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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2003, N° 277 (3) 69 EUCALYPTUS ET SOLS / LE POINT SUR… Eucalyptus et fertilité des sols au Congo Jean-Paul Laclau 1 Jacques Ranger 2 Jean de Dieu Nzila 3 Jean-Pierre Bouillet 1 Dominique Gelhaye 2 Philippe Deleporte 1 1 Cirad-forêt (UR2PI) Programme arbres et plantations TA/10C 34398 Montpellier Cedex 5 France 2 Inra Biogéochimie des écosystèmes forestiers 54280 Champenoux France 3 UR2PI BP 1291 Pointe-Noire République du Congo À partir de la quantification, pendant une durée de trois ans, des principaux flux d’éléments nutritifs et des bilans entrées-sorties dans deux écosystèmes, une savane herbacée et une plantation d’eucalyptus, des recommandations sont faites pour optimiser les apports de fertilisants et les techniques culturales, afin d’assurer la durabilité de la production de bois tout en respectant l’environnement. Photo 1. Vue générale de la plantation d’eucalyptus dans laquelle le dispositif d’étude des cycles biogéochimiques a été installé. Overall view of the eucalyptus plantation where the study of biogeochemical cycles was carried out. Photo D. Gelhaye.

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Page 1: 2 Jean de Dieu Nzila3 Eucalyptus et fertilité Philippe

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 7 ( 3 ) 69EUCALYPTUS ET SOLS / LE POINT SUR…

Eucalyptus et fertilité des sols au Congo

Jean-Paul Laclau1

Jacques Ranger2

Jean de Dieu Nzila3

Jean-Pierre Bouillet1

Dominique Gelhaye2

Philippe Deleporte1

1 Cirad-forêt (UR2PI)Programme arbres et plantations TA/10C34398 Montpellier Cedex 5France

22 InraBiogéochimie des écosystèmesforestiers54280 ChampenouxFrance

33 UR2PIBP 1291Pointe-NoireRépublique du Congo

À partir de la quantification, pendant une durée de trois ans, des principaux flux d’éléments nutritifs et des bilans entrées-sorties dans deuxécosystèmes, une savane herbacée et une plantation d’eucalyptus, desrecommandations sont faites pour optimiser les apports de fertilisants et les techniques culturales, afin d’assurer la durabilité de la production de boistout en respectant l’environnement.

Photo 1. Vue générale de la plantation d’eucalyptus dans laquelle le dispositif d’étude des cyclesbiogéochimiques a été installé.Overall view of the eucalyptus plantation where the study of biogeochemical cycles was carried out.Photo D. Gelhaye.

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FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

RÉSUMÉ

EUCALYPTUS ET FERTILITÉ DES SOLS AU CONGO

Les plantations d’Eucalyptus du litto-ral congolais produisent de fortesquantités de biomasse dans des solstrès pauvres en éléments nutritifs. Lefonctionnement minéral de ces plan-tations et leur impact sur le statutorgano-minéral des sols de savaneont été étudiés. La dynamique desprincipaux flux d’éléments minérauxdans les arbres a été mesurée à partird’une chronoséquence couvrant larotation de futaie. Les stocks d’élé-ments nutritifs dans les sols ont étéquantifiés dans une savane originelleet une plantation monoclonale d’eu-calyptus adjacente. Sur ce site, lesdépôts atmosphériques, les échan-ges foliaires et le drainage dans leshorizons de sol prospectés par lesracines (6 m) ont été mesurés pen-dant trois années. Le fonctionnementminéral de l’écosystème évolue forte-ment après boisement. En particulier,les dépôts secs ainsi que les prélève-ments hydriques et minéraux sontnettement plus élevés dans la planta-tion que dans la savane. Un recyclageintense d’éléments nutritifs dans cetécosystème permet de fortes produc-tions de biomasse, avec des trans-ferts internes dans les arbres et desretours au sol par les litières impor-tants, ainsi que de faibles pertes pardrainage. Les apports atmosphé-riques, la fertilisation et la minéralisa-tion de la matière organique jouentun rôle crucial dans la nutrition desarbres. Le bilan entrées-sortiesd’azote nettement déficitaire dansl’écosystème d’Eucalyptus indiqueque les fertilisations azotées devrontaugmenter au cours des rotationssuccessives. En revanche, les bilanssont pratiquement équilibrés pour lesautres éléments. Ces résultats sontcohérents avec les essais de fertilisa-tion et suggèrent l’intérêt d’introduireun sous-étage fixateur d’azote dansces plantations.

MMoottss--ccllééss :: Eucalyptus, savane, cyclebiogéochimique, élément nutritif,durabilité.

ABSTRACT

EUCALYPTUS AND SOIL FERTILITYIN THE CONGO

Eucalyptus plantations along theCongolese coast produce large quan-tities of biomass on nutrient-poorsoils. The mineral cycle in these plan-tations and their impact on theorganic and mineral status of savan-nah soils were studied, with measure-ments of the dynamics of the mainmineral flows in trees over a timeseries covering the full rotationperiod of the eucalyptus stand.Nutrient stocks in the soil were quan-tified for native savannah land and foran adjacent monoclonal eucalyptusplantation. Atmospheric deposition,canopy exchanges and drainage inthe soil horizons through the full root-ing depth (6 m) were measured overthree years in the site. The ecosys-tem’s mineral cycle changed consid-erably after afforestation. In particu-lar, deposition of dry matter andwater abstraction were much higherin the plantation than in the nativesavannah. Intensive recycling of nutri-ents in the ecosystem produced largequantities of biomass, with internalretranslocation in trees and matterreturning to the soil in large amountsof leaf litter, as well as low drainagelosses. Atmospheric deposition, fer-tilisation and mineralisation were cru-cial to tree nutrition. The clearly nega-tive nitrogen budget in the Eucalyptusecosystem indicates that nitrogenousinputs needs to be increased throughsuccessive rotations. On the otherhand, budgets for other minerals arepractically balanced. These resultsare consistent with the fertilisationtests and suggest that establishing anitrogen-fixing understorey in theseplantations could be of interest.

Keywords: Eucalyptus, savannah,biogeochemical cycle, nutrient, sus-tainability.

RESUMEN

EUCALIPTO Y FERTILIDAD DE LOS SUELOS EN EL CONGO

Las plantaciones de eucalipto del lito-ral congoleño producen grandes can-tidades de biomasa en suelos muypobres en elementos nutritivos. Seestudió el funcionamiento mineral deestas plantaciones y su impacto en elestado organo-mineral de los suelosde sabana. Se midió la dinámica delos principales flujos de elementosminerales en los árboles a través deuna cronosecuencia que cubría larotación de bosques. Se estimaronlas reservas de elementos nutritivosen los suelos en una sabana original yuna plantación monoclonal de euca-lipto contigua. En este lugar y durantetres años, se midieron los depósitosatmosféricos, intercambios foliares ydrenaje en los horizontes de suelocolonizados por las raíces (6 m). Elfuncionamiento mineral del ecosis-tema evoluciona mucho tras repobla-ción forestal. En particular, las depo-siciones secas así como las muestrashídricas y minerales son mucho másaltas en la plantación que en lasabana. Un reciclaje intenso de ele-mentos nutritivos en este ecosistemapermite grandes producciones debiomasa, con transferencias internasen los árboles y un retorno al suelomediante importantes capas de hoja-rasca y escasas pérdidas por drenaje.Los aportes atmosféricos, la fertiliza-ción y la mineralización de la materiaorgánica desempeñan un papel cru-cial en la nutrición de los árboles. Elbalance entradas/salidas de nitró-geno claramente deficitario en el eco-sistema de eucalipto indica que lasfertilizaciones nitrogenadas deberánincrementarse durante las sucesivasrotaciones. En cambio, los balancesse encuentran prácticamente equili-brados en los demás elementos.Estos resultados son coherentes conlos ensayos de fertilización y mues-tran el interés de introducir un pisoinferior fijador de nitrógeno en estasplantaciones.

Palabras clave: eucalipto, sabana,ciclo biogeoquímico, elemento nutri-tivo, sostenibilidad.

Jean-Paul Laclau, Jacques Ranger, Jean de Dieu Nzila, Jean-Pierre Bouillet,Dominique Gelhaye, Philippe Deleporte

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Introduction

Environ 42 000 ha de peuple-ments clonaux d’Eucalyptus ont étéplantés depuis 1978 dans les savaneslittorales du Congo, autour de la villede Pointe-Noire. La sylviculture àcourtes rotations pratiquée dans cessols à très faibles réserves en élé-ments nutritifs est destinée à la pro-duction de bois de trituration pour lapâte à papier. Des expérimentationssylvicoles ont été mises en placedepuis plusieurs dizaines d’annéesau Congo, mais une approche plusglobale a été engagée, à partir de1997, au sein de l’Unité de recherchesur la productivité des plantationsindustrielles (UR2PI), afin d’optimiserles apports de fertilisants et les tech-niques culturales (figure 1). Dans lecadre de l’étude de la durabilité deces plantations, les cycles d’élémentsnutritifs ont été évalués pendant troisannées dans une savane herbacéeoriginelle et une plantation monoclo-nale d’Eucalyptus.

Les études de cycles biogéochi-miques quantifient les stocks d’élé-ments nutritifs dans les différentscompartiments de l’écosystème (solet formation végétale), les transfertsd’éléments entre ces compartimentset les flux entrants et sortants dansl’écosystème. Ce type d’approchepermet de calculer des bilansentrées-sorties d’éléments nutritifsdans les sols et d’identifier des indi-cateurs fiables des tendances évolu-tives d’un système, en fonction descaractéristiques propres du système.Ces indicateurs peuvent déceler deschangements des propriétés des solsavant qu’ils se traduisent par unemodification de la croissance despeuplements. Les bilans entrées-sor-ties calculés pour l’ensemble de larotation forestière conduisent à desrecommandations pratiques concer-nant la longueur des rotations, l’in-tensité de la récolte, ou le raisonne-ment de la fertilisation pour maintenirla production en respectant l’environ-nement (fertilité des sols et caracté-ristiques des eaux de surface).

Certains flux d’éléments comme l’in-corporation dans la biomasseaérienne des arbres ou les retours ausol avec les litières ont été intensive-ment étudiés dans les plantationsd’Eucalyptus, mais d’autres fluximportants comme les transferts sousforme dissoute dans les eaux gravi-taires n’ont été que très rarementquantifiés. Les travaux les plus com-plets dans des peuplementsd’Eucalyptus ont été réalisés dansdes forêts naturelles en Australie,mais le comportement minéral de cetype d’écosystème est susceptible dedifférer fortement de celui de planta-tions gérées intensivement pour laproduction de biomasse.

L’étude menée au Congo s’estfixé plusieurs objectifs : améliorer lacompréhension du fonctionnement

minéral des deux écosystèmes ; éta-blir des bilans entrées-sorties d’élé-ments nutritifs dans les sols afin dequantifier l’influence de la plantationsur la fertilité minérale des sols ; four-nir des informations concernant lesquantités d’engrais à apporter pourassurer à la fois la durabilité de laproduction de bois et la conservationdes paramètres majeurs de l’environ-nement (en particulier le sol et leseaux superficielles). Cet article pré-sente la quantification, pendant unedurée de trois ans, des principauxflux d’éléments nutritifs et des bilansentrées-sorties dans les deux écosys-tèmes (encadré 1 : matériel etméthodes ; figure 2). Les consé-quences pratiques de ces résultatspour la gestion des plantations sontabordées.

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Figure 1. Études menées au Congo sur la durabilité des plantations d’eucalyptus. Les équipes impliquées sont indiquées entre parenthèses.Studies carried out in the Congo on the sustainability of eucalyptus plantations.The teams involved are indicated in brackets.

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FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

Encadré 1.Matér iel et méthodes

Situation écologique et matér iel végétalLa plantation d’Eucalyptus et la savane étudiées sur le sitede Kondi sont situées à 10 km de la mer, à environ 40 kmau nord de Pointe-Noire (figure 2). Les principales caracté-ristiques du climat sont une très forte humidité atmosphé-rique (85 % en moyenne), avec de faibles variations sai-sonnières, une pluviosité annuelle oscillant autour de1 200 mm, avec deux paroxysmes (novembre et février-mars) et une saison sèche marquée entre mai et sep-tembre. La température moyenne de 25 °C présente defaibles variations saisonnières (5 °C).Les sols sont des Ferralic Arenosols (classification Fao)développés sur d’épais dépôts de sédiments d’originecontinentale datés du pliopléistocène. Ils sont caractéri-sés par leur homogénéité en texture (teneur en sable> 85 %), leur profondeur importante et leur pauvreté enéléments nutritifs.Les Eucalyptus hybrides étudiés ici proviennent de croise-ments naturels entre deux ou trois individus d’Eucalyptusalba Reinw. ex-Blume (arbres mères) et un grouped’Eucalyptus hybrides mal identifiés, issus d’un arboretumbrésilien (arbres pères). L’âge optimal d’exploitation deces plantations est de 7 ans, mais la coupe a lieu fréquem-ment entre 6 et 9 ans, en fonction des fluctuations du mar-ché du bois de pâte à papier. Le dispositif d’étude des cycles biogéochimiques a été ins-tallé dans un peuplement monoclonal âgé de 6 ans, duclone d’Eucalyptus le plus représenté dans le massif indus-triel, ainsi que dans une savane herbacée située sur lemême type de sol, à environ 500 m (photos 1 et 2). À l’âgede 6 ans, le volume moyen sur écorce de la plantation étaitde 158 m3/ha. La biomasse aérienne de la savane atteignaitenviron 5 t/ha de matière sèche à la fin de la saison despluies. Cette savane a été brûlée chaque année en saisonsèche, comme la plupart des savanes du littoral congolais.

Méthodologie

Une description précise de la méthodologie employée estprésentée par Laclau (2001). Seuls les principaux pointssont indiqués ici.

ÉchantillonnageLes stocks d’éléments ont été quantifiés au début del’étude dans le peuplement d’Eucalyptus âgé de 6 ans etdans la savane (photo 3). Nous avons considéré que la pro-fondeur de sol intervenant dans la nutrition des formationsvégétales est de 6 m dans la plantation et 3 m dans lasavane. En effet, au-delà de ces profondeurs, la densité deracines est extrêmement faible (Laclau et al., 2001, 2002).La dynamique d’incorporation des éléments minéraux dansles arbres a été mesurée à partir d’une chronoséquence depeuplements pour le même clone d’Eucalyptus et par desmesures de biomasse et minéralomasse tous les mois,entre deux feux annuels, dans la savane. Les autres mesures ont été réalisées pendant trois annéesdans des placeaux de 0,25 ha situés dans chaque écosys-tème : chute de litière, apports par les pluies au-dessus dela savane, pluviolessivats sous le feuillage, écoulements detronc, ruissellement superficiel, composition chimique deseaux gravitaires sous la litière au sol et des solutions du solcollectées par des lysimètres à différentes profondeurs, jus-qu’à 4 m en savane et 6 m dans la plantation (photos 4 à 9).

Analyses chimiquesLes solutions ont été collectées chaque semaine et leséchantillons ont été conservés à + 4 °C. Des échantillonscomposites ont été préparés toutes les quatre semainespour limiter le nombre d’analyses chimiques. Les solutionsont été filtrées à Pointe-Noire et les mesures de pH etSO4

2– ont été effectuées aussi vite que possible. Leséchantillons ont ensuite été acidifiés avec H2SO4 etenvoyés au laboratoire du Cirad en France, où des balancesioniques complètes ont été établies. Les analyses chi-miques de végétaux et de sols ont été effectuées au labo-ratoire de l’Ird à Pointe-Noire et du Cirad à Montpellier,avec des intercalibrations régulières entre ces laboratoires.

Quantification des flux d’éléments nutritifsLes flux d’éléments nutritifs ont été mesurés pendant troisannées dans les deux écosystèmes, entre les âges de 6 et9 ans dans la plantation. Les dépôts atmosphériques d’aé-rosols ont été évalués en considérant le sodium comme untraceur pour lequel les échanges foliaires sont négli-geables. Un modèle hydrique a été utilisé pour quantifierles flux de drainage. Ce modèle a été validé à partir de lamesure en continu de l’humidité du sol jusqu’à 5 m de pro-fondeur par des sondes Tdr.Les flux d’éléments minéraux dissous dans les eaux dedrainage n’ont pas été mesurés pendant la croissancejuvénile de la plantation. Les hypothèses formulées pourl’évaluation de ces flux, nécessaires au calcul des bilansd’éléments nutritifs pour l’ensemble de la rotation, sontprésentées par Laclau (2001).

Photo 2. Vue générale de la savane dans laquelle le dispositifd’étude des cycles biogéochimiques a été installé.Overall view of the savannah area where the study of biogeochemical cycles was carried out.Photo D. Gelhaye.

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Flux d’eau et d’éléments

minéraux

Production de biomasse

Les dynamiques d’accumulationde biomasse dans les différents com-partiments aériens des arbres et de lasavane sont présentées dans lafigure 3. La production de biomasseaérienne reste élevée dans la planta-tion jusqu’à l’âge d’exploitation. Ellereprésente environ 15 tonnes par hec-tare et par an à partir de deux ans ets’accumule essentiellement dans lecompartiment bois de tronc. Dans lasavane, des feuilles mortes apparais-sent sur les touffes de graminéesenviron trois mois après les pre-mières pluies (décembre). La bio-masse de feuilles vivantes restestable autour de 3 t/ha pendant toutela saison des pluies, puis diminueconsidérablement en saison sèche.Les chutes de litière, nettement supé-rieures dans le peuplement d’Euca-lyptus, contribuent à une productionprimaire nette beaucoup plus impor-tante qu’en savane.

Dynamiquesd’incorporation deséléments dans les

peuplements

Au cours de la croissance desarbres, les dynamiques d’incorpora-tion dans la biomasse diffèrent forte-ment selon les éléments (figure 4) :▪ l’incorporation de phosphore (P) etde calcium (Ca) est proportionnelle àl’accumulation de biomasse dans lesplantations entre les âges de un etsept ans ; dans la plantation de septans de la chronoséquence, 47 kg/hade P et 91 kg/ha de Ca ont été accu-mulés dans la partie aérienne desarbres ;▪ le magnésium (Mg) est principale-ment incorporé au cours de la phasede croissance juvénile, 80 % des46 kg/ha accumulés dans la partieaérienne des arbres à sept ans ayantété incorporés au cours des deux pre-

mières années ; à partir de quatreans, l’incorporation de cet élémentdans les arbres est très faible ;▪ la dynamique d’incorporation d’azote(N) et de potassium (K) est intermé-diaire, 50 % de N et 65 % de K accu-mulés dans la partie aérienne desarbres en fin de rotation ayant déjà étéincorporés à l’âge de deux ans. Laminéralomasse de N dans la partieaérienne des arbres de sept ans est de234 kg/ha et celle de K de 62 kg/ha.

Ces informations concernant lesdynamiques d’incorporation d’élé-ments nutritifs dans les arbres serontutilisées pour orienter les futuresexpérimentations de fertilisation, afind’adapter les apports aux besoinscourants des peuplements.

Dans la savane, la dynamiqued’incorporation dans la partie aérienneaprès le brûlis annuel diffère aussiselon les éléments : l’incorporation deCa se poursuit jusqu’à la fin de la sai-

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Figure 2. Localisation des plantations industrielles d’eucalyptus au Congo. Le site d’étude des cyclesbiogéochimiques est indiqué ainsi que la zone où la chronoséquence de peuplements a étééchantillonnée.Location of industrial eucalyptus plantations in the Congo. The site used to study biogeochemicalcycles is shown, as well as the zone where stands were sampled to produce time series.

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FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

Tableau I. Principaux flux d’éléments nutritifs (en kg/ha/an) dans l’écosystème d’Eucalyptuset dans la savane (valeurs entre parenthèses) étudiés à Kondi.

Flux (mm) N-NH4+ N-NO3

– P-HPO42– K+ Ca2+ Mg2+ Na+ S-SO4

2–

Apports atmosphériques (1) 1 493 3,3 6,8 0,7 6,5 8,2 3,3 17,5 5,7(2,1) (2,8) (0,3) (2,8) (3,5) (1,4) (7,5) (4,9)

Pluviolessivats 1 402 1,6 1,7 1,0 5,8 9,5 3,0 15,5 5,5(1 304) (2,9) (0,7) (3,0) (13,3) (9,7) (8,9) (7,0) (4,5)

Écoulements de tronc 24 0,0 0,0 0,1 0,4 0,4 0,3 2,0 0,2

Chutes de litière (2) 52,9 3,6 3,8 21,0 18,0 11,8 5,0(4,1) (0,2) (0,4) (1,5) (1,1)

Drainage sous la litière au sol 1 426 1,8 0,9 3,7 5,9 8,0 4,7 29,8 9,3(1 304) (2,0) (1,6) (4,6) (14,6) (23,4) (8,0) (10,5) (8,8)

Drainage profondeur 4 m 423 4,0 0,1 0,16 0,8 0,8 0,3 2,2 5,4(796) (2,7) (1,2) (0,10) (0,8) (0,6) (0,3) (6,2) (6,0)

profondeur 6 m 363 3,5 0,1 0,23 1,1 0,9 0,9 2,1 5,2

(1) Les apports atmosphériques concernent les dépôts totaux (humides + secs).(2) Les concentrations dans les litières concernent les éléments totaux.

Figure 3. Dynamique de la biomasse des différents compartiments aériens au cours de la rotation d’eucalyptus (A) et entre deux brûlis annuels de la savane (B). Comparative biomass dynamics in the various aerial compartments duringeucalyptus stand rotation (A) and between two yearly savannah burn-offs (B).

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son des pluies proportionnellement àl’accumulation de biomasse totale,alors que la dynamique d’incorpora-tion de K est semblable à celle de labiomasse vivante et atteint un maxi-mum quatre mois après le brûlis(figure 5). Le comportement de N, P etMg dans la savane est intermédiaire.Environ 80 % de la minéralomassed’azote dans la savane est incorporéedans le système racinaire (100 kg/ha àla fin de la saison des pluies). L’accu-mulation dans le système racinaire estdu même ordre de grandeur que dansla partie aérienne pour P et Ca, alorsqu’elle est nettement inférieure pour Ket Mg (Laclau et al., 2002).

Flux d’éléments minérauxen solution

Les dépôts atmosphériquestotaux sont difficiles à évaluer préci-sément dans les écosystèmes fores-tiers, en raison de difficultés métho-dologiques pour quantifier les dépôtssecs (Lindberg et al., 1986). Danscette étude, les dépôts humides ontété mesurés plus précisément que lesdépôts secs, mais l’utilisation de plu-sieurs types de collecteurs de précipi-tations brutes a permis d’évaluer leurordre de grandeur.

Les dépôts atmosphériquesreprésentent un apport importantd’éléments nutritifs dans les sols for-tement altérés du Congo (tableau I).Ce flux représente 4,9 kg/ha/an de N(N-NH4

+ + N-NO3–), 0,3 kg/ha/an de P,

2,8 kg/ha/an de K, 3,5 kg/ha/an de Caet 1,4 kg/ha/an de Mg dans la savane.Dans la plantation d’Eucalyptus, lesapports atmosphériques sont environdeux fois supérieurs, en raison dedépôts importants d’aérosols dans lacanopée. Les dépôts secs ont plu-sieurs origines dans cette zone : ▪ des aérosols marins sont respon-sables des dépôts importants de Na+

et Cl–, en raison de la proximité de lamer (10 km) ; ▪ une influence tout au long de l’an-née de sources biogènes (principale-ment le brûlis de biomasse) est révé-lée, en particulier par les fortes

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Figure 4. Dynamique d’incorporation de Mg (A), Ca (B) et N (C) dans la partie aérienne des arbres au cours de la rotation d’eucalyptus.Dynamics of Mg (A), Ca (B) and N (C) incorporation in the aerial parts of the treesduring one eucalyptus rotation.

Page 8: 2 Jean de Dieu Nzila3 Eucalyptus et fertilité Philippe

concentrations de N-NO3– , N-NH4

+,K+ et S-SO4

2– dans la pluie ; ▪ les fortes concentrations de Ca2+

dans les précipitations proviennent,dans une large mesure, du dépôt depoussières venant des déserts afri-cains (Lacaux et al., 1992).

Un prélèvement foliaire de Ndans les eaux de pluie a été observédans la plantation d’Eucalyptus etdans la savane. Ce comportement aété fréquemment décrit dans des éco-systèmes forestiers où la disponi-bilité de N est faible (notammentLindberg et al., 1986 ; Adams,Attiwill, 1991). Les phénomènes derécrétion (mise en solution d’élé-ments minéraux dans les tissusfoliaires au contact des eaux de pluie)sont très faibles dans cette planta-tion, alors qu’ils sont importants pourP, K et Mg dans la savane.

Bien que la décomposition de lalitière au sol libère des quantitésimportantes d’éléments nutritifs dansla plantation d’Eucalyptus, les flux desolutés dans les pluviolessivats évo-luent peu au cours de la traversée dela litière au sol. Un réseau dense deracines fines adhérant aux fragmentsen cours de décomposition dans lalitière au sol permet un prélèvementtrès rapide d’éléments nutritifs par lesarbres (photo 10). Un comportementanalogue a été constaté en forêtdense tropicale, où l’essentiel de labiomasse de racines fines se trouveau-dessus du sol minéral, dans unecouche de litière et d’humus. Un recy-clage direct d’éléments entre la litièreau sol et les racines a en particulierété démontré par des études isoto-pique (32P) en forêt amazonienne(Herrera et al., 1978). Ce phénomènepermet de limiter les pertes d’élé-ments nutritifs par drainage dans cesmilieux pauvres.

Les pertes de P-H2PO4–, K+, Ca2+

et Mg2+ par drainage profond ont ététrès limitées en plantation comme ensavane (moins de 1,5 kg/ha/an), ainsique les pertes de N (environ3,5 kg/ha/an). Les pertes les plusélevées par drainage ont concerné S-SO4

2– dans les deux écosystèmeset Na+ en savane (5-6 kg/ha/an).

76 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 7 ( 3 )

FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

Figure 5. Dynamique d’incorporation de Mg (A), Ca (B) et N (C) dans les parties aérienne et souterraine de la savane entre deux brûlis annuels.Dynamics of Mg (A), Ca (B) and N (C) incorporation in the aerial and subterraneanparts of the native savannah between two yearly burn-offs.

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Influence de la plantation sur

l’alimentation desnappes phréatiques

La différence d’évapotranspira-tion entre la plantation d’Eucalyptuset la savane originelle conduit à unflux d’eau drainé en profondeur deuxfois plus faible, en moyenne, dans laplantation que dans la savane aucours des trois années de suivi(figure 6). Une recharge des nappesphréatiques a néanmoins eu lieusous Eucalyptus, puisque le drainagemoyen calculé à 6 m de profondeurest de 330 mm/an. La pluviosité de lapériode d’observation a cependantété supérieure à la pluviositémoyenne à Pointe-Noire depuis50 ans et il serait intéressant desimuler les flux de drainage profondsur une longue période, afin d’éva-luer leur variabilité interannuelle. Lesétudes écophysiologiques en cours,au Congo, permettront de modéliserplus précisément la consommationhydrique de ces plantations et soninfluence sur l’alimentation desnappes phréatiques.

Par principe de précaution, nousrecommandons que la mise en placede grandes surfaces de plantationsd’Eucalyptus fasse l’objet d’un amé-nagement raisonné du territoire, afin

de préserver des surfaces impor-tantes de végétation naturelle au seindu massif d’Eucalyptus. Toutefois, lesfaibles différences de compositionchimique des solutions du sol entreles deux formations végétales suggè-rent que la plantation d’Eucalyptusn’induit pas d’altération particulièredes nappes phréatiques. Au Congo,les 42 000 ha du massif d’Eucalyptus

sont morcelés dans un périmètred’environ 200 000 ha, les forêts natu-relles et certaines zones de savaneautour des villages n’ayant pas étéplantées. Compte tenu de la pluvio-sité annuelle élevée dans cette zone,le massif d’Eucalyptus ne présentepas de risque important de dégrada-tion de la ressource hydrique autourde Pointe-Noire.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 7 ( 3 ) 77EUCALYPTUS ET SOLS / LE POINT SUR…

Figure 6. Flux hydrique (moyennes et écarts-typesau cours des trois années de suivi)calculé à partir du modèle hydrique.Water flows (averages and standarddeviations during the three study years)calculated from the water model.

Photo 3. Description pédologique lors du creusement d’une fosse pour la collecte des solutions du sol (profondeur de 6 m).Pedological description made while digging a trench to collect soil solutions (6 m in depth).Photo D. Gelhaye.

Photo 4. Creusement de fosses pour l’installation des lysimètres dans la plantation d’eucalyptus.Digging trenches to install lysimetres in the eucalyptus plantation.Photo J.-P. Laclau.

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Transferts internes dans les arbres

Les transferts internes d’élé-ments dans les arbres sont très limi-tés la première année de croissance(en raison des faibles chutes delitière), puis relativement stablespour chaque élément à partir de ladeuxième année (figure 7). Ils ont res-pectivement représenté environ 40,5, 25, – 5 et 2 kg/ha/an de N, P, K, Caet Mg à partir de la deuxième annéede croissance.

L’essentiel des remobilisationsde N, P et K dans les arbres a lieu aucours de la sénescence des feuillestout au long de la rotation. Une accu-mulation de Ca dans les tissus âgés a,en revanche, été observée. Ce phéno-mène peut être à l’origine de l’incor-poration régulière de cet élémentdans la biomasse des arbres, tout aulong de la rotation (figure 4).

Les transferts internes totauxdans les différents compartiments desarbres ne représentent que 4-8 % desbesoins en N, P et K au cours de la pre-mière année de croissance, alors qu’ilscouvrent environ 30-50 % de cesbesoins entre la deuxième année decroissance et la fin de la rotation. PourMg, ils ne représentent, par contre,qu’une faible part des besoins annuels(< 20 %) tout au long de la rotation.Pour Ca, les transferts internes néga-tifs indiquent que le prélèvement ausol de cet élément doit être supérieurà la quantité accumulée dans les tis-sus produits au cours de l’année.

Flux d’éléments dans les chutes de l it ière

Les chutes de litière représententenviron 6 t/ha/an de matière sèchedans les plantations entre les âges de2 et 7 ans, soit presque dix fois plusque dans la savane, où elles ne sontque d’environ 0,7 t/ha chaque année.Ce phénomène est très limité ensavane, en raison du brûlis annuel quiélimine l’essentiel de la nécromasse.

Les chutes de litière renfermentdes quantités importantes d’élémentsnutritifs dans la plantation d’Eucalyp-tus et représentent un flux majeurd’éléments dans cet écosystème.Environ 50 kg/ha de N, 4 kg/ha de Pet K ainsi que 20 kg/ha de Ca et Mgretournent au sol chaque année avecles chutes de litière. Des valeurs dumême ordre ont été mesurées dansd’autres plantations d’Eucalyptus auCongo (Bernhard-Reversat et al.,2001).

Bilans entrées-sorties

Bien que le fonctionnementminéral de la plantation d’Eucalyptussoit différent de celui de la savane(transferts internes, chutes de litière,récrétion, dépôts secs, volatilisationlors du brûlis…), les écarts des bilansentrées-sorties de P, K, Ca et Mg sontfaibles entre les deux écosystèmes(tableau II). L’influence de la planta-tion sur les stocks de P, K, Ca et Mgbiodisponibles dans les sols a doncété modérée au cours de la premièrerotation.

Le bilan azoté est pluscontrasté. Des études isotopiquesont montré que la savane couvrecette zone depuis environ 3 000 ans(Trouvé, 1992). Les bilans entrées-sorties devraient donc être globale-ment équilibrés pour expliquer lemaintien de cette savane malgré lesfaibles stocks d’éléments nutritifsdans les sols. L’espèce légumineusenodulée (Eriosema erici-rosenii R.E.Fries), présente dans toutes lessavanes côtières du Congo, pourraitavoir un rôle important dans l’équi-libre du cycle de N. En effet, uneentrée de N par fixation biologiqued’environ 20 kg/ha/an est nécessairepour équilibrer le bilan de N dans lesol. La fixation non symbiotique de Nsemble négligeable dans la savanecongolaise étudiée ici (Le Mer,Roger, 2001), mais la forte biomassede l’espèce légumineuse (800 à1 000 kg/ha en fin de saison despluies) pourrait expliquer une entrée

Photo 6. Gouttières en Pvc installées sous la canopée pour la collecte des pluviolessivats.PVC guttering installed under the canopy to collect rain-leached material.Photo J.-P. Laclau.

Photo 5. Gouttière en Pvc et capteur pyramidal en plexiglaspour la collecte des apports atmosphériques.PVC guttering and cone-shaped plexiglascollector to measure atmospheric deposition.Photo J.-P. Laclau.

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FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

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de N dans l’écosystème suffisantepour compenser les pertes. Les bilansdes autres éléments sont pratique-ment équilibrés si on tient comptedes incertitudes de déterminationdes flux.

Dans l’écosystème d’Eucalyp-tus, le bilan de N est nettement défici-taire (environ – 165 kg/ha au cours dela rotation de futaie), alors que lesbilans sont pratiquement équilibréspour P, K, Ca et Mg. Les essais de fer-tilisation montrent de façon cohé-rente une faible réponse des arbres àl’apport de P, K, Ca ou Mg en fertilisa-tion, alors que les fertilisations azo-tées doivent augmenter au cours desrotations successives pour maintenirla production (Bouillet et al., 2001).

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Figure 8. Évolutions des cycles biogéochimiques après boisement de l’écosystème de savane par des plantations d’eucalyptus, auCongo. Une flèche ascendante représente un flux d’éléments qui croît après le boisement, une flèche descendante un fluxdécroissant et une flèche horizontale un flux stable ; une croix un flux qui devient nul après la plantation.Change in biogeochemical cycles after afforestation of the savannah ecosystem with eucalyptus, in the Congo. Upward arrowsshow increased flows after afforestation, downward arrows show decreased flows and horizontal arrows show stable flows;crosses show where flows ceased after afforestation.

Figure 7. Dynamique des transferts internes d’éléments minéraux dans les arbres au cours de la rotation d’eucalyptus.Dynamics of internal translocation of minerals in trees during one eucalyptusrotation.

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La destruction d’Eriosema erici-rose-nii dans les plantations d’Eucalyptuslors des entretiens réduit l’entrée deN dans cet écosystème, ce qui risquede limiter la nutrition azotée desarbres à moyen terme. En effet, cedéficit du bilan entrées-sorties de Nest élevé par rapport au stock d’envi-ron 2 t/ha de N présent dans l’horizonA1 (0-50 cm), où l’essentiel de laminéralisation a lieu. De plus, environ30 % de la matière organique danscet horizon provient d’une forêt natu-relle préexistante qui a été remplacéepar la savane il y a environ 3 000 ans(Trouvé, 1992). Cette matière orga-nique de forêt a été datée au 14C à– 8 000 ans, ce qui indique une très

forte résistance à la dégradation. Laminéralisation de cette matière orga-nique étant extrêmement lente, ellen’intervient pratiquement pas dans lanutrition azotée des Eucalyptus.

Les pertes par drainage ont étéestimées sommairement pendant laphase de croissance juvénile desEucalyptus. Néanmoins, les valeursprises en compte aboutissent à uneperte moyenne par drainage profond,au cours de la rotation, de11,9 kg/ha/an (tableau II), cohérenteavec les informations disponiblesdans la littérature. De plus, uneimprécision dans l’estimation de ceflux n’est pas susceptible de modifierles conclusions concernant l’in-

fluence de la plantation sur la fertilitéminérale des sols. Les pertes par drai-nage profond après l’exploitationn’ont pas été prises en compte dansles bilans établis ici au cours de lapremière rotation. Or il s’agit d’unepériode critique pour le maintien desstocks d’éléments nutritifs dans lessols (Dyck et al., 1994) et les pertespar drainage au cours des premiersmois après l’exploitation devront êtreestimées précisément pour établirdes bilans entrées-sorties plus préciscouvrant plusieurs rotations.

Les deux formations végétalesétudiées ont été plantées récem-ment : la savane avec le même cloned’Eucalyptus, la futaie a été exploitée

Entrées

Dépôts atmosphériques

Fertilisation

Altération des minérauxFixation symbiotique

Total

10,1(4,9)

5,1(0)

-(21)(2)

15,2(25,9)

0,7(0,3)

2,2(0)

-

2,9(0,3)

6,5(2,8)

6,9(0)

ε

13,4(2,8)

8,2(3,5)

0(0)

ε

8,2(3,5)

3,3(1,4)

0(0)

ε

3,3(1,4)

Sorties

Drainage profond

Ruissellement

Exploitation(1)

Brûlis annuel

Total

11,9(3,9)

0,0(0,0)

27 (22)

38,9(25,9)

0,55(0,10)

0,07(0,02)

4,1 (2,0)

4,7(2,1)

2,2(0,8)

0,2(0,1)

9,9 (2,4)

12,3(3,3)

1,9(0,6)

0,4(0,2)

5,0(3,0)

7,3(3,8)

1,8(0,3)

0,1(0,0)

3,2(2,7)

5,1(3,0)

Bilan– 23,7(0 ?)

– 1,8(– 1,8)

1,1 (– 0,5)

0,9(– 0,3)

– 1,8 (– 1,6)

N P K Ca Mg

Tableau II. Bilans entrées-sorties annuels moyens (en kg/ha/an) pour la premièrerotation d’Eucalyptus et pour la savane (valeurs entre parenthèses).

(1) Les peuplements d’Eucalyptus sont exploités tous les sept ans au Congo. Le bois de pâte est écorcé dans les parcelles et le bois de feu (diamètre > 2 cm) commercialisé.

(2) Calculé pour équilibrer le bilan de N en savane.

80 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 7 ( 3 )

FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

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et replantée avec un clone plus pro-ductif. L’étude des cycles biogéochi-miques dans les deux peuplementsest en cours. Elle permettra une quan-tification précise des pertes par drai-nage pendant la phase de croissancejuvénile des plantations, en compa-rant le boisement en savane avec lareplantation après une rotationd’Eucalyptus. Des bilans entrées-sor-ties fiables pourront ainsi être calcu-lés en intégrant l’ensemble de la rota-tion de futaie et l’influence del’exploitation.

Des expérimentations d’intro-duction d’un sous-étage de légumi-neuses fixatrices d’azote dans lesplantations d’Eucalyptus sont encours. Cette technique semble pro-metteuse pour réduire le déficit dubilan entrées-sorties d’azote dansces sols et donc le coût des apportsd’engrais nécessaires pour maintenirla production. La sylviculture de cesplantations mélangées devra êtreoptimisée afin de limiter la compéti-tion interspécifique pour l’accès auxautres éléments nutritifs et à l’eau.

Modifications des cycles

biogéochimiquesinduites par la plantationLa quantification des principaux

flux révèle que les grands principesde circulation des éléments nutritifsdans l’écosystème originel de savanesont maintenus après le boisementen Eucalyptus. En effet, les cycles bio-géochimiques des éléments nutritifsdans ces plantations restent trèsconservatoires des stocks biodispo-nibles dans les sols, avec :▪ un prélèvement très rapide dans leshorizons superficiels, conduisant àdes pertes par drainage extrêmementlimitées ;▪ un recyclage intense des élémentsnutritifs par les cycles biologique etbiochimique ;▪ une incorporation limitée dans labiomasse par rapport aux besoinsannuels.

L’incorporation minérale en plan-tation est nettement supérieure à cellemesurée en savane, car la productionprimaire nette est plus élevée.Toutefois, l’efficience d’utilisation de K,Ca et Mg pour la production de bois estremarquablement élevée chez le cloneétudié (1 000 à 2 000 kg de matièresèche produite par kilogramme d’élé-ment incorporé dans les arbres) parrapport aux valeurs indiquées dans lalittérature pour d’autres plantationsd’Eucalyptus (Laclau et al., 2000).

Dans le détail, les mécanismesmis en œuvre varient néanmoins for-tement entre les deux écosystèmes.Le cycle de N est, en particulier, plusouvert sur l’extérieur en savane, avecdes pertes importantes lors du brûlis,probablement compensées par lafixation symbiotique d’une légumi-neuse (figure 8). Les principales évo-lutions après le boisement provien-nent des pratiques sylvicoles quidétruisent l’espèce légumineuse desavane, lors des entretiens herbi-cides, et évitent les feux. Le mode decroissance des plantations d’Euca-lyptus génère en outre des modifica-tions fortes de certains flux. Desretours au sol importants d’élémentsnutritifs avec les chutes de litièreapparaissent en particulier après leboisement, et un apport non négli-geable d’éléments nutritifs estobservé dans cet écosystème, grâce àun « effet filtre » du feuillage desarbres sur les aérosols.

Bien que les Eucalyptus soientexotiques au Congo, ils se révèlenttrès efficients pour produire de fortesbiomasses, en valorisant les res-sources minérales disponibles enfaibles quantités dans les sols. Ladécomposition rapide des litièresindique une bonne adaptation de lafaune du sol et des micro-organismesau changement brutal de matérielvégétal. La minéralisation de la litièreau sol d’Eucalyptus a un rôle crucialdans la satisfaction des besoins nutri-tifs des arbres en fin de rotation.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 3 , N ° 2 7 7 ( 3 ) 81EUCALYPTUS ET SOLS / LE POINT SUR…

Photo 7. Collier de collecte des écoulementsle long du tronc.Ring used to collect fluids runningdown tree trunks.Photo J.-P. Laclau.

Photo 8. Dispositif lysimétrique installé dans le sol de savane.Lysimetric apparatus installed in savannah soil.Photo J.-P. Laclau.

Page 14: 2 Jean de Dieu Nzila3 Eucalyptus et fertilité Philippe

Conclusion

Des informations importantesont été obtenues pour améliorer lagestion du massif d’Eucalyptus dePointe-Noire, tant pour la sylviculturede chaque parcelle que pour l’aména-gement global du massif. Des modifi-cations des pratiques sylvicolesseront nécessaires, afin de maintenirla capacité des sols de la région dePointe-Noire à assurer durablementune production soutenue de boisd’Eucalyptus.

À l’échelle de la parcelle

Les bilans d’éléments nutritifspendant la première rotation sont rela-tivement équilibrés pour P, K, Ca et Mg,à la fois dans la plantation et dans lasavane. Par contre, un déficit impor-tant du bilan entrées-sorties de N a étémis en évidence dans l’écosystèmed’Eucalyptus. Cette étude fournit enparticulier les indications suivantes : ▪ La fertilisation en azote de ces plan-tations est indispensable. Comptetenu des très faibles stocks de N dansles sols, le maintien de fortes produc-tions de bois d’Eucalyptus nécessiterad’équilibrer les bilans entrées-sortiesde cet élément au cours des rotations

successives. Le déficit d’environ 160kg/ha de N au cours de la premièrerotation d’Eucalyptus devra donc êtrecompensé par des fertilisations. ▪ Les pertes d’éléments nutritifs parlessivage sont très faibles au sein desplantations d’Eucalyptus et de lasavane, en raison notamment d’unprélèvement rapide par les racinesdans les eaux gravitaires. Les risquesd’altération de la qualité des eauxdes nappes phréatiques sont donctrès limités, à condition que lesapports d’engrais soient dosés enfonction des besoins des arbres.▪ La sylviculture doit limiter au maxi-mum les exportations d’élémentsnutritifs hors de cet écosystème. Lesbilans entrées-sorties d’élémentsnutritifs montrent, en particulier, l’im-portance de l’écorçage des troncs enparcelle et d’un délai réduit entrel’exploitation des peuplements et lareplantation suivante, pour maintenirla fertilité des sols.▪ Des plantations mixtes d’Eucalyptuset d’espèces légumineuses pour-raient être une voie prometteusepour limiter les apports de N minéral,qui constituent un des coûts majeursde gestion des peuplements.

À l’échelle du massif

Les diverses expérimentationsont montré que la plantationd’Eucalyptus diminue la recharge desnappes phréatiques par rapport à lavégétation initiale de savane. Enrevanche, le boisement n’a pas modi-fié sensiblement la composition chi-mique des eaux de surface. Ce typede plantation doit donc être réalisédans le cadre d’un aménagement duterritoire évitant la plantation deblocs monospécifiques d’Eucalyptusde plusieurs milliers d’hectares. Lesplantations mises en place au Congoont maintenu de grandes surfaces devégétation naturelle (savanes etforêts-galeries) au sein du massifd’Eucalyptus. Compte tenu de la plu-viosité annuelle importante (autourde 1 200 mm), ces plantations neconstituent pas un risque majeur dedégradation de la ressource hydrique.

Les bilans entrées-sorties mon-trent clairement que les plantationsd’Eucalyptus bénéficient d’une ferti-lité du sol en azote héritée de l’éco-système originel de savane. Cettetendance pourrait être générale pourla plupart des plantations tropicalesgérées en courtes rotations en l’ab-sence d’espèces fixatrices d’azote. Eneffet, les apports d’azote par lesdépôts atmosphériques et les fertili-sations sont, en général, nettementinférieurs aux quantités exportéespar la biomasse récoltée. Des étudescomplémentaires seraient intéres-santes, pour vérifier dans d’autressituations que la réponse des arbresà la fertilisation azotée est fortementdépendante du temps écoulé depuisle remplacement de l’écosystèmed’origine par des plantations ainsique des caractéristiques de lamatière organique du sol de l’écosys-tème initial.

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FOCUS / EUCALYPTUS AND SOIL

Photo 9. Dispositif de collecte des solutions du sol prélevées par des bougies poreuses dans les horizonssuperficiels du sol de la plantation d’eucalyptus.Apparatus used to collect soil solutions running into porous cups in the superficial soil horizons of the eucalyptus plantation.Photo J.-P. Laclau.

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Photo 10. Matelas dense de racines fines situées au-dessus du sol minéral, au contact des fragments de litière au sol en cours de décomposition.Dense mattress of fine roots above the mineral soil layer and in contact withfragments of decaying leaf litter on the soil.Photo J. Ranger.

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Synopsis

EUCALYPTUS AND SOILFERTILITY IN THE CONGO

Jean-Paul LACLAU, Jacques RANGER,Jean de Dieu NZILA, Jean-PierreBOUILLET, Dominique GELHAYE,Philippe DELEPORTE

Clonal eucalyptus plan-tations have been establishedsince 1978 on savannah soils alongthe coastal plains of the Congo. Theshort-rotation forestry methods usedin these plantations causes highnutrient removal in biomass every 7years, on soils with very poor chemi-cal fertility (Ferralic Arenosol).Sustainable management of theseshort-rotation forests depends onenhancing stand productivity (con-stant genetic improvement) and onmaintaining the soil’s productioncapacity over the long term (sustain-ability).

Using age series to quantify flowdynamics A age series method was used toquantify the dynamics of the mainbiological flows through the first rota-tion after afforestation: nutrient con-tent in trees, uptake from the soil,internal retranslocation, litter fall andlitter decay. Comparisons of the bio-geochemical cycles were madebetween a clonal eucalyptus standaged 6 - 9 years (stands are usuallyharvested around 7 years) and anadjacent savannah ecosystem.Atmospheric deposition, canopyexchanges and drainage through thesoil through the full rooting depth(6 m) were measured over three yearsin both ecosystems. Current nutrientbudgets were compared for the euca-lyptus stand at the end of the rotationand for the native savannah ecosys-tem. Budgets were also calculated forthe entire eucalyptus rotation, usinga hypothesis based on nutrient flowsin gravitational solutions during theearly growth of the stands.

Changes since afforestationConsiderable changes in the ecosys-tem’s mineral cycle occurred afterafforestation. The dynamics of accu-mulation in the eucalyptus standsvaried for the different elements:whereas P and Ca were incorporatedin proportion to the accumulation ofdry matter, Mg was essentially incor-porated during the early growthperiod. The curve for N and K lay inbetween. Dry deposition of Na+, Ca2+

and Cl-, as well as water and nutrientuptake, were significantly higher inthe eucalyptus stand than in thesavannah. Atmospheric depositionamounted to 4.9, 0.3, 2.8, 3.5 and1.4 kg/ha/year for N, P, K, Ca and Mgrespectively in the savannah, andwere about twice as high in the euca-lyptus stand, owing to dry depositionin the canopy. Large amounts of litterfall resulted in the accumulation of aforest floor in the eucalyptus stand.In contrast, dead material was burnedevery year during the dry season inthe savannah. High production was achieved in thisplantation of an alien species thanksto effective nutrient recycling both inthe plant (internal retranslocation)and in the soil. Despite large amountsof nutrients returning to the soil in leaflitter in the eucalyptus stand, nutrientconcentrations in the solutions werenot greatly enhanced through the for-est floor. A dense network of fineroots adhering to decaying organsallowed quick nutrient uptake andimproved mineral recovery whilereducing mineral losses from theecosystem. External inputs (atmos-pheric deposition and fertiliser) andthe mineralisation of organic matterplayed a crucial role in the supply ofnutrients to the trees in this highlyeroded soil. Weeding in the planta-tions destroyed one leguminousspecies, which was responsible for Ninput of around 20 kg/ha/year bysymbiotic fixation in the savannah.

Fertilisation needs to be adjustedFertilisation needs to be reconsideredin the light of these results.Quantification of the main nutrientflows in the eucalyptus plantationsthroughout stand rotation high-lighted the changing requirements foreach nutrient during tree growth. Thisinformation allows fertiliser inputs tobe adjusted to stand requirements.Input-output budgets during the firstrotation of eucalyptus plantationsquantify the impact of afforestationon stocks of available nutrients insavannah soils. Although these budg-ets need to be refined to take accountof drainage losses after stand har-vesting, they show that the impact ofafforestation is low on soil stocks of P,K, Ca and Mg. These budgets are con-sistent with the poor response oftrees to fertilisation with these miner-als. In contrast, the N budget deficit islarge in these plantations (-165 kg/haduring stand rotation) as comparedto N stocks in the A1 soil horizon(about 2 t ha-1). This feature is of con-cern for the sustainability of N nutri-tion in eucalyptus plantations andshows that high N inputs are neces-sary to balance the N budget. Fieldtrial results are consistent with thesebudgets and show that N fertiliserinputs have to increase over succes-sive rotations. Trials to establish anN-fixing understorey in eucalyptusstands are in progress. This tech-nique holds out promise as a way ofreducing the cost of N fertilisation inthese plantations, provided that com-petition for other nutrients and waterremains low.

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