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LES RACINES DU MOT «THÉ » Les voies commerciales empruntées pour le commerce du thé expli- quent les différents vocables que l’on utilise pour désigner le thé. Les pays ayant connu le thé par voie maritime utilisent des mots qui commencent par t : tea en anglais, tee en allemand, thé en français, te en italien, qui sont des variantes du terme t’e emprunté du min nan hua, un dialecte chinois de la province du Fujian. De leur côté, les pays qui ont connu le thé par voie continentale (Tibet, Inde, Iran, Russie, etc.) se servent de mots commençant par la syllabe tch ou ch empruntée au mandarin cha. les populations nomades de l’ouest de la Chine ainsi que les Mongols, les Turcs et les Tibétains, le thé s’est gagné de plus en plus d’adeptes. Au Tibet, où le thé a été investi d’une importante valeur spirituelle, on l’additionnait de sel et de beurre de yack ou de lait de chèvre. Symbole d’hospitalité, cette boisson salée que l’on préparait en décoction est, encore aujourd’hui, servie ainsi dans des bols en bois. Par l’entremise des moines bouddhistes qui en avaient rapporté de leur pèlerinage en Chine, le thé a commencé à être consommé au Japon dès le IX e siècle. Le plaisir quotidien de boire du thé a été raffiné, ritua- lisé, puis élevé à une haute dimension spirituelle par les Japonais, qui ont créé la « voie du thé » (chado), un véritable art de vivre qui englobe les principaux fondements de la culture japonaise. Cette voie pro- pose l’harmonie, le respect, la pureté et la tranquillité comme préceptes fondamentaux. Avec la création de nombreuses routes facilitant le commerce, le thé a pu être exporté plus facilement. La construction de nombreux ports, notamment à Canton, au cours de la dynastie Song (960-1279), a permis l’organisation d’une route commerciale maritime reliant la Chine à la Corée et au Japon. À partir du XVII e siècle, avec les caravanes marchandes, le thé chinois est parvenu en Russie, en Iran, en Turquie et en Égypte. En Russie, l’usage du thé s’est répandu principale- ment au cours du XIX e siècle avec l’invention du samo- var. Dans sa forme traditionnelle, cet appareil utilise Un samovar. 12

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LES RACINES DU MOT « THÉ » Les voies commerciales empruntées pour le commerce du thé expli-quent les différents vocables que l’on utilise pour désigner le thé. Les pays ayant connu le thé par voie maritime utilisent des mots qui commencent par t : tea en anglais, tee en allemand, thé en français, te en italien, qui sont des variantes du terme t’e emprunté du min nan hua, un dialecte chinois de la province du Fujian. De leur côté, les pays qui ont connu le thé par voie continentale (Tibet, Inde, Iran, Russie, etc.) se servent de mots commençant par la syllabe tch ou ch empruntée au mandarin cha.

les populations nomades de l’ouest de la Chine ainsi que les Mongols, les Turcs et les Tibétains, le thé s’est gagné de plus en plus d’adeptes.

Au Tibet, où le thé a été investi d’une importante valeur spirituelle, on l’additionnait de sel et de beurre de yack ou de lait de chèvre. Symbole d’hospitalité, cette boisson salée que l’on préparait en décoction est, encore aujourd’hui, servie ainsi dans des bols en bois.

Par l’entremise des moines bouddhistes qui en avaient rapporté de leur pèlerinage en Chine, le thé a commencé à être consommé au Japon dès le IXe siècle. Le plaisir quotidien de boire du thé a été raffi né, ritua-lisé, puis élevé à une haute dimension spirituelle par les Japonais, qui ont créé la « voie du thé » (chado), un véritable art de vivre qui englobe les principaux fondements de la culture japonaise. Cette voie pro-pose l’harmonie, le respect, la pureté et la tranquillité comme préceptes fondamentaux.

Avec la création de nombreuses routes facilitant le commerce, le thé a pu être exporté plus facilement. La construction de nombreux ports, notamment à Canton, au cours de la dynastie Song (960-1279), a permis l’organisation d’une route commerciale mari time reliant la Chine à la Corée et au Japon. À partir du XVIIe siècle, avec les caravanes marchandes, le thé chinois est parvenu en Russie, en Iran, en Turquie et en Égypte.

En Russie, l’usage du thé s’est répandu principale-ment au cours du XIXe siècle avec l’invention du samo-var. Dans sa forme traditionnelle, cet appareil utilise

Un samovar.

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du charbon de bois pour chauffer la partie centrale remplie d’eau au-dessus de laquelle repose une petite théière contenant une infusion très concentrée. Cha-que convive peut alors se préparer un thé à son goût en prenant une petite quantité de thé concentré et en l’allongeant à sa convenance avec de l’eau chaude. L’Iran, la Turquie et l’Afghanistan se sont également approprié l’usage du samovar.

Du côté de l’Europe, c’est vers 1610 que, grâce à des navires hollandais, la première cargaison de thé a touché le sol européen au port d’Amsterdam. Les Hollandais en ont ensuite expédié en Italie, en Alle-magne ainsi qu’au Portugal.

En 1645, les premières caisses de thé en pro-venance de Chine atteignaient le port de Londres. Adoptée par Catherine de Bragance, épouse du roi d’Angleterre, dès son introduction en Angleterre, la coutume de boire du thé s’est rapidement répandue à la cour et dans les cercles restreints de la bourgeoi-sie. Mais ce n’est qu’avec l’instauration du fi ve o’clock tea par la duchesse Anna de Bedford (1783-1857) que la consommation de thé a été intégrée à l’ho-raire des ouvriers. Révolution industrielle oblige, un nouvel horaire de travail a été instauré, déplaçant de quelques heures le repas du soir pour faire place à une pause accompagnée de thé. D’une certaine fa-çon, cette pause a facilité l’introduction du thé dans les classes populaires.

Moment intemporel brisant le rythme du quoti-dien, l’heure du thé est en Angleterre un important symbole de partage. On accompagne le thé de sand-wichs, de scones, de biscuits ou de gâteaux et on lui ajoute généralement du lait et du sucre.

En Inde, au cours du XIXe siècle, alors que la Chine exerçait un monopole sur le commerce du thé, les Britanniques ont commencé à le cultiver afi n de pou-voir échapper aux intermédiaires chinois. Aujourd’hui, le thé joue un rôle prépondérant à la fois dans l’éco-nomie nationale et dans les habitudes de la popu-lation. On l’apprécie souvent très corsé, mélangé à plusieurs épices et bouilli dans du lait (chai). Cette boisson que l’on peut habituellement acheter dans la rue, on la boit dans un bol en terre cuite à usage unique que l’on jette par terre tout de suite après usage, comme le veut la tradition.

Au Maroc, le cérémonial du thé à la menthe po-pularisé au XIXe siècle est aujourd’hui un important rite d’hospitalité et de sociabilité. C’est la boisson na-tionale que toutes les classes de la société consom-ment à toute heure du jour et de la nuit. Sa prépara-tion varie selon les régions, mais, généralement, on fait bouillir le thé dans une théière en métal dans laquelle on ajoute de la menthe et du sucre (parfois même de la verveine ou de l’absinthe). On verse ensuite le thé à la menthe dans des verres, en n’oubliant pas de lever très haut la théière afi n de faire mousser le liquide tout en le refroidissant.

Dans la partie algérienne du Sahara, Touareg servant le thé à la menthe.

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La culture du théier

LE THÉIER EST UN ARBRE À FEUILLES PERSISTANTES

DU GENRE CAMELLIA, UN DES 30 MEMBRES DE LA FA-

MILLE DES THÉACÉES (THEACEAE). À L’ÉTAT SAUVA-

GE, LE THÉIER PEUT ATTEINDRE 30 MÈTRES DE HAU-

TEUR ET, BIEN QU’IL PRODUISE FLEURS ET FRUITS,

SEULES SES FEUILLES ENTRENT DANS LA FABRICA-

TION DU THÉ. DE FORME ELLIPTIQUE ET DE COULEUR

VERT FONCÉ, ELLES ONT DES BORDS DENTÉS ET ME-

SURENT DE 5 MILLIMÈTRES À 25 CENTIMÈTRES DE

LONGUEUR. SI LE THÉIER EST INCONTESTABLEMENT

ORIGINAIRE DU XISHUANGBANNA, UNE PROVINCE DU

YUNNAN OÙ IL POUSSE ENCORE ABONDAMMENT À

L’ÉTAT SAUVAGE, IL EST AUJOURD’HUI CULTIVÉ SUR

LES CINQ CONTINENTS, ENTRE LE 43e PARALLÈLE

NORD (GÉORGIE) ET LE 27e PARALLÈLE SUD (RÉGION

DE CORIENTÈS, EN ARGENTINE).

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26 Le jardin Coonoor dans la région des Nilgiri, en Inde.

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L’ENTRETIEN DE LA PLANTATIONLa culture du théier exige beaucoup de travail et d’expertise. C’est pourquoi, dans la plupart des pays producteurs, plusieurs centres de recherche étudient et créent de nouveaux cultivars plus résistants, capa-bles de mieux s’adapter à un climat donné, en plus d’offrir des caractéristiques organoleptiques plus in-téressantes. Ce travail a conduit à l’élaboration d’un nouveau type de culture favorisant l’hybridation et le clonage des meilleurs cultivars. Auparavant, la tech-nique d’ensemencement des graines demeurait ha-sardeuse et ne permettait pas d’obtenir une culture homogène, d’autant plus que la forte capacité d’hy-bridation naturelle du théier créait de nouveaux spé-cimens très différents les uns des autres.

En plus d’accomplir les travaux de défrichage, de drainage, de labourage, de désherbage, etc., communs à la majorité des exploitations agricoles, on doit at-tendre au moins trois à cinq ans avant de pouvoir tirer profi t d’un jeune théier. Lors de cette période, on prend grand soin de l’arbuste pour qu’il puisse acquérir une forte structure. Étant donné qu’à l’état sauvage le théier peut atteindre 15 mètres de hau-

teur, pour faciliter la cueillette, on le coupe réguliè-rement afi n qu’il ne dépasse pas les 90 centimètres environ. En plus de favoriser l’apparition de nouvelles pousses, cette coupe appelée « taille de formation » force le plant à se ramifi er et à se développer sur un plan horizontal qui formera la table de cueillette.

Tout au long de sa vie productive, qui durera en moyenne de 30 à 50 ans, le théier subira de nom-breuses coupes qui l’aideront à maintenir un bon rendement. Outre les fréquentes tailles de formation, on pratique des tailles de régénération à tous les cinq ans pour renforcer sa charpente et améliorer sa croissance.

Pour tamiser le soleil brûlant de l’après-midi, on laisse parfois de grands arbres pousser dans le jardin, leurs feuilles servant ensuite d’engrais naturel une fois qu’elles sont tombées sur le sol. Ces arbres font aussi obstacle au vent, qui pourrait endommager les jeunes théiers. On place parfois de la paille dans les allées, de façon à limiter l’assèchement du sol et la prolifération des herbes sauvages entre les théiers.

Une pépinière de théiers Bai Ye pour la production de Anji Bai Cha. De la paille est disposée entre les théiers au Japon.

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Dans les régions tropicales qui ont des conditions cli-matiques plus favorables, le théier ne cesse de croître. On peut donc en récolter les feuilles toute l’année, suivant un intervalle de 4 à 15 jours. Dans les régions plus tempérées ou montagneuses, les cueillettes ont lieu au rythme des saisons et des conditions clima-tiques, généralement d’avril à novembre. Certaines périodes de l’année sont également susceptibles de favoriser l’épanouissement des arômes. Ainsi, par exemple, parce qu’elles sont plus gorgées d’huiles aromatiques, les feuilles plus fi nes et tendres qui pro-viennent de la première récolte de l’année sont par-ticulièrement recherchées.

Les trois types de cueillette traditionnelleOn emploie le terme « bourgeon » ou pekoe pour désigner la jeune pousse (bourgeon terminal) qui se trouve à l’extrémité de chaque tige. Cette pousse n’étant pas encore déroulée, elle est généralement recouverte d’un fi n duvet. Pekoe provient d’ailleurs du terme chinois pak-ho, qui est souvent utilisé pour

désigner le duvet des nouveau-nés. C’est ce pekoe qui sert de référence aux trois types de cueillette : la cueillette impériale, la cueillette fi ne et la cueillette classique.

Constituée uniquement du bourgeon et de la première feuille qui le suit, la cueillette impériale est la plus prestigieuse. C’est d’ailleurs pour cette raisonqu’on la réservait autrefois aux empereurs et aux autres hauts dignitaires. On la fait généralement une fois par année, au printemps. Également d’une ex-cellente qualité, la cueillette fi ne vise le bourgeon plus deux feuilles. Quant à la cueillette classique, elle consiste à prélever le bourgeon et les trois feuilles qui le suivent.

Il existe aujourd’hui de nombreuses machines qui permettent de récolter les feuilles de thé, mais elles nécessitent un relief plat et ne peuvent faire un travail aussi minutieux qu’un artisan aux mains expéri-mentées. C’est pourquoi, pour les meilleures récoltes, dans les petits jardins au relief trop escarpé ou dans les pays qui bénéfi cient encore d’une main-d’œuvre peu coûteuse, les cueillettes manuelles sont encore très fréquentes.

Pour produire 1 kilo de thé, on a besoin de 5 kilos de feuilles fraîches, ce qui représente environ 12 000 pousses ou shoots. En Inde, une cueilleuse ré-colte en moyenne 30 à 35 kilos de feuilles par jour.

Le bourgeon plus deux feuilles. Cueillette du thé vert Lu An Gua Pian.

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Les familles de thé

Avant que Robert Fortune découvre les « secrets » du thé, au milieu du XIXe siècle (voir dans le chapitre sur l’Inde, à la page 156), les Européens croyaient que les thés verts et les thés noirs provenaient de plantes différentes. Nous savons aujourd’hui que c’est le phé-nomène de l’oxydation qui transforme l’état naturel de la feuille en la changeant de couleur et de goût. Cette oxydation se produit grâce à l’oxydase, une enzyme qui réagit lorsque les cellules de la feuille de thé sont brisées. Réagissant à l’oxygène, cette enzyme provoque l’oxydation de la feuille, de sorte qu’il est possible de transformer de nouvelles feuilles fraîche-ment récoltées en n’importe quelle famille de thé.

Si la cueillette est l’un des facteurs déterminants de la qualité du thé, c’est la maîtrise de la transforma-tion, souvent issue d’un savoir-faire traditionnel, qui est décisive en ce qui a trait au goût fi nal. L’oxyda-tion doit tout d’abord s’effectuer rapidement après la récolte ; voilà pourquoi on retrouve dans la plupart des plantations une fabrique (factory) qui transforme les feuilles dès qu’elles y sont acheminées. Les petits artisans qui ne possèdent pas de fabrique se regrou-pent généralement en communauté et vendent leurs

récoltes à de plus gros producteurs qui transforment les feuilles.

Chaque famille de thé est issue d’une méthode de transformation particulière que nous verrons plus précisément pour chaque pays. Par exemple, si l’on veut obtenir un thé vert, on doit soumettre les feuilles à la dessication, une opération qui consiste à les chauffer pour dénaturer l’enzyme causant l’oxyda-tion. Cette opération est également utilisée pour in-terrompre l’oxydation des Wulong. Au contraire, dans le cas des thés noirs, l’oxydation étant encouragée, on expose les feuilles à une forte humidité (80-90 %) et à une température ambiante de 22 ou 23 ºC.

Il existe essentiellement six catégories ou familles de thé : les thés blancs, les thés verts, les thés jaunes, les Wulong, les thés noirs et les Pu Er.

LES THÉS BLANCSLes thés blancs proviennent de récoltes très précieuses constituées uniquement de bourgeons, dans le cas des meilleurs grades. Ce sont également les thés blancs qui subissent le moins de manipulations. Les feuilles sont sé-chées naturellement ou à l’aide de ventilateurs, afi n de

Quelques exemples de la diversité des feuilles et des liqueurs de thé.

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retirer une partie de leur humidité. Leur liqueur est peu tannique, rafraîchissante et faible en caféine.

LES THÉS VERTSProduits essentiellement en Chine et au Japon, où l’on en compte plus de 1500 variétés, les thés verts sont les préférés des Orientaux. Les feuilles fraîches subissent une dessiccation afi n d’enrayer toute possi-bilité d’oxydation, ce qui provoque une augmentation des tannins et du caractère végétal de la liqueur.

LES THÉS JAUNESAux thés jaunes, plus marginaux, on fait subir une lé-gère oxydation à l’étouffée en recouvrant d’un linge humide les feuilles encore chaudes après la dessicca-tion. Il en résulte une légère oxydation des enzymes qui confère à la feuille une teinte jaunâtre présente également dans sa liqueur.

LES WULONGTransformés selon un procédé qui date d’environ trois siècles, les Wulong sont des thés partiellement oxydés qui sont ensuite roulés ou torsadés de ma-nière intensive. Les Chinois et les Taïwanais en possè-

dent principalement deux types : ceux qui subissent une oxydation d’environ 10 à 30 % et se rapprochent des thés verts par leurs arômes fl oraux légèrement sucrés ; et ceux qui sont oxydés de 40 à 70 %, ce qui leur confère des notes boisées, fruitées et parfois même caramélisées. « Wulong » signifi e dragon noir et fait référence aux serpents noirs enroulés autour des branches des théiers. Parce qu’ils faisaient peur aux enfants, pour les rassurer, on leur disait qu’il s’agissait de petits dragons noirs…

LES THÉS NOIRSLes thés noirs subissent une oxydation complète. En référence à la couleur cuivrée de l’infusion, les Chinois les appellent les « thés rouges ».

LES PU EROriginaires du Yunnan (sud de la Chine), où les feuilles étaient récoltées sur de vieux théiers sauvages avant d’être compressées pour faciliter leur transport, les Pu Er sont encore aujourd’hui une spécialité de la Chine. La médecine chinoise les utilise depuis plu-sieurs siècles pour leurs vertus digestives et leur ac-tion nettoyante.

Le chai, un mélange de thé et d’épices. Un thé vert parfumé aux fl eurs.

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Les thés parfumés ou aromatisés

En plus des six familles « naturelles » de thé, on trouve sur le marché des thés auxquels sont ajoutés des arômes de fl eurs, de fruits ou d’épices afi n de créer des nouveaux types de thés.

Même s’il s’agit là d’une tout autre approche, il n’en demeure pas moins que l’aromatisation du thé est un art en soi et se doit d’être considérée comme une autre facette de ce monde fascinant.

On obtient des thés parfumés par l’ajout de fl eurs ou de mélange d’épices, tandis que l’on fabri-que les thés aromatisés en pulvérisant sur les feuilles des huiles essentielles de fruits ou des arômes de synthèse.

Pour préparer un thé parfumé aux fl eurs, on uti-lise traditionnellement un séchoir à étages dans lequel on intercale une rangée de fl eurs entre chaque rangée de feuilles de thé. Dans ce cas-ci, la qualité des fl eurs importe plus que la qualité du thé, mais l’obtention d’un équilibre entre la douce amertume du thé et les parfums des fl eurs requiert une grande attention. Chauffées pendant une douzaine d’heures à 40 ºC, les feuilles s’imprègnent des arômes des fl eurs avec les-quelles elles sèchent. Selon l’intensité du parfum que l’on veut donner au thé, on soumettra les feuilles à ce régime de 4 à 8 fois en changeant les fl eurs aux 12 heures.

Les thés fumés

Produits à partir de récoltes grossières appelées sou-chong, les thés fumés sont séchés au-dessus d’un feu d’épicéa qui leur confère leur goût particulier. Ce pro-cédé de transformation a été découvert probablement par hasard dans le Fujian au début du XIXe siècle.

Une légende raconte que, forcé par des instances gouvernementales de libérer son entrepôt, mais ne voulant pas perdre sa dernière récolte encore trop humide, un producteur eut l’idée de placer les feuilles au-dessus d’un feu de bois d’épicéa qui se trouvait tout près. Rapidement, les feuilles séchèrent et, par surcroît, s’imprégnèrent des notes de fumée. Pour-tant fi er de sa découverte, le producteur eut du mal à trouver preneur. Finalement, c’est un marchand étran-ger qui, séduit par ce caractère fumé, rapporta ce thé avec lui en Europe et le popularisa…

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La Chine

RICHE D’UNE CULTURE ANCESTRALE PLUSIEURS FOIS

MILLÉNAIRE, LA CHINE, AVEC NOTAMMENT L’INVEN-

TION DE LA POUDRE À CANON, DE L’IMPRIMERIE ET

DE LA BOUSSOLE, EST LE BERCEAU DE NOMBREUSES

DÉCOUVERTES QUI ONT TRANSFORMÉ LE MODE DE VIE

DES CIVILISATIONS DU MONDE ENTIER. LA DÉ COUVERTE

DU THÉ FAIT PARTIE DE CET HÉRITAGE CULTUREL QUI

A PRIS RACINE EN CHINE AVANT DE CONQUÉRIR TOUS

LES CONTINENTS. AU COURS DES SIÈCLES, LE THÉ

S’EST IMPOSÉ NATURELLEMENT COMME PRODUIT

DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ, S’INTÉGRANT D’ABORD À

LA MÉDECINE POUR ENSUITE S’ADAPTER AUX US ET

COUTUMES DE L’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ CHINOISE.

AUJOURD’HUI, LA CHINE SE DISTINGUE PAR LA GRANDE

VARIÉTÉ DE THÉS QU’ELLE PRODUIT, SES TERROIRS

EXTRÊMEMENT DIVERSIFIÉS ET SON SAVOIR-FAIRE

INCOMPARABLE, ISSU D’UNE CULTURE QUI A FAIT DU

THÉ UN MODE DE VIE.

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Les différentes régions productrices

La Chine recouvre un territoire immense où la culture du thé s’étend sur des milliers de kilomètres. Plus d’un million et demi d’hectares sont réservés aux planta-tions de théiers. Mais c’est avant tout dans la partie méridionale de l’est de la Chine, plus spécialement dans le Fujian, le Zhejiang et l’Anhui, que se concen-trent les meilleurs jardins. Les provinces côtières au climat doux et brumeux et comprenant de nom-breuses zones montagneuses sont aussi avantagées. Plus au sud, le Yunnan, avec ses terres d’origine du théier, est également une zone renommée.

Thaïlande

Népal

Laos

Japon

Bhoutan

Mongolie

ndeMyanmar(Birmanie)

Golfe duBengale

Mer de Chine

Méridionale

Mer deChine

Orientale

O C É A NP A C I F I Q U E

MerJaune

Mer duJapon

Xian

Zhengzhou

Jinan

Kunming

Fuzhou

Hangzhou

Hefei

Chongqing

WuhanChengdu

Canton

Macao

Nanjing

Changsha

Shanghai

Beijing

Hong-Kong

Lanzhou

Guiyang

Guilin

Nanchang

Yangzi Jia

nSichuan

Yunnan

Hainan

Guizhou

Guangxi

Guangdong

Fujian

Hunan

Gansu

Hubei

Jiangxi

Anhui

Zhejiang

JiangsuShaanxi

Henan

Shandong

0 300 600 900 1 200 1 500 km

Soumise à des conditions climatiques et géologi-ques très variées, chacune de ces régions donne un caractère unique aux feuilles de thés qui, par ailleurs, portent souvent le nom du lieu où ils ont été pro-duits.

Le vaste territoire chinois se subdivise en quatre parties : la région du sud-ouest, la région du sud-est ainsi que les régions situées au sud et au nord du fl euve Yangzi Jiang. Nous vous présentons les provinces les plus réputées de chacune de ces régions.

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LA RÉGION DU SUD-OUESTLa région du Sud-Ouest comprend les provinces du Yunnan, du Sichuan et du Guizhou. Malgré sa topo-graphie irrégulière et ses hautes montagnes qui, se-lon l’altitude, créent des conditions climatiques très variées, ce territoire est généralement soumis à un climat chaud et humide (subtropical) et marqué par une forte saison des pluies.

LA PROVINCE DU YUNNANConsidérée comme la terre d’origine du thé, la pro-vince du Yunnan est assurément l’une des plus an-ciennes régions productrices. Dans les forêts tropicales

du Xishuangbanna, elle abrite encore des théiers sau-vages, dont un qui serait âgé de plus de 1700 ans. Sa géographie très diversifi ée comprend également de nombreuses régions montagneuses dont les som-mets peuvent atteindre les 2000 mètres. Bénéfi ciant d’un climat tempéré et humide, avec des étés chauds, des hivers doux et une pluviométrie annuelle oscillant entre 1000 et 2000 millimètres, le Yunnan est doté d’une riche terre rouge contenant beaucoup de ma-tières organiques. Cette région a de tout temps offert des conditions idéales à la croissance du théier.

Fidèle à une tradition millénaire, on y produit encore des galettes de thé Pu Er. Les thés noirs et

Le village de Yiban, dans la province du Yunnan.

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La transformation des thés chinoisTout comme la culture du théier en Chine est issue d’une longue tradition, la transformation des feuilles de thé est un art que les Chinois maîtrisent depuis maintenant plu-sieurs siècles. Cette expérience acquise au fi l du temps et du hasard se traduit aujourd’hui par l’existence d’une très grande diversité dans les modes de transformation, tant et si bien qu’on serait tenté de croire que chaque région a sa propre méthode de fabrication. En fait, on ne serait pas bien loin de la vérité, car, étant donné que la production de thé en Chine repose sur des traditions agricoles typiques à chaque région, différentes méthodes de transformation ont été adoptées, créant ainsi de nouveaux types de thé. Aujourd’hui, en plus d’être reconnu comme le lieu d’origine des six grandes familles de thé, la Chine possède pour cha-cune d’elles plusieurs centaines de types différents.

Avant la mise au point des méthodes de transforma-tion, on utilisait les feuilles fraîchement cueillies en décoc-

tion, mais, comme elles se dégradaient rapidement, on a eu l’idée de les faire sécher au soleil pour les déshydrater et ainsi faciliter leur conservation. Cette idée a sans doute été à l’origine des procédés de transformation des feuilles de thé, car l’action de la chaleur du soleil sur les feuilles a créé une réaction chimique naturelle qui a affecté le goût et les propriétés du thé. Avec le temps, les Chinois ont su tirer profi t d’une telle métamorphose.

La majorité des thés produits dans le monde étant com-mercialisés en sachets, les différentes méthodes de produc-tion, depuis la cueillette jusqu’à la transformation, sont le plus souvent industrialisées. Ces techniques nécessitent un grand volume de production et obligent les producteurs à opter pour la quantité plutôt que pour la qualité. Toutefois, ce sont les méthodes artisanales qui sont encore les plus représenta-tives du savoir-faire chinois ; ce sont elles aussi qui rendent le mieux justice aux caractéristiques propres à un thé de terroir.

Fabrique de thé Huo Shan Huang Ya dans l’Anhui.

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LES THÉS BLANCS

Reconnus pour la délicatesse de leurs arômes et pour leurs propriétés rafraîchis-santes, les thés blancs constituent la spécialité de la province du Fujian, qui com-prend trois régions principales : Fuding, Zhenghe et Jianyang. Notons cependant que plusieurs jardins de Darjeeling produisent maintenant du thé blanc et que cette nouvelle tendance se fait également sentir dans d’autres pays du monde.

Issus traditionnellement de récoltes précieuses qui ont lieu sur une courte pé-riode (environ deux semaines) au printemps, les thés blancs étaient autrefois destinés aux empereurs et aux autres hauts dignitaires. Ils comptent parmi les thés qui subis-sent le moins d’étapes de transformation.

On distingue généralement deux types de thés blancs : ceux constitués unique-ment de bourgeons duveteux (Yin Zhen ou Aiguilles d’argent) et ceux composés d’un mélange de bourgeons et de feuilles (Bai Mu Dan, Shou Mei). Leur transfor-mation se fait en deux étapes principales : le fl étrissage et le triage.

TRIAGEL’étape suivante, le triage, consiste à prélever les feuilles brisées et d’autres rési-dus indésirables afi n de ne conserver que les bourgeons et les feuilles entières. Pour ce faire, on utilise différentes grandeurs de treillis. On effectue aussi un triage manuel pour enlever les branches. Le triage peut aussi se faire mécani-quement.

FLÉTRISSAGEÀ l’étape du fl étrissage, on étale tout simplement les feuilles sur des claies de bambou. Selon les conditions extérieures, on laissera les feuilles à l’air libre sur les claies pendant environ 12 à 24 heures. Pour accélérer le processus de déshydratation, on utilise parfois des ventilateurs de différentes forces qui augmentent la circulation de l’air. Dans le cas des productions à plus grande échelle, le fl étrissage s’effectue à l’aide d’une machine qui sèche les feuilles.

DESSICCATIONTraditionnellement, les thés blancs ne subissent pas de dessiccation. Par contre, certains thés de type Bai Mu Dan de qualité inférieure sont soumis à une oxy-dation ou à un séchage à haute température, ce qui transforme leur goût et leur apparence.

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78Une vie ne suffi t pas pour retenir tous les noms des thés chinois.

PROVERBE CHINOIS

Sur le bateau menant au jardin du Tai Ping Hou Kui, inaccessible en voiture.

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Il y a longtemps, vivaient dans les magnifi ques mon-tagnes Huang Shan un couple de singes et leur bébé. Un jour, le petit singe téméraire sortit explorer les alentours, mais, pris dans un épais brouillard, il ne put retrouver son chemin. Inquiet, le père partit à sa recherche. Hélas ! après plusieurs jours de recher-che infructueuse, le vieux singe tomba d’épuisement dans une fosse près du comté de Taiping.

Un vieil homme qui avait l’habitude de récolter du thé sauvage dans les environs aperçut le cadavre du singe. Attristé par cette macabre découverte, il enterra le singe au pied de la montagne et, pour lui rendre hommage, planta quelques théiers et autres arbres à fl eurs. Au moment de quitter les lieux, il entendit une voix qui disait : « Monsieur, je vous re-mercierai pour ce que vous avez fait. » L’homme se retourna, mais ne vit personne.

Au printemps suivant, le vieil homme se rendit à la montagne pour y récolter les feuilles des théiers

qu’il y avait plantés et, à sa grande surprise, vit que la colline en était parsemée. C’est alors que la voix retentit de nouveau : « Je vous offre ces théiers, de sorte que vous puissiez bien vivre en les culti-vant. » D’abord effrayé par l’étrange voix, l’homme se souvint du singe qu’il avait enterré précisément à cet endroit et il comprit que c’était son esprit qu’il entendait. Pour souligner ce cadeau inespéré, il nomma la colline « Hou Gang » (la colline du singe) et le thé « Hou Cha ». Et comme la qualité de ce thé fut exceptionnelle, le nom devint « Hou Kui » (kui signifi ant « le premier » ou « le meilleur »).

Sur un plan plus historique, soulignons que le Tai Ping Hou Kui est cultivé dans la région de Taiping (province d’Anhui) depuis la dynastie Ming. Récolté en exclusivité pour les empereurs sous les Qing, en 2004, le Tai Ping Hou Kui a remporté le titre de « King of Tea » à la China Tea Exhibition.

UN THÉ, UNE HISTOIRE

Tai Ping Hou Kui : thé vert de la province d’Anhui

Le jardin où est cultivé le Tai Ping Hou Kui.

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Les thés chinois

Bai Hao Yin Zhen | thé blanc |Traduction : Aiguilles d’argent. Les mots bai hao,« duvet blanc », indiquent le grade supérieur de Yin Zhen.Autre nom : Yin Zhen, Silver Needles.Région de production : Fujian (Fuding, Zhenghe, Jianyang).Période de récolte : Fin mars, début avril.Cultivar : Da Bai ou Da Hao.

Telle que nous la connaissons aujourd’hui, la produc-tion de ce thé blanc remonte au début de la période Jia Qing de la dynastie Qing (1796). Ce thé était pro-duit uniquement comme tribut pour l’empereur. À cette époque, dans la région de Fuding, on cueillait les bourgeons de théiers sauvages. À partir de 1885, on les a remplacés par les bourgeons du théier Da Bai. D’une grande délicatesse, ce thé est issu d’une très fi ne cueillette qui prélève seulement les bourgeons.

Notes de dégustation : Une odeur de foin fraîche-ment coupé et de champ de fl eurs couvert de rosée émane des bourgeons humides. D’un goût à la fois sucré et végétal, la liqueur distille de fi nes notes de fl eurs de trèfl e et d’herbe de blé. Souple et coulante, elle laisse en bouche de gracieux parfums où se cô-toient l’abricot et la chair d’artichaut. Mielleuse et dé-saltérante, sa longue fi nale berce le palais.Accessoire d’infusion privilégié : Un zhong ou une théière de petit volume.

Jun Shan Yin Zhen | thé jaune |Traduction/autre nom : Aiguilles d’argent du mont de l’Empereur.Région de production : Hunan.Cultivar : Jun Shan Qun Ti Zhong.Période de récolte : Avril.

Ce cru est une rareté. Produit en très petite quantité, il provient d’une île minuscule située au milieu du lac de Dongting. Bien que sa transformation s’apparente à celle d’un thé vert, elle se distingue par une faible oxydation à l’étouffée. Ce procédé entraîne un léger jaunissement de la feuille.

Notes de dégustation : Les aiguilles vertes sont de superbes écrins duveteux qui enserrent le fi n bour-geon. Les feuilles humides répandent un bouquet riche mais subtil de banane plantain, d’arachides rôties, de légumes verts et de papaye. Sous cet amalgame végétal et fruité, on décèle de fi nes notes de vanille et de poivre blanc. Le liquide clair de couleur paille est voilé par le fi n duvet en suspension. La liqueur ronde en bouche est d’une remarquable épaisseur qui en-robe la langue. Son goût sucré est contrebalancé par une pointe d’acidité. L’arôme soutenu d’artichaut, lé-gèrement piquant, s’enrichit des notes de bois vert et d’arachide. La longue fi nale végétale et vanillée est d’une grande douceur.Accessoire d’infusion privilégié : Un zhong ou une petite théière.

À LA DÉCOUVERTE

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Long Jing Shi Feng | thé vert |Traduction/autre nom : Puits du Dragon/Lung Ching.Région de production : Zhejiang (Shi Feng, Meijiawu).Période de récolte : Fin mars, début avril.Cultivar : Long Jing 43.

Ce thé, le plus prestigieux de Chine, est cultivé près de Hangzhou, la capitale du Zhejiang connue pour son ma-gnifi que lac de l’Ouest (Xi Hu). De nos jours, en raison de sa grande popularité, l’appellation Long Jing est surex-ploitée. Il importe donc de distinguer les Xi Hu Long Jing des Zhejiang Long Jing. Cultivés dans la zone d’origine, les Xi Hu Long Jing sont entièrement transformés à la main, de la cueillette au tamisage fi nal. Quant aux Zhe-jiang Long Jing, récoltés dans toute la province, ils sont très majoritairement cueillis à la main et transformés à la machine. Ce thé étant le plus copié de Chine, il est à noter que la majeure partie des Long Jing sur le mar-ché sont produits à l’extérieur de leur terroir d’origine, souvent même dans d’autres provinces. En général, il ne s’agit que de médiocres imitations.

Les Xi Hu Long Jing proviennent principalement de deux versants de montagnes qui se font face : le cé-lèbre Shi Feng (« pic du Lion »), lieu même du village de Long Jing, et Meijiawu, le village voisin. La récolte printa-nière se divise en deux catégories. La plus prestigieuse est une cueillette impériale appelée ming qian qui se déroule avant la fête de Qingming, autour du 20 mars. Deux semaines plus tard, on procède à la cueillette yu qian, qui est également de grande qualité.

Une légende raconte que, vers 250, un moine taoïste aperçut un dragon caché dans un puits, non loin de Hangzhou. À cette époque, les paysans priaient jour et nuit pour que la pluie revienne, car une terrible sécheresse sévissait sur la région. Le moine fi t part de sa découverte aux villageois et ils implorèrent le dra-gon du puits de leur venir en aide. Dès qu’ils eurent entamé leurs prières, les nuages s’accumulèrent et il commença à pleuvoir à torrents. En souvenir de l’évé-nement, ce thé et un vieux temple situé tout proche furent baptisés « Puits du Dragon ».

Notes de dégustation : Les feuilles vert tendre récol-tées sur le versant du Shi Feng présentent la forme clas-sique allongée et plate. De fi nes notes d’herbes marines et de pétoncles crus émanent des feuilles humides. De la liqueur vert jade s’élève un doux parfum végétal. En bouche, l’attaque herbacée est franche et légèrement sucrée. L’ouverture végétale devient pleine et se pour-suit sur des notes de haricot vert, de fenouil cuit et de roquette, le tout porté par une douce onctuosité. Long en bouche et légèrement astringent, il présente un re-marquable équilibre entre douceur et force.Accessoire d’infusion privilégié : Un zhong ou une petite théière.

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ŒUVRE D’ART, ART DE VIVRE, AU JAPON LA CONSOM-

MATION DU THÉ A ÉVOLUÉ SUIVANT UN IDÉAL SPIRI-

TUEL CONNU SOUS LE NOM DE CHADO (« LA VOIE DU

THÉ »). DÈS SON INTRODUCTION DANS L’ARCHIPEL,

LE THÉ S’EST VU ATTRIBUER UNE VALEUR PARTICULIÈRE

ET IL A RAPIDEMENT FAIT L’OBJET D’UN RITUEL.

AUJOURD’HUI, TANT PAR LEURS MÉTHODES DE CULTURE

QUE PAR L’ÉLABORATION DU CÉRÉMONIAL QUI EN-

TOURE LE THÉ, LES JAPONAIS ONT RÉUSSI À ÉLABORER

UN PRODUIT UNIQUE, DIGNE D’UNE CULTURE EXIGEANTE

ET RAFFINÉE. UNE LÉGENDE JAPONAISE CONCERNANT

LA DÉCOUVERTE DU THÉ MET EN SCÈNE BODHIDHAR-

MA, PRINCE INDIEN DU VIe SIÈCLE, FONDATEUR DU

BOUDDHISME CHAN QUI, AU XIIe SIÈCLE, SERA APPELÉ

« BOUDDHISME ZEN ». SELON LA LÉGENDE, BODHIDHAR-

MA FIT L’IMPOSSIBLE VŒU DE NE JAMAIS DORMIR AFIN

DE POUVOIR MÉDITER SANS RELÂCHE. MALGRÉ CELA,

UN JOUR, ÉPUISÉ PAR UN ÉTAT DE VEILLE INCESSANT,

IL S’ENDORMIT. À SON RÉVEIL, FOU DE COLÈRE D’AVOIR

INTERROMPU SA MÉDITATION, IL S’ARRACHA LES PAU-

PIÈRES ET LES ENTERRA. QUELQUES ANNÉES PLUS

TARD, IL REPASSA À CET ENDROIT PRÉCIS ET VIT QUE

DE MAGNIFIQUES ARBUSTES AUX FEUILLES OBLON-

GUES AVAIENT POUSSÉ : SES PAUPIÈRES AVAIENT EN-

GENDRÉ DEUX THÉIERS.

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LA CÉRÉMONIE JAPONAISE CHA NO YUCérémonie extrêmement codifi ée qui comporte plu-sieurs centaines de procédés différents, le cha no yu est la forme d’expression la plus poussée de la voie du thé. Pratiquée selon les quatre principes établis par Rikyu, elle a pour but de permettre à ses adeptes d’atteindre une dimension spirituelle en offrant et en recevant le thé dans une atmosphère empreinte d’harmonie et d’humilité.

Cha no yu signifi e littéralement « l’eau du thé ». Il existe deux grands modes de présentation du cha no yu : le chaji et le chakai. Plus formel, le chaji dure trois ou quatre heures et réunit un nombre maximum de quatre participants. Les invités sont d’abord reçus avec honneur, dans le jardin, avant d’être conviés à un re-pas (kaiseki) dans le pavillon de thé. Après une courte pause, l’hôte prépare le moment le plus formel de la rencontre, soit le service d’un thé Matcha épais (koi-cha) qui sera suivi, après une autre pause dans le jardin, d’un thé Matcha plus léger (usucha), le tout s’accompa-gnant de politesses, de respect et de longs moments de recueillement.

Version abrégée du chaji, le chakai ne dure que de 30 à 45 minutes. Au cours de cette cérémonie, on sert un thé léger accompagné de sucreries. C’est ce mode de présentation qui convient davantage lorsqu’il y a un grand nombre de participants.

LES SEPT RÈGLES DU CHA NO YU ÉTABLIES PAR SEN NO RIKYULes sept règles établies sous forme d’énoncés par Sen No Rikyu évoquent, avec des images simples, les façons de faire que l’on doit respecter pendant la cé-rémonie cha no yu. De prime abord, elles semblent faciles à suivre, mais, lorsque l’on comprend l’essence de chacune, on s’aperçoit qu’elles requièrent un in-vestissement personnel complet exigeant une vigi-lance soutenue à l’égard de ses invités :

« Arrange les fl eurs comme elles • sont dans les champs » : les fl eurs doivent être disposées de façon à évoquer la nature dans sa simplicité ;

« Dispose le charbon de bois • de façon à chauffer l’eau » : cet énoncé concerne l’effort, la compétence et la sincérité que l’hôte met dans sa préparation ;

« En été, évoque la fraîcheur » ;•

« En hiver, évoque la chaleur » ; • tout doit être mis en œuvre pour mettre les invités à leur aise en accordant l’environnement avec les humeurs des saisons ;

« Devance en chaque chose le • temps » : le moindre détail doit être planifi é avec soin ;

« Prépare-toi à la pluie » : l’hôte • doit pouvoir s’adapter à toutes les circonstances ;

« Accorde à chacun de tes invités • la plus grande attention. »

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Une méthode simple pour préparer un Matcha

Pour la préparation d’un Matcha, vous aurez besoin de trois accessoires essentiels : un chawan (bol à thé), un chasen (fouet à thé) et un chashaku (cuillère à thé).

Réchauffer le • chawan et le chasen avec de l’eau très chaude. Attendre une trentaine de secondes avant de jeter l’eau et de bien essuyer le chawan.Tamiser la quantité de Matcha nécessaire dans un • bol 1 . La proportion de thé pour un bol de Matcha est de deux chashaku, ou une cuillère à thé rase. Utiliser un fi ltre assez fi n pour tamiser le Matcha à l’aide d’une cuillère à thé. Cette opé-ration est importante, car en plus de rendre la mousse du Matcha plus onctueuse, elle évite la formation de grumeaux.Verser environ 65 millilitres d’eau à 75 °C sur le • thé 2 puis, en un mouvement allant du fond

vers la surface, fouetter énergiquement le thé avec le chasen 3 en évitant d’écraser les brins du fouet. Lorsqu’une mousse commence à se former, remonter délicatement le fouet en s’as-surant de briser les grosses bulles qui se forment en surface 4 . Savourer.•

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UN THÉ, UNE HISTOIRE

Le Matcha

Le Matcha est un thé vert réduit en poudre très fi ne que l’on utilise traditionnellement lors de la céré-monie du thé japonaise.

Au XIIe siècle, lorsque le moine Eisai a introduit le thé au Japon (voir historique page 90), il était d’usage en Chine de réduire les feuilles en poudre avant de les battre dans un bol. C’était l’âge du thé battu. Cette méthode de préparation que les Chinois de-vaient délaisser par la suite, le Japon l’a préservée en l’intégrant au rituel cha no yu.

Les meilleures qualités de Matcha proviennent des plantations couvertes de la région d’Uji. Après avoir été transformées selon les étapes que nous avons vues précédemment, les feuilles sont soumises à un triage particulier. Afi n d’obtenir un matériel vé-gétal qui peut facilement se réduire en fi ne poudre, on retire les nervures des feuilles de thé. On obtient

ainsi le Tencha, qui sera par la suite moulu entre des meules de pierre. Il existe peu de Matcha « purs », issus d’une parcelle de terrain précis. Il arrive fré-quemment que l’on assemble différents Matcha afi n d’équilibrer les forces et les faiblesses de chacun. Dans le paragraphe ci-dessous, nous vous présentons un Matcha de dégustation.

LE MATCHA SENDOAvec sa couleur d’un vert fl amboyant, le Matcha Sendo exhale un arôme de petits fruits et de cho-colat noir. En bouche, sa texture dense est riche et séduisante. Ce thé possède des notes surprenantes qui rappellent le topinambour. Il est très stimulant et son amertume s’harmonise très bien avec une petite gâterie sucrée.

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ANTaïwan

BIEN QU’À TAÏWAN LA CULTURE DU THÉIER SOIT RE-

LATIVEMENT RÉCENTE, SI ON LA COMPARE À CELLE DE

LA CHINE, QUI EN EST DÉJÀ À 5000 ANS D’HISTOIRE,

LES CONDITIONS CLIMATIQUES ET GÉOGRAPHIQUES

DE L’ARCHIPEL AINSI QUE L’EXPERTISE HÉRITÉE DES

CHINOIS ONT FAVORISÉ L’ESSOR D’UNE PRODUCTION

DE GRANDE QUALITÉ DANS CE PAYS. LA RICHESSE

DES PARFUMS FLORAUX DE SES THÉS DE HAUTES

MONTAGNES ET LA TEXTURE VOLUPTUEUSE DE SES

PETITES RÉCOLTES FONT AUJOURD’HUI LE PLAISIR

DES AMATEURS LES PLUS EXIGEANTS.

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