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    ASSEMBLENATIONALE JOURNAL OFFICIEL DE LA RPUBLIQUE FRANAI

    XIIIe Lgislature

    SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012103e sance

    Sance du jeudi 19 janvier 2012

    Compte rendu intgral

    Les articles, amendements et annexes figurent dans le fascicule bleu ci-joint

    http://www.assemblee-nationale.fr

    Anne 2012. No 6 A.N. (C.R.) ISSN 0242-6765 Vendredi 20 janvier 2012

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    SOMMAIRE

    PRSIDENCE DE M. JEAN MALLOT

    1. Remboursement des dpenses de campagne de l'lectionprsidentielle (n4183) (p. 269)

    Mme Marie-Luce Penchard, ministre charge de loutre-mer.M. Charles de La Verpillire, rapporteur de la commission des

    lois constitutionnelles, de la lgislation et de ladministra-tion gnrale de la Rpublique.

    DISCUSSION GNRALE(p. 270)

    M. Jean-Pierre Schosteck,M. Jean-Jacques Urvoas,M. Rgis Juanico.

    PRSIDENCE DE MME CATHERINE VAUTRIN

    A RTICLE UNIQUE(p. 272) Amendements nos 2, 1, 3.

    V OTE SUR L ARTICLE UNIQUE(p. 273)

    Suspension et reprise de la sance (p. 273)2. Exploitation numrique des livres indisponibles du XX e sicle

    (n 4189) (p. 273)M. Herv Gaymard, rapporteur de la commission des affaires

    culturelles et de lducation.M. Frdric Mitterrand, ministre de la culture et de la commu-

    nication.

    DISCUSSION GNRALE(p. 276)Mme Marianne Dubois,Mme Monique Boulestin,M. Lionel Tardy,M. Marcel Rogemont,

    Mme Martine Martinel,Mme Franoise Imbert.

    DISCUSSION DES ARTICLES(p. 282)

    Article 1er (p. 282) Amendements nos 16 et 2. Amendements nos 1, 17. Amendements identiques nos 4 et 18.

    Amendement n 5. Amendements nos 19 et 6. Amendements nos 20, 7, 8, 9, 10, 11. Amendements identiques nos 12 et 21. Amendement n 22. Amendements identiques nos 13 et 23. Amendement n 26. Amendements nos 14 et 24.

    Article 1er bis (p. 290)

    Amendement n 15 rectifi. Article 2 (p.

    Article 2bis (p. 290)

    Article 3 (p. 290)

    Article 4 (p. 290) Amendement n 3.

    E XPLICATION DE VOTE(p. 290)Mme Monique Boulestin.

    V OTE SUR LENSEMBLE(p. 291)3. Ordre du jour de la prochaine sance (p. 291)

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    COMPTE RENDU INTGRAL

    PRSIDENCE DE M. JEAN MALLOT,

    vice-prsident

    M. le prsident. La sance est ouverte.

    (La sance est ouverte neuf heures quarante-cinq.)

    1

    REMBOURSEMENT DES DPENSES DECAMPAGNE DE L'LECTION PRSIDENTIELLE

    Nouvelle lecture d un projet de loi organique

    M. le prsident. L'ordre du jour appelle la discussion, ennouvelle lecture, du projet de loi organique relatif auremboursement des dpenses de campagne de llection prsi-dentielle (ns 4165, 4183).

    La parole est Mme Marie-Luce Penchard, ministrecharge de l'outre-mer.

    Mme Marie-Luce Penchard, ministre charge de l'outre-mer.Monsieur le prsident, monsieur le rapporteur de la commis-sion des lois constitutionnelles, de la lgislation et de ladmi-nistration gnrale de la Rpublique, mesdames et messieursles dputs, le projet de loi organique relatif au rembourse-ment des dpenses de campagne de l'lection prsidentielleque vous avez adopt le 19 dcembre dernier est nouveausoumis votre examen. Ce projet de loi a en effet t adoptpar le Snat le 12 janvier dernier, mais avec de nombreusesmodifications auxquelles le Gouvernement a donn un avisdfavorable. L'chec de la commission mixte paritaire qui s'est

    tenue hier impose donc une nouvelle lecture de ce projet deloi organique sur lequel le Gouvernement a engag la proc-dure acclre. C'est l'objet du dbat d'aujourd'hui.

    En premier lieu, je voudrais rappeler rapidement le dispo-sitif du projet de loi organique qui vous est soumis.

    L'objet du texte que vous allez discuter aujourd'hui est toutsimplement d'tendre l'lection prsidentielle, dont l'orga-nisation relve de la loi organique, une mesure dj vote enloi simple. Il ne prtend pas, moins de cent jours dsormaisde l'lection prsidentielle, bouleverser le mode de rembour-sement des dpenses de campagne. Par cohrence avec lesdispositions adoptes par la loi de finances pour 2012, leprsent projet de loi organique modifie la loi du6 novembre 1962 afin de modifier les taux de rembourse-ment. Pour les candidats obtenant plus de 5 % des voix, cetaux est fix jusqu' prsent 50 % du plafond des dpenses,le taux de remboursement sera port 47,5 %. Pour les

    candidats obtenant moins de 5 % des voix, le taux deremboursement est de 5 % du plafond. Ce taux sera ramen 4,75 %.

    Par ailleurs, afin que cette conomie ne soit pas remise encause par la prise en compte de l'inflation, le Gouvernement a propos de geler la revalorisation des plafonds applicables l'lection prsidentielle jusqu' ce que le dficit public desadministrations soit nul. Il s'agit d'un effort important etdurable puisque le gel de la revalorisation des dpenses decampagne perdurera jusqu'au retour de nos finances publi-ques l'quilibre. Au total, la mise en place de ce gel et labaisse de 5 % des dpenses auront pour effet de diminuer lesplafonds de remboursement de 8 % par rapport ce qu'ilsauraient t en l'absence de rforme, soit environ 3,7 millionsd'euros.

    En second lieu, je reviendrai brivement sur les amende-ments adopts lors de la premire lecture l'Assemble et auSnat.

    l'occasion de la premire lecture de ce projet de loiorganique, vous avez adopt un amendement permettantpour la seule lection prsidentielle de prolonger la datelimite de dpt des comptes de campagne d'une semaine.Propose par M. Rgis Juanico, avec l'avis favorable devotre commission des lois, cette mesure consensuelle et debon sens se justifiait compte tenu de la complexit descomptes des candidats l'lection prsidentielle.

    Il n'en va pas de mme des amendements adopts par leSnat. Lors de la sance du 12 janvier dernier, la chambrehaute a vot une srie de modifications qui ne conviennentpas au Gouvernement. Le texte tel qu'adopt par le Snatprvoit en effet une srie de dispositions qui dnaturentcompltement la lettre et l'esprit de la loi du 6 novembre1962 et posent de srieuses difficults juridiques. Non seule-ment elles reviennent sur des jurisprudences bien tablies de laCommission nationale des comptes de campagne, mais ellesbouleversent galement les mcanismes de remboursement.Elles risquaient ainsi de plonger les candidats dans une grandeinscurit juridique quelques semaines de l'lection prsi-dentielle.

    Il convenait donc de revenir la version adopte ici mmeen premire lecture. C'est chose faite l'issue des travaux devotre commission des lois, dont je tiens souligner la qualitdu travail, qui permettent d'examiner ce matin un texteconforme son objectif initial.

    Mesdames et messieurs les dputs, lors de l'examen de cetexte en premire lecture, votre assemble avait su dpasser leclivages partisans, ce qui avait permis l'adoption par l'Assemble du prsent projet de loi organique. Je ne peux que vousinviter aller nouveau dans le mme sens, dans un esprit de

    responsabilit quelques semaines d'chances majeures.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)M. le prsident. La parole est M. Charles de la Verpillire,

    rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de lalgislation et de ladministration gnrale de la Rpublique.

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    M. Charles de La Verpillire,rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la lgislation et de l administration gnrale de la Rpublique . Monsieur le prsident, madame la ministre, mes chers collgues, saisie hier du projet de loiorganique relatif au remboursement des dpenses decampagne de l'lection prsidentielle, la commission mixteparitaire n'est pas parvenue laborer un texte commun nos deux assembles. Les positions respectives de l Assembleet du Snat sur ce texte taient manifestement trop loignes.

    Je rappelle que, dans sa version initiale, le projet de loiorganique se borne tendre l'lection prsidentielle desmesures d'conomie dj prises pour les autres lections dansla loi de finances pour 2012. Plus prcisment, il s'agituniquement de modifier la partie organique de la loi du6 novembre 1962 relative l'lection prsidentielle pour:dune part, diminuer de 5 % le taux de remboursement par ltat des dpenses engages par les candidats llectionprsidentielle; d'autre part, geler son niveau actuel leplafond des dpenses autorises durant la campagne.

    En premire lecture, le 19 dcembre dernier, l'Assemblenationale n'a ajout qu'une seule disposition issue d'unamendement de notre collgue Rgis Juanico amendementdont on ne saluera jamais assez la pertinence consistant repousser d'une semaine le dlai limite de dpt des comptesde campagne des candidats l'lection prsidentielle. Puisl Assemble a adopt le projet de loi organique ainsimodifi une trs large majorit, le groupe socialiste,radical et citoyen stant abstenu.

    En revanche, saisi de ce texte la semaine dernire, le Snatl'a trs profondment modifi, au point de n'en conserver quela seule disposition repoussant le dlai de dpt des comptesde campagne, que je viens d'voquer.

    Ainsi, le Snat a totalement revu le mcanisme de rembour-sement des dpenses de campagne. Au lieu d'un mcanismeforfaitaire construit autour du seuil de 5 % des suffragesexprims au premier tour, le Snat a adopt un mcanismeproportionnel au nombre de voix obtenues, assorti d'une prime pour les deux candidats qualifis pour le secondtour. Quoi que l'on pense d'un tel dispositif et il y auraitbeaucoup dire , il n'est videmment pas possible de lemettre en place aujourd'hui, quelques semaines de l'lectionprsidentielle et alors que les candidats ont dj labor leur plan de financement de la campagne, moins de crer,Mme la ministre la dit, une grave inscurit juridique etpolitique. Par ailleurs, le Snat a multipli l'adoption damen-dements trs loigns de l'objet du projet de loi organique.

    On y trouve tout la fois des dispositions redondantes avec ledroit actuel, telle l'interdiction du financement d'unecampagne lectorale par une personne morale; des disposi-tions peu opportunes, comme la possibilit de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et leConseil constitutionnel pendant la campagne lectorale,donc avant llection, et lon imagine la foire dempoigneque cela produirait; des dispositions assez extravagantes et la limite de linconstitutionnalit, comme celle selon laquelle,en cas de rejet du compte de campagne d'un candidat luPrsident de la Rpublique, le Conseil constitutionnel eninforme le Parlement, afin d'apprcier si les motifs du rejetrenvoient des actes constituant un manquement manifeste-ment incompatible avec l'exercice du mandat de Prsident de

    la Rpublique ! Cela revient rcrire la Constitution dans la loi organique!Dans ces conditions, les positions respectives de nos assem-

    bles taient videmment inconciliables, ce que l'chec de la commission mixte paritaire runie hier n'a fait que confirmer.

    Aprs la runion de la CMP, la commission des lois a fortlogiquement, sur ma proposition, rtabli le texte adopt par l'Assemble nationale en premire lecture le 19 dcembredernier. C'est de ce texte que nous sommes saisis ce matinet je vous demande, mes chers collgues, de ladopter ennouvelle lecture.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    DISCUSSION GNRALE

    M. le prsident. Dans la discussion gnrale, la parole est M. Jean-Pierre Schosteck.

    M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le prsident, madamela ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collgues, danssa version initiale, et tel qu'il nous est nouveau soumisaujourd'hui en nouvelle lecture suite l'chec de la commis-sion mixte paritaire, ce projet de loi organique consistesimplement limiter le remboursement des dpenses de la campagne prsidentielle, en rduisant de 5 % le plafond desdpenses prises en charge, comme nous l'avons dj vot pour les autres lections, en adoptant plusieurs mesures de ce typedans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

    Seule l'hypothse relative l'lection prsidentielle estsubordonne l'adoption d'une loi organique. Mais ledbat a dj eu lieu, ce texte n'est qu'une transpositionmcanique d'un dispositif dont le principe a dj t actdans le projet de loi de finances pour 2012.

    En effet, lorsque le Premier ministre a annonc un plan deretour l'quilibre des finances publiques, prenant acte de la nouvelle rvision la baisse de la prvision de croissance pou2012, qui passait de 1,75 % 1 %, il a soulign la ncessit delimiter le remboursement des dpenses de campagnes lecto-rales, en rduisant de 5 % le plafond des dpenses prises encharge.

    Car, l'heure o nos demandons aux Franais des sacrificessupplmentaires afin de rduire le dficit des finances publi-ques, il est normal que nous aussi, hommes et partis politi-ques, participions l'effort global.

    C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a lgitime-ment dcid de limiter le remboursement des dpenses descampagnes lectorales, en rduisant de 5 % le plafond desdpenses prises en charge. C'est galement le cas pour les aidesaux partis politiques, dont les montants taient d'ailleurs restsstables en2010 et 2011.

    Sur la base de ces considrations, le projet de loi organique,

    dans son article unique, vise, d'une part, diminuer de 5 % letaux de dpenses lectorales susceptibles d'tre remboursesaux candidats l'lection prsidentielle ; d'autre part, geler leplafond des dpenses autorises durant la campagne, jusqu'auretour l'quilibre de nos finances publiques.

    Compte tenu de la situation actuelle de l'conomie franaiseet du droulement de la campagne prsidentielle en 2012, leGouvernement a dcid que les mesures devraient s'appliquer ds l'lection prsidentielle de mai prochain et, par cons-quent, il a engag la procdure acclre sur ce projet de loi.

    ce sujet, le rapporteur de la commission des lois du Snata pu dire qu'un des principaux dfauts du texte tait dechanger les rgles ds 2012, puisqu'il intervient moins d'un

    an avant l'lection prsidentielle, et donc aprs le dbut de la priode couverte par les comptes de campagne.Pour autant, cela n'a pas empch les snateurs de voter un

    texte qui modifierait profondment les rgles de rembourse-ments des candidats, ds 2012.

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    Le texte issu de la premire lecture au Snat prvoyaitnotamment d'instaurer un systme de remboursementproportionnel au nombre de voix obtenues par les candidats,et non plus partir d'un seuil de 5 % des suffrages au premier tour, et cela moins de six mois des lections proprementdites.

    La multiplication des candidatures de complaisance quepourrait entraner une telle mesure pourrait tout d'abordtre prjudiciable au bon droulement de l'lection prsiden-tielle, mais surtout tre une charge supplmentaire pour nosfinances publiques. Il tait donc inenvisageable que nous nousentendions en commission mixte paritaire.

    En outre, la discussion de ce texte a permis a nos collguesde l'opposition d'alimenter une polmique injustifie sur lesfrais de campagne du Prsident de la Rpublique. Le dbatqui consiste affirmer que les dplacements du Prsidentsapparenteraient davantage ceux d'un candidat est unfaux dbat.

    La polmique est presque aussi vieille que l'lection prsi-dentielle. Les mmes arguments ont dj t utiliss en 2007contre le candidat Sarkozy. Cette attitude est dmagogique:nous savons bien que les dpenses de campagne d'un candidatsont prises en compte sur l'ensemble de l'anne qui prcdel'chance lectorale et que la commission qui contrle lescomptes de campagne a la possibilit de rintgrer des fraisengags avant la dclaration de candidature si tel ou tel dpla-cement a t effectu en vue de l'obtention des suffrages .

    De tout temps y compris en 2007 et s'agissant, entreautres exemples, de Nicolas Sarkozy il y a eu rintroductiondans les comptes de campagne de certaines dpenses quin'avaient pas t considres par les candidats commedevant y entrer.

    Non seulement cette polmique n'a rien voir avec le texte,mais c'est un non-sujet puisque le droit actuel apporte desrponses toutes les proccupations qui peuvent sexprimer.

    Ce texte a le mrite d'exister et nos concitoyens nousauraient reproch bon droit de ne pas l'avoir mis l'ordredu jour, ne serait-ce que pour sa porte symbolique. Alors,votons ce projet de loi organique et rservons, chers collgues, la campagne prsidentielle de 2012 ce qui relve effective-ment de la campagne!

    M. Charles de La Verpillire,rapporteur . Trs bien!M. le prsident. La parole est M. Jean-Jacques Urvoas.M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le prsident, madame la

    ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collgues, conve-nons qu' en lire le titre, ce projet de loi dont nous dbattonspour la deuxime fois semble important. Philippe Richertnous l'avait d'ailleurs prsent en dcembre comme tant ambitieux . Le fait est qu'il concerne l'organisation del'lection prsidentielle, c'est--dire le scrutin autour duquelse structure la vie politique de notre pays.

    On peut ds lors regretter que nous soyons contraints del'aborder dans le cadre de la procdure acclre, qui na jamais autant mrit son nom : la runion de la commissionparitaire na pas excd cinq minutes. vrai dire, ce n'est pasrellement une nouveaut, c'est mme un rythme assezclassique dans les lgislatures: durant les premiers mois, la majorit tout juste lue veut avancer marche force pour concrtiser ses engagements de campagne; dans les derniersmois, le Gouvernement veut boucler, voire bcler, deschantiers ouverts ou les sujets qu'il a pu dlaisser.

    On peut aussi s'tonner de son contenu. Comme le notaitle snateur Hugues Portelli lors d'un projet comparable enmars-avril 2006, l'usage rpublicain veut que l'on ne modifiepas les rgles d'un scrutin dans l'anne qui le prcde.

    Il fallait donc que le motif soit imprieux pour que vousnous proposiez cette entorse. Or de quoi s'agit-il? Simple-

    ment de faire conomiser 3,7 millions d'euros sur un total de220 millions deuros de dpenses lies l'organisation del'lection prsidentielle. Chacun pourra apprcier l'ampleur du gain espr mais on me permettra de le considrer commesymbolique au regard d'un dficit public cumul de1600 milliards d'euros. Je rappelle aussi que cette sommede 220 millions d'euros correspond une dpense demoins de 6 euros par lecteur.

    Ds lors, on comprendra que la pertinence du texte ne mesaute pas aux yeux, d'autant que son bnfice potentiel nepourra tre mesur qu'a posteriori .

    Tout autre est l'intrt du texte adopt par le Snat qui, loindtre extravagant, monsieur le rapporteur, contribuait

    dissiper les zones de flou que j'avais voques dans monintervention lors de la premire lecture, le 19 dcembredernier.

    Paradoxalement, le cadre lgislatif et rglementaire appli-cable aux lections prsidentielles est aujourd'hui moinsrigoureux que celui des lections cantonales, et cest bondroit que le Snat a pu estimer que des prcisions taientncessaires. Celles-ci visaient non seulement mettre fin despratiques discutables auxquelles peuvent se livrer certainscandidats mais aussi inviter le Conseil constitutionnel revenir sur sa jurisprudence et appliquer des sanctionsfinancires s'il constate l'existence de dons de personnesmorales.

    Il est en effet choquant que l'interventiona posteriori d'unremboursement par le biais de recettes autorises puisse faireobstacle la mise en oeuvre d'une sanction alors mme que lesdons de personnes morales font partie des atteintes les plusgraves la lgislation sur la transparence financire de la vipolitique.

    Certes, ce rappel peut tre considr comme redondant,voire symbolique, mais on peut aussi le juger pdagogique.Il incitera les candidats la prudence. Si de telles prcisionsavaient exist en 2007, le compte de Nicolas Sarkozy n'auraitpeut-tre pas t rform pour non-respect du code lectoralen matire de dons de personnes physiques.

    Le texte du Snat comble galement une lacune de notreappareil normatif. L'lection prsidentielle est la seule lectionpour laquelle le non-respect des rgles relatives au finance-ment n'est pas sanctionn autrement que par une rformationdu montant du remboursement. Cette spcificit n'est plusacceptable depuis que nous avons eu connaissance avec unpeu plus de prcision de la curieuse sance du Conseil consti-tutionnel du 11 octobre 1995 au cours de laquelle fut valid lecompte de Jacques Chirac.

    Ainsi, que lisons-nous dans le rcent livre de Jean-JrmeBertolus et Frdrique Bredin intitulTir vue et sous-titrLa folle histoire des prsidentielles ? Roland Dumas, qui taitalors prsident du Conseil constitutionnel, s'exprime ainsi : La France avait besoin d'un Prsident de la Rpublique. La France venait d'lire Jacques Chirac. Mme au prix dequelques anomalies, il tait l. Les choses ont donc tngocies, c'est vrai, mais convenablement mon avis. Onest arriv un consensus sur la rintgration ou l'exonrationde certaines sommes, et de fait le Conseil a statudans sa sagesse pour que la France ait un Prsident de la

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    Rpublique. Le mme Roland Dumas tait encore plusexplicite lors de lmission de Guillaume DurandFace aux Franais,le 4 mai 2011, quand il affirmait : Jacques Chemi-nade dont les comptes avaient t annuls, aprs un score de0,28 % tait plutt maladroit, les autres il parlait de Jacques Chirac et ddouard Balladur taient adroits .

    Pouvons-nous nous satisfaire d'un systme qui institution-nalise l'hypocrisie : un systme qui, comme la dit lun de mescollgues du Snat, n'est rigoureux que pour les petitsmaladroits et qui s'avre comprhensif pour les gros malins,un systme dans lequel le vainqueur a toujours raison, quellesque soient les liberts que celui-ci a pu prendre avec la loi ?

    La commission mixte paritaire a chou et vous nousproposez de revenir au texte adopt en premire lecture par notre assemble. Nous le regrettons et souhaitons un retour au texte adopt par le Snat.

    M. le prsident. La parole est M. Rgis Juanico.M. Rgis Juanico. Monsieur le prsident, madame la

    ministre, mes chers collgues, je serai bref : Jean-JacquesUrvoas a tout dit ou presque.

    Je note que Jean-Pierre Schosteck a repris la formule queGuy Geoffroy avait employe en premire lecture en souli-gnant que ce texte avait le mrite dexister . Ce qui frappe,en effet, cest la modestie des ambitions de ce projet de loidont on a pu dire, juste tire, quil tait de lordre dusymbole.

    De ses deux principales mesures le gel des revalorisationsdes plafonds de campagne et le coup de rabot de 5 % sur leremboursement des frais de campagne , lconomie attendueest de 3,7 millions deuros. Cest dire quil faudra attendre desdcennies voire des sicles pour quelles contribuent renflouer les caisses de ltat, et je ne parle mme pas dediminuer la dette publique accumule ces dernires annes.

    Les snateurs ont fait leur travail lors de la navette parle-mentaire. Ils ont souhait amliorer, renforcer, prciser certaines rgles existantes. Comme jai dj eu loccasion dele dire, notre pays dispose de rgles strictes et transparentes enmatire de financement, mais elles sont perfectibles. Lesamliorations apportes par le Snat posent de vraiesquestions. Nous constatons malheureusement que ce projetde loi organique ne pourra pas les intgrer.

    Nous aurions souhait que ce texte senrichisse de disposi-tions qui auraient permis de substantielles conomies pour nos finances publiques, je pense plus spcifiquement auplafonnement intgral des dons de personnes physiques,quils soient destins aux partis politiques ou aux campagneslectorales.

    Chaque anne, ces dons reprsentent pour ltat unedpense fiscale de lordre de 30 40 millions, selon la Commission nationale des comptes de campagne et des finan-cements politiques, puisquils ouvrent droit une rductiondimpt. Compte tenu du nombre de formations politiquesenregistres par la commission le nombre des micropartis a t multipli par dix en vingt ans et atteint aujourdhui 300 ,le plafonnement 7 600 euros pour les partis politiques et 4600 euros pour une campagne lectorale contribuerait faire des conomies sans doute plus importantes que cellesissues du coup de rabot sur le taux de remboursement des

    dpenses lectorales. Jean-Pierre Schosteck a qualifi dinutiles les polmiquesportant sur les dpenses de campagne du Prsident de la Rpublique qui, pour lheure, ne sest pas encore dclarcandidat. Pour nous, il ne sagit pas de polmiquer mais de

    montrer lopinion que des rgles sappliquent. Certes, il y a possibilit, aprs le dpt des comptes de campagne descandidats aux prsidentielles, de rintgrer certainesdpenses, y compris celles qui auraient t engages avant ladclaration officielle de candidature. Ce sera le cas pour Franois Hollande sagissant de certaines dpenses consacres lorganisation des primaires. Mais il apparat aussi importantde souligner que personne nest dupe face certains dplace-ments du Prsident de la Rpublique pris en charge par ltat.

    Le Conseil suprieur de laudiovisuel la bien dmontr enprocdant un dcompte prcis du temps de parole duPrsident lors du discours de Toulon: il a tabli que 60 %relevait du dbat politique et 40 % seulement de sa fonctionrgalienne. Cela parat tre une clef de rpartition assez juste.

    Nous rappellerons que chaque fois que le Prsident de la Rpublique est amen sexprimer sur de nouvelles proposi-tions ou sur la perspective dun nouveau mandat, cela peutdonner lieu un dcompte dans ses comptes de campagne lissue de llection prsidentielle.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    (Mme Catherine Vautrin remplace M. Jean Mallot au fauteuil de la prsidence.)

    Prsidence de Mme Catherine Vautrin,

    vice-prsidente

    Mme la prsidente. La discussion gnrale est close.

    ARTICLE UNIQUE

    Mme la prsidente. Jappelle maintenant, dans le texte de la commission, larticle unique du projet de loi organique.

    Je suis saisie d'un amendement n 2.

    La parole est M. Jean-Jacques Urvoas.

    M. Jean-Jacques Urvoas. Me permettez-vous, madame la prsidente, de soutenir galement les amendements nos 1 et 3?

    Mme la prsidente. Je vous en prie, monsieur Urvoas.

    M. Jean-Jacques Urvoas. Ces amendements, dj dpossen premire lecture, visent combler des lacunes dans la lgislation actuelle. Ils portent sur la dclaration de patrimoinedu Prsident de la Rpublique et sur le dcompte de sontemps de parole. Je nargumenterai pas davantage, RenDosire la dj fait plusieurs reprises.

    Mme la prsidente. Quel est l'avis de la commission?

    M. Charles de La Verpillire,rapporteur . Avis dfavorable.

    Mme la prsidente. Quel est l'avis du Gouvernement?

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    Mme Marie-Luce Penchard, ministre.Dfavorable gale-ment.

    (L'amendement n 2 n'est pas adopt.)

    (L'amendement n 1 n'est pas adopt.)

    (L'amendement n 3 n'est pas adopt.)

    VOTE SUR L'ARTICLE UNIQUE

    Mme la prsidente. Je mets aux voix l'article unique duprojet de loi organique.

    (L'article unique du projet de loi organique est adopt.)

    Suspension et reprise de la sance

    Mme la prsidente. La sance est suspendue.

    (La sance, suspendue dix heures quinze, est reprise dix heures quarante.)

    Mme la prsidente. La sance est reprise.

    2

    EXPLOITATION NUMRIQUE DES LIVRESINDISPONIBLES DU XXe SICLE

    Discussion d une proposition de loiadopte par le Snat

    Mme la prsidente. Lordre du jour appelle la discussion,aprs engagement de la procdure acclre, de la propositionde loi, adopte par le Snat, relative lexploitation numriquedes livres indisponibles du xx e sicle (nos4065, 4189).

    La parole est M. Herv Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de lducation.

    M. Herv Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l ducation. Monsieur le ministre de la cultureet de la communication, la lgislature qui sachve aura t,

    bien des gards, un tournant pour le livre et son avenir, qu

    ilsagisse du livre papier ou de son avatar numrique, dont nulne sait encore lessor quil prendra ni les mtamorphoses quilincarnera, et encore moins si loutil, imperceptiblement,subjuguera cette parole intrieure quest lcrit, au point dele faire muter, ou bien dmultipliera seulement sa diffusion.

    Dans ce domaine, le Parlement aura t particulirementactif, dans un climat de consensus dont il faut se fliciter. Et ilfaut vous remercier pour votre implication sans faille en faveur du livre et de la lecture, ainsi que celle qui vous a prcd,Christine Albanel.

    Sagissant du livre papier, avec lvaluation dans le temps etdans lespace que nous avons conduite en 2009 de la loirelative au prix unique du livre, vote lunanimit en juillet1981, nous avons prouv que cette loi tait une loide dveloppement durable, culturelle, conomique et territo-riale. Elle continue de faire des mules, en Suisse, au Mexique.Et les remises en cause subreptices sont dsormais cartes.

    La proposition de loi que jai dpose, devenue la loi du27 janvier 2010, adopte galement lunanimit, a permis ausecteur du livre de droger la disposition de la loi demodernisation de lconomie sur la rduction des dlais depaiement, qui, si elle avait t applique, aurait signifi la mortde prs de la moiti des librairies franaises, alors mmequelles avaient t sauves par le prix unique.

    Il nous reste gagner le combat pour le maintien de la TVA 5,5 %. Il sen est fallu de peu la fin de lanne dernire, loccasion de lexamen de la loi de finances rectificative. AvecChristian Kert, nous redposerons notre amendement la faveur de la prochaine loi de finances rectificative, en fvrieprochain.

    Pour ce qui concerne le livre numrique, javais recom-mand la vigilance ainsi que le pragmatisme dans notrechoix de lgifrer ou non car, dans ce domaine davantageencore que dans beaucoup dautres, il convient de lgifrer en tremblant.

    Notre avons en effet suivi au jour le jour le procs Googlecontre la Ligue des auteurs aux tats-Unis. Le Gouvernementfranais ainsi que les instances europennes ont pu prendrepart la procdure par le truchement de la disposition desamis de la Cour,amicus Curiae , pour faire valoir notreconception du droit dauteur, foul aux pieds par la numri-sation sauvage.

    Nous avons not avec satisfaction les positions de la justiceamricaine, notamment du juge Chin. Et nous nous flicitonsde lissue de cette procdure, puisque Google a finalementrenonc son projet initial.

    Sur tous les enjeux de la numrisation de lcrit, jedposerai, dans les prochaines semaines, avec notre collgueMichel Lefait, un rapport de la commission des affaireseuropennes, ainsi quune proposition de rsolution.

    Mais il ne suffit pas de faire barrage aux initiatives, quandelles sont dangereuses pour la rmunration de la cration,encore faut-il nous donner les moyens de favoriser le dveloppement du livre numrique, en cohrence avec notre concep-tion du droit dauteur.

    Cest ainsi que ma proposition de loi, devenue la loi du26 mai2011 vote elle aussi lunanimit, dispose que le prix du fichier numrique est fix par lditeur, comme pour lelivre papier.

    Cest ainsi que notre proposition de loi, devenue amende-ment la loi de finances pour 2011, a dispos que le prix du

    fichier numrique serait galement assujetti au taux rduit deTVA, comme pour le livre papier. Et il faut remercier JacquesToubon pour la formidable ambassade quil conduit auprs denos partenaires europens ainsi que vous, monsieur leministre, pour votre vigilance constante sur ce sujet commesur les autres.

    Mais il nous est apparu indispensable, avec le snateur Jacques Legendre, de lgifrer sur les uvres indisponiblesdu xx e sicle. Tel est lobjet de la prsente proposition de loi.

    La disponibilit du livre au format numrique est dsormaisune ralit.

    Pour les nouveauts, les titres sont aujourdhui dits dansdes formats lectroniques natifs, permettant une commercia-lisation numrique. Pour le patrimoine, les bibliothquespubliques, la numrisation de leurs collections est un

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    impratif et, partout dans le monde, se crent de vastes biblio-thques numriques, telle que Gallica pour la Bibliothquenationale de France.

    Pourtant, entre loffre de vritables livres numriques, ou e-books, postrieurs pour lessentiel aux annes 2000, et lesressources des bibliothques numriques, limites aux titresdu domaine public, la production ditoriale du xx

    e

    sicle,toujours protge par le droit dauteur, reste difficilementaccessible au public.

    En effet, pour des raisons de faible rentabilit conomique,une grande partie des titres publis au xx e sicle na pas trdite. Les titres sont puiss sous forme imprime, indis-ponibles dans le commerce, et ne sont plus accessibles quedans les bibliothques. Dans ce contexte, la numrisation estle seul horizon envisageable pour faire renatre cet importantcorpus, mais elle nest juridiquement pas possible, car la titularit des droits numriques est incertaine.

    La raison en est que les diteurs nont fait figurer desdispositions relatives lexploitation numrique dans lescontrats qu partir de la fin du xx e sicle. Les droits numri-ques sur les uvres relativement anciennes sont revendiqustant par les auteurs que par les diteurs. Une campagnesystmatique dadaptation de centaines de milliers decontrats anciens la ralit digitale constituerait pour eux un travail difficile, disproportionn et peu rationnel dupoint de vue conomique.

    Hormis quelques titres au potentiel commercial rel, lesmodles daffaires sous-jacents la rexploitation numriquede ces uvres sont ceux de la longue trane, peu compatiblesavec les cots de transaction quentranerait la mise jour descontrats. Par consquent, lheure actuelle, les diteurs,

    acteurs naturels de la valorisation des

    uvres, ne peuventpas envisager dexploitation numrique marchande dans unenvironnement juridique scuris.

    Quant aux bibliothques, elles ne sont pas davantagetitulaires des droits numriques sur ces uvres indisponibles.Certes, labsence dexploitation par les diteurs peut lesamener le penser au nom de llargissement de la socitde la connaissance. Elles estiment en avoir la lgitimit enraison des efforts quelles ont dploys pour conserver leslivres. Nanmoins, en ltat du droit, la reproductionnumrique par les bibliothques d uvres protges, sansquelles y soient autorises, sauf fin de conservation,constitue une contrefaon quand bien mme les dites uvres ne seraient plus exploites par les ayants droit.

    Cet tat de fait est dautant plus regrettable que le XX e siclea t une priode dintense production ditoriale et que les uvres indisponibles peuvent tre values, en premireanalyse, 500000 titres, soit un corpus comparable celuides livres aujourdhui disponibles aux catalogues des diteurs.

    La situation est incomprhensible pour le lecteur puisquellecre une discontinuit dun sicle dans le corpus des livresdisponibles au format numrique. Cest pourquoi elle a facilit les attaques contre le droit dauteur, peru commeune entrave au dveloppement de la socit de linformation.

    Il importe de trouver des solutions juridiques et conomi-ques innovantes au problme des uvres indisponibles, quirconcilient les objectifs de la socit de linformation et ledroit dauteur et montrent que ce dernier est suffisammentflexible pour tre adapt, sans pour autant que ses fondementssoient remis en cause.

    Le mcanisme fondamental permettant de rgler demanire consensuelle, entre auteurs et diteurs, la questionde la titularit des droits, est linstauration dune gestioncollective des droits numriques sur les uvres indisponiblespar une socit de perception et de rpartition des droits, la SPRD.

    Ce mcanisme ncessite une modification du code de la proprit littraire et artistique, objet de la prsente proposi-tion de loi, qui poursuit deux objectifs principaux.

    Il sagit tout dabord dviter le trou noir que reprsente le XX e sicle pour la diffusion numrique des livres franais, enpermettant des uvres devenues indisponibles, dontcertaines trs rcentes, de trouver une nouvelle vie aubnfice des lecteurs. Par l, la proposition vise offrir lesconditions du dveloppement dune offre lgale abondante delivres numriques pour faire dmarrer ce march naissant.

    La proposition vise ensuite replacer les ayants droit au

    premier plan de la valorisation et de l

    exploitation des

    uvres,en vitant toute nouvelle exception au droit dauteur. Il sagitde permettre aux auteurs et aux diteurs de se rapproprier leurs droits, afin de les exploiter selon des modles diffrentsdu commerce des nouveauts mais qui, grce linternet etaux effets de longue trane, peuvent trouver leur pertinence etleur quilibre.

    Au moment o Google renonce, aux tats-Unis, laccordtransactionnel quil esprait conclure avec les ayants droit dumonde entier pour faire valider la copie sans autorisation des uvres protges conserves par les bibliothques, la mise en uvre du prsent texte ferait de la France le premier pays aumonde disposer dun mcanisme moderne et efficace pour

    rgler la question des

    uvres indisponibles, qui constitueaujourdhui un obstacle majeur la numrisation de notrepatrimoine ditorial.

    Un sujet important pour lavenir nest pas examin dans cetexte : cest celui des conditions conomiques et juridiques delimpression la demande, dbouch majeur de la disponibi-lit des fichiers numriques, libres de droits ou sous droits.Cest pourquoi je suggre quditeurs, auteurs, libraires etimprimeurs se mettent ensemble au travail sur ce sujetcapital, pour nous faire des propositions, si une interventionlgislative semble judicieuse.

    Mes chers collgues, cette proposition de loi, dpose dansles mmes termes l Assemble nationale et au Snat, a putre examine dabord par nos collgues snateurs. Je vousproposerai de retenir un certain nombre dutiles modificationsintroduites en premire lecture. Dautres ne me semblent pasrelever de la prsente proposition de loi, et me semblent doncdevoir tre disjointes.

    M. Marcel Rogemont. Dommage!

    M. Herv Gaymard, rapporteur . Je voudrais galement saluer nos collgues membres de tous les groupes qui ont utilementamend le texte en commission.

    Je voudrais aussi remercier, mme si cela nest pas habituel,monsieur le ministre, les fonctionnaires de la direction dulivre, qui ont ralis un formidable travail au cours de cettelgislature : Benot Yvert, Laurence Franceschini, NicolasGeorges et tous leurs collaborateurs, ainsi que les membresde votre cabinet.

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    Avant dentrer dans le dbat, je me flicite que ce texte aitt inscrit lordre du jour de nos travaux, malgr un ordre du jour charg, avant la fin de notre lgislature. Jai la certitudeque nous faisons ainsi uvre pionnire et utile.

    Nous savons tous galement quil reste un norme travail accomplir dans les prochains mois, concernant, dabord,

    lavenir de la librairie franaise, sujet qui doit tre notreproccupation majeure ; puis le droit dauteur lrenumrique ; ensuite, lenvironnement conomique et juridique de limpression la demande ; enfin, lavenir de la lecture publique lre numrique.

    Voil une feuille de route bien fournie pour nos successeurs,ministres comme parlementaires.

    M. Marcel Rogemont. Merci davoir trac notre chemin!Mme la prsidente. La parole est M. Frdric Mitterrand,

    ministre de la culture et de la communication.M. Frdric Mitterrand, ministre de la culture et de la commu-

    nication.Madame la prsidente, monsieur le rapporteur, cher Herv Gaymard, mesdames et messieurs les dputs, sous uneapparence technique, la proposition de loi examine ce matinrevt une importance culturelle et patrimoniale considrablepuisquelle permettra de redonner vie, par une nouvelleexploitation numrique, une grande partie de la productionditoriale franaise du XX e sicle devenue difficilement acces-sible.

    Ce texte rpond ainsi parfaitement aux objectifs poursuivispar le Gouvernement en matire de politique culturelle lrenumrique: dvelopper une offre lgale abondante decontenus culturels accessibles en ligne dans des conditionsrespectueuses du droit dauteur, en saisissant les opportunitsindites de diffusion de la connaissance et de la crationoffertes par les nouvelles technologies, et encourager ledveloppement durable du march du livre numrique afinde rpondre la forte demande du public pour un accs la culture sur internet.

    Je me rjouis donc dtre aujourdhui devant vous pour exprimer le plein soutien du Gouvernement une propositionde loi qui me parat, dans son principe, faire lobjet dopinionsconvergentes et positives de la part des diffrentes sensibilitspolitiques de l Assemble: dpose en effet dans les mmestermes par M. Jacques Legendre au Snat et M. HervGaymard l Assemble nationale Herv Gaymard dont jetiens saluer le travail une nouvelle fois si approfondi et siefficace, comme son intervention vient de le montrer nouveau , elle a t adopte par le Snat en premirelecture dans un esprit de conciliation et douverture que jetiens saluer.

    Je retrouve dans vos dbats et travaux le mme esprit positif qui a prsid depuis deux ans, de manire remarquable, aux discussions entre auteurs et diteurs et qui explique que cetexte est aujourdhui consensuel entre ces parties et surtouttrs attendu.

    Vous lavez compris, le Gouvernement est en completaccord avec la philosophie gnrale de cette proposition deloi qui place les acteurs de la cration au premier plan de la valorisation et de lexploitation numrique de leurs uvres.

    Jaimerais centrer mon propos aujourdhui sur quelquespoints qui sont apparus rcemment dans le dbat et quiconcernent le champ de cette proposition de loi ainsi que la place des bibliothques dans la valorisation des livres indispo-nibles.

    Tout dabord, il convient de souligner que, grce la miseen place dune gestion collective pour les droits numriques dece corpus, qui comprend entre 500 000 et 700000 titres, cestune partie importante de notre pass rcent et de notre patri-moine qui sera ravive et mise la disposition du public.

    Cet ensemble de livres indisponibles du XX e sicle sera susceptible davoir une double valorisation: titre par titre,dabord, pour satisfaire la curiosit des lecteurs qui seront la recherche de livres bien prcis; mais il pourra tre diffussous la forme de corpus plus larges, gnraux ou thmatiques.

    Cest la raison pour laquelle je suis convaincu que lesbibliothques auront naturellement vocation jouer un rletrs important dans la diffusion de ces uvres. Cette propo-sition de loi constitue de ce fait une immense chance pour cesinstitutions de voir leur offre numrique dcuple.

    Certes, actuellement, les modles conomiques sinvententencore et les bibliothques, raison, voudraient voir fleurir dautres propositions sur le numrique de la part des diteurs. Je suis persuad que la nouvelle vie ainsi confre aux livreindisponibles constituera une incitation forte lgard desditeurs pour explorer des modles techniques et conomi-ques pertinents et novateurs, ainsi qu lgard des biblioth-ques pour proposer des offres attractives, permettant ainsi lesusages collectifs qui sont au c ur de leur mission.

    Par ailleurs, lassociation de la Bibliothque nationale deFrance au projet industriel, avec sa large exprience et sonsavoir faire unique en matire de constitution de bibliothquenumrique, constitue une garantie technique que loffre sera adquate pour une diffusion du corpus par les bibliothques.

    Jajoute que ce texte est plus favorable la problmatiquepropre des bibliothques que lapproche aujourdhui adoptedans le cadre des travaux sur les uvres dites orphelines .Cette approche suppose en effet une dmarche de rechercheavre et srieuse titre par titre avant toute numrisation,incompatible avec un projet de numrisation de masse. La proposition de loi que nous examinons aujourdhui favorisera un accs sans prcdent un corpus considrable de livres jusque-l introuvables.

    Lintrt bien compris des bibliothques nest donc pas desopposer au droit dauteur, dont le prsent texte illustredailleurs la capacit dadaptation, mais bien de soutenir toutes les initiatives qui leur permettront denrichir lesressources quelles mettent la disposition de leurs lecteurs.

    Jaimerais galement revenir sur lintroduction par le Snatdune disposition spcifique pour les livres dont les auteurs ouleurs ayants droit nauraient pu tre identifis ou localiss auterme dune priode de dix ans il sagit de larticle L.134-8nouveau.

    Il convient de souligner que, dune part, le texte prvoit dj un certain nombre de dlais qui ont pour objet dapporter desgaranties aux ayants droit, et ce chaque tape du dispositif :lors de la mise en gestion collective des droits numriques deslivres indisponibles et lors de la dcision de procder leurexploitation commerciale sous format numrique avec la possibilit pour lditeur dorigine dexercer, sil le souhaite,un droit de prfrence . Ces dlais sont protecteurs desintrts des ayants droit concerns.

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    Dautre part, au terme de ces dlais, sauf avis contraire delauteur, il est toujours prvu quune nouvelle exploitationcommerciale de l uvre interviendra. De surcrot, dans tousles cas, cette exploitation donnera lieu une rmunration desayants droit.

    linverse, le compte rebours de dix ans introduit par leSnat larticle L.134-8 nouveau prvoit une confiscation desdroits de lauteur ainsi quune exploitation des livres indispo-nibles titre gratuit. Ce nouvel article me semble aller lencontre de lesprit de la proposition de loi qui, contraire-ment aux modles fonds sur la gratuit de laccs, oprantune rupture brutale avec le systme dautorisation prvu par la lgislation sur le droit dauteur, entend en respecter les grandsprincipes. Il importe que le texte que vous allez discuter aujourdhui favorise lexploitation normale de l uvre dansle respect des intrts lgitimes des auteurs.

    Certes, la gratuit est une ide gnreuse. Elle me semblecependant avoir des effets pervers et redoutables, contrairesqui plus est lobjectif de ce texte, car ce compte rebours neserait pas de nature encourager lexploitation et la diffusiondes uvres indisponibles par les acteurs conomiques.

    Je crois en revanche que le Snat a pos les bases dunerflexion intressante sur le soutien la lecture publique travers une disposition relative au devenir des sommes dites irrpartissables . En effet, il est opportun, dans le cadre decette gestion collective, de prvoir une utilisation de ces fondsqui bnficie la cration tout en consacrant laction indis-pensable des bibliothques en faveur de la lecture publique.Reste que pour que cette logique porte ses fruits, il convientbien entendu de maintenir tout moment le principe duneexploitation commerciale des livres.

    Enfin, je souhaite commenter les amendements dposs par certains dentre vous visant largir le champ de la proposi-tion de loi aux livres nayant pas fait lobjet dun contratddition. En effet, il me semble que cette extension duchamp serait risque plusieurs gards.

    Tout dabord, la proposition de loi met en place une gestioncollective pour les droits numriques des livres indisponiblesdu XX e sicle en vue de leur exploitation commerciale. cettefin, la socit de perception et de rpartition des droits devra entretenir des relations commerciales avec les utilisateurs,percevoir des revenus en droits dauteur, rechercher les bnfi-ciaires de ces droits et rpartir les sommes. Tout ce travail,bien entendu, nest pas gratuit. Pour le financer, la SPRDdevra ponctionner une quote-part sur les droits dauteur.

    Ensuite, cette proposition de loi a t pense et construitepour rpondre une situation particulire et circonscrite : celledes livres ayant donn lieu un contrat ddition et uneexploitation commerciale. Lensemble des mcanismes prvuspar la proposition de loi rpond cette situation particulire.Son champ, comme il a souvent t rappel, est donc volon-tairement circonscrit.

    En tendant ce mcanisme dautres publications, commeles ouvrages savants produits par les universits, on risque undouble cueil. Dune part, le systme prvu par la propositionde loi nest pas adapt la diffusion de ces ouvrages et leur intgration pourrait compromettre lquilibre et les finalits dela proposition de loi. Dautre part, en intgrant ces ouvrages,on alourdirait considrablement les frais de gestion de la socit de perception et de rpartition des droits. Le finance-ment de ces frais de gestion supplmentaires pserait sur les

    droits des auteurs des livres ayant fait lobjet dun contratddition, puisquil est envisag que les autres publicationssoient mises la disposition du public gratuitement.

    Ces publications gratuites, qui ont vocation tre diffuseslibrement sur Internet, bnficieraient ainsi, au sein de la gestion collective, dune logique de passager clandestin, audtriment de la rmunration des auteurs pour lesquelscette gestion collective tait prvue. Il me semble que lonne peut pas envisager lventualit dune rduction de la rmunration des ayants droit ni mettre en place unsystme de gestion collective structurellement dficitaire.Pour ces raisons, le Gouvernement est dfavorable lexten-sion du champ de la proposition de loi.

    Mesdames, messieurs les dputs, si lInternet offre desperspectives indites inoues pour la diffusion des connais-sances et de la cration, le maintien et la promotion de la diversit culturelle sur les rseaux exigent, de la part des tats,des efforts pour assurer la prsence de corpus de textes varisdans des langues autres que langlais. La France a jou, en

    Europe, un rle prcurseur dans l

    laboration de politiquespubliques de numrisation, fondes sur une interventionvolontariste des tats. Elle a allou des fonds importants des programmes de numrisation des imprims du domainepublic et des collections les plus contemporaines.

    Grce au dispositif examin aujourdhui dispositif suivi deprs par la Commission europenne , nous accomplissons unnouveau pas dcisif pour adapter le droit dauteur, dans uncontexte consensuel, au plein dveloppement dune conomienumrique de la crativit et de linnovation, pour ressusciter des pans entiers de notre savoir, de notre culture, de notrepatrimoine.

    Je souhaite donc que le dialogue constructif qui sest engagsur cette proposition entre les diffrentes sensibilits puisseaboutir un texte dquilibre, qui satisfasse aussi bien nosauteurs et diteurs que nos concitoyens lecteurs.

    DISCUSSION GNRALE

    Mmela prsidente. Dans la discussion gnrale, la parole est Mme Marianne Dubois.

    Mme Marianne Dubois. Madame la prsidente, monsieur leministre, monsieur le rapporteur, mes chers collgues, commetoutes les rvolutions, la rvolution numrique bouleverse lesrapports de force et les quilibres. Si elle porte un immenseespoir douverture, daccs universel la culture et de rsur-rection des uvres, elle met aussi en danger le droit dauteur.Cette jeune rvolution pose dj de vieilles questions. Cestnotre devoir de lgislateur dy apporter une rponse intelli-gente et quitable, qui prenne en compte la fois lintrtgnral et les intrts particuliers, la protection dun patri-moine accessible tous au mme titre que la protection desauteurs et des ayants droit.

    En lanant sa politique de numrisation globale des uvres,Google a fait une entre fracassante dans ce dbat. En cinq ans, Google Book Search a numris prs de 10 millions delivres, dont une grande partie sans laccord des ayants droit. LeSyndicat national de ldition estime que 100000 uvressous droits sont actuellement visibles sur Google books. Leprocs qui oppose Google et les auteurs franais est toujoursen cours. De manire gnrale, le divorce entre les droits desauteurs et laccs du grand public aux uvres appelle une prisede position du lgislateur. Laventure Google montre quelpoint notre patrimoine public se trouve en ralit vulnrableface aux OPA de certains gants. Nous ne pouvons donc faire

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    lconomie dun cadre juridique solide : la numrisation denos uvres ne doit pas entraner la perte de la titularit desdroits qui y sont rattachs.

    Aujourdhui, nous ne sommes pas seulement sur la dfen-sive. Ce texte est aussi un texte de reconqute: il part enquelque sorte la recherche des uvres perdues. Ces uvresperdues ou, plutt, ces livres indisponibles sont des uvres duxx e sicle encore couvertes par des droits, mais qui ne sont plusdites faute de rentabilit conomique et que lon ne trouveplus que dans quelques bibliothques ou ventuellement sur le march de loccasion. Contrairement aux uvres du xxiesicle, les contrats dditeurs qui les couvrent ne comportentaucune mention relative leur ventuelle numrisation et,contrairement aux uvres anciennes qui font lobjet dunecampagne de numrisation sous lgide de la Bibliothquenationale de France, elles ne sont pas tombes dans ledomaine public et ne peuvent donc tre exploites numri-quement sans autorisation.

    Nous savons que la numrisation des uvres permet de lesconserver, de les retrouver, den gnraliser et den faciliter laccs. Dans cette optique, la France fait figure dclaireur. Eneffet, la bibliothque numrique Gallica, qui ne cesse degrandir, depuis 1997, sous limpulsion de la Bibliothquenationale de France, est certainement aujourdhui la seuleentreprise qui puisse faire de lombre Google Book Search. Cette politique est massivement soutenue par lespouvoirs publics. Alors que nous jouons un rle moteur enEurope dans ce domaine, nous ne pouvons priver nos biblio-thques virtuelles de la production ditoriale du xx e sicle.Rappelons simplement que prs de 800000 uvres seraientindisponibles ou orphelines, soit plus de la moiti des uvrespublies depuis 1900.

    Parce quil serait impossible aujourdhui de rengocier individuellement lensemble des contrats ddition des uvres indisponibles et parce quil faut nanmoins remdier linscurit juridique qui menace leur exploitation, le texteque nous examinons aujourdhui a pour objet de confier unesocit de gestion collective et de rpartition des droits la responsabilit de grer leurs droits numriques. Les socitsde gestion collective et de rpartition des droits cres cetteoccasion disposeront donc du droit dautoriser la reproductionet la reprsentation dune uvre dans un format numrique.

    Pour encadrer ce droit, le texte dfinit prcisment la notiond uvre indisponible et prvoit ltablissement dune listepublique de ces uvres. dfaut dopposition des ayantsdroit dans les six mois suivant linscription dune uvreindisponible sur la liste, la socit de gestion pourra enautoriser lexploitation numrique, soit par lditeur quidispose dj du droit de reproduction sous forme imprime titre exclusif pour une dure de dix ans, soit par un tiers titre non exclusif pour une dure de 5 ans.

    La discussion qui a eu lieu au Snat a ouvert de nouveaux dbats. Je pense notamment la question des uvres orphe-lines et la possibilit de leur exploitation titre gratuit et nonexclusif au-del de dix ans de recherche infructueuse de la trace des ayants droit. Si ces questions mritaient dtreposes, la commission des affaires culturelles de notre assem-ble a choisi dy rpondre autrement: dune part, parcequune directive europenne sur la notion d uvre orphelineest actuellement en cours de rdaction et, dautre part, parceque lexploitation titre gratuit risque de crer une nouvelleexception au droit dauteur et de compromettre ainsi lexploi-tation numrique des uvres indisponibles.

    Globalement, la commission a permis de scuriser le dispo-sitif propos par le Snat et nous pouvons saluer le souci denotre rapporteur dobtenir le consensus le plus large possiblesur ce texte qui dpasse largement les clivages politiques.

    Mme la prsidente. La parole est Mme MoniqueBoulestin.

    Mme Monique Boulestin. Madame la prsidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collgues, lelivre numrique est une ralit dont nous devons tenir compte. Ainsi, aprs avoir dbattu, il y a peu, dans cethmicycle, du prix du livre numrique, nous examinonsune proposition de loi relative lexploitation numrique dece que nous appelons les livres indisponibles du xx esicle .

    Ce nouveau texte tend combler un vide juridique enprvoyant les modalits dexploitation numrique des livresdu xx e sicle qui ne sont plus disponibles dans le commercesous forme papier, tout en restant protgs par le code de la proprit intellectuelle. Ce vide est dautant plus regrettableque la rdition de ces ouvrages, souvent puiss en format

    papier, nest plus envisage compte tenu du cot qu

    ellereprsenterait. Je prcise que lauteur de la proposition de

    loi estime environ 500 000 le nombre d uvres concernes.Rappelons pour mmoire que seules sont disponibles

    aujourdhui en format numrique les uvres littraires rcem-ment publies et qui font lobjet dun double contratddition, papier et numrique, ainsi que les uvres qui nesont plus protges par le droit dauteur car publies entre lexv e et le dbut du xx e sicle. En France, sous lgide de la Bibliothque nationale de France, les bibliothques se sontrsolument engages dans la numrisation, avec le programmeGallica, bas sur les collections dposes au titre du dptlgal. Mais ne sont actuellement concerns, je le rpte, queles livres publis entre le xv e et le dbut du xx e sicle.

    La prsente proposition de loi vise crer une base dedonnes publique en ligne, qui rpertorie les livres indisponi-bles. Cette initiative vise confier la BNF la responsabilitde ce corpus. Nous lapprouvons, monsieur le rapporteur,dans la mesure o, de surcrot, ce registre sera publiquementaccessible sur Internet.

    Par ailleurs, la proposition de loi prvoit que lexploitationnumrique de ces uvres sera assure et nous avons insistsur ce point en commission par une gestion collective etconfie une socit de perception et de rpartition des droitsagre cet effet par le ministre de la culture en vertu delarticle L. 134-3 du code de la proprit intellectuelle. Cedispositif assurera donc la rmunration quitable desauteurs, de leurs ayants droit et des diteurs.

    En outre, il est de notre devoir de lgislateur de nous assurer que cette proposition de loi reste bien conforme lacquiscommunautaire. En effet, cette numrisation se heurtenotamment la question des droits. Il sagit donc duntexte technique, aux problmes juridiques complexes, maisqui dotera la France dun outil unique, condition que lerespect du droit dauteur ne soit pas destructeur de la cultureet du patrimoine quand il ne sert pas des intrts commer-ciaux.

    Cette proposition de loi soulve galement la question des uvres orphelines, dont les ayants droit ne peuvent trereconnus introuvables quau terme dune recherche dite diligente . Or larticle 1er bis relatif cette question a tsupprim en commission dans lattente du vote de la directiveeuropenne relative ces uvres orphelines. Je souhaiteraisdonc insister tout particulirement sur la ncessit depermettre dexploiter gratuitement au bout de dix ans des

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    titres pour lesquels aucun titulaire de droits autre que lditeur de louvrage papier naura t retrouv par la socit de gestioncollective cre cet effet.

    Cette disposition avait t initialement adopte par le Snatet je ne peux que regretter sa suppression en commission par le rapporteur, au prtexte quelle constituait une exceptionaux droits dauteurs . Nous proposerons donc sa rintroduc-tion par le biais damendements. En effet, nous le rptons,cette mesure ne cre pas une nouvelle exception aux droitsdauteurs. Cest bien la socit de gestion collective quiexercera les droits patrimoniaux sur les ouvrages et dlivrera une autorisation dexploitation titre gratuit et non exclusif,dans un cadre contractuel classique. Il ne sagit donc enaucune faon de suspendre le principe de lautorisationpralable.

    Par ailleurs, larticle L.122-7 du code de la proprit intel-lectuelle consacre dj la possibilit de mise dispositiongratuite des uvres.

    Enfin, cette disposition laisse lauteur ou lditeur la libert de se manifester au-del mme de ce dlai de dix ans,afin de retrouver leurs droits dexploitation exclusifs sur louvrage. En amont de ce dlai de dix ans, les titulaires ontgalement plusieurs autres occasions de faire valoir leursdroits.

    Il ne sagit donc que de prvoir une possibilit dexploita-tion gratuite, non exclusive et rversible pour les ouvragesrellement constats orphelins.

    Le mcanisme dexploitation gratuite des uvres orphelinesde droits prvu par le Snat mnageait donc un quilibre entrela ncessaire protection des droits des titulaires et lintrtdune diffusion publique et gratuite des uvres orphelines.Ce principe dexploitation gratuite figure dailleurs galementdans la proposition de directive europenne sur les uvresorphelines, dont nous attendons le vote avec impatience.

    Grce cet outil lgislatif, les bibliothques pourraient jouer pleinement leur rle pour remettre en circulation des ouvragesorphelins en les numrisant, tout cela au bnfice du public,cest--dire du plus grand nombre de lecteurs. Car par cettedisposition, cest bien le dveloppement de la lecture publiqueque nous dfendons.

    Face lemprise des acteurs privs que nous avons voqueen commission, et que le rapporteur nous a rappele, lelgislateur devait ragir en permettant laccs de tous aux

    uvres littraires. Cest pourquoi nous avons approuvlaccord-cadre sign le 1er fvrier 2011 par le ministre de la

    culture, le commissaire gnral linvestissement, le prsidentde la Bibliothque nationale de France, le prsident dusyndicat national de ldition et le prsident de la Socitdes gens de lettres, afin que puissent tre exploits sousforme numrique les quelque 500000 ouvrages du XX e sicledont jai parl au dbut de mon propos.

    Toutefois, je ne peux que regretter le choix de la procdureacclre pour ce texte, qui est certes important, nous lavonsdmontr, mais qui ne comportait aucun caractre durgence.Tel est donc le sens des amendements dposs par le groupesocialiste que nous examinerons au cours de la discussion.

    Cependant, cette proposition de loi nous semble tre uneavance car elle a le mrite dattirer lattention sur les biblio-thques, et jespre que nous reviendrons plus largement sur cette question lors de la prochaine lgislature. Voil pourquoile groupe SRC votera ce texte.

    Car pour nous, socialistes, il sagit bien de dfendre la lecture publique et de soutenir laction des bibliothques,tout en restant vigilant sur le sort rserv aux auteurs, aux ayants droit et aux diteurs.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme la prsidente. La parole est M. Lionel Tardy.

    M. Lionel Tardy. Madame la prsidente, monsieur leministre, monsieur le rapporteur, mes chers collgues, letexte qui est soumis aujourdhui notre examen est globale-ment positif.

    Son but est de permettre la mise la disposition du publicdes livres puiss quil nest pas possible de rditer, fautedautorisation des ayants droit, dont on a perdu la trace.

    Llargissement de loffre culturelle ne peut tre quunebonne chose, et cette loi permet de lever lun des problmesli une dure des droits, excessive mon avis, jusqu soixante-dix ans aprs la mort de lauteur. Cela laisse large-ment le temps de perdre la trace des hritiers, surtout quandce sont des collatraux qui, parfois, ignorent quils sonttitulaires des droits.

    Le Snat a introduit une disposition que japprcie particu-lirement, accordant un droit dexploitation libre et gratuitpour les livres dont les ayants droit nauraient pas t retrouvsau bout de dix ans.

    Dans beaucoup de textes traitant de la culture, on fait la part belle aux intrts des industries culturelles, en oubliant,trop souvent mon got, les intrts du public. Je suis doncheureux quon ait enfin pens au public, et je milite pour lemaintien de la disposition vote par le Snat ce sujet.

    Je souhaite galement que nous apportions quelquesmodifications ce texte, que lon sent crit par les diteurs,pour les diteurs. Leurs demandes ne sont pas forcmentillgitimes, mais cest nous qui crivons la loi, en tenantcompte des diffrentes positions, celle des diteurs bienentendu, mais aussi celle des auteurs, dans leur diversit,dans une optique daccs le plus large possible du public ausavoir et la culture.

    Le premier point qui minterpelle est latteinte que lonporte au principe du droit exclusif de lauteur dautoriser lexploitation et la diffusion de son uvre. Mme si cestpour des raisons solides et justifies, ce texte organise uncontournement de lautorisation des ayants droit, et donc,de fait, du droit exclusif.

    On semble oublier au passage que le titulaire du droitdauteur, cest lauteur, et pas lditeur. Ce dernier peutavoir des droits, mais distincts de ceux de lauteur, etlditeur ne peut en aucun cas dpossder lauteur de sesdroits, notamment du droit moral. Il est ncessaire dtreprudent, car nous ouvrons ici une brche qui pourrait tretranspose dans dautres domaines culturels.

    Le deuxime point qui me drange est la conceptionbeaucoup trop troite du livre. Pourquoi se limiter aux livres publis par les diteurs dans un but commercial? Jepropose que ce systme puisse stendre tous les livrespublis. Cela nempchera pas les diteurs de reprendre leslivres susceptibles de les intresser, et cela permettra deressortir de loubli des livres qui ont t auto-dits.

    Le troisime point qui me pose problme est le parti pris,quasiment explicite dans ce texte, qui veut que lauteur publiepour gagner de largent. Je ne suis pas daccord avec cettevision des choses, et bien des auteurs me lont dit : ils publientavant tout pour tre lus. Cest leur diteur qui dite pour gagner de largent.

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    Il y a donc deux intrts bien distincts, que lon a troptendance confondre, parce que cela arrange bien les diteurs.Beaucoup dayants droit, enfants et petits-enfants dauteurs,sont disposs renoncer toute rmunration, qui ne sera pasbien leve dans la plupart des cas, pour permettre aux livresde leur pre ou grand-pre dtre tirs de loubli et lus nouveau.

    Dans un certain nombre de domaines, et notamment celuidu savoir universitaire, mais galement de lrudition, cest dsla publication que lauteur renonce toute rmunration, car son but est la diffusion du savoir.

    Pourquoi, alors quun auteur a explicitement renonc toute rmunration autre quun ventuel forfait pay aumoment de la publication, prsumer aprs son dcs quilsouhaitait forcment exploiter financirement ses droits?

    Mes chers collgues, quand un livre est susceptible derapporter de largent, les droits sont rarement orphelins, etsils le sont, les recherches sont faites avec diligence. Ce textepeut effectivement rpondre quelques cas o unbest-seller estrellement orphelin, mais de grce, nen restons pas cettevision trique.

    Nous avons une occasion unique de remettre entre lesmains du public, par la publication numrique, des textesqui ne demandent qu revivre, grce des auteurs et desayants droit qui souvent, presque toujours mme, sont prts renoncer aux revenus pour que l uvre soit nouveau lue. Neratons pas cette occasion.

    Quelques modifications mineures suffisent pour concilier les intrts de tous.

    Le rapporteur la soulign en commission, lquilibre trouver entre lintrt des crateurs, celui des ayants droitqui ne sont pas forcment des crateurs et celui du public esttoujours dlicat trouver. Mme si je trouve quil ne va pasassez loin en faveur du public, voil un texte venant de la commission des affaires culturelles que je peux voter. Cela nemest pas arriv depuis bien longtemps, il serait dommage,monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de manquer cerendez-vous!

    Mme la prsidente. La parole est M. Marcel Rogemont.M. Marcel Rogemont. Madame la prsidente, monsieur le

    rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collgues, le sicledes Lumires professait une confiance totale dans le mondedes ides, ce territoire sans police ni frontires, sans autresingalits que celles des talents, ctait la Rpublique deslettres, lge dor de lcrit.

    Les dbats pistolaires qui reliaient lEurope l Amrique,Voltaire Thomas Jefferson, avaient dj toutes les caract-ristiques dun rseau dinformations transatlantique.

    Depuis, peu peu, cette Rpublique des lettres sest profes-sionnalise pour devenir une Rpublique du savoir, savoir plusmiett, plus ferm, moins accessible car confront au grandnombre.

    Avec lre numrique, mancipatrice du temps et delespace, la dmocratisation du savoir est dsormais portede main enfin, de clic , du moins son accs est possible.Cest dans cette vise que prend place notre travail parlemen-taire de ce jour.

    Mais que recouvre la proposition de loi qui nous estprsente, quel est son contexte ?Nous le savons, elle sinscrit dans laccord-cadre du 1er fvrier

    2011 relatif la numrisation et lexploitation des livresindisponibles du XX e sicle. Il sagit donc dun tage de cet

    accord. Quels sont les termes prcis de cet accord? Nous vousle demandons, car il nous a fallu attendre une dcision de la CADA rendue aprs les travaux en commission pour avoir connaissance de cet accord. Est-il normal que des partenairesde la discussion naient pas eu accs ce document? Cestdommage.

    Cet accord est important parce que nous aurions vouluexaminer la viabilit conomique du dispositif, qui fait unelarge part un partenariat public-priv, que la proposition deloi cherche mettre en uvre. Cet accord, dans sonparagraphe F, prvoit: les parties au prsent accord convien-nent de raliser ensemble une tude de faisabilit qui seraitralise au cours du premier trimestre 2011 et qui permettra de prciser les contours du projet.

    Bien naturellement, monsieur le ministre, nous souhaitonsobtenir ces informations. Comment envisagez-vous cettetude? A-t-elle t ralise? Avec qui? Comment allons-nous pouvoir nous assurer effectivement de la viabilit decet accord?

    Nous risquons, dfaut de nous assurer de la viabilit de cetaccord, de navoir dautre alternative que de traiter avecGoogle en rase campagne, car nous aurons born notrerflexion.

    Aujourdhui dans un contexte de crise conomique, detriple A perdu, le grand emprunt risque de ntre quunegrande dette, et quel avenir ont les dettes de nos jours ?

    Cest pourquoi, monsieur le ministre, jinsiste sur le besoindinformations plus prcises concernant ltude de faisabilit.

    Passs ces questionnements, qui ne sont pas anodins, lobjetde la proposition de loi sinscrit bien dans laccord du 1er fvrier 2011. Elle vise organiser une gestion collective obligatoiredes livres indisponibles du XX e sicle, afin den promouvoir la conservation et laccs numrique. Cest un objectif louable,que nous devons favoriser et mettre en place.

    Ainsi, la question de laccessibilit est mise sur le devant dela scne. Nous nous en flicitons, elle doit tre traite. Maiscomment? Sur quels fondements? Il sagit de veiller la protection de lensemble des acteurs de la chane du livre.Parmi ces proccupations, la question des droits des auteursdoit tre au centre de nos discussions. Le droit des auteurs nedoit pas se transformer en un droit des seuls diteurs.

    Nous nous flicitons cet gard des avances permises parnos collgues snateurs, comme des avances que nous avonsproposes en commission et qui ont t adoptes, notammentpour ce qui concerne les garanties apportes aux auteurs poursortir du mcanisme dopt-out , que nous appellerons ici droitde sortir.

    Nous proposerons de nouvelles garanties indispensablespour les auteurs dans la rcupration de leurs droits.

    Et compte tenu de ces rflexions sur la protection des droitsdes auteurs, je ne peux que minterroger sur le dispositif propos pour le mcanisme de droit de sortir.

    Le Snat a fort heureusement encadr ce mcanisme et nousen sommes heureux, mais cela nempche pas une question,souleve par le rapporteur: pourquoi, aux Etats-Unis, ce

    mcanisme a-t-il t jug attentatoire au droit d

    auteur?Cela aurait mrit un approfondissement de nos rflexionssur un modle conomique diffrent, mais cette remarque na pas pour objet de remettre en cause le travail trs fructueux qui a t ralis sur le droit de sortir, mme sil est encadr.

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    Sans compter que, dans la dernire version de son rglement,Google a introduit un mcanisme dopt in, cest--dire dedroit dentrer.

    La proposition de loi constitue, on le voit bien, une alter-native la tentative de Google de constituer une bibliothquenumrique universelle selon un rgime qui peut scarter des

    principes de ce texte imposs par la juridiction.Mais alors que le Gouvernement dnonait hier les

    mcanismes mis en place par le gant, doit-il aujourdhuispargner et nous pargner une rflexion approfondie sur la protection du droit des auteurs comme la justice amricaine lesuggre? Nous aurions aim avoir plus de temps pour prendrela mesure des implications du dbat qui se tient aux tats-Unis dans les dcisions que nous sommes amens prendre.Protger les acteurs de la chane du livre, disais-je, cest l notre objectif.

    Jaimerais aborder prsent la question des bibliothques,dans leur rle de mise disposition des uvres, que vous avezsoulign dans votre intervention, monsieur le ministre.

    Le Snat, une fois encore, a ralis une avance importanteet quilibre pour permettre laccs des bibliothques et doncdes lecteurs des uvres orphelines, en autorisant lexploitationgratuite des uvres orphelines par lesdites bibliothques aubout de dix ans.

    Un amendement prsent par le rapporteur a supprimcette disposition.

    Sagit-il dune nouvelle exception au droit dauteur? Non. Ilny a l aucune suspension du dispositif dautorisationpralable, puisque celle-l mme sera demande la SPRD.Il sagit donc dun rgime dautorisation.

    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, commententendez-vous la notion d exception au droit dauteur que vous avez mise sur le devant de la scne? Personnelle-ment, jy vois un mcanisme instaur par la loi pour traiter dun cas spcifique relevant de lintrt gnral. Il suspend leprincipe de lautorisation pralable des titulaires de droits.

    Or quen est-il dans le cas de cet alina? La socit degestion collective dlivrera bien une autorisation dexploita-tion titre gratuit et non exclusif. mon sens, le fil contrac-tuel nest donc pas rompu, mais jattends vos observations cesujet.

    Par ailleurs, ainsi que le mentionnait la rapporteure duSnat, ce dispositif vise favoriser les recherches avres des

    ayants droit par la SPRD, afin que le nombre des

    uvresorphelines diminue substantiellement.Ce dispositif asschera-t-il les recettes de la SPRD? Mettra-

    t-il mal le modle conomique des irrpartissables? Absolu-ment pas.

    Puisque la SPRD effectuera les recherches diligentes, lecorpus des uvres orphelines diminuera. Et combien enrestera-t-il aprs dix annes coules? Fort peu.

    En quoi le bnfice quelles reprsenteront alors, passs dix ans de commercialisation au bnfice de la SPRD, boulever-sera-t-il le modle conomique ?

    Pourquoi alors souhaiter supprimer un tel dispositif?Sagirait-il de mettre mal le projet de directive europenneactuellement en discussion? Cette directive entend donner aux bibliothques et autres institutions culturelles la possibilitde numriser et de diffuser des uvres orphelines dans desconditions ouvertes.

    Par ailleurs, pourquoi supprimer la dfinition de l uvreorpheline adopte par le Snat, qui avait pris le soin dereprendre les termes mme du projet de directive ? Il nous a t rapport que cette directive serait adopte au printemps2012. Avez-vous des informations plus prcises, monsieur leministre?

    Gardons-nous de lgifrer sans tenir compte de la directiveeuropenne venir. Cela nempchera pas de garder lespritle sens de cette proposition de loi qui, je le rappelle, estlouable, car il sagit de favoriser laccessibilit des uvres.

    Un seul objectif doit nous guider, celui de lquilibre desdroits: ceux des auteurs, des diteurs, des bibliothques et deslecteurs. Cest dans ce sens que nous dfendrons nos amende-ments, dans le sens dun juste quilibre entre tous les acteursde la cration et de la diffusion.

    Jean Guhenno dclarait: Un livre est un outil delibert. Oui, un outil de libert pour lauteur mais aussipour le lecteur. Gardons-nous bien de rompre le lien quiexiste entre ces deux maillons essentiels sans lesquels la

    culture n

    existerait pas. C

    est notre responsabilit et notretravail de linstant.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. M. le rapporteur applaudit galement.)

    Mme la prsidente. La parole est Mme Martine Martinel.Mme Martine Martinel. Madame la prsidente, monsieur le

    ministre, monsieur le rapporteur, chers collgues, la proposi-tion de loi prsente par notre collgue snateur JacquesLegendre vient combler un vide juridique. Pourquoi?

    Comme le rappelle lexpos des motifs, grce la numri-sation des uvres littraires, nous disposons dsormais duncatalogue de titres tombs dans le domaine public qui peuventfaire lobjet dune mise en ligne. Je salue cet gard le travailpionnier de Jean-Nol Jeanneney qui, alors quil tait la ttede la BNF, a initi le projet de bibliothque numriqueGallica.

    Quant aux nouveauts littraires, elles sont dsormaisprsentes sous la forme de deux supports: un supportpapier et un support numrique.

    En revanche, les uvres du XX e sicle, qui sest rvlparticulirement fcond en matire ditoriale, se trouventdans une zone intermdiaire. Certaines uvres de lespritdsormais indisponibles chez lditeur ne sont pas tombesdans le domaine public ; elles mritent pourtant dtre accessi-bles un public qui a c ur de connatre le patrimoinelittraire franais du sicle dernier. Pour cela, il convientque les pouvoirs publics contribuent faciliter laccs ces uvres en veillant garantir les droits des deux principalesparties que sont lauteur et lditeur.

    Pour ma part, lheure o nous venons de fter le cente-naire de la maison Gallimard, je ne crois pas opportundopposer les uns aux autres. On sait, mme si cela est sansdoute moins vrai quauparavant, que les catalogues desmaisons ddition forment, eux aussi, une manire d uvrecohrente. En tmoigne le mtier dditeur tel que lont exercou lexercent encore dans des styles trs diffrents : Jos Corti,ric Losfeld, Jean-Jacques Pauvert, Maurice Nadeau, JrmeLindon, Raphal Sorin, Jean-Marc Roberts, Viviane Hamy ouDominique Gaultier. La liste nest pas exhaustive.

    Ces diteurs avaient ou ont, de manire vidente, une visiondu livre bien diffrente de celle du site Google. Cette propo-sition de loi prvient tout risque de monopole quexercerait cetype dacteur de lconomie numrique qui, uniquementanim par des intentions mercantiles, limiterait laccs certaines uvres. Car, ne nous y trompons pas, il sagit de

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    dfendre une conception du livre et de la culture bien oppose la conception anglo-saxonne et de protger, selon une tradi-tion datant de Beaumarchais, les uvres de lesprit.

    Lenjeu principal de la loi est donc de rguler les pratiquesqui seraient en infraction notre droit et quil faut encadrer pour viter des drives. Il est aujourdhui ncessaire que lelgislateur intervienne pour viter que ne se perptuent lesatteintes au droit dauteur, qui doit tre respect sans treaccus de constituer une entrave au dveloppement de la socit de linformation et de la connaissance.

    Vous avez prcis hier en commission, monsieur le rappor-teur, que vous souhaitiez ne prsenter cette proposition de loiquaprs avoir dgag un consensus de lensemble des profes-sionnels de la chane du livre. Je ne peux que louer cettesagesse qui permet daboutir un texte quilibr susceptiblede satisfaire lensemble des parties.

    Les enjeux lis la proposition de loi sont nombreux. Il y a dabord lenjeu de la dmocratisation culturelle. La numri-

    sation et l

    exploitation des livres indisponibles, la mise disposition de ces uvres sur les rseaux numriques largis-sent au grand public un accs qui ntait jusqualors ouvertquaux chercheurs, pour des raisons lgitimes de raret et defragilit des livres en question.

    Il convient ensuite de prserver notre patrimoine et deprotger et valoriser les droits des auteurs et des diteurs,car lessor du numrique remet en cause leurs intrts,comme cest le cas pour la musique et le cinma. De fortesmenaces psent sur le livre ; la loi doit y apporter des solutionsattendues.

    Avec ce texte, les auteurs pourront tre lus nouveau. Leur droit moral nest pas remis en cause, puisquils auront la libert de refuser la numrisation de leur livre. Avec leursditeurs, ils disposeront du droit de sopposer la gestioncollective dune uvre indisponible dont ils restent titulairesdes droits.

    Ce droit est protecteur des auteurs un double titre : contreles pratiques des diteurs qui ont coutume de ne pas procder rdition, une fois l uvre puise, ou qui ne tiennent pascompte du refus des auteurs ne souhaitant pas voir exploiter leur uvre en mode numrique.

    Cette proposition de loi est utile car elle garantit la scurit juridique ncessaire lexploitation numrique des uvresindisponibles du XX e sicle, en lui donnant un cadre lgalqui faisait dfaut. Les auteurs pourront tre nouveau lus. Lesditeurs pourront, en assurant lexploitation numriqued uvres indisponibles, bnficier de nouvelles opportunitscommerciales. Les lecteurs, quant eux, pourront redcouvrir des textes dont ils sont privs actuellement.

    Je voudrais pour ma part que nous considrions la situationdes bibliothques publiques. Je rappelle que leur fonctionne-ment dpend des collectivits territoriales. Mme si ellesdisposent toujours de lexception de conservation, quensera-t-il de leur capacit proposer des livres indisponiblesnumriss ds lors quils retrouveront une valeur commer-ciale?(M. le rapporteur applaudit.)

    Mme la prsidente. La parole est Mme Franoise Imbert.

    Mme Franoise Imbert. Madame la prsidente, monsieur leministre, monsieur le rapporteur, chers collgues, aujourdhui,les technologies numriques, leurs volutions rapides ouvrentdes possibilits extraordinaires dans le domaine culturel.

    En ce qui concerne les livres, lenjeu de la numrisation estmajeur; elle permet en effet denvisager leur conservation etpourquoi pas ? de faciliter laccs de tous, en nimporte quellieu, toutes les uvres littraires.

    Cependant, lexploitation numrique des livres indisponi-bles pose le problme du respect du droit dauteur dans lesbibliothques numriques.

    Les livres dits indisponibles sont nombreux: prs de500000 titres seraient concerns selon le ministre, en parti-culier les ouvrages du XX e sicle toujours protgs par le droitdauteur.

    Dans le texte que nous examinons, lexpression livresindisponibles recouvre les uvres qui ne sont pas tombesdans le domaine public mais qui sont difficiles trouver sousforme imprime dans le commerce. Ces uvres ne peuventpas tre rdites, compte tenu du cot que cela reprsente-rait. Elles sont souvent rcentes, protges par le droit dauteur et leur exploitation nest pas gratuite. Pour beaucoup dentreelles, les auteurs sont connus, mais il ny a aucune dispositionrelative aux droits numriques dans le contrat ddition.

    Ne faut-il pas envisager dlargir la notion de livre indis-ponible , et considrer tous les modes de publication, y compris ceux qui nont pas fait lobjet dune diffusioncommerciale? Je pense particulirement aux actes de conf-rences et de sminaires universitaires, qui sont des tmoinsimportants de la culture du XX e sicle, si utiles au travail deschercheurs, mme si les chercheurs sont les seuls actuellement avoir accs une grande partie de la production littrairefranaise, sous format papier, la Bibliothque nationale deFrance, ce qui, mon sens, restreint quelque peu laccs detous la culture.

    Lan pass, nous avons dj longuement discut en commis-sion du problme pos par la numrisation des uvres cultu-relles, loccasion de la proposition dune entreprisecommerciale, loprateur priv Google, de constituer unebibliothque numrique universelle. Google ne possdaitalors aucun droit sur ces uvres, pas plus que les biblioth-ques. Pour faire face ces situations, il est ncessaire delgifrer, et cest ainsi que les obstacles juridiques qui soppo-sent la numrisation des uvres littraires sont traits dans la prsente proposition de loi.

    Mme si ce texte comporte peu darticles, il sefforcedapporter des rponses. Mais il ne faut pas se cacher quesa mise en uvre pose des problmes techniques quil faudra sattacher aplanir, et quil napporte pas toutes les rponsesncessaires dans une matire aussi complexe.

    La solution propose larticle 1er consiste confier unesocit de gestion collective, la SPRD, le soin de prlever et drpartir les droits numriques des livres indisponibles, dans lecas o lauteur ne manifeste pas son dsaccord et autorise ainsila numrisation et lexploitation rapide de ces uvres rcentes.

    La SRPD devient linterlocuteur unique des diteurs. Elleest charge dexercer le droit dexploitation des uvres litt-raires indisponibles. Elle assure une fonction de vigilancequant la protection des intrts des auteurs et de leursayants droit, dont le droit moral nest pas remis en causepuisquils auront la possibilit de refuser la numrisation del uvre.

    Le dispositif inclut une grande partie des uvres orphelines,quil serait cependant ncessaire de bien dfinir elles aussi.

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    Lun des enjeux de la proposition de loi est de faire un pasvers plus de dmocratisation culturelle. En ce sens, il est utilede sinterroger sur les modalits de rpartition des rmunra-tions des auteurs et des diteurs, et sur la bonne utilisation dessommes non rpartissables.

    Quel cot dexploitation aura l uvre ainsi numrise?

    Sera-t-elle gratuite? Quel avenir pour les bibliothquesgres par les collectivits territoriales? Quen sera-t-il deleur capacit proposer des livres indisponibles numriss,alors mme quelles disposent dun exemplaire papier ?

    Les revenus non rpartissables seront-ils ddis la promo-tion de la lecture publique, au soutien de laction des biblio-thques, qui ont besoin de dvelopper leurs fichiersnumriques, leur utilisation et leur frquentation?

    Les bibliothques et autres rseaux de lecture auraient bienbesoin dun soutien cibl par le biais de lattribution de cessommes que lon dit considrables si lon se rfre dautressocits de rpartition.

    Pour les bibliothques, lieux de lien social, ce serait locca-sion de promouvoir la lecture publique et les ateliers dcri-ture, de lancer des actions de sensibilisation vers les publics lesplus loigns de la lecture et de renforcement du lien entre lesauteurs et les lecteurs.

    toutes ces questions, nous nous devons de rpondre. Aussi est-il dommage que cette proposition de loi fasselobjet dun examen en procdure acclre; elle auraitmrit dtre traite de faon plus approfondie.

    Parce que laccessibilit de tous la culture est un enjeu la fois cu