1974 sens et communication

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    I N S T I T U T N A T I O N A L DE R E C H E R C H E ET DE D O C U M E N T A T I O N P D A G O G I Q U E SSERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES

    SENSETCOMMUNICATION

    TT

    1974

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    Dans la mme collection

    2344 - L'enseignement du franais l 'cole lmentaire - essaiset confrontations (1970)2346 - L'enseignement du franais l 'cole lmentaire - aspects linguistiques (1971)2347 - L'enseignement du franais l 'cole lmentaire - principes de l 'exprience en cours (1971)2361 - L'enseignement du franais l 'cole lmentaire - plan

    de rnovation - hypothses d'action pdagogique(1973)2352 - Linguistique et enseignement du franais - recherchesau niveau du premier cycle (1969-70 - 1970-71) (1972)2356 - Enseignemen t du franais et enseignement des mathmatiques - deuxime cycle du second degr (1972)2357 - Linguistique fonctionnelle et enseignement du franais(1973)2363 - Enseignemen t du franais et l inguistique : problmespratiques et thoriques (premier cycle du second d egr)(1974)2365 - La ngage : langue parle, langue crite et crativit l 'cole maternelle (unit de recherche pr-lmentaire)(1974)

    Document de recherche l'usage des tablissementschargs d'exprimentationTous droits rservs

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    SOMMAIRE

    P a g e sPREALABLES Prsentation du contenu 9 Essai de dfinition d'une recherche pdagogique pour sens etcommunication (Patrick CHARAUDEAU) 11 Rflexion smio-linguistique sur la communication (P. CHARAUDEAU) 19 Indications bibliograp hiques 31A. ELUCIDATION DU SENS

    ProblmatiqueI. Enseignement d 'une grammaire du sens : hypothses(P . CHARAUDEAU) 35I I . Procdure pdagogique (P. CHARAUDEAU) 44 ExemplesI. Exercice d ' lucidation smantique part ir d 'une phrasedonne (Henri BESSE) , . 47

    I I . Exercice d ' lucidation sm antique par t ir d 'une fauted'expression (P . CHARAUDEAU) 49III . Exercice d'lucidation de la situation de communicationet approche du rci t oral (H. BESSE et P. CHAR AUDEAU) . . . . . . . 52B, COMMUNICATION ET EXPRESSION

    Tableau de rpartition des exprim entations 64 L'enqute socio-culturelle sur et par la classePrliminaires 67

    I. Prs enta tion de la fiche (Rmy MARTEL) . 67II . Compte rendu des p remiers rsu l ta t s (Denise BURGOSet R. MARTEL) . 70III . Hyp othses scientifiques (P. CHARAUDEAU) 78IV. Descript ion des circuits de comm unication de l ' exp rimenta t ion (P . CHARAUDEAU) 783

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    Discours et enunciationA - OBJECTIF ET INTERPRETATIF DANS L ' IMAGEPr l imina i res 81I. Prs enta tion de la fiche (R. MARTEL) 82I I . Hypothses smio-l inguist iques sous-jacentes (P. CHA-RAUDEAU) 85II I . Descript ion des circuits de comm unication mis en u vredans l ' exprimentat ion (P. CHARAUDEAU) 88IV. Compte rend u des prem iers rsultats (Andr TOURNESet Annie HUCHON) 91

    B - OBJECTIF ET SUBJECTIF DANS LES TEXTESPr l imina i res 99I . Hypothses smio-l inguist iques sous-jacentes (P. CHARAUDEAU) 99II a. Exercices sur des titres de jo ur na ux 1041. Prsentation de la fiche (R. MARTEL) 1042. Compte rendu des premiers rsultats (Bertrand

    MURCIER) 105II b . Exercices sur La Plage de R. Gri llet 1101. Prs enta tion de la fiche (R. MARTEL) 1102. Compte rendu des premiers rsultats (MartineBEAULU) 11 1II c. Exercices sur un extrait de La Modification 1171. Prs enta tion de la fiche (R. MA RTEL ) 1172. Compte rendu des premiers rsultats (MartineBEAULU) 118

    Structures narratives : premiers exercicesPrliminaires 121I. Pr sent ation de la fiche : diffrence en tre fonction etqualif ication (R. MA RTEL) 121I I . Exercice de production : laboration d 'une consigne etcompte rendu des rsultats (M. BEAULU) 1234

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    C. ANNEXES THEORIQUES Elments pour une descript ion des circuits de communicationet des comportements individuels dans le groupe (P. CHA-RAUDEAU) 129 Elments pour une descript ion smantique des noncs d 'undialogue (H. BESSE) 13 3 Elments pour un classement smantique des catgories grammaticales (P. CHARAUDEAU) 145 Elments pour une descript ion des s tructures narrat ives(d'aprs Cl. BREM OND ) 159

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    P R A L A B L E S PRESENTATION DU CONTENU ESSAI DE DEFINITION D'UNE RECHERCHE PEDAGOGIQUE POUR SENS ETCOMMUNICATION REFLEXION SEMIO-LINGUISTIQUE SUR LA COMMUNICATION INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

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    P R E S E N T A T I O N Gnralement, les problmes pdagogiques sont poss en ter-D U C O N T E N U m e s c l e " t ransmission du savoir. I l s 'agi t , dans cet te perspect ive, de t rouver la mthode pdagogique la plus adquate faire passer un savoir donn, de sorte que l'lve assimile un certain nombre de connaissances et ne soi t pas une simplemachine enregist rer.Cependant, mme lorsque ce savoir ne vient pas du matre maisdes l ivres, ou mme lorsque le matre imagine une tact iquepdagogique Induct ive pour amener progressivement l'lve acqurir le dit savoir, i l nous apparat qu'i l s'agit toujours d'uneprocdure de transmission.Ce que nous voulons fai re c 'est poser les problmes pdagogiques en termes d e cons truct ion du savoir par les lves,savoir visage mul t ip le qui na t des rapports de communicat ionqui s'tabl issent entre les individus.Dans cet te dernire perspect ive, la problmat ique pdagogiquen'est plus affaire d'application des sciences humaines ( l inguist ique , psychologie, sociologie, etc.), mais el le fait part ie intgrante d'une rf lexion thorique sur les fai ts de communicat ionet de langage.C'est pourquoi nous accordons, dans nos t ravaux de recherche,autant d ' importance la rf lexion thorique (1) qu'aux procdures pdagogiques proprement di tes. On le remarquera toutau long de la prsentat ion de nos exprimentat ions ainsi quepar l 'existence des annexes thoriques en f in d 'ouvrage.Le travai l que nous prsentons, ici , et qui n'est qu'une part ied'un projet de longue haleine, peut se rsumer en une proccupat ion et deux axes de recherche : Notre proccupat ion c 'est de crer une pdagogie qui placel'lve au cur des mcanismes de la Communicat ion du pointde vue du Sens, rejetant dl ibrment la surface styl ist ique dudiscours.Nos axes de recherche sont : l 'un plus strictem ent l ingu ist ique, c'est--dire p lus tou rn versla phrase, encore que nous n'l iminions jamais totalement ladimension nonciat ive du discours. I l s 'agi t de la prem ire part ie Elucida tion du Sens ; l'autre plus smio-l inguist ique, c 'est --di re tourn vers latotal i t du discours comme acte de communicat ion. C'est ladeuxime part ie Com mun icat ion et Expression .Chacune de ces part ies se prsente d'une faon part icul ireparce qu'el le est le rsultat du travai l d'un groupe part icul ier et de toute vidence chaque groupe a une personnal i t qui lu i(1) A ce propo s, nous conseillons au lecte ur de commence r par la le ctu redes deux premires annexes .

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    est propre , mais cette diffrence tient galement au fait quele groupe Elucidation du Sens travaille aux niveaux du premier degr et du premier cycle du second degr, alors que legroupe Communication et Expression travaille exclusivementau niveau du second degr.Un dernier mot pour mettre un vu : que nos collgues dupremier et du second degrs nous fassent part de leurs critiques : une recherche de cet ordre a besoin d'tre constammentconfronte la multiplicit des ralits pdagogiques, et pourautant que nous exprimentions nous-mmes en classe, nous nepourrons jamais nous passer des ractions des autres collgues.

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    ESSAI DE DEFINITIOND'UNE RECHERCHE PDAGOGIQUEPOUR SENS ET COMMUNICATION

    PREAMBULESTravail lant essentiel lement dans le domaine psycho-socio-linguistique, nous ne pouvions pas ne pas nousinterroger, paral l lement nos recherches pdagogiques, sur ce que sont nos hypothses thoriquesde base, sur notre conception d'une mthodo logiede l'enseignemen t du franais, et donc, du mmecoup, sur ce que devrait tre le cadre dans lequelnous dployons notre activit de recherche.I l est vident qu'une telle rflexion impliquait d 'unepart que nous analysions et critiquions des modlesexistants e t d 'autre part que nous thorisions part ir du concret de nos exprimentat ions, pouressayer d 'aboutir un ensemble cohrent d 'hypothses.Ceci explique, par consquence, que nous soyionsamen nous dfinir en contrepoint d 'une certainefaon de concevoir la recherche pdagogique (I),sans compter que cette faon de procder permettrade mieux faire ressort ir nos propres hypothses( I l e t I I I ) .

    L CE QUE NOUS NE FAISONS PASCe que nous voulons viter de faire et celan'est pas simple , c'est de l 'application d'une discipline scientifique. Nous ne faisons pas de la linguistique applique, nous ne faisons pas de la smio-tique applique, ni de la psychologie applique,ni de la psycho-sociologie applique, etc. , mais nousessayons de dfinir, en la faisant merger de nos

    exprimentat ions, une prob lmat ique pdagogi qu e qui t ienne compte des donnes de la l inguistique moderne, de la smiotique, de la psychologie,etc., ce qui est trs diffrent.Les raisons, qui font que nous nous opposons cette vue applicative de la pdagogie, sont aunombre de deux ; l 'une tant corrlat ive de l ' autre .1) Premire raison : I l ne faut pas confondre expriences scientifiques qui s ' inscrivent dans le cadre dela thorie d'une discipline scientifique et exprimentat ion pdagogique qui s ' inscri t dans le cadred 'une mthodologie part iculire et autonome, laquelle repose sur une ral i t tout aussi part iculire :la classe.Exemples : Faire une exprience de d y n a m iq u ede groupe dans la classe, c 'est faire une expriencede psycho-sociologie et non une exprience pdagogique dans la mesure o cette exprience de dynamique de groupe, pour tre probante, neutral ise ,provisoirement, l 'une des composantes de la ral i tpdagogique par exemple, t ravail sur les procdures et l imination du contenu. Tester part ir de quel ge on peut tudier les s t ruc tu res nar ra t ives avec les lves, ou testerla diffrence de comportements selon les ges etles sexes en face de ce phnomne smiotique implique galement l ' l imination d 'un certain nombred 'autres composantes qui devraient entrer partentire dans l ' act ivi t pdagogique. Tester les performances de raisonnement des enfants en fonction d 'un certain nombre de paramtres,ampute forcment la relat ion pdagogique de l 'uneou l 'autre de ses composantes.

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    Enfin, vrif ier la validi t de te l modle mta-l inguist ique grammatical ou lexical , nous semblebeaucoup plus tourn vers le modle en questionque vers ce qu'est la totalit de l 'acte pdagogique.Mais entendons-nous bien, i l n 'est pas quest ion dednier ces procdures exprimentales leur valeur,ni mme l 'u t i l i t qu 'el les peuvent avoir pour amliorer la mthodologie de l 'enseignement. Celle-cia besoin de connatre les procdures de communication dans le groupe-classe, elle a besoin de connatre les conditions de saisie et de production desstructures narrat ives et de te l ou tel type de raisonnement, elle a besoin, enfin, de savoir commentragissent les lves devant tel ou tel mtalangagequ'on pourrai t leur proposer .Nous disons cependant que ces procdures exprimentales n 'appart iennent pas en propre la total i tpdagogique que nous, nous voudrions sais ir t ravers une mthodologie qui aurai t son autonomie.2) Deuxime raison : En rester une procdured 'exprimentat ion tel le que nous venons de la df inir , e t qui se trouve hors du cadre proprementmthodologique c'est, notre avis, maintenir unepartition totalement artificielle des activits de laclasse de franais. En effet le dcoupage de ces act ivi ts sera toujours : la classe de gra m m air e,la classe de vocabulaire q u ' o n a p p e l l e r a m a in tenant mthodologie de l ' enseignement de la grammaire et de l ' enseignement du lexique , un fourre-tout qu'on appelle classe d'expres sion dans lequelon met toutes les activits de communication orale,plus ou moins l ibre et certaines act ivi ts de communication crite, et enfin, classe de l i t trature laquelle on ne donnera certainement plus le mmeinti tul , mais qui correspondra au moment o l 'ontrai tera de thmes l i t traires , philosophiques, idologiques, voire politiques.Notre cr i t ique l ' gard de cet te part i t ion art if icielle des activits de la classe de franais reposesur une position la fois thorique et mthodologique de notre part . On ne les exposera pas dansle dtail, et nos deuxime et troisime points lesmettront en vidence. Disons seulement que dupoint de vue d 'une thorie smio-l inguist ique dela communication on ne voit pas du tout quoicorrespond cette partition et on peut donc se demander s i un modle pdagogique peut tre encontradiction avec les phnomnes rels de lacommunica t ion humaine .

    D'autre part , du point de vue mthodologique i lnous para t important de ne pas confondre m thodologie de l 'enseignement du franais et typesde classe . La mthodologie fournit l 'ensembledes composantes de base dont doit dpendre l 'activitpdagogique de la classe. C'est donc une total i t .L e type de classe est la spcification de certainesactions pdagog iques ; ma is ces actions pd agog iques, ponctuelles par consquent, doivent inclure latotal i t mthodologique prcdente .Exemple : si en classe on veut faire dcouvrir auxlves certaines structurations de langue, la procdure mise en place devra tenir compte de la totalitmthodologique. Ainsi un type de classe que l 'onpourrai t baptiser dcouverte des s tructures l inguistiques du franais devrait inclure le grammatical, le lexical, et une procdure de travail quit ienne compte des composantes psycho-socio-smio-l inguist iques.

    II . NOTRE CONCEPTIONDE LA RECHERCHE PEDAGOGIQUEChemin faisant, nous avons dgag ls diffrentsniveaux qui composent ce cadre de recherche quenous croyons trs part iculire .1) Tout d'abord le niveau thorique : problmatique de la communication .Que serai t , en effet , une exprimentat ion pdagogique sans thorie sur la communication alors que le pdagogique est, par excellence, de la communication ? De mme que serai t une pdagogie de lal i t trature sans thorie de la l i t trature ? Et l 'onpeut se demander, ce propos, si l 'chec de cetenseignement ne tient pas autant l 'absence depdagogie qu' l 'absence d'une problmatique de lal i t trature .Cette problmatique de la communication est , pournous, de type smio-linguistique et essaye de rendrecompte de la totalit des faits de communication.2) Le nive au m thodologique : mthodologie del'enseignement du franais qui est radicalementtourn vers le pdagogique mais utilise les donnes

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    des sciences humaines. Ce niveau est autonome,il a son existence propre et c 'est l que se situentles concepts qui prsident l 'activit pdagogique engnral (voir I I I - 2) .C'est ce niveau galement que se situent nos procdures d 'exprimentat ions.3.) Le niveau : exprimentations scientifiques setrouve entre 1) et 2) mais, comme nous l 'avonsdj dit, il est plus dpendant de 1) que de 2) etcependant il est indispensable la construction dumodle mthodologique.4) Le niveau : type s de classe qu i ne pe u t se d finir qu'aprs avoir tabli le cadre mthodologiqueet qui constitue la spcification de l 'activit pdagogique gnrale en fonction d'une classe particulire. Cette spcification dpendra aussi biende l ' infrastructure administrat ive, que des moyensmatriels existants , du cadre d 'enseignement, del 'ge des enfants, du milieu social de recrutement,bref d 'un certain nombre de paramtres sociologiques et socio-conomiques.C'est le domaine de la pdagogie diffrencie.Schma rsum ci-dessous.Remarques : a) Certaines f lches sont doublementorientes ; c 'est que toute exp rimentat ion et r

    f lexion l 'un des niveaux se rpercute sur l ' autre .Et nous n'hsiterons pas dire que la rflexionmthodologique nous a permis de prciser des pointsthoriques encore obscurs .b) On voit que dans un tel cadre de recherche,l ' valuation pose des problmes.Elle est possible dans le cadre de l ' exprimentat ionscientifique puisque celle-ci cherche par sa procdure mme vrif ier des rsultats .Mais elle est difficile dans le cadre mthodologiquepuisque l ' exprimentat ion parie sur une transformation long terme des procdures de saisie et deproduction des phnomnes smio-l inguist iques dela part de l 'enfant ; on ne peut donc savoir paravance ce qu ' i l faut regarder pour procder une valuation. L 'valuation n 'est gure possibledans une activit vise prospective.c) Enfin dernire remarque, tant donn que la mthodologie de l ' enseignement du franais n'estpas un modle r igide de procdures f iges, maisu n cadre d'activit pdagogique avec ses composantes et ses types d'action, on comprend aismentque le succs d 'une pdagogie moderne dpende dela formation du matre . Car au bout du comptece cadre mthodologique c'est un savoir interroger,dcouvrir e t analyser les phnomnes smio-l inguist iques travers des procdures de communicat ion. I l faut donc que le matre possde lui-mmece type de savoir-faire .

    Problmatique communication

    #Mthodologie enseignement

    ^ >Types de classe

    %Expriences scientifiques

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    III. NOS HYPOTHESES DE TRAVAIL1. Problmatique de la communicationNos hypothses sont prsentes au fur et mesurede la publicat ion de nos travaux, car i l nous para tindispensable qu 'el les s 'enracinent dans une exprimentat ion et qu ' inversement les enseignants serendent compte que nos exprimentat ions s ' inscrivent dans un cadre thorique cohrent .Essayons cependant d'en donner les lignes de force.a) Tout acte de communication repose sur un rapport t r iangulaire IL < JE > TU, centr sur le JE .Donc communiquer c'est, la fois, symboliser lemonde ( parler le monde ) et transmettre cettesymbolisation. En cela tous les actes de discourssont des actes de communication, de l ' information bana le ! la posie.b) Mais cette t ransmission ne va pas de soi, carle rcepteur (TU) n 'est pas l ' metteur (JE). Pourlui, le discours qui lui est transmis est opaque ;il doit le dcouvrir. I l a, pour cela, la possibilit de prendre possession de la parole sontour, pour demander des elucidations au JE prcdent, s 'opposer lui ou surenchrir sur lui. Dumme coup on voit que tout JE reoit un refletdu discours qu ' i l a produit t ravers les ractionsdu TU.Conclusion : l 'acte de comm unication n'est pas si mplement un acte de diffusion d' information uninterlocuteur qui enregistrerai t passivement, maisbien un acte polmique puisque JE et TU se trouvent dans un rapport de surenchre qui t ient ceque chacun des interlocuteurs, devant la spcificitde fait de son discours cherche tablir un consensus avec l 'autre (dualit : consensus / spcificit).c) Consquence : ce que t ransmet le JE dpenddu type de rapport qu ' i l tabli t avec le TU. Autrement di t la symbolisation du monde est relative ce type de rapport. C'est pourquoi nous disonsque tout discours s ' inscrit avec ou contre des discoursantcdants , ce qui consti tue l ' implici te du discours .Cela nous amne une autre conclusion : puisquela symbolisat ion (c 'est--dire la construction du

    savoir ) se fai t t ravers des rapports polmiques,c'est que le savoir n'est pas pr-constitu ; chaque individu se construit son propre savoir traversune somme de rapports de communication, et doncle savoir n'est pas unique mais relatif cettesomme d e rapports de communication.2. Niveau mthodologique Nous voudrions donc crer une pdagogie danslaquelle l ' lve n 'aurai t p lus recevoir mme dumieux possible un savoir prconstitu mais seraitamen plutt se construire son propre savoir, et en prendre la mesure. Nous voudrions que toutlve lorsqu' il produit un discours ne se contentepas de reproduire un savoir qui appart ient uncertain modle pdagogique, mais soit un JE partentire, responsable et conscient du discours qu' ilp rodu i t . Mais maintenant se pose la question de savoir comm ent atteindre cet objectif ?Rponse : Essentiellement par la mise en uvred'une technique d'lucidation travers certainesprocdures de communication. Cette technique d ' lucidation , on le comprendra aisment, se dfinit au fur et mesure de nosexprimentat ions, puisqu ' i l faut qu 'el le merge dela ral i t pdagogique.Cependant nous pouvons dj en donner les fondements .I l faut, pour cela, distinguer problmatique del'lucidation et domaine d'application .2.1. PROBLEMATIQUE DE i L'ELUCIDATIONPour qu' il y ait vritablement elucidation efficace,il faut trois conditions : Faire dcouvrir le phnomne qui fai t problme,et le localiser. Donner la possibil i t d 'analyser ce phnomne. Excuter ce travail de dcouverte et d 'analysedans une dmarche essentiel lement inductive.Autrement di t i l faut :a) Mettre l 'lve dans des conditions d'exercice quil 'obligent ; dcouvrir , t ravers la manipulat ion

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    d'un matriau et travers les blocages du circuitde communication dans lequel i l se trouve, unphnomne auquel i l n ' tai t pas forcment sensible .C'est ici que se situe notre recherche sur les t e c h niques de s imulation des circuits de communicat i o n .b) Lui fournir des possibilits d'explication en luiproposant plusieurs faons d ' interroger le phnomne en question, et en faisant en sorte que cesfaons d' interroger et les rponses apportes soientle fait de l'ensemble de la classe. C'est ici que sesitue notre rflexion sur les techn iques mta l in -guist iques d ' lucidation.Ainsi il y a d'abord une elucidation qui passe paru ne pra t ique avant qu 'el le mette en jeu uneconna issance .Au total i l y a un mouvement d 'enchanement successif pratique-connaissance puisque aprs laphase technique d 'analyse i l y a une nouvelle miseen oeuvre de la pra t ique qui permet une rcur rence sur la prat ique prcdente et la dcouvertede nouveaux phnomnes .C 'est donc ce mouv ement prat ique -* connaissance - pratique -* connaissance qui constitue laproblmatique de l ' lucidation et on remarquera, travers la lecture de nos travaux, que toutes nosprocdures pdagogiques respectent cet te problmatique (voir procdure pdagogique de l 'lucidationdu sens) . (A. I I p . 44) .

    2 .2 . DOMAINES D'APPLICATIONDE L 'ELUCIDATIONIl y a essentiellement deux domaines d'application :le domaine str ic tement l inguist ique, e t le domainesmio-l inguist ique.a) D. LINGUISTIQUE : C 'est le l ieu de dcouverteet d 'analyse des s tructures l inguist iques de la langue(structures grammaticales et lexicales) traversdes procdures pdagogiques inductives.b) D. SEMIO-LINGUISTIQUE : C 'est le l ieu dedcouverte et d 'analyse des phnomnes du discours,tant sous leur aspect formel (comme les structuresnarrat ives) que sous leur aspect smantique ( invest issement mythique et ractions mythologisantes deslves) toujours travers des procdures pdagogiques qui respectent notre problmatique de l ' lucidation.

    3. Programme d ' expr imenta t ionsNous sommes maintenant en mesure d 'exposer notredouble p rogramme d ' expr imenta t ion .3.1. DOMAINE LINGUISTIQUE : Eluc ida t iondu sens et dcouverte des s tructures l inguist iquesdu franais .a) NIVEAU : 1 er degr et 1" cycle du second degr.b) PROGRAMME : I l ne peut pas y avoir de programme dtai l l , comme pour l ' exprimentat ion dudomaine smio-l inguist ique parce qu ' i l s'agit ici demet t re au po in t une technique d ' lucidation p o u rfaire en sorte que les lves soient amens dcouvrir, prendre conscience et utiliser les structures l inguist iques du franais .Cette technique est labore part ir de quatrepoints de dpart : Les productions que l'lve est amen faire ,soit qu'on le place dans une certaine tche, soitqu ' i l a i t t mis au contact de l ' vnement. Des corpus pr-constitus par le matre ou leslves comme les tables de concordances, articlesde dictionnaire critiquer, liste d'exemples, manuels, etc. Documents visuels, images, bandes dessines,sketches en films fixes, etc. Textes littraires ou non-littraires pour tudierles cas de transferts , les techniques rhtoriques,et d 'une faon gnrale les jeux de langage.3 .2 . DOM AINE SEM IO-LINGU ISTIQUE : Structu res du discours et procdures de com mu nication .a) NIVEA U 1" et 2 cycles du second degr.b) PROGRAMME : Tout discours est la rsultantede la mise en oeuvre des diffrentes fonctions dulangage (polmique, rfrentiel le , rhtorique, e tc . ) ,et c 'est selon le degr de participation de ces fonctions que l 'on peut diffrencier les discours et lesgrouper par types.Nous avons donc pens qu' il fallait d 'abord dcomposer ces diffrents aspects du discours, les tudier

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    avec les lves de faon mieux recomposer ensuitel 'ensemble de tout acte de communication qui inclutces diffrents aspects.D 'o notre dcoupage, purement tact ique, qui nouspermet de faire nos exprimentat ions, par sries ,sur chacun de ces aspects :1) Discours narratif2) Discours polmique3i) Discours rhtorique4) Varit des discours

    1) Discours narratifEtude du discours narrat if t ravers :a ) ETUDE SUR DESCRIPTION OBJECTIVE ETDESCRIPTION INTERPRETATIVE A PARTIRD E : Image f ixe Textes (non-l i t traires et l i t traires) Production des lvesb) ETUDE SUR L 'OPPOSITION DIALOGUE/RECIT ET SUR LES DIFFERENTS TYPES DE RECITS en fonction des circuits de communication part ir de : Squences d ' images Textes (non-l i t traires et l i t traires) Production des lvesc) ETUDE DES STRUCTURES NARRATIVES part ir de : Pro duc tion des lves Tra vail c om par sur contes, nouvelles, etc. Les structures narrat ives au cinma, au thtre .d ) QU 'EST-CE QUE LE DISCOURS CRITIQUE ?2) Discours polmiquea) ETUDE DE L 'ARGUMENTATION LINGUISTI QUE A TRAVERS : Le discours publici ta ire

    Le discours propagandiste Le discours d 'essai philosophique Le discours informatif et cr itiqu eb) QU'EST-CE QUE L'ENQUETE DU POINT DEVUE DE LA COMMUNICATION?3) Discours rhtoriquea) ETUDE DES PROCEDES RHETORIQUES ATRAVERS : Les t i t res de journaux La publici t L ' h u m o u r La chanson L 'a rgo t La posieb) QU 'EST-CE QUE LA POESIE ?4) Varit des discoursa) ETUDE DES DIFFERENTS TYPES DE DISCOURS DE LA PRESSE et des s i tuations non-ciat ives qu ' i ls vhiculent :> Chro nique (?) Faits divers (?) Articles de fond (?) , e tc .b ) ETUDE D 'AUTRES DISCOURS Scientifique> Dida ctique etc .c) QU 'EST-CE QU'ECRIRE , QU'EST -CE QUEP A R L E R ?Remarques : I l est vident qu' il n 'y a pas de cloisons tanches entre chacune de ces sries. A proposdu narrat if on rencontrera du rhtorique, proposdu polmique on rencontrera du narrat if e t du rhtorique, etc. Nous en avons conscience, mais il s'agit,dans chaque part ie de btir l ' exprimentat ion autourd 'une procdure discursive part iculire .

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    Chaque srie d 'exprimentat ion forme donc untout en soi et possde une certaine autonomie. Maisen mme temps, chacune d 'e l les s 'ar t icule sur lasuivante pour consti tuer un nouvel ensemble chaquefois plus complet. C 'est tout au long de nos exprimentat ions quenous nous interrogeons simultanment sur les procdures de communication, e t les techniques d ' lu-cidation puisque nous avons vu (mthodologie) quenous ne voulions pas sparer procdures de contenu , le savoir de l 'lve se construisant danset pa r les procdures pdagogiques.

    Enfin on fera la remarque suivante : aucunmoment nous n ' avons par l de l i t t ra tu re n i dediscours l i t traire . Non point que nous ne croyionspas une tel le ral i t , mais parce que nous refusonsde considrer l 'uvre l i t traire comme ayant unefin en soi. Elle est, pour nous, une des manifestationsposs ib les d ' ou t re chose , au t rement d i t e l le es tl 'actualisation possible (dpendant d'une codificationpart iculire) d 'un discours mu lt iple qui p arl e lemonde .P . CHARAUDEAU.

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    REFLEXION SEMIO-LINGUISTIQUESUR LA COMMUNICATION

    1. INTRODUCTION1.0. L'analy se du discours est un secteu r de lal inguist ique en plein dveloppement. Les recherchesactuelles se situent aux confins des autres scienceshumaines telles psychologie, psychanalyse, sociologie et anthropologie, qui font partie intgrante desphnomnes de communication.1.1. Le linguiste a longtem ps craint de sortir deson champ d 'tude str ic tement l inguist ique de peurde trah ir sa mthodologie ; pour cette rais on ilconsidrai t avec prcaution les tentat ives d 'ouverture vers l 'une de ces sciences. Cependant une rflexion nouvelle qui se situe l ' intersection de laphilosophie du langage et de la smiotique littraire et non-l i t traire et de la smantique, s'estimpose l ' in tr ieur mme de la linguistique, et aoblig le linguiste remettre en question un certainnombre de prsupposs pistmologiques. Cette rf lexion nouvelle peut tre appele d 'un mot : renonciat ion . Avec les tudes sur renonciat ionil n 'y a plus de linguistique innocente , comme ledit M. Foucault, le signe est devenu malve i l lant , c 'est--dire non plus clair , mais o paque et dcouvrir dans toute production de discourspuisque se constituant d'une faon spcifique danschaque production de discours.Mais cette nonciation constitue galement un faitnouveau du point de vue mthodologique car el lepermet au linguiste de s 'ouvrir vers ces sciencesconnexes dont nous parl ions, sans pour autant sort irindment de son champ d' investigation, car cetteouverture i l la fai t t ravers une thorie de lacommunication, qui reste faire d'ailleurs, mais donton voit natre les prmisses.1.2. Ce que nous proposons dans ce court artic le,ce sont des lments de dfinition pour une thorie

    de la communication, au vu de quoi nous laborerons un questionnaire dest in faire appara trele cadre nonciatif dans lequel a t produit lediscours que l 'on cherche tudier.Mais i l faudra se garder de considrer ce quest ionnaire comme la total i t de l ' analyse du discoursen question. I l n 'est que le premier temps d 'uneanalyse du discours qui devra se prolonger par larecherche des caractris t iques l inguist iques (et /ourhtoriques) de chaque discours tudi .

    2. SENS ET SIGNIFICATION ENONCE ET DISCOURS 2.1. OBSERVATION : soit par exemple :(1 ) A la base des bonnes affaires en Irlande set rouve PAl l ied I r i sh Inves tment Bank .a) Pour qui a une comptence l inguist ique suff isante en franais, cet nonc est dot de sens ; c 'est--dire, de la faon la plus empirique qui soit, oncomprend quelque chose cet nonc.Bien plus, on est en mesure de dcomposer l ' information qui , dans un premier temps, a t sais ieglobalement.Ainsi on aurai t :(a) il s'agit des affaires qui se font en Ir lan de (b) ces affaires sont les bonnes affaires (c ) il y a l 'Allied Irish In vestm ent Ba nk plus la relat ion qui s ' tabli t entre cet te dernireinformation (c) e t les deux premires (a) e t (b) ,relat ion explici te par la base de

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    plus une certaine formulation de la phrase quila rend diffrente de tout autre formulation.b) Pourtant cet te dcomposit ion ne nous l ivre pastout sur la valeur communicatr ice de cet te phrase.Faisons un test ; prcisons les circonstances decommunication qui encadrent ce discours, puis faisons-les varier. Nous constaterons que l ' informationvariera en mme temps, mais seulement en part ie : JE (sujet produisant le discours) professe une idologie anti-capital is te . I l s ' adresse dans l ' instant de ce discours un TU qui essaie (par lesdiscours antcdants) de le convaincre que l ' I r landeest un pays bases dmocratiques.Dans ce cas la phrase produite est un discours quicontiendra, outre les informations prcdemmentdcomposes les informations suivantes : vousvoyez, l 'conomie de l ' Irlande repose sur des trustsfinanciers e t voil la preuve qu' il s'agit d'unpays cap i ta l i s te . JE appart ient une banque concurrente . TUappart ient la mme banque que JE. Le discoursd e JE pourra alors signifier en plus, et selon laspcif ic i t du rapport JE-TU : l 'AIIB nous estsuprieure et je l 'avoue . JE appart ient l 'AIIB.Il est possible alors que l ' information supplmenta i re tou jours pour un rappor t JE-TU par t i culier soit : Vraiment nous sommes les plus puissants et j e m ' e n v a n te . Supposon s prsen t, qu e ce discours soit unslogan publicitair e. Si l 'on pose que l 'objectif duslogan consiste provoquer chez le tu-lecteur-consommateur le dsir de se procurer un produit ,et que, cette fin, le slogan lie l 'achat du produit,l 'espoir d'obten ir un e satisfaction, on, acceptera quetout s logan repose d 'une faon plus ou moins explici te sur le raisonnement suivant (1) : si vousachetez le produit P , vous obtenez le rsultat R,ou si vous voulez le rsultat R, achetez le prod u i t P .(1) On lira l 'excellen t article implication et publicit de Y. Blum et J . Brisson in Langue franaise , n 12,Larousse.

    Dans cette perspective et pour revenir notreexemple, on en dduira les informations supplmentaires suivantes : Si vous voulez q ue vos affaires soient bonnes,il faut y m ett re la base, l 'AIIB . Or, vous ne pouv ez que vouloir cela, donc conta ctez l 'AIIB. c) On voit, par consquent, qu'on ne peut saisir latotalit de signification d'un discours, qu'en prcisant les instances du discours, savoir le JE , leTU et le rapport spcifique, aussi bien matrielqu' imagin (voir plus loin 3.2.), qui lie JE et TU.La preuve en est qu' il suffit que l 'on change cerapport pour que la totalit de signification d'unmme nonc, change en mme temps.Mais on aura remarqu galement que s ' i l y a variation de la totalit de signification concommitament la variat ion du rapport JE-TU plus gnralement du rappor t t r iangu la i re JE-TU-IL que l ' onappellera provisoirement circonstances de communication , il semble que l 'nonc, lui, soit toujoursprsent avec un sens global qui correspondrait la saisie empirique de cet nonc hors circonstances de communication par tout individu de mmecommunaut socio-l inguist ique ayant comptencelinguistique suffisante.Nous pouvons donc anticiper, ds prsent, surnotre explication (1.2.) et poser qu'une phrase considre hors circonstances de communication est unnonc ayan t un sens et , que cet te mme phrasein-circonstances de communication ce que l 'onappellera plus loin le cadre nonciatif est undiscours ayant une signification spcifique et, cet i tre , ayan t valeur de communication.

    2.2. EXPLICATIONAinsi donc est pos le problme du sens et de lasignification, ou pour l 'exprimer autrement, de laconstante et des variables smantiques dans unprocs de communication, puisque c'est ce que nousavons remarqu dans no t re p rcden te observation.

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    Pour essayer d'lucider ce problme, nous allonsd'abord dfinir la communication comme un phnomne 'inter-comprehension (a) puis nous essaierons de voir comment le langage se constitue dansle cadre de cette communication (b) et enfin nousen dduirons la ncessit d'tablir cette double distinction nonc/discours et sens/signification ( c ) .a) On a toujours affirm qu' il fallait, pour qu' il yait communication, la prsence d'un locuteur et d'unauditeur que l 'on nomme parfois , en termes gnrau x : metteur et rcepteur .Mais peut-tre n 'a- t-on pas encore t i r toutes lesconsquences de cette affirmation. Tout procs de comm unication ren ferme bienune information puisque, plus ou moins brvechance, i l provoque une raction physique oulinguistique . C'est l, la seule preuve empiriqueet exprimentale que nous ayions de ce phnomne ; ce sujet, Bloomfeld, linguiste amricain des annestrente avait dj remarqu : deux si tuations nesont jamais totalement semblables et donc les messages qui s 'y attachent respectivement ne sont pasidentiques. Pourtant on constate qu ' i ls provoquentdes ractions identiques chez les individus diffrents .Mais nous pourrions tre encore plus prcis dansnotre observation et constater alors, qu'en fait,l 'metteur n'est satisfait et donc estime que soninformation a t reue que lorsque le rcepteura ragi cette information ; raction, qui en re tou r,reprsente pour l ' metteur l ' existence de l ' information qu' il vient de produire. On voit, alors, que lercepteur est autre chose qu'un destinataire passif duprocs de communication, comme le prsente la plupart des thories de la communication ; il est, aucontraire, tout aussi actif que l 'metteur puisque ragir c 'est produire une information en retou r .Du mme coup on comprend que ce que l ' metteurattend du rcepteur, c 'est que celui-ci lui renvoie,de quelque faon que ce soit, le reflet de soninformation, ce qui nous induit penser que l 'metteur lorsqu ' i l communique a le dsir d'tre comp ris. Reprenons cela en d 'autres termes : Tout metteur se pose comme sujet communiquant, ds l ' instant qu' il produit un discours l'intention d 'un dest inataire , c 'est--dire , ds l ' instantqu ' i l prend possession de la parole, et c 'est pourquoinous le reprsenterons par JE.

    Tout rcepteur est l'interlocuteur d'un JE en activit de communication, c 'est--dire qu' il est lafois recevant un discours qu' il doit comprendre, etproduisant son tour une information. Nous lereprsenterons par TU.On dira alors que tout JE est en mme temps unTU en puissa nce puisqu ' i l produit un discoursen fonction de ce qu' il croit savoir du TU, et puisqu' il sera effectivement un TU (diffrent du prcdent) , lorsque l ' in ter locuteur aura pris la parole son tour pour lui renvoyer le ref let de son discours.De mme, on dira que le TU est en mme temps unJE en puissance , puisque comprendre le discoursqu' il reoit c 'est essayer de le saisir comme s' iltait en lieu et place de celui qui le produit, et puisqu' il sera effectivement JE (diffrent du prcdent),lorsqu' il prendra la parole son tour. Ainsi la communication l inguist ique n 'est plusconue comme la s imple production d 'un discours l ' adresse d 'un dest inataire , mais comme une rencontre dialect ique de deux mouvements qui partentchacun d 'un protagoniste , chaque protagoniste ayantun e personnalit double .On figurera ce progrs ainsi :

    (TU) (JE )A

    b) Donc, s i le langage n 'est pas donn, mais seconsti tue dans une total i t de procs de communication, et si tout procs de communication se ralisedans une duali t JE-TU, nous sommes obligs d'admettre qu ' i l n 'existe pas un code l inguist ique parcommunaut socio-l inguist ique, mais autant de codeslinguist iques que d ' individus se posant comme JE un moment ou un autre . Autrement di t , chaqueindividu se consti tue un code forcment traversune somme de relat ions avec des TU, puisque, sanscela, il n 'existerait pas comme JE. Or, dans cettesomme de procs de communication le JE, nous21

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    l 'avons vu, cherche tre compris du TU, et, cettefin, il va chercher tablir un consensus aveccelui-ci ; mais pourq uoi doit- i l tablir u n consensus ? Et bien p rcisment parce que le langagen'est pas donn une fois pour toutes et que chaqueJE produit chaque fois un discours spcifique (spcificit dont il a, d 'ailleurs plus ou moinsconscience) qui est dcouvrir par le TU. Nous pourrions apporter des preuves ce quenous avanons. Ce sont des preuves issues de l 'observation des phnom nes de comm unication, mais el lesn'en ont pas moins de valeu r. I l suffirait d 'tud ierle mcanisme de la cration des signes dans diffrents domaines l inguist iques comme le domainetechnique, le domaine argotique et le domaine pot ique. Le fai t qu 'aucune cration l inguist ique ne soitfaite ex-nihilo, mais soit toujours faite par transfert part ir de s ignes dj existants est une preuve dece jeu consensus/spcificit sur lequel reposetoute communication et donc la constitution du langage.Nous ne pouvons trop nous tendre sur ce pointdans le cadre de cet ar t ic le , e t nous rappelleronsseulement, l ' existence du mtalangage dans le langage humain auquel nous avons consacr un art ic le : les bases de la technique mtaligu ist ique d ' lu-cidation (1).I l arr ive parfois au JE d ' interrompre son discourspour soll ic i ter directement le TU par des noncsdu genre : Tu comprends? , Tu vo is ce queje veu x dire ? .De son ct, le TU, sans mme avoir t sollicitpar le JE peut galement manifester : Qu' i l comprend bien l ' information : je vois. Qu'il ne comprend pas (ou pas bien) : non, jene com prends p as . Qu' i l doute de son interprtat ion : mais alors ,dans ce cas, quel sens faut-il donner au mot pol i t ique ?Ces noncs qui ont un caractre f ig et autonomesont en quelque sorte des ouvreurs mta l ingu is -t iques. C 'est--dire que le discours qui suivra aurapour rle d'lucider le discours antcedant. Cediscours sur le discours, ce mtalangage d'lucidationest prcisment rendu ncessaire par l ' existence de(1) Etud es de Linguistique Ap plique n 11, Didier, 1973.

    cette spcificit inhrente tout discours que le JEessaye de rendre consensus, dans la mesure o leJE effectivement veut tablir un circuit d ' inter-comprhension. En fai t tout moment les protagonistes de la communication sont confronts ce problme qui est fort bien illustr par l 'un de cesouvreurs dont l ' expression est : Ah, mais at tention ! c'est qu' il y a dmocratie et dmocratie .C'est--dire le tour o le JE affirme qu' il y a lesigne x et le signe x' . C'est le phnomne de lapolysmie inhrente au langage.Mais i l est temps de revenir au problme que nousavons pos au dbut de cette explication la diffrence entre sens et signification et de l 'abordermaintenant la lumire de ce que nous savons surla communication l inguist ique.c) Nous avions remarqu lors de notre observationprcdente qu 'un nonc contenait un sens global celui qu 'on peut lui donner hors-contexte maisque plac dans une circonstance de communicationpart iculire , i l prenait une signif icat ion part iculire .Nous reconnatrons l le rsultat du jeu consensus/spcificit . Mais voy ons cela d'un pe u p lusprs. Sur quoi repose le sens ?Sur la possibil i t de produire un certain nombre dephrases al ternatives, autour de l ' nonc considr. Bien sr cet te act ivi t est systmatise mentalement. Elle rend compte la fois des lois gnralesde l 'organisation des signes linguistiques sur lesdeux axes syntagmatique et paradigmatique, e t deslois propres chaque code linguistique, celles-cireposant sur une probabil i t qui est donne parl'usage que la communaut fait de ces signes et deleurs combinaisons.Par exemple un nonc du genre (2) Pierre estau tennis peut tre saisi hors contexte. On lui attr ibuera un sens dans la mesure o l 'on peut opposer cet nonc d'autres comme (3) Pierre est aufootball , (4) J ea n est au ten nis , (5) P ier remange des pommes de terre , e tc .Ce sont ces oprat ions sur l ' axe paradigmatique etsur l ' axe syntagmatique qui nous permettent de reconnatre : Une certaine relat ion de base, qu 'on appellera ,ici, locative, et qui oppose (2) (3) (4) (5).

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    Pier re comme nom propre rfrentiel . tennis comme une enti t substantive ayantun certain contenu smantique. a comme un relateur de mouvement et /ousituation spatiale. le comme un prsentateur prsupposant uneconnaissance antrieure du signe prsent de lapar t de JE-TU. est comme un e explicitatio n de la relationde base dans un certain cadre temporel, etc.A noter qu ' i l est prfrable de parler de product ion de phrases al ternatives, car l ' emploi dut e rm e commuta t ion parad igm at ique laisse penser que les signes s 'opposent terme terme, alorsque faire une opposit ion paradigmatique, c 'est changer la total i t de la com binatoire syntag ma tique ;plus gnralement, tout moment d 'une oprat ionsur l 'un des axes, c 'est l 'autre que l 'on met encause. Par exemple, ici, ce n'est pas Pier re quis 'oppose Jean, ni football qui s 'oppose tennis , m ais la totalit d e (2) la tota lit de (3)(4) (5), (x) et (y).Mais il est aussi vrai que l 'on ne peut pas opposern' importe quel nonc (2). I l y a une slectionqui se produit et qui dpend d'une probabilit d'usage de ces phrases al ternatives, probabil i t d 'usagequi se constitue travers les consensus qui s 'tablissent lors de chaque procs de communication.Nous rpondrons donc la quest ion pose ini t ia lement : le sens d'un nonc repose sur la possibi l i t de construire des phrases al ternatives qui sefont en fonction d'une certaine probabilit d'usage .

    Sur quoi r epose la signification ?Sur la faon dont le JE se situe par rapport au TUet au monde le IL , travers son discours.En effet la spcificit d'un discours n'est jugecomme tel le que par rapport aux diffrents TU etnon au JE seul .C'est qu'en effet le JE produit son discours enfonction de ce qu'il croit savoir de TU ; p lus gnralement, en fonction de ce qu'il croit savoir deTU et de IL. Et comment sais i t- i l imagine-t- i l le TU et le IL, si ce n'est travers d'autres discours

    prcdemment p rodu i t s ?Autrement di t , nous ne ferions que par le r le monde et les autres et c 'est en par lan t le monde e tles autres que nous conceptualiserions l inguist i-quem ent l 'univers ; c'est a insi que no us crerionsdes significations.Nous dirons donc que tout discours produit reposesur d'autres discours antcdents avec lesquelsou contre lesqu els celu i-ci s'insc rit < et parfo isune part ie de ce discours est c lairement manifestedans le langage : par exemple, la relat ion de prsupposition linguistique. Si JE dit (6) Pier re con t i nu e nier , il ne se contente pas d'affirm er que lquechose sur le monde, mais comme dit O. Ducrot, ilaff irme aussi quelque chose sur l ' in ter locuteur puisqu ' i l prsuppose que celui-ci sait que Pierre niai tauparavant .Reprenons l ' exemple (2) . Supposons que JE soit lafemme de Pierre , e t que TU court ise JE. Alors ,outre son sens comme nonc, ce discours pourraavoir la signification nous sommes l ibres pour unmoment . On voit bien que cette signification n'estperceptible que par rapport d 'autres discoursimplicites qui ne sont perus que par des donnesextrieures l ' nonc produit .Ainsi donc, ces circonstances de communication dontnous avons parl auparavant se prcisent . Ce sontnon seulement l ' environnement matriel de lacommunication, mais aussi une certaine somme dediscours produits antrieurement qui font que le JEse situera d'une faon spcifique par rapport auTU et au monde travers son nonc. C 'est le rapport imagin .IL rf ren t ( JE met teur ) TU in te r locuteur .Nous rsumeron s cet te explicat ion :Le sens d'un nonc repose sur un consensus qui esttabli par une probabil i t d 'usage, ce qui permetde saisir cet nonc hors-circonstances de communication. Mais il n 'est pas encore un acte de communication.Les circonstances de communication sont ce quenous appellerons dornavant le cadre nonciat if dudiscours. Si l 'on considre donc l 'nonc dans soncadre nonciatif, alors cet nonc devient discours

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    ayant valeur de communication avec outre son sens-consensus, u n e signification-spcifique ; soit :ENONCE + SITUATION = DISCOURS| ENONCIATIVE \(usage-consensus) spcificit

    SENS SIGNIFICATION

    3. LA SITUATION ENONCIATIVELa situation nonciative peut tre dcompose endeux types de s i tuation : la s i tuation de communication et la situation de discours .

    3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATIONa) Elle reprsente les conditions matrielles de lacommunication, condit ions qui vont avoir une inf luence plus ou moins contraignante sur la communication :Evidemment i l s'agit de conditions matrielles pertinentes pour la communication. Par exemple s i deuxpersonnes assises la terrasse d'un caf commententdes vnements poli t iques, l ' environnement matr iel caf ne sera pas pert inent du point de vuedu rfrent , mais l 'une de ses consquences pourral ' tre , le fai t par exemple que les deux interlocuteurs assis la mme table soient prsents ,autrement dit ce qui est pertinent c 'est la prsencematrielle du TU.Il peut galement se faire, par ailleurs, que l 'undes interlocuteurs parle au garon de caf pour luicommander une boisson. Ds lors l ' environnementmatr ie l caf redevient pert inent du point devue du rfrent , mais seulement pour cet te instancedu discours.b) Cette situation de com mu nication repose sur troistypes de composantes : le rapport JE-TU, le rapport

    JE-Rfrent et le canal de transmission choisi parle JE et permis par l ' environnement matriel . Le rapport JE-TU, va tre condit ionn, dans unecertaine mesure par la prsence ou l ' absence du TU.En effet si le TU est prsent, le JE quel qu' il soitse trouve dans un rapport de perception directe etimmdiate avec le TU, ce qui veut dire qu ' i l u t i l i sera probablement le canal oral pour communiquer(voir plus loin) mais qu'en plus, il peut utiliserd 'autres moyens d 'expression gestes, mimiques, etc. , tant ainsi la merci de l ' autre par son compor tement , e t pouvan t en mme temps agir su r l ' au tre par ce comportement. I l s 'ensuitune convention qui est celle de l'change. C'es t - -dire que JE s 'adresse TU, mais qu ' tout momentTU peut devenir JE et t ransformer son interlocuteuren TU (voir notre schma de communication en22 a ). Et cela a des consquences linguistiq ues. Eneffet, le JE sachant tout moment qu' il peut treinterrompu par le TU, se trouve plus ou moinscontraint la prcipitation dans la transmission deses informations, ce que nous appelions la spontanit dans la communication.Cela explique dans de telles conditions, que lesdiscours produits se caractrisent par un ordre desmots particulier (ce qu'on appelle 1' ordre affectifdes mots, cet te mise en tte de la phrase deslments d ' information jugs intui t ivement les plusurgents , voire les plus importants par le JE), parune srie de phrases t rs segmentes, en accumulation, sans presque de liens logiques exprims,p a r une alternance de termes gnriques et de termes prcis smantiquement, tous ces caractres l inguist iques rpondant en fai t une dmarche de lapense qui se dveloppe en temps forts e t tempsfaibles et qui produit un discours ouvert en redondance progressive.Exemples :A. Tu es all voir H lne finalem ent ? B. Oh, tu sais , j ' a i juste t , un peti t moment,un aprs-midi chez el le (1) .

    (1) Il est viden t qu'il s'agit d'une transcription graphique d'un discours oral. A ce titre, cet exemple est choquant la lecture, alors qu'il est banal en situation deconversation.24

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    Dans le cas contraire TU absent -> non-change le discours prend une autre al lure . On remarque, l inguist iquement, un ordre des mots progressif, construit, une phrase beaucoup plus continuedans son dveloppement et dont la segmentation neheurte pas la lecture sauf cas d'effets voulus dansle cadre du discours l i t traire une succession designes prcis et concis smantiquement ; en effet,cette fois, la situation de non-change permet unedmarche de la pense plus rflchie, ce qui produitun discours continuit progressive qui tend se fermer sur lui-mme.Cependant il faut ajouter ceci : la prsence du TUpeut prendre des aspects multiples ; c 'est pourquoinous pensons qu ' i l faut galement se demander s ile TU est unique ou multiple. En effet il peut sefaire que le TU soit prsent mais sous forme mult iple un public , une runion de travail , e tc . Dans ce cas-l, la convention change et l 'changene se fait plus ; ou alors il se fait d 'une faon organise qui , en fai t , dmult ipl ie les rapports JE-TU c'est le cas de tables rondes, ce devrait trele cas de la classe .Par ai l leurs , i l sera galement ut i le , voire indispensable, de se demander si la communication est directeou mdiate. En effet nous avons un certain nombrede situations dans lesquelles A change avec B,bien qu' ils ne soient pas prsents l 'un l 'autrevisuellement. Et l 'on voit que le dveloppementdes mass-mdia complique et dmult ipl ie ces typesde rapports ; il faudra donc en tenir compte. Le rapport JE-rfrent est int imement l i auprcdent, au moins pour une part ie .D'abord, constatons que la prsence ou l'absencedu rfrent permettra au JE d 'avoir ou non unsupport matriel qui lui sera ut i le lorsqu ' i l communiquera par exemple lors de la procdure discursive de description mais i l faudra galement remarquer s i ce rfrent est commun au JEet au TU, ce qui n'est pas vident mme lorsquele JE est en prsence du rfrent (au tlphone,par exemple, A dcrit ce qu' il a sous les yeux etque ne voit pas B). Si donc ce rfrent est prsentet /ou commun, les discours produits sont des discours de l'implicite, alors que dans le cas contraireils seront forcment explicites sous peine d'checde communication.Mais il faut aussi interroger ce rfrent d'un autrepoint de vue. Est-il matriel ou non ? Est-il vne

    mentiel ou non. En effet cela va conditionner les procdures discursives dont nous parlerons plusloin (voir situation de discours 3.2.c), car si lerfrent est un objet matriel on peut en faire unedescription plus ou moins objective, mais on ne peuten faire un rcit, puisqu' il faut une successivitd 'vnements . Or, s i le rfrent est vnementielon peut procder un rcit, que l 'on peut d'ailleurs complter par une procdure de descript ion(ex. : un accident) . Le canal de transmissionIl s'agit essentiellement de l 'opposition oral/graphiqu e qu'on ne confondra pas avec parl/cri t laquelle on peut ajouter, si l 'on veut, mais avecune importance moindre, les opposit ions gestuel/non-gestuel, icnique/non-icnique.L'opposit ion oral /graphique concerne le choix dusystme de signifiants fait par le JE ou impos auJE par cet environnement matriel . Le canal oraluti l ise un code phonique, le canal graphique uncode graphique (alphabet , idogrammes. . . ) .Ce choix ou cette contrainte a encore des consquences linguistiques. En effet le choix du canaloral permet au JE d 'ut i l iser , par exemple, toutesles ressources de la prosodie qui lui permettrontpar l-mme, d 'conomiser du discours verbal (parexemple, l 'utilisation d'une intonation pour signifierl ' indignation n 'a plus besoin d ' tre explici te verbalement. Au contraire la contrainte du canal graphiq ueoblige le JE, une fois de plus tre explicite, maisen revanche, le discours graphique est un supportvisuel qui permet une lecture avec retours en arr ire , ce qui autorisera le JE ut i l iser ce que, banalement on appelle des digressions (d'o la difficult d 'une lecture voix haute pour un publicinn ocen t d 'un discours prous tien ) .On lira un tableau rsum (p. 26) de ces troistypes de composantes et de leurs consquences linguistiques, et nous voudrions conclure sur cettesi tuation de communication en faisant une remarque.On voit que l 'opposit ion tradit ionnelle langue parle/ langue cri te n 'est plus recevable comme l 'opposi t ion de deux ordres chacun pur et unique.Tout d'abord, il ne faut pas confondre, ce qui estsouvent le cas, parl et oral d'un ct, crit et

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    SITUATION DE COMMUNICATIONCondi

    TUtPrsent11

    J E\ \(TU)

    Absent

    tions matrielles Prsence du TU

    +Echange Rfrent prsente t /ou commun Canal : oral

    Absence du TU+N. change Rfrent absentet n . commun Canal : graphiq ue

    ^" Consquences Perception immdiate d 'uncompor tement Economie de tout ce qui estcommun dans la s i tuation Spontanit : temps fo r t s /temps faibles , dans la communicationDmarche en redondance p rogressive Non-possibil i t d 'effacement Non-percep tion, besoin deprcision

    Non-conomie Rflexion : pense continueet progressivePossibilit d'effacement

    ^ . " Car actr istique s du discourso Prosodie Economie de si-imp licite gnes lexica ux et desliens logiques

    Ordre des mots (affectif) Alternance termes gnriqueset prcis Phrase segmenteDiscours ouvert

    Contexte explicit a n t Effacement desExplicite rfrentiels Explication desfaits prosodiques Ordre des mots (construit)Successivit de signes prcis Phrases continues avec lienslogiquesDiscours qui tend se fermer(digressions possibles)

    graphique de l ' autre ; nous nous sommes dj expliqus l-dessus.Quant l 'opposition parl/crit, c 'est en fait uneopposition dont chacun des termes est la rsultanted 'une combinaison des composantes dont nous venons de parler. C'est pourquoi nous prfrons, pournotre part, parler de type de discours x ou y selonles situations de communication x ou y.E. Benveniste a dj propos d'opposer situation dedialogue situation de rcit et en effet, c'est cetteopposition qui est le fondement de la distinction discours parl/discours cri t (1) . Mais on ne peut se(1) E. Benveniste : Problmes de linguis tique gnra le , NRF, Gallimard, Paris, 1966 (chapitre V).

    contenter de cette seule opposition tant les combinaisons des composantes sont nombreuses.On aura donc intrt interroger tout dicours sansa priori d ' t iquetage d 'aprs le quest ionnaire quenous proposons en fin d'article.

    3.2. LA SITUATION DE DISCOURSC'est un domaine linguistique en exploration et dontl ' essai de s tructurat ion comme ce qui prcded'ailleurs n'engage que son auteur, bien que lespropositions qu' il fait ici dpendent forcment de

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    ses lectures et changes, c 'est--d ire d pendent d 'unesomme de rappor ts JE-TU-IL , tan t lu i -mme dansune situation de discours.Cette situation de discours repose donc sur l 'hypothse que tout discours est produit avec ou contreun ou plusieurs discours antrieurs cet te production, dans la mesure o l 'on accepte commepostulat de base que nous ne faisons que nousreprsenter le TU et le monde-IL travers le langage .Ainsi tout discours est produit en fonction de ceque le JE sait ou croit savoir du TU (savoirimagin qui dpend de discours antrieurs) , de cequ ' i l sai t du IL, e t de ce qu ' i l sai t de lui-mmeen rapport avec le TU et le IL.D'o les trois types de rapport sur lesquels repose( des degrs divers) tout discours, chacun de cesrapports mettant en oeuvre une fonction nonciativepart iculire : le rapport JE-TU et la fonction pol m i q u e , le rapport JE-nonc et la fonctionde modalisation , le rapport JE-rfrent et la fonction situationnelle (2 ) .

    a ) RAPPORT JE-TU : FONCTIONP O L E MI Q U ECette fonction comprend trois activits : Activi t de discrimination . Le JE doit manifester par son discours quel type de TU il s 'adresse.A cet gard, il dispose de signes linguistiques, lesappellatifs ( tu, vous, noms de famille, prnoms, titres , etc.) qui lui permettent de slectionner dans lepossible des TU celui ou ceux qu' il va solliciter.o Activi t de m ise distance . Le J E tablitun certain type de rapport avec le TU du point devue de ce que l 'on pourrait appeler la familiarit .Ce rapport il le manifestera dans son discours, tantt

    (2) On se gard era d'assimiler trop vite ces fonctions celles de R. Jakobson ou aux concepts de J. Dubois certains tant des emprun ts exposs notamment dans noncs et nonciations , in Langag e n 13, l 'analysedu discours , Larousse. Nous ne p ourro ns n ous justifierlonguement dans cet article mais disons qu'il s'agit lafois d'emprunts et de spcifications, voire de redfinitions.

    lors de la discrimination (ex. : m ec ! toi !vous ! Monsieur ! Excellence ! , montran t une mise distance chaque fois plus grande), tantt lors deschoix de s tructures syntaxiques et /ou des termeslexicaux (ex. : je ne puis et des clous ! ) . Enfait, c'est dans cette mise distance que l 'onretrouve une part ie des fameux niveaux ou re gistres de langue qu'on dfini t habituellementcomme une stratification verticale. Disons plutt quetout JE joue de l' accordon vis--v is du TU travers ses discours, et l 'on aura une vue plus justede ce phnomne, sans pouvoir encore en dterminerles variations (3). Activi t d ' agression/comp lici t . Tout J E, dsl ' instant qu' il prend possession de la parole, se meten position de supriorit vis--vis du TU, et essaie,par dfinition, de lui imposer un univers de discours . En que lque sorte il agresse le TU. Celui-ci , son tour, prend la parole et re tourne lerapport d ' agression en devenant JE, e t a inside suite ; c 'est cette surenchre qui fonde la fonct ion polmique terme qu ' i l ne faut pas prendredans son sens habituel, car il peut y avoir fonctionpolmique, mme quand les deux interlocuteurs sontd'accord sur un sujet.Ce tte agression et son complmentaire lacomplici t , (on retrouve pa r l -m m e notre jeuconsensus/spcif ic i t) peut revtir deux aspects discursifs : l 'aspect injonctif , l'aspect p e r suasif .Nous dvelopperons dans un prochain art ic le cet te fonction polm ique . Con tenton s-nou s de dire ,pour l ' instant, que l 'aspect injonctif ne laisseaucune al ternative au TU, en tant que discours, tandis que l 'aspect persuasif avec son complmenta i re la dissuasion tend enfermer progressivement le TU dans l 'univ ers de discours hab i lement p rsen t par le JE .On comprendra aisment que, par le biais de cet tefonction polmique, entrent dans le discours des

    (3) En tou t cas, cette faon d'envisager les f am eux re gistres peut avoir des incidences pdagogiques, si l 'onfait prendre conscience l'enfant de la multiplicit desrapport JE-TU et donc des discours qui s 'y attachent ente rme de distance . Ainsi on n'a plus de raison d'liminer l 'argot ni le jargon des enfants, mais on doit leurfaire sais ir ce que leur util isation implique comme rappor ts .27

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    composantes sociologiques, psychologiques, voirepsychanalytiques. En effet, tout discours dpenddes points de vue imagins de JE sur TU, de JEsur lui-mme, de JE sur ce qu ' i l croit que le TUsait de lui (JE) et de JE sur ce qu' il croit que le TUsait de lui-mme (TU). D 'o notre quest ionnaire(p. 30). La difficult rside du point de vue linguist ique, dans le reprage et la dtermination desmarques de discours qui vhiculent ces diffrentesinformations. C 'est dans ce domaine que la smantique a encore beaucoup faire , une sm antique dontle champ d'tude serait le discours tel que nousl'avons dfini.

    b ) RAPPORT JE-ENONCE : FONCTIONMODALISATRICECe concept est en part ie emprunt U. Weinreich.Il s'agit du rapport que le JE entret ient avec sonpropre nonc quant son adhsion celui-ci.Cette adhsion est d'ailleurs va riabl e. Ta nt t le JEpeu t prendre en charge son discours et le manifester, tantt au contraire, il peut mettre une certaine distance entre son discours et lui-mme, voires'en dsolidariser la limite ; le discours devientalors un discours rapport puisque le JE de fait c'est--dire celui de la situation de communication,ne veut pas tre le JE nonant, c 'est--dire celuide la s i tuation de discours rapport .Le problme pour le linguiste est encore celui dureprage des marques du discours, mais ic i la tcheest un peu plus aise parce qu' il est rare que leJE ne veuil le pas manifester c lairement son at t i tude vis--vis de son discours . Aussi emploie-t- i lvolontiers des verbes de modali t ( je pense que, jecrois que, je juge que, etc.) des adverbes (peu t - t re ,sans doute, videmment, etc.) des procds d'emphases, des reformulations avec transformation dephrases, etc.

    c ) RAPPORT JE-REFERENT : FONCTIONSITUATIONNELLEDisons, tout d'abord, qu' il ne faut pas confondre cettefonction avec la fonction symbolique.I l s'agit ici de la faon dont le JE se situe p a r r a p port au rfrent, et cela de trois points de vue :

    Du point de vue dict ique c 'est--dire sa s i tuationdans l 'espace et le temps qu' il manifefste la plupartdu temps dans son discours en utilisant des systmesappropris (dict iques, temps, e tc . ) .Du point de vue notionnel , c 'est--dire son rapport imagin comme dans le cas de la fonctionpolmique , mais au rfrent et non au TU.Comment le JE voit-il le monde et comment il croitque le TU le voit .Du point de vue discursif et nous rejoignons icile rapport JE-rfrent de la s i tuation de communication, lorsque nous proposions d' interroger ce rfrent pour savoir s ' il est matriel ou vnementiel.En fait, dans la situation de communication, ils 'agissait de contraintes alors qu' ici, il s'agit du point de vue que choisit le JE. En effet, sicelui-ci se trou ve deva nt u n stylo , pa r exem ple,i l se trouve bien devant un rfrent matriel ( s i tuat ion de communication) . I l pourra donc procder une description, mais il n 'y est nullement contraint.I l peut par exemple raconter les tapes de la fabrication du stylo, et nous aurons alors affaire unrcit.Par consquent le rfrent , en ral i t , n 'est rendupertinent que par le discours du JE et donc, dumme coup, par la procdure discursive qu'a choisile JE .Nous proposons, tout provisoirement, de considrerles quatre procdures discursives suivantes : procdure de descript ion procdure de rci t procdure de commentaire procdure d 'analyse.Il est rare de trouver chacune de ces procdures l 'tat pur dans un discours donn, car tout discoursen intgre gnralement plusieurs . Mais i l est ncessaire de les diffrencier, au dpart, pour mieuxanalyser les discours, qu' ils soient littraires ounon.

    3.3. EN CONCLUSION cette prsentat ion de lasi tuation nonciat ive nous voudrions rsumer notreconception de la communication. Les discours produits lors de la communicationreprsentent une conceptua lisation du mon de (fonc-

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    tion de symbolisation), mais conceptualisation quiest faite dans un rseau de communication avec unou plusieurs TU, qui fabriquent et modifient danschaque instance de discours cette conceptualisation travers un jeu de consensu s et spcificit (fonction-mtalinguistique). Cette communication se fait dans un cadre non-ciatif qui se dcompose en : Situation de comm unication, avec son cadre d'environnement matriel, par rapport au TU , au rfrent et au canal de transmission. Situation de discours, avec les rapports imaginsau TU (fonction polmique), l 'nonc (fonctionmodalisatrice) et au rfrent (fonction situation-nette) .Ceci devrait consti tuer la base de toute mthodologie de la communication linguistique.(On trouvera le questionnaire en fin d'article.)

    4. COMMUNICATION ET PEDAGOGIENous ne voudrions pas terminer cet ar t ic le , sommetoute assez thorique, sans rappeler que notre viseest bien pdagogique. Mais il faut tout de mmedire bien haut , qu ' i l n 'y aura pas de rnovationpdagogique srieuse sans une rflexion thoriquesous-jacente de chacune des sciences humaines dontdpend l 'activit pdagogique. Certes, pdagogueset l inguistes nous n 'en sommes qu 'au stade de l ' ar t i sanat, mais conscients d'tre des artisans qui devonstoujours avoir la main la pte, nous savons quenous ne pouvons pas nous contenter d ' tre de s implesprat iciens. Sans une rflexion thoriqu e nousne saurions jamais analyser les phnomnesnouveaux, e t nous serions incapables de trouver dessolutions coordonnes nos problmes, ni de rienmodifier de fondamental notre enseignement.Aussi bien, s 'agissant de linguistique, avec une thorie de la communication humaine nous ne sommesplus innocents, comme nous le disions dans notreintroduction.

    Nous savons maintenant , qu 'essayer d ' tablir descircuits de communication ce n'est pas simplementaffaire de motivation pour les lves. C'est qu' ils'agit de recrer dans la classe des situations quipermettent de faire comprendre l ' lve quel doittre son rle de JE et /ou de TU dans la mult ipl icit des situations nonciatives qu'on lui propose,parce que cela est constitutif de l'individu. I l fautmme aller jusqu ' simuler ces s i tuations pourl 'obliger produire des discours dont il devra lui-mme dcouvrir les significations en fonction desrseaux de relat ions qu ' i l tabli t avec les autres .Et de ce point de vue, reconnaissons que le modletraditionnel de la classe avec le matre en positionde JE tout-puissant par le savoir , e t les lves-TU,fai t que d 'une part les lves sont rarement des JEqui prennen t possession de la parole (puisqu ' i ls rcitent) e t que d 'autr e par t la mult ipl ic i t des s i tuationsse trouve neutral ise.Certes, il n 'est pas simple de crer ces circuits decommunication. I l y faut une technique et nousesprons pouvoir, un jour, proposer quelque chose ce sujet avec notre quipe de PI.N.R.D.P. Mais enattendant ayons conscience que la classe devrait treavant tout, une cole de communication humaine.Autre consquence de cet te rf lexion, e t commecorrolaire de la prcdente : la possibil i t d 'analyserle discours pour aboutir une typologie des discours. Nous avons parl dans notre introduction de lancessit d'tablir une telle typologie. Nous le comprenons mieux maintenant puisque les discours dpendent de la varit des situations nonciatives. Laussi, il y faut une technique rigoureuse. Mais faisons fi de catgories ou de concepts a prioriq ues tels : langue p arle, langue cri te , langue familire ,langue l i t traire , niveaux ou registres de langue, e tinterrogeons tout discours selon un q uestionnaire , quiest modifier e t enrichir , mais qui nous permettrade mettre en lumire les caractristiques des discourspropagandiste, publicitaire, historique, scientifique,quelle que soit leur appellation traditionnelle, qu' ilssoient littraire ou non.Toute une pdagogie de la communication et del 'enseignement des discours est faire. Elle est djen train, et il serait bon que des changes se fassent ce sujet . Pour notre part nous n 'avons r ien prtendu d 'autre que l ivrer quelques bases de rflexion.

    P . CHARAUDEAU.29

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    QUESTIONNAIRESITUATION DE COMMUNICATION( J E ) - T U : Le TU est- i l prsent ou absent ? Y a-t-il change ou non-change entre JE et TU ? Le TU est-il unique ou multiple ? La communication est-elle directe ou mdiate ?( JE)-rfrent : Est- i l prsent ou absent ?a Est- i l commun ou non-commun ? Est- i l matriel ou non-matriel ? Est- i l vnementiel ou non-vnementiel ?Le canal : Est- i l oral ou graphique ? Y a-t-il du gestuel ? Y a-t-il de l ' iconique ?

    SITUATION DE DISCOURSJE-TU et fonction polmique : Quel type de distance le JE tabli t- i l v is--vis du T U ? Qu el type d'agression uti l ise-t- i l ? Quels sont les points de vue imagins du JE ?

    Quels sont les points d e vu e im agins duT U ?JE sur (TU) : Comment le JE voit- i l le TU ?JE sur (JE) : Comment le JE se voit- i l ?JE sur (TU-JE) : Comment le JE voit- i l le rapport du TU lui-m me , JE ?JE sur (TU-TU ) : Comm ent le JE voit- i l le pointde vue que le TU a sur lui-mme, TU ?N.B. : I l s'agit d'un questionnaire thorique qui essaie de couvrir la totalit de ces points de vue.JE-nonc et fonction modalisatr ice Est-ce que le JE prend en charge son discours ? Est-ce que le JE se dsolidarise de son discours ?JE-rfrent e t fonction si tuationnelle : Q ue le s t le po in t de vue d ic tique du J E ? Quel est le point de vue notionnel- imagin d uJ E ? JE sur ( rfrent) . JE sur (TU-rf ren t ) . Quel est le point de vue discursif ? procdure de description, procdure de rcit, procdure de commentaire , procdure d 'analyse.

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    INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUESELUCIDATION DU SENS Prob lme d u sens dans l'enseignemen t d'une langue trangre ,in Langue franaise n 8 (Larousse) .B. POTTIER, Organisation d'un champ conceptuel : libert (L inguistique et pdagogie, I .N.R.D.P., juin 1971). L'analyse lexico-smantique (ibid., annexe 3 au bilan du groupeCharaudeau, anne 71-72, publicat ion de l ' I .N.R.D.P.) .L'analyse syntaxico-smantique ( ibid . , annexe 4) .B . POTTIER, Prsentation de la linguistique (Klincksieck), nouvelledit ion para tre courant 74.E . FERREIRO, Les relations temporelles dans le langage de l'enfant(Droz, Paris , Genve, 1971).J . P IAGET, Le langage et la pense chez l'enfant (Delachaux etNies t l ) .J . LECLERCQ, Enqute sur le langage de l'enfant franais (Mul t i -graphie, C.R.E.D..F., E.N.S. de Saint-Cloud, Paris, 1988).GENOUVRIER et PEYTARD, Linguist ique et enseignement du f r a n ais (Larousse) .COMMUNICATION ET EXPRESSION.R. JAKOBSON, Essais de linguistique gnrale (d. de Minuit) .lpe part ie : Problmes gnraux, l inguist ique et thorie de la communication ( texte d 'accs diffic i le) . 5* part ie : Potique (notam me ntle dbu t ) .E. BENVENISTE. Problmes de l inguistique gnrale. 3* par tie, X :Les niveaux de l ' analyse l inguist ique (conclusions sur la phrase et lediscours) . 5 e par t ie : chap . XX, La na tu re des p ronoms (Gal l imard) .J . PEYTARD, Oral et scriptural : deux ordres de situations et dedescriptions linguistiques (Langue franaise n 6).L. COURDESSES, Blum et Thorez en mai 1936 : analyse d'noncs(Langue franaise n 9) .

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    Objectif et subjectif dans les textesE. BENVENISTE (ci-dessus) .G. GENETTE, Discours du rcit (chap. 4 et 5) in Figures III , Seuil,1972.Frontires du rcit ( in Communications n" 8 ou Figures II , 1966).M. BUTOR, Rpertoire II : L'usage des pronoms personnels dansle roman (d. de Minuit, 1964).

    Description de l'imageU. ECO, Communications n 14. Smiologie des messages visuels.

    Structures narrativesR. BARTHES, C . BREMOND, A . -J . GREIMAS, Communications n" 8.C. BREMOND, Le message narratif (Communications 4 ) .V . P R O P P , Morphologie du conte (Seuil, 1970).G. GENETTE, Vraisemblance et motivation (F igures II) .A . - J . G R E I MA S , Smantique structurale, Larousse , 1966.

    Circuits de communication Rse aux de commu nication e t structures de groupe , C. Flament(chap. 3, 2, Analyse a priori. Le modle de discussion).

    Le discoursDictionnaire encyclopdique des sciences du langage (Ducrot e tTodorov, Le Seuil) . Ouvrage de consultat ion. Linguist ique gnrale ,J . Lyons.

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    A. - ELUCIDATION DU SENS PROBLEMATIQUE

    I. Enseignement d'une grammaire du sens : hypothsesII . Procdure pdagogique

    EXEMPLESI. Exercice d'lucidation smantique partir d'une phrase donne

    II . Exercice d'lucidation smantique partir d'une faute d'expressionIII. Exercice d'lucidation de la situation de communication et approchedu rcit oral

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    PROBLEMATIQUE

    I. ENSEIGNEMENTD'UNE GRAMMAIRE DU SENS :HYPOTHESES

    AVERTISSEMENT : Nos hypothses, dans ce domaine de l 'enseignement de la grammaire, tant assezdiffrentes dei celles que l 'on tro uve gn ralem entdans les articles ou ouvrages consacrs ce sujet,nous allons tre oblig de nous en expliquer et parconsquent de nous s i tuer par rapport aux hypothses qui ne sont pas les ntres, car il est vraiqu'on ne peut pas laborer une thorie sans rfrence d'autres thories existantes ou se constituant,avec ou contre lesquelles celle-ci se construit (1).Mais entendons-nous bien. I l ne s'agit pas, dansnotre espri t , de vouloir dtruire les autres hypothses de travail. Celles-ci doivent tre menesjusqu'au bout de leurs consquences et les rsultatsobtenus seront la preuve de leur utilit ou deleur caducit .Qu'on ne nous taxe donc pas d' imprialisme, etsurtout que l 'on veuil le prendre la part ie polmique de notre discours comme ncessaire laclart de notre position et non point comme unequerelle d'cole.

    1. HYPOTHESES LINGUISTIQUES1.1. Posons tout d'abord q ue tous les systme s deformes naissent du sens (2), et que le sens nat lui-(1) Cf. Rflexion smio-linguistique sur la communication . Tout discours est produit avec ou contre un ouplusieurs discours antrieurs cette production (chap. 3.2La Situation du discours).(2) Ici, pris dans un sens gnral, cf plus loin l'opposition sens/signification, termes qui sont recouverts parcelui que nous utilisons maintenant.

    mme d 'un procs de communication. Si nous admettons que tout individu, insr dans un groupe,communique pour transmettre avant tout du sens,alors nous n 'aurons pas de peine admettre que lesindividus d 'une communaut socio-l inguist iquequelle qu'elle soit cherchent se constituer un codede distinctions formelles qui sont destines fairepercevoir des distinctions smantiques.Autrement dit la forme est soumise au sens et c 'estbien ainsi que chaque communaut socio-l inguistique se constitue son sytme phonologique et sonsystme morpho-syntaxique puisque chacun deslments de ce systme qu' ils soient ou non porteurde sens est destin faire percevoir une distinctionsmant ique . Posons galement, et rappelo ns (cf. note 1) qu e cessystmes et donc les codes linguistiques seconsti tuent travers un rapport dialect ique JE-TUqui nat du fai t que tout individu dsirant trecompris par le (ou les) TU auquel il s 'adresse cherchera tabl ir avec lui un consensus du fait m me qu' il se heurte aux difficults de comprhensiondu TU, c 'est--dire du fai t qu ' i l produit un discours spcifique . Nous diron s que c'est cette dualit consensus/spcificit qui assure l 'existence et lechangement des systmes signifiants. A partir de ce double postulat (3), observons lesfai ts de communication et demandons-nous commenton peut saisir le sens, et quel sens ?1.2. Nous renvoy ons no tre Rflexion smio-l inguistique sur la communication , qui expose la problmatique de la communication et de l ' analyse dudiscours, et nous nous contenterons de faire une sriede remarques . L 'exprience de la communication nous indiqueque tout discours est ambigu, et cela a t maintes(3) Pour nous c'est autre chose qu'un postulat.

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    fois affirm par les thories linguistiques structurales ou gnrat ives.Mais peut-tre n 'a- t-on pas suff isamment prcis ceconcept d 'ambigut .On peut, en simplifiant les choses, considrer qu' ily a deux types d 'ambigut : une ambigut de senset une ambigut de signification.Soit l 'nonc, qui nous a t suggr par un collgue, (1 ) Est-ce que vous fumez ? .a) Nous savons que le signifiant fumez peu t appartenir des signes diffrents dans la mesure oil s ' insre dans des contextes diffrents (2) lepaysan fume son champ, (3) Pierre fume uneciga ret te , (4) P ier re fume de colre , (5) lachemine fume .A priori, nous ne pouvons pas savoir lequel de cessignes a t choisi par le locuteur dans l 'exemple (1),mme si une certaine probabil i t d 'usage nous incline penser qu' il s'agit du signe qu 'on retrouvedans (3). Quoi qu' il en soit nous nous rendonscompte qu ' i l nous faut connatre certaines circonstances de communication pour pouvoir interprterl'nonc (.1) :Dan s le sens de (2) : Dialogue en tre deux pays ans.Dan s le sens de (3) : Un e personne tend un paqu etde cigaret tes une autre .Dans le sens de (4) : Ironie d'une personne quivient de vexer son interlocuteur .Dans le sens de (5) : S'agissant des vapeurs dgagespar le corps aprs un effort physique, par exemple.Evidemment on se rend compte que chacune de cesinterprtat ions supposent des circonstances bien prcises pour justifier les ellipses, et transferts quirendront chacun de ces noncs normalement interprtables .Nous avons donc affaire dans ce cas une ambigutde sens parce que fumez sera aisment reconnucomme polysmique par l ' ensemble des individusd 'une communaut socio-l inguist ique.b) Mais notre exemple (1) est galement ambigu un autre t i t re . Pour s 'en rendre compte i l faut leconsidrer non plus seulement comme nonc, maiscomme un discours dont l ' in terprtat ion dpendra

    cette fois, non plus seulement des conditions matr iel les de communication (s i tuation de communication) mais des rapports d' interlocution qui existent entre JE et TU et qui consti tuent ce que nousavons appel la situation de discours.Ainsi, et selon la situation de discours, Est-ce quevous fumez ? en prenant toujours le mme sens,celui qui correspond la valeur du signe fumer en (3) pourra vouloir signifier :est-ce que vous fumez -f- voulez-vous une cigaret te ,ou est-ce que vous fumez -f- est-ce que vous consommez du tabac rgulirement,ou est-ce que vous fumez -f- je voudrais bavarderavec vous,ou est-ce que vous fumez -f- changeons de conversation, etc.On n 'aurai t aucune peine imaginer les s i tuationsde discours qui justifieraient chacune de ces informations implicites qui tiennent l 'originalit durapport JE-TU et qui expliquent que la plus grandepart ie de la communication humaine se s i tue ceniveau implicite de signification.Nous avons donc affaire, cette fois, une ambigutde signification qui t ient une relat ion beaucoupplus individuelle et moins socialise des interlocuteurs entre eux, mais galement consti tut ive de toutfai t de communication.En rsum : Ambigut de sens Ambigut designificationRap ports socialiss Rap portsindividualissleve par : Sit. de Sit. decommunica t ion d iscours .1.3. Nous voudrions voir, prse nt, comm ent, m -thodologiquement, on peut atteindre le sens etcomment on peut atteindre la signification.Nous proposons pour cela le concept de p a r a phrase .Aprs tout, interprter un discours c'est bien produire mentalement une srie de discours al ternatifs au premier ce qui justifie les deux ordressyntagmatique et paradigmatique de l 'organisat ion

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    de tout discours . Ces discours alternatifs nous lesappellerons paraphrases.Or on constatera que, selon qu' il s'agit de saisir lesens ou la signification on produit un type de paraphrase part iculire .

    a) SAISIE DU SENSET PARAPHRASES DEFINITIONNELLESSoit l 'exemple (6) Patience rue d'Ulm ! .Nous conviendrons que cet nonc peut tre paraphras par :(7 ) I l faut que vous preniez patience rue d'Ulm .(8 ) Soyez patient ru e d 'Ulm .(9 ) Prenez patience ru e d 'Ulm .(10) Dan s la rue d 'Ulm i l faut tre patie nt ,etc.A l' intersection de ces paraphrases se trouve unestructure qui consti tue le sens de (6) , s tructure quinous informe que : JE donne un conseil TU. JE-TU sont dans un rapport d ' inter locution directe .a Le contenu de ce conseil est : Vous

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    se trouver dans un enchanement syntagmatique.On pourait trs bien concevoir des discours dugenre :(15 bis) Aujourd 'hui je vais voir Jacques, monfils, mo n soldat, m a consolation, mon dsespoir ,ou (6 bis) en com binant (9), (11) et (12) P ren ezpatience rue d 'Ulm car un emboutei l lage y ralenti tla circulation .Ceci explique que les paraphrases dfinitionnellessoient dans les rapports structurels de type : synonymie, antonymie, hyponymie, e tc . , e t que lesparaphrases dsignationnelles soient dans des rapports de contigut de type : rhtorique (synecdoque,mtonymie, e tc . ) e t autres transferts .Ex. : Entre (7) e t (9) i l y a un rapport para-syno-nymique, plus une ellipse dans (9), entre (6) et(11) il y a un raisonnement explicatif de cause-consquence /C 'est parce qu ' i l y a un emboutei l lagerue d 'Ulm qu ' i l faut que vous preniez patience/ .1.4. Conclusion : la doub le structurationsmantique Des propos qui prcdent, nous sommes amen conclure qu ' i l n 'existe pas une seule s tructurat ionlinguistique, mais au moins deux.

    Struct , de langueParaphrasesdfinitionnelles

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    Si, partant de ce que nous appellerons maintenantd 'un terme gnral : un texte, nous nous intressons exclusivement son aspect explicite, etcherchons en dgager les catgories de languequi ont permis sa ralisation, comme sens, alorsnous aboutirons une structuration de la langue parle biais des paraphrases dfinitionnelles.Si , en revanche, partant du mme texte , nous nousintressons son aspect implicite et cherchons en dgager les catgories de discours qui ont permis sa ralisation comme signification, alors nousaboutirons une structuration du discours par lebiais des paraphrases dsignationnelles.Nous en ferons une reprsentation figure (ci-dessous) :Mais 1 on se rend tout de suite compte que, du pointde vue mthodologique, la Structurat ion de Langue (1) prsuppose la structuration de discours (2)si bien que le linguiste se trouve constammentdevant ce problme : qu 'est-ce qu 'une structurat ionde discours qui ne reposerait pas sur une structurat ion de la langue, e t qu 'est-ce qu 'une structurat ionde la langue qui se satisferait d 'elle-mme et quiserai t mene indpendam men t du discours, puisqu 'onne communique qu 'avec du discours ?Nous voyons par l-mme se dessiner le problmequi se posera l 'enseignant : comment aborder avecles enfants cette double structu ration sm antiqu e ?

    Struct, de discours4\\ / Paraphrases/ dsignationnelles

    (Enonce) (Discours)^ TEXTE V(Explicite) (Implicite)

  • 7/29/2019 1974 Sens Et Communication

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    2 . HYPOTHESES PEDAGOGIQUESC'est ici que, comme nous l 'avions annonc dansl'avertissement, nous allons devoir radicaliser notrepoint de vue par rapport d 'autres prat iques pdagogiques, non point pour dtruire celles-ci, mais pourmieux faire comprendre nos options.2.1. Nous avons pos, pour commencer (1.1.) que tous les systmes de formes naissent du sens, etque le sens nat lu i-mme d 'un procs de communication .Ds l ' instant que l 'on a accept un tel postulat, ilnous semble que l 'on devrait chercher construireune dmarche pdagogique qui mette l ' lve au curd 'une procdure d 'apprentissage qui prendrait lesens comme point de dpart .Or i l nous appara t , t ravers les lectures que nousavons pu faire sur l ' enseignement de la grammaire,que les procdures suivies souffrent d'une contradict ion et suivent une dmarche pseudo-iductive.Expliquons-nous.a) Lorsque l 'on fait travailler les lves au dcoupage syntaxique d 'une phrase, que le modle d 'analyse soit structuraliste, fonctionnel ou gnratif, onle fait soit dans le but d' initier l 'lve au maniement d'un instrumen t d'analyse en soi et le langage devient a lors un objet-prtexte , soit dansl 'espoir que la prise de conscience d'un mcanismeformel ait une action, par rcurrence, sur la pratique du langage et donc l 'amliore.Dans le premier cas, il n 'y a rien dire si ce n'estqu ' i l s'agit dans ce cas de l 'apprentissage d'un systme formel comme s' il s 'agissait d 'un modlemathmatique , mais dans le deuxime cas, nousdisons d'une part qu' il s'agit d'un pari , d 'autre partqu' il y a une contradiction. Qu'il s 'agisse d'un parine peut tre une cri t ique ; la plupart de nos hypothses pdagogiques sont des paris. Encore faut-iltre bien conscient, qu' l 'heure actuelle, rien nenous permet d 'aff irmer que cette act ion, par rcurrence, de la saisie d'un mcanisme formel sur laprat ique du langage ai t une