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199 ties suffisantes de stabilité, en imposant un long délai de réflexion. Mais peutêtre cette explication, tradi tionnellement rappelée, n'estelle rien d'autre que le vêtement d'une sanction morale auxquelles les cham bres n'ont pas voulu renoncer en 1935... N'oublions pas non plus que cette sanction morale entraîne as sez curieusement de très nombreux cas de concubi nages et de situations irrégulières. 24. — Nullit é pour démence. « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement » (C. civ., art. 146). La Cour de cas sation, dans un arrêt du 28 mai 1958 (i"^ ch.. Pas., 1958, 1, 1069), a dit pourtant que le mariage d'un dément donnait ouverture à nullité absolue, sem blant trancher ainsi la classique querelle de l'inexis tence ou de la nullité en matière de mariage. M°" Ge vers approuve l'arrêt, pour des motifs de défense so ciale, étudiant à cette occasion l'ensemble du pro blème posé par le mariage d'un dément (Rev. crit., jur. belge, 1959, 5); M. De Page, au contraire, cri tique vivement en droit la doctrine de l'arrêt et considère que seul le législateur pouvait résoudre pareille question (I, 3' éd., n" 583). Dans le sens de l'arrêt, pourtant : Brux., 7' ch., 30 juin 1966, J. T., 587. 25. — Nullité pour clandestinité. Les mariages célébrés à l'étranger, en vue d'éluder certaines dispositions de la loi belge, ont connu une certaine faveur dans les années 19601964. Ces ma riages, souvent contractés en Ecosse par des mineurs contre le gré de leurs parents, ont généralement été annulés pour vice de clandestinité (art. 191, ouver ture à nullité absolue : Rev. crit. jur. belge, 1961, 488, n" 22) ou — meilleur motif — pour défaut de consentement (art. 182, ouverture à nullité abso lue : Brux., 17 janv. 1962, Pas., 1963, II, 30). Cependant, seul le biais du vice de clandestinité permettra l'annulation, lorsque la disposition non respectée ne donne lieu qu'à un empêchement prohi bitif. Ainsi a procédé la cour de Bruxelles (i"' ch., 31 janv. 1962, Pas., 1963, II, 217) pour annuler un mariage célébré à Douvres et qui accumulait ces empêchements : pas d'autorisation de l'autorité mi litaire, inobservation du délai de viduité, absence d'acte respectueux, absence de publication des bans (voy. sur cette espèce les observations de Vieujean, Ex. jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1965, 479). § 3. — Mariage putatif. 26. — Principes. — Notion de bonne foi. La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 mars 1963 (i™ ch.. Pas., I, 755; Rev. Adm., 1964, 201) rappelle les principes qui régissent l'octroi du béné fice du mariage putatif : la bonne foi en est la seu le condition d'ouverture; cette bonne foi consiste en la conviction qu'on fait un mariage valable; le juge du fond l'apprécie souverainement. Il résulte de ces éléments qu'un mariage contrac à l'étranger, pour éluder une ou des dispositions de la loi belge, n'exclut pas nécessairement la bonne foi et, partant, le bénéfice du mariage putatif (mê me arrêt; dans ce sens aussi : Brux., 17 janv. 1962, Pas., 1963, II, 30; Tijds. not., 1963, 241). Enfin, la cour suprême précise qu'une fois le bé néfice du mariage putatif accordé sur demande d'un des intéressés, les autres intéressés (spécialement les enfants) en bénéficient également, « sans qu'une de mande distincte soit à cette fin requise » (même ar rêt; voy. obs. Vieujean, Ex. jurispr., Rev. cnt. jnr. belge, 1965, 440 et sur l'ensemble de la ques tion la note de Piret, Rev. crit. jur. belge, 1953, 256). La cour de Bruxelles (2' ch., 8 oct. 1963, J. T., 694) a indiqué pour sa part que l'appréciation de la bonne foi devait se faire in concreto, dans les condi tions les plus larges, en tenant compte des connais sances de l'époux, de son milieu social, des opinions qui y régnent... 27. — Effets du mariage putatif. Lorsque le bénéfice du mariage putatif est accordé, le mariage annulé produit ses effets civils à l'égard du ou des époux de bonne foi et à l'égard des en fants; mais il s'agit exclusivement des effets qui sont nés et des droits qui ont été acquis antérieurement à l'annulation (De Page, I, 3" éd., n° 678). Cette restriction laisse cependant un cas non réglé : lation, mais dont la période légale de conception che vauche sur cette date. Si l'on songe que le doute pro fite à l'enfant en matière de filiation; si l'on rappelle l'intérêt de la loi à la légitimité des enfants; si l'on se place sur le terrain de l'équité, les aînés de cet enfant restant légitimes, étant nés bien avant l'an nulation du mariage, on conclura à la légitimité. C'est ce qu'a fait le tribunal de Charleroi (i" ch., 6 mars 1965, Pas., III, 89; J.T., 1966, 155). Une difficulté pratique se présente également si un époux bigame décède dans un accident du travail. La première épouse et la seconde épouse, bénéficiai re du mariage putatif, vont toutes deux réclamer les réparations prévues par la loi sur les accidents du travail. Le tribunal d'Hasselt (3' ch., 18 févr. 1966, R. W., 19661967, col. 262) a estimé équitable d'obli ger l'assureur à répartir les indemnités entre les deux épouses. La solution n'est pas idéale, mais on n'imagine pas comment mieux faire. § 4. — Obligations qui naissent du mariage, 28, — Principes applicables aux dettes alimentaires en général. La cour de Liège, siégeant comme juridiction de renvoi (ch. réun., i" juin 1965, Pas., 1966, II, 149), rappelle que par aliments il faut entendre non seu lement tout ce qui est nécessaire à l'entretien de la vie du créancier alimentaire mais également à l'en tretien de ceux à la subsistance desquels ce créancier est légalement obligé. La cour de Bruxelles, par un arrêt du 24 décembre 1964 (7' ch., J. T., 1965, 87), estime que lorsque des condamnations alimentaires ont été prononcées par un tribunal étranger (RuandaUrundi en l'espèce), les sommes allouées doivent être converties en francs belges, au cours du jour de leur exigibilité. Le tri bunal de Bruxelles, au contraire (5* ch., 9 juin 1964, J. T., 1965, 89, obs.), s'était prononcé pour la con version au cours du jour des condamnations, s'inspi rant peutêtre d'une idée de réparation du retard apporté dans les paiements. La solution de la cour est plus juridique; elle seule respecte le prescrit de l'article 1895, alinéa 2 du Code civil (... « somme dans les espèces ayant cours au moment du paie ment »). Si le moment réel du paiement est différé par la faute d'une partie, on prendra en considéra tion le temps de l'exigibilité. La cour de Gand (ch. réun., 6 janv. i960, Rev. prat. not., 1963, 198) permet à celui qui a versé une pension alimentaire à laquelle un autre était tenu en premier lieu d'exercer son recours pendant trente ans, sur base de l'enrichissement sans cause. Et cela en ne tenant compte que de la situation pécuniaire exis tant lorsque la pension devait être versée, sans avoir égard aux modifications postérieures de cette situa tion. 29. — Entretien, éducation, établissement des enfants. L'article 205 du Code civil prévoit une obligation alimentaire entre les parents et leurs enfants. Cepen dant, l'article 203 y ajoute une obligation spéciale, conséquence immédiate du mariage ou, plus exac tement, de la filiation. Les différences entre ces deux obligations sont bien connues (De Page, I, 3' éd., n" 766) : l'article 203 ne joue qu'en faveur des en fants mineurs non émancipés; il s'étend à l'éduca tion; il couvre des prestations pécuniaires et des pres tations personnelles; l'obligation n'est pas récipro que; les parents en sont toujours tenu, quelles que soient leurs ressources et les ressources des enfant. Il y a cependant controverse sur deux points . l'imputation des frais, d'une part; la durée de l'obli gation fondée sur l'article 203, d'autre part. M. De Page (I, 3" éd., n" 766), qui lie étroitement l'article 203 avec l'exercice de la puissance paternelle, con sidère que l'obligation d'entretien et d'éducation prend fin avec ladite puissance paternelle, donc lors de la majorité ou de l'émancipation. Mais la durée des études universitaires amène la jurisprudence, tant en France qu'en Belgique, à admettre dans cer tains cas que l'obligation d'entretien et d'éducation persiste après la majorité (Liège, 13 juill. 1954, Jur. Liège, 195455, 82; note Dabin, Rev. crit. jur. belge, 1950, 173; — voy. en France, Rev. trim. dr. civ., 1951, 365, réf. citées au n" 2; — Savatier, note sous Douai, 28 juill. 1953, Dalloz, 1954, 480). Ainsi a décidé la cour de Bruxelles (i'* ch.), 18 déc. 1963, Pas., 1965, II, 31), dans le cas où des études malement après celleci. Cette jurisprudence fondée sur l'évolution des mœurs éducatives nous semble un motif de plus pour supprimer dans l'article 340^ du Code civil (aliments pour vraisemblance de pa ternité) la limite de dixhuit ans, « sorte de loi de classe » (cf. l'exposé de M™ Gevers, premières jour nées juridiques Jean Dabin, 1965, 71). La situation diffère (en l'espèce le mot abusif s'imposerait peutêtre) lorsqu'un enfant a achevé des études universitaires et veut encore obtenir de ses parents les ressources qui lui permettraient de pour suivre des études complémentaires. Sur le fondement de l'article 203, prétention inadmissible, sans rap port avec les cas d'extension cités plus haut; sur le fondement de l'article 205, l'état de besoin ne pou vait évidemment être prouvé par un individu nanti d'un diplôme universitaire et qui s'abstenait de cher cher une situation (J. P. Mons, 11 juillet 1966, J. T., 618). Le même jugement précise, à bon droit selon nous, que la notion d'« achèvement de l'éducation » doit s'apprécier in concreto, en fonction du milieu et de l'état des mœurs. La Cour de cassation, enfin, dans un arrêt du 7 fé vrier 1963 il" ch.. Pas., 1963, I, 647; R.'W., 1963 1964, col. 1946) a considéré qu'un enfant majeur, pourvu entièrement par son père et par sa mère, n'était pas autorisé à exercer une action contre l'au tre auteur sur base des articles 205, alinéa i" et 207. Seul l'auteur s'acquittant de toute obligation pourrait prendre un tel recours. 30. — Parents et alliés. 1) L'article 206 du Code civil prévoit, sous cer taines conditions, la débition d'aliments entre gen dre et bellefille, d'une part, beaupère et bellemère, d'autre part. La doctrine et la jurisprudence s'en tendent pour dire qu'il s'agit bien là des parents et enfants par alliance, et non point des parâtres et marâtres, qui entrent dans une famille par un second mariage (Brux., 29 mai 1903, Pas., 1904, II, 57; — en ce sens, voy. également De Page, I, 3' éd., n° 549 et Planiol et Ripert, II, par Rouast, 2" éd., 28). Le tribunal de paix de Mons rappelle cette règle dans un jugement du 28 janvier 1964 (Pas., 1964, in, 131; J.J.P., 1964, 281). 2) Le problème délicat du caractère ou successif ou concurrent des dettes alimentaires suscite toujours les décisions les plus opposées. MM. Renard et Vieu jean (Ex. jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1961, 515, c) ont excellemment exprimé l'habilité avec laquelle les tribunaux font usage tantôt d'une solution, tantôt de l'autre, au gré des nécessités propres à chaque es pèce. La doctrine n'est pas moins divisée et aucun arrêt de principe de la Cour de cassation ne fixe suffisamment l'interprétation (voy. cependant : Cass., 13 févr. 1947, Pas., I, 52 et note Dabin, citée : même dans le cas de l'article 203, les grandsparents restent tenus dans la mesure où les parents ne sa tisfont pas à leur obligation; Cass., 12 juill. 1957, Pas., I, 1365 : les enfants d'un créancier alimen taire sont tenus en principe avant les autres débi teurs de l'obligaition alimentaire; Cassi, 10 janv. 1958, Pas., I, 478 : cas du conjoint). Dans son arrêt du 20 févr. 1964 ( i " ch.. Pas., 1964, I, 656; R. W., 19651966, col. 1751), la Cour de cassation répète que les grandsparents fieuvent être tenus de subvenir aux besoins d'un enfant mi neur, dans l'hypothèse où la mère n'a pas de res sources suffisantes et où le père, en organisant son insolvabilité, manifeste clairement qu'il n'exécutera pas son obligation. En pareil cas, les grandsparents ne peuvent opposer le fait que la mère n'a ni cité le père en justice ni adressé à lui une invitation à sa tisfaire à ses obligations (dans la même affaire, voy. aussi Civ. Brux., 12' ch., 11 oct. 1962, J. T., 1963, 193) § 5. — Droits et devoirs respectifs des époux, 31. — Article 213 : Résidence conjugale. a) Notion. C'est le lieu où les époux cohabitent ou, à défaut, le lieu choisi par le mari où celuici pourrait cohabiter avec sa femme. Cette détermina tion doit se fonder sur les circonstances; ainsi la seule inscription prise par le mari aux registres de la population ne suffit pas pour faire du lieu déclaré une résidence conjugale (Brux., 3* ch., 6 juin 1962, Pas., 1964, II, 27). Voy. aussi une intéressante note de De Wilde, Tijds. priv., 1965, i sur les rapports r\f t'artirl^ t-3 ^•f Hp l'artirlp î8n du Cndi» nrnal

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ties suffisantes de stabilité, en imposant un long délai de réflexion. Mais peut­être cette explication, tradi­tionnellement rappelée, n'est­elle rien d'autre que le vêtement d'une sanction morale auxquelles les cham­bres n'ont pas voulu renoncer en 1935... N'oublions pas non plus que cette sanction morale entraîne as­sez curieusement de très nombreux cas de concubi­nages et de situations irrégulières.

24. — Nullité pour démence. « Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de

consentement » (C. civ., art. 146). La Cour de cas­sation, dans un arrêt du 28 mai 1958 (i"^ ch.. Pas., 1958, 1, 1069), a dit pourtant que le mariage d'un dément donnait ouverture à nullité absolue, sem­blant trancher ainsi la classique querelle de l'inexis­tence ou de la nullité en matière de mariage. M°" Ge­vers approuve l'arrêt, pour des motifs de défense so­ciale, étudiant à cette occasion l'ensemble du pro­blème posé par le mariage d 'un dément (Rev. crit., jur. belge, 1959, 5); M. De Page, au contraire, cri­tique vivement en droit la doctrine de l'arrêt et considère que seul le législateur pouvait résoudre pareille question (I, 3 ' éd., n" 583).

Dans le sens de l'arrêt, pourtant : Brux., 7 ' ch., 30 juin 1966, J. T., 587.

25. — Nullité pour clandestinité. Les mariages célébrés à l'étranger, en vue d'éluder

certaines dispositions de la loi belge, ont connu une certaine faveur dans les années 1960­1964. Ces ma­riages, souvent contractés en Ecosse par des mineurs contre le gré de leurs parents, ont généralement été annulés pour vice de clandestinité (art. 191, ouver­ture à nullité absolue : Rev. crit. jur. belge, 1961, 488, n" 22) ou — meilleur motif — pour défaut de consentement (art. 182, ouverture à nullité abso­lue : Brux., 17 janv. 1962, Pas., 1963, II, 30).

Cependant, seul le biais du vice de clandestinité permettra l'annulation, lorsque la disposition non respectée ne donne lieu qu'à un empêchement prohi­bitif. Ainsi a procédé la cour de Bruxelles (i" ' ch., 31 janv. 1962, Pas., 1963, II, 217) pour annuler un mariage célébré à Douvres et qui accumulait ces empêchements : pas d'autorisation de l'autorité mi­litaire, inobservation du délai de viduité, absence d'acte respectueux, absence de publication des bans (voy. sur cette espèce les observations de Vieujean, Ex. jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1965, 479).

§ 3. — Mariage putatif. 26. — Principes. — Notion de bonne foi.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 mars 1963 (i™ ch.. Pas., I, 755; Rev. Adm., 1964, 201) rappelle les principes qui régissent l'octroi du béné­fice du mariage putatif : la bonne foi en est la seu­le condition d'ouverture; cette bonne foi consiste en la conviction qu'on fait un mariage valable; le juge du fond l'apprécie souverainement.

Il résulte de ces éléments qu'un mariage contrac­té à l'étranger, pour éluder une ou des dispositions de la loi belge, n'exclut pas nécessairement la bonne foi et, partant, le bénéfice du mariage putatif (mê­me arrêt; dans ce sens aussi : Brux., 17 janv. 1962, Pas., 1963, II, 30; Tijds. not., 1963, 241).

Enfin, la cour suprême précise qu'une fois le bé­néfice du mariage putatif accordé sur demande d'un des intéressés, les autres intéressés (spécialement les enfants) en bénéficient également, « sans qu'une de­mande distincte soit à cette fin requise » (même ar­rêt; — voy. obs. Vieujean, Ex. jurispr., Rev. cnt. jnr. belge, 1965, 440 et sur l'ensemble de la ques­tion la note de Piret, Rev. crit. jur. belge, 1953, 256).

La cour de Bruxelles (2' ch., 8 oct. 1963, J. T., 694) a indiqué pour sa part que l'appréciation de la bonne foi devait se faire in concreto, dans les condi­tions les plus larges, en tenant compte des connais­sances de l'époux, de son milieu social, des opinions qui y régnent...

27. — Effets du mariage putatif. Lorsque le bénéfice du mariage putatif est accordé,

le mariage annulé produit ses effets civils à l'égard du ou des époux de bonne foi et à l'égard des en­fants; mais il s'agit exclusivement des effets qui sont nés et des droits qui ont été acquis antérieurement à l'annulation (De Page, I, 3" éd., n° 678).

Cette restriction laisse cependant un cas non réglé :

lation, mais dont la période légale de conception che­vauche sur cette date. Si l'on songe que le doute pro­fite à l'enfant en matière de filiation; si l'on rappelle l'intérêt de la loi à la légitimité des enfants; si l'on se place sur le terrain de l'équité, les aînés de cet enfant restant légitimes, étant nés bien avant l 'an­nulation du mariage, on conclura à la légitimité. C'est ce qu'a fait le tribunal de Charleroi ( i " ch., 6 mars 1965, Pas., III, 89; J .T. , 1966, 155).

Une difficulté pratique se présente également si un époux bigame décède dans un accident du travail. La première épouse et la seconde épouse, bénéficiai­re du mariage putatif, vont toutes deux réclamer les réparations prévues par la loi sur les accidents du travail. Le tribunal d'Hasselt (3 ' ch., 18 févr. 1966, R. W., 1966­1967, col. 262) a estimé équitable d'obli­ger l'assureur à répartir les indemnités entre les deux épouses. La solution n'est pas idéale, mais on n'imagine pas comment mieux faire.

§ 4. — Obligations qui naissent du mariage,

28, — Principes applicables aux dettes alimentaires en général.

La cour de Liège, siégeant comme juridiction de renvoi (ch. réun., i " juin 1965, Pas., 1966, II, 149), rappelle que par aliments il faut entendre non seu­lement tout ce qui est nécessaire à l'entretien de la vie du créancier alimentaire mais également à l'en­tretien de ceux à la subsistance desquels ce créancier est légalement obligé.

La cour de Bruxelles, par un arrêt du 24 décembre 1964 (7' ch., J. T., 1965, 87), estime que lorsque des condamnations alimentaires ont été prononcées par un tribunal étranger (Ruanda­Urundi en l'espèce), les sommes allouées doivent être converties en francs belges, au cours du jour de leur exigibilité. Le tri­bunal de Bruxelles, au contraire (5* ch., 9 juin 1964, J. T., 1965, 89, obs.), s'était prononcé pour la con­version au cours du jour des condamnations, s'inspi­rant peut­être d'une idée de réparation du retard apporté dans les paiements. La solution de la cour est plus juridique; elle seule respecte le prescrit de l'article 1895, alinéa 2 du Code civil (... « somme dans les espèces ayant cours au moment du paie­ment »). Si le moment réel du paiement est différé par la faute d'une partie, on prendra en considéra­tion le temps de l'exigibilité.

La cour de Gand (ch. réun., 6 janv. i960, Rev. prat. not., 1963, 198) permet à celui qui a versé une pension alimentaire à laquelle un autre était tenu en premier lieu d'exercer son recours pendant trente ans, sur base de l'enrichissement sans cause. Et cela en ne tenant compte que de la situation pécuniaire exis­tant lorsque la pension devait être versée, sans avoir égard aux modifications postérieures de cette situa­tion.

29. — Entretien, éducation, établissement des enfants.

L'article 205 du Code civil prévoit une obligation alimentaire entre les parents et leurs enfants. Cepen­dant, l'article 203 y ajoute une obligation spéciale, conséquence immédiate du mariage ou, plus exac­tement, de la filiation. Les différences entre ces deux obligations sont bien connues (De Page, I, 3 ' éd., n" 766) : l'article 203 ne joue qu'en faveur des en­fants mineurs non émancipés; il s'étend à l'éduca­tion; il couvre des prestations pécuniaires et des pres­tations personnelles; l'obligation n'est pas récipro­que; les parents en sont toujours tenu, quelles que soient leurs ressources et les ressources des enfant.

Il y a cependant controverse sur deux points . l'imputation des frais, d'une part; la durée de l'obli­gation fondée sur l'article 203, d'autre part. M. De Page (I, 3" éd., n" 766), qui lie étroitement l'article 203 avec l'exercice de la puissance paternelle, con­sidère que l'obligation d'entretien et d'éducation prend fin avec ladite puissance paternelle, donc lors de la majorité ou de l'émancipation. Mais la durée des études universitaires amène la jurisprudence, tant en France qu'en Belgique, à admettre dans cer­tains cas que l'obligation d'entretien et d'éducation persiste après la majorité (Liège, 13 juill. 1954, Jur. Liège, 1954­55, 82; — note Dabin, Rev. crit. jur. belge, 1950, 173; — voy. en France, Rev. trim. dr. civ., 1951, 365, réf. citées au n" 2; — Savatier, note sous Douai, 28 juill. 1953, Dalloz, 1954, 480). Ainsi a décidé la cour de Bruxelles (i '* ch.), 18 déc. 1963, Pas., 1965, II, 31), dans le cas où des études

malement après celle­ci. Cette jurisprudence fondée sur l'évolution des mœurs éducatives nous semble un motif de plus pour supprimer dans l'article 340^ du Code civil (aliments pour vraisemblance de pa­ternité) la limite de dix­huit ans, « sorte de loi de classe » (cf. l'exposé de M™ Gevers, premières jour­nées juridiques Jean Dabin, 1965, 71).

La situation diffère (en l'espèce le mot abusif s'imposerait peut­être) lorsqu'un enfant a achevé des études universitaires et veut encore obtenir de ses parents les ressources qui lui permettraient de pour­suivre des études complémentaires. Sur le fondement de l'article 203, prétention inadmissible, sans rap­port avec les cas d'extension cités plus haut; sur le fondement de l'article 205, l'état de besoin ne pou­vait évidemment être prouvé par un individu nanti d 'un diplôme universitaire et qui s'abstenait de cher­cher une situation (J. P. Mons, 11 juillet 1966, J. T., 618). Le même jugement précise, à bon droit selon nous, que la notion d '« achèvement de l'éducation » doit s'apprécier in concreto, en fonction du milieu et de l'état des mœurs.

La Cour de cassation, enfin, dans un arrêt du 7 fé­vrier 1963 il" ch.. Pas., 1963, I, 647; R.'W., 1963­1964, col. 1946) a considéré qu'un enfant majeur, pourvu entièrement par son père et par sa mère, n'était pas autorisé à exercer une action contre l'au­tre auteur sur base des articles 205, alinéa i " et 207. Seul l'auteur s'acquittant de toute obligation pourrait prendre un tel recours.

30. — Parents et alliés. 1) L'article 206 du Code civil prévoit, sous cer­

taines conditions, la débition d'aliments entre gen­dre et belle­fille, d 'une part, beau­père et belle­mère, d'autre part. La doctrine et la jurisprudence s'en­tendent pour dire qu'il s'agit bien là des parents et enfants par alliance, et non point des parâtres et marâtres, qui entrent dans une famille par un second mariage (Brux., 29 mai 1903, Pas., 1904, II, 57; — en ce sens, voy. également De Page, I, 3 ' éd., n° 549 et Planiol et Ripert, II, par Rouast, 2" éd., n° 28). Le tribunal de paix de Mons rappelle cette règle dans un jugement du 28 janvier 1964 (Pas., 1964, in, 131; J . J .P . , 1964, 281).

2) Le problème délicat du caractère ou successif ou concurrent des dettes alimentaires suscite toujours les décisions les plus opposées. MM. Renard et Vieu­jean (Ex. jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1961, 515, c) ont excellemment exprimé l'habilité avec laquelle les tribunaux font usage tantôt d 'une solution, tantôt de l'autre, au gré des nécessités propres à chaque es­pèce. La doctrine n'est pas moins divisée et aucun arrêt de principe de la Cour de cassation ne fixe suffisamment l'interprétation (voy. cependant : Cass., 13 févr. 1947, Pas., I, 52 et note Dabin, citée : même dans le cas de l'article 203, les grands­parents restent tenus dans la mesure où les parents ne sa­tisfont pas à leur obligation; Cass., 12 juill. 1957, Pas., I, 1365 : les enfants d 'un créancier alimen­taire sont tenus en principe avant les autres débi­teurs de l'obligaition alimentaire; Cassi, 10 janv. 1958, Pas., I, 478 : cas du conjoint).

Dans son arrêt du 20 févr. 1964 ( i " ch.. Pas., 1964, I, 656; R. W., 1965­1966, col. 1751), la Cour de cassation répète que les grands­parents fieuvent être tenus de subvenir aux besoins d'un enfant mi­neur, dans l'hypothèse où la mère n'a pas de res­sources suffisantes et où le père, en organisant son insolvabilité, manifeste clairement qu'il n'exécutera pas son obligation. En pareil cas, les grands­parents ne peuvent opposer le fait que la mère n'a ni cité le père en justice ni adressé à lui une invitation à sa­tisfaire à ses obligations (dans la même affaire, voy. aussi Civ. Brux., 12' ch., 11 oct. 1962, J. T., 1963, 193)­

§ 5. — Droits et devoirs respectifs des époux,

31. — Article 213 : Résidence conjugale. a) Notion. C'est le lieu où les époux cohabitent

ou, à défaut, le lieu choisi par le mari où celui­ci pourrait cohabiter avec sa femme. Cette détermina­tion doit se fonder sur les circonstances; ainsi la seule inscription prise par le mari aux registres de la population ne suffit pas pour faire du lieu déclaré une résidence conjugale (Brux., 3* ch., 6 juin 1962, Pas., 1964, II, 27). Voy. aussi une intéressante note de De Wilde, Tijds. priv., 1965, i sur les rapports r\f t'artirl^ t-3 •̂f Hp l'artirlp î 8 n d u Cndi» nrnal

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b) Fixation. La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 1965 ( i " ch., J. T. , 1965, 674; R. W., 1965-1966, col. 437; Rev. prat. not., 1965, 417), rap­pelle les principes posés par l'article 213, s'attachant notamment à définir les t motifs légitimes » que la femme peut invoquer devant le tribunal, pour faire fixer une autre résidence ; ces motifs doivent être relativement graves, car cette fixation par le tri­bunal est une dérogation.

Le tribunal de Bruxelles a donné récemment une interprétation très intéressante de ces motifs légiti­mes, dans une affaire qui présentait, semblait-il, une certaine résonance linguistique (9° ch., 26 juin 1964, J. T., 1965, 55). Le jugement répond à trois motifs successivement invoqués par la femme : i ) l'importance de ses intérêts professionnels ; il faut, malgré le droit égal des époux d'exercer une profession, donner le pas aux intérêts profession­nels prépondérants (en l'espèce ceux du mari); 2) la proximité désagréable de la résidence de ses beaux-parents : on ne peut trouver une réelle gravité dans ce motif, tant qu 'un véritable voisinage ou une co­habitation ne sont pas imposés; 3) le transfert de la résidence dans une région unilingue française au­rait un effet sur l'éducation de l'enfant, qui ne sera plus en milieu bilingue : mais dès lors que l 'enfant a été élevé en français, on ne voit guère l'abus manifeste que contiendrait le transfert mis en cause.

c) Visites domiciliaires. L'article 46 du Code d'in­struction criminelle permet au procureur du Roi de pénétrer dans les habitations, sous certaines condi­tions, et notamment sur la requête du « chef de mabon ». La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 29 octobre 1962 (2 ' ch., J. "T., 1963, 7), que depuis la loi du 30 avril 1958, le « chef de mai­son », en ce qui concerne la résidence conjugale, est aussi bien un époux que l'autre. Il faut en conclure, dit la Cour, que la réquisition de l'autorité par un seul des époux est parfaitement valable (contra : Civ. Anvers, 6 févr. 1961, R. W., 1960-1961, col. 1488).

d) Jugé, enfin, par la cour de Liège (15 oct. 1963, R. W., 1963-1964, col. 558) qu'il n'y a pas infrac­tion aux articles 439 et suivants du Code pénal (vio­lation de domicile par les particuliers) lorsque le mari pénètre dans la résidence séparée de son épou­se, si les deux époux ont loué conjointement cette résidence. Peut-être une plus grande prudence lors de l'attribution de la résidence séparée aurait-elle évité cet incident ?

32. — Article 214 : Capacité civile des conjoints.

a) Principe. Le lent cheminement de la réforme des régimes matrimoniaux condamne la plupart des femmes mariées, malgré la capacité qui leur a été reconnue, à un régime transitoire qui reste imprécis et parfois équivoque.

La Cour de cassation, par deux fois, insiste sur le principe de pleine capacité inscrit dans l'article 214 nouveau, principe qui permet notamment à la fem­me d'agir en justice sans autorisation relativement à une créance d'indemnité qui lui est propre ou à l'attribution d'une pension prévue par les lois sur les pensions de réparation, quel que soit son régime matrimonial ( i " ch., 21 mai 1964, Pas., I, 993; J. T., 704; Rev. gén. ass. resp., 7354, obs.; — 2' ch., 25 oct. 1965, Pas., 1966, I, 256; — voy. aussi Baeteman et Lauwers, Devoirs et droits des époux, a° 135). Mais la réserve impliquée par les pouvoirs que le mari tient du régime matrimonial n'est pas rappelée avec une moins grande force (arrêts cités et Brux., 4' ch., 7 nov. 1962, J. T., 1963, 7, obs.).

b) Article iièqtiater. Cependant un régime d'au­torisation de justice permet de lever, pour un acte déterminé que la femme a la capacité de poser seu­le, l'obstacle résultant du pouvoir que le régime ma­trimonial confère au mari (Cass., i " ch., 23 janv. 1964, Pas., I, 546; J. T., 261, obs. Kirkpatrick; Rev. prat. not., 134; R. W., 1964-1965, col. 577; — arrêt a quo : Brux., 23 juin 1961, Rev. crit. jur. bel­ge, 1962, 205, note Kirkpatrick).

La femme, en l'espèce, désirait vendre la pleine propriété d 'un immeuble successoral, de concert avec ses coïndivisaires. La cour de Bruxelles l'y avait au­torisé. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi for­mé contre cette décision, avalisant ainsi une solution très conforme à l'article 2z6quater; l'arrêt tente éga­lement de conjurer l'éventuel engagement du mari

contre son gré, mais au prix d 'un « système hybri­de qui ne respecte vraiment ni la lettre de l'article iiSquater ni les principes du régime en communau­té » (Vieujean, Ex. jur., Rev. crit. jur. belge, 1965, 464, et les réf. citées).

c) Autorité maritale. L'abolition de l'autorité ma­ritale en 1958 nous semble une raison suffisante pour éliminer toute responsabilité de principe du mari pour les actes de son épouse. Que celle-ci soit mi­neure n'importe point, dès que le lien de dépendance n'existe plus. Un arrêt de la cour de Bruxelles (16 novembre 1962, Pas., 1963, II, 96) ajoute qu'aucune disposition du Code civil ne prévoit pareille respon­sabilité.

Il n'est pas interdit de penser, dans ces conditions que l'article 6 de la loi du 1" août 1899 sur la po­lice du roulage est devenu une anomalie : il assimi­le en effet le mari aux personnes civilement respon­sables énumérées par l'article 1384 du Code civil, quant aux infractions commises par sa femme. Le tribunal correctionnel de Dinant a néanmoins consi­déré que la loi du 30 avril 1958 n'avait pas abrogé cette disposition (25 févr. 1963, ]ur. Liège, 1962-1963, 281). Sans doute « le but poursuivi par le lé­gislateur permet de considérer que la responsabilité du mari en la matière a été édictée compte tenu de l'existence d 'une communauté d'intérêts entre époux, du fait aussi que l'épouse n'est pas toujours solva-ble ou qu'elle ne dispose que d'une solvabilité res­treinte »; mais l 'aménagement législatif de la dispo­sition n'en est pas moins souhaitable (voy. également la critique — à un autre point de vue — de l'article 6, par Dalcq, Novelles de droit civil, V, i , n° 2009).

d) Législation. Loi du 5 décembre 1963, modifiant l'article 776

du Code civil (Mon., 17 déc. 1963).

33. — Article 215 ; Activités commerciales des conjoints.

a) Si l'épouse, comme l'époux, a le droit d'exer­cer une profession, une industrie ou un commerce, sans le consentement du conjoint, l'importance de l'autorisation du mari reste grande, dans l'optique du régime matrimonial et de l'obligation aux det­tes (voyez sur ce point De Page, I, 3* éd., p. 869, note (1) : l'art. ïïèquinquies est inutile, le libre jeu des règles de la communauté permettant le même résultat).

Qu'en est-il lorsque le mari donne à sa femme l'au­torisation « de faire le commerce », à un moment où l'épouse n'exploite qu 'un seul café et que, posté­rieurement, elle entame l'exploitation d 'un deuxiè­me établissement : le mari sera-t-il tenu des dettes faites dans cette deuxième exploitation ou faut-il considérer l'autorisation donnée comme spécifique à l'exploitation du premier café ? La Cour de cassa­tion, se fondant sur le libellé général de l'autorisa­tion, non assortie de restrictions ou de réserves, a dit que l'autorisation devait s'entendre comme permet­tant à la femme « d'exercer tout commerce en tout lieu » (i"* ch., 21 janv. 1966, J .T. , 240; R. W., 1965- 1966, col. 1647; Tijds. not., 1966, 46).

L'engagement du mari aux dettes peut exister, hors de toute autorisation donnée par lui; c'est le cas lorsqu'une femme, de notoriété publique, gère le commerce de son mari illettré, sans son concours, et effectue tous les actes de gestion (Liège, 18 juin 1963, ]ur. Liège, 1963-1964, 297; — en ce sens : Rép. prat. dr. belge, v° Mandats, n" 182; — pour le cas contraire : Civ. Tongres, 11 mars 1966, R. W., 1966- 1967, col. 564).

b) Les recours prévus par les articles 215 et 217, en matière d'exercice de la profession et du com­merce, sont de stricte interprétation; on ne pourrait en user à d'autres fins, pour lesquelles la procédure ordinaire doit être suivie. La cour de Liège, rappe­lant ces principes, a débouté un plaideur qui avait espéré obtenir par cette voie rapide l'autorisation de constituer hypothèque sans le concours de sa femme; l'hypothèque devait être prise dans son intérêt pro­fessionnel, ce qui lui permettait — pensait-il — d'user du recours de l'article 215... (17 juill. 1963, Jur. Liège, 1963-1964, 18; — sur le problème du choix entre le tribunal et le juge des référés, voyez Vieu­jean, Rev. crit. jur. belge, 1965, 445).

34. — ArUcles 212 et 218 : Obligation de secours et contribution aux charges du ménage.

a) Obligation de secours. Le devoir de secours en­tre époux n'est pas une application pure et simple de

l'obligation alimentaire. Le fait même de la vie en commun rend le devoir plus large et impose une contribution constante aux charges du ménage com­mun (De Page, I, 3 ' éd., n" •jouter). Dès lors, le fait que l'époux demandeur soit ou non dans le be­soin n'importe pas (Cass., i " ch., 18 oct. 1963, Pas., 1964, I, 179; J. T., 1964, 72; R. W., 1963-1964, col. 1862; — en ce sens : note Hayoit de Termicourt sous Cass., 13 févr. 1947, Pas., I, 52).

Le devoir de secours, d'autre part, découle exclu­sivement de l'état de mariage; celui-ci disparu après la transcription du divorce, le devoir n'existe plus sur le fondement de l'article 212 (Cass., i " ch., 30 avr. 1964, 2 arrêts, Rev. crit. jur. belge, 1965, 279, note Rigaux; — voy. également note Boels, au J. T., 1964, 422). La Cour suprême donne également son approbation i l'allocation à titre provisionnel d 'une pension fondée sur l'article 301 du Code civil (nuan­çant par le fait même l'interprétation belge tra­ditionnelle de cette disposition) lorsque le tribunal ne s'est pas encore prononcé sur les griefs allégués par un des conjoints vis-à-vis de l'autre. Cette très bonne solution jurisprudentielle était en pratique in­dispensable.

Sur la répétition des aliments versés avant la transcription du divorce, voyez Civ. Liège, 2 ' ch., 26 févr. 1964, J .T . , 369; Rev. prat. not., 358, obs.

b) Délégation de salaire. Deux décisions en ce domaine, qui nous semblent assez mal fondées.

Dans le premier cas, un employeur avait opéré une retenue sur les appointements, retenue qui aurait pu être opérée le mois précédent. Or l'employeur reçut pendant le mois choisi pour la retenue noti­fication d'une délégation de salaire accordée à l'épou­se d 'un de ses employés. Le tribunal de commerce de Bruxelles (3 mai 1963, Jur. comm. Brux., 1963, 313) n'a pas hésité à condamner l'employeur, au motif que la retenue tardive diminuait les droits de l'épouse et que cette tardivité était fautive. La so­lution semble difficilement admissible, du point de vue de la délégation de salaire, puisque le reproche fait à l'employeur vise une carence antérieure à la notification (janvier, la notification étant de février). Mais il ne convient pas d'oublier que l'affaire se présentait sous la forme d'une action en responsa­bilité et qu'à ce titre le jugement est correct.

Dans le second cas, erreur certaine : le juge de paix de Turnhout (30 sept. 1965, Turn. Rechts, n° 346) a en effet considéré que l'article 63 des lois coordonnées sur les pensions militaires s'appliquait aux € retenues » effectuées conformément à l'article 218. Cet article 63 précise que les retenues pour pensions alimentaires ne peuvent dépasser le tiers de la pension militaire. Or, on ne répétera jamais assez que la délégation de salaire est un mandat, et non pas une retenue ou une saisie (De Page, I, 3* éd., n° -joèquater: — Brux., 2 mars 1935, J. T., 237; — voy. également chronique Pirson, B. J., 1938, col. 423, spécialement en ce qui concerne l'application de l'ancien article 214^ aux agents de l'Etat). La limite fixée par les lois coordonnées n'était donc pas d'ap­plication.

c) Situation des époux séparés de fait. L'enseigne­ment de M. De Page (I, 3* éd., n° 706, B) précise que l'article 218 est d'application lorsqu'il y a sé­paration de fait, sauf si c'est l'époux fautif qui pré­tend à une aide. Il faut noter, d'autre part, une certaine réticence de la jurisprudence à appliquer l'article 218, lorsque la séparation s'éternise (en ce sens : Civ. Liège, 2 févr. 1965, Pas., III, 57; Jur. Liège, 1964-1965, 212).

L'état de séparation de fait accuse cependant les différences entre l'obligation de secours et la contri­bution aux charges du ménage confondues lorsque les époux sont unis (sur ce point, voyez les consi­dérations de Vieujean, Rev. crit. jur. belge, 1965, 447 et Baeteman et Lauwers, Devoirs et droits des époux, n° 90).

35. — Article 221 : Manquements graves aux devoirs du mariage.

a) Les pouvoirs que le président tient de l'arti­cle 221 sont discrétionnaires; le magistrat « apprécie souverainement les mesures qu'il estime devoir pren­dre », selon la formule de la cour de Bruxelles (20 mars 1959, Pas., i960, II, 59). M. De Page, pour sa part, n'hésite pas à écrire : « Il (le président) n'est lié, ni limité par rien. Il peut ordonner les mesures les plus graves qui soient, dès l'instant où il les es­time nécessaires » (I, 3* éd., n" yoSbis, A) .

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Rien de plus normal donc que le président or­donne une mesure qui n'avait pas été sollicitée (Gand, 28 nov. 1962, R. W., 1963-1964, col. 258) ou limite les effets de son ordonnance à une certaine durée (Civ. Liège, 22 nov. 1965, /«r. Liège, 1964-1965, 180). Voyez cependant un jugement plus restrictif du tribunal de Liège, 24 févr. 1965, /«r. Liège, 1964-1965, 211.

b) Ce caractère discrétionnaire n'exclut pas le re­cours dans tous les cas. Le législateur n'a pas voulu ce recours, en principe; mais si le président était incompétent ou commettait un excès de pouvoir, l'appel pourrait alors se concevoir. La cour de Gand l'a rappelé dans un arrêt du 21 janvier 1963 (5" ch., Rev. crit. jur. belge, 1964, 415 et la note Baeteman; R. W., 1962-1963, col. 2249).

c) Jugé, quant à la durée des effets de l'ordon­nance présidentielle, qu'ils demeurent pendant l'in­stance en divorce (Corr. Turnhout , 4* ch., 30 mars 1963, R. W., 1962-1963, col. 1958); mais, dès qu'une instance en divorce est entamée, les mesures nou­velles doivent être sollicitées sur pied de l'article 268, et non de l'article 221 : soit le président, statuant en référé, et dont les décisions sont cette fois toujours susceptibles de recours.

Jugé encore que l'ordonnance du président faisant défense au mari d'aliéner le mobilier commun lui enlève la qualité de possesseur légitime; l'épouse pourra donc, aux termes de l'article 2279, revendi­quer les meubles en tant que meubles volés (Civ. Liège, 1" févr. 1963, Jur. Liège, 1962-1963, 299; Rev. crit. jur. belge, 1964, 104 et note Vieujean, qui critique l'usage ici fait de l'article 2279 et propose l'inopposabilité pure et simple de la vente à la fem­me).

CHAPITRE IV.

La filiation.

§ 1*. — Filiation légitime. 36. — Désaveu. — Recel de naissance

(art. 313, al. 1" et 316, al. 3 ) . Lorsque l'enfant n'est pas né à la résidence con­

jugale et que le mari de la mère n'est pas présent lors de la déclaration à l'état civil, le recel de la naissance peut se présumer (Gand, 9 mars 1962, R. W., 1963-1964, col. 99; — Civ. Marche-en-Fa-menne, 19 déc. 1964, Jur. Liège, 1964-1965, 133; — comp. avec deux espèces où le recel n'a pas été considéré comme établi : Civ. Brux., 9* ch., 22 no­vembre 1963, Pas., 1965, in , 22 et 4 décembre 1964, Pas., 1966, III, 18).

Classique reste le problème posé par l'assimilation ou la non-assimilation du cel de la grossesse au cel de la naissance. Doctrine et jurisprudence envisagent généralement avec faveur cette extension (même si un texte clair est quelque peu sollicité). Ainsi lors­que « le recel de la grossesse prépare celui de la naissance, et fait partie, chez la femme, du même état d'esprit » (De Page, I, 3 ' éd., n° 1085; — pour le point de la question, voyez la note très complète d'Hanotiau, J. T., 1963, 721, spécialement n°* 3 et 4, et les références citées; — récemment, en faveur de l'assimilation : Civ. Namur, 6* ch., 20 avr. 1964, Pas., III, 64).

Enfin, notre Cour de cassation a apporté son cré­dit à cette solution ( i " ch., 7 nov. 1963, Pas., 1964, I, 256, avis du procureur général Hayoit de Termi-court, J. T., 1964, 597; R. W., 1964-1965, col. 195), comme l'avait fait la Cour de cassation de France, dès 1850 (Req., 7 janv. 1850, Dali, pér., i , 5, rap­port Mesnard et la note). L'arrêt observe d'une part que le recel de la naissance est un indice significa­tif de l'illégitimité de la conception de l 'enfant; mais, d'autre part, les circonstances peuvent donner une signification semblable au recel de la grossesse, mê­me si la femme n'a dissimulé ni la naissance ni une partie du cours de la grossesse.

37. — Désaveu. — Enfant conçu pendant la séparation légale des époux (art. 313, al. 2 ) .

Un arrêt de la cour de Bruxelles du 6 janvier 1965 U" ch.. Pas., 1966, II, 9) rappelle que le point de départ fixé par l'article 313, alinéa 2, à la sépara­tion légale, est le procès-verbal de non-conciliation en cas de divorce pour cause déterminée ou la dé­claration prévue par l'article 281 en cas de divorce par consentement mutuel. Il serait contraire au pre-

prcndre en considération l'autorisation présidentielle de résidence séparée (comp. supra, n° 21), point de départ de la séparation sous le régime de la loi de 1927.

Il n'est pas interdit de penser qu'il y a dans l'au­torisation de résidence séparée un faux-semblant, cer­taines personnes mal éclairées pouvant se méprendre sur sa signification exacte...

38. — Désaveu. — Varia. La renonciation à l'appel en matière de désaveu

de paternité, est contraire à l'ordre public et inter­dite (Gand, 11 oct. 1962, R. W., 1962-1963, col. 1952).

Seul le tuteur ad hoc (art. 318) peut représenter l'enfant dans une procédure en désaveu de paternité. La mère, bien que présente au procès, est sans qua­lité pour représenter; partant, l'appel interjeté par elle contre un jugement de désaveu, n'est pas rece-vable (Brux., i " ch., 9 janv. 1963, Pas., 1964, II, 188).

39. — Preuve par l'examen des groupes sanguins.

Nos juridictions se montrent toujours très réticen­tes, en cette matière, faute de textes précis, et mal­gré les certitudes que les examens scientifiques peu­vent aujourd'hui apporter (certitude de non-paternité par l'examen des groupes sanguins et l'expertise sur la durée de gestation; certitude de paternité parfois pour l'expertise hérédo-biologique (voy. Dodinval, étude au J. T., 1965, 257 et Holleaux, La filiation en droit allemand, suisse et français, pp. 179 et s.).

Ainsi, la cour de Bruxelles, dans l'application de l'article 313, alinéa 2, a refusé au mari d'établir sa non-paternité par la comparaison des groupes san­guins, à défaut de disposition légale expresse (5' ch., 18 juin 1964, Pas., 1965, II, 185). Dans un arrêt du 30 avril 1962, la 2* chambre de la même coui {Pas., 1963, II, 77) affirme qu'à défaut de texte lé­gal, le juge ne peut imposer un prélèvement sanguin à quelqu'un qui s'y refuse. En aucun cas, ce refus ne peut être interprété comme une preuve du bien-fondé de la demande en désaveu {contra : législation de plusieurs cantons suisses); cependant, si le refus apparaît comme un acte de mauvaise foi, il pourra intervenir « à titre de présomption de fait suscep­tible de renforcer le soutènement de la partie deman­deresse ».

I 2. — Légitimation. Notre régime de légitimation présente un triple

aspect; il comprend : 1) le système applicable à l'enfant naturel simple,

reconnu par les deux auteurs avant ou au mo­ment du mariage, et légitimé par le mariage sub­séquent de ces auteurs (art. 331, al. i " ) ;

2) le système applicable à l'enfant adultérin dit pri­vilégié, qui peut être légitimé avec l'autorisation du tribunal, après audition du précédent conjoint de l'auteur dans le chef duquel il y a eu adul­tère, lorsque le précédent mariage a fait l'objet d'une procédure en divorce ou en séparation de corps et que l'enfant est né trois cents jours après le procès-verbal prévu à l'article 239 ou la dé­claration prévue à l'article 281 (art. 331, al. 2, 3, 4);

3) le système applicable à l'enfant se trouvant dans un des cas prévus par l'article 331, mais qui est reconnu par un ou les deux auteurs postérieure­ment au mariage de ceux-ci (art. 33ii<y).

40. — Article 331, al. 2 : Point de départ du délai.

L'enseignement de M. De Page (I, 3 ' éd., n" 1090, B, note 2) retrace l'histoire législative de cette dis­position, évolution qui éclaire la solution retenue et lui confère un caractère particulièrement formel.

La cour de Bruxelles, dans un arrêt du 6 janvier 1965 d " ch., Pas., 1966, II, 6; J .T . , 1965, 245; — voy. aussi Brux., 6 janv. 1965, 1" ch., 2* espèce. Pas., 1966, II, 9) s'appuie sur le texte même de l'article 331, alinéa 2 et sur la nécessité de la con­cordance voulue par le législateur entre l'arti,ele 313, al. 2 et l'article 331, pour refuser comme point de départ du délai de trois cents jours, l 'ordonnan­ce présidentielle autorisant la femme à avoir une résidence séparée. L'arrêt rappelle fort justement que le remplacement de l'autorisation de résidence sépa­rée par le procès-vebal de non-conciliation ou la dé-

« est intervenue parce que les époux en instance de divorce ne se font pas toujours attribuer une résidence séparée par une décision judiciaire alors que le pro­cès-verbal de l'article 239 ou la déclaration de l 'arti­cle 281 » interviennent dans toutes les procédures en divorce.

On se référera ici aux notes concernant le point de départ à retenir en cas d'abrègement ou de suppres­sion du délai de viduité {supra, n° 21).

41. — Article 331bis : Nécessité de la re­connaissance.

La cour de Liège a refusé d'avaliser la procédure « raccourcie » que lui proposait un requérant : ce­lui-ci demandait la légitimation prévue par l'article 33ifoV, sans procéder à la reconnaissance préalable de son enfant. Refus à bon droit, puisque la loi im­pose comme conditions la double reconnaissance et le mariage; refus équitable, aussi, car l'accueil de la prétention du requérant aurait rendu la légitimation après mariage — qui est une exception et une fa­veur — plus facile que la légitimation de droit com­mun (29 oct. 1963, /«r. Liège, 1963-1964, 91; Pas., 1963, II, 264).

§ 3. — Filiation naturelle. 42 . — Droit de visite des grands-parents

naturels. Il semble acquis que le droit de visite bénéficie

aux grands-parents naturels, tant dans le cas où ils sont les auteurs naturels du père légitime de l 'en­fant (cf. d'ailleurs l'article 759) que dans le cas où ils sont les auteurs légitimes du père naturel du petit-fils. Le tribunal de Bruxelles, après ses hésitations de i960, accepte ce droit de visite par un jugement du 2 CKtobre 1964 (9* ch., Rev. prat. not., 1965, 125), avec comme limites l 'intérêt de l 'enfant (ce qui inclut l'honorabilité des grands-pa­rents) et le respect de l'orientation philosophique donnée par les parents.

La Cour de cassation, dans un arrêt remarqué du 22 septembre 1966 ( i " ch., J. T. , 1966, 685), a pris également parti en cette matière. Elle affirme notam­ment : — d'une part, que la communauté de sang * crée

chez les ascendants l'obligation de s'intéresser i leurs descendants et comporte pour eux comme corollaire, dès lors que la loi ne l'exclut pas, le droit de les connaître, de les protéger et d'exercer sur eux l'influence que l'affection et le dévoue­ment leur dictent », et que « le caractère de la filiation ne peut... constituer un obstacle i l'exer­cice d 'un droit qui découle de la nature des cho­ses »;

— d'autre part, que « refuser en principe le droit de visite à un ascendant de l'enfant naturel, re­viendrait à conférer aux père et mère naturels des droits plus étendus que ceux dont jouissent les parents légitimes, qui ne peuvent s'opposer au droit de visite des grands-parents que si ceux-ci en sont indignes ».

Sur le droit de visite en général, voyez la très belle étude de Geneviève Viney, Rev. trim. dr. civ. fr., 1965, 225; — sur le droit de visite des grands-pa­rents légitimes : De Page, I, 3" éd., n' 783; — Cass., i" ch., 18 déc. 1950, Pas., 1951, I, 257; •— Brux., 7* ch., 9 juin 1962, Pas., I, 963, II, 198; — Marty et Raynaud, Droit civil, I, n" 544; — Cass. fr., 22 mars 1961, J. C. P., II, 12143; — sur le droit de visite des grands-parents naturels : De Pa­ge, I, 3 ' éd., n° 1177, Po^r les principes; — Marty et Raynaud, I, n " ' 727-728; et la note de M. Dabin à la Rev. crit. jur. belge, sur l'arrêt de 1966.

43. — « Vraisemblance de paternité » et problèmes connexes.

a) Article 340A : Preuve des relations. 1) La preuve des relations peut résulter « de leur

aveu dans des actes ou des écrits émanés du défen­deur ». Cette preuve doit être écrite et complète; elle ne vaut pas comme commencement de preuve par écrit, précise l'enseignement de M. De Page (I, 3* éd., n° 1206). «Ac te» , d'autre part, implique que l'aveu peut être contenu dans une pièce écrite par une autre personne que le défendeur. 11 en est ainsi de procès-verbaux (Civ. Hasseit, 14 oct. 1963, R. W., 1964-1965, col. 2027 et Liège, 23 déc. 1964, R. W., 1964-1965, col. 2025; — dans le même sens, Civ. Brux., 9 ' ch., 27 sept. 1963, J .T. , 1964, 282).

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la ligne fixée en 1958 par la Cour de cassation ( i " ch., II dcc. 1958, Pas., 1959, I, 379), que dans l'application du 1° de l'article 340^ il n'y a pas lieu de tenir compte du caractère incomplet des relations (notamment par l'usage de moyens anticonception­nels).

2) La preuve des relations peut résulter égale­ment « de leur caractère habituel et notoire ». La doctrine insiste bien sur la nécessaire liaison entre ces deux spécifications.

Le caractère habituel est déduit par le juge des circonstances analysées et du comportement du dé­fendeur; dans ces conditions, la preuve formelle d 'un seul rapport sexuel n'élimine pas forcément l'application de l'article 340^ (arrêt de la Cour de cassation, i" ch., 30 sept. 1966, J. T., 720 qui casse l'arrêt a quo : Gand, 5" ch., 29 juin 1965, R. W., 1965-1966, col. 788).

Quant au caractère notoire, la Cour de cassation a implicitement considéré dans son arrêt du 25 févr. 1965 (i"* ch.. Pas., I, 650) qu'il découle à suffisance du fait que les relations charnelles sont connues de plusieurs personnes (voy. aussi les arrêts du 28 mai 1959, i " ch.. Pas., I, 986; J. T., 620 et du 13 mai 1960, Pas., I, 1054; — comp. De Page, I, 3* éd., n° 1207).

Ces différentes décisions semblent rencontrer les considérations de MM. Renard et Vieujean (ex. jur., Rcv. crit. jur. belge, 1962, 129, n" 71) : les possi­bilités de succès offertes par le 2° de l'article 340* ont longtemps été sous-estimées par les plaideurs, mais l'évolution de la jurisprudence pourrait bien en faire l'instrument le plus efficace mis à la disposition de l 'enfant naturel.

b) Article 3406 : Reconnaissance ultérieure. La reconnaissance d'un enfant naturel par celui qui

épouse sa mère, prive d'intérêt l'action fondée sur les articles 340^ et 340c. Rien n'empêche cependant la mère de l'enfant d'invoquer l'article 1382 du Co­de civil pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi, cet article étant tout à fait indépendant du droit de la filiation (Civ. Bruges, 23 juin 1964, R. W., 1964-1965, col. 491).

c) Article 3406 ; Montant des aliments. Le caractère variable du montant de la pension

alimentaire (De Page, I, 3 ' éd., n" 552) s'applique aux pensions alimentaires convenues ou accordées sur fondement de l'article 340^ (Civ. Brux., 9* ch., 4 mars 1966, J. T., 412).

d) Article i^od : Relations avec un autre individu. Le tribunal de Bruxelles précise, dans une déci­

sion du 24 juin 1966 (9* ch., Ann. not. enr., 194), que c'est la certitude de paternité qui en fait forme la base légale de l'action en « vraisemblance de pa­ternité ». Dans ces conditions, le défendeur doit se voir reconnaître de la manière la plus large le droit de prouver qu'un autre individu est l'auteur de l'en­fant.

e) Art. i4oe : Intentement de l'action de l'enfant. L'action alimentaire, bien que personnelle à l'en­

fant, suppose néanmoins l'intervention de son repré­sentant légal, puisqu'elle doit être intentée dans les trois ans de la naissance ou de la cessation des se­cours. Il peut arriver qu'un enfant ait un urgent be­soin de secours alimentaire, alors qu'il est encore sans tuteur désigné; dans pareil cas, si la mère in­troduit l'action de l'enfant, elle le fait valablement, à titre de gestion d'affaire (Brux., 7 ' ch., 29 juin 1963, J. T., 467). Bonne solution, mais certaines des conditions techniques de la gestion d'affaire man­quaient peut-être en l'espèce. f) Article 3421» : Cas des enfants adultérins.

Lorsque les enfants adultérins ne peuvent être re­connus (soit, dans les cas et conditions de l'article 331), la réclamation d'aliments sur base de l'article 340A leur est ouverte. La loi de 1958 ne fait au­cune restriction à cet égard (Civ. Brux., 9" ch., 20 juin 1964, Pas., 1965, III, 75).

Si les conditions requises pour reconnaître et lé­gitimer un enfant adultérin sont réunies, il n'y a cependant aucun motif de lui refuser l'action ali­mentaire (Civ. Bruges, 26 juin 1962, R. W. 1963-1964, col. 825 et Gand, 6 juin 1963, R. W., 1963-1964, coL 823).

Enfin, dès que la recevabilité de l'action fondée sur l'article 340^ est reconnue, elle entraîne la rece­vabilité de l'action de la mère pour frais de gésine

(art. 340f), ces deux actions étant fondées sur le même fait et fort liées dans leur technique (Civ. Bruges, 26 juin 1962; — Gand, 6 juin 1963; — Civ. Brux., 9 ' ch., 20 juin 1964, précités).

44. — Droit international privé. Voyez Brux., 3" ch., 14 févr. 1962, Pas., 1963, II,

227 (application de la loi personnelle de l 'enfant); — Brux., 3 ' ch., 21 oct. 1963, Pas., 1964, II, 279 (application de la loi personnelle de l 'enfant); •— Brux., 13 juin 1964, Pas., 1965, 55, 184; J. T., 1965, 105; R. W., 1965-1966, col. 104 (le délai de pre­scription prévu par l'article 340^ ne s'applique pas aux étrangers, qui bénéficient parfois ainsi en Bel­gique de plus de droits qu'un Belge contre un autre Belge); — Civ. Brux., 9" ch., 27 sept. 1963, J. T., 1964, 282; — Civ. Brux., 9 ' ch., 26 févr. 1965, J. T., 349; — Civ. Brux., 9 ' ch., 12 nov. 1965, Rev. prat. not., 1966, 220; — Civ. Brux., 9" ch., 24 juin 1966, Ann. not. enr., 194.

§ 4. — Adoption et tutelle officieuse. 45. — Contrat ou institution ?

Vieille querelle, qui ne peut sans doute être rigou­reusement tranchée... En tant qu'œuvre des intéres­sés eux-mêmes, qui apprécient et consentent tous deux à l'adoption, nous nous rapprochons très fort du contrat (De Page, I, 3* éd., n° 1249; — contra : Planiol et Ripert, Il par Rouast, n° 1009). La Cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 1966 (infra, n" 51 : 1 " ch., 3 mars 1966, R. W., 1966-1967, col. 301; Ann. not. enr., 1966, 117, obs.) a souligné l'importance du fondement contractuel dans la créa­tion du lien de la filiation adoptive; la cour de Bruxelles, d'autre part (2' ch., 18 mai i960, Rev. prat. not., 1963, 98), traite l'adoption en contrat solennel : comme tel, il est soumis à de nombreuses règles de forme et de fond, dont la transgression en­traîne la nullité absolue, susceptible donc d'être in­voquée par tout intéressé.

La même cour de Bruxelles, pourtant, dans trois espèces de droit international privé, a exprimé que l'adoption était plutôt une institution à laquelle l'adoptant et l'adopté adhèrent par un contrat conclu entre eux (i"* ch., 19 juin 1963, Pas., II, 263, obs. A. C ; — 7 ' ch., 27 mars 1965, Pas., 1966, II, 97; — 2'' ch., 8 déc. 1965, Ann. not. enr., 1966, 26). Cette description nous semble refléter plus fidèlement le double caractère de l'adoption.

N'oublions pas enfin, dans cette appréciation, que l'article 344 nouveau du Code civil, en son alinéa 9, fait expressément allusion à l'article 3 du même Code...

46. — Adoption de l'enfant du conjoint. La deuxième partie de l'article 344, les alinéas 6

à 8 (loi du 10 février 1958, art. 9), continue à poser des problèmes. Rappelons que ces dispositions con­cernent l'adoption de l'enfant d'un époux par son conjoint ou par les deux époux simultanément, dans des conditions plus favorables que celles du régime normal de l'adoption. Ceci dans le but de renforcer la cohésion de la famille. La cour de Liège fait ap­plication de ces principes dans un arrêt du 28 mai 1964 ( i " ch., Rev. prat. not., 1966, 256; — contra : jugement réformé du tribunal de Huy, 18 févr. 1964, Rev. prat. not., 1966, 256). L'adoption simultanée par les conjoints est le quod plerumque fit; mais rien ne s'oppose à ce qu'un des conjoints adopte l'en­fant, et que l'autre procède à l'adoption plus tard : par exemple dans l'hypothèse où un des époux n'a pas 21 ans lors de la première adoption (en ce sens : Civ. Brux., 9* ch., 30 oct. 1964, 2 espèces. Pas., III, 77).

Beaucoup plus douteuse est l'application des mê­mes textes à l'enfant adoptif du conjoint de l'adop­tant, controversée en doctrine et en jurisprudence (en faveur de l'extension : Margrève, étude aux Ann. dr. Liège, 1961, 225 et les réf.; — Vieujean, note à la Rev. crit. jur. belge, 1962, 139 et ex. ju-rispr., 1966, 209; — contra : Civ. Brux., 21 mars 1964, Tijds. not., 154; — Civ. Brux., 9 ' ch., 30 oct. 1964, Tijds. not., 1966, 65; J. T., 1964, 158; Rev. prat. not., 1965, 121). Le projet de loi sur l'adop­tion, dans son texte actuel, facilite toutefois le rè­glement de cette difficulté (cf. aussi Canivet, Ann. not., enr., 1963, 79).

47. — Consentement à l'adoption du mi-nenr.

Jugé par le tribunal de Tournai (3" ch., 13 sept.

1963, J. T., 624; Rev. prat. not., 1963, 415, obs. F. L.) que la mère des enfants, qui exerce sur eux le droit de garde en vertu d 'un jugement qui auto­rise le divorce à ses torts, a qualité pour consentir seule à leur adoption. Cette solution est conforme à l'article 346, alinéa 3 : « en cas de divorce ou de séparation de corps, il suffit du consentement de ce­lui des auteurs de l'enfant qui exerce sur lui le droit de garde ». Le caractère général de ce texte n'exclut nullement l'époux coupable, si la garde lui a été con­fiée.

Jugé par le tribunal de Bruxelles (8 nov. 1963, Pas., 1965, III, 36) que la mère légitime ne peut, à la fois, adopter et consentir à l'adoption de ses en­fants, car il pourrait en résulter une opposition d'in­térêts. Dans pareil cas, le consentement à l'adop­tion des enfants sera donné par le conseil de famille, qui désignera un représentant ad hoc.

48. — Procédure d'homologation. L'homologation par le tribunal de première in­

stance (art. 355) consiste en une vérification de l'ob­servation de toutes les conditions requises par la loi d'une part, de la bonne réputation de l'adoptant d'autre part. Cette procédure n'a pas un caractère contentieux, rappelle à bon droit le tribunal de Liège (26 nov. 1962, fur. Liège, 1962-1963 117), ce qui entraîne l'irrecevabilité de l'intervention de tier­ces personnes, alléguant un intérêt moral ou maté­riel.

49. — Effets de l'adoption. Le nom de l'adoptant est conféré à l'adopté, par

un ajouté, aux termes de l'article 347, alinéa i " , du Code civil. Mais que faire si l'adoptant et l'adopté portent déjà le même nom ? Il n'y aura lieu à au­cune modification du nom de l'enfant, a décidé la cour de Gand (12 oct. 1962, R. W., 1962-1963, col. 2007). Si la nommée « Nicole Gysels » est adoptée par les conjoints « Gysels-Raes », seul en effet le nom du mari entre en ligne de compte, d'après les travaux préparatoires de la loi du 22 mars 1940 (Vieujean, ex. jurispr., Rev. crit. jur. belge, 1965, 424).

L'article 1098 du Code civil détermine la quotité disponible à l'égard du conjoint survivant, lorsque l 'homme ou la femme remarié tient des enfants d'un autre lit. Mais convient-il d'assimiler à ces enfants un enfant adopté avant le mariage ? La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 oct. 1961, a répon­du affirmativement (Rec. gén. enr., 1963, 329, obs.; Ann. not. enr., 1963, 113, obs.; Rev. prat. not., 1963, 420, obs. F. L.), approuvant la thèse du tribu­nal de Bruxelles (24 avr. 1958, Rev. prat. not., 1959, 211) et de la cour d'appel (23 déc. 1959, Rev. prat. not., i960, 46) : « Attendu, sans doute, que l'ar­ticle 1098, envisagé isolément, ne s'applique qu'aux enfants d 'un autre lit et, partant, à des enfants nés d'un précédent mariage. Mais attendu que les termes de cet article ne peuvent tenir en échec la règle éta­blie par l'article 352, alinéa 2; Que l'enfant adoptif est, pour la détermination de ses droits dans la succession de l'adoptant, assimilé à un enfant né en mariage et que, partant, l'article 1098 doit trouver application lorsque l'adoptant a contracté un mariage après l'adoption; ... ».

50. — Révocation de l'adoption. Une adoption peut être révoquée pour des « mo­

tifs très graves » (art. 360, C. civ.). L'application de cette innovation de la loi du 22 mars 1940, relève souverainement des tribunaux, qui en feront usage avec beaucoup de prudence.

Le refus de l'adoptant dlassurer l'entretien de l'adopté constitue une faute lourde, qui fonde assu­rément la révocation (civ. Tongres, 10 déc. 1964, R. W., 1964-1965, col. 1271).

51. — Droit international privé. Les problèmes que pose l'adoption en droit inter­

national privé belge ont donné lieu à de nombreuses décisions. Nous ne pouvons, dans le cadre limité de cette chronique, que les citer : Liège, 20 mars 1963, fur. Liège, 1962-1963, 259; — Brux., i " ch., 19 juin 1963, Pas., Il, 263, obs. A. C ; — Brux., 1 " ch., 24 juin 1964, Rev. prat. not., 1965, 17; — Brux., 7" ch., 27 mars 1965, Pas., 1966, II, 97; Rev. prat. not., 1965, 323; J. T., 1965, 385; — Brux., 3" ch., 24 mai 1965, Pas., 1966, II, 130; Rev. prat. not., 1965, 321; — Brux., 2 ' ch., 8 déc. 1965, Ann. not. enr., 1966, 26; — Civ. Bruges, i '* ch., 18 mars 1959, Ann. not. enr., 1963, 125, obs. Couturier; —

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Civ. Liège, 17 déc. 1962, jur. Liège, 1962-1963, 182; — Civ. Brux., 9 ' ch., 26 juin 1964, Ann. not. enr., 1965, i8o; — Civ. Brux., 9* ch., 22 janv. 1965, J. T., 155; Rev. prat. not., 123.

Lorsque l'adoptant et l'adopté ne sont pas de mê­me nationalité, deux solutions principales se présen­tent. Ou rechercher l'intérêt prépondérant : soit à choisir la loi de l'adopte. Ou envisager l'adoption plutôt sous son aspect contractuel : soit à appliquer l'article 3 du Code civil, l 'aptitude de l'adoptant et de l'adopté étant alors déterminée par leurs lois natio­nales respectives. La Cour de cassation s'est prononcée en faveur de ce dernier système, par un arrêt fort important du 3 mars 1966 ( 1 " ch., Ann. not. enr., 117, obs.; R. W., 1966-1967, col. 301), qui devrait mettre un terme à la controverse. En doctrine, voyez l'avis très complet de M. l'avocat général Strijckmans, avant l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 24 mai 1965 (3= ch., J. T., 1965, 423).

52. — Tutelle officieuse. Cette institution (sans doute devenue peu utile

sous son ancienne forme, mais peut-être pas sans un autre avenir : Canivet, note au J. T., 1966, 145) se compromet parfois de façon bizarre : un acte de tu­telle officieuse fut passé devant le juge de paix du canton de Saint-Josse par des parents, afin de res­pecter une convention qui les obligeait à consentir à la tutelle officieuse de leur enfant à peine de devoir restituer à l'autre partie une moto « Vespa »... Un arrêt de la cour de Bruxelles (1" ch., 29 mai 1963, Pas., 1964, II, 108) a bien entendu annulé l'acte de tutelle officieuse, contraire à l'ordre public.

53. — Législation. La loi du 8 avril 1965 {Mon., 15 avr.) a modifié

les articles 355, 356 et 360 du titre VIW du livre i " du Code civil.

CHAPITRE V.

Les incapables.

§ 1". — PuisMince paternelle. 54. — Législation.

Nous reprenons dans leur intégralité les disposi­tions de la loi du 8 avril 1965 (Mon., 15 avr.) mo­difiant le titre IX du livre i " du Code civil.

Article 373 nouveau : « Durant le mariage, cette autorité est exercée conjointement par le père et la mère. En cas de dissentiment entre eux la volonté du père prévaut; toutefois la mère a un droit de re­cours devant le tribunal de la jeunesse ».

Article 374 nouveau : « L'enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la permission de ses père et mère. En cas de dissentiment entre eux la volonté du père prévaut; toutefois la mère a droit de re­cours devant le tribunal de la jeunesse ».

Article 384 nouveau : « Les père et mère ou, en cas de décès de l'un d'eux, le survivant, ont la jouis­sance des biens de leurs enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans accomplis, ou jusqu'à l'émancipation qui pourrait avoir lieu avant l'âge de dix-huit ans ».

Article 386 nouveau : « Cette jouissance cesse en cas de divorce et de séparation de corps ».

55. — Notion de puissance paternelle. Un arrêt de la cour de Bruxelles (7 ' ch., 9 juin

1962, Pas., 1963, II, 198) rappelle les principes qui président à l'appréciation de la puissance paternelle. Il en dit le pouvoir protecteur et insiste sur le strict contrôle de cette protection par les tribunaux. En doctrine, voyez : Dabin, « Le contrôle de la puis­sance paternelle », J. T., 1947, 33; — De Page, I, 3^ éd., n™ 760 et 761; — Mazeaud, Leçons, I, n» 1163.

56. — Déchéance de la puissance pater­nelle.

Un sieur Marinigo assassine son épouse. Le mi­nistère public poursuit contre lui la déchéance de la puissance paternelle (déchéance facultative, art. 3, 2° et 4°, de la loi du 15 mai 1912). Le tribunal de Bruxelles a accordé la déchéance, bien qu'il n'y ait eu ni sévices, ni mauvais traitements (9 ' ch. bis, 19 mars 1962, J. T., 1963, 715); en effet la puis­sance paternelle est un pouvoir de protection, qui se manifeste par des actes positifs et assure à une des­cendance de bonnes conditions de développement. Le fait que des tiers s'occupent des enfants avec dévoue-mi"nt mncîîtit*» nac iinp déf#»nsp! an contraire, le

législateur a estimé que l'intervention d 'autrui con­tribuait à établir la réalité du péril couru par les enfants (en ce sens : Rép. prat. dr. belge, v" Tribu­naux pour enfants, n° 60).

§ 2. — Minorité. — Tutelle. — Emancipation.

57. — Législation. Loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeu­

nesse (Mon., 15 avr.) : articles 389 et 407 (tutelle), 477, 478, 479 et 485 (émancipation).

58. — Minorité. 1) Allocations familiales : Bien que ces alloca­

tions soient remises aux parents pour l'entretien des enfants, ceux-ci ne sauraient prétendre à un droit pro­pre sur les sommes remises à ce titre (Civ. Marche-en Famenne, 13 juin 1964, fur. Liège, 1964-1965, 163).

2) Fortune du mineur : La jouissance légale jus­qu'à dix-huit ans comporte notamment la charge de nourrir, entretenir, éduquer l 'enfant selon sa fortune (De Page, I, 3 ' éd., n° 814). Les frais engagés peu­vent être imputés sur les éventuels revenus du mi­neur; s'ils dépassent ces revenus, l 'imputation en ca­pital ne peut se faire et le surplus reste à charge des parents.

L'argument que les frais ont été engagés après dix-huit ans ne peut valoir (supra, n° 29), l'obliga­tion fondée sur l'article 203 survivant même à la majorité, parfois (Brux., 30 mai 1961, Rec. gén. enr., 1964, n° 20777; cet arrêt présente beaucoup d'intérêt en matière d'usufruit) .

3) Capacité en matière de contrat d'emploi : L'ar­ticle 31 des lois relatives au contrat d'emploi requiert l'autorisation expresse ou tacite du père ou du tuteur, pour qu 'un mineur non émancipé engage valable­ment son travail. Le conseil de prud'hommes de Charleroi (empl., 5 déc. 1961, Rev. dr. soc, 1963, 335, obs.) a cru pouvoir étendre la règle au cas de la résiliation du contrat d'emploi : celle-ci nécessite­rait également l'autorisation expresse ou tacite du représentant légal. Si cette interprétation pousse l 'ana­logie au-delà de ce que les textes permettent, elle n'est pas critiquable du point de vue pratique; encore ne faudra-t-il pas rendre la preuve de l'autorisation ta­cite trop difficile à faire (comme en l'espèce).

4) Achat de mobilier à crédit par un mineur : Une mineure non émancipée achète du mobilier en vue de son mariage; cet achat est effectué à crédit. Le problème se pose de savoir s'il y a rescision pour lésion (art. 1305, soit pour déséquilibre entre les obli­gations que le mineur souscrit et sa situation de for­tune, de milieu, les circonstances...) ou s'il y a nullité de plein droit (parce que l'achat à crédit est assimi­lable à un emprunt, lequel requiert aux termes des articles 457 et 458 l'autorisation du conseil de fa­mille et du tribunal). Le tribunal de commerce de Liège (22 mai 1963, Jur. Liège, 1962-1963, 284) s'est prononcé en faveur de la première solution, plus pratique et plus souhaitable dans les conditions de l'espèce, mais plus douteuse en droit.

5) Cession de créance appartenant à un mineur : Le tribunal de commerce de Bruxelles (ch. dégag., II sept. 1963, Jur. comm. Brux., 1964, 38) assimile à un acte de disposition la cession d 'une créance ap­partenant à un mineur (en ce sens : Cass., 6 mai 1943, Pas., I, 157, et note Van Hecke, Rev. crit. jur. belge, 1947, 181). Il en résulte l'obligation pour le père d'avoir l'autorisation du tribunal pour le tuteur d'avoir l'autorisation du conseil de famille et du tri­bunal.

59. — Règles d'organisation et de fonc­tionnement de la tutelle.

1) Le juge de paix du lieu où la tutelle s'est ou­verte a compétence pour convoquer le conseil de fa­mille (art. 406, C. civ.). Le transfert d 'une commune d 'un canton à un autre ne modifie pas cette attribu­tion : le même juge de paix reste compétent (Civ. Brux., çi" ch., 10 avr. 1964, R. W., 1963-1964, col 1924).

2) La cour de Bruxelles, dans un arrêt du 6 mai 1964 (2° ch., Pas., 1965, II, 146), rappelle les règles rigoureuses relatives au compte de tutelle : celui-ci est nécessaire; le tuteur ne peut se dégager de son obligation pour aucun motif; l'exposé doit être dé­taillé, par recettes, dépenses, justification de l'actif net restitué; l'approbation du mineur devenu majeur, donnée en nleine connaissance de cause, est essen­

tielle; la reddition du compte ne doit pas se faire suivant une forme spéciale, sauf lorsqu'elle est de­mandée en justice (il y a alors lieu d'appliquer les ar­ticles 533 et 534 du Code de procédure civile). Sur le compte de tutelle, voyez en doctrine : De Page, II, 3« éd., n°^ 223 à 233; — Marty et Raynaud, I, n<» 839 à 841.

3) Rôle du subrogé tuteur : la notion d'opposition d'intérêts, contenue dans l'article 420, concerne le domaine patrimonial. Le subrogé tuteur ne pourrait donc s'immiscer dans l'éducation de l'enfant par le père tuteur légal, domaine où ce dernier conserve son entier pouvoir d'appréciation (Civ. Mens, 20 mars 1963, Pas., IV, 71).

60. — Emancipation. Une des premières décisions du tribunal de la

jeunesse de Bruxelles, sous le régime de la loi de 1965, refuse l'émancipation d 'un mineur (10 nov. 1966, J. T. , 767). Le tribunal de la jeunesse doit, en effet, veiller à ce que l'émancipation ne soit pas détournée de son but; or, en l'espèce, elle ne pré­sentait ni intérêt économique ni désir de séparer le mineur de sa mère tutrice; elle était sollicitée unique­ment pour éviter les formalités et les obligations de la tutelle.

Cette décision nous semble témoigner d 'un des bien-fondés du nouveau système : l'intervention préa­lable du tribunal, plutôt qu 'une annulation judiciaire postérieure à l 'émancipation (sur l'ancien système : Rép. prat. dr. belge, v° Minorité, n° 1568).

§ 3. — Aliénations mentales et prodigalité,

61. — Administration provisoire de l'aliéné colloqué.

Organisée par les articles 29 à 33 de la loi du 18 juin 1850, l 'administration provisoire cesse de plein droit lorsque la collocation prend fin. On ne peut assimiler à la fin de la collocation une libéra­tion à l'essai, dit le tribunal de Bruxelles (9* ch., 21 févr. 1964, Pas., 1965, III, 68); l 'administrateur provisoire reste donc en fonction.

62. — Interdiction. Le droit de demander l'interdiction ne se fonde

pas sur un intérêt moral, mais bien sur un intérêt patrimonial; il convient que ne soit pas dissipée la fortune qui reviendra au jour aux héritiers de l'in­terdit (De Page, II, 3 ' éd., n" 304). Dans ces con­ditions la cour de Bruxelles a estimé (17 mai 1962, 10' ch.. Pas., 1963, II, 87) que tous les parents au degré successible possédaient ce droit, y compris la tutrice d 'une interdite pour poursuivre l'interdiction de la fille de sa pupille (en ce sens : Planiol et Ri-pert, I par Savatier, 2 ' éd., n° 668).

63. — Actes passés antérieurement à l'in­terdiction.

« Les actes antérieurs à l'interdiction pourront être annulés, si la cause de l'interdiction existait no­toirement à l 'époque où ces actes ont été faits » (art. 503, C. civ.). Il en est également ainsi si la démence résulte de l'acte lui-même, complète la cour de Bruxelles, dans un arrêt du 9 janvier 1961 (2 ' ch., Rev. prat. not., 1964, 363, obs.). L'arrêt rappelle le pouvoir du juge en la matière : il peut refuser l 'an­nulation, en recherchant notamment si l'acte n 'a pu être accompli dans un intervalle lucide et en tenant compte de l'intérêt du dément.

Sur un autre cas, beaucoup plus curieux, de refus d'annulation, voyez Civ. Mons, i " avr. 1963, Pas., III, 76 et les observations de Vieujean à la Rev. crit. jur. belge, 1966, 235.

64. — Conseil judiciaire. Lorsqu'il rejette une demande en interdiction, le

tribunal peut toujours, au vu des circonstances, or­donner la mise sous conseil judiciaire et désigner ce conseil (art. 499, C. civ.) : Brux., l o ' ch., 17 mai 1962.

Un désistement, dans une action en justice, n'est possible qu'avec l'assistance du conseil (art. 513, C. civ., implicitement) : Brux., 4 ' ch., 3 mars 1965, Pas., 1966, II, 65.

Si un prodigue peut, seul, poser les actes rentrant dans l'administration d 'un patrimoine, conclure des baux, percevoir des revenus et placer ses économies, on ne voit pas pourquoi l'assistance du conseil se­rait requise pour qu'il loue ses services et perçoive le produit de son travail : voyez App. prud. Brux.,

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2* ch. empl., 7 déc. 1962, J. T. , 1963, 137. Il est trop souvent perdu de vue que pour le prodigue, au contraire du mineur, la capacité demeure la règle; et on ne saurait songer à étendre des dispositions re­latives à des incapacités (Colin et Capitant, I, n° 593). Il en va autrement pour les actes de commerce que le prodigue poserait.

André BRUYNEEL.

TABLE DES RUBRIQUES.

CHAPITRE PREMIER. — L'IDENTIFICATION DES PER­SONNES PHYSIQUES.

§ i". — Nom, prénom et pseudonyme. I . — Immutabilité du nom.

• 2. — Rectification du nom. 3. — Usage du nom du mari. 4. — Protection du nom. 5. — Prénom. 6. ^ Pseudonyme.

7. — Titres de noblesse.

5 2 . — Domicile. 8. — Fixation et changement de domicile. 9. — Election de domicile.

10. — Domicile des étrangers.

S 3. — Nationalité. 11. — Conditions de l'option de patrie. 12. — Empêchements d'opter en temps voulu. 13. — Perte de la nationalité. 14. — Législation.

CHAPITRE I I . — LES ASSOCIATIONS SANS BUT LUCRATIF.

15. — Activités permises. 16. — Assemblée générale. — Modification des

statuts. 17. — Dissolution de l'A.S.B.L.

CHAPITRE III. — LE MARIAGE.

% i". — Fiançailles. 18. — Ruptures.

§ 2. — Conditions et nullités. 19. — Refus de consentement. 20. — Oppositions à mariage. 21. — Délai de viduité. — Divorce pour cause

déterminée. 22. — Délai de viduité. — Divorce par consen­

tement mutuel. 23. — Délai de trois ans après divorce pour

adultère. 24. — Nullité pour démence.

25. — Nullité pour clandestinité.

§ 3. — Mariage putatif. 26. — Principes. — Bonne foi. 27. — Effets du mariage putatif.

§ 4. — Obligations qui naissent du mariage. 28. — Principes applicables aux dettes alimen­

taires en général. 2g. — Entretien, éducation, établissement des

enfants. 30. — Parents et alliés.

§ 5. — Droits et devoirs respectifs des époux. 31. — Article 213 : Résidence conjugale. 32. -— Article 214 : Capacité civile des conjoints. 33. — Article 215 : Activités commerciales des

conjoints. 34. — .Articles 212 et 218 : Obligation de se­

cours et contribution aux charges du mé­nage.

35. — Article 221 : Manquements graves aux devoirs du mariage.

CHAPITRE I V . — LA FILIATION.

§ 1". — Filiation légitime. 36. — Désaveu. — Recel de naissance (art. 313,

al. 1 " et 316, al. 3). .37-— Désaveu. — Enfant conçu pendant la sé­

paration légale des époux (art. 313, al. 2).

38. — Désaveu. — Varia. 39. — Preuve par l'étude des groupes sanguins.

§ 2 . — Légitimation. 40-— Article 331, al. 2 : Point de départ du

délai. 41. — Article 33i*«V : Nécessité de la recon­

naissance.

§ 3. — Filiation naturelle. 42. — Droit de visite des grands-parents natu­

rels. 43- — « Vraisemblance de paternité » et pro­

blèmes connexes. a) Article 340 b : Preuve des relations. b) Article 340 b : Reconnaissance ulté­

rieure. c) Article 340 b : Montant des aliments. d) Article 340 : Relations avec un au­

tre individu. e) Article 340 e : Intentement de l'ac­

tion de l'enfant. f ) Article 342 a : Cas des enfants adul­

térins.

44- — Droit international privé.

§ 4 . — Adoption et tutelle officieuse. 45. — Contrat ou institution 46. — Adoption de l 'enfant du conjoint. 47. — Consentement à l'adoption du mineur.

Cass. (1" ch.), 22 décembre 1966. P r é s . : M M . MORIAMé, p r é s , f f . ; VALENTIN, POLET,

BUSIN e t LEGROS, c o n s . Min. publ. : M. COLARD, av. gén.

(Colemans et Boheur c. Konincl^x P. et F.)

CONTRAT D'EMPLOI. — Maladie de l'employée. — Lois coordonnées, article 8, alinéa 4. — Obligation de se laisser exami­ner. — Mission du médecin. — Vérifier si la capacité de travail existe ou n'existe pas.

La mission du médecin, chargé d'exami­ner un employé qui, étant en congé de maladie, se prétend apte à reprendre son travail et celle du médecin chargé d'exa­miner un employé qui se déclare incapa­ble de travailler, par suite de maladie, ont le même objet : dans l'un et l'autre cas, le médecin désigné par l'employeur est appelé à vérifier si la capacité de travail existe ou n'existe pas.

Ouï M. le conseiller Polet en son rap­port et sur les conclusions de M. Colard, avocat général;

Vu la sentence rendue le 21 mai 1964 par le conseil de prud'hommes d'appel de Liège, chambre pour employés;

Sur le moyen pris de la violation des articles 8 (spécialement alinéa 4), 14, 15, 20 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par arrêté royal du 20 juil­let 1955, et 97 de la Constitution,

en ce que, appelé à statuer sur le point de savoir si le fait par les défendeurs d'avoir, le 4 avril 1961, refusé de repren­dre à leur service la demanderesse, par­ce qu'elle ne s'était pas préalablement soumise à la visite du médecin par eux désigné pour vérifier si l'incapacité de travail qui l'avait jusque là tenue éloi­gnée du service avait effectivement pris fin, ne devait pas être considérée, ainsi que le soutenaient les demandeurs, com­me un cas de rupture unilatérale du con­trat de la part des défendeurs, la senten­ce attaquée a résolu la question par la négative et débouté en conséquence les

48. — Procédure d'homologation. 49. — Effets de l'adoption. 50. — Révocation de l'adoption. 51. — Droit international privé. 52. — Tutelle officieuse. 53. — Législation.

CHAPITRE V . — LES INCAPABLES.

§ l " . — Puissance paternelle.

54- — Législation.

55- — Notion de puissance paternelle. 56. — Déchéance de la puissance paternelle.

§ 2. - — Minorité. — Tutelle. — Emancipation.

57- — Législation.

58. — Minorité.

59- — Tutelle. — Régies d'organisation et de fonctionnement.

60. — Emancipation.

§ 3- - — Aliénation mentale et prodigalité. 61. — Administration provisoire de l'aliéné col-

loqué. 62. — Interdiction.

63. — Actes passés antérieurement à l'inter­diction.

64. — Conseil judiciaire.

demandeurs de leur action tendant à l'al­location d'une indemnité de préavis, se fondant pour en décider ainsi, d'une part, par référence à la motivation de la sentence dont appel, sur ce que « si l'employé est tenu de justifier de son incapacité de travail, il est également tenu de justifier de }a fin de son incapacité... », ou encore sur ce que l'employeur a « le droit de faire vé­rifier la cessation de l'incapacité, au mê­me titre que la loi lui donne le droit de faire vérifier la réalité de l'incapacité de travail elle-même », et, d'autre part, sur la considération que « les intimés (ici défendeurs) n'ont pas assigné au mé­decin choisi par eux un rôle dépassant les limites établies par la loi », celle-ci ne fixant aucun délai à l'employeur pour exercer son contrôle, lequel peut avoir lieu « pendant toute la durée de l'ab­sence de l'employé », et qu'en consé­quence, on ne peut, en l'espèce, faire grief aux intimés d'avoir exercé leur contrôle « à la fin de l'incapacité »,

alors que, première branche, si l'em­ployé tenu de justifier de son incapacité de travail, au besoin, s'il y est invité, par la production d'un certificat médi­cal, ne peut refuser de se soumettre à l'examen d'un médecin délégué et rému­néré par l'employeur, le rôle de ce mé­decin, selon les termes mêmes de l'article 8, alinéa 4, des lois coordonnées préci­tées, est uniquement de vérifier « la réa­lité de l'incapacité de travail » alléguée par l'employé, et que c'est, partant, ajou­ter au texte de la loi que de l'interpréter en ce sens que l'employé aurait égale­ment à se soumettre à l'examen du mé­decin désigné par son employeur, à l'ef­fet de vérifier si, l'employé se considé­rant lui-même comme étant en état de reprendre le travail, son incapacité de travail a effectivement pris fin (viola­tion de l'ensemble des dispositions léga­les visées au moyen à l'exception de l'ar­ticle 97 de la Constitution);

J U R I S P R U D E N C E