1ntérêt de la dopplérographie pour évaluer l'efficacité de

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{ Mémoire 1ntérêt de la dopplérographie pour évaluer l'efficacité de la kinésithérapie à visée circulatoire veineuse Ann. Kinésithér., 1982, 7,265-282 Pierre HARICHAUX 1, Eric VIEL 2 On doit au physiologiste lillois Merlen et au masseur-kinésithérapeute Joseph, une série de travaux visant à valider certaines des techniques couramment utilisées au cours des traitements par le massage; une équipe constituée de manière semblable entreprend aujourd'hui la même démarche, avec le secours des techniques de mesure les plus récentes: les ultra-sons à effet Doppler et la pléthysmographie. Les progrès énormes accomplis par l'électronique au cours des vingt dernières années ont radicalement modifié le laboratoire de physiologie, en mettant à la disposition des chercheurs de plus en plus de techniques d'examen non-invasives. C'est ce qui a rendu possible le travail présenté aujourd'hui - qui doit être considéré comme un début et un compte rendu de travaux qui se poursuivront sur plusieurs années. Le but est simple: donner au kinésithérapeute davantage d'assurance en validant ses techniques afin d'en démontrer l'efficacité. POSITION DU PROBLÈME Le kinésithérapeute reçoit souvent mission d'améliorer la circulation de retour, et tout particulièrement la circulation veineuse lorsqu'un danger de phlébite est décelé. D ans son manuel classique sur la « Technique du massage », H offa (1951) conseille l'effleurage centripète des veines afin d'obtenir la déplétion de ces dernières. Il indique que« nous ne vidons pas seulement le 1. Professeur de physiologie, U.E.R. de médecine d'Amiens, et chef de service (Explorations Fonctionnelles), C.H.R.U., place Victor-Pauchet, F 80030 Amiens Cedex. 2. Directeur de l'École de Cadres de Kinésithérapie « Bois-Larris», F 60260 Lamorlaye. 265

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{

Mémoire

1ntérêt de la dopplérographiepour évaluer l'efficacitéde la kinésithérapie à viséecirculatoire veineuse

Ann. Kinésithér., 1982, 7,265-282

Pierre HARICHAUX 1, Eric VIEL 2

On doit au physiologiste lillois Merlen et au masseur-kinésithérapeuteJoseph, une série de travaux visant à valider certaines des techniquescouramment utilisées au cours des traitements par le massage; une équipeconstituée de manière semblable entreprend aujourd'hui la mêmedémarche, avec le secours des techniques de mesure les plus récentes: lesultra-sons à effet Doppler et la pléthysmographie. Les progrès énormesaccomplis par l'électronique au cours des vingt dernières années ontradicalement modifié le laboratoire de physiologie, en mettant à ladisposition des chercheurs de plus en plus de techniques d'examennon-invasives. C'est ce qui a rendu possible le travail présenté aujourd'hui- qui doit être considéré comme un début et un compte rendu de travauxqui se poursuivront sur plusieurs années.

Le but est simple: donner au kinésithérapeute davantage d'assuranceen validant ses techniques afin d'en démontrer l'efficacité.

POSITION DU PROBLÈME

Le kinésithérapeute reçoit souvent mission d'améliorer la circulationde retour, et tout particulièrement la circulation veineuse lorsqu'un dangerde phlébite est décelé.

D ans son manuel classique sur la « Technique du massage », H offa(1951) conseille l'effleurage centripète des veines afin d'obtenir ladéplétion de ces dernières. Il indique que« nous ne vidons pas seulement le

1. Professeur de physiologie, U.E.R. de médecine d'Amiens, et chef de service (Explorations Fonctionnelles),C.H.R.U., place Victor-Pauchet, F 80030 Amiens Cedex.

2. Directeur de l'École de Cadres de Kinésithérapie « Bois-Larris», F 60260 Lamorlaye.

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tronc veineux principal, nous aspirons aussi le sang contenu dans lerameau latéral, bien que nous ne touchions pas à ce rameau ». Quant à latechnique, il conseille de faire se succéder les mains l'une à l'autre, ce qui,selon lui, « constitue la plus simple des pompes aspirantes et foulantes ».

Autre auteur qui fait autorité en matière de massage, Boigey (1957)indique que les vaisseaux cutanés et sous-cutanés contiennent plus duquart du volume total du sang de l'organisme humain, et conseillel'effleurage prolongé, dans le but de stimuler la vaso-motricité. Il considèreque les ulcères de jambe sont une indication du massage, mais ne précisepas les techniques à utiliser. Assez curieusement, il conseille d'éviter lesveines superficielles de la peau et d'éviter surtout de masser le creuxpoplité, le triangle de Scarpa, la veine fémorale, l'aisselle et le pli du coude.M ais vouloir une chasse sanguine tout en se privant du massage des plusgros collecteurs ne paraît a priori pas justifié.

Les techniques utilisées en masso-kinésithérapie sont, il faut bien lereconnaître, beaucoup plus le fruit d'une tradition orale que, dans lamajorité des cas, le résultat d'une expérience, car l'efficacité n'en a pas étéréellement démontrée.

Les travaux que nous poursuivons en collaboration depuis trois ans(Harichaux et Viel, 1978, et publications ultérieures) ont cherché à fournirdes mesures objectives permettant d'apprécier les résultats positifs ounégatifs obtenus grâce au massage sur la circulation veineuse.

TECHNIQUES CLASSIQUES COURAMMENT UTILISÉESPOUR MOBILISER LE SANG VEINEUX

1. Les glissées profondes

La technique traditionnelle veut aujourd'hui que l'on pratique « despressions glissées avec les deux mains se suivant alternativement, de tellefaçon qu'une main recommence le mouvement avant que l'autre n'aitterminé le sien» (Gomolitsky).M ais ce procédé, en fait empirique, neprésume pas de l'efficacité sur la circulation de retour. Ainsi que le préciseBoigey (1957), une composante subjective paraît évidente: l'applicationdes deux mains est généralement plus agréable au massé. Elles peuventagir successivement, se suivant dans leur pression réciproque, l'unemaintenant le contact pendant que l'autre fait son échappée.

Il s'agit donc d'une manœuvre continue, les mains glissant l'unederrière l'autre. Les auteurs qui décrivent les techniques de massageprohibent d'autre part, nous l'avons vu, que l'on poursuive la manœuvre surle creux poplité et sur le triangle de Scarpa.

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2. Les contractions du triceps sural

La mise en œuvre de contractions musculaires rythmées du membreinférieur est souvent décrite comme le « troisième cœur de Starling », oucœur périphérique veineux, ceci signifiant qu'à chaque contractionmusculaire correspond une chasse centripète du sang contenu dans lesveines. C'est ainsi que, sur le sujet alité, aux fins de prévention del'installation d'une phlébite, il est courant de faire pratiquer descontractions musculaires rythmées. Celles-ci peuvent être réalisées, soitpar une contraction dynamique entraînant une flexion plantaire de lacheville, soit par une mise en tension isométrique de ces mêmes muscles,le pied s'appuyant contre une planche ou contre l'avant-bras dukinésithérapeute.

3. Déplétion de la semelle plantaire

Le massage de la plante du pied précède souvent celui du mollet. Il apour but de chasser le sang accumulé dans un réseau veineux très dense,nommé « semelle de Lejars ». La « tradition orale» de la kinésithérapieprétend que les manœuvres peuvent être non directionnelles, puisque ledrainage veineux s'effectue grâce à un réseau de veines enserrant le pied.Anatomiquement, l'Arcade Plantaire sous-cutanée (B raune 1889, cité parPoirier) est le plus gros collecteur de la région. Elle est située à la partieantérieure de la plante du pied et s'arborise par des veines interdigitales,dont le diamètre est important, et qui se jettent dans le réseau veineux dudos du pied.

La description de cette semelle veineuse est due à Bourcéret (1885),puis à B raune (1889). Lejars, en 1890, a repris la description des veinessuperficielles du pied, et son nom est resté attaché à cette structure. Danstous les cas, il s'agit d'un réseau à mailles losangiques, de 1 cm aumaximum, plus larges au talon, plus serrées au niveau distal. Le drainagelatéral, comme le drainage antérieur, rejoignent d'un côté la veine Saphène1 nterne, de l'autre la Saphène Externe. La résille veineuse de la face dorsaledu pied assure une répartition homogène sur les deux troncs veineux.

TECHNIQUES PERSONNELLES ET VÉRIFICATIONDOPPLÉROGRAPHIQUE DE LEUR EFFICACITÉ

1. Mesure dopplérographique de la circulation veineuse

L'ultrasonographie à effet Doppler (dopplérographie) n'étant pascourante en l'occurrence, surtout appliquée à "arbre veineux, nous en

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rappellerons brièvement le principe, avant de situer l'applicationpersonnelle que nous en poursuivons, en l'espèce, depuis 1978 (Harichauxet coll., 1978 et publications ultérieures).

L'effet Doppler-Fizeau

C'est le phénomène selon lequel la fréquence d'un mouvementvibratoire paraît différente à un observateur immobile, suivant la positionde l'émetteur de vibrations par rapport à l'observateur. La fréquence paraîtaugmentée à l'observateur, si la source se rapproche de lui, et diminuée sielle s'en éloigne. Ceci s'observe couramment lors du passage d'un train oud'un avion à réaction: le son devient de plus en plus aigu lorsquel'émetteur se rapproche et de plus en plus grave lorsqu'il s'éloigne.

Ce phénomène est appelé effet Doppler-Fizeau, du nom des deuxauteurs qui l'ont étudié: Ch. Doppler (1803-1853). physicien etmathématicien autrichien, et H. Fizeau (1819-1896), physicien français.

L'effet Doppler-Fizeau s'observe quel que soit le type de mouvementvibratoire en cause, sonore ou lumineux (dans le second cas, denombreuses applications sont connues en astronomie).

Principe du sonar à effet Doppler

Les différentes techniques ultrasonographiques basées sur l'effetDoppler utilisent l'enregistrement d'un signal réfléchi, ultra-sonore, dont lafréquence varie en fonction des déplacements des éléments sur lesquels ilse réfléchit Un système amplificateur peut rendre le battement du signalaudible pour contrôle simultané par haut-parleur. L'onde ultra-sonoredépasse la limite supérieure des sons audibles pour l'homme, soit20000 Hz. Comme il s'agit d'ultra-sons, l'appareil est par définition unsonar r ).

Principe de la dopplérographie vasculaire

Dans le prolongement de travaux théoriques antérieurs, relativementinapplicables en clinique (notamment par emploi de trop grandespuissances ultra-sonores, provoquant une hémolyse). on doit surtout àRushmer (1966) la démonstration que le flux sanguin peut être détecté parvoie transcutanée au moyen de l'effet Doppler. Mac Leod aux U.S.A., etPourcelot en France (depuis 1966) modifient l'appareil. qui devientdirectionnel. Il est actuellement commercialisé par de nombreuses firmes.

La sonde de l'appareil émet un faisceau d'ultra-sons, par untransducteur piézo-électrique auquel on applique une différence depotentiel. Dans la même sonde, un second cristal piézo-électrique recueille

1) Le radar étant un dispositif utilisant des longueurs d'onde radio, pour la mesure de la distance d'un objetlointain, pas nécessairement avec déplacement, ni mise en œuvre de l'effet Doppler-Fizeau. Il est à noter que leterme sonar a été d'autre part souvent dévié de son sens propre et utilisé même quelquefois comme nom demarque ou de genre, sans référence aux ultra-sons (cf. certains objectifs d'appareils de photo).

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le faisceau réfléchi. En utilisation courante pour diagnostic, les fréquencesultra-sonores sont comprises entre 2 et 8 MHz.

La sonde est posée sur la peau, par l'intermédiaire d'un gelconducteur, pour ne pas perdre trop d'ultra-sons par diffraction, dans l'airou dans les téguments.

La partie du faisceau d'ultra-sons qui n'est pas dissipée se dirige versle contenu mobile des vaisseaux sanguins, en l'occurrence les élémentsfigurés présents dans l'artère ou dans la veine. Ces éléments,essentiellement représentés par les érythrocytes, réfléchissent le faisceau,et représentent donc une source ultra-sonore secondaire en mouvementLa réflexion des ultra-sons se fait vers le récepteur, situé à côté del'émetteur dans la sonde, proportionnellement à la vitesse des élémentsmobiles et à l'angle d'incidence du faisceau d'ultra-sons sur le vaisseau.Pour les émissions utilisées, de l'ordre de 2 MHz et 8 MHz, la différencedes fréquences (ou battement) entre le faisceau émis et le faisceau réfléchivarie de 0 à 5000 Hz, pour des vitesses circulatoires habituelles.

La technique habituelle est de faire passer le signal par un filtrepasse-bas (100 Hz) pour supprimer les basses fréquences pouvant êtreinduites par les mouvements des parois du vaisseau. Un filtre passe-haut(15 KHz) est employé pour supprimer les hautes fréquences qui apportentun important facteur de bruit

Le battement correspond à la formule:. 2 V cos

FI - Fr = FI --- ec

où: Fi: fréquence de l'onde incidente,Fr: fréquence de l'onde réfléchie,V: vitesse du mobile,C: vitesse de propagation du son dans le milieu,e : angle entre la propagation des ultra-sons et l'axe de la direction du mobile

qui les réfléchit (c'est-à-dire ici, l'axe du vaisseau sanguin).

Le battement, appelé « signal Doppler », est situé complètement dansle spectre audible du haut-parleur, mais il est d'une fréquencegénéralement beaucoup trop élevée pour les inscripteurs classiques àplume. C'est pourquoi une unité supplémentaire de modulation estindispensable entre le retour de ronde réfléchie et le scripteur (souvent unéléectro-cardiographe courant, mais ce n'est pas la meilleure solution).

La variation de cosinus e (selon les sujets et les opérateurs,principalement en fonction de la direction du vaisseau par rapport à lapeau) et la non-connaissance de la section du vaisseau étudié limitentl'aspect quantitatif de la méthode, sauf si on recourt à la technique dite du« Doppler pulsé» (ou, selon une autre méthodologie actuellement à l'étude,à la technique du « Doppler bi-directionnel »). C'est abusivement quecertains fabricants baptisent « débit-mètres» les appareils directionnels. Ils'agit en réalité de « vélocimètres », ou mesureurs de vitesse, et, plusexactement encore, de mesureurs de variations de vitesse.

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le faisceau réfléchi. En utilisation courante pour diagnostic, les fréquencesultra-sonores sont comprises entre 2 et 8 MHz.

La sonde est posée sur la peau, par l'intermédiaire d'un gelconducteur, pour ne pas perdre trop d'ultra-sons par diffraction, dans l'airou dans les téguments.

La partie du faisceau d'ultra-sons qui n'est pas dissipée se dirige versle contenu mobile des vaisseaux sanguins, en l'occurrence les élémentsfigurés présents dans l'artère ou dans la veine. Ces éléments,essentiellement représentés par les érythrocytes, réfléchissent le faisceau,et représentent donc une source ultra-sonore secondaire en mouvementLa réflexion des ultra-sons se fait vers le récepteur, situé à côté del'émetteur dans la sonde, proportionnellement à la vitesse des élémentsmobiles et à l'angle d'incidence du faisceau d'ultra-sons sur le vaisseau.Pour les émissions utilisées, de l'ordre de 2 MHz et 8 MHz, la différencedes fréquences (ou battement) entre le faisceau émis et le faisceau réfléchivarie de a à 5 000 Hz, pour des vitesses circulatoires habituelles.

La technique habituelle est de faire passer le signal par un filtrepasse-bas (100 Hz) pour supprimer les basses fréquences pouvant êtreinduites par les mouvements des parois du vaisseau. Un filtre passe-haut(15 KHz) est employé pour supprimer les hautes fréquences qui apportentun important facteur de bruit

Le battement correspond à fa formule:. 2 V cos

FI - Fr = FI --- ec

où: Fi: fréquence de l'onde incidente,Fr: fréquence de l'onde réfléchie,V: vitesse du mobile,C: vitesse de propagation du son dans le milieu,e : angle entre la propagation des ultra-sons et l'axe de la direction du mobile

qui les réfléchit (c'est-à-dire ici, l'axe du vaisseau sanguin).

Le battement, appelé « signal Doppler », est situé complètement dansle spectre audible du haut-parleur, mais il est d'une fréquencegénéralement beaucoup trop élevée pour les inscripteurs classiques àplume. C'est pourquoi une unité supplémentaire de modulation estindispensable entre le retour de l'onde réfléchie et le scripteur (souvent unéléectro-cardiographe courant, mais ce n'est pas la meilleure solution).

La variation de cosinus e (selon les sujets et les opérateurs,principalement en fonction de la direction du vaisseau par rapport à lapeau) et la non-connaissance de la section du vaisseau étudié limitentl'aspect quantitatif de la méthode, sauf si on recourt à la technique dite du« Doppler pulsé» (ou, selon une autre méthodologie actuellement à l'étude,à la technique du « Doppler bi-directionnel »). C'est abusivement quecertains fabricants baptisent « débit-mètres» les appareils directionnels. Ils'agit en réalité de « vélocimètres », ou mesureurs de vitesse, et, plusexactement encore, de mesureurs de variations de vitesse.

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Avantages et inconvénients de la méthode

Avantages: La dopplérographie permet d'avoir accès à la vitessecirculatoire instantanée et d'étudier ses variations. La méthode esttranscutanée, indolore, et par ailleurs anodine. Les sujets n'ont pasd'appréhension, et par conséquent leur système cardia-vasculaire etrespiratoire fonctionne le plus physiologiquement possible. Cela permet derépéter les mesures autant de fois qu'il est nécessaire.

L'appareil est directionnel; il reconnaît le sens du flux par des ondesnégatives et par des ondes positives, par rapport à une ligne de base quin'est pas, rappelons-le, une vitesse nulle IV = 0) mais une variation nullede vitesse (lN = 0).

Inconvénients: La sonde doit rester parfaitement immobile par rapportau vaisseau, sinon le signal émis est perturbé et devient ininterprétable.Cela oblige en plus à chercher de nouveau le vaisseau et à attendre que lesignal redevienne optimum.

Cette recherche du signal optimum, nécessaire en dopplérographieartérielle, exige qu'on passe le temps nécessaire à cet examen. C'est, afortiori, encore beaucoup plus vrai en dopplérographie veineuse, où lesignal est « fragile» et doit être recherché avec beaucoup de soin. Laméthode demande donc un opérateur qualifié et compétent De plus, pourcomparer les examens successifs, il faut que ce soit toujours le même.

Comme nous l'avons signalé plus haut, la méthode donne desvariations de vitesse, et en aucun cas des variations de débit, car noussommes dans l'ignorance du calibre du vaisseau étudié. Ceci estextrêmement important: tout au long de cette étude, nous ne pourronsparler que de différence de vitesse du sang que nous pourrons évaluer surl'enregistrement Dans nos conditions expérimentales, nous pourronsadmettre que le diamètre veineux reste sans grand changement, mais fautede pouvoir le vérifier, nous ne parlerons pas de débit veineux.

Caractéristiques, techniques de notre appareil

Pour ce travail, nous avons utilisé un vélocimètre directionnel avecdémodulateur (constructeur Delalande Electronique). La fréquenced'émission des ultra-sons, de 4 MHz, permet une pénétration assezprofonde, une bonne définition des vitesses, et une variabilité de fréquencedu faisceau réfléchi entre 0 et 5 000 Hz, en fonction de la vitessecirculatoire, tout en restant inoffensive pour les tissus. L'appareil est pourvud'un amplificateur de son avec haut-parleur. La sonde transcutanée, ditesonde-crayon, pour rappeler sa forme, a une longueur de 120 mm et undiamètre de 10 mm.

Pour réduire la diffraction des ultra-sons entre la sonde et la peau, oninterpose entre les deux du gel conducteur « Aquasonic», préconisé par leco nstructe ur.

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L'enregistreur potentiométrique utilisé est à 4 pistes et à entréecontinue, avec repérage du niveau zéro de référence. Nous avonsgénéralement travaillé à la vitesse de déroulement (en x) de 5 mm! sec 1 , età !J.V (en y) généralement de 10 (plus rarement 4) cm/sec. 1 par cmd'ordonnées.

Caractéristiques opératoires générales

Le repérage du vaisseau implique une bonne connaissance des repèresanatomiques. L'audition du signal Doppler est généralement facile àobtenir, mais nous devons obtenir le signal Doppler maximum, et éliminerun certain nombre de parasites.

L'orientation, et surtout l'inclinaison, devraient être les mêmes pourl'exploration des mêmes axes vasculaires. Pour l'exploration des artères,l'inclinaison de la sonde varie de 35° à 45°; pour les veines, l'angle de lasonde est plus variable par rapport au vaisseau.

Il ne faut exercer aucune pression avec la sonde sur le vaisseauexploré, sous peine de modifier l'hémodynamique circulatoire. Pendanttoute la durée de l'enregistrement, il est indispensable de bien immobiliserla sonde avec la main, mais évidemment sans contention ni contrainte. Onpourrait à première vue penser que l'emploi d'une sonde plate, collable surla peau, serait préférable en l'occurrence. M ais nous avons pu vérifier, àl'expérience, que la peau peut se déplacer par rapport à la tête de mesure,et surtout que l'angle formé par la sonde et la peau est fixe, non modifiable,et ne permet donc pas de capter le signal optimum.

Protocole expérimental personnel

La plupart du temps, l'exploration Doppler est employée à l'étudevélocimétrique des veines profondes pour la mise en évidence des troublesveineux tels que thromboses, insuffisances veineuses profondes lors desmaladies post-phlébitiques, et insuffisances veineuses superficielles. Notretravail ici s'applique à l'étude vélocimétrique du réseau veineux superficielet profond sain, mais cette étude du réseau veineux est plus complexe quecelle du réseau artériel, pour de multiples raisons.

Tous les sujets étudiés ont un réseau veineux sain. Néanmoinscertaines femmes, en particulier, sont très sensibles aux conditionsextérieures, notamment au froid et à la fatigue. Les courbesd'enregistrement sont alors de mauvaise qualité ou bien inexploitables : lacourbe est plate, traduisant une variation de vitesse nulle, due à l'ischémiedes veines collabées. Le repos est donc nécessaire avant et entre chaqueexploration.

La veine fémorale droite commune est repérée sur le sujet endécubitus dorsal. La veine poplitée est repérée sur le sujet en décubitusventral.

Pour obtenir l'aspect normal de la courbe de vitesse veineuse, il fautorienter la sonde à l'encontre du trajet des hématies, celles-ci remontant

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vers la pompe cardiaque. Donc l'opérateur doit orienter la sonde vers lespieds pour l'étude des veines du membre inférieur, et procéderméthodiquement: recherche de l'artère fémorale droite cliniquement, etvérification par le Doppler en orientant la sonde vers le cœur, ensuiteapplication de la sonde 2 centimètres à l'intérieur de l'artère fémorale sur laveine; si l'écoute et le tracé sont satisfaisants, on effectue une rotationamenant la sonde dans le sens inverse, et l'on constate alors lasuperposition de restes de signaux artériels inversés.

Afin de simplifier les enregistrements, il existe sur les appareilsvélocimètre Doppler un bouton inverseur, qui permet d'avoir la courbe dansle sens désiré, quelle que soit l'orientation de la sonde. Il nous semblecependant que les tracés ainsi obtenus ne sont pas tout à fait comparablesà ceux décrits plus haut

Le plus souvent, les flux veineux sont modulés par la respiration avec,à l'écoute, le bruit bien caractéristique. Parfois, la courbe d'enregistrementn'est pas bien modulée par la respiration, du fait de la difficulté depercevoir les veines chez certains sujets. U ne manœuvre simple permet,dans ce cas, de déterminer la bonne position de la sonde sur l'axe veineux.U ne pression énergique de la cuisse pour l'exploration de la veine fémorale,ou du mollet pour la veine poplitée, provoque une chasse veineuse; celle-cise traduit à l'écoute par un bruit de rafale de tempête et sur le papierd'enregistrement par un pic à l'augmentation de la vitesse vèineuse.

2. Manœuvres personnelles de massage

Déplétion des veines de la jambe et de la cuisse

Nous avons tout d'abord procédé au massage par pressions glisséesprofondes, de manière continue, comme l'indiquent les manuels demassage. Nous avons ensuite ralenti le rythme, et procédé à des glisséesdiscontinues (une main après l'autre), en ménageant un intervalle de reposde plus en plus long entre les glissées. Ces manœuvres ont été effectuées àdeux secondes d'intervalle. Nous avons terminé par des pressionscirculaires, isolées l'une de l'autre par un repos de 10 secondes.

Les mains ont suivi le trajet des troncs veineux principaux, la pressions'effectuant même sur les gros collecteurs veineux. Dans le cas où la sondede dopplérographie était appliquée sur la veine fémorale, le masseur aeffectué une pression appuyée sur le creux poplité, et il est remonté trèshaut sur la face interne de la cuisse, en terminant sa manœuvre par unepression importante dans le triangle de Scarpa.

Mobilisations passives et actives de la cheville

En ce qui concerne le travail de la cheville, visant à chasser le sangveineux au moyen d'un accroissement de la tension intra-musculaire dans

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le mollet, nous avons procédé d'abord à des flexions plantaires actives, puisà des flexions dorsales actives, et enfin à des flexions dorsales passives.

Déplétion de la semelle veineuse plantaire

Dans le but de vider la semelle veineuse plantaire, nous avons toutd'abord essayé les manœuvres multi-directionnelles non orientées qui sonthabituellement préconisées, pour procéder ensuite à des glisséesprofondes sur la plante du pied, dirigées du talon vers les têtesmétatarsiennes.

3. Population étudiée

Le présent travail est une partie d'un ensemble, qui en comprendnotamment deux autres. L'étude dopplérographique des conséquences dela contraction musculaire sur le retour veineux, et celle des répercussions,sur le retour veineux des membres inférieurs, des modificationsventilatoires induites par l'exercice musculaire (2).

Nous avons d'autre part rappelé en introduction que certaines donnéescomparatives de base chez le sujet sain étaient peu, pour ne pas dire pasdu tout, établies avec certitude.

C'était donc sur les sujets sains qu'il nous fallait travailler, et encore, àcondition qu'ils soient parfaitement aptes à comprendre et à exécutercertaines manœuvres de mobilisation ou de ventilation, difficilementréalisables par une population standard « tout venant ».

L'échantillonnage étudié dans le présent travail comprend 54 sujets,29 hommes et 25 femmes, tous sains, sportifs plus ou moins entraînés,d'un âge compris entre 19 et 40 ans, et correspondant à deux originesdifférentes:

- stagiaires moniteurs de kinésithérapie,

- moniteurs (professionnels ou amateurs) de disciplines sportives diverses.Aucun d'entre eux ne correspond au profil du « sportif de haut niveau »,

mais tous sont sains, ne présentent en'particulier aucun trouble vasculaire,ont une activité physique d'un bon niveau moyen, et possèdent d'autre partles qualités intellectuelles et de motivation nécessaires.

L'échantillonnage étudié comprend un peu plus d'hommes (29) que defemmes (25). mais, pour des raisons de méthodologie, l'expérience nous amontré qu'il était préférable d'opérer sur des sujets de sexe féminin)généralement plus glabres et moins musclés que les sujets masculins, cequi facilite la perception et l'enregistrement du signal. Dans le même ordred'idées, les enregistrements réalisés sur sujets minces, ou tout au moinslongilignes, s'avèrent plus facilement interprétables.

2) Pour ces travaux, l'un de nous IP.H.) a été honoré en 1979 du Prix annuel de l'Académie Nationale deMédecine. décerné au titre de la Médecine du Sport

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RÉSULTATS

1. Manœuvres de massage à visée circulatoire de la jambe et de la cuisse

Segment jambier seul

La manœuvre a tout d'abord été exécutée de la manière classique,

c'est-à7:dire avec le plus possible de continuité dans le geste du masseur.Sur le tracé dopplérographique de la veine poplitée, l'accélération du sangveineux, minime au début, est rapidement nulle (fig. 1), ce que nousattribuons au fait que la veine est collabée par le premier passage de lamain, et reste collabée.

FIG. 1. - Dopplérogramme de la déplétion d'une veine telle qu'elle peut s'observer au cours d'unmassage en continu: le premier passage de la main chasse la plus grande partie du sang (noterl'importance du premier pic); les manœuvres suivantes ont perdu de leur efficacité parce que lasuccession des massages ne laisse pas à la veine le temps de se remplir.

En haut: vitesse sanguine instantanée (cm. sec. 1)

En bas: vitesse moyenne intégrée.

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Page 12: 1ntérêt de la dopplérographie pour évaluer l'efficacité de

A l'inverse, nous avonsconstamment vérifié l'effi­cacité des glissées exécu­tées à rythme lent sur lemollet: la chasse veineu­se poplitée maximale estobtenue pour un temps derepos de 10 secondes sé­parant chaque manœuvre.M ais on constate, chez lemême sujet, une diminu­tion de l'efficacité si letemps de repos est ramenéà 3 secondes entre cha-"que massage, et enfin uneffet tendant vers zérolorsque les mains se suc­cèdent en une manœuvre« en continu» (fig. 2).

FIG. 2. - Dopplérogramme mon­trant l'importance de l'intervalleentre les manœuvres de massa­ge: en 1, une fréquence de 10secondes permet à la veine de seremplir de sang, l'action de chasseest efficace; en 2, un passagetout les 3 secondes fait perdre del'efficacité car la veine n'est pasentièrement remplie; en 3, le mas­sageininterrompu ne fait qu'appuyersur ùne veine déjà privée de sang,l'accélération du flux est beaucoupmoins perceptible.Mfimes coordonnées que lafigure 1.

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Membre inférieur complet

Contrairement aux données classiques, nous avons pu nous assurer del'efficacité accrue d'une manœuvre de massage qui suit totalement lesgrands collecteurs veineux. En effet, nous avons exécuté la mêmemanœuvre (glissée profonde) à la face postérieure du mollet tout d'aborden évitant le creux poplité (fig. 3,1), puis en appuyant à main plate sur cettemême région (fig. 3,2).

Enfin, qu'il s'agisse d'un massage à visée circulatoire du mollet ou dela cuisse, voire du membre inférieur entier, le temps de repos de 10secondes entre chaque manœuvre donne les mêmes résultats extrê­mement positifs.

5s

FIG. 3. - Effet obtenu, en (1) en respectant le creux poplité, en (2) en appuyant fermementsur le creux poplité au cours d'une glissée profonde étendue au membre inférieur tout entier.Noter l'effet important obtenu lorsque la main appuie sur les collecteurs veineux du creuxpoplité, alors que le retour veineux subit une interruption nette sur le dopplérogramme en 1.

2. Mobllilatlonl paillvel et actlvel de la cheville

Traditionnellement, on demande au sujet des flexions plantairesactives de la cheville dans le but d'accélérer le retour veineux. Sans êtreinintéressant, cet exercice est générateur d'une certaine « fatigue» dusystème de retour.

La comparaison de la flexion plantaire à la flexion dorsale de chevilleest nettement à l'avantage de cette dernière, qu'il s'agisse d'un effort actifou d'une manœuvre passive (fig. 4).

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FIG. 4. - Variations des vitessesinstantanées (tracé supérieur) etdes vitesses moyennes intégrées(tracé inférieur), obtenues au ni­veau de la veine poplitée dans lesconditions suivantes (sujet fémi­nin, sain, 25 ans).

F.P.P.: flexion plantaire passi­ve; F.P.A.: flexion plantaire ac­tive; F. D. P.: flexion dorsale pas­sive; F.D.A.: flexion dorsale ac­tive.

L'effet de chasse veineuse estmaximal lors de la flexion dorsalepassive, encore important pour laflexion dorsale active, moindrepour la flexion plantaire active(contraction des muscles postérieursde la jambe), il est nul pour laflexion plantaire passive. Mêmescoordonnées qu'en figure 1 et 2.

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3. Effets obtenus par le massage de la semelle veineuse plantaire

Nous avons procédé au massage « non-directionnel}) préconisé par lesauteurs, mais sans résultats importants. Nous avons ensuite comparé leseffets des glissées disto-proximales (des orteils vers le talon) et

FIG. 5. - Effet comparé du massage talon-orteils et de la réciproque orteils-talons, montrantl'efficacité nettement supérieure de cette dernière manœuvre, qui correspond à l'action mécaniqueproduite par le déroulement du pied sur le sol au cours du pas.

FIG. 6. - Effet de la flexion dorsale passive des orteils: l'accélération du sang veineux estimportante, probablement du fait de la surpression créée par la mise en tension de l'aponévroseplantaire superficielle et des muscles fléchisseurs intrinsèques des orteils.

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proximo-distales (du talon vers les orteils), ces expériences nous indiquantla nette supériorité de la manœuvre qui commence au talon pour ,seterminer sous les orteils (fig. 5). Nous avons noté l'accélération importantedue aux flexions dorsales passives imprimées aux orteils (fig. 6) ainsi queles excellents résultats que l'on peut obtenir avec de simples pressionsstatiques sous l'avant-pied, sur la ligne des articulations métatar­so-phalangiennes, à condition d'observer, ici aussi, le temps de repos de 10secondes entre les manœuvres.

DISCUSSION

1. Fréquence de répétition du massage

En dépit des notions habituelles, nos résultats démontrent à l'évidenceque, pour être le plus efficace possible, un massage de retour doit être unmassage à fréquence lente, constitué de pressions glissées uni-manuelles,séparées l'une de l'autre par un intervalle d'au moins cinq secondes, cecipermettant une réplétion de la veine collabée au moment de la glisséemanuelle.

La pression en cercle, non glissée, suscite également une accélérationdu sang veineux importante et peut être utilisée, la seule réserve étant quela manœuvre est moins agréable pour le patient

2. Massage des troncs veineux sur toute leur longueur

Nos résultats démontrent également qu'il est de loin préférabled'appuyer avec insistance sur le creux poplité si l'on exécute un massagesur toute la longueur du membre inférieur. Il est également utile determiner d'une manière insistante dans le triangle de Scarpa.

Les notions anciennes concernant l'effet nocif de la pression sur cesdeux régions du corps sont démenties depuis de nombreuses années par lapratique prothétique: chez les amputés de jambe porteurs d'une prothèsePTB, PTS ou KBM, le poids du corps porte sur le tendon rotulien et sur lesdeux faces latérales supérieures de la jambe, le contre-appui se situantdans le creux poplité. La pression importante et constante à ce niveau n'apas d'effet nuisible. Chez l'amputé de cuisse, l'emboîture quadrangulaire apour but de placer le poids du corps sur la tubérosité ischiatique du sujet, etcette dernière repose sur un élargissement du mur postérieur. Une pressionimportante et constante dans le triangle de Scarpa permet de s'assurer quel'amputé reste en appui toute la journée sur le support ischiatique. Une foisde plus, on ne note aucun résultat néfaste.

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L'idée de la nocivité d'une pression dans le creux poplité est sansdoute liée à une constatation clinique ancienne: une attitude couchée avecsoutien sous les genoux - pression constante dans le creux poplité ­provoque une incidence élevée de thromboses dans le membre inférieur.Depuis Browse (1965) on pense que la pression statique sur une veineendommage l'intima et favorise l'adhésion d'éléments figurés du sang, cequi provoque la formation d'un thrombus. Il s'agit là de pression statiqueininterrompue et non de pression dynamique, intermittente, appliquée dansun but précis de déplétion veineuse.

Dans le cas du port de prothèse, il s'agit d'un appui aussi réparti quepossible. De même, le masseur doit s'efforcer de garder la main très plateafin d'augmenter la surface de contact

3. Manœuvres de mobilisation

L'idée de suppléer à l'absence de déplétion veineuse par descontractions musculaires du mollet paraissait raisonnable, mais leurefficacité n'a pas été validée. On doit se rappeler que les muscles setrouvent à l'intérieur d'une enveloppe aponévrotique jambière inextensible,insérée à sa partie distale sur le calcanéum.

Lors d'une dorsi-flexion du pied, le calcanéum s'abaisse en tirant surcette enveloppe aponévrotique, comprimant les veines intra-musculaires etinter-musculaires, et vidant celles-ci de leur sang. Il nous semble que cesoit la raison de l'efficacité des dorsi-flexions passives, que nous avonsexécutées dans une très grande amplitude. La mobilisation active dorsalepar le malade lui-même a une amplitude moindre, et exerce donc unetraction moindre sur l'enveloppe aponévrotique. A l'inverse, la contractionactive en flexion plantaire relâche l'aponévrose jambière, ceci expliquant lepeu d'efficacité de la manœuvre.

Nos résultats obtenus sur le sujet sain ont été vérifiés aussi sur ungroupe de patients (Theys et coll., 1979).

4. Drainage de la semelle veineuse plantaire

En ce qui concerne le drainage de la semelle plantaire, dite « semellede Lejars », nos résultats montrent que le massage doit consister en unelente pression glissée, dirigée du talon vers les têtes métatarsiennes. Ceciest de nouveau en contradiction avec les conceptions classiques, quivoudraient que l'on procède à un massage multi-directionnel, non orienté,de la plante du pied.

Notre interprétation suit, dans ce cas, le concept de déplétion veineusetelle qu'elle est probablement accomplie au cours de la marche: pendant laphase d'appui au sol, le pied décolle à partir du talon, et le dernier contact

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se fait par la rangée complète des têtes métatarsiennes. Anatomiquement,le réseau veineux inter-métatarsien est très fourni; il semble donc que la

déplétion du sang veineux venu de la sole plantaire s'effectue par cesveines antérieures reliées à celles du dos du pied. La déplétion du sangveineux pour le pied et le mollet s'effectuerait ainsi en deux temps:

1. Au cours de l'appui du pied au sol, déplétion de la semelle veineusepar une manœuvre rappelant le « tampon-buvard »,

2. Simultanément, le sang qui se trouve dans le mollet est chassépendant l'appui par la flexion dorsale relative du segment jambier sur lepied ancré au sol. et par la dorsi-flexion des orteils.

Il est bon de rappeler que, tandis que le pied est en appui au sol, lesegment jambier passe de la flexion plantaire relative à la flexion dorsalerelative, celle-ci étant maximale juste avant le soulevé du talon.

CONCLUSION

Au terme d'une longue série de travaux menés, depuis 4 ans, aumoyen de la dopplérographie veineuse, des sujets sains, d'un niveau sportifmoyen ou bon, nous pouvons affirmer que le massage à visée circulatoire(favorisant le retour veineux) doit, pour être efficace, consister en une sériede glissées profondes, séparée chacune par un temps de repos d'unedizaine de secondes. Dans ces conditions d'exécution, l'accélération du fluxsanguin dans la veine est maximal parce que la veine a eu le temps de seremplir entre chaque passage de la main. Ces constatations vont àl'encontre de l'enseignement traditionnel.

Nous avons également constaté que l'on obtient une accélérationsupérieure du retour veineux en appuyant fermement sur le creux poplité(où se rejoignent les collecteurs superficiels et profonds de la jambe) et surle triangle de Scarpa. Sans affirmer que le massage de ces deux régions estabsolument sans danger, il reste à démontrer qu'il exerce des effetsnuisibles; et, en ce qui concerne nos conditions expérimentales, il s'avèreefficace.

Nous avons également montré que la dorsi-flexion passive de lacheville et la dorsi-flexion passive des orteils sont des manœuvres utileslorsqu'on désire accélérer le retour veineux; la dorsi-flexion active est d'unmoindre intérêt, mais encore très utile. Nous sommes en mesure de

déconseiller l'exercice traditionnel de flexion plantaire, qui doit êtreremplacé par la flexion dorsale.

Enfin, nous avons montré que la déplétion de la semelle veineuseplantaire se fait mieux si l'on applique une pression proximo-distale,c'est-à-dire du talon vers les orteils.

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Ces résultats de l'étude dopplérographique de l'efficacité desmanœuvres décrites nous ont permis de mettre au point une interventionraisonnée du kinésithérapeute, désireux d'éviter l'apparition d'une phlébitechez le malade alité, en favorisant la circulation de retour.

RÉSUMÉ

Sur une population de 54 sujets sains (29 hommes et 25 femmes, de19 à 40 ans), nous avons pratiqué des manœuvres traditionnelles de mas­sage et de mobilisation passive du membre inférieur ayant pour but de faci­liter le retour veineux, en suivant les résultats par dopplérographie vei­neuse. Cette méthode nous a permis de comparer l'efficacité de diverstypes de manœuvres, et nous a amenés à modifier le rythme du massagepour intercaler une période de repos entre chaque glissée profonde, àdémontrer le parti que l'on peut tirer d'une flexion dorsale de la cheville aulieu de flexion plantaire, et à préciser la technique qui permet de vider aumieux la semelle veineuse plantaire.

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