168_soufismemystique

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    LLeeSSOOUUFFIISSMMEE

    MMyyssttiiqquueeddeellIISSLLAAMM

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    Le Soufisme, une voie pour lEsprit

    Le Soufisme peut tre dfini comme lapprhension spirituelle, voire mystique, du textecoranique. Il est avant tout une exprience qui relve dun monde personnel trs particulier. Des

    soufis ont tent de dcrire ce quils prouvaient lors de leur approche de Dieu, et il faut admettre

    que la lecture de ces textes nous fait prendre conscience de la difficult, voire de limpossibilit

    dexprimer en termes de conscience une exprience qui ne relve pas de la conscience.

    Cet intrt pour le Soufisme est aussi dtermin par sa prsence dans lHistoire du monde

    musulman car il est impossible de passer sous silence le rle et limpact de la religion dans le

    quotidien, dans le politique, et ce titre, les Soufis, surtout lorsquils sont regroups en

    confrries, ont jou un rle fondamental dans cette Histoire. Il faut rappeler, titre dexemple,

    que lhomme qui a symbolis lopposition la conqute franaise en Algrie, Abdelqader, tait

    soufi, et que, lheure actuelle, la contestation politique dans certains pays musulmans est menepar des Soufis.

    Qui plus est, le monde arabe tel quil est prsent par les mdias, compte tenu des vnementsrcents que nous connaissons, na pas une image particulirement positive, et peut tre serait-il

    bon den montrer un aspect peu connu du monde occidental.

    Dfinitions :

    Beaucoup dauteurs utilisent propos du mot soufisme, le terme de mystique musulmane.Cela est un peu gnant car le mot mystique renvoie une ralit occidentale trs connote. On

    pense alors la vie et aux textes de Saint Jean de la Croix, Sainte Thrse dAvila, Matre Eckartetc. On imagine les mystiques dans leur couvent, vivant une vie asctique, remplie de prires et

    doraisons, dans la chastet la plus totale, au sein de leur communaut. Telle est la visionclassique du mystique que lhomme doccident a grav dans son imaginaire.

    Rien de comparable dans lISLAM, et ce pour des raisons historiques, mais aussi religieuses. Le

    Soufi est un homme comme les autres, qui vit dans la communaut musulmane, avec son travail,

    sa femme, ses enfants. Aucune marque extrieure ne le distingue des autres Etant musulman

    avant tout, il se doit dassumer la place que Dieu lui a assigne sur terre, et de mettre au servicede la communaut musulmane dans laquelle il vit les qualits qui sont les siennes.

    Dautre part, il ne faut pas confondre lascse morale avec la vie mystique. Si le mystique vavivre selon les exigences de la voie quil a choisie, le croyant pieux et zl, qui pratique une

    certaine ascse, peut lui aussi, propos de certains textes, donner la primaut lesprit sur la

    lettre, mais cela ne fait pas de lui obligatoirement un mystique.

    Revenons rapidement sur les fondements de lIslam, contenus dans le CORAN, car la psalmodiedu CORAN est un acte que va accomplir le soufi.

    Le CORAN

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    Il fut rvl progressivement au prophte MOHAMMED. N aux environs de 570, Mohammedfut lev par son oncle avec son cousin ALI. Ali et Mohammed vont grandir ensemble, et Ali

    pousera plus tard Fatima, une des filles du prophte. Trs jeune, Mohammed fut engag par une

    riche veuve de la Mecque, Khadija, pour diriger ses caravanes. Il faut se souvenir que, cettepoque, La Mecque tait dj un haut lieu de plerinage, car les caravanes avaient lhabitude de

    sy arrter lors des jours de march et des foires annuelles qui sy tenaient. Les caravanes

    constituaient la principale ressource des gens, mais elles constituaient aussi une proie pour les

    tribus ennemies. Lors des foires, une trve tait institue pour permettre tous de sy rendre.

    Trois desses soumises un Dieu appel Allah taient lobjet dun culte de la part des Bdouins.Mohammed pousa Khadija 23 ans, et devint ainsi riche et considr. Cest partir de la

    quarantaine que la rvlation lui fut apporte par lange Gabriel, qui lui donna lordre de prcher

    la nouvelle religion. Prcisons que pour la tradition musulmane, Mohammed tait illettr. En

    effet il tait ncessaire que son esprit ft vierge de toute connaissance pour transmettre le

    message divin dans sa puret et son originalit.

    La prdication de Mohammed se heurta de nombreux obstacles, et fut mme rejete car sonmessage allait lencontre des croyances et des intrts de la socit dans laquelle il vivait. En

    effet, il mettait laccent sur une plus grande gnrosit lgard des pauvres. La solidarit entreles tribus devait cder la place une communaut de croyants tous gaux devant un Dieu Unique.

    Les idoles devaient donc disparatre, ce qui compromettait les revenus des plerinages. Qui plusest, il interdisait tout affrontement entre musulmans, ce qui supprimait les ressources rapportes

    par les razzias... Lhostilit son gard devint de plus en plus grande, voire dangereuse, cedautant quil perdit en 619 sa femme et son plus fidle alli, son oncle Abu Talib.

    Il quitta La Mecque en 622, pour sinstaller dans loasis de Yathrib. Celle-ci devint La ville du

    Prophte , Madinat en nabi en arabe, ce qui fait que toutes les villes du monde arabe ontune mdina , en fait la ville ancienne. Cet exil, en arabe Hijra , marque lan 1 de

    lHgire. Mohammed organisa une nouvelle socit centre sur la notion de Oumma oucommunaut des croyants, qui coiffe tribus et clans et en abolit toutes les traditions antrieures.

    Seuls les impratifs de lIslam devront tre appliqus. En 624, il dcida que la direction de laprire serait La Mecque et non plus Jrusalem. De mme les razzias - aspect du djihad (guerre

    sainte contre les ennemis dAllah) - auront pour cibles uniquement les tribus non musulmanes, et

    les infidles. En 632 il rentre en vainqueur La Mecque, o il meurt en juin de la mme anne.

    Cest donc la parole de DIEU qui sexprime, dans le CORAN, travers 114 sourates, totalisant6211 versets. Elles furent consignes sous le rgne du 3

    ecalife, OTHMAN, qui voulut tablir un

    corpus dfinitif.

    On peut regretter que ce ne soit pas lordre chronologique qui ait t choisi, car on distingue une

    volution dans le message, certains versets en annulant dautres, et lorientation allant vers un

    durcissement des prceptes moraux.

    Le CORAN rtablit dans sa puret originelle le message de Dieu - toujours le mme depuisAbraham - lequel message fut dabord envoy aux Juifs, puis aux Chrtiens. Mais Juifs etChrtiens lont fauss et falsifi. Il fallait donc quil ft donn aux hommes une dernire fois.

    MOHAMMED est lultime prophte envoy au monde. Il scelle la prophtie et ne peut avoir desuccesseur. LIslam est ainsi la meilleure des religions puisquelle parachve et prcise dune

    faon dfinitive toutes celles qui lont prcde.

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    Rien sur les murs, en dehors de phrases tires duCoran ou la calligraphie des diffrents noms de Dieu. Il y a une volont de nudit, qui trs vite,

    va tre perue comme de la scheresse et provoquer divers mouvements au sein de lIslam, dont

    le Soufisme.

    Il faut aussi se souvenir que lIslam est une religion sans glise organise, sans hirarchie, sans

    Pape pour dire la norme. Noublions pas aussi les divergences dcole entre Sunnites et Chiites.

    Le Sunnisme runit la majorit des musulmans, dont les bases religieuses sont le CORAN,

    complt par la SUNNA qui regroupe tous les faits et gestes du prophte, considr commelarchtype de lHomme Parfait. Limiter constitue donc la garantie dune vie parfaite.

    Le Chiisme regroupe sont ceux qui ont prfr suivre Ali, gendre du Prophte car il avait pous

    sa fille Fatima. Lors de la scission avec les Sunnites loccasion dun arbitrage, les partisans de

    Ali et leurs successeurs ont prtendu que la Baraka du Prophte ne stait pas teinte avec sa

    mort, mais se perptuait par sa descendance. Le message de Dieu perdure et sactualise travers

    les Imams, dont le premier est Ali. Ce sont des Ayat Allah (Ayatollah), des signes de Dieu.Ils sont des mdiateurs entre Dieu et les hommes, et il faut reconnatre que leur influence futgrande dans lexgse du texte coranique. Contrairement aux Sunnites, les Chiites possdent un

    clerg trs bien structur, encadrant la population, ce qui peut explique certains vnements quise sont produits dans des pays comme lIran. Ajoutons un dernier aspect du chiisme. Ce fut, lors

    des dbuts de lIslam, le courant adopt par les musulmans dorigine non arabe (essentiellementles Persans). Pour prparer les gens la vie future, il faut commencer par organiser la vie ici-bas,

    et cest le rle de la Charia, dont lapplication relve du gouvernement, cest dire du Sultan, oudu Roi, ou du Prsident. Il est aid en cela par des Oulmas qui sont des spcialistes de la

    religion, car en ISLAM, on ne rend pas Csar ce qui est Csar, car tout est Dieu. DIN WADOULA.

    Rgir la cit, ses affaires, organiser ses ressources, cest prier. Pour peu que lon sloigne de

    cette doctrine, et si la vie de la cit est perturbe, ce ne peut tre que le rsultat de la nonapplication de la Charia, dont le respect sera exig par les fondamentalistes, et autres intgristes.

    Prtendre interprter la parole divine est donc une activit hauts risques, proche du blasphme,car quel est lhomme assez prtentieux pour vouloir interprter la parole de Dieu ? Dans le

    contexte dune communaut en voie de formation, en butte de nombreux ennemis, toute mise en

    cause de lorthodoxie fut nergiquement combattue, car lIslam tait le ciment de cette nouvelle

    union des croyants.

    Le soufisme reste donc un piphnomne dans le courant de lIslam. Ce dernier finira par

    laccepter, mais contre cour, et ne lui donnera jamais la premire place.

    Le SOUFISME :

    Vient du mot sof qui signifie la laine dont t confectionn le vtement de ces soufis, ce qui

    tait pour eux une faon de ragir contre le luxe ostentatoire des dirigeants. Plus profondment, lesoufisme est n dune raction contre le formalisme et la dogmatique des tenants de lorthodoxie,mais aussi contre la conduite rprhensible des chefs. Cela amnera les premiers soufis tre

    perscuts, emprisonns et souvent excuts, dans la mesure o leur comportement risquait deperturber lordre public.

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    Pour lutter contre laspect sclros, obtus et dessch dune religion dont les reprsentantsofficiels privilgiaient la lettre sur lesprit, les soufis vont opposer linterprtation littrale et

    extrieure du texte - le zahir - une interprtation plus intrieure, mettant laccent sur le sens cach

    - le batin. Ce sens cach doit tre dvoil - il y a de nombreux voiles- non par lintelligence pureet le mental, mais par une approche sensible du texte, qui doit parler avant tout au COEUR.

    Dans le CORAN, il est dit propos des incrdules (sourate 22, verset 46) : Ce ne sont pas les

    regards qui sont aveugles, mais les coeurs qui sont dans les poitrines et le prophte Mohammed

    rpondra lorsquon lui demandera sil a vu Dieu : Oui, avec mon coeur . Cest grce cecoeur que les voiles qui cachent la Ralit Ultime, la Haqiqa, seront ts, un par un, au cours

    dun voyage spirituel, qui devrait amener le soufi, le dernier voile disparu, contempler Dieu,

    voire sanantir pour se fondre en lui.

    Toutefois, sans pour autant avoir une vision mystique du texte coranique, les soufis, et dautres

    religieux, vont interprter les textes, dans un sens o lesprit domine la lettre.

    Exemple :

    Cest ainsi que la sourate IX, est une sourate qui a fait couler beaucoup dencre. Dune part bienquelle soit la 9

    edans lordre coranique, elle est en fait la dernire qui a t rvle au Prophte,

    un moment de sa vie o il tait chef religieux mais aussi politique.

    Cette sourate - parole de Dieu - enjoint aux croyants de tuer tous ceux qui refusent de devenirmusulmans (exception faite des juifs et des chrtiens)

    Combattez les idoltres totalement Combattez les jusqu ce quil ny ait plus de sdition et que la religion soit toute Dieu.

    Le soufi va interprter ces phrases comme appelant lutter contre nos mauvaises tendancesjuges infrieures, nos passions, nos instincts et cest cela qui sera le vrai, le grand Jihad.Ce

    terme, qui a fait couler beaucoup dencre, connote lide dun effort. Cet effort peut avoir pourbut la lutte contre linfidle, pour dfendre lIslam si celui-ci est attaqu, et le Jihad sera

    synonyme de guerre sainte.Mais, pour les soufis, et de nombreux musulmans, le grand Jihad seraleffort que le musulman entreprendra contre ses penchants, ses dsirs, ses tentations. Cest donc

    le coeur qui va tre le sige de cette perception de la religion, et cest sur le coeur quil faut agir

    pour y arriver. Cette interprtation mystique de LIslam a des origines nombreuses et

    controverses.

    Certains chercheurs ont mis en avant lexemple des pres chrtiens du dsert, dautres des

    lments hindouistes, car il est vrai que lors de la conqute les troupes musulmanes sont entresen contact avec cette religion. Certains ont mme tabli un parallle entre les techniques du Yoga

    et celles utilises par les soufis. Ce qui est beaucoup plus certain, car l les textes existent, cest la

    trs nette influence des religions persanes sur les soufis musulmans de lIran, et le plus clbre

    dentre eux Sohrawardi.

    Cela na rien dtonnant, car cette nouvelle religion, lorsquelle tait adopte par des gens quintaient pas arabes, tait perue travers leur culture, leurs grilles de lecture, leurs schmas

    intellectuels et leur langue. Et il ne fait aucun doute que, tant lIslam que le Soufisme ont tinforms (au sens tymologique du terme) par le contexte culturel du pays.

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    A cela il faut ajouter que le CORAN possde des lments asctiques et mystiques. Laccent estsouvent mis sur la pauvret, la justice et la charit, et des mots comme ceux de lumire, de feu, et

    doiseau seront des supports de mditation pour les soufis. Il est souvent mentionn que la vie de

    ce monde nest que de leau qui coule, alors que seul Dieu demeure. Cette permanence de Dieu,face limpermanence de ltre humain, est au cour de la tentative du soufi, qui voudra se perdre

    en Dieu.

    En vrit nous sommes Dieu et en vrit nous retournons lui (2-156)

    Nest-ce pas Allah que toute chose retournera ? (10-56) Et vous serez ramens LUI (11-123)

    O Toi, me apaise, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agre !

    Entre parmi Mes serviteurs ! Entre dans mon paradis ! (89- 27/30)

    Le SOUFI, comme tout bon musulman se doit de respecter la CHARIA, mme sil doit ensuite,

    en dpasser le sens littral pour donner la priorit lesprit.Ce mot signifie le chemin quempruntaient les btes qui rentraient des pturages pour se rendre labreuvoir. On voit trs bien ici le symbole. La Charia, si on la suit, sans le moinde cart, va

    mener leau, source de vie dans le dsert, cest--dire la parole divine.

    Mais tout en respectant scrupuleusement les obligations prescrites, pour tre tout simplement unmusulman qui obit aux prescriptions divines, le soufi va sengager sur une Voie, qui porte le

    nom de Tariqa (tariq : la rue), que les soufis disent tre une voie damour, et qui doit leurpermettre de raliser lUnit laquelle ils aspirent. Cette aspiration part de lide, vcue ou non,

    que lme, en sincarnant, descend du monde de la lumire dans celui des tnbres. Endescendant dans ce corps charg de dsirs, de passions plus ou moins louables, cette me

    salourdit, elle devient dense et opaque. Il lui est donc difficile de se dtacher de sa glaise, et ellesouffre car elle aspire retourner au lieu do elle est partie.

    Et lorsque le croyant prend conscience du ct illusoire de la vie et quil aspire retourner la

    lumire de lunit, cest ce moment que se situe lveil. Cette prise de conscience peut seproduire diffrents moments, et dans diverses circonstances (souffrance, maladie, mort, etc..).

    Il va sadresser un matre spirituel, un cheikh dont le but est de lamener la purification de son

    me, travers une srie de stations, que lon appelle des Maqamat , et chaque station

    correspond un tat psychique, ou ahwal . Au bout de ce voyage spirituel, le soufi atteint lemoyeu de la roue, qui est fixe, et qui reprsente DIEU, la Haqiqa (la ralit). A ce stade, le moi

    disparat fana pour rester en Dieu, cest ltat de baqa celui de la prennit. La

    contingence sannihile dans lEtre qui est la seule ralit.

    La TARIQA

    Le disciple est donc rentr dans un ordre de soufis, dirig par un matre, le morchid, et ce matre

    va le conduire dtape en tape au but quil dsire.Il va passer par trois stadesa - novice, cest le mourid

    b - progressant, cest le salikc - parfait, cest le kamil ou muhaqqiq

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    attitude leur a souvent valu la colre et les critiques des tenants de lorthodoxie, comme IbnTammiya, au 14 sicle.

    Le novice, avec laide de son matre spirituel va donc tenter, travers toutes les tapesmentionnes, qui constituent une ascse, de parvenir la Haqiqa.

    Une image trs frquente dans la pense soufie est celle du miroir, opaque et terni au dbut et que

    ces tapes vont peu peu nettoyer jusqu ce quil soit net, exempt de toute souillure. Le coeur -

    car cest lui le miroir, et non le mental - pourra alors reflter limage de Dieu. Il est vident que

    cette nettet reprsente lintgrit morale.

    Le travail principal auquel les soufis doivent sastreindre a lieu lors de sances de mditation

    durant lesquelles le murid ou novice va apprendre les techniques ncessaires pour atteindre ltat

    dunion Dieu auquel il aspire.

    La plus importante, et qui existe dans tous les ordres soufis, est le DHIKR, cest dire larptition incessante de la moiti de la chahada, ou du mot Allah.

    Le DHIKR

    Cest la reprise de la mme phrase, vritable mantra des musulmans, qui se termine par celle dunom dAllah, puis de Huwa (LUI), pour sanantir dans la simple mission du souffle. Il ne faut

    pas oublier que le monde fut cr par le souffle de Dieu, cest dire par un acte unique. Kun. faYakun. Sois... et il fut Le Dhikr, re-citation ractualise la Rvlation telle que Dieu la rvla

    au prophte Mohammed par lintermdiaire de lange Gabriel.Il nest pas sans rappeler les pratiques du japa-yoga, de la prire de lhsychiasme dans lglise

    orthodoxe, ou le membustu japonais.

    Le nombre de re-citations varie selon ltat du novice, et un chapelet de 99 grains (les 99noms du prophte) peut laider. Il est vident que prononcer la mme formule, voire le mme

    mot, durant des heures, et souvent en acclrant la prononciation, ncessite une technique dusouffle trs particulire, ce dautant que cette rcitation na de sens que si elle est accompagne

    de lintention droite , cest dire quelle ne doit absolument pas devenir un automatisme. Il

    faut une attention constante du coeur sur lObjet mentionn dans la formule. Toute sensation ou

    imagination doit tre exclue Cette discipline du souffle saccompagne dune gestuelle approprie,ainsi que dune manire particulire de prononcer le Dhikr.

    Cest ainsi quil faut tre assis sur le sol, jambes croises, les genoux levs, bras autour des

    jambes, la tte baisse entre le genoux et les yeux ferms.Lassise est aussi celle de lme qui doit faire face aux perturbations des sentiments, des instincts,

    des dsirs.

    Les deux genoux sont le Coran et la Sunna que le croyant serre entre ses bras pour sen pntrer

    et sassurer de leur prsence, la tte est baisse en direction du coeur, et les yeux sont ferms pourque aucune distraction extrieure ne vienne sinterposer.

    La illaha : Il ny a pas dautre divinit on relve la tte vers la droite et ce moment onprononce illa si ce nest trs fortement car il faut que cette ngation se grave dans tout le

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    corps puis on baisse la tte et lon prononce le nom Allah, DIEU nergiquement, en face ducoeur..

    Le DHIKR est donc une intriorisation, une ralisation intime du dogme de labsoluetranscendance de Dieu. Aucune autre divinit ne peut lui tre associe, mais lorsque le soufi

    affirme cette transcendance, il ne fait pas uniquement allusion aux divinits paennes du monde

    arabe avant lIslam, mais aussi toutes les divinits dont lhomme risque dtre lesclave : le

    pouvoir, la puissance, la gloire, largent, le sexe etc. Lorsque cette rcitation a pntr le coeur

    de celui qui prie, il passe au seul nom dAllah, et la gestuelle va changer. Puis Huwa (LUI), etles deux syllabes qui constituent ce mot vont petit petit ne plus tre audibles pour laisser place

    au seul bruit du souffle.

    Car dans ce souffle qui est celui de Dieu crateur du monde, le soufi va

    abolir son identit. Il sannihile et atteint le fana .

    Il faut prciser que, au fur et mesure que se poursuit cette rcitation, tous les soufis font tat dephnomnes visuels quils interprtent comme tant une lumire divine.Ce dont il faut se souvenir est que ltre humain, dans cette vision musulmane, comme dans la

    perception orientale de ltre humain, est compos dune me et dun corps, mais aussi dunsouffle.

    Lme, en arabe nafs , est la psych, lme charnelle, pleine dedsirs

    Jism, le corpset le souffle, ruh, lesprit divin.

    Un problme se pose avec le Dhikr collectif.

    En effet, technique du souffle, rythme respiratoire et gestuelle, pratiqus par un groupe depersonnes risquent de provoquer une transe qui na plus rien de comparable avec labsorption en

    Dieu qui est le but final de la sance, et qui peut sapparenter une hypnose collective.La pense fondamentale du soufi est que le monde contingent nest que le reflet manifest de la

    seule essence divine, et lesprit humain une manation directe de lessence incre. Lexistencena donc aucune profondeur dtre et doit sabolir (fana) en Dieu qui seul perdure.

    Il est vident quune telle interprtation du texte coranique tait beaucoup trop loigne des

    milieux populaires qui ressentaient eux aussi ce besoin dune religion moins formelle et plus

    vivante, plus charnelle. Toutes ces spculations taient beaucoup trop difficiles comprendre, etlon a assist dans le monde musulman la naissance des confrries .

    Lmergence de ces ordres soufis et de ces confrries est lie lclatement du monde musulmanau 13esicle, lorsquil sest morcel en pays diffrents. Lunit de la OUMMA a disparu, et lon

    a assist dans les rgions nouvellement converties, un retour des survivances, des modes de

    pense, des traditions que lislam orthodoxe avait occults mais non effacs.

    A ce retour dune identit marginalise, viennent sajouter des problmes religieux ou politiques,car, et il ne faut jamais loublier - le monde contemporain en est un excellent exemple - toutes lescontestations, toutes les rvolutions, toutes les oppositions, ont pour origine une interprtation du

    texte religieux, la religion tant le seul terrain se prtant la contestation politique, dans lamesure o il ny en a pas dautre. Fondamentalisme, intgrisme, islamisme etc., tous ces

    mouvements qui font parler deux en ces temps troubls ont une base essentiellement religieuse,

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    mais oriente vers un but politique. Cest ainsi que certaines confrries se sont disqualifies,notamment au dbut du XXme sicle par leur compromission avec la colonisation, et dautres

    par le fait que pour atteindre lextase, tous les moyens risquent dtre utiliss, y compris les

    excitants ou mme les stupfiants. On aboutit alors des confrries qui nont de mystique que lenom, et qui sadonnent des excs trs spectaculaires, car leurs adeptes arrivent une

    insensibilisation telle quils sont capables de se brler, de se meurtrir, sans manifester la moindre

    douleur. Assaouas, Hamadchas, etc.

    Cela dit, on ne peut oublier lune des manifestations les plus clbres du DHIKR collectif : ladanse cosmique des derviches tourneurs.

    Bien entendu le mot danse ne doit pas faire sourire, car en fait il sagit dun office liturgique, dont

    chaque geste est symbolique et a une signification.

    Cest Jalal ed Din Roumi qui la rendu clbre, avec son matre, Shams de Tabriz.

    La danse est cosmique, car elle symbolise la ronde des sphres, et la musique est celle

    prcisment de ces sphres.Le corps du danseur est laxe du monde, qui relie le ciel et la terre. il reoit le flux divin, lagrce, par la main droite dont la paume est tourne vers le ciel, et il restitue cette nergie divine

    par la main gauche dont la paume est tourne vers le sol. Il est donc le rceptacle de cette nergiedivine et il en est transform.

    Il tourne jusqu lextase.Avant de commencer danser les derviches font trois fois le tour de la piste, ce chiffre 3

    reprsentant les 3 tapes qui rapprochent de Dieu : la science (charia), la Tariqa, et enfin laHaqiqa, lUnion.

    Aprs les danseurs abandonnent leur manteau noir, comme sils se dpouillaient dune peau,savancent vtus de blanc, signe dune renaissance, et se mettent tourner au son de la flte.

    A Konya, lorsque lon entre dans le mausole de Rumi, on peut lire la phrase suivante : Viens, qui que tu sois, croyant ou incroyant, viens ; cest icila demeure de lespoir

    Nous sommes loin, trs loin de soufisme dun Ibn Arabi, soufisme mtaphysique et gnostique.

    Dune culture immense, cet andalou mort Damas, fut influenc par le stocisme, lenoplatonisme, lismalisme, la gnose, le christianisme.. et il aboutit un amour naturel et

    universel, privilgiant lesprit sur la lettre, pour dboucher sur un panthisme qui lui valut

    lostracisme de certains puristes.

    Dans une strophe de Linterprte des dsirs il crit :Mon coeur est capable de devenir toutes les formes distinctes

    Il est une prairie pour les gazelles

    Il est le clotre du moine chrtienIl est un temple pour les idoles

    Il est la kaaba du plerin

    Il est la table de la loi de Mose

    Il est le Saint Coran

    Ma religion est lamourDe quelque ct que se tournent mes montures LAMOUR est ma religion et ma foi..

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    Dfinitions de la voie mystique en Islam

    Le mysticisme est la fois une voie, une doctrine et un tat:doctrine, il prte un sens cach aux rvlations des critures et

    aux choses ; voie, il prtend conduire la connaissance de chosesdivines sans intermdiaire, pntrer les mystres, et par undvoilement atteindre aux ralits transcendantes face face ;tat, cest un comportement spirituel issu de ltude de la thologieet de la thogonie, et qui demeure attach la signification spiri-tuelle des tres, de leurs rles et de leurs actes.

    Nietzche disait que la grandeur dun homme, cest dtre unpont. Et la ralisation dun mystique, cest de devenir un pont par

    lequel les frres humains retrouvent la voie de Dieu et sy enga-gent. Et le pont est construit avec lamour de Dieu ; il ne tient quepar le mortier de lamour des hommes. Ceci est le secret de la mys-tique islamique, et en est aussi laboutissement.

    La voie mystique en Islam, notamment aprs avoir t dsignepar le mot tasawwuf(soufisme), est devenue lattribut des connais-sants, limn, les gens de la connaissance, et maarifa, cette connais-sance : cette voie et mthode daccs est une gnose, condition

    dentendre par ce terme non pas un savoir transmis et acquis, maisune connaissance rvle, dvoile et exprimente, vcue jaillie aucur du cherchant en clairs fulgurants, puis parfois en torrents delumire, pour rejaillir sur les champs de la tradition et de la reli-gion et les imprgner des traces de vrit quelles refltent dans lescurs des autres croyants, la mesure de leur propre ouverture.

    Le Livre saint, le Qoran, ne dit-il pas dans la Sourate 2, dite de La Vache , verset 269 : Il dote de la sagesse qui Il veut ; et celuiqui a t dot de la sagesse a dj reu un bien immense . Cetteapproche qoranique recle une notion dlection. Mais elle esttempre par cet autre verset qui rappelle aux croyants quils sontgaux au regard de Dieu, que ne les diffrencie que leur degr depit. Il en dcoule que cest par la pit que sopre luvre de proximit : l est le point originel des commentateurs etexgtes qui ont plac la voie mystique dans lIslam des premierstemps et de leurs continuateurs immdiats.

    Ainsi, lun des grands Chaykhs du soufisme, al-Quchayri

    (Abul-Qem, Abdul-Karim ibn Hawzen al-Quchayri, n en

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    376 Hg., mort en 465 Hg. Nishpr), commentpar le Chaykh-ul-islamZakariya al-Ansri, re-

    porte la formation de lasoufiya la perptuationdu savoir mohammadienpar ses compagnons ditssahbah. Ensuite vint laseconde gnration, ceuxqui ont t les compa-gnons de ces premiers etqui furent appels tbin,

    puis ceux qui leur succ-drent, appels atbaat-tbt n (les suivantsdes suivants). Plus tardsurgirent des dissensionset des diffrences dap-prciation ; on en vint appeler ceux qui taienttrs attachs la religion

    les zuhhd (asctes) etles oubbd (orants). Finalement apparurent des sectes qui prten-daient ces qualits : alors les vrais tenants de lascse, ceux quien taient les privilgis prirent le nom de tasawwuf pour leurpratique et furent connus comme tels, ce qui narriva quenviron200 ans aprs lHgire (donc vers les annes 820/825 de lrechrtienne, en pleine priode abbasside).

    Si lon interroge leLittr qui orthographie Sofi ou Sophi (pourSoufi), il attribue ce terme des philosophes musulmans qui onttabli une cole panthiste et dont les principes essentiels sont queDieu seul existe, quIl est dans tout et que tout est Lui-mme ; quetous les tres visibles et invisibles en sont une manation ; que leparadis, lenfer et tous les dogmes des religions positives ne sontque des allgories dont le sofi a la clef ; quil nexiste pas rellementde diffrence entre le bien et le mal, puisque tout se rduit luni -t, et quainsi Dieu est en ralit lauteur des actions de lhomme ;que lme est prexistante au corps et sy trouve enferme commedans une cage ; que la mort, qui doit tre souhaite, est lanantis -

    sement en Dieu ; que cest par la mtempsychose que les mes sont

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    purifies et obtiennent dtre runies Dieu, et que la principaleoccupation du sofi doit tre de mditer sur lunit et de savancerpar les divers degrs de la perfection spirituelle. On voit, autravers de cette rfrence combien notre Occident, il y a peine

    150 ans, connaissait lIslam avec de bien larges approximations.Avec le XXe sicle, nombreux furent les rudits occidentaux etorientalistes se pntrer de la pense islamique et lapprocheravec dignit et intgrit, notamment en France ; citons, parmi lesplus grands noms, Blachre, Massignon, Gunor Berque, De Vitray-Meyerovitch, Corbin, Dermenghem, Laoust et bien dautres.

    Le Soufisme intresse aujourdhui en Occident bien des per-sonnes attires par la spiritualit, des gens qui ont effectivement

    mis de ct les contraintes des obligations religieuses qui leur sem-blent rduire leur libert de comportement et de croyance. Cesgens recherchent assidment le moyen de vivre une exprienceintrieure de communion spirituelle profonde rpondant leursaspirations, travers une nouvelle naissance, qui volue en leurconscience dune manire parfois perceptible, parfois souterraine,afin de vivre une relation avec le Divin. Or, en dfinitive, quoi sersout la voie soufie ? voir Dieu en chaque chose , ce qui estbien la doctrine de lUnit (tawhd) et unicit de ltre ou de

    lexistence (tawhd ul-wujd) ; ceci est-il panthiste ? Dune cer-taine faon, oui, car dans sa transformation continuelle et progres-sive, dans son ravissement intrieur et sa lucidit extrieure,lhomme de Dieu, le Soufi, entre ivresse du divin et sobrit vit les mystres dune spiritualit profonde, tire une jouissanceintense de la vie et de ses actions extrieures, imprgne daltrit,avec cette saveur inexprimable qui nat dans le cur de celuiqui se rapproche du secret de LUI.

    Un adepte soufi, notre contemporainFaouzi Sqli tente de dcrire lapprocheet le contenu de la qute mystique enIslam : Selon le Qoran, Dieu se mani-

    feste aux hommes la fois comme leTout-Autre, lInfini, lIllimit, et commeCelui qui nous est plus proche que notreveine jugulaire.Lexprience de lAmour(divin) en Islam est celle de la per-

    plexit qui nat de cette proximit-

    loignement de ce qui ne nous a jamais Gloire la majest de Dieu

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    quitts, mais que lon cherche sans cesse retrouver. La lumire quijaillit de cette perplexit est la Connaissance , la perception sub-tile de la manifestation de ltre divin dans notre cur. Ainsi, lasaintet en Islam est ltat de celui dont la fine pointe de ltre

    sest plonge dans sa source divine. Ses vertus, son amour et sasagesse ne sont que les manifestations spontanes dune ralit int-rieure, de cette pauvret essentielle . Sqli dit par ailleurs que cet-te pauvret nest que la pauvret dans lesprit dont parlaitJsus, la ralisation de ce dtachement intrieur, obtenu dans ledvoilement divin, crant cette ivresse perptuelle au travers delaquelle et dans la clart du cur, tout lunivers, les choses cressont ressenties comme une manation de Dieu, o il ny a plus ladistinction rductrice entre profane et sacr, cette distinction qui

    provient de la limitation de notre conscience concrte, mais o laralit, dans son unit essentielle, est tout intgralement sacre.Car, dit le Qoran, la fin ultime se trouve en ton Seigneur , Il estle Premier et le Dernier , Il est lApparent et le Cach .

    La voie soufie, voie de la gnose, est aussi une voie du dsir, carelle est une voie damour, en cela une voie de la douleur passion-nelle, chante par Hallaj au Xe sicle, mort crucifi pour avoirclam sa dcouverte, pour avoir cri sa certitude de fusion en

    Dieu : Ana l-Haqq ! (Je suis le Vrai, le Vrai, LUI). Au XIIe

    sicle, Fariduddin al-Attr (mort vers 1220), pote et mystiquepersan, incarnait, selon ses propres termes, la voie de la douleur ainsi quil la voqu la fin de son Langage des Oiseaux, et sondsir ardent et sa nostalgie ont fait dire de lui par Shustri (vers1600) quil tait la chandelle de la chambre nocturne de sontemps, baignant dans la mer de la connaissance, perdu dans locande la plnitude . Et Attr dit dans sonLivre de lpreuve : Quest-ce que lamour ? Locan partir dune goutte ! Ce symbole de lagoutte qui se perd dans locan, cet ocan se retrouve dans toutesles traditions mystiques. Le voyage, chez Attr, trouve locan enlui-mme et arrive au point o la voie vers Dieu sarrte, o com-mence le voyage en Dieu, selon la belle formule de AnnemarieSchimmel (prface au Livre de lpreuve, traduit par Isabelle deGastines).

    Ibn Arabi, le Chaykh ul-akbar (le plus grand des Chaykhs)(n Murcie en 1165 - mort Damas en 1241), celui qui a dfinila doctrine de lUnit (tawhd) et de la solitude (ahadiyya), au

    sommet de tout ldifice soufi, a crit dans sonDiwn un pome o

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    sa profession de foi en lAmour runit en son cur toutes lesdonnes du monde et des religions :

    Jusqu ce jour, je rcusais mon compagnonCar mon cur ne professait pas la mme foi ;

    Mais il est aujourdhui devenu capable de toutes choses,Il est aussi bien tendre prairies pour les gazellesQuun havre pour les moines chrtiens,Quun temple pour lidoltre, et Kaaba du plerin,

    Les Tables de la Thora et le Livre du Qoran ;Car je professe la religion damour,

    Et quelquOrient o va sa montureLamour restera ma religion et ma foi !

    Vers la mme poque, Ibn al-Fridh(n en 1181 au Caire, mort au Caireen 1235), considr comme le plusgrand pote arabe soufi, rdigeait sa

    Khamriyya (Ode du Vin mystique) oil dcrit livresse dans lamour divin.Toujours au XIIIe sicle, Jalal-ud-DinRm, pote persan et fondateur delcole soufie des Derviches tourneurs

    (n Balkh en 1210, mort Konieh en1273) illustre par sonMethnvi, pomede 56000 vers, dcrit les Soufis :

    Les Soufis : ils sont sans livres, sans tudes, sans ruditionMais ils ont poli leurs cursLes ont purifis du dsir, de la cupidit, de lavarice et de la haine.Cette puret du miroir est certes le cur refltant toutes images,

    Lentendement ici devient silence pour ninduire erreurCar le cur est Avec Dieu, ou plutt le cur est LUI.Ceux au cur poli ont chapp aux parfums et aux couleurs,

    Ils contemplent la beaut de chaque instant,Ils ont abandonn la forme et lcorce du savoir,Ils ont tenu lessence dans locan de la connaissance mystique.

    En effet, nous trouvons sous la plume dEva de Vitray-Meyerovitch : Le rle des Soufis nest pas de gurir les curs etdliminer tout ce qui voile lil intrieur. Ils sefforcent dtablir leurdemeure en lEsprit, devant la face de Celui qui est la Trs Haute Vri-

    t, jusqu ce quils soient, par Lui, retirs de tout ce qui est autre,

    Rm

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    leurs essences stant teintes en Son Essence et leurs qualits en SesQualits. Elle ajoute plus loin : Cur vivant de lIslam, [...] intrio-risation vcue dun donn rvl, [...], certes, le tasawwufcest cela.

    Abul Hassan Ali al-Hajwr, un illustre Soufi afghan disciple deHallaj, crit au XIe sicle Lahore, dans son ouvrage Kashf-ul-mahjoub li-arbb ul-qulb : Soufi est un terme dont on dsigne etqui a dsign, jadis, les saints et adeptes spirituels. Lun des

    Matres a dit : Celui qui est purifi par lamour est pur, et celuiqui est absorb dans le Bien-Aim et a renonc tout le reste est unSoufi. Il ajoute : Ce nom na pas de racine rpondant aux normesde ltymologie, car le soufisme est trop sublime pour tre driv.

    Jalal-ud-Din Rm joue sur les mtaphores : 0 toi qui tes endormi dans le bateau du corps,Tu as vu leau : contemple lEau de leau ;

    Leau a une Eau qui la pousse,Lesprit un Esprit qui lappelle.

    Zhu n-nn al-Masriet Abu-Bakr Shibli cla-ment au IXe sicle que

    lascte soufi est un hom-me qui sest dtach dumonde. Mais, en dfiniti-ve, la pit islamique quiest pratique dobliga-tions et de prire, ascseen elle-mme, conduitpar la crainte de Dieu le prfrer touteschoses de ce bas-monde.Cette ascse religieuseest une expression dumysticisme islamique,elle saccompagne dundtachement puis dun

    renoncement, mais elle demeure pitisme et quitisme. La voiesoufie conduit ses adeptes au-del de ce portail, vers les ralitsdivines, la transcendance spirituelle o Dieu est amour et o laperspective, par le dvoilement, est fusion et demeure, par ces trois

    degrs, dans la proximit divine (kachf, fan baqa).

    PhotoA.M.O.R.C.

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    Apparition et dveloppement de la voie soufie

    Beaucoup darguments ont t discuts et prsents pour dter-miner lorigine de la mystique en Islam. En dfinitive les uns et les

    autres en arrivent la conclusion invitant le chercheur ne pluschercher le contenu dans les termes mais se cantonner la sub-stance : cest ce quoi aboutit al-Hajwr dj cit disant : ce nomna pas de racine rpondant aux normes de ltymologie et ceaprs avoir pass en revue diverses acceptions et rattachements duterme. Revoyons un peu la chose.

    Les Chaykhs ayant trait de cette tymologie cherchent resterdans les limites de la religion islamique, fille de la rvlation

    mohammadienne. Et ils ont leurs raisons, historiquement parlant,car les Soufis qui ont adopt cette dsignation ont trop rapidementgliss vers des drives no-platoniciennes et panthistes, et dsle milieu du IXe sicle, ils ont t accuss dhrsie et combattus :al-Hallaj a t tortur et crucifi en 922 Baghdad, aprs avoir treni par le grand Junayd et ses disciples. La fin du Xe sicle avaitvu fleurir la confrrie secrte des Frres de la Puret et a vu leuroccultation et leur dispersion. Entre le XIe et le XIIe sicles, al-Ghazzli (n Ts, Khorassan en 1058 - mort Ts en 1111) prend

    le ncessaire flambeau du redressement orthodoxe de la soufiyya,qui est arabise en tasawwuf; il rconcilie les pratiques du mysti-cisme en les rendant insparables des pratiques religieuses et enles y fondant, difiant une synthse entre la spculation tradition-naliste des thologiens et lintuition transcendantale des Soufis :en ce sens, al-Ghazzali reprsente le nouveau fondement de lascience du tasawwuf. Toute dviation subsquente a t rprime,telle la mise en accusation et la liquidation de Sohrawardi ( Alep)en 1191 ; sous le rgne de Saladin ; telle aussi la mise en accusa-tion du grand Ibn Arabi (1165-1241), ce moniste intgral de la doc-trine de lUnit et de lUnicit de ltre, parce que, malgr le faitquil ait rfut la rvolte dun Hallaj, il avait repris certaines vuescumniques des Frres de la Puret et les vues panthistes desno-platoniciens et du prophtisme de la Prsence.

    Dans cette revue doctrinale rapide rside tout le soufismehistorique, depuis ses origines controverses, jusqu ce quilretrempe ses antennes dans sa double source vitale. En effet, il at dit que soufi venait de souf(laine), vtement adopt par humi-

    lit et macration par les adeptes de la mystique islamique, mais

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    pourquoi la couleur blan-che et pourquoi seule-ment deux sicles aprsles dbuts de lIslam ?

    Le Soufi a aussi tramen la notion derang, par allusion aupremier rang parmi lesfidles en mosque, rango voulaient se regrou-per les plus proches dis-ciples de Mohammad,

    immdiatement derrireleur imm, conduisantla prire collective ; cefut lallusion au saff-

    el-awwal : explicationimprobable, puisquellenapparat que plus dedeux cents plus tard.

    Lorigine des Soufisa galement t pr-sente comme uneperptuation de ceuxdes fidles et proches deMohammad qui avaient pratiquement lu domicile sur la saffa,banquette construite le long du mur du fond de la premiremosque et sur laquelle lon sasseyait ; cest ce que lon appelleencore de nos jours une saffa ou une mastaba. Ces ashb us-saffataient exemplaires par leur pit et leur attachement Mohammadet ses enseignements. Il a de plus t galement avanc, asseztardivement il est vrai, comme pour y camoufler lappellation decette Confrrie des Frres de la Puret, que soufi se rattachait safa, la puret, cette qualit spcifique qui doit inspirer les actes etpenses de tout mystique.

    Pour dsigner un adepte de la sofiyya, on na pas manqu nonplus de rapprocher le terme soufi, devenu un qualificatif et unsubstantif arabe, tout simplement du terme sophia (sagesse), du

    grec des no-platoniciens arabis par la conqute islamique, comme

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    cela est invitable dans lensemble des pays de ce Proche-Orienthellnis depuis de nombreux sicles, et qui prenait une revanchede reconqute intellectuelle et spirituelle sur son conqurant, luipermettant ainsi de faire un bond en avant et de se hisser sur les

    sommets de la pense humaine. On sadonnait la sophia, tude dela sagesse et voie de transcendance ; on devenait sophia (comme lelaisse entendre le Littr) et lon revtait la robe blanche, commecen tait lusage dans les traditions gyptienne, mazdenne,pythagoricienne, essnienne, alexandrine, et manichenne, quellesoit en laine (le proverbe populaire bdouin ne dit-il pas ce qui

    protge du froid, protge du chaud ?) ou en lin, selon les pays et lesmatires textiles. Aujourdhui, cest surtout le coton qui prvaut enOrient... Dailleurs, larabisation des termes ayant caractre de no-

    logisme est courante dans le monde arabe : ds le VIIIe sicle, ceuxde faylasoufpour philosophe, et falasifa (pluriel) et falsafa pourphilosophie ont t adopts. Pourquoi pas soufiyya pour sophia ?De mme, masoniah etfar-masniah (pour Franc-maonnerie) ontt adopts, ainsi que radio, telvizin ou telefn.

    Ceci nte rien la gloire et la lumire que la voie soufie amanifest pour les sicles de la civilisation islamique et lavance-ment que les grands adeptes soufis ont permis en leur domaine

    spirituel spcifique, ainsi qu lavancement que leurs crits ontoffert la thologie mdivale chrtienne autant que juive. Eneffet, si les plus clairs parmi les moines et hommes de savoir despays dOccident ont puis foison dans les uvres des savants etmystiques musulmans dEspagne et dOrient, lensemble de la Qab-bale juive ne sest difie quau travers des crits de Mamonide(abu Umrn Msa ibn-May mn, 1135 Cordoue - 1204 Le Caire),de Avicebron (Salmon ibn Gabirol, Malaga 1020 - Valence 1058)pour ne citer que ceux-l, et dont les uvres furent pour la plupartrdiges en arabe.

    Un auteur de la dimension dmile Dermenghem nhsite pas souligner, dans son ouvrage Mahomet et la Tradition Islamique,que le soufisme reprsente une protestation contre le formalisme

    juridique en mme temps que contre la mondanit rsultant desconqutes. Il donne la primaut la religion du cur, lamour de

    Dieu, aux valeurs de contemplation et dascse, [...] une mthode deralisation spirituelle, trs originale malgr son caractre tradi-tionnel et les influences adventistes chrtiennes, no-platoniciennes

    et hindouistes .

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    La voie mystique en Islam est notamment tmoigne et illus-tre par le Soufisme. LOrient islamique, o cette voie gnostiqueconnat un renouveau certain, sy intresse toujours, en dpit deloccidentalisation croissante de la vie quotidienne et de certaines

    valeurs quelle introduit. Mais en Occident ? Cet Occident chrtieno les valeurs de la foi sessoufflent, cet univers du matrialisme etdu progrs technique ? Comment expliquer lintrt que suscite ledsir de savoir ce quest le Soufisme, sinon une curiosit teintedexotisme ? Martin Lings affirme que cet intrt prsuppose aumoins un pressentiment de la possibilit dune perception int-rieure directe, pressentiment qui pourrait devenir germe daspira-tion, ou, tout le moins, dit-il encore, il demande que lme ne soit

    pas ferme cette possibilit .

    Le contenu du Soufisme

    Une prire en forme de pome que rci-tait souvent le Chaykh ul-akbar Ibn Arabidisait : Fais-moi entrer, Seigneur, dansles profondeurs de locan infini de TonUnit ! Tout le contenu du Soufisme est

    en ces quelques mots. Cest la fois la voieet la manire de lentreprendre, de lasuivre, de la parcourir et daboutir cette

    fusion dans linfinitude inexprimable du Divin,lUn, lUnique, le Seul, lUn et le Tout, pour autant que

    Un et Tout puissent tre perus et exprims par nos termeshumains, sortis de notre imagerie physique.

    Il nous faut souligner ici quen dpit de certains apports desautres voies de sagesse et dascse, des emprunts conceptuels quecertains grands chaykhs ont pu faire dautres traditions, le sou-fisme a t et demeure une voie mystique enracine dans lIslam,tirant son origine dans la rvlation mohammadienne, imprgnede lIslam, esprit et thologie, religion et pratique, donc une voieparticulire dont les moyens ne sont quen Islam, ne sont mansque de lIslam. Mais le Soufisme est galement une voie universel-le, simultanment particulire lIslam et universelle dans sonorientation dans la sacralit, la recherche de la saintet, lapprochede la puret et de la transcendance, de la perfection, le ihsn ou

    prcellence, pour parvenir au Divin.

    Sept Noms dinvocation

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    Pour rsumer, rejoignons encore Martin Lings qui trouve uneimage du particularisme et de luniversalisme du Soufisme en lecomparant au rayon dune roue : particulier en ce quil est distinctde chacun des autres rayons reprsentant dautres mysticismes, et

    universel parce que, comme eux, il conduit au Centre unique . Ilajoute, et cest important : Notre image [du rayon de la roue] dansson ensemble rvle clairement cette vrit : lorsqu un cheminmystique approche de son But, il est plus proche des autres mysti-cismes qu son dpart. Mais il souligne aussi cette autre vrit,disant : Cette image rvle aussi,incidemment, linefficacit dudilettantisme qui correspond une ligne sinueuse, qui parfois se

    dirige vers le centre et, parfois,sen loigne, croisant et recroisantdiffrents rayons mais nen suivantaucun avec constance, tout enprtendant embrasser la synthsede tous.

    Les caractristiques

    de la voie soufie

    Elles sont multiples et, sans les commenter, car cela demande-rait de rcrire des volumes que lon est susceptible de nos jours detrouver dans des ditions occidentales, notamment en franais,nous nous contenterons de les voquer :

    Le Soufisme se rattache au Livre saint de lIslam : le Qoran,rcapitulation de la Parole incre de Dieu. Les Soufis pratiquentcette lecture comme une remmoration continuelle de Dieu, cher-chant sy noyer (istighrq), afin que sen imprgnant ils puissentaccder devenir cette parole, en sy anantissant (fana). LesSoufis ont trouv certains versets plus particulirement orientsvers leur qute intrieure : Rpondez lappel de votre Seigneur ,

    Toutes choses ne retournent-elles pas Dieu ? , Octroie-nous lechemin de rectitude , Nous sommes Dieu et Lui nous retournons .

    Le Soufisme est une voie, un chemin, et le tasawwufest le faitdavoir pris ce chemin de rectitude ; cette voie est aussi une

    mthode, une tarqah. Elle est conduite par un Chaykh, un notable

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    du mysticisme. Louis Massignon, dans lEncyclopdie de lIslam,article Tariqah , lui donne deux acceptions : Dans sa premireacception, le mot tariqah dsigne une mthode de psychologie mora-le pour guider chaque vocation individuelle, en traant un itinera-

    rium mentis ad Deum, menant travers diverses tapes de lapratique littrale de la Loi rvle (sharia) jusqu la Ralit divine(haqqa). Il en est ainsi aux IXeet Xe sicles de notre re et les nomsdes grands Soufis, Junayd, Hallaj, Sarraj, Quchayri, Hujwri, sontceux de Matres en mystique. Dans sa seconde acception, le terme detarqa (pluriel turuq) dsigne, partir du XIe sicle, lensemble desrites dentranement spirituel prconiss pour la vie commune dansles diverses congrgations musulmanes qui commencent ds lors se fonder. Par extension, il est devenu synonyme de confrrie, et il

    dsigne une vie commune, fonde sur des prescriptions spciales,sous lautorit dun Matre commun.

    Le Chaykh, cest le Matre commun, on se le choisit en allantfrapper sa zawiyah, lorigine un coin de mosque o desdisciples se rassemblent autour de lenseignement dun Chaykh,ayant fond cole ; mais le Chaykh vous choisit, car seuls trouventagrment chez lui ceux chez qui il pressent le dsir rel et lespritdabngation, assez de bonne volont, de vraie humilit, celle dont

    doit faire preuve tout demandeur (taleb) qui, une fois agrdevient murd,: volontaire, disciple acceptant discipline . Cestpourquoi il est soumis lpreuve du silence, de lasgrgation (il est tenu loin)et du service (il doit sacquit-ter des tches mnagres etde lentretien de la commu-naut) pendant quelquefoisplusieurs annes.

    Tout Chaykh doit avoirreu une autorisation sacre(izhn) de transmission de lavoie initiatique, autorisationqui assure la chane (silsila)de transmission ininterrom-pue, laquelle doit remonterde Chaykh en Chaykh recon-

    nus transmetteurs jusquaux

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    premiers chanons quidbouchent sur Ali, lecousin et successeur deMohammad et donc au

    Prophte lui-mme. Ainsi,le Chaykh est autoriset vridique, et son ensei-gnement comporte uneinitiation.

    La pratique initiati-que consiste en commen-taires explicatifs et en

    sances communes dercitation de louange Dieu, de pomes chants la louange de sonEnvoy et de la Lumiremohammadienne, de mu-sique et de danse sacre

    lcole mevlevi des Derviches tourneurs, le samaa. Ces sancessontzhikr, ou recollection de Dieu. Mais le Chaykh choisit et donne

    chacun de ses murd un mot mditer, rpter pour en fairesonzhikr personnel, une manducation ou mot de puissance, et enrevoit les effets lors dentretiens personnels ; il le changera dtapeen tape selon lvolution de son disciple.

    Lorsque le murd est devenu adepte, son Chaykh lui donne lakhirqah, (dpouille vestimentaire), symbole du manteau, de lhabitqui habille et habilite. Souvent, le Chaykh envoie aussi ses dis-ciples voyager vers dautres Matres. Le sentier ainsi ouvert neconnat plus que des tapes. Et le disciple les parcourt enfin seul :la Lumire est toujours au bout du chemin, mais dhorizon en hori-zon, le chemin est celui dune vie entire, la fin demeure en Dieucar cest Lui qui ouvre la voie et en qui est la fin, et cest Lui quioctroie la Sagesse qui sont Ses lus.

    Conclusion

    Sur un sujet aussi vari et variable o tant douvrages vridi-

    ques ont amoncel leurs lumires, est-il convenant de conclure ? La

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    rponse est dans le cur de chacun, car cest une voie cardiaque.Lintellection nest que pour lever les obstacles des mots ; ensuite,il ny a que des effets dombre et de lumire. Les dvoilements sontpersonnels ; les mots ne servent qu en estomper les couleurs, en

    dformer la clart.

    Avec Henri Brune, homme de dsir, enseignant catholique, jedirai ceci : Rien ne parat plus difficile et prilleux que de parler,simplement et clairement, de mystique. Difficile parce quil fautapprhender une ralit qui transcende nos modes de pense ordi-naires, que les mots que lon utilise risquent dtre ambigus, pigs,dtourns de leur sens. Prilleux parce que le mystique est souventun objet de scandale pour les tenants de sa propre religion : cest une

    source qui jaillit en dehors des normes et des rgles. On retrouve llopposition dialectique, bien connue des scientifiques, entre larationalisation et la transgression. Sans transgression, la scienceou la religion pitinent et se sclrosent ; et inversement, sans rgles

    et sans ordre, la transgression se perd dans les nuages et lincom-municable.

    Il ny a de mystique que le mystre, le cherchant saventuredans linvisibilit, leghayb ; mais il ttonne avec cette certitude,

    le yaqn,,

    de trouver, du moins de pressentir le secret, le sirr, enson moi profond o, progressivement, mais par -coups successifset involontaires, soffrentdes dvoilements, le kachf,introduisant en sa conscienceintrieure la connaissanceintime, la maarifa, dans ceque lun des grands mys-tiques ismaliens, MollaSadra Shirzi, a appel nouralnour, une lumire sur lalumire . Mais sagit-il fina-lement de lumire dans lesecret de la tnbre divine ?Je vous laisse le soin deconclure, car chacun ne le faitque pour lui et sa manire.La conscience est un puitsnoir o ne vous clairent que

    vos propres toiles. PhotoA.M.O.R.C.

    Revue Rose-Croix n 223 - 2007