2014, oui · france dont les « coûts » dépassent largement les 30€. et que dire de la suisse,...

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2014, OUI ! « Hâte-toi Hâte-toi de transmettre Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance » (1) O ui, on pourrait dire que le pessi- misme est de rigueur ça et là, dans le monde et en France, et il serait trop long de faire ici une liste exhaus- tive des raisons de l’être. Il s’agit plutôt de rallumer ce qui est éteint. Oui, le monde gouverné par la finance va mal et il s’agit de rappeler la légitimité de la colère. Oui, les richesses sont là et il est pos- sible et nécessaire de les partager. Oui, « la solidarité est la dernière marche avant le désespoir et la pre- mière pour conquérir des jours heu- reux ». Oui, actualité oblige, il faut rappeler Mandela et Jaurès, et leurs messages de révolte et d’espoir. La lutte contre ceux qui alimentent les guerres, atti- sent la haine de l’autre, asservissent les peuples à leur loi, à celle de l’ar- gent et veulent maintenir les femmes dans la sujétion, qui enfourchent les idéologies les plus réactionnaires, qui bafouent les droits, cette lutte est toujours à l’ordre du jour. Il faut rêver. Alors, à toutes et à tous, Bonne année 2014, combative et douce. MARYLÈNE CAHOUET (1) René Char (extrait du poème Commune présence) PORTRAIT Dulcie September LOISIRS/CULTURE Friches industrielles, une nouvelle vocation SANTÉ/SOCIÉTÉ Un grand projet fiscal ACTUALITÉ Une concertation au pas de charge Supplément à L’US n° 737 du 21 décembre 2013

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Page 1: 2014, OUI · France dont les « coûts » dépassent largement les 30€. Et que dire de la Suisse, pays le plus compétitif au monde selon l’enquête qui fait référence (2)

2014, OUI !« Hâte-toiHâte-toi de transmettreTa part de merveilleux derébellion de bienfaisance »(1)

Oui, on pourrait dire que le pessi-misme est de rigueur ça et là, dans

le monde et en France, et il seraittrop long de faire ici une liste exhaus-tive des raisons de l’être. Il s’agitplutôt de rallumer ce qui est éteint.Oui, le monde gouverné par lafinance va mal et il s’agit de rappelerla légitimité de la colère.Oui, les richesses sont là et il est pos-sible et nécessaire de les partager.Oui, « la solidarité est la dernièremarche avant le désespoir et la pre-mière pour conquérir des jours heu-reux ».Oui, actualité oblige, il faut rappelerMandela et Jaurès, et leurs messagesde révolte et d’espoir. La lutte contreceux qui alimentent les guerres, atti-sent la haine de l’autre, asservissentles peuples à leur loi, à celle de l’ar-gent et veulent maintenir les femmesdans la sujétion, qui enfourchent lesidéologies les plus réactionnaires, quibafouent les droits, cette lutte esttoujours à l’ordre du jour. Il fautrêver.Alors, à toutes et à tous, Bonne année2014, combative et douce. ■

MARYLÈNE CAHOUET(1) René Char(extrait du poème Commune présence)

PORTRAITDulcie September

LOISIRS/CULTUREFriches industrielles, une nouvelle vocation

SANTÉ/SOCIÉTÉUn grand projet fiscal

ACTUALITÉUne concertation au pas de charge

Supplément à L’US n° 737 du 21 décembre 2013

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ACTUALITÉ

>L’AN NEUF : RUPTURE OU CONTINUITÉ ?

L’air du tempsL’année qui commence semble vouloir ressembler comme une sœur à laprécédente : 2013 a commencé au Mali et s’achève en Centrafrique.

Au cœur de l’Afrique, la défense des popu-lations est indispensable mais l’héritage colonial etpost-colonial est aussi bien présent.En France, les questions de société se posent avec vio-lence, les manifestations homophobes contre lemariage pour tous en sont un exemple. Les insultesrégulières contre Christiane Taubira sont révéla-trices d’un retour en force d’un racisme et d’un anti-sémitisme exprimés sans retenue.

Le gouvernement a mobilisé contrelui la droite, et démobilisé la gauchepar des mesures antisociales dont le symbole a été laréforme des retraites. L’inversion de la courbe du chô-mage tarde, et ce malgré les emplois aidés (+ 17 800demandeurs d’emploi en novembre 2013). Malgré lesluttes, les plans « sociaux » se sont multipliés. L’em-ploi a été au cœur des vœux présidentiels avec desdécisions qui s’inscrivent dans la continuité. Seul levocabulaire change : après le pacte de compétitivitéfinancé par une augmentation de la TVA, le « pactede responsabilité », avec « moins de contrainte pourles entreprises », une énième baisse de leurs cotisa-tions, la réduction des coûts salariaux... Le MEDEFs’en félicite. La réduction des dépenses publiques està nouveau programmée et la Sécurité sociale doit en

finir avec « les excès et les abus ». Ces recettes ontdéjà fait la preuve de leur inefficacité et de leurinjustice mais le chef de l’État persiste. Certes, leSMIC, les minima sociaux, les salaires des agents decatégorie C sont revalorisés, mais l’augmentationde la TVA va amputer à nouveau le pouvoir d’achatdes salariés, des chômeurs et des retraités, et accroîtrela pauvreté.« Relancer l’Europe »? Pas l’Europe sociale, en toutcas ! Pas un mot sur les pays qui souffrent encore etencore de l’austérité. Pas un mot sur le droit à l’avor-tement remis en cause en Espagne, ni sur le votenégatif du Parlement européen sur l’accès aux contra-ceptifs et au droit à l’avortement. Mesures qui visentles femmes mais aussi les peuples dans une mêmelogique : condamner les peuples à la misère et muse-ler les libertés démocratiques.

2014 commence. « Ce qui importe avant tout,c’est la continuité de l’action, c’est le perpétueléveil de la pensée [...]. Là est la vraie sauvegarde. Làest la garantie de l’avenir » (Jean Jaurès, 31 juillet1914). Bonne année. ■ MARYLÈNE CAHOUET

S O M M A I R EÉDITORIAL p. 1ACTUALITÉL’AN NEUF : RUPTUREOU CONTINUITÉ ?L’air du temps p. 2« ...POSTEA SAIGNARE,ENSUITA PURGARE »Budget 2014 p. 3PERTE D’AUTONOMIEUne concertationau pas de charge p. 4INTERVIEWACTUALITÉS SYNDICALESEntretien avec Daniel Robin p. 5SANTÉ-SOCIÉTÉREMETTRE À PLAT LES INÉGALITÉSUn grand projet fiscal p. 6POUVOIR D’ACHATBaisse continue... p. 7PRÉVENTION ÀTOUS LES ÂGES DE LA VIEUne attitude responsable p. 7VIE SYNDICALECONGRÈS MARSEILLE 201431 mars-4 avril p. 8CONGRÈSFinancement des dépensespubliques p. 8THÈME 2DU CONGRÈS NATIONALLe métier en fil rouge p. 9L’ANI, À L’AUNE DESPRINCIPES MUTUALISTESUn marché de dupes p. 9DIALOGUE INTERSYNDICALET INTERGÉNÉRATIONNELLes Journées d’Automne 2013 p. 10ÉCHOS DES JOURNÉES D’AUTOMNETrois questionsà Viviane Baudry p. 1010 ET 11 DÉCEMBRE 2013Un invité marquant p. 11ACTUALITÉ DE LA FGR-FPPréparationdu Congrès national p. 11DOSSIERSOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLERetraités et syndicalisme,un enjeu d’avenir p. 12LOISIRS CULTURE400 MILLIARDS POUR LES BANQUESLa dette p. 19LECTURES p. 19 et 22LE FRAC DE DUNKERQUEDu chantier navalà l’art contemporain p. 20UNE BOURSE DU TRAVAILEN TERRE DE LUTTELille-Fives p. 21LES DESSOUS DE L’ISÈREAU COUVENTUn musée insolite p. 22UNE INVITATION À JOUERLe goût des mots p. 22AU FIL DE LA PRESSEJACKY BRENGOU A LU POUR NOUSPauvreté : un tournantdans l’histoire socialede notre pays p. 23PORTRAITDulcie September p. 24

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Le vent d’austérité balaieles garanties collectives

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ACTUALITÉ

En imposant une réduction du déficità 3,6 % de PIB, le gouvernement a choisi unbudget d’« économies » : plus de 80 % de l’effortrepose sur des baisses de dépenses, de l’ordre de15 milliards d’euros dont 9 milliards sur les dépensesde l’État et des collectivités locales. Hors charge dela dette et des pensions, la baisse nette pour l’État serade 1,5 milliard.Basé sur une prévision de croissance pour 2014 de0,9 % (0,1 en 2013) et une inflation de 1,3 % (0,9 %en 2013), le budget 2014 fait peser la charge de« l’effort de redressement historique » sur les servicespublics en premier lieu.Si certaines missions – éducation nationale, recherche,justice, sécurité avec 10 979 créations – sont pré-servées sans pour autant que les créations corres-pondent aux besoins réels, le principal poste concernéest la masse salariale avec la réduction des effectifsde fonctionnaires (– 2 144 postes). D’autre part, le geldu point d’indice dans la Fonction publique accroîtla récession. Pour les retraités, le report – après être passé du1er janvier au 1er avril sous Fillon – au 1er octobre del’augmentation des pensions, avec une indexationinférieure au coût de la vie, fait gagner six mois de

plus à l’État ; l’économie peut se monter à + 0,6 milliardsen 2014, et serait de + 20 milliards d’euros en 2040.Le gouvernement mise aussi sur 3 Mds de recettessupplémentaires par pression sur l’ensemble de lapopulation : hausse de l’impôt des ménages, aug-mentation des taux de TVA, de 7 % à 10 % pour letaux intermédiaire, de 19,6 à 20 % pour le taux nor-mal... Les collectivités territoriales doivent, avecdes dotations en baisse, faire face à une augmentationde leurs dépenses (RSA, rythmes scolaires entreautres). Mais le patronat a réussi à obtenir des avan-tages (par exemple, baisse des prélèvements desentreprises par compensation intégrale du relève-ment des cotisations vieillesse patronales, etc.).Quant à la lutte contre la fraude et les paradis fiscaux,elle est encore à réaliser comme la mise à plat et encohérence du système fiscal. ■

MICHÈLE OLIVAIN

LE COÛT DU TRAVAIL

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Comme les médecins deMolière, on tue le maladeen prétendant le soigner

« ...POSTEA SAIGNARE, ENSUITA PURGARE »

Budget 2014

Coût horaire du travail : Portugal 11,60 €, Tchèquie 10,60 €,Espagne 21 €, Iltalie 27,40 €, Irlande 12,90 €

(1). Si le « coût »du travail était le problème essentiel, Tchèquie, Portugal etEspagne devraient caracoler loin devant l’Allemagne et laFrance dont les « coûts » dépassent largement les 30 €. Etque dire de la Suisse, pays le plus compétitif au mondeselon l’enquête qui fait référence(2). Mais la productivité du tra-vail, la qualification des salariés, la gamme des produits sontétroitement liés au fameux « coût » du travail. Le Medef le

masque délibérément en ne se comparant qu’à l’Allemagne,en « oubliant » que les gammes des productions sont choi-sies par les patrons et en passant pudiquement sous silencele coût du capital.

PIERRE TOUSSENEL

(1) Sources : Eurostat cité par Le Monde du 14 décembre 2013

(2) WEF (World Economic Forum) enquête annuelle - septembre 2013dans Les Échos du 4 septembre 2013

Réduire les dépenses publiques etsociales, tel est le choix du gouvernementpour 2014. Conséquence, ce sont les plusmodestes qui subissent la double peine :augmentation du coût de la vie,diminution des prestations. Pour sortir dela crise économique et sociale, d’autreschoix s’imposaient.

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PERTE D’AUTONOMIE

Une concertation au pas de chargeL’élaboration de la loi sur l’adaptation de la société auvieillissement de la population est entrée dans unephase active... et même hyperactive.

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ACTUALITÉ

Le Premier ministre, entouré de laministre des Affaires sociales et de laSanté et de la ministre déléguée auxPersonnes âgées, a présenté les grands axesdu futur projet de loi pour l’adaptation de la sociétéau vieillissement de la population (cf. L’US n° 736). Prévue pour être votée fin 2014 elle entrerait envigueur en 2015 dans ses premières dispositions, lemaintien à domicile avec la réforme de l’APA,l’aide aux aidants. Sont reportés en 2016 les projetstouchant les EHPAD, les restes à charge et lesquestions d’organisation, de représentation, la« gouvernance » selon la terminologie adoptée.C’est la question des financements, particulière-ment celui de la protection sociale, qui justifie ceretard. Les retraités, déjà lourdement taxés dans laréforme des retraites, ponctionnés de 0,3 % pour laCASA (la contribution additionnelle solidarité auto-nomie), ne sont pas à l’abri d’autres mesures. La ministre Delaunay, en effet, devançant le débatsur le financement de la perte d’autonomie, a déclaréà la presse qu’elle allait engager des négociationsavec les assureurs pour élaborer un cahier descharges concernant la dépendance, dont le non res-pect pourrait entraîner la suppression des avan-tages fiscaux dont ils bénéficient. La FSU avec la SFRN, à diverses reprises, a pré-senté l’ensemble de ses propositions et remarques,particulièrement celles qui touchent au maintien à

domicile, la formation des personnels et le rôle quedoit y jouer le service public(1). Une concertation s’engage au pas de charge : vingt-trois réunions de deux heures chacune d’ici au30 janvier, une dizaine intégrant les partenairessociaux dont la FSU, les autres concernant d’autrespartenaires.Lors de la première réunion, Michèle Delaunay arappelé la place des Âgés, selon la dénominationadoptée par la ministre, comme « acteurs décisifs dela cohésion sociale ». Lors de la deuxième, concer-nant le volet accompagnement – réforme de l’APAet refondation de l’aide à domicile –, la ministre aévoqué la possibilité de dégager une mission deservice public. À chaque fois, le grand nombre departicipants oblige à de courtes interventions. Etnous ne connaissons rien du projet officiel.Début janvier : concertation sur l’urbanisme, lelogement et les aidants.La plus grande vigilance s’impose pour qu’enfin cedossier qui n’a que trop tardé aboutisse à un réel pro-grès social. Le SNES-FSU, porteur de propositionsdans le cadre de la SFRN-FSU entend bien se faireentendre. ■

ANNIE EVENO, MARYLÈNE CAHOUET

(1) Consulter le dossier détaillé publié dans le dernierPOUR Retraités, publication de la FSU adressée auxretraités.

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Des négociationsà durée limitée !

Aide à domicile : des emplois qualifésà créer

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Après dix huit mois d’exercice, il estpossible de dresser un bilan del’action gouvernementale.Si on limite ce jugement à l’Éducation nationale, onpeut dire que ce bilan aujourd’hui est contrasté.D’un côté il y a l’engagement – entamé sur lesbudgets 2012, 2013 et 2014 – de la création de60 000 emplois durant le quinquennat, de l’amé-lioration des conditions d’entrée dans le métierdes jeunes enseignants avec un service en respon-sabilité limité à un mi-temps durant l’année destage. De l’autre, aucune des réformes antérieuresqui ont touché le second degré n’a fait l’objet d’im-portantes modifications, la revalorisation tant des conditions detravail que des conditions de rémunération des personnels dusecond degré n’a pas été entamée, de surcroît avec une situationaggravée par le gel de la valeur du point d’indice depuis 2010.Enfin, la crise de recrutement n’a pas été jugulée faute de mettreen œuvre toutes les mesures nécessaires.

Mais nous n’oublions pas non plus que les créationsd’emplois dans l’Éducation nationale sont gagées surdes suppressions dans d’autres ministères, affaiblis-sant l’intervention de l’État dans l’exercice de mis-sions pourtant essentielles.

À la veille de son congrès national,quelles perspectives pour le SNES-FSU ?La nécessité de construire un nouvel outil syndical s’estrenforcée ces derniers mois. D’abord parce que, dans leprivé, le dernier décompte de la représentativité donneau groupe des syndicats « d’accompagnement » –CFGT, CGC, CFTC – une majorité qui n’est pas sans

conséquences sur les accords qui peuvent être passés au niveaunational. Ensuite parce que les objectifs de développement de laFSU que nous nous étions fixés lors du congrès FSU de Perpi-gnan en 2004 sont très loin d’être atteints.Forts des mandats des derniers congrès du SNES et de la FSU,nous avons fait en sorte de multiplier les contacts, en particulieravec la CGT, pour développer un travail commun régulier trans-versal et franchir de nouvelles étapes de collaboration. Mais ildemeure des débats à l’intérieur de la FSU sur la nature et lerythme de construction de ce nouvel outil syndical, qui passepourtant obligatoirement par un rapprochement avec la CGT. Lechangement de direction à la CGT a aussi conduit à prendre duretard au regard des objectifs que le SNES-FSU s’était fixé.

Il se murmure que tu vas quitter tesresponsabilités syndicales...L’heure de la retraite a heureusement sonné et j’abandonnerail’ensemble de mes mandats syndicaux à l’occasion du congrès,au printemps prochain. Toute ma vie syndicale au SNES-FSUs’est superposée à ma vie professionnelle d’enseignant depuismon premier poste dans le Dunkerquois, où je me suis retrouvésecrétaire de S1. Elle a été faite de joies immenses, de dursmoments, d’incertitudes aussi.Je n’oublie pas non plus les rencontres inoubliables et le travailavec des militants brillants qui ont donné au SNES-FSU lepoids, la légitimité et la crédibilité qui en font un syndicat puis-sant, respecté et parfois, heureusement, craint. Avec le recul onpeut dire que, en particulier grâce à eux, le second degré disposed’un syndicat que beaucoup de professions nous envient. ■

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ANNÉE 2014, CHANGEMENTS ANNONCÉS

Entretien avec Daniel Robin La rentrée scolaire de septembre 2013 a été la première rentrée dont le gouvernement actuel a eu l’entière responsabilité ; le ministre a aussi multiplié les chantiers. Le temps est donc venu de faire le point sur l’action gouvernementale, sur les perspectives syndicales au moment où s’annoncent des changements.

INTERVIEW

Daniel Robincosecrétaire

général du SNES

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Marseille... Dernier congrès comme cosecrétaire général

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SANTÉSOCIÉTÉ

>REMETTRE À PLAT LES INÉGALITÉS

Un grand projet fiscalLe Premier ministre parle de remise à plat de la fiscalité. Mais des orientations contradictoires et des forcesopposées prétendent inspirer cette « grande réforme fiscale ». Face à cette confusion, un principe clairs’impose : la réforme fiscale n’a de sens que si elle redistribue les richesses pour une plus grande égalité.

L’idéal égalitaire, au centre de l’ima-ginaire politique depuis 1789, reste trèspuissant dans la société puisqu’un récent sondagemontre que 75 % des Français y sont attachés. Alorsque la Révolution avait affirmé que nous entrionsdans une société d’égaux, dans laquelle chacun peutse comparer aux autres et ainsi constater des inéga-lités que l’idéal égalitaire pousse à réduire, un système(le capitalisme) fondé sur un accroissement consi-dérable des inégalités s’est développé tout au long duXIXe siècle. La situation est devenue progressive-ment explosive, comme le montre Thomas Piketty(1)

en analysant l’évolution des inégalités, parmi les-quelles les inégalités de patrimoine jouent un rôledéterminant.À la veille de 1914, le capital(2) était à un niveauélevé, équivalent à sept fois le Revenu National(notion proche du PIB) et sa répartition était extrê-mement concentrée : 90 % du capital détenu par les10 % de patrimoines les plus élevés (60 % par les 1 %les plus riches !), tandis que les classes moyennes etpopulaires se partageaient les 10 % restants.

Les guerres, la crise et les politiques publiques (natio-nalisations, fiscalité(3)) ont provoqué un effondre-ment du niveau du patrimoine qui ne représentera plusque deux fois le revenu national en 1950.Mais depuis les années 70, les patrimoines sereconstituent et représentent aujourd’hui six foisle revenu national, soit quasiment le niveau d’avantla Première Guerre mondiale. Leur répartition suit unelogique inégalitaire de plus en plus prononcée. Les10 % les plus riches possèdent aujourd’hui 65 % dutotal, tandis la moitié la plus pauvre de la populationne possède quasiment rien (5 %). Le fait nouveau estl’émergence d’une classe moyenne patrimoniale(40 % de la population) qui détient 30 % du total. Thomas Piketty estime que le rendement du capitalse situe en longue période entre 4 et 5 % alors que lacroissance est autour de 1 %. Cet écart amène méca-niquement le capital à faire des petits, surtout quandla fiscalité sur le patrimoine est allégée comme depuisla contre-révolution néolibérale. Une nouveauté liée au néolibéralisme est l’émer-gence de très hauts revenus qui donnent un ticketd’entrée dans cette société des riches. Mais le fac-teur fondamental de l’accroissement des inégali-tés est le retour de l’héritage. Alors que les baby-boo-mers ont été une génération qui a très peu hérité (dufait de l’effondrement du patrimoine), aujourd’hui lapart des successions et donations dans le revenunational atteint 20 %, soit presque le niveau de 1910(25 %). Pour les générations nées en 1970-1980,l’héritage est redevenu un facteur majeur des inéga-lités. C’est donc l’aune à utiliser pour « remettre àplat la fiscalité ». ■

DANIEL RALLET

(1) Thomas Piketty : Le capital au XIXe siècle, édition duSeuil, Paris 2013.(2) Chez Piketty cette notion recouvre le patrimoine fon-cier, immobilier, financier et professionnel. (3) Y compris des mesures radicales : en 1945, l’Étatprélève 20 % du patrimoine des grosses fortunes auxquelsil faut ajouter un prélèvement équivalent sur les richesayant collaboré.©

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SANTÉSOCIÉTÉ

Revalorisation 2013Au 1er avril les pensions ont été revalorisées de 1,3 %. Cette aug-mentation correspond à l’évolution prévisionnelle de 1,2 % pour2013 à laquelle vient s’ajouter 0,1 % au titre de l’année 2012 (évo-lution de 1,9 % pour une prévision de 1,8 %). Pour la première foisles prévisions de l’INSEE, qui se montaient à 1,8 % pour 2013, n’ontpas été reprises.Un choix qui va peser d’autant plus lourdement sur nos pensions quele gouvernement a décidé de reporter la future revalorisation au1er octobre 2014.

Le report de la revalorisation des pensionsCes 1,3 % (1 % si l’on tient compte du prélèvement de 0,3 % de laCASA) doivent couvrir l’inflation sur 18 mois. Déjà en 2009 l’an-cien gouvernement avait reporté la revalorisation du 1er janvier au1er avril sous prétexte de mieux maîtriser le calcul de l’inflation del’année précédente ; ce sont six mois supplémentaires de disette qui

sont infligés aux retraités. Le taux de TVA augmentera, quant à lui,le 1er janvier 2014.

L’instauration de la CASA(1)

Dans le droit fil des déclarations de Michèle Delaunay, parlant de« la solidarité intragénérationnelle qui interpelle le système duvieillissement » lors d’un colloque de la Caisse des Dépôts etConsignations, la CASA a été mise en place. Les retraités imposablessont les premiers à subir un prélèvement direct sur le montant de leurpensions. Les salariés sont touchés par un jour de travail pris sur unejournée chômée alors que les professions libérales sont exclues detoute contribution. Un coup de canif supplémentaire à la solidaritéd’autant plus que, comme en 2013, les fonds récoltés seront en 2014détournés de leur objectif affiché. ■

JEAN-CLAUDE LANDAIS

(1) Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie

>POUVOIR D’ACHAT

Baisse continue...Le rapport Moreau prévoyait des mesures catastrophiques pour les pensions. Si les plus néfastes n’ont pasété retenues, les choix du gouvernement vont néanmoins grèver lourdement le pouvoir d’achat des retraités.

La prévention nécessite en effetune éducation à la santé de tous les ins-tants... et des mesures à prendre à tous lesâges de la vie. Chaque hiver, la grippe sai-sonnière touche des millions de personnes enFrance, pouvant entraîner des complicationsgraves chez les personnes fragiles et les per-sonnes âgées ; d’où les recommandationspour la vaccination contre la grippe.Mais il existe dans l’opinion une désaffectioncontre toute vaccination : la couverture contrela grippe saisonnière est passée de 60 % à50 % entre 2009 et 2012. Des faits ont renduméfiants 18 à 20 % des Français : il s’agitnotamment de la survenue de la sclérose enplaques concomitante à la vaccination contre l’hépatite B.Fin novembre 2013, une plainte a même été déposée contre SanofiPasteur et l’Agence nationale de sécurité du médicament ; le vac-cin Gardasil contre le cancer du col de l’utérus aurait eu de graves

effets secondaires sur le système nerveuxcentral. Et pourtant, la prévention primairela plus répandue et la plus efficace destinéeà diminuer l’incidence d’une maladie dans unepopulation donnée reste la vaccination. Ausiècle dernier, découverte des vaccins et leurpratique, associées à de meilleures conditionsd’hygiène de vie, ont permis d’éradiquer desmaladies comme la variole, le tétanos ou ladiphtérie. Il faut donc avoir collectivement et indivi-duellement une attitude responsable vis-à-vis de la vaccination, en s’informant desrisques possibles mais en se souvenant aussique des vaccinations pratiquées à bon escient

ainsi que des dépistages à fréquence raisonnable sont les meilleursatouts pour se garder en bonne santé et contribuer à un effort de soli-darité en prévenant le risque d’épidémies. ■

FRANÇOISE EIDEN

>PRÉVENTION À TOUS LES ÂGES DE LA VIE

Une attitude responsableLes journées mondiales de telle ou telle affection incitent-elles à se faire dépister ? Après un battage d’une journée les infos tombent dans l’oubli.

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L’ACTION SOCIALEAbsente de la réflexion dans le précédent congrès, elle ne sera pas oubliée à Marseille.

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VIESYNDICALE

>2014 sera une année de consultationélectorale pour tous les citoyens français : élec-tions municipales, élections européennes.Pour les adhérents du SNES-FSU le menu sera pluscopieux encore : outre les échéances profession-nelles, ils auront à s’exprimer dans le cadre de leurorganisation syndicale ; ils commenceront par seprononcer sur les rapports nationaux, rapport finan-cier et rapport d’activité qui viennent d’être publiés,voire aussi sur les mêmes rapports académiques.

Viendra ensuite la préparation du congrès nationalet le débat sur les textes des prérapports qui serontpubliés fin janvier, puis la tenue du congrès natio-nal à Marseille. L’année scolaire s’achèvera avecl’élection des responsables nationaux. Les retraitésont la réputation de participer nombreux auxéchéances électorales ; ceux du SNES-FSU ont àcœur de ne pas ternir cette réputation, c’est pourquoinous présentons dans ces pages quelques élémentsdes réflexions en cours. ■

MARSEILLE 2014, CAPITALE DU SNES-FSU

31 mars-4 avril, Congrès national Le congrès national est un moment important de la vie démocratique du SNES-FSU ;tous les syndiqués sont invités à participer aux débats.

Le financement des dépensespubliques pose deux grands pro-blèmes : en premier lieu, comment disposer des res-sources publiques nécessaires si on refuse la solutionportée par les politiques néolibérales qui est de réduirela protection sociale et les services publics pour pri-vatiser et livrer ces fonctions sociales essentielles auxmarchands, si on veut éviter de bâtir une société inéga-litaire avec le retour de la rente et de la propriété pri-vée comme moyens de protection pour les privilégiéset avec les minima sociaux pour les plus démunis. Il

est essentiel pour la démocratieque le niveau souhaité desdépenses publiques fasse l’objetde débats publics au lieu d’êtrecontraint à la baisse par de pré-tendues « lois » de l’économie.Les politiques d’austérité sui-vies en Europe visent le déman-

tèlement de la protection sociale, la déréglementationdu marché du travail et la privatisation des servicespublics.En second lieu, la fiscalité devrait jouer un rôlemajeur dans la réduction des inégalités, alors que nousavons aujourd’hui un système fiscal anti-redistribu-tif. Une véritable réforme fiscale, devrait s’attaquerradicalement aux paradis fiscaux et à la fraude fiscale,revenir à un impôt sur le revenu progressif, imposerles grandes entreprises et construire une fiscalitélocale plus juste. Le congrès sera appelé à trancherles débats sur la réforme du quotient familial et duquotient conjugal.Nous devrons rappeler notre opposition à la fusion dela CSG et de l’IR, tout en poursuivant la réflexion surle financement de la protection sociale, en lien avecles travaux du Haut Conseil de Financement de laProtection Sociale. ■

DANIEL RALLET

> CONGRÈS

Financement des dépenses publiquesAperçu sur un thème au cœur de la réflexion syndicale et des débats du congrès.

Suite à l’intervention de la FSU, le décret demars 2013 offre la possibilité d’une refonda-tion des instances de l’action sociale minis-térielle et interministérielle. Concernant l’É-ducation nationale, les retraités sontbénéficiaires de droit à prestation, commed’ailleurs de celles de l’action sociale inter-

ministérielle. Cependant leur accès à cesprestations et à ces droits, en dépit des nou-veaux textes, continue de se heurter à denombreux obstacles, à commencer par ledéficit de connaissance comme d’information.Quelles propositions faire en ce domaine ?Des dispositions existent en matière d’ac-

tion plus spécialement destinées aux retraités(AMD, ASIA perte d’autonomie, départ à laretraite, aide au logement...). Faut-il les main-tenir dans le cadre de l’action sociale ? Com-ment en élargir l’accès ? Quelles autres pres-tations à revendiquer pour les retraités ?

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VIESYNDICALE

Avec la nouvelle loi sur les retraites,les retraités subissent une perte nette de leur pouvoird’achat (nouvelle cotisation de 0,3 %, report de larévision des pensions au 1er octobre, fiscalisation des+ 10 % accordés aux parents ayant élevé troisenfants...). Sur le fond il conviendra de réaffirmeravec force que la pension est un salaire continuédéfini par un code particulièrement ciblé par ceux quiveulent une bascule vers un ou des régimes à coti-sations définies, en explicitant ce qui n’est pas tou-jours une évidence pour les jeunes collègues.Le nombre de polypensionnés va croissant ; il fautdonc demander la proratisation pour le calcul de lapension du régime général. L’indexation des pensionssur les prix paraît une garantie, sauf qu’elle ne l’estpas pour les retraités les plus âgés. Quelle indexationreconstruire ? Quelle pertinence, après toutes cesannées de blocage du point d’indice, d’indexation despensions sur le traitement des actifs ?

Quant aux droits familiaux, il conviendrad’examiner la situation des femmes dontles pensions sont souvent inférieures à cellesdes hommes et d’être attentif auxmanœuvres qui, sous couvert d’égalité,visent à supprimer la majoration pour troisenfants.Pour la réversion, le mandat devra tenircompte de l’évolution des situations et desparcours conjugaux observés actuellement. Enfin l’allongement de la durée de cotisa-tion et le recul imposé de l’âge de départà la retraite font de la question de la ces-sation progressive d’activité une nouvellepriorité revendicative. Il nous faut obtenir son réta-blissement dès 55 ans, dans des conditions attractivesfinancièrement et non pénalisantes pour les droits àpension. ■

GEORGES BOUCHART

> THÈME 2 DU CONGRÈS NATIONAL

Le métier en fil rouge L’intitulé définitif de ce thème n’est pas encore établi mais le métier en est le fil conducteur de l’architecture ; s’agissant des préoccupations particulières des retraités, il traitera de la fin de carrière et des retraites, et réservera un espace de discussion pour l’action sociale.

> L’ANI, À L’AUNE DES PRINCIPES MUTUALISTES

Un marché de dupesL’ANI, l’Accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi dejanvier 2013, ratifié par le MEDEF et trois organisations syndicales (CGC, CFDT et CFTC), a été transcritdans la loi le 14 juin : un élément de réflexion pour le thème de la protection sociale.

Parmi les mesures décidées figure l’obli-gation d’une couverture santé complémentaire par lebiais de contrat collectif d’entreprise. Pour la MGENcomme pour les autres mutuelles, c’est plus un sujetde préoccupation qu’une avancée. Selon les pre-mières estimations, 100 000 à 200 000 adhérentspourraient quitter le groupe MGEN et migrer vers descontrats collectifs devenus obligatoires.L’ANI ne va pas tant protéger des personnes nou-velles que transformer des adhésions individuelles ende coûteux contrats collectifs « aidés » (allégementdes charges sociales et fiscales des entreprises).Ces contrats excluent ceux qui sont en dehors del’emploi: chômeurs, jeunes mais aussi retraités eton ignore aussi ce que couvrira cette complémentairesanté, quels seront les remboursements...

Pour compenser les départs prévisibles, la MGEN setourne vers les jeunes qui entrent à l’Éducation natio-nale. Elle leur propose « une offre d’entrée pourjeunes actifs » qui se caractérise par « la couverturedes besoins essentiels... adaptés aux revenus de débutde carrière ».N’est-ce pas une nouvelle rupture dans les solidari-tés intergénérationnelles après le relèvement notoiredes cotisations des retraités ?La MGEN envisage aussi pour 2014 le rattachementde la mutuelle étudiante, la LMDE, en grande diffi-culté financière. La MGEN a déjà intégré la MOCEN,la mutuelle des œuvres liées à l’Éducation Nationale– elle aussi en difficultés financières – sans que lesadhérents-mutualistes n’aient eu leur mot à dire. ■

GERVAISE LIOT

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VIESYNDICALE

> SOUS LE DOUBLE SIGNE DU DIALOGUE INTERSYNDICAL ET INTERGÉNÉRATIONNEL

Les Journées d’automne 2013

> ÉCHOS DES JOURNÉES D’AUTOMNE

Trois questions à Viviane BaudryRetraitée syndiquée SNES-FSU en Ariège participant pour la première fois aux Journées d’Automne

Bernadette Groison aouvert les débats par unexamen de l’ensemble de lasituation. Les travaux se sontprolongés avec l’analyse del’évolution de la « populationretraitée » au sens large et dansles fonctions publiques, nourriepar un exposé de Bernard Lioure,du collectif national de la SFRN,

et une étude de l’évolution de notre pouvoir d’achat,assurée par Henri Sterdyniak, expert auprès del’OFCE et membre du collectif des « économistesatterrés ».Le reste des travaux s’est réparti en quatre séquences :d’abord une table-ronde qui réunissait UNIRS Soli-daire, la FGR-FP (représentée par sa secrétaire géné-rale Annick Merlen) et la SFR-FSU ; puis une pré-

sentation, par des syndicalistes espagnols, de la spé-cificité de leur système de retraites, complexe et enpleine mutation.Ensuite une table ronde, un débat passionnant, cen-tré sur « l’image de la retraite chez les jeunes », entrereprésentants de l’UNEF et jeunes enseignants de laFSU, qui a mis en évidence l’obligation d’adapter lediscours syndical au vécu des nouvelles générations,pour déconstruire le discours dominant sur l’austéritéet obtenir des avancées sérieuses pour la prise encompte des années d’études et des conditionsconcrètes d’entrée dans la vie professionnelle.

La dernière séquence a permis d’évo-quer la vie interne de la SFRN et les pro-grès enregistrés dans la reconnaissance de sa légiti-mité et de sa représentativité au sein de la FSUcomme à l’extérieur. ■ J.-Y. BARBIER

Petite innovation : pour cause de rénovation de salle, la SFR-FSU n’a pas tenu ses journées d’automne les 14 et 15 novembre 2013 au SNUipp, rue de Cabanis, comme elle le faisait depuis leur création. Elles ont cependant connu le succès habituel avec la participation d’une centaine de retraités venus de tous les horizons de la FSU.

Pourquoi as-tu participé àces journées ? Après le départ en retraite, on seretrouve un peu coupé de l’activité syn-dicale. Sollicités pour poursuivre leurinvestissement au sein de la FSU et dansla vie de leur syndicat national, les retrai-tés ont aussi besoin de se retrouver pouréchanger sur les problématiques qui lesconcernent plus particulièrement.

Ont-elles répondu à tes attentes ?Dans une période où, pour la première fois, les retrai-tés sont directement et durement frappés par uneréforme des retraites qui persiste à faire porter lesefforts sur les salariés et les retraités, tandis que lesattaques idéologiques les présentent comme des« nantis », les journées d’automne de la SFR FSUm’ont permis de mieux apprécier les positions des dif-

férentes organisations : FSU, FGR,Solidaires, mais aussi organisations dejeunes avec le collectif « la retraite,une affaire de jeunes » et organisationsétrangères (cette année nos camaradesretraités enseignants espagnols). Et debénéficier des analyses d’Henri Ster-dyniak, économiste non orthodoxe, bienmoins médiatisées que l’éternel : « on

vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps ».Elles m’ont aussi permis de mesurer les difficultés etla responsabilité du mouvement syndical.

En conclusion ?Ne pas rester isolés, se retrouver « tous ensemble »est à la fois exaltant et nécessaire. Souhaitons être tou-jours plus nombreux à nous enrichir aux journéesd’automne de la SFR-FSU. ■PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LOUIS VIGUIER

Le système des retraitesespagnoles expliquépar Luis Castillejo, un camarade descommissions ouvrières

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VIESYNDICALE

> LES 10 ET 11 DÉCEMBRE 2013

Un invité marquantAu Collectif national des retraités du SNES-FSU

> ACTUALITÉ DE LA FGR-FP

Préparation du Congrès nationalLe Congrès national de Poitiers de la FGR-FP est entré dans sa phase active de préparation ;comme à chaque échéance, la motion revendicative est au centre des discussions.

Jérôme Pellissier a participé aux tra-vaux du collectif national qui réunit lesreprésentants académiques des retraités. Il est écrivainet chercheur en psycho et socio-gérontologie. Depuisquelques années maintenant ses travaux sont connuset reconnus au-delà de la seule sphère universitaire.Ses analyses convergent largement avec les nôtres :la société française restera démographiquement équi-librée dans un avenir prévisible, contrairement auxidées reçues ; il faut déconstruire des rapports offi-ciels qui tendent tous à enfermer les personnes âgées,considérées a priori comme malades et handica-

pées, dans un ghetto médical ; on veut bien leurconcéder d’être un gisement économique exploi-table mais sans droit à une vie sociale, culturelle et,tout simplement, humaine ! Un avertissement aumoment où se prépare le projet de loi sur le vieillis-sement ! ■ J.-Y. B.

QUELQUES OUVRAGESDE RÉFÉRENCE

• La nuit tous les vieux sont gris (essai), éditionsBibliophane 2003

• La guerre des âges (essai) éditions ArmandColin2007

• Ces troubles qui nous troublent (essai)éditions Erès 2010, voir aussi son site :www.jerpel.fr

AGENDA SYNDICAL• 8 et 9 janvier, au siège du S4 : Formation syndicale des retraités, stage

sur le pouvoir d’achat des retraités.• 12 et 13 février 2014 à Lyon : Assemblée Générale des retraités,

rassemblement annuel des délégués des académies.• 31 mars-4 avril 2014 à Marseille : Congrès National du SNES-FSU, les

textes des rapports préparatoires sont publiés en janvier dans L’US.Informez-vous des lieux et dates de vos congrès académiques etparticipez à leurs travaux.

• 17 et 18 juin 2014 au Futuroscope de Poitiers : Congrès la FGR-FP.Le congrès de la FGR-FP se prépare et les « navettes » entre échelonnational et sections départementales ont commencé.

Suite aux échanges préliminaires, lespremiers ajustements départementaux ont été com-muniqués à l’échelon national de la FGR-FP ; lescommissions de travail feront une première synthèsequi reviendra début mars dans les départements pourdébat lors des AG du printemps : retour des nouvellespropositions pour le 28 mai au plus tard.Votée unanimement en juin 2012, la motion deNarbonne reste d’actualité ; elle sera précisée enfonction des évolutions de la situation : la récenteloi sur les retraites, le report de la désindexation despensions, l’instauration de la CASA... Plusieurs

chantiers ouverts appellent à la vigilance : finance-ment de la protection sociale, stratégie de santé, loisur l’adaptation de la société au vieillissement,refondation des services d’intervention au domicile,fiscalité, autant de sujets qui pourront donner lieu àdes modifications des motions. Les intentions affi-chées par la MAP(1) de réductions des déficitspublics, de 3 à 4 milliards par an jusqu’en 2017, sonten effet très alarmants et tout à fait incompatiblesavec les avancées sociales indispensables que nousrevendiquons.

La meilleure des préparations duprochain congrès pour la FGR-FP c’est,forte de l’unité qui a réuni tous les délégués autourd’une motion commune, d’en porter les revendica-tions dans l’unité la plus large afin de les faireentendre par l’opinion publique et le gouverne-ment ; au plan local, des initiatives sont prises :journées de réflexion, interpellations d’élus, confé-rences... Il doit en être de même au plan national,avec, dans la mesure du possible, l’ensemble desorganisations de retraités. ■ ANNIE EVENO

(1) Modernisation de l’Action Publique qui s’est substi-tuée à la RGPP, la Révision générale des politiquespubliques.

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DOSSIER

Environ 8 000 retraités sont syndiquésau SNES-FSU, soit 13 % de l’ensemble des syndiqués.La progression ces dernières années du nombre de retrai-tés qui maintiennent le lien avec le syndicat s’explique parun effet démographique – départ en retraite des générationsdu baby-boom – et « politique », un fort investissement deces générations dans l’action collective. Ces deux fac-teurs sont en train de s’inverser, ce qui pose avec encoreplus d’acuité la question de la syndicalisation des retraités.La crise, les réformes des retraites menacent clairementles retraités : le niveau des pensions est appelé à diminuerdans des proportions de plus en plus importantes, pro-voquant un appauvrissement relatif des retraités. Lesretraités sont aujourd’hui visés par des mesures fiscaleset une désindexation partielle de leurs pensions. Commeles actifs, ils deviennent une cible des politiques d’aus-térité (qui réduisent la portée des mesures sur l’autono-mie), ce qui rend encore plus nécessaire la solidarité queles retraités manifestent avec les autres générations. Cela renforce la nécessité de se syndiquer, car le mondeassociatif qui prétend représenter de nombreux retraités

AU-DELÀ DES CERCLES MILITANTS

Renforcer le syndicLes syndicats submergés par une vague grise... Un

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SOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE

Retraitéset syndicalisme,un enjeu d’avenirLe syndicalisme dans son

ensemble est à un moment

important de son histoire.

Pour tous ceux qui refusent

la guerre des générations

et y oppose, la solidarité

intergénérationnelle,

l’enjeu du syndicalisme

des retraités est capital.

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Dossier réalisé par Marylène Cahouet, Annie Eveno, Daniel Rallet et Jean-Pierre Billot

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DOSSIER

n’est pas taillé pour mener ce combat. Cependant celui-ci occupe l’essentiel despositions institutionnelles.

Rester syndiqué quand on part à la retraite est une ques-tion ouverte, sauf pour les militants qui y voient une fidélité à leur engage-ment passé. Le départ en retraite est une rupture relativement radicale avec une vieprofessionnelle et qui peut être vécu difficilement quand on constate que le regarddes autres change, y compris au sein du syndicat de la part des actifs. Ce n’est pascontradictoire avec le sentiment positif d’être libéré de la fatigue et des contraintesqui pesaient en fin de carrière.

Les comportements sont alors très variés : pour beaucoup le désirde maintenir le lien avec le métier, pour d’autres le ras-le-bol par rapport à unefin de carrière difficilement vécue, pour certains l’envie de changer d’horizon etde s’engager sur d’autres terrains. On constate deux moments critiques de la syn-dicalisation qui concentrent l’essentiel de la désyndicalisation : lors du départ etdeux années après, ensuite c’est stable. Pour renforcer le syndicalisme des retraités au-delà des cercles militants, il fautbien sûr investir le terrain revendicatif, mais aussi développer des services et desoutils qui répondent aux besoins des retraités. Il faut aussi que le syndicalismepose la question du rôle social des retraités et de l’unité entre les générations. ■

calisme des retraitésn fantasme à oublier.

Jeunes et retraités,des échanges fructueux,comme ici aux Journéesd’Automne de la FSU

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SOURCES ACTUELLESET PERSPECTIVES

À TERMESPour plus d’informations sur le sujet :• Damien Bucco : Syndicalisme, retraité et

solidarité intergénérationnelle in Cahier del’Atelier, avril-juin 2010

• D. Bucco Un nouvel acteur syndical : lesretaités, Silverlife Institute-Centre d’expertisesur l’économie du vieillissement, novembre2006

• S. Beroud et G. Ubbiali Association ou syn-dicat ? Le syndicalisme des retraités faceau principe associatif, Rennes, PUR 2006

• J.-P. Viriot-Durandal, Le pouvoir gris. Socio-logie des groupes de pression des retrai-tés. PUF 2003

Recherche sur le syndicalisme retraitéEn projet un travail de l’Institut de Recherchede la FSU avec le sociologue GeorgesUbbiali : qui sont les syndiqués retraités ausein de la FSU et quelles sont leurs attentes ?Quelles sont les motivations qui les amènentà continuer à se syndiquer ? Un enjeu impor-tant pour l’avenir.

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DOSSIER

Quand et comment as-tu envisagé tondépart en retraite ? Le terme de ma carrière était prévu depuis la réformede 2003... Ce serait en 2013 afin d’avoir tous mes tri-mestres et donc de partir sans décote. À partir de là,je me suis dit que c’était une étape importante dansma vie et qu’il fallait l’organiser.

Comment as-tu préparé ta retraite? J’enseignais avec plaisir, c’était le métier que j’avaischoisi donc, mes élèves, les contacts avec mes col-lègues, les discussions en salle des profs, la vie syn-dicale tout cela allait sans doute me manquer. Etpuis les années ont passé, des réformes nous ont étéimposées et finalement pendant mes dernières annéesd’activité la perspective de la retraite m’a permisde relativiser les difficultés grandissantes de l’exer-cice de notre métier et de voir arriver cette échéanceavec soulagement.Je souhaitais profiter de ce temps retrouvé pour voya-ger, me mettre au chant choral, etc. ; mais pour

autant je n’envisageais pas cette nouvelle vie sans uneactivité militante. Après quelques hésitations j’aifait le choix de me renseigner sur l’enseignement enmilieu carcéral afin de concrétiser un projet quej’avais depuis plusieurs années.

Quels arguments utiliserais-tu pourconvaincre un ou une future retraitéede rester syndiqué ?Rester syndiquée était une évidence car l’éducationdes nouvelles générations n’allait pas cesser de m’in-téresser du jour au lendemain, et je souhaite suivre lesévolutions du métier et agir pour défendre le servicepublic d’éducation notamment.Enfin il ne suffit pas de se réjouir... de l’augmentationde la moyenne d’âge si on ne se penche pas, en par-ticulier, sérieusement sur la prise en charge de laperte d’autonomie qui, aujourd’hui, reste largementà la charge des familles malgré l’aide non négli-geable des départements. C’est aussi une raison pourmoi de continuer à militer en tant que retraitée. ■

quent la fin des Trente Glorieuses, avec l’instaurationeffective en 1983 de la retraite à 60 ans, le nombre desretraités syndiqués s’accroît considérablement pouraboutir à la situation actuelle.

Les centrales ouvrières ont aussi dûrépondre aux gouvernements suc-cessifs qui depuis les années 60 initiaient unepolitique d’action sociale en direction des personnesâgées, contribuant à nier le caractère de la retraitecomme « revenu continué » assis sur des cotisationset la solidarité. Mais l’absence initiale des syndi-cats, sauf dans la fonction publique, a favorisé l’émer-gence d’associations dites du troisième âge. À l’ori-gine elles prétendaient occuper les retraités, organiser

La FGR-FP est née en 1936 enpériode d’avancées sociales, de la néces-sité pour les retraités de la fonction publique de s’or-ganiser pour veiller à l’application du code des pen-sions et obtenir des améliorations. En 1968 lescentrales ouvrières prennent conscience, devant lesrésultats du recensement de la population et surtoutà la lumière des événements de mai, de l’urgentenécessité de syndiquer les retraités, de les organiseret de tirer profit de leur potentiel militant.En 1969 la CGT organise une conférence nationaledes retraités et crée une Union Confédérale desRetraités. Les autres centrales sont dans la mêmedémarche. Avec l’utilisation massive des préretraitescomme réponse aux licenciements massifs qui mar-

LES SYNDICATS ET LES RETRAITÉS

Une histoire récenteMis à part dans la fonction publique d’État, les syndicats ne se sont que tardivement posé la question de lasyndicalisation des retraités et à plus forte raison du syndicalisme des retraités. La vision de la situationétait simple : « les retraités sont en marge de la vie de travail donc de la vie syndicale ».

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ENTRETIEN

Une nouvelle retraitéeMarie-Hélène, professeure de mathématiques lyonnaise, partie à la retraite le 1er octobre 2013.

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DOSSIER

Fondée le 20 juillet 1936, la FédérationGénérale des Retraités de la Fonction Publique esthistoriquement la première organisation de retrai-tés ; elle a affiché à sa création une vocation reven-dicative : faire appliquer intégralement le code despensions voté en 1924 alors que ce n’était pas encorele cas. Pratique fort inédite, sa première secrétairegénérale était une institutrice, Marthe Pichorel. Inter-dite pendant l’Occupation, elle s’est reconstituée à laLibération ; elle a résisté depuis aux scissions syn-dicales de 1948 et 1992.La FGR-FP rassemble au niveau national et dépar-temental des militants de syndicats de l’UNSA, de laFSU, de Solidaires, de FO... et des adhérents directs,essentiellement d’anciens syndiqués. Elle est l’unedes composantes majeures du Pôle des retraités de laFonction publique – 260 000 adhérents – qu’elle a

constitué avec des associations de retraités de lagendarmerie, de la police, de la Poste et des officiersmariniers. Tenus longtemps à l’écart de toute fonc-tion élective dans les instances délibératives de laFGR-FP, le SNES et d’autres syndicats de la FSUsont depuis quelques années partie prenante desdirections au plan national et départemental. Le tra-vail unitaire réalisé depuis une petite dizaine d’annéesa conduit à des positions revendicatives dans les-quelles chacun s’est retrouvé.La donne a certes changé avec l’élection d’un nouveauprésident, et le positionnement de l’UNSA sur certainsdossiers rend le consensus plus difficile ; le travailengagé se poursuit néanmoins. Le SNES-FSUl’aborde avec la même volonté de poursuivre unedémarche revendicative commune de la FGR-FP et dese donner les moyens de la faire aboutir. ■

LA FGR-FP

Une place à part Forte de 53 000 adhérents retraités, la FGR-FP est une pièce importante du puzzle syndical que constituent les organisations de retraités, la plus ancienne et sans doute la plus originale.

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leurs loisirs, tisser du lien social. Elles sont très viteregroupées pour intervenir sur le terrain de la vie quo-tidienne, organisant des actions de prise en charge despersonnes âgées et se sont constituées en lobbies seprésentant comme apolitiques mais qui se donnentpour but de peser sur les choix gouvernementaux enmatière de politiques publiques pour la vieillesse.Gommant dans leur démarche tout aspect revendicatifcommun avec les actifs, elles entendent disputer auxsyndicats la représentation des retraités dans les ins-tances qui les concernent au nom d’un monopolede la représentation « des âgés » qui serait leur apa-nage.

Il existe donc actuellement deux pôlesantagonistes pour représenter les retraités etles personnes âgées :• un pôle syndical constitué des UCR, les UnionsConfédérales de Retraités et Sections ou Unions deretraités des syndicats non confédérés tel la SFR-FSUou l’UNSA-Retraités... ;• et un pôle associatif « dit indépendant » constituéautour de la CFR (Confédération Française desRetraités) qui, après avoir aggloméré les poids lourdsassociatifs tels les « Aînés Ruraux », revendiquedeux millions d’adhérents. Elle multiplie lesdémarches pour s’imposer comme l’interlocutrice

des pouvoirs publics en France et en Europe où elleest en concurrence avec la FERPA (Fédération Euro-péenne des Retraités et Personnes Agées), brancheretraitée de la Confédération Européenne des Syn-dicats. Ce pôle « dit indépendant » considère que ladéfense des retraités et personnes âgées doit êtreexclusive et que les organisations syndicales quipréconisent l’unité d’organisation et de revendicationavec les actifs ne peuvent assumer ce rôle.Le fait syndical chez les retraités est donc contestédans ses fondements mêmes ; l’enjeu du syndicalismedes retraités n’est par conséquent pas anodin maisengage de fait l’avenir de tout le syndicalisme. ■

Actifs, retraités,tous ensemble,le choix de la FSU

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DOSSIER

DU CÔTÉ DE LA FSU

Trois questions à Pierre ToussenelPierre Toussenel est le cofondateur des SFR (Sections Fédérales de Retraités de la FSU) dont il défendit lacréation au congrès national de la FSU en janvier 2007 à Marseille.

>Tu as été le principalartisan de la créationdes SFR, peux-tu nousrappeler ce qui l’a moti-vée et a justifié sa placeau sein même de laFSU ?Dans plusieurs sections départe-mentales de la FSU, les retraités duSNEP, du SNES et du SNUippnotamment avaient mis sur pied

une structure de réflexion et d’animation commune pour les retrai-tés. Le besoin existait donc, de plus en plus pressant, de créer unetelle structure à tous les niveaux. Il s’agissait d’une part d’ancrerle syndicalisme des retraités aux côtés des actifs de leur syndicatet d’autre part de faire face à une éventuelle mutation de la FGR,largement dominée à l’époque par l’UNSA, en tissant des liens àtous les niveaux avec les unions confédérales de retraités pourfaire face à toute éventualité.

Plusieurs syndicats de la FSU étaient déjà affi-liés à la FGR-FP, d’autres les ont rejoints :qu’est-ce qui légitime cette double adhésion ?Notre volonté était de maintenir cette adhésion et d’œuvrer àfaire accepter par la majorité UNSA un partage des responsa-bilités dans la FGR, le refus de ce partage ayant été à l’originedu suicide de la FEN par l’exclusion du SNES et du SNEP.

Avec le recul et l’expérience, les SFR ont-ellestrouvé leur place dans le syndicalisme des retrai-tés ?La situation a évolué très positivement dans la FGR au fil des ans.La FSU y compte désormais plus d’adhérents que l’UNSA ; le rôleet le poids de ses syndicats y sont reconnus. Quant à la SFR natio-nale, maintenant prise en compte dans notre fédération comme parles pouvoirs publics et ses partenaires, elle est très utile pour ladéfense des intérêts des retraités. Dans les départements, les SFRsont dans la plupart des cas parties prenantes des inter-UCR mal-gré quelques veto passéistes, en particulier de la CFDT. ■

SYNDICALISME DES RETRAITÉS : CHAMP REVENDICATIF

Une double approcheLe syndicalisme réfute l’idée d’une assignation sociale des retraités au silence ou d’un simple soutien auxrevendications et aux actions des actifs.

>Ainsi l’engagement syndical desretraités dans le SNES-FSU est lerésultat du choix d’un syndicalismeintergénérationnel. L’identité syndicale desretraités du second degré se fonde sur le prolonge-ment de leur identité professionnelle qui perdure,même si le départ du métier a été vécu comme unelibération. Le champ revendicatif des retraités résultedonc d’un double mouvement : d’une part en tant queretraités avec des revendications spécifiques et d’autrepart en tant qu’anciens actifs puisque la retraite est unsalaire continué. Ils portent donc aussi avec les actifsdes dossiers sociaux aux enjeux plus larges : pro-tection sociale, retraite, pouvoir d’achat, fiscalité...Comme les adhérents des UCR, les retraités duSNES-FSU et plus largement de la FSU agissent de

concert avec les actifs regroupés dans les organisa-tions syndicales, alors que les associations de retrai-tés et personnes âgées s’en démarquent le plus sou-vent : la présence des retraités aux côtés des actifsdans les manifestations en témoigne comme entémoigne par exemple la condamnation par les retrai-tés syndiqués de la « journée de solidarité Raffa-rin » alors que les associations l’ont en général plé-biscitée et la plébiscitent encore.

Il y a aussi indéniablement des dos-siers spécifiques. L’actualité en est la preuveau moins sur deux plans. Ce sont d’abord les attaquescontre le pouvoir d’achat des retraités, amputé par laCASA (contribution additionnelle de solidarité pourl’autonomie) de 0,3 % pour les retraités imposables

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DOSSIER

POUR NE PAS CONCLURE

« Continuer à être militantpour soi-même et pour autrui »L’engagement syndical à la retraite s’inscrit dans la continuité syndicale. Comment rompreen effet avec l’implication dans la lutte pour une autre société porteuse de valeurs ?

>Continuité syndicale d’un besoin d’agir quia été imprimé par des décennies de militantisme.Continuité d’un besoin de sens et de toujours avoirprise sur le monde. Rôle de transmission aussi puis-qu’il s’agit pour l’organisation de garder des militantsexpérimentés, de transmettre un capital militant. Lesluttes nouvelles s’alimentent des luttes passées nonpour les reproduire mais pour s’en nourrir, les ana-lyser, en tirer des enseignements et poursuivre.Retraite syndicale, le mot est ambigu. Le métierfini, le militantisme syndical devrait l’être aussi.Logique purement formelle car il faut rappeler queles retraités ont aussi intérêt, en tant que retraités, àpoursuivre leur engagement syndical à la retraite.Il faut revenir à l’essence même du syndicalisme :organisation collective pour défendre ses revendi-cations, et pas seulement les revendications intergé-nérationnelles, ciment de notre syndicalisme auSNES-FSU.On peut parler, de façon distincte mais non contra-dictoire, de l’aspect catégoriel en prenant appui surla situation spécifique de retraité avec les questionsde pension : calcul, taux, revalorisation... Aspectcatégoriel aussi avec cette période de la vie où lesquestions de santé, d’autonomie, se posent sansdoute avec plus d’acuité.

Comment faire enfin pour que ce temps soit untemps enfin libéré, comment anticiper des momentsplus fragiles, comment les accompagner ?

Derrière ces interrogations, la revendi-cation d’une autre société où se jouent différem-ment les questions du travail, de la retraite, des tempsde vie. On peut être retraité et syndicaliste dans unsyndicalisme d’actualité et non de survivance dupassé. Le syndicalisme est porteur d’espoir. ■

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et par la désindexation partielle des pensions. Sansparler des campagnes récurrentes contre les retraitésprésentés comme des nantis égoïstes, campagneslourdes de menaces.C’est aussi la concertation entamée depuis peu sur lafuture « loi d’adaptation de la société au vieillisse-ment ». La plus grande vigilance s’impose pour quece dossier, qui n’a que trop tardé, aboutisse et répondeaux attentes, aux besoins. Au centre du problème : laquestion des financements. La CASA, qui segmenteles générations et qui, pour le moment, est détournéede ses objectifs, ne peut suffire. Le gouvernements’oriente vers une refondation du financement de laprotection sociale ; or la politique menée jusqu’ici

dans ce domaine va à l’encontre des intérêts desactifs et des retraités.

Enfin le syndicalisme retraités estouvert sur des problématiques ditessociétales en s’investissant par exemple dans ledomaine des loisirs et de la culture pour combattrel’aspect occupationnel ou thérapeutique de la concep-tion des loisirs développée par les associations etles clubs dits du « troisième âge ». Pour les retraitésSNES-FSU dont le syndicalisme est et a toujours étépar sa nature même ouvert sur le monde, sur lechamp culturel, ce n’est pas une découverte mais laconfirmation d’une identité. ■

Réunion du collectifnational d’animation

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INFOSPRATIQUES

> >Dans cette rubrique, Marie-Louise Billy et Robert Jacquin vous répondent ; envoyez vos questions àL’US-Retraités, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 ou par mail à [email protected] téléphonique les mecredi et jeudi : 01 40 63 27 32 et 01 40 63 27 31

23 ET 30 MARS 2014,ÉLECTIONS MUNICIPALES

Les principauxchangements• Les électeurs vont devoir exprimerdeux votes sur le même bulletin ; unpour « la liste des candidats au conseil municipal »sur la partie de gauche et un pour la liste « descandidats aux mandats des conseillers commu-nautaires » sur la partie de droite. Les candidatsà l’élection au conseil communautaire des EPCI*(communauté de communes – d’agglomération –urbaine et des métropoles) doivent être égale-ment candidats au conseil municipal.

• Le mode de scrutin dépend tou-jours de la taille de la communeDans les communes de plus de 1 000 habitantsle système, qui implique le respect de la parité,combine scrutin majoritaire à deux tours et scru-tin proportionnel.Au premier tour, la liste ayant obtenu la majoritéabsolue obtient la moitié des sièges et les siègesrestants sont répartis à la proportionnelle à laplus forte moyenne entre toutes les listes ayantobtenu plus de 5 % des exprimés y compris la listemajoritaire. Si aucune liste n’a 50 % des voix aupremier tour, le deuxième tour est nécessaire.Seules les listes ayant obtenu plus de 10 % de suf-frages exprimés peuvent s’y maintenir. Le moded’attribution des sièges est le même qu’au premiertour et la liste arrivée en tête obtient la moitié dessièges.Dans une commune de moins de 1 000 habi-tants le scrutin reste le scrutin majoritaire, plu-rinominal, à deux tours. L’obligation de paritéhomme/femme n’est pas requise et les électeurspeuvent toujours ajouter ou supprimer des can-didats sur le bulletin de vote ; pour être éligibleil faut cependant avoir fait acte de candidature.Cas particuliers : À Paris et Lyon, les électionsse déroulent par arrondissement ; par secteur àMarseille.

(1) EPCI : établissement public de coopération inter-communal (groupement de communes)

Anomalie sur votre factured’eau Il s’agit peut-être de la conséquenced’une fuite ou d’une erreur de relevé ;commencez par vérifier toute l’instal-lation de votre domicile. Si aucune fuiten’est décelée, appelez votre fournis-seur pour qu’il contrôle votre comp-teur.Depuis le 1er juillet 2013, afin de pro-téger les abonnés en cas de fuites nonvisibles (canalisations enterrées), sileur surconsommation excède ledouble moyen du volume consommésur les trois dernières années, le four-nisseur a l’obligation de les prévenir,soit au moment du relevé annuel ducompteur, soit au plus tard au moment de l’envoi de la facture.En cas de fuite vous avez un mois pour faire effectuer les réparations par une entre-prise de plomberie qui fournira une attestation, laquelle vous dispensera derégler ce qui excède le double de votre facture habituelle. Et si votre distributeurne vous a pas averti, vous pouvez également demander de bénéficier de cedégrèvement.La charge de la réparation ne vous incombe que si la fuite se trouve après le comp-teur sur votre terrain ; toute fuite concernant des canalisations situées avant lecompteur et en dehors des limites de votre propriété relève de la responsabilitédu service des eaux.Le compteurLe compteur est la propriété du service des eaux, qui vous le loue. Il est néces-saire de l’entretenir et s’il est situé à l’extérieur de le protéger du gel.Si vous craignez un dysfonctionnement du compteur, vous pouvez demander savérification à la société distributrice. Cependant, si aucune erreur n’a été commiseet que son fonctionnement est normal, les frais de l’intervention seront à votrecharge. En revanche, en cas d’anomalie constatée, la recherche sera prise en chargepar le service des eaux.En cas de litigeAdressez-vous d’abord directement à votre distributeur d’eau par courrier (recom-mandé, c’est plus prudent). Si au bout d’un mois il n’a pas répondu à une récla-mation écrite, vous pouvez vous adresser au médiateur de l’eau.Le médiateur doit être saisi par une simple lettre accompagnée d’une copie desdocuments justificatifs du litige ; il dispose d’un délai de deux mois pour étudiervotre dossier et vous proposer une solution que vous êtes libre de suivre ou non.Adresse et renseignements complémentaires sur le site : www.mediation-eau.fr

QUE FAIRE?

En cas de litige avecson distributeur d’eau

Àncien compteur.Musée de l’eau à Lisbonne

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LOISIRSCULTURE

Chemineravec les écrivains Alan Paton [1903-1988] Pleure, ô pays bien-aimé (1948) André Brink [1935-] Au plus noir de la nuit (1974) Une saison blanche et sèche (1980) Un turbulent silence (2003) Mes bifurcations autobiographie (2010) Un instant dans le vent (2011)Nadine Gordimer [1923-] Prix Nobelde littérature en 1991- Dernières paru-tions :Le Conservateur (2013 - Cahiers rougesGrasset)Récits de vie (2012 - Grasset)Vivre à présent (2013 - Grasset)J.-M. (John Maxwell) Coetzee[1940] Prix Nobel de littérature en 2003Mikael K., sa vie, son temps (1983 -Points)Paysage sud-africain (2008)Une enfance de Jésus (2013 - Seuil)Breyten Breytenback [1939-]Mémoire de poussière et de neige(1989)Le cœur-chien (2005 - Actes Sud)Outre-voix : conversation nomade avecMahmoud Darwich (2009 - Actes Sud)

Parmi les policiers récents :Henning Mankell La lionne blanche (2005 - Points)Don MeyerLes soldats de l’aube (2004 - Points)Caryl FereyHaka (2003 – Folio policier)Zulu (2010 – Folio policier)

Et ne pas oublier,les écrits de MandelaUn long chemin vers la liberté NelsonMandela - Autobiographie. Fayard 1995,Livre de poche 2009Les grands discours Nelson Mandela,[dont celui de son investiture le 10 mai1994] (Points 2010)Conversations avec moi-même Lettresde prison, notes et carnets intimes, Nel-son Mandela (La Martinière 2010 -Points poche 2011)Pensées pour moi-même - Citationsautorisées de Nelson Mandela (La Mar-tinière 2011 – Points poche 2011)

Un choix proposé par Michèle Olivainen livre de poche, sauf indication différente.

Pourquoi ce film ?Nicolas : J’écoutais une émission de FranceInter après la crise de 2007 quand une audi-trice demande à un petit groupe d’expertséconomiques : « d’où vient l’argent qu’on vainjecter dans les banques pour les sau-ver ? ». Quelques mois auparavant Fillondéclarait être à la tête d’un État en faillite, lescaisses étaient soi-disant vides, mais subi-tement, on avait trouvé plus de 400 mil-liards pour sauver les banques... L’auditricen’a pas obtenu de réponses à sa question !J’ai alors tapé sur internet : « d’où vientl’argent ? », et là je suis parti pour troisans ! Le film entier est notre recherche pourrépondre à cette question.Sophie : Sydney Pollack disait « Il y adeux manières de faire des films : expli-quer aux gens ce que vous avez découvert,ce que vous savez, ou bien essayer de com-prendre des choses que vous ne connaissezpas ». Pour moi la dette ça a été un peu lesdeux.J’ai souhaité participer à la réalisation de cefilm car, honnêtement, je ne comprenaisrien, ou pas grand-chose, à ces questionsmonétaires et financières. Pourtant, en écou-tant les cascades de nouvelles sur la dette,la crise et la nécessité absolue de faire deséconomies, j’ai eu assez tôt le sentimentd’un « enfumage » de grande ampleur.

De quoi nous parle-t-il ?Nicolas : Il apporte des réflexions à partirde questions simples : qui fabrique l’ar-gent ? Qui décide ? Les déficits publics, lechômage, le besoin de croissance, les crisesfinancières, tout cela est relié à la façondont nos sociétés créent la monnaie. C’estcette découverte que nous avons eu envie departager en faisant ce film.

Sophie : On nous répète à l’envi qu’il n’ya pas d’argent et on a fini par y croire. Maisl’argent c’est une fabrication humaine, cen’est pas une ressource naturelle. Nous nesommes plus à l’époque où les réservesd’or limitaient la quantité de monnaie.Aujourd'hui, 90 % de la monnaie sont deschiffres créés sur ordinateur par ceux qui enont le droit. Alors qui décide de combiend’argent on injecte dans la société et où onl’injecte ? La réponse est dans le film !

Pour conclure ?Nicolas : Nous avons réalisé ce film entoute indépendance pour faire entendre uneautre voix que celles des experts officielsdes gouvernements et des journaux télévi-sés, et nous invitons tous ceux et celles quisouhaitent organiser des projections-débatsà prendre contact avec nous.Sophie : J’espère que le résultat va vous pas-sionner, vous indigner, vous éclairer, vousdonner des idées et quelques clés pour chan-ger la donne... Pour que l’argent redeviennele bien public qu’il devrait être, un puis-sant outil de progrès collectif, et non plusl’instrument de cette oligarchie absolutisteet débauchée qui veut contrôler nos vies. ■

PROPOS RECUEILLIS

PAR JEAN-LOUIS VIGUIER

• Pour en savoir plus et retrouver la program-mation : www.ladettelefilm.com

> 400 MILLIARDS POUR LES BANQUES

La detteVéritable invitation à devenir « un experten démystification », ce passionnantdocumentaire, sorti en septembre 2013,est l’œuvre de deux réalisateursprofessionnels indépendants, Sophie Mitrani et Nicolas Ubelmann.

Afrique du Sud

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>Friches industrielles,une nouvelle vocation

Le FRAC de Dunkerque exis-tait depuis 1996 mais à l’étroit dansune ancienne maternité et avait besoind’espace. Depuis la mi-novembre, il aintégré le site des anciens chantiers navalsfermés depuis 25 ans. État, Région etcommunauté urbaine de Dunkerque ontcontribué à égalité à hauteur de 15 millionsd’euros au financement de l’opération. Lenouveau bâtiment offre 2 000 m2 d’expo-sition (sur 6 niveaux), 2 800 m2 de réserves

et se situe dans le quartier portuaire rénovédu Grand Large.La mue s’opère de façon originale car, sile site est une friche, le lieu d’expositionconsiste en un jumeau translucide (commele Louvre-Lens) construit près du derniervestige patrimonial du chantier, le monu-mental atelier de préfabrication surnomméla « cathédrale », 75 m de long, 25 m delarge, 30 m de haut. Impossible de détruirela « cathédrale », d’où l’idée de construire

Dans les villes européennes

du XXIe siècle, les traces

de l’industrialisation passée

subsistent et représentent

des potentiels fonciers parfois

laissés en déshérence

ou offerts à l’appétit des

spéculateurs immobiliers.

L’extension des friches

est allée de pair avec

la désindustrialisation à partir

du milieu des années 1970 ;

récemment les collectivités

locales ont pris conscience

de leur potentiel culturel

et donc touristique

et économique. Un pari risqué

mais en passe de réussir.

LOISIRSCULTURE

Les « jumeaux »siège du FRACde Dunkerque

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> LE FRAC DE DUNKERQUE

Du chantier navalà l’art contemporain« L’art est simplement la preuve d’une viepleinement vécue » Stiv Bators (sur le fronton du FRAC)

Dunkerque a célèbré en 2013 à la fois les 30 ans des FRAC

(Fonds Régional d’Art Contemporain) et son rang de capitale

culturelle régionale du Nord-Pas-de-Calais.

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un jumeau à double enveloppe pouréconomiser l’énergie, translucide pourévoquer l’ouverture à tous : l’art est placéen cœur de ville, le musée se veut ouvertà tous.Une rue couverte permet une vue d’en-semble sur l’intérieur des deux bâtiments ;une passerelle extérieure de 300 m seraréalisée permettant de rejoindre une digue.Déjà en fonctionnement : un café pouréchanger, un studio pour accueillir desateliers de médiation, un salon pour lesévénements liant art et design, un forum de600 m2 – cœur du bâtiment – pour lesgrandes pièces et un belvédère qui permetune vue imprenable sur le port, la ville etla Mer du Nord, et sert lui aussi de lieud’exposition. ■

GEORGES BOUCHART

• Première expo : « Le futur commence ici »,jusqu’en avril (entrée gratuite au FRACjusqu’à cette date).

Cette entreprise fut l’un desprincipaux fabricants de loco-motives à vapeur avant 1939,puis après-guerre de locomotives électriques.Dans les années 1950 c’est plus de 5 000personnes qui travaillaient dans une usineaux multiples ateliers. Dans les grandsbureaux, outre la direction se trouvaientplusieurs centaines d’ingénieurs, de techni-ciens, de dessinateurs qui concevaient lesmatériels fabriqués dans les ateliers. Dèsl’entre-deux guerres, la production est diver-sifiée, avec gares, ponts métalliques, usinesclés en main : pétrochimie et surtout sucre-ries pour la France et l’étranger jusqu’enAmérique latine ou en Union soviétique...Les sucreries font la moitié du chiffre d’af-faires de la compagnie dans les années 1960,avec cent personnes aux « études » dansles Grands Bureaux. Ce passage de la loco-motive à la sucrerie, choix du groupe ban-

caire Paribas, s’est accompagné de fusionsdans la seconde moitié du XXe siècle quiconduisirent au plan de licenciements de1959 – plus de 1 500 personnes concernées– provoquant une grève qui fut l’un despremiers affrontements majeurs de lapériode gaulliste, dans ce bastion du mou-vement ouvrier où les militants de la CGT,héritiers d’une résistance active à l’occupantnazi, dans l’usine même, tenaient la placeprincipale. Ils menèrent des luttes intensesjusque fin des années 1990 et la disparitioncomplète des « fabrications » comme des« études ».La tentative municipale de raser la cheminéed’usine a été mise en échec il y a deux ans. La cheminée est encore là avec à ses piedsla Bourse du Travail de Lille. ■

JEAN-FRANÇOIS LAROSIÈRE

(1) Fives fut incorporé à Lille sous le SecondEmpire.

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LOISIRSCULTURE

> UNE BOURSE DU TRAVAIL EN TERRE DE LUTTE

Lille-Fives(1)

Depuis novembre 2012 les syndicats lillois, dont la FSU, ontemménagé dans une nouvelle Bourse du Travail, située« boulevard de l’Usine ». Elle occupe les grands bureaux dece qui fut la Compagnie de Belles-filles.

UN PROJETFRANCO-BRITANNIQUEDepuis septembre 2013 des équipesmixtes internationales se rencontrenttous les quinze jours au CUEEP(1) Lit-toral du Pas-de-Calais ; elles travaillentà un projet de réaménagement defriches urbaines qui lie le Kent et lePas-de-Calais ; au-delà de la confi-guration franco-britannique, elles intè-grent des Chinois, des Indiens, desGrecs et des Albanais.Cofinancé dans un cadre interégional,le projet « Recreate » est soutenu parles Universités de Bournemouth etd’Artois ainsi que par la Communautéd’agglomération de Lens. Il s’agit dedévelopper des industries créatives(design, applications numériques...)centrées sur la réhabilitation de frichesurbaines afin d’y créer des espacesde travail pour ces entreprises. Sont encours d’études : la réhabilitation debains-douches à Flers (Orne) ; la OldBank à Margate (Kent) et en projet desfiches urbaines à Medway et Calais.

G.B.

(1) CUEEP : Centre universitaire-économie d’édu-cation permanente, organisme de formation conti-nue de l’Université de Lille.

PETIT CATALOGUE INCOMPLET ET DANSLE DÉSORDRE DE QUELQUES RÉAMÉNAGEMENTS

Il n’y a pas que les établissements industriels abandonnés qui ont donné lieu à desfriches. Certaines zones portuaires et leurs entrepôts, d’anciennes voies de che-min de fer, d’autres lieux encore sont « recyclés » et changent de vocation. Les acti-vités culturelles dominent dans les types d’aménagement retenus comme dans laBilbao réanimée par Guggenheim :Mines, terrils et abords avec comme fleuron le Louvre-LensSecteurs industriels urbains : Paris La Chapelle, île Seguin ; Lyon Confluence et l’Îlede Nantes ; Belle de Mai Marseille ; et la « piscine » de Roubaix et le gazomètreSaint-Denis transformé en Stade de France...Docks et Ports : docks de Londres ; quais de la Garonne à Bordeaux ; Gare mari-time de Cherbourg ; et entrepôts de l’ancien port fluvial de Besançon devenus Citédes Arts et siège du FRAC en 2013...Halles ou Entrepôts : halle au cuir Censier Paris ; Bercy zone commerciale ; FivesBourse du travail ; Grands Moulins Paris ; LU à Nantes et les Abattoirs de La Vil-lette devenus Cité des sciences Paris...Emprises ferroviaires devenues musées : Orsay Paris ; Gare Saint-Sauveur Lille ;voies ferrées transformées en vélo-route ou coulée verte ; et même la prison deNantes transformée en hôtel de luxe ou un chalutier de RDA en salle de spectacleambulante...

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LOISIRSCULTURE

>LOISIRS

CULTURE

MammouthPréhistoriquela classe ouvrière ?

Rien à voir avec lefilm du même nom.Ici nous sommes enItalie dans une usinede câbles avec leleader syndicalBenassa. Vingt ansde bagarres contrel’exploitation capita-liste : grèves, mani-

festations... avec les « comités syndi-caux » de l’usine.Mais la loi du marché effrite peu àpeu cette unité ouvrière. Et le leaderbroie du noir. Il s’interroge : se mettreen retrait ou poursuivre ? Le livre seconcentre sur les quelques jours quiprécèdent la décision de Benassa : lavie à l’usine, les réunions passion-nées, les débats truculents, la vieprivée et des portraits hauts encouleur des ouvriers et des patrons.L’auteur, qui a travaillé plus de 30ans en usine, rappelle que « lorsquele syndicat se divise, une partie vavendre son âme au patron et l’autreau diable [...] le seul à payer pourtout le monde, c’est l’ouvrier, car lepatron vous effile au rasoir ».

• Mammouth d’Antonio Pennacchi ;traduction : Nathalie Bauer, éditions LianaLevi, 2013.

Intégration à l’italienneEn passant par la LorraineChaque année, Villerupt, petite villed’une vallée encore vouée récem-ment à la sidérurgie, se métamor-phose : fin octobre, début novembre.Elle devient pendant quinze jours lacapitale du cinéma italien. On a célé-bré en 2013 le 36e anniversaire de ceFestival du film italien. En 1974, avantque n’éclate la première grande crisede la sidérurgie, des jeunes universi-taires passionnés de cinéma et issuspour la plupart de l’émigration ita-lienne se sont lancés dans cetteaventure pour mieux faire connaître lecinéma de leur pays d’origine ; l’aven-ture dure toujours...

• Pour compléter votre information, lirel’article de Silvia Octave dans la Lettre auxRetraités de l’académie de Strasbourg.Sd67.fsu/MG/pdf/lettre_aux_retraités

LES DESSOUS DE L’ISÈRE AU COUVENT

Une expo insolite

La première usine iséroise desous-vêtements féminins, LOU,est née dans le contexte de l’après-guerremarqué par l’arrivée de la consommationde masse et surtout l’évolution de la placedes femmes dans la société contemporaine.Elle devint rapidement l’un des plus impor-tants employeurs de Grenoble avec 1 200salariés. Suivirent de nombreuses autressociétés : O Yes, Playtex, Lora, Clairmaille,Valisère, Wonderbra... des noms qui réson-nent aux oreilles féminines. Dès les années70 les entreprises furent absorbées par degrands groupes internationaux. La concur-rence et la délocalisation des fabricationsont entraîné la perte des fameux « dessous del’Isère ». Des milliers de salariés ont perdu

leur emploi ; la dernière fermeture est cellede Playtex en 2010. Cette longue histoire estretracée dans une exposition proposée par leMusée Dauphinois(1) : les collections de cor-sets, faux-culs, dentelles, frou-frous, les pho-tos déshabillées, témoignent de ce passé,ponctuées de banderoles revendicatives, devidéos émouvantes d’ouvrières qui ne veu-lent pas que meure leur savoir-faire...Ironie de l’histoire ou clin d’œil à Diderot,c’est un lieu « reconverti », le Couvent deSainte-Marie d’en-haut, devenu le MuséeDauphinois, qui abrite l’exposition. ■

ANNIE EVENO

(1) 30, rue Maurice Gignoux, 38031 Grenoble.Entrée gratuite.

Fleuron de l’industrie iséroise au XXe siècle, la fabricationdes sous-vêtements féminins dont les usines animaient la viedes quartiers a marqué l’histoire de la région. Leurs bâtiments,transformés souvent en résidences, portent parfois encorele nom de l’entreprise.

>UNE INVITATION À JOUER

Le goût des motsUn recueil poétique, une invitation à jouer, même devenus adultes,avec les mots.

Quelques lecturesLes suggestions sont de Marylène Cahouet

Quand « presbytère » tombadans l’oreille de Colette(1) toutepetite, elle en fit le nom scientifique d’unpetit escargot rayé jaune et noir. On imaginemal sa déception lorsque sa mère lui indiquaque c’était la maison du curé...C’est aux étonnements lexicaux de l’en-fance que l’anthropologue Françoise Héritierconsacre son dernier livre Le goût des mots.Elle veut essayer de découvrir ce qui tournedans les têtes des enfants, entre l’oral et lesens des mots, celui que leur donne lesenfants, leur sens à eux, leur sens secret,leur espace de liberté. L’auteure identifieainsi le registre des mots avec leur satiné,leur brillance personnelle, ceux dont, pourelle, le son collait à la chose évoquée : vache,bassine, ceux qui basculaient dans l’étrange :

armoire aux nuances profondes et graves, etceux qui avaient un tout autre sens : mâchi-coulis, flagornerie...Comme Rimbaud elle joue avec les voyelles,puis les consonnes ; aux couleurs elle ajoutedes qualités morales, le A est plein de noir-ceur, de rancune et de bile, le E est clair, lim-pide, innocent... Le jeu se poursuit à la façondes Correspondances de Baudelaire : si« libellule » est une demoiselle fière enorgandi blanc, « coccinelle » est telle AudreyHepburn, « traîtrise »…La richesse de l’imaginaire des enfants trans-mute le sens commun des mots, change leplomb en or . ■ A. E.

(1) Colette La Maison de Claudine. Le goût desmots de Françoise Héritier, éditions Odile Jacob-Paris 2013

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AU FIL DELA PRESSE

JACKY BRENGOU A LU POUR NOUS

Pauvreté : un tournantdans l’histoire sociale de notre pays

>À la question « que faire des riches ? » Monique Pinson-Charlot répond : « suivre leur exemple [...]. Voilàdes gens qui ont une éminente conscience de leur classe, qui sont solidaires [...], qui sont organisés etmobilisés, qui défendent énergiquement leurs intérêts. Faisons comme eux. Battons-nous ! »

C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le para-dis des riches. Victor Hugo L’homme qui ritEntre 2008 et 2011, le nombre de personnes en situation de pau-vreté a progressé de 900 000, dont 200 000 entre 2010 et 2011.Le taux de pauvreté a progressé de 1,3 point entre 2010 et 2011,un ralentissement que l’INSEE souligne, mais qui n’est qu’unemédiocre consolation. [...] entre 2008 et 2011, le niveau de vie médian (la moitié gagneplus et l’autre moitié moins) du vingtième le plus aisé de lapopulation a progressé de 3,3 %, tandis que celui du dixième lemoins favorisé a diminué de 1,8 %. [...]Ce n’est donc pas seulement la crise qu’il convient d’incriminer,mais aussi la répartition des revenus.

octobre 2013

Le creusement des inégalités est la norme delong terme du capitalisme selon Thomas Piketty Trois cent trente milliards d’euros. La fortune totale des cinq centsfrançais les plus riches a progressé de presque 25 % en un an. Dequoi donner le tournis. [...]Jamais depuis 1996, année où Challenges a lancé son classement,leur fortune globale n’avait atteint de tels sommets. En unedécennie, ce chiffre a plus que quadruplé, alors que le produit inté-rieur brut (PIB), lui, n’a fait que doubler. Ces 300 milliardsd’euros de richesse représentent 16 % du PIB ou encore 10 % dupatrimoine financier des Français, évalué à 3 400 milliards d’eu-ros. Soit 1/10 de la richesse entre les mains de 1/100 000 de lapopulation. Du grain à moudre pour ceux qui dénoncent l’extrêmeconcentration des richesses.

Challenges n° 353 11 juillet au 28 août 2013

Tir groupé patronal ! Voici donc « les bricoleurs du dimanche » qui défilent pour récla-mer le droit au travail le dimanche... Encore une nouvelle attaquecontre le droit du travail. L’originalité, si l’on ose dire, estqu’elle se concentre sur son cœur : la réglementation du temps detravail. [...] Comment interpréter un tel acharnement, sinoncomme le rappel à ceux qui l’auraient oublié que le temps de tra-vail est un enjeu central du rapport de force entre les classessociales ? [...] S’appuyant sur la montée d’un chômage de masseet une précarisation croissante, le capital se fixe de nouveauxobjectifs de profitabilité, et a pour cela profondément renouvelé

les modalités d’exploitation de la force de travail. Cette réaliténouvelle a une traduction concrète : au cours de cette période lepartage de la richesse produite s’est transformé au bénéfice desprofits et au détriment des salaires. [...]La contre-révolution libérale veut mettre à bas l’édifice historiquede protection sociale collective des salariés et de confinement dupouvoir du capital. Elle voudrait lui substituer une complèteindividualisation de la relation de travail.

Jacques Rigaudat économiste10 au 16 octobre 2013

Fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ?Une explosion fiscale « impossible à anticiper » [...] tel serait lerésultat de la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu, envi-sagée par Jean-Marc Ayrault dans le cadre de sa « remise àplat du système ». [...] À en croire les experts de Bercy et de laSécu, le rapprochement CSG-IR alourdirait l’imposition de prèsde 10 millions de foyers. Soit près de la moitié des quelques22 millions de contribuables. Parmi ces victimes potentielles,environ 4 millions gagnent moins que le salaire médian (26 000 €

net) et 1 million à peu près le Smic (14 000 € net). En matière dejustice fiscale, difficile de faire mieux !

4 décembre 2013

« Selon que vous serez puissant ou misérable »Jean de La FontainePendant que des milliers de réfugiés sans le sou ont déjà payé deleur vie leur tentative d’entrée clandestine dans l’Union euro-péenne, certains pays se renflouent grâce aux immigrés fortunés.En échange d’un modeste investissement local, ils leur offrent untrès légal « golden visa », c’est-à-dire un permis de séjour de cinqà huit ans dans l’espace Schengen. En Lettonie, instigatrice d’un« residence program » en 2010 [...] un investissement de72 000 € en province ou de 150 000 € à Riga, la capitale, permetd’obtenir le précieux document. [...]La vente des visas européens a forcément séduit d’autres pays endifficulté. Le Portugal le pratique depuis octobre 2012, la Grèceet la Hongrie, depuis l’été dernier. Le dernier membre du club estl’Espagne. [...] le « spanish golden visa » est valable pour toutela famille avec la perspective de se transformer en visa permanent.

12 au 18 octobre 2013

Page 24: 2014, OUI · France dont les « coûts » dépassent largement les 30€. Et que dire de la Suisse, pays le plus compétitif au monde selon l’enquête qui fait référence (2)

PORTRAIT

L’Université Syndicaliste, suppl. au no 737 du 21 décembre 2013, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (FSU) – 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13Numéro coordonné par J.-P. Billot et J.-L. Viguier – Directeur de la publication : Roland Hubert ([email protected]) – Compogravure : C.A.G., Paris – Imprimerie : SIPÉ (91) – No CP : 0118 S 06386 – ISSN no 0751-5839

1911 : Naissance d’un État : l’Union Sud-Africaine • 1912 : Naissance d’unparti multiracial l’African National Congress (ANC) • 1913 : Native LandActe : premières lois raciales • 1931 : Les femmes peuvent adhérer à l’ANC• 1948 : Victoire électorale du Parti National Afrikaner - Instauration du« grand apartheid » • 1960 : Interdiction de l’ANC et répression contre sesmilitants • 1976 : Émeutes de Soweto • Début des années 80 :Renforcement des mesures d’embargo économique et sportif qui frappentl’Afrique du Sud • 1989 : Début des négociations entre l’ANC et legouvernement de F. de Klerk • 1990 : Libération de Mandela • 1991 :Abolition de l’apartheid • 1994 : Victoire de l’ANC aux premières électionsmultiraciales ; Mandela, Président • 1999 : Thabo M’Beki succède à Mandela

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> QUI SE SOUVIENT ?

Avant la Nation Arc-en-ciel L’ANC n’a pas toujours été le parti au pouvoir en Afrique du Sud et Mandela l’objet d’une véritable« panthéonisation mondialisée » ; la lutte contre l’apartheid fut longue, difficile et sanglante.

Je me souviens de Dulcie September. Avantmême de l’avoir vue à un congrès du SNES-FSU où elle était invi-tée, j’avais l’impression de la connaître. Elle ne faisait pas la unedes journaux, mais « c’est grâce à elle qu’il y a eu chez nous uneprise de conscience de l’apartheid ! »(1). Elle parlait peu d’elle : néeen 1935 d’un couple « métisse » à Athlone dans la banlieue du Capoù son père était directeur d’école, elle avait dû, après la procla-mation de l’apartheid, déménager pour habiter Cape Flats, latownship métisse du Cap. Adolescente, elle avait alors découvertla lutte pour l’égalité et la justice sociale qui était de tradition danscette zone de « non-blancs ».

Je me souviens qu’elle avait une formation d’enseignant : elle vou-lait en matière d’éducation « une politique de droits égaux ».Elle avait très jeune rejoint les rangs de l’ANC. Après la mani-festation pacifique de Sharpeville réprimée dans le sang, la lutteet la répression se sont intensifiées : Mandela est arrêté en 1962,Dulcie en 1963. Par pudeur, elle ne parlait jamais de ses cinqannées de prison. En 1973, le bannissement et l’exil : Lusaka,Londres, puis Paris en 1984, en tant que représentante de l’ANC.

Je me souviens de « cette très belle femme,une grande métisse avec des yeux étonnants commeremplis de paillettes d’or... »(1). Représentante souriante maisdéterminée d’un « terroriste emprisonné », Nelson Mandela, elleparcourait inlassablement la France entière pour dénoncer les man-quements au boycott destiné à faire plier le régime raciste de Pre-toria, pour appeler à soutenir la lutte contre l’apartheid.

Je me souviens de l’annonce de sa mort : assassinée le 29 mars1988, à Paris devant le siège de l’ANC(2). Je me souviens qu’ellese sentait menacée et qu’elle avait demandé une protection auministre de l’Intérieur qui la lui avait refusée. Je me souviens queles tueurs à gages n’ont jamais été poursuivis et que les com-manditaires sont restés dans l’ombre.

Dulcie September n’a pas vu son rêve devenir réalité : la fin del’apartheid et le triomphe de l’ANC. Mandela a eu des funéraillesplanétaires : Dulcie mérite d’entrer au Panthéon des héroïnes del’émancipation des peuples. ■

JEAN-PIERRE BILLOT

(1) Jacqueline Dérens : Nous avons combattu l’apartheid édition « Non Lieu » 2006du même auteur : Dulcie September : le Cap 20 août 1935 - Paris 29 mars1988 ; une vie pour la liberté. Édition « Non Lieu » 2013.

(2) Fr. Gauducheau : Qui se souvient de Dulie Septembre ? Enquête entre Paris,Johannesburg et le Cap, film 26 mn, production/diffusion « Pois Chiche », LaRoche-sur-Yon 1988.

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DulcieSeptemberMILITANTE ANTI-APARTHEID