères de leurs enfants tenter de venir les chercher ainsi que leurs enfants. Si le principe de regroupement des familles est l’un des éléments clefs des processus de DDR pour les enfants associés aux forces armées ou à des groupes armés, c’est un objectif que ne souhaitent pas forcément les mères adolescentes ; elles peuvent préférer s’installer avec leurs enfants loin de leurs familles. D’ailleurs, il ressort de l’étude participative que les filles sont nombreuses à s’installer dans de nouvelles communautés lorsqu’elles quittent les forces armées ou les groupes armés. Par conséquent, la « réintégration » signifie réintégrer la société civile et pas forcément retourner dans sa communauté d’origine9.

Dans le cas des mères adolescentes, il peut y avoir un décalage très grand entre les organisations non gouvernementales (ONG) qui se placent du point de vue des enfants – et prônent le regroupement des familles – et ces jeunes filles, qui ne se considèrent plus forcément comme des enfants depuis qu’elles ont leurs propres enfants. Les relations qu’entretiennent les jeunes filles avec les enfants qu’elles ont eus alors qu’elles étaient associées aux forces armées ou à des groupes armés sont complexes. Il arrive que certains de ces enfants soient tués délibérément, d’autres meurent suite à des négligences, d’autres encore sont abandonnés par leurs mères lorsqu’elles ont l’occasion de fuir, mais la plupart de ces enfants sont bien traités, même lorsque les filles se sont retrouvées enceintes suite à des violences sexuelles.

Parmi les programmes de réintégration soutenus par des ONG, les rares à proposer des possibilités à des filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés ont tendance à entretenir l’absence d’opportunités offertes aux filles. Les programmes de formation proposés concernent principalement des domaines habituellement réservés aux femmes comme la confection, qui n’est pas forcément l’activité la plus recherchée au sortir d’un conflit. Il est, en outre, très difficile pour les mères adolescentes de participer aux programmes de formation professionnelle proposés par les ONG ou les gouvernements, car ils ne prévoient généralement pas de services de garde d’enfant.

La discrimination dont ont souffert les filles avant de s’engager auprès de forces armées ou de groupes armés, comme l’inégalité d’accès à l’enseignement primaire, se poursuit et explique le peu d’opportunités qui leur sont offertes lors de la phase de réintégration après le conflit.

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Soutenir la réintégration des jeunes mères touchées par la guerre

Par exemple, les filles ont moins de chances de reprendre des études scolaires soit parce qu’elles n’ont pas les moyens nécessaires soit parce que des règles interdisent d’accepter dans les établissements scolaires des filles ayant elles-mêmes des enfants. Par conséquent, sur le plan de l’alphabétisation des enfants, l’écart existant avant la guerre est entretenu après le conflit.

Les mères adolescentes qui s’installent chez elles ou dans de nouvelles communautés sont souvent rejetées ou marginalisées. Certaines communautés jugent que ces filles ont été souillées sur le plan spirituel car elles ont eu des relations sexuelles en dehors des règles traditionnelles10. En raison de leur propre précarité économique, les gens se sentent souvent démunis face à la nécessité d’aider les mères adolescentes ou leurs enfants. Des parents prêts à recevoir leurs filles peuvent rejeter les enfants de celles-ci nés pendant la guerre affirmant qu’ils n’ont pas les moyens d’entretenir des « enfants de rebelles » ou des enfants dont ils ignorent qui est le père.

L’absence d’infrastructures sociales et économiques dans les communautés est un problème pour ces filles comme pour leurs enfants. Lorsque des communautés entières sont dévastées sur le plan économique, la marginalisation de ces adolescentes mères les oblige à vivre dans des situations extrêmes, voire à souffrir de la faim. Une enquête menée auprès de filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés en Ouganda a constaté que la plupart d’entre elles ne travaillaient que deux jours par semaine et gagnaient environ 75 centimes par jour11. Les mères adolescentes en Sierra Leone ont dit qu’elles devaient aller quémander de la nourriture12.

Même si l’on connaît aujourd’hui la situation des filles et des jeunes mères lorsqu’elles quittent les forces armées ou les groupes armés, il existe peu de programmes efficaces pour les aider. Les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration recommandent des processus sans échéance précise au sein des communautés, car la réintégration est un processus social et économique qui s’inscrit dans le long terme et ne peut se contenter de programmes ponctuels de formation. Nous allons maintenant présenter le processus et les conclusions d’un projet participatif mené auprès de jeunes mères pour comprendre comment elles envisagent la réintégration et les aider à participer à l’élaboration de programmes efficaces.

L’étude participative menée auprès de jeunes mères

L’étude participative, menée pendant 3 ans dans plusieurs pays, fut mise au point après que deux conférences internationales sur le thème des mères adolescentes ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés eurent conclu à l’absence de programmes efficaces de réintégration13. Le but était de comprendre ce que ces personnes entendaient par réintégration et les aider à concevoir des initiatives qui favoriseraient leur réintégration. L’étude fut menée entre octobre 2006 et juin 2009 au Libéria, dans le nord de l’Ouganda et en Sierra Leone ; il

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s’agissait d’un partenariat entre les auteurs de cet article, qui organisaient le projet, trois universitaires africains et dix organisations de protection de l’enfance14. Chaque organisation a mené des opérations sur le terrain, en se rendant dans deux sites différents. Elles ont ainsi couvert 20 communautés représentant des villages ruraux, des communautés périurbaines et des bidonvilles.

La mise en place du projet

L’étude participative a porté sur plus de 650 jeunes mères et 1 200 enfants. Les deux tiers de ces filles avaient été associées aux forces armées ou à des groupes armés et étaient tombées enceintes ou avaient eu leurs enfants durant cette période. Les autres étaient de jeunes mères considérées comme vulnérables par les communautés mais n’ayant jamais été associées aux forces armées ou à des groupes armés. La plupart des participantes avaient été déplacées à cause du conflit, nombre d’entre elles s’étaient retrouvées orphelines et certaines souffraient de handicaps physiques. Ces filles, âgées de moins de 18 ans lorsqu’elles eurent leurs enfants, avaient, au moment où l’étude fut réalisée, en moyenne 18 ans en Ouganda, 20 ans au Libéria et 22 ans en Sierra Leone. C’est la raison pour laquelle on parle de « jeunes mères » et non pas de « mères adolescentes ».

Les Principes de Paris recommandent que :

Les programmes destinés à prévenir le recrutement des enfants et à protéger, libérer et réinsérer ceux qui ont été recrutés doivent être suivis et évalués de façon permanente et en concertation avec les communautés. Les enfants, et plus particulièrement les filles, ayant été associés aux forces armées ou à des groupes armés doivent participer à la surveillance et à l’évaluation des initiatives lancées pour les aider15.

La méthodologie participative consiste à faire participer le plus grand nombre possible de jeunes mères ; l’idée est de reconnaître que les jeunes mères sont celles qui connaissent le mieux leurs besoins et les plus à même d’élaborer des programmes appropriés pour régler leurs problèmes si elles bénéficient d’une aide adaptée. Ce type d’étude favorise une très grande participation, mobilise tous les membres de la communauté, renforce les capacités locales et entend clairement aider les gens à prendre en main leur destin16.

Les organisations avaient choisi des communautés qui avaient été fortement touchées par le conflit et où devaient certainement se trouver un grand nombre de personnes susceptibles de participer à l’étude. Les représentants des organisations rencontrèrent les chefs des communautés, hommes et femmes, ainsi que les responsables des différents districts afin d’évaluer l’intérêt des communautés pour une étude participative. De nombreuses rencontres eurent lieu avec les communautés avant que ne soient sélectionnées les personnes qui participeraient à l’étude. Une fois qu’elles eurent obtenu l’accord des chefs des communautés, les organisations rencontrèrent des accoucheuses traditionnelles et différentes femmes pour

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identifier des personnes susceptibles de participer à l’étude et leur expliquer l’objectif de cette initiative. Le personnel des organisations rencontra les jeunes mères à plusieurs reprises – souvent en présence de leur famille ou de leur petit ami – pour répondre aux questions qu’elles pouvaient avoir et les aider à décider si elles acceptaient ou non de participer à l’étude. Une fois que ces filles avaient pris leur décision, elles prenaient part à une procédure de consentement donné en connaissance de cause approuvée par la commission d’évaluation de l’Université du Wyoming.

Elles étaient ensuite souvent invitées à recruter d’autres jeunes mères, le but étant de rassembler une trentaine de personnes dans les différentes communautés. Les jeunes mères commencèrent à se réunir avec une personne travaillant pour une organisation ou un assistant de recherche intervenant comme facilitateur. Lors des premières réunions, les participantes désignaient les membres de la communauté qui, selon elles, pourraient jouer un rôle de conseiller auprès du groupe. Ces hommes et femmes de confiance participaient parfois aux réunions ou les aidaient à régler des différends qui pouvaient surgir au sein du groupe ou entre les membres du groupe et leurs familles. Au cours de ces premières réunions, ces jeunes mères s’entraidaient et se faisaient des amies ; elles comprenaient qu’elles n’étaient pas seules face à leurs souffrances. Il était crucial que des relations se nouent entre les filles participant à l’étude mais aussi entre ces filles, le personnel des organisations et la communauté car ces relations constituaient la base de toutes les actions ultérieures.

La gestion du projet

Le facilitateur intervenait pour former ces jeunes mères à mener des entretiens, à conduire des jeux de rôles et à diriger des groupes de discussions. Elles ont ainsi commencé à étudier de façon plus systématique leur propre vie et à identifier des problèmes auxquels elles se heurtaient toutes. Dans ces communautés, les jeunes mères ont estimé que les pires difficultés étaient le fait d’être rejetées par leurs familles et la communauté, l’impossibilité d’avoir accès à une éducation et à des soins médicaux et le peu de possibilités qu’elles avaient de gagner leur vie. Ces filles aspiraient à être acceptées et respectées, elles voulaient que leurs enfants soient traités de la même façon que les autres enfants de la communauté et elles espéraient trouver une activité intéressante au sein de leurs communautés.

En discutant entre elles et en parlant aux conseillers de la communauté et au personnel des organisations, elles purent déterminer des actions sociales susceptibles de les aider à régler leurs problèmes. Chaque groupe disposait d’une petite somme qu’il pouvait utiliser comme bon lui semblait. Les participantes discutèrent longuement sur la meilleure façon d’utiliser cet argent sachant qu’elles seraient responsables du succès ou de l’échec des projets retenus. Dans certaines communautés, les jeunes mères décidèrent de chercher dans un premier temps à améliorer les relations au sein de la communauté. Une participante a ainsi décrit l’impact qu’avait eu la pièce qu’elle avait joué pour décrire son retour dans la société :

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Nous avons monté une pièce de théâtre décrivant ce que nous avons vécu à notre retour et la façon dont les gens nous évitaient. Cette pièce montrait aussi l’isolement que nous avons ressenti à ce moment-là. [...] Nous avons joué notre pièce devant les gens de la communauté et ils nous ont dit qu’ils voulaient se joindre à nous et participer à nos activités. Avant, les autres n’osaient pas nous aborder, mais maintenant, ils viennent nous parler. Jouer cette pièce nous a permis de nous rapprocher des gens17.

Certains groupes de jeunes mères décidèrent de s’impliquer dans des activités communautaires et proposèrent, par exemple de nettoyer le puits du village ou de balayer les rues. Les filles prouvaient ainsi à la communauté qu’elles étaient déterminées et qu’elles voulaient améliorer non seulement leur propre vie mais aussi celle de la communauté.

Dans d’autres régions, les jeunes mères cherchèrent d’abord comment gagner leur vie ; elles pensaient que si elles parvenaient à démontrer à la communauté qu’elles étaient capables de subvenir à leurs besoins, elles ne seraient plus mises au ban de la société. Certaines filles s’engagèrent dans des activités collectives, comme l’entretien d’un jardin communautaire (situé généralement sur des terres données par des membres de la communauté), la vente de nourriture, la fabrication de savon, le tissage ou la teinture de tissu. D’autres décidèrent de lancer leur propre activité de petit commerce, de coiffure ou de fabrication de bijoux. Il arrivait souvent que si l’activité de l’une d’elles connaissait des difficultés, d’autres filles ou des conseillers de la communauté lui venaient en aide. Dans un site urbain du Libéria, plusieurs participantes se sont fait confisquer leur marchandise par la police car elles exerçaient dans un quartier de la ville où aucune activité commerciale n’était tolérée. Leur groupe organisa une réunion d’urgence et les membres du groupe qui n’avaient pas été touchés partagèrent leurs produits avec celles qui avaient perdu leurs marchandises afin qu’elles puissent redémarrer une activité. En Ouganda, une mauvaise gestion faillit aboutir à la fermeture d’une activité commune de vente de nourriture. Les conseillers de la communauté proposèrent de gérer les affaires le temps que les mères qui participaient à cette activité règlent les difficultés et apprennent les bases de la comptabilité.

La conclusion du projet

Le projet approchant de son terme officiel et les soutiens financiers s’arrêtant, les participantes et le personnel des organisations travaillèrent ensemble à l’élaboration de plans pour préserver les activités mises en place. Certains groupes s’enregistrèrent comme organisations communautaires, un statut leur permettant de demander des subventions aux gouvernements ou à certaines organisations. D’autres filles décidèrent d’adhérer à des groupes locaux ou à des associations de femmes. Heureusement, de nombreux conseillers de la communauté décidèrent de continuer à les aider.

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Il ressort de l’évaluation ethnographique et de l’enquête réalisées à la fin du projet que les jeunes mères ont nettement amélioré leurs conditions de vie et celles de leurs enfants. Elles ont désormais l’impression d’être des membres à part entière de la communauté et se sentent mieux à même de s’occuper de leurs enfants. Au fur et à mesure qu’elles apprenaient à connaître les personnes impliquées dans le projet, de nombreuses participantes se confiaient et disaient avoir exercé des activités sexuelles. Il leur avait semblé alors que c’était pour elles le seul moyen de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Certaines étaient très fières de pouvoir dire que leurs nouvelles aptitudes économiques leur avaient permis de limiter voire d’arrêter leur participation à des transactions sexuelles. En réfléchissant aux résultats de l’étude participative dans leurs communautés, certaines personnes ont estimé qu’il s’agissait là d’un résultat remarquable et ont déclaré qu’elles étaient plus disposées à soutenir les jeunes mères maintenant qu’elles n’exerçaient plus d’activités sexuelles.

Ces jeunes mères étaient également fières de dire qu’elles pouvaient désormais participer à des réunions de la communauté et s’exprimer en public sans difficultés. Avant l’étude participative, les jeunes mères s’étaient isolées en raison de l’hostilité que leur manifestaient les membres de la communauté. Plus de 80 % des jeunes mères ont affirmé qu’elles pouvaient désormais s’exprimer en public plus facilement. L’étude participative avait également aidé ces jeunes mères et leurs enfants à mieux se faire acceptés par leurs familles – 87 % des jeunes mères ont déclaré que depuis qu’elles ont participé à cette étude, elles se sentent plus appréciées ou plus aimées par leurs familles18.

Des résultats concrets

Les programmes de DDR sont souvent considérés comme des processus individuels, mais cette étude a clairement mis en évidence le rôle crucial de la dynamique de groupe pour favoriser la réintégration des jeunes mères. L’étude participative mettait l’accent sur l’importance des efforts personnels (les participantes devant s’impliquer dans la recherche, la conception, l’application et l’évaluation du programme), mais l’entraide restait l’élément central du projet. L’entraide qui s’instaura entre le groupe et les membres de la communauté, y compris des responsables hommes ou femmes, fut aussi déterminante. Ainsi, dans certains contextes, la réintégration ne devrait pas être envisagée uniquement comme un processus visant à former des individus pour les réinsérer dans la communauté, mais comme un processus concernant toute une communauté soucieuse d’apprendre à vivre pacifiquement.

Dans ces trois États africains, les priorités des participantes reflétaient des aspirations cruciales communes : ne plus être rejetées, améliorer leur source de revenus, avoir accès à l’éducation et aux soins médicaux. La plupart des participantes ont trouvé une activité convenable pour gagner leur vie et ont décidé de travailler ensemble en plus de mener leur propre petite activité. Si les programmes de DDR habituellement prévus pour les filles se concentrent sur un nombre limité d’activités professionnelles, les filles ont trouvé toute une série d’activités correspondant aux besoins de leurs communautés. Les programmes de DDR proposent

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souvent un type de formation professionnelle ou le versement unique d’une somme d’argent. Les filles qui ont participé à notre étude ont constaté qu’elles avaient souvent besoin d’une « deuxième chance » parce que leur première activité n’avait pas marché ou parce qu’elles avaient eu des problèmes de santé qui les avaient obligés à utiliser l’argent pour des soins médicaux. En outre, les jeunes mères qui s’en sortent le mieux sont généralement celles qui ont décidé d’aller à l’école ou de suivre une formation et qui mènent, en parallèle, une activité pour gagner de l’argent. Il est important de préciser que les participantes ont décidé elles-mêmes d’utiliser l’argent qu’elles gagnent pour payer l’éducation de leurs enfants ce qui laissent penser que les programmes qui subordonnent l’aide à la réalisation de conditions fixées par le donateur ne sont peut être pas indispensables pour atteindre l’objectif visé. Par ailleurs, il est certain que verser de l’argent à ces filles sans les aider à se faire acceptées par la communauté, à acquérir des aptitudes économiques et à reprendre confiance n’aurait pas marché. Ces jeunes mères avaient, en effet, besoin de ces soutiens pour que l’aide financière produise des effets durables.

Grâce à leur nouvelle situation économique, les jeunes mères ont constaté une amélioration de leurs relations avec leurs familles et la communauté. Une participante a dit que sa mère qu’il l’avait maltraitée et lui avait reproché d’avoir eu des enfants, avait plus de considération pour elle maintenant qu’elle fabriquait des savons qu’achètent les gens de la communauté. Au Libéria, une personne a déclaré :

La façon dont ces jeunes mères sont perçues a beaucoup changé. Au début, la communauté les considérait comme les femmes des combattants ; même leurs familles les rejetaient. Maintenant, elles gagnent de l’argent, elles pourvoient aux besoins de leurs familles et sont respectées par la communauté19.

Ces filles, qui avaient été considérées comme une charge par leurs familles et la communauté, sont perçues comme de jeunes mères utiles et sérieuses depuis qu’elles ont démontré leur capacité à subvenir à leurs besoins. Les programmes de DDR axés sur la communauté devraient comprendre plusieurs facettes et s’attaquer aux problèmes économiques et sociaux ; les progrès que les jeunes mères peuvent faire au niveau de leur bien-être économique favorisent certainement une amélioration de leur bien-être social.

Les filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés, qui étaient considérées comme une menace pour la sécurité de leurs familles et de la communauté, peuvent jouer un rôle positif dans leur société lorsqu’elles réussissent leur réinsertion économique. Les jeunes mères estiment qu’une réintégration réussie signifie qu’elles sont un membre productif de la famille et qu’elles sont notamment capables de subvenir aux besoins de leurs enfants.

L’étude participative a permis de mieux comprendre les processus de réintégration dans trois États animés par des dynamiques différentes alors qu’ils en étaient à des stades divers de la transition après un conflit. En Sierra Leone, qui était sortie du conflit depuis plus longtemps, la communauté semblait plus encline à soutenir les participantes dès les premières phases de

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l’étude participative. Par contre, au Libéria, les participantes mirent plus longtemps à nouer de bonnes relations avec la communauté. En Sierra Leone, les chefs donnèrent très tôt des terres aux groupes participant à l’étude alors qu’au Libéria les conseillers leur dirent que des membres de la communauté risquaient d’aller piétiner ce qu’elles sèmeraient pour anéantir leurs chances d’avoir un jardin. Les filles durent parler pendant des mois aux membres de la communauté avant d’obtenir des terres et de réussir à nouer des relations suffisamment bonnes avec les gens pour que leurs jardins soient protégés. Par conséquent, les programmes de réintégration devraient être adaptés à la phase de transition dans laquelle se trouve chaque État et des phases d’adaptation devraient être prévues.

Une des particularités de l’étude participative était l’accent qu’elle mettait sur les partenariats entre organisations. Alors qu’elles se trouvent souvent en situation de concurrence pour des financements, ces organisations ont accepté de coopérer dans le cadre de ce projet et d’échanger, au fur et à mesure, les enseignements qu’elles tiraient de leur participation à cette étude ; elles ont aussi travaillé avec des universitaires locaux pour multiplier les possibilités qu’avaient les participantes de partager leurs informations entre elles mais aussi avec les organisateurs. Les universitaires locaux ont favorisé l’évaluation rigoureuse de l’étude participative. Peut-être plus important encore, les partenariats avec nos donateurs ont joué un rôle déterminant dans le succès de l’étude. Ils étaient très impliqués, recevaient régulièrement des informations sur les résultats du processus et posaient des questions au fur et à mesure. Les donateurs participaient aux réunions annuelles de tous les partenaires, y compris les représentants des jeunes mères pour chaque pays, et se rendirent sur place pour constater par eux-mêmes les résultats de l’étude participative. En étant ainsi continuellement impliqués, ils purent mieux gérer leurs attentes. En raison de la nature participative du projet, il avait été impossible d’annoncer d’emblée les résultats escomptés. Les filles impliquées déterminant elles-mêmes les objectifs de l’étude, les donateurs devaient être disposés à financer un projet qui ne serait pas prédéfini. Cette attitude contraste fortement avec le financement habituel des programmes pour la protection de l’enfance. En général, les organisations décrivent dans la proposition initiale les ressources qui seront mobilisées, les prévoient au budget et précisent comment elles mesureront les résultats. Il est dès lors plus difficile de faire preuve de flexibilité et de s’adapter aux besoins des participants.

Par rapport à d’autres programmes de réintégration, cette étude présente la particularité de pouvoir être transposée à plus grande échelle. Si les méthodes participatives peuvent être appliquées à d’autres situations et à d’autres communautés, elles nécessitent au début un effort important pour former et soutenir le personnel des organisations et intervenir auprès des communautés et des participants. À la différence des programmes habituels qui prévoient un soutien psychosocial et une formation professionnelle, la formule participative encourage les personnes impliquées à mettre en place des groupes d’entraide et à travailler au sein du groupe pour identifier les besoins et trouver comment les satisfaire. Ce processus est nettement plus lent que les programmes habituels, mais il permet une réintégration durable et, par comparaison, ne coûte pas cher.

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Conclusion

Les expériences que vivent les filles et les jeunes femmes avant, pendant et après les conflits sont très différentes de celles des garçons et des hommes. Les filles qui deviennent mères alors qu’elles sont associées aux forces armées ou à des groupes armés ont encore plus de difficultés à se réintégrer que les jeunes femmes sans enfant. L’étude participative a montré que la réintégration des jeunes mères ne peut réussir que si elle est fondée sur une bonne compréhension des expériences de ces filles. La réintégration des jeunes mères implique la mobilisation de la communauté et nécessite un soutien à plus long terme que ce qui est habituellement prévu par les programmes de réintégration. Il faut absolument encourager la cohésion sociale entre les jeunes mères ainsi qu’entre ces filles et la communauté.

Les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration et les Principes de Paris donnent de très bonnes indications sur la façon d’améliorer les programmes de réintégration des jeunes mères. Les donateurs doivent demander aux organisations de mettre sérieusement en œuvre ces indications dans leurs programmes ; les donateurs doivent mobiliser sur le long terme des fonds et les mettre à disposition de manière flexible pour favoriser la réintégration des filles ayant été associées aux forces armées ou à des groupes armés. Quant aux organisations, elles doivent s’impliquer davantage pour favoriser une participation sérieuse des jeunes et développer une aide à la réintégration en fonction des besoins exprimés par les jeunes mères.

Il ressort de ce projet que les filles et les jeunes femmes qui sont très marginalisées au sein de leurs familles et de leurs communautés sont déterminées et capables d’agir pour gagner le respect de la communauté et contribuer aux besoins de leurs familles.

Notes

Nations Unies, « 1.10: Introduction to the IDDRS », 1. Integrated Disarmament Demobilization and Reintegration Standards, 2006, p. 1.Pour plus d’informations, voir S. McKay et D. Mazurana, 2. Where are the Girls? Girls in Fighting Forces in Northern Uganda, Sierra Leone and Mozambique: Their Lives During and After War, 2004 ; B. Verhey, Reaching the Girls: Study on Girls Associated with Armed Forces and Groups in the Democratic Republic of Congo, Save the Children, 2004 ; V. Stavrou, Breaking the Silence: Girls Forcibly Involved in the Armed Struggle in Angola, Agence canadienne de développement international (ACDI), 2006 ; et M. Denov, Girls in Fighting Forces: Moving Beyond Victimhood, ACDI, 2007.Nations Unies, « 5.20: Youth and DDR », 3. Integrated Disarmament Demobilization and Reintegration Standards, 2006, p. 19.Voir Section 4.0 des Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux 4. groupes armés (Principes de Paris), adoptés en 2007.R. Brett et I. Specht, 5. Young Soldiers: Why They Choose to Fight, 2004.M. Denov, « Girl Soldiers and Human Rights: Lessons from Angola, Mozambique, Sierra Leone and Northern 6. Uganda », The International Journal of Human Rights, vol. 12, no 5, 2008, p. 813 à 836.Pour plus d’informations, voir M. Robinson et S. McKay, 7. Conference Report, « A Conference on Girl Mothers in Fighting Forces and Their Post-War Reintegration in Southern and Western Africa », Bellagio, 12-18 avril

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2005 ; et S. McKay et al., « Known But Invisible: Girl Mothers Returning From Fighting Forces », Child Soldiers Newsletter, no 11, 2004, p. 10 et 11. Tous les numéros de la Child Soldiers Newsletter sont disponibles en ligne, à l’adresse <www.child-soldiers.org>.Nations Unies, « 5.30: Children and DDR », 8. Integrated Disarmament Demobilization and Reintegration Standards, 2006, p. 10.D’après l’étude participative, le pourcentage des jeunes mères se trouvant dans une communauté où elles 9. n’avaient jamais vécu auparavant était de 35 % au Libéria, de 21 % en Ouganda et de 44 % en Sierra Leone.Pour plus d’informations, voir T. Betancourt, « High Hopes, Grim Reality: Reintegration and the 10. Education of Former Child Soldiers in Sierra Leone », Comparative Education Review, vol. 52, no 4, 2008, p. 565 à 587 ; et M. Worthen et al., « ‘I Stand Like A Woman’: Empowerment and Human Rights in the Context of Community-Based Reintegration of Girl Mothers Formerly Associated with Fighting Forces and Armed Groups », Journal of Human Rights Practice, vol. 2, no 1, 2010, p. 49 à 70.Consulter le site <http://chrisblattman.com/projects/sway/> pour les détails et données de cette enquête.11. S. McKay 12. et al., « Known But Invisible: Girl Mothers Returning From Fighting Forces », Child Soldiers Newsletter, no 11, 2004, p. 10 et 11.Pour plus d’informations, voir S. McKay 13. et al., « Building Meaningful Participation in Reintegration Among War-Affected Young Mothers in Liberia, Sierra Leone and Northern Uganda », Intervention, vol. 9, no 2, p. 108 à 124.Voir <www.uwyo.edu/girlmotherspar> pour plus d’informations sur l’étude participative et connaître les 14. organisations partenaires.Voir Section 10.0 des Principes de Paris.15. Pour une description détaillée de l’étude participative, voir M. Minkler et N. Wallerstein (sous la direction 16. de), Community-Based Participatory Research for Health: From Process to Outcomes, 2008.S. McKay 17. et al., Community-based Reintegration of War-Affected Young Mothers: Participatory Action Research (PAR) in Liberia, Sierra Leone and Northern Uganda, Women’s United Nations Report Network, 2010, p. 13.Ibid.18. , p. 43.Ibid.19. , p. 25.

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Universalisme ou relativisme culturel : comment améliorer les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration

Lysanne Rivard

Lysanne Rivard est étudiante au doctorat dans le Department of Integrated Studies in Education, à l’Université McGill (Canada) ; elle est assistante de recherche pour le programme de recherche femSTEP du McGill Institute for Gender, Sexuality, and Feminist Studies. Ses recherches portent principalement sur les méthodologies visuelles participatives, l’activité physique et le sport, la question du genre, et les droits des enfants dans les situations de conflit et d’après-conflit. Les vues exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill ou de l’Organisation des Nations Unies.

L’utilisation d’enfants soldats étant en contradiction avec la conception occidentale de l’enfance, la communauté internationale considère l’utilisation d’enfants soldats comme une violation grave des droits de l’enfant1. Le problème des enfants soldats et la question de leur réintégration sont des sujets récurrents dans le débat opposant ceux qui défendent l’universalisme des droits de l’enfant et ceux qui estiment que ces droits devraient tenir compte de spécificités culturelles2. D’après la conception universaliste, l’enfance représente un groupe cohérent ou un état défini par des besoins et des désirs identiques quelles que puissent être les différences ethniques, raciales ou sociales3. Les partisans de l’universalisme estiment que tous les enfants du monde ont les mêmes besoins et qu’ils doivent bénéficier du même soutien et des mêmes mécanismes de protection. Ils préconisent donc d’interdire totalement l’utilisation d’enfants soldats et de prévoir des sanctions en cas de manquement à cette règle.

Quant aux défenseurs du relativisme culturel, ils affirment que l’enfance est une conception sociale déterminée par des personnes et des groupes ayant souvent des intérêts divergents. L’enfance est, par conséquent, relative4. Les tenants du relativisme culturel reprochent aux partisans de l’universalisme de ne pas tenir compte des différentes conceptions sociales, culturelles et politiques que les cultures peuvent avoir de l’enfance. Ce qui manque c’est une meilleure compréhension des dynamiques et conditions locales qui définissent et orientent les expériences que vivent les enfants soldats ainsi que la façon dont ceux-ci perçoivent leurs expériences.

Ces différentes approches influencent la façon dont les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) sont conçus et mis en œuvre pour répondre aux besoins des enfants soldats. Cet article fait le point sur ce que les partisans de l’universalisme et les tenants du relativisme culturel considèrent comme les principaux problèmes et difficultés des programmes actuels de DDR pour les enfants soldats.

La définition d’un enfant soldat

D’après les conceptions occidentales postmodernes, les enfants sont des êtres vulnérables et innocents et ne doivent, par conséquent, pas prendre part à des conflits armés. Ce qui différencie un adulte d’un enfant c’est que les adultes sont tenus pour responsables de leurs actes et doivent en répondre, alors que les enfants ne sont pas considérés comme moralement

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responsables de leurs pensées ni de leurs actions et « sont généralement considérés comme ayant des droits plutôt que des responsabilités »5. Appliquée à la question des enfants soldats, cette façon de voir les enfants comme des êtres innocents, inexpérimentés et vulnérables, a conduit à l’élaboration et à la mise en œuvre d’instruments internationaux définissant et réglementant l’utilisation d’enfants soldats.

La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre compte deux protocoles additionnels traitant spécialement du cas des enfants soldats6 :

le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la •protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la •protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II)

Le Protocole I, qui s’applique aux conflits armés internationaux, interdit de recruter des enfants de moins de 15 ans. Il n’interdit toutefois pas explicitement aux États parties d’accepter que des enfants de moins de 15 ans s’engagent volontairement. Concernant les conflits armés non internationaux, l’article 4 du Protocole II interdit totalement l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans ; ils « ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités ». Cette interdiction contraste avec l’article 77 du Protocole I qui stipule que les États parties « prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités », autrement dit, les enfants de moins de 15 ans peuvent s’engager volontairement dans les conflits internationaux et les guerres de libération nationale. L’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale définit « [l]e fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités » comme des crimes de guerre.

La formule de l’article 77 du Protocole I est reprise à l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant à l’exception du mot « enfants » qui est remplacé par « personnes ». En outre, la Convention relative aux droits de l’enfant définit ce qu’est un enfant, une initiative que les Protocoles I et II ont délibérément évitée. Aux termes de l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans ». Les instruments suivants définissent aussi ce qu’est un enfant et fixent à 18 ans l’âge minimal pour participer à un conflit armé et ne reconnaissent pas l’engagement volontaire pour les personnes de moins de 18 ans :

les Principes du Cap concernant la prévention du recrutement d’enfants dans les forces •armées, et la démobilisation et la réinsertion sociale des enfants soldats en Afrique ;la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant ; •la Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action •immédiate en vue de leur élimination ;

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Universalisme ou relativisme culturel

le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant •l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration pour les enfants soldats

Les programmes de DDR entendent favoriser une transition pacifique de la vie militaire à la vie civile en désarmant les anciens combattants, en les démobilisant et en les aidant à réintégrer leurs communautés pour reprendre une vie sociale ou à intégrer une nouvelle armée nationale ou des forces de police. D’après les Normes intégrées de désarmement, démobilisation et réintégration des Nations Unies, le processus pour les enfants est différent de celui destiné aux adultes car :

À la différence des adultes, les enfants ne peuvent être recrutés légalement ; par conséquent, les mesures visant à empêcher leur recrutement ou celles cherchant à les réintégrer dans leurs communautés ne devraient pas être considérées comme un élément ordinaire du rétablissement de la paix mais comme une initiative visant à empêcher la violation des droits des enfants ou destinée à remédier à de telles violations7.

Un rapport de la Banque mondiale a conclu que pour protéger les enfants soldats et pourvoir à leurs besoins particuliers, il faut les séparer de toute autorité militaire et les protéger pendant la démobilisation8. Le rapport soulignait aussi l’intérêt de mettre en place des centres spéciaux pour accueillir les enfants soldats pendant la démobilisation tout en veillant à ce que leur séjour soit aussi court que possible. De plus, la réintégration des enfants soldats devrait insister sur trois points : le regroupement des familles, le soutien psychosocial et l’éducation, et les opportunités économiques.

L’approche universaliste

Toute une série d’études ont conclu que la clef du succès pour les processus de DDR était la réconciliation et l’acceptation par les familles et la communauté. Les pratiques efficaces consistent à sensibiliser les communautés, à perpétuer les rites de purification et à offrir une aide psychosociale ancrée dans les pratiques sociales et culturelles locales9. Les campagnes de sensibilisation jouent un rôle important en aidant les communautés locales à mieux comprendre les conditions dans lesquelles ont vécu les enfants soldats ; elles sont une première étape indispensable vers la réconciliation. Multiplier les possibilités d’instruction et de formation professionnelle peut être un facteur de succès, mais une analyse du marché local est nécessaire pour déterminer si l’économie locale peut, après le conflit, absorber et entretenir ces nouvelles activités.

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Les enfants dans les conflits

La majorité des services de DDR sont dispensés par des centres de soins intermédiaires, généralement jugés efficaces. Ces centres ont toutefois été critiqués pour favoriser une certaine dépendance à l’égard des services offerts lorsque les moyens sont insuffisants pour soutenir correctement les initiatives de réintégration à plus long terme. De plus, en recensant les enfants ayant combattu et en n’offrant qu’à une petite partie de la population locale des services qui font cruellement défaut, ces centres peuvent, sans le vouloir, engendrer des tensions sociales. Il ressort des divers documents publiés sur la question que l’un des principaux problèmes est l’extrême attention et le soutien dont bénéficient les enfants soldats par rapport aux autres enfants qui ont également souffert pendant le conflit. Réserver un traitement spécial aux enfants soldats et les soutenir peut susciter des jalousies et conduire à leur exclusion de la société (allant ainsi à l’encontre du but poursuivi par la réintégration) et inciter les enfants à se faire recruter afin de pouvoir bénéficier un jour des services offerts par les programmes de DDR.

Un autre point pose problème : le peu d’études réalisées sur les processus de DDR destinés aux filles. Dans certains contextes, les filles dont on sait qu’elles ont été des enfants soldats, sont rejetées, exclues et victimes de menaces physiques. Certaines filles évitent donc les processus officiels de DDR qui les désigneraient clairement comme d’anciens soldats10. De nombreuses filles se démobilisent et réintègrent anonymement leur communauté. Cet anonymat les protège d’une certaine façon, mais il complique la possibilité de recenser leurs besoins et de les aider. Les filles ayant des enfants se heurtent à plus de difficultés encore ; certaines préfèrent d’ailleurs rester dans le groupe armé car elles savent qu’il leur serait extrêmement difficile de se réintégrer dans leur communauté et qu’elles risqueraient de mettre leur vie en danger.

Les partisans du relativisme culturel

Dans le contexte du débat sur les enfants soldats, le relativisme culturel conteste les trois principes fondamentaux de la conception postmoderne occidentale de l’enfant et des droits de l’enfant :

l’utilisation de l’âge pour distinguer les enfants des adultes ; •la conviction que les enfants ne devraient pas prendre part à un conflit armé ; •l’idée que les enfants sont vulnérables et qu’ils ne sont pas responsables • 11.

Se fonder sur l’âge pour déterminer si une personne est un enfant ou un adulte est une démarche souvent inadaptée au contexte socioculturel des enfants soldats. Dans de nombreux pays, les rites d’initiation ou autres, le mariage et la maternité sont des critères plus appropriés pour déterminer si une personne est adulte12. Cette réalité influence directement les programmes de DDR basés uniquement sur l’âge car certains enfants soldats ne se considèrent pas comme tels ou ne sont pas considérés ainsi par la communauté dans laquelle ils sont réintégrés. C’est le cas notamment des enfants soldats qui sont mariés ou qui ont eu des enfants pendant le conflit et qui veulent avoir accès à des programmes de DDR destinés

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Universalisme ou relativisme culturel

aux adultes. Il arrive que des adolescents affirment avoir plus de 17 ans pour être démobilisés en tant qu’adultes et recevoir directement une aide en argent liquide13.

Face à la conviction que les enfants ne devraient pas prendre part à un conflit armé, les partisans du relativisme culturel avancent de multiples exemples de cultures et de sociétés où s’engager dans un conflit armé constitue un rite de passage pour devenir adulte ou est tout simplement encouragé par la communauté locale. D’autres affirment que lors des conflits civils, de nombreux enfants s’engagent volontairement dans des groupes armés parce qu’ils craignent pour leur bien-être social ou leur sécurité. À Teso (Ouganda), des garçons ont expliqué pourquoi ils s’étaient engagés dans la Uganda People’s Army (UPA) :

Les raids lancés par les Karamojongs dans la région de Teso ont fait des ravages ; le bétail qui avait compté jusqu’à un million d’animaux ne représentait plus que 10 000 bêtes en 1991. Cette évolution, qui signifiait des pertes de richesse, un recul de la sécurité et compromettait l’avenir, eut des conséquences très fortes. Elle a d’ailleurs été l’un des principaux motifs de ralliement utilisés par les chefs de l’UPA pour recruter. Les jeunes gens et les hommes savaient que sans bétail ils ne pouvaient espérer se marier, avoir un foyer, subvenir correctement aux besoins de leurs enfants et qu’ils n’auraient jamais ce dont un homme à besoin pour mener pleinement sa vie à Teso. Ils décidèrent donc de s’engager dans l’UPA parce qu’ils étaient en colère et voulaient se rebeller14.

Cet exemple prouve qu’il existe aux niveaux social, culturel et économique, une combinaison de facteurs complexes qui incite les enfants à prendre les armes. De nombreux enfants soldats se sont également engagés car ils voulaient exercer un certain pouvoir et bénéficier d’un revenu régulier ce que leur permettent les armes dans le chaos d’un conflit civil. Dans ces circonstances, les enfants ne souhaitent pas forcément être démobilisés car dans le groupe armé ils bénéficient d’un certain prestige, sont en sécurité, exercent un certain pouvoir et reçoivent un revenu. Certains refusent donc de retourner dans la société pour se soumettre à d’autres. Les programmes de DDR qui ont pour mission de démobiliser et réintégrer tous les enfants risquent d’obliger certains à le faire contre leur volonté. En outre, lorsque la participation des enfants aux forces armées est illégale, les enfants soldats ne sont pas autorisés à faire partie de la nouvelle armée ou des forces de police. Cela revient à les priver des seules capacités qu’ils pourraient faire valoir dans une économie très tendue au sortir d’un conflit. Nombre de ces enfants décident alors de devenir mercenaires et d’aller combattre dans d’autres conflits régionaux, ce qui ne fait qu’accentuer la déstabilisation d’autres États et régions.

Les partisans du relativisme culturel reprochent également à l’approche universaliste de ne pas reconnaître la responsabilité des jeunes et des enfants pendant et après un conflit. Les enfants soldats ne peuvent donc être poursuivis pour les crimes qu’ils ont commis. En réalité, de nombreuses communautés veulent que les enfants soldats aient à répondre de leurs actes ; ces communautés estiment que droits et responsabilités vont de pair. Citons, par exemple, le cas de communautés en Sierra Leone qui, contrairement aux programmes de DDR, estiment

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Les enfants dans les conflits

que les enfants soldats sont responsables et doivent répondre de leurs actes15. Les enfants soldats qui avaient combattu au sein des Forces de défense civile étaient considérés comme des héros et non pas d’innocentes victimes ayant été manipulées par des adultes afin de combattre pour leur pays. Ils furent donc acceptés et réintégrés dans les communautés et nombre d’entre eux ne participèrent pas au programme de DDR. La réintégration des rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) se révéla plus difficile. Les communautés ne voulaient pas les réintégrer car elles estimaient qu’ils avaient été à l’origine des violences et des troubles civils. Les organisations non gouvernementales (ONG) qui mettaient en œuvre les programmes de DDR s’impliquèrent directement pour encourager les communautés à réintégrer les soldats du Front révolutionnaire uni. Elles se mobilisèrent pour sensibiliser les communautés et utilisèrent des incitations économiques comme le financement d’écoles tout en défendant le droit à la réintégration ; elles ne considèrent pas les enfants comme des êtres devant assumer des responsabilités mais comme des victimes. Il apparaît que les enfants soldats manipulent le discours les concernant ce qui montre clairement qu’ils sont capables et doivent être considérés comme des êtres responsables.

Auprès de leurs copains et des autres soldats, ils essaient de maintenir le statut que leur confère leur appartenance aux groupes armés. Ils portent des tenues de combat, des lunettes de soleil et se vantent d’utiliser des lance-roquettes. Auprès des ONG, ils se font passer pour des innocents traumatisés et demandent généralement une aide pour suivre une éducation. Lorsqu’ils sont avec d’autres membres de la communauté ou dans une école, ils se comportent comme des enfants normaux et ne mentionnent jamais le passé. Concrètement, ils se « réintègrent » dans les différents milieux d’une société en choisissant à chaque fois l’identité la mieux adaptée16.

Cela montre à quel point il est difficile de faire la distinction entre la manipulation et le libre arbitre car les enfants évoluent dans des environnements sociaux multiples et s’adaptent. Que les actes de violence soient dus à une manipulation ou aux facultés des jeunes – ou, pour être plus réalistes, un peu aux deux –, la situation décrite ci-dessus, qui s’est produite en Sierra Leone, prouve à quel point l’approche universaliste qui voit les enfants soldats comme des victimes provoque des tension dans les communautés ayant énormément souffert et qui se voient, en quelque sorte, obligées de réintégrer des enfants soldats pour bénéficier de fonds dont elles ont cruellement besoin.

Faire progresser le débat

Les discussions concernant les programmes de DDR pour les enfants soldats sont actuellement dans une impasse avec, d’un côté, ceux qui prônent des programmes fondés sur une conception universelle des droits et, de l’autre, ceux qui dénoncent les principes sur lesquels reposent les programmes de ce genre. Nous sommes donc confrontés à des questions fondamentales :

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Universalisme ou relativisme culturel

Qu’est-ce qu’un enfant soldat ? •Qui a besoin d’une aide de DDR ? •Que devraient prévoir les programmes de DDR pour les enfants soldats ? •

Si nous voulons faire progresser les discussions, nous devons réfléchir à cette approche universaliste des droits :

Sur un plan théorique, il faut dépasser le débat stérile qui oppose l’approche universaliste au relativisme culturel et saisir pleinement les réalités de la vie des enfants qui sont inévitablement orientées par des idées, pratiques et relations de pouvoir aussi bien locales que mondiales. Il faut reconnaître que la conception de l’enfance défendue par la Convention relative aux droits de l’enfant est peut-être d’une pertinence limitée pour les enfants qui n’ont pas les moyens sociaux, économiques et politiques de concrétiser cette vision. Au lieu de cela, ils sont confrontés à toute une série de réalités que les humanitaires, qui adhèrent à l’approche axée sur les droits, ne sont pas vraiment en mesure d’aborder et encore moins de régler17.

On se heurte à un véritable problème si l’approche universaliste des droits qui entend protéger et défendre les enfants contre les risques d’abus nous empêche de bien comprendre la nature et les circonstances de ces abus ; elle gêne, en effet, la mise au point et l’application d’une véritable solution ou d’un mécanisme de protection. Les programmes de DDR doivent tenir davantage compte du relativisme culturel s’ils veulent comprendre le contexte local et les critères qui permettront aux enfants et à la communauté de juger du succès des programmes de démobilisation et de réintégration. Il faut aussi se concentrer sur les causes du conflit pour mieux comprendre comment démobiliser et réintégrer les enfants soldats. Comme l’ont fait remarquer les partisans du relativisme culturel, lorsque des enfants et des jeunes veulent s’engager dans un conflit armé, cela ne signifie pas pour autant que c’est leur priorité. Le cas des jeunes combattants ougandais cité plus haut illustre ce point. Les jeunes voulaient combattre pour leur cause et ils étaient soutenus par la communauté. Il n’en reste pas moins que leur priorité était de récupérer leur bétail afin de gagner leur vie et d’être respectés par la société. Autrement dit, si l’on se place du point de vue des jeunes qui se sont engagés volontairement dans les groupes armés, le problème n’est pas de savoir s’ils peuvent s’engager avant tel âge ou s’il existe des facteurs sociaux ou culturels justifiant leur engagement, pour eux le problème réside dans les causes mêmes du conflit. Nous ne devons jamais oublier que les conflits sont la cause première de l’existence d’enfants soldats. Les partisans du relativisme culturel ont certes apporté un éclairage intéressant à cette question en se concentrant exclusivement sur le point de vue culturel et local, mais leur démarche néglige les causes du conflit qui, pour les jeunes concernés, sont le réel problème. Une meilleure compréhension de ces causes est indispensable si l’on veut concevoir des programmes de DDR qui défendent et respectent les droits fondamentaux des enfants soldats.

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Les enfants dans les conflits

Une vue d’ensemble de cette réalité complexe ne sera possible que si les spécialistes de différents domaines échangent leurs points de vue, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En fait, les programmes de DDR pour les enfants soldats ne réussiront que s’ils comprennent et respectent les conditions et facteurs locaux et s’adaptent à eux.

Nous devons aujourd’hui instaurer un dialogue constructif sur l’enfance et les droits des enfants ; il faut éviter les pièges du relativisme et de l’universalisme, tenir compte de la diversité des vies des enfants et ne pas occulter la façon dont les forces politiques et économiques se répercutent sur la vie et les expériences des enfants dans ce monde toujours plus divisé et instable18.

Pour élaborer un programme de DDR, il importe de consulter les enfants et ne pas se contenter de leur proposer une liste de services prédéfinis. Il existe malheureusement peu d’information sur ce que pensent les enfants soldats. Les programmes de DDR doivent tenir compte du fait que les enfants soldats ont tous des expériences très différentes. Pour y parvenir, il faut davantage de recherche mettant en évidence le point de vue des enfants soldats. Cette opération est malheureusement très difficile lorsqu’une société sort d’un conflit et tente de redéfinir son tissu social, les rôles de chacun et la dynamique du pouvoir au niveau local.

Conclusion

En matière de DDR, la conception universelle des droits néglige les nombreuses influences sociales, culturelles et personnelles qui conduisent un enfant à prendre part à un conflit armé et qui influencent aussi fortement sa décision d’accepter, comment et où, de désarmer et réintégrer la vie sociale. Quant au relativisme culturel, en se concentrant sur les facteurs culturels et sociaux qui influent sur l’engagement d’un enfant dans un conflit armé, il nie l’importance des causes socio-économiques du conflit alors qu’elles déterminent à leur tour fortement le milieu dans lequel les enfants soldats seront réintégrés.

Alors que les enfants sont influencés par des tendances locales et mondiales, en tant que soldats et individus se réadaptant à une nouvelle vie civile, il faut s’éloigner de l’impasse actuelle entre ces deux approches. Ce ne sera possible que si les partisans de ces deux conceptions font un effort pour modifier leurs positions. Pour cela, il faut que des spécialistes de diverses disciplines se réunissent et peignent un tableau plus réaliste des situations de conflit afin de mieux comprendre les causes complexes des conflits et les dynamiques de reconstruction dans les sociétés qui sortent d’un conflit. Il faut aussi multiplier les recherches sur ce que pensent les enfants soldats pour mieux comprendre comment ils évoluent dans une société après un conflit et comment ils envisagent leur réintégration.

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Universalisme ou relativisme culturel

Notes

Cet article s’inspire d’un texte de l’auteur intitulé « Child Soldiers and Disarmament, Demobilization and 1. Reintegration Programs: The Universalism of Children’s Rights vs. Cultural Relativism Debate », publié en ligne le 23 août 2010 dans The Journal of Humanitarian Assistance.Pour plus d’informations, voir J. Hart, « The Politics of ‘Child Soldiers’ », 2. Brown Journal of World Affairs, vol. 13, no 1, 2006, p. 217 à 226.J. Fernando, « Children’s Rights: Beyond the Impasse », 3. The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, vol. 575, no 1, 2001, p. 8 à 24.Ibid.,4. p. 18 et 19.M. Vaha, « Child Soldiers and Killing in Self-Defence: Challenging the ‘Moral View’ on Killing in War », 5. Journal of Military Ethics, vol. 10, no 1, 2011, p. 36 à 51.Pour plus d’informations sur les cadres juridiques concernant les enfants et les conflits, voir l’article de 6. J. Doek dans ce numéro du Forum du désarmement.Nations Unies, « 5.30: Children and DDR », 7. Integrated Disarmament Demobilization and Reintegration Standards, 2006, p. 1.Banque mondiale, « Child Soldiers: Preventing, Demobilizing and Reintegration », 8. Africa Region Working Paper Series, no 23, 2001. Parmi les études récentes, citons : L. Stark, N. Boothby et A. Ager, « Children and Fighting Forces: 10 years 9. on from Cape Town », Disasters, vol. 33, no 4, 2009, p. 522 à 547 ; A. Honwana, Child Soldiers in Africa, 2006 ; et N. Boothby, J. Crawford et J. Halperin, « Mozambique Child Soldier Life Outcome Study: Lessons Learned in Rehabilitation and Reintegration Efforts », Global Public Health, vol. 1, no 1, 2006, p. 87 à 107.Pour plus d’informations, voir M. Wessells, « The Reintegration of Formerly Recruited Girls: A Resilience 10. Approach », in D. Cook et J. Wall (sous la direction de), Children and Armed Conflict: Cross-Disciplinary Investigations, 2011, p. 189 à 204 ; K. Kostelny, « What About the Girls? », Cornell International Law Journal, vol. 37, no 3, 2004, p. 505 à 512 ; et S. McKay, « Reconstructing Fragile Lives: Girls’ Social Reintegration in Northern Uganda and Sierra Leone », Gender and Development, vol. 12, no 3, 2004, p. 19 à 30.Cette notion de responsabilité signifie qu’ils peuvent avoir à répondre de leurs actes.11. Pour plus d’informations, voir D. Francis, « ‘Paper Protection’ Mechanisms: Child Soldiers and the 12. International Protection of Children in Africa’s Conflict Zones », Journal of Modern African Studies, vol. 45, no 2, 2007, p. 207 à 231.J. Williamson, « The Disarmament, Demobilizing and Reintegration of Child Soldiers: Social and 13. Psychological Transformation in Sierra Leone », Intervention, vol. 4, no 3, 2006, p. 185 à 205.J. de Berry, « Child Soldiers and the Convention on the Rights of the Child », 14. The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, vol. 575, no 92, 2001, p. 92 à 105.Voir S. Shepler, « The Rites of the Child: Global Discourses of Youth and Reintegrating Child Soldiers in 15. Sierra Leone », Journal of Human Rights, vol. 4, no 2, 2005, p. 197 à 211.Ibid.,16. p. 198 et 199.J. Hart, « The Politics of ‘Child Soldiers’ », 17. Brown Journal of World Affairs, vol. 13, no 1, 2006, p. 217 à 226.J. Fernando, « Children’s Rights: Beyond the Impasse », 18. The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, vol. 575, no 8, 2001, p. 8 à 24.

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Indignation sélective : les dangers des processus de DDR dans la partie est de la République démocratique du Congo

Claudia Seymour

Claudia Seymour termine, à l’École d’études orientales et africaines de l’Université de Londres, ses recherches de doctorat sur l’expérience des jeunes en matière de violence dans la partie est de la République démocratique du Congo. Ses recherches portent sur la théorie de la résilience et l’analyse de l’économie politique pour comprendre comment les jeunes vivent et font face à la violence structurelle et aux conflits violents prolongés. Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université de Londres ou de l’Organisation des Nations Unies.

Cet article propose une analyse critique de l’approche dominante des processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) en République démocratique du Congo. En se fondant sur les récits de jeunes ayant été associés à des groupes armés, l’article met en évidence certaines idées fausses du discours et de la pratique des programmes de DDR mis en place pour les enfants et montre à quel point ils sont éloignés des expériences réelles des jeunes. J’estime que l’indignation mondiale face au phénomène d’enrôlement des enfants est sélective et fait perdre de vue la violence structurelle profondément enracinée qui frappe durablement la vie des jeunes dans la partie est de la République démocratique du Congo.

Depuis le milieu des années 90, l’utilisation et l’enrôlement des enfants par des groupes armés sont des questions régulièrement abordées lors des discussions internationales sur l’expérience qu’ont les enfants des conflits violents. Du rapport de Graça Machel en 1996 sur l’impact des conflits armés sur les enfants1 au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, adopté en 2000, en passant par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté en 1998, définissant l’utilisation et l’enrôlement des enfants de moins de 15 ans comme des crimes de guerre, le phénomène des « enfants soldats » a suscité une importante mobilisation au niveau mondial.

L’image d’un enfant avec une arme à la main est peut-être l’une des plus puissantes de ce début de xxie siècle. En soulignant la brutalité et l’injustice des conflits contemporains, elle va à l’encontre de la conception occidentale de l’enfance comme période de vulnérabilité et d’innocence. L’image de ce « garçon de 14 ans dont le nom signifie “innocent” en Swahili et qui fut obligé de commettre des violences sexuelles sur des femmes » suscite un sentiment confus de peur à l’égard de ces gamins endurcis et habitués à la violence, des enfants sous l’emprise de la barbarie irrationnelle de la guerre moderne2. C’est une image forte pour mobiliser les médias et obtenir des financements.

Ces images de souffrances humaines liées aux conflits violents nous incitent à réfléchir. Des recherches essentielles commencent à paraître sur les mesures prises au niveau international pour faire face au phénomène des enfants soldats et nous devrions nous interroger : « Dans un monde où des centaines de millions d’enfants souffrent de la pauvreté et de la malnutrition, il est curieux de voir comment la situation de 300 000 enfants soldats a suscité une telle attention au niveau international »3.

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Les enfants dans les conflits

En présentant le point de vue de jeunes ayant été associés à une violence interminable dans la partie est de la République démocratique du Congo, cet article entend montrer à quel point les processus actuels de DDR pour les enfants sont éloignés des réalités de ces enfants. Même si l’on peut penser que ces processus tentent d’améliorer la situation des enfants face aux terribles souffrances que leur inflige la guerre, j’estime que l’indignation mondiale qu’a suscitée le phénomène des enfants soldats est trop sélective et fait perdre de vue les conséquences bien plus destructrices et profondément ancrées de la violence structurelle qui imprègne la vie dans la partie est de la République démocratique du Congo.

Je me fonde sur mon expérience professionnelle en tant qu’acteur de la protection de l’enfance et sur mes recherches de doctorat sur des jeunes vivant dans la partie est de la République démocratique du Congo. De 2006 à 2010, j’ai travaillé comme conseillère à la protection de l’enfance pour la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, pour le Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo créé par le Conseil de sécurité et pour plusieurs ONG. En 2010 et 2011, j’ai effectué des travaux de doctorat sur le terrain. Je me suis rendue dans trois sites de la province du Sud-Kivu où j’ai recueilli les récits de 44 jeunes. Mes recherches se fondent sur ce travail ethnographique et sur les témoignages de plus de 300 enfants ayant été associés à des groupes armés dans le Nord-Kivu et diverses informations concernant l’enrôlement d’environ 2 000 jeunes dans la partie est de la République démocratique du Congo.

Le désarmement, la démobilisation et la réintégration des enfants dans la partie est de la République démocratique du Congo

Les programmes de DDR mis en place pour les enfants en République démocratique du Congo reposent beaucoup sur le cadre normatif international des droits des enfants. Ce pays a signé et ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le Statut de Rome, la Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (ou Convention 182 de l’OIT) et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés. L’affaire contre le chef d’une milice du district de l’Ituri Thomas Lubanga Dyilo – la première affaire jugée par la Cour pénale internationale – l’accusait de crimes contre l’humanité pour avoir procédé à l’enrôlement et à la conscription d’enfants de moins de 15 ans. En 2009, le Gouvernement adopta le code national de protection de l’enfance qui comporte des dispositions interdisant l’utilisation et l’enrôlement de toute personne de moins de 18 ans.

L’on estime généralement que plus de 33 000 enfants ont été enrôlés et utilisés par des groupes armés en République démocratique du Congo depuis le début du conflit en 19964. Si le Président Laurent Kabila a répandu l’utilisation des enfants au moment des guerres de « libération », les milices locales et les groupes rebelles ont régulièrement utilisé des garçons

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Indignation sélective

et des jeunes gens pour compléter leurs troupes. Depuis le premier programme de DDR mis en place pour les enfants en 1999, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) estime à 31 200 le nombre d’enfants officiellement démobilisés5. Les Principes de Paris définissent les critères permettant de bénéficier d’un tel programme :

Un « enfant associé à une force armée ou à un groupe armé » est toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou un groupe armé, quelque soit la fonction qu’elle y exerce. Il peut s’agir, notamment mais pas exclusivement, d’enfants, filles ou garçons, utilisé comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fins sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités6.

Le processus officiel de DDR

Le programme national de DDR pour les enfants prévoit d’identifier un enfant avant de le séparer d’un groupe armé7. Ensuite, les chefs militaires doivent autoriser un agent chargé de la protection de l’enfance à rencontrer l’enfant pour vérifier son âge. S’il a moins de 18 ans, l’enfant est désarmé (s’il possède une arme) et libéré par son chef. L’enfant entame alors le processus officiel de « démobilisation » qui impose souvent un séjour dans un centre (ou une famille d’accueil) pour plusieurs semaines ou mois. Pendant cette phase, les enfants participent à des activités sociales, psychosociales, éducatives et récréatives pour favoriser leur réadaptation à la vie civile. Des recherches sont effectuées pour retrouver la famille de l’enfant. Celui-ci peut ensuite rejoindre sa famille et commencer la phase de « réintégration ». Les processus de DDR soutiennent alors l’enfant en lui proposant une formation professionnelle, une éducation scolaire ou une activité lucrative.

Dans les faits, cette succession de phases est rarement respectée. En raison de la complexité et de la récurrence de la violence dans la partie est de la République démocratique du Congo, tout intervenant extérieur doit connaître les origines sociales, économiques et historiques du conflit et savoir s’y adapter, mais les acteurs de la protection de l’enfance ont rarement les moyens, le temps et les fonds pour mettre en place des mesures nuancées sur le long terme. Les programmes de DDR pour les enfants sont rarement plus que des exercices logistiques coûteux ne tenant pas compte des choix très limités des enfants ni de leur pauvreté extrême alors que ces facteurs sont à l’origine du phénomène de l’enrôlement des enfants. En relatant plus loin l’expérience de deux jeunes ayant été associés à des groupes armés, nous montrerons à quel point les deux idées principales des programmes de DDR destinés aux enfants sont éloignés de leur réalité.

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Les enfants dans les conflits

Dénoncer les idées largement répandues concernant l’enrôlement forcé des enfants et leur statut de victimes

L’engagement volontaire

J’ai contribué à mon niveau aux efforts de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux ayant enrôlés des enfants soient tenus pour responsables. En 2009, j’ai réuni des informations pour une base de données enregistrant les noms de chefs militaires soupçonnés d’avoir enrôlé des enfants. Pour ce faire, j’ai ainsi recensé près de 2 000 histoires d’enrôlement d’enfants rien que dans le Nord-Kivu. Sur tous ces enfants, 928 décrivaient leur enrôlement comme « volontaire ». Le fait que dans près de la moitié des cas que j’ai examinés les enfants parlaient d’engagement volontaire vient contredire l’idée répandue qui considère les enfants comme des êtres sans défense face à d’ignobles chefs militaires. De toute évidence, la notion d’engagement « volontaire » est problématique dans le cadre d’un conflit en cours et les jeunes n’ont souvent d’autre possibilité que de choisir la moins pire de plusieurs perspectives sinistres. Le fait qu’autant d’enfants aient ainsi exprimé leur « responsabilité tactique »8 montre bien qu’il reste beaucoup d’éléments à comprendre sur les raisons qui motivent les jeunes à s’engager dans des groupes armés.

Un jeune homme m’a raconté son histoire. Son récit nous donne des informations intéressantes sur la façon dont les enfants sont responsables et peuvent évoluer dans l’extrême complexité d’un conflit en cours. En 1996, il avait été recruté par l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) alors qu’il était âgé de sept ans. Il raconte ainsi sa première expérience avec le mouvement de rebelles :

En 1996, la guerre est arrivée [dans ma ville]. Ma famille a fui à Bukavu ; nous y sommes restés pendant trois mois. Quand nous sommes rentrés, on ne savait pas qui commandait, mais Mzee [Laurent] Kabila dirigeait les opérations d’enrôlement. Moi et tous les garçons avec qui j’avais grandi, nous avons été obligés d’entrer dans l’AFDL. Ils nous ont emmenés dans les plaines de Ruzizi et nous ont appris pendant cinq mois comment utiliser des armes. Ensuite, nous avons reçu des armes et des uniformes et nous avons commencé à nous battre.

Quand Mzee Kabila a pris Kinshasa, mon bataillon était revenu [à la base près de l’aéroport]. Quand le RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie] est entré à Bukavu en 1998, ils ont pris notre base et ont tué tous les officiers de l’AFDL sauf six. Les soldats qui restaient ont été obligés d’emmener les corps [...] et de les brûler avec du benzène. Ces soldats furent ensuite tués d’une balle. D’autres soldats qui étaient allés chercher refuge auprès de la police furent tués de la même façon.

Six d’entre nous avons réussi à survivre et à nous échapper. Deux d’entre nous, nous sommes cachés avec notre commandant. Deux semaines plus tard, le

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RCD a pris Bukavu. Nous sommes partis à pied pour Goma où nous sommes restés avec la famille de notre commandant. Il a négocié pour que nous soyons intégrés dans le RCD.

Le récit de ce jeune homme peut être interprété de multiples manières, mais ce qui m’avait le plus frappé à l’époque c’était la façon dont il parlait de son commandant dans l’AFDL. Il le voyait comme son protecteur, celui qui avait assuré sa sécurité, lui avait offert un abri et de la nourriture lorsqu’ils avaient fui les forces du RCD qui progressaient et lui avait permis d’être intégré dans le RCD.

Son récit montrait qu’il comprenait la violence politique dans laquelle il avait été impliqué, ce qui ne lui semblait pas vraiment exceptionnel : il faisait simplement la même chose que « tous les garçons » avec qui il avait grandi. Mais sa participation au conflit prit un nouveau sens et devint très personnelle :

Un jour, on m’a donné quelques jours pour rendre visite à ma famille. Une fois sur place, je suis allé voir mon grand-père dans le village voisin. Je suis rentré tard ce jour-là et j’ai trouvé ma maison encerclée par les forces du RCD. Ils accusaient les gens d’être des sympathisants des milices Mayi-Mayi. J’ai vu des soldats battre mon père. Ils l’ont battu à mort.

Incapable d’empêcher des membres de sa propre armée de tuer son père, il fit preuve de responsabilité en optant pour un autre type d’action : « Pour venger la mort de mon père, je décidai de quitter le RCD et de me joindre aux Mayi-Mayi ».

Il donna des détails sur la période qu’il passa avec les Mayi-Mayi puis expliqua comment, en 2002, après avoir été repéré par une organisation internationale de protection de l’enfance, il commença le processus de DDR destiné aux enfants. Le conflit se poursuivant au Sud-Kivu, il fut recruté une nouvelle fois par les Mayi-Mayi et retourna au front. Il décrit avec fierté la dernière bataille à laquelle il prit part : « J’ai participé à la guerre de juin 2004 pour résister au RCD et [au colonel] Mutebusi qui attaquaient la ville de Bukavu. Nous avons réussi à chasser Mutebusi ; il dut battre en retraite au Rwanda ».

Ce jeune homme était très fier d’avoir participé à la mise en déroute des forces du RCD. Plus important pour lui encore, il avait enfin vengé la mort de son père ; ce qui lui permettait de donner un certain sens au conflit.

Je n’ai rencontré ce jeune homme qu’en 2010, six ans après sa dernière association avec un groupe armé. Agé de 21 ans, il luttait chaque jour pour sa survie dans les réseaux économiques de Bukavu où tout repose sur les relations de chacun. Il avait suivi un programme de réintégration pour enfants, mais comme la plupart des jeunes ayant fait de même que j’ai rencontrés, sa formation de mécanicien était inadaptée à l’économie urbaine. Il gagnait donc de l’argent en travaillant dans le port de Bukavu : il transportait des charges extrêmement lourdes de marchandises ou de sable jusqu’en ville. Pour ce jeune homme, l’expérience la plus

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éprouvante n’est pas celle de ses années de combat au sein de l’AFDL, du RCD ou des milices Mayi-Mayi, mais de vivre aujourd’hui dans des conditions extrêmement difficiles.

Des jeunes déterminés qui ne se considèrent pas comme des victimes

La deuxième idée dominante concernant les programmes de DDR pour les enfants fut énoncée en septembre 2011 par la Secrétaire générale adjointe Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, dans un discours prononcé au Conseil des droits de l’homme. Elle déclara : « les enfants devraient être traités avant tout comme des victimes, et non comme des criminels »9. Les pratiques et politiques internationales en matière de protection de l’enfance considèrent toujours les enfants comme des victimes, alors que de nombreuses recherches contestent cette approche. Des chercheurs travaillant en Israël et en Palestine10, en Irlande du Nord11, en Afrique du Sud12 et dans le nord de l’Ouganda13 ont montré que de nombreux enfants ne sont pas aussi traumatisés par leur implication dans un conflit violent qu’on peut souvent le penser, et qu’ils sont généralement capables de s’adapter et de faire face aux risques et aux difficultés de façon surprenante14.

Comme je l’ai démontré dans mes travaux et recherches, la résilience explique la façon dont les enfants réagissent face à l’insécurité et la violence. Dans la littérature psychologique, la résilience est définie comme le processus dynamique d’ajustement qui aboutit à une issue relativement positive après avoir été confronté à des risques qui auraient pu conduire à la psychopathologie ou à d’autres effets secondaires graves15. La théorie de la résilience tient compte de concepts comme le « locus de contrôle »16 et étudie le rôle de la famille et des réseaux de soutien social17 ainsi que les processus d’attribution de sens18. Ces considérations d’ordre théorique permettent de comprendre ce que les anthropologues peuvent décrire comme une réaction constructive face à des conditions sociétales difficiles19.

Dans le cadre de mes recherches de doctorat, j’ai rencontré une jeune fille qui vit dans la province du Sud-Kivu. Son récit donne une idée de la façon dont les enfants vivent leur association avec des groupes armés. J’ai rencontré pour la première fois cette jeune femme de 22 ans en 2010 et, depuis, je suis restée étroitement en contact avec elle. Son témoignage montre, lui aussi, que de nombreux jeunes sont loin de se considérer comme des victimes et qu’ils font preuve de courage et de résilience. Elle avait été enlevée par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) lors d’un des nombreux affrontements qui eut lieu dans sa ville rurale au plus fort du conflit. Elle fit un récit bref du temps qu’elle passa avec ses ravisseurs :

Il y a des choses que l’on arrive à oublier et une fois qu’on les oublie, c’est pour toujours. Mais il y en a qu’on ne peut jamais oublier. J’étais en quatrième année d’école secondaire. J’avais 15 ans et demi et nous étions en 2003. Le 1er août 2003, j’ai été enlevée par les FDLR. Je suis restée avec eux dans la forêt pendant 7 mois.

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Un jour, elle réussit enfin à s’échapper et à retourner chez elle. Alors qu’elle n’avait pas donné beaucoup de détails sur ce qu’elle avait vécu pendant cette période avec les FDLR, elle décrivit avec force détails son retour chez elle. Cette période influence toujours fortement ses pensées :

J’ai réussi à m’échapper le 7 mars 2004 et à retourner chez moi. À l’époque, j’étais enceinte de sept mois. Ma famille n’arrêtait pas de me dire que je devais me faire avorter. Ils voyaient ce bébé, le serpent, comme un ennemi. Mais je voulais le garder, je pensais que c’était la volonté de Dieu. Toute ma famille me haïssait. Ils étaient tous fâchés contre moi ; ils m’ont dit qu’ils avaient perdu leurs vaches parce que j’avais été violée.

Alors qu’elle était rejetée par tous et subissait cette violence psychologique énorme, elle refusa d’avorter. Son engagement pour cet enfant à naître était lié à sa foi spirituelle, sa façon d’accepter ce qu’elle avait subi. Le fait d’être rejetée par sa famille la perturbait profondément. Plus tard, elle raconta que des membres des FDLR enlevèrent aussi sa jeune sœur et la tuèrent. La mort de sa sœur bouleversa profondément sa famille : « Mes parents perdirent alors tout espoir. Ils pleurèrent la disparition d’une autre de leurs filles ». Elle ajouta doucement, « Pour eux, je suis morte ».

Cette jeune femme est incroyablement dynamique, mais il est clair qu’au fil des années elle a fini pas admettre que sa famille l’avait rejetée. Elle exprime régulièrement une crainte concernant son avenir : « Je rêve de me marier un jour, mais je ne trouverai jamais un homme qui m’acceptera et qui aimera mon fils ».

Je rencontre cette jeune femme à chaque fois que je retourne en République démocratique du Congo et entre-temps nous nous parlons au téléphone. L’espoir de se marier et de trouver une certaine stabilité reste pour elle une préoccupation importante. Son fils, aujourd’hui âgé de 7 ans, est toute sa vie. Elle aussi a suivi un programme de DDR pour les enfants et bénéficié d’une formation de confection, mais ces connaissances ne lui permettent pas vraiment de gagner de l’argent. Aujourd’hui, elle passe ses journées à faire des petits boulots ou à demander aux autres de l’aider financièrement. Son fils va à l’école primaire et elle en est à sa deuxième année d’études universitaires. Elle refuserait que le mot « victime » figure dans son histoire.

Le danger de l’indignation sélective

Cet article entendait contester les idées récurrentes et le discours habituel sur les conséquences de l’association des enfants avec des groupes armés. En évoquant les expériences complexes de deux jeunes, j’espère avoir montré à quel point les programmes de DDR pour les enfants sont éloignés des besoins réels des enfants et des jeunes.

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Le but de mes recherches est de montrer qu’aujourd’hui, en République démocratique du Congo, ce n’est pas tant l’association avec des groupes armés, mais la « violence invisible » – la violence structurelle – qui frappe le plus durement la vie des jeunes20. L’on peut définir la violence structurelle comme les processus d’inégalité sociale et d’oppression politico-économique chroniques ancrés dans l’histoire21, une forme de violence particulièrement insidieuse parce qu’elle est « silencieuse et ne se voit pas »22.

Aujourd’hui, l’impact de la violence structurelle en République démocratique du Congo est évident lorsqu’on entend le désespoir et le défaitisme des jeunes qui me disent de plus en plus « aujourd’hui c’est pire qu’hier et demain sera probablement pire qu’aujourd’hui ». De nombreux jeunes ont exprimé le même sentiment que cette personne rencontrée lors de mes recherches : « Pendant la guerre, je ne pouvais rien faire pour me protéger, mais aujourd’hui, je ne peux toujours rien faire pour changer les choses ». À Goma, un autre jeune que j’interrogeais sur ses aspirations, m’a répondu : « Pourquoi devrais-je penser à mon avenir ? Je suis déjà mort ».

J’ai discuté avec un groupe de jeunes et ils ont essayé de m’expliquer comment ils ressentent cette impuissance :

À l’intérieur, nous sommes détruits. Nous n’avons plus confiance. Nous sommes incapables de nous défendre. Nous avons compris que nous n’avons aucun pouvoir ; il n’y a rien que nous puissions faire pour nous protéger. Nous avons compris qu’à chaque fois que nous tenterons de nous défendre, nous serons punis par la force.

Conclusion

Aujourd’hui, la vie en République démocratique du Congo est aussi difficile que complexe. Les hypothèses simplistes sur lesquelles reposent les processus de DDR pour les enfants négligent le fait que face à la complexité du conflit dans la partie est de la République démocratique du Congo de nombreux jeunes se montrent responsables et courageux. Il faut aller au-delà de la stratégie de DDR et chercher à comprendre les multiples façons dont les jeunes vivent les conflits violents et leur font face. Comme nous l’avons vu, l’indignation internationale que suscite l’association d’enfants avec des groupes armés est dangereusement sélective car elle fait perdre de vue des conséquences structurelles plus profondes. Il serait certainement plus pertinent de reconnaître qu’aujourd’hui, en République démocratique du Congo, les jeunes se heurtent aux structures opprimantes de la violence, à la pauvreté et qu’ils n’ont aucune opportunité. Tout cela stimule le phénomène d’enrôlement des enfants et ce n’est qu’en luttant contre ces facteurs que l’on pourra protéger efficacement les enfants.

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Notes

Assemblée générale, 1. Impact des conflits armés sur les enfants – Rapport présenté par l’expert désigné par le Secrétaire général, Mme Graça Machel, conformément à la résolution 48/157 de l’Assemblée générale, document des Nations Unies A/51/306, 26 août 1996.UNICEF, « UNICEF Executive Director Ann M. Veneman calls for peace and security for the people of eastern 2. DRC », communiqué de presse, 29 août 2009.L. Macmillan, « The Child soldier in North-South relations »,3. International Political Sociology, vol. 3, no 1, 2009, p. 36 à 52.Integrated Regional Information Networks, « In brief: DRC child recruitment a ‘tragic consequence’ of 4. war », communiqué de presse, 1er septembre 2009.UNICEF, « Democratic Republic of the Congo », 5. Humanitarian Action Update, 22 juin 2009, p. 5.UNICEF, 6. Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, 2007, p. 6. Pour plus de détails sur le programme de DDR en République démocratique du Congo, voir C. Seymour, 7. « Reconceptualising Child Protection Interventions in Situations of Chronic Conflict », in S. Evers, C. Notermans et E. van Ommering (sous la direction de), Not Just a Victim: The Child as Catalyst and Witness of Contemporary Africa, 2011, p. 223 à 246.La responsabilité des enfants signifie qu’ils sont responsables et peuvent avoir à répondre de leurs actes. 8. Voir M. Utas, « Agency of Victims: Young Women in the Liberian Civil War », in A. Honwana et F. de Boeck (sous la direction de), Makers and Breakers: Children and Youth in Postcolonial Africa, 2005, p. 57. Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, « Children 9. should be treated primarily as victims, not as perpetrators-SRSG for children and armed conflict stressed at the Human Rights Council », communiqué de presse, 12 septembre 2011.R.-L. Punamaki, « Can Ideological Commitment Protect Children’s Psychosocial Well-Being in Situations of 10. Political Violence? », Child Development, vol. 67, no 1, 1996, p. 55 à 69.O. Muldoon, « Children of the Troubles: The Impact of Political Violence in Northern Ireland », 11. Journal of Social Issues, vol. 60, no 3, 2004, p. 453 à 468.A. Dawes et D. Donald (sous la direction de), 12. Childhood and Adversity: Psychological Perspectives from South African Research, 1994.C. Blattman et J. Annan, « Child Combatants in Northern Uganda: Reintegration Myths and Realities », 13. in R. Muggah (sous la direction de), Security and Post-Conflict Reconstruction: Dealing with Fighters in the Aftermath of War, 2008, p. 103 à 125.Pour plus d’informations, voir J. Boyden et J. de Berry, « Introduction », 14. in J. Boyden et J. de Berry (sous la direction de), Children and Youth on the Front Line: Ethnography, Armed Conflict and Displacement, 2004, p. xi à xxvii.M. Rutter, « Resilience Reconsidered: Conceptual Considerations, Empirical Findings, and Policy 15. Implications », in J. Shonkoff et S. Meisels (sous la direction de), Handbook of Early Childhood Intervention, 2000, p. 651 à 682.S. Luthar, « Vulnerability and Resilience: A Study of High-Risk Adolescents », 16. Child Development, vol. 62, no 3, 1991, p. 600 à 616.N. Garmezy, « Stress-Resistant Children: The Search for Protective Factors », 17. in J. Stevenson (sous la direction de), Recent Research in Developmental Psychopathology, 1985, p. 213 à 233.A. Dawes et D. Donald (sous la direction de), 18. Childhood and Adversity: Psychological Perspectives from South African Research, 1994.J. Boyden, « Preface », 19. in J. Hart (sous la direction de), Years of Conflict; Adolescence, Political Violence and Displacement, 2010, p. ix à xii.C. Nordstrom, 20. Shadows of War: Violence, Power, and International Profiteering in the Twenty-First Century, 2004.

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Les enfants dans les conflits

P. Bourgois, « The Power of violence in war and peace: post-cold war lessons from El Salvador », 21. Ethnography, vol. 2, no 1, 2001, p. 5 à 34.J. Galtung, « Violence, Peace, and Peace Research », 22. Journal of Peace Research, vol. 6, no 3, 1969, p. 167 à 191.

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Actualité de l’UNIDIR

Improving Implementation of the Biological Weapons Convention: The 2007–2010 Intersessional Processsous la direction de Piers Millet (octobre 2011)

Les travaux intersessions qui eurent lieu entre 2007 et 2010 sur la Convention sur les armes biologiques ont porté sur de nombreuses questions pertinentes pour atteindre les objectifs de la Convention. Les États parties ont commencé à trouver des points communs dans leurs positions, à apprendre de leurs expériences respectives et à créer une communauté d’acteurs souhaitant s’assurer que les sciences de la vie ne sont pas utilisées pour nuire délibérément.

Ce livre se fonde sur l’expérience des meilleurs spécialistes et explique quelles sont les meilleures pratiques retenues par les États, les spécialistes et les professionnels. Il réunit des informations concernant tous les aspects de la mise en œuvre des obligations de la Convention sur les armes biologiques et aborde tous les domaines traités récemment dans le cadre du programme de travail de la Convention : les cadres législatifs et réglementaires ; la coopération régionale et sous-régionale ; la sécurité et la sûreté biologiques ; la surveillance de la science, l’éducation, la sensibilisation et les codes de conduite ; les façons de lutter contre les maladies ; et les capacités pour réagir en cas d’allégation d’emploi d’armes biologiques.

Les personnes ayant prononcé une intervention dans la salle de conférence à Genève ont produit un texte qui reprend nombre des interventions les plus intéressantes. Les sections portant sur ces sujets comprennent des articles de spécialistes sur les principales questions, des études de cas sur différentes expériences nationales ainsi que le point de vue de personnes qui travaillent chaque jour dans ces domaines. Il s’agit d’un ouvrage pratique pour favoriser la mise en œuvre de la Convention, un guide présentant les meilleures pratiques à la fois pour la santé et la sécurité et un résumé supplémentaire des réalisations de cet instrument international considérable.

Pour plus d’informations sur cet ouvrage et l’ensemble de nos publications, veuillez consulter notre site web <www.unidir.org>.

Nouvelle publication

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Les enfants dans les conflits

Recherche-développement d’un instrument pour des programmes de réintégration fondés sur des données probantes

Le Groupe de travail interinstitutions sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration a identifié la nécessité de concevoir, sur la base de données probantes, un instrument pour améliorer l’efficacité des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration dans le monde.

Il faut absolument se fonder sur des données probantes pour améliorer l’efficacité des programmes élaborés au niveau local. Certaines bonnes pratiques universelles facilitent les activités de désarmement et de démobilisation mais la nature socioculturelle des activités de réintégration à tendance à favoriser toujours la même approche quels que soient les programmes Pour être efficace, l’élaboration de programmes de réintégration doit s’adapter au contexte local, à sa culture et à ses spécificités. Le meilleur moyen d’y parvenir consiste à recenser et à hiérarchiser les données les plus pertinentes au niveau local pour décider des meilleures mesures puis de les inclure dans les activités de réintégration.

Le projet « Recherche-développement d’un instrument pour des programmes de réintégration fondés sur des données probantes » entend élaborer une telle approche pour le Groupe de travail interinstitutions sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration et ses partenaires afin d’améliorer l’efficacité, au niveau local, des processus de stabilisation dans les situations d’après-conflit et les initiatives de consolidation de la paix.

Pour plus d’informations, veuillez vous adresser à :

Lisa Rudnick

Chercheur principal et chef de projetTél. : +41 (0)22 917 33 97Fax : +41 (0)22 917 01 76E-mail : [email protected]

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