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16 portraits de femmes qui font avancer la recherche en Île-de-France chercheuses TETES www.iledefrance.fr

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16 portraits de femmes qui font avancer la recherche en Île-de-France

chercheusesTETES

www.iledefrance.fr

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SommaireAlessandra Carbone – Interface

Anne Cheng – PassionMichèle Leduc – Pionnière

Catherine de Wenden – ÉtrangerDenise Pumain – Collectif

Anna Venancio Marquez – ImaginationDominique Langevin – Famille

Anna Soto – ExplorationMélanie Deschasaux – Santé

Floriane Flacher – ÉcologiePascale Cossart – Progrès

Marie Potiron – AudaceAnaïs Goulas – Environnement

Emmanuelle Lê – UtopieAlice Romerio – Engagement

Wiebke Drenckhan – Surprise

p. 4p. 6p. 8p. 10p. 12p. 14p. 16p. 18p. 20p. 22p. 24p. 26p. 28p. 30p. 32p. 34

2 – Têtes chercheuses, 16 portraits de femmes qui font avancer la recherche

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L ’esprit n’a point de sexe ». Cet aphorisme, que l’on doit à François Poullain de la Barre, a beau dater du XVIIe  siècle, force est de constater qu’aujourd’hui encore l’égalité d’accès aux carrières scientifiques, que son auteur appelait de ses vœux, peine à se réaliser.Dans notre pays, à peine plus d’un chercheur sur quatre

est… une chercheuse !Et, si en début de cursus les jeunes femmes tiennent la corde, plus les carrières avancent, plus les femmes se font rares. À tel point que moins de 30 % des institutions scientifiques sont dirigées par des femmes et que l’on compte presque sur les doigts des deux mains le nombre de femmes distinguées par de grandes récompenses pour leurs travaux. Avec ses deux prix Nobel, Marie Curie, l’une de nos plus illustres Franciliennes, fait figure d’exception.Mais loin d’être une fatalité, ce déficit féminin s’explique et se corrige en luttant contre les stéréotypes de genre dans la recherche et l’en-seignement supérieur, pour rendre de manière globale aux carrières scientifiques l’attractivité qu’elles méritent, pour pousser les jeunes femmes à emprunter la voie de la recherche et à s’emparer pleinement de toutes les disciplines.

À travers ces portraits de femmes scientifiques franciliennes aux parcours académiques exemplaires, la Région souhaite porter un message aux jeunes femmes comme à l’ensemble de la société : la recherche, elle non plus, n’a point de sexe.

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A ller vers les sciences n’était pas pour moi un vrai choix, mais une fa-çon de vivre au mieux avec ma propre nature. J’aime la synthèse et

je suis fondamentalement curieuse de comprendre les signaux qui expliquent les raisons des phénomènes, qu’ils soient physiques, biologiques ou mathématiques.

Durant mes études, je me suis laissé guider par le seul plaisir. Les figures importantes dans ma vie intellectuelle sont apparues assez tard, après mon doctorat. Deux ma-thématiciens avec lesquels j’ai échangé pendant des années ont influencé de fa-çon fondamentale ma recherche et la façon dont je vis les sciences aujourd’hui.

Au cours de ma carrière, j’ai changé de su-jet de recherche, passant de la logique ma-thématique à la biologie computationnelle. J’étais très attirée par les nouvelles ques-tions qui se posaient en biologie et par la biologie computationnelle qui émergeait. J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup

de biologistes avec lesquels j’ai pu échan-ger et comprendre les grands enjeux de la biologie et de la génomique d’aujourd’hui.

Ces dernières années, j’ai mis en place un laboratoire à l’interface entre la biologie, les mathématiques, l’informatique et la physique. La biologie computationnelle, qui se développe aujourd’hui dans nos laboratoires, ouvre des perspectives exci-tantes pour les années à venir, et les jeunes générations auront un grand rôle à jouer dans la croissance de cette recherche inter-disciplinaire. C’est pourquoi j’ai aussi créé un master en bioinformatique et modéli-sation où les enseignements multidiscipli-naires s’adaptent en temps réel à un monde qui change, celui de la génomique et de la bioinformatique.

Une chose que j’aimerais dire aux jeunes qui doivent encore décider ce qu’ils veulent faire dans leur vie, c’est de se laisser aller vers ce qui leur plaît, et d’y croire. Les résul-tats que l’on obtient dépendent de nous, de notre imagination et aussi du temps qu’on y consacre !

Alessandra Carbone

Discipline : MathématiquesLieu de recherche : CNRS – Université Pierre-et-Marie-Curie – Laboratoire de biologie computationnelle et quantitative

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6 – Têtes chercheuses, 16 portraits de femmes qui font avancer la recherche

N ée en France de parents chinois, constamment tiraillée entre la culture que j’ai héritée de mes ori-gines et l’éducation que j’ai reçue à l’école de la République, j’ai dû ap-prendre à faire quelque chose de cette

double appartenance qui, il faut bien le dire, est source d’épreuves autant que de découvertes. C’est de là que m’est venue la vocation, ou plutôt la pas-sion d’enseigner qui, pour moi, consiste à faire passer et mettre en circulation des textes et des idées issus de traditions de pensée très différentes, mais pas pour au-tant incommunicables ni incompatibles entre elles. Ceci présuppose une vie d’étude, de recherche et de réflexion qui puisse nourrir l’enseignement, activité décidément riche et multiple que j’ai aujourd’hui l’honneur et le bon-heur de pratiquer au Collège de France.

Anne Cheng

Discipline : SinologieLieu de recherche et d’enseignement : Collège de FranceCentres d’études chinoises de l’INALCO

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P ourquoi ai-je choisi de faire de la recherche, ce métier réputé difficile, souvent peu conseillé aux femmes ? En fait, j’étais au lycée par-ticulièrement attirée par les

lettres. C’est ma mère institutrice qui m’a poussée vers les sciences, car elle voulait pour sa fille « un vrai métier d’homme » ! J’ai donc pris le risque de la recherche avec une thèse en physique atomique.

C’est la personnalité d’Alfred Kastler qui m’a attirée : l’excellence et la rigueur de son enseignement se conjuguaient avec l’admiration suscitée par son engagement pour les bonnes causes en politique. Je me suis passionnée pour mes recherches sur les fluides quantiques polarisés, puis sur les atomes refroidis par laser, avec un dé-tour très stimulant par l’imagerie IRM des

poumons avec les gaz hyperpolarisés. J’ai eu la chance et le plaisir de travailler avec des doctorants tous plus brillants les uns que les autres.

Je suis aujourd’hui responsable de l’Insti-tut francilien de recherche sur les atomes froids (Ifraf). J’ai en effet toujours donné un peu de mon temps à la communauté scientifique, par exemple comme prési-dente de la Société française de physique et aujourd’hui du comité d’éthique du CNRS.

Malgré les difficultés passagères que j’ai pu rencontrer comme tout chercheur, je me suis constamment félicitée de mes choix initiaux. J’exerce un métier où la routine n’existe pas, j’apprends sans cesse, je voyage pour rencontrer des collègues dans le monde entier, je ne m’ennuie jamais !

Michèle Leduc

Discipline : Physique atomiqueLieu de recherche : École normale supérieure – Laboratoire Kastler-Brossel

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C hercheuse au CNRS depuis 1980, je me suis consacrée à l’analyse des migrations internationales, en science politique. Ce parcours m’a conduite à travailler d’abord sur la France (objet de mon sujet de thèse, sous la direction de Georges Lavau), puis

sur l’Europe d’est en ouest, et du sud au nord ; sur l’islam des ouvriers de chez Renault et des jeunes et leur mobili-sation associative civique ; sur les militaires issus de l’im-migration puis sur la dimension mondiale des migrations internationales.

J’enseigne aussi à Sciences Po depuis une quinzaine d’années. J’encadre une dizaine d’étudiants en thèse, sur des thèmes aussi divers que les réfugiés environnemen-taux, les harragas (« grilleurs » de frontières algériens), Lampedusa, la gestion de l’islam à distance par la Tur-quie et le Maroc, les réfugiés soudanais en Égypte. Enfin, j’enseigne aussi à l’étranger, notamment à l’université La Sapienza de Rome.

Mon thème de recherche m’a donné l’occasion de sillon-ner le monde entier pour des colloques et contrats de re-cherche internationaux, de faire des enquêtes de terrain sur des milieux parfois difficiles à mettre en confiance (ouvriers agricoles, réfugiés, jeunes militants associatifs, ouvriers à la chaîne...).

Catherine de Wenden

Discipline : SociologieLieu de recherche : Sciences Po – Centre d’études et de recherches internationales

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T oute petite, je me suis intéressée à la géographie, parce que les voyages, rares à l’époque, me faisaient rêver, et un peu plus tard dans mes études parce que cette matière me permettait de comprendre les évolutions du monde. J’ai passé le concours de l’agrégation, avec succès mais aussi avec une insatisfaction : la géographie ne me semblait pas

assez scientifique, elle manquait de bases théoriques pour pouvoir être enseignée en faisant appel à des principes généraux.

Après avoir été recrutée à l’université, je me suis lancée avec d’autres jeunes collègues dans l’expérimentation de méthodes statistiques et l’application de modèles mathématiques à des données de géographie. Je m’intéressais à la croissance des villes, très forte à l’époque, et voulais com-prendre pourquoi, alors que chaque maire y voyait le résultat de son action et des conditions locales particulières, le processus était aussi général. Les résultats ont été au-delà de mes espérances, car les régularités ainsi obser-vées et formalisées m’ont permis de proposer une théorie évolutive des villes, de réaliser des modèles avec des physiciens spécialistes des systèmes complexes, et d’obtenir pour cela des prix prestigieux (dont le Vautrin Lud, le « Nobel de la géographie ») et des financements européens. Le métier pratiqué collectivement, dans un esprit d’équipe et de compétition avec des collègues étrangers, est tout à fait passionnant ! En fait, les sciences sociales, encore plus difficiles que les sciences de la matière et du vivant, doivent continuer à se faire connaître pour aider les sociétés à bénéficier des résultats de leurs travaux.

Denise Pumain

Discipline : GéographieLieu de recherche : CNRS – Unité mixte de recherche Géographie-Cités

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C himiste de formation, j’ai déjà pu exercer le métier de chercheur, au cours de plusieurs stages et de trois années de doctorat. La clef de la recherche,

à mes yeux, réside dans l’imagination, tant concrètement lors de la réalisation d’expériences, qu’intellectuellement pour définir l’objet de ses futures investigations et le contexte dans lequel mener ses tra-vaux, sans même savoir si vos idées seront pertinentes, étant donné que personne n’a jamais répondu précisément aux questions que vous venez d’élaborer. C’est parfois dur, mais tellement satisfaisant !

Le monde de la recherche me semble si diversifié que chacun peut y trouver un environnement en adéquation avec sa personnalité. Pour ma part, j’ai apprécié de pouvoir suivre la mise en place d’un la-boratoire en réalisant mon doctorat auprès d’un jeune professeur dynamique, Damien Baigl, au sein d’une équipe internationale à l’ENS Ulm. Au début de mon doctorat,

nous étions cinq et réunissions autant de nationalités ! De plus, curieuse par nature, j’ai trouvé très stimulant de pouvoir me-ner de front plusieurs projets : explorer des pistes de recherche variées pour mon doctorat, enseigner des TD ou des TP en chimie à l’université et enfin bénéficier d’une formation MBA du Collège des in-génieurs. Le travail accompli au cours de ma thèse a été couronné par une bourse L’Oréal France – Unesco « Pour les femmes et la science », qui m’a permis d’établir des collaborations avec des équipes de Taïwan, Hong Kong et des USA.

Au cours de discussions organisées par la fondation L’Oréal avec de jeunes lycéennes, j’ai pu proposer une image du monde de la recherche un peu plus mo-derne que celle du scientifique fou dans sa tour d’ivoire. Si vous êtes animé par une très forte motivation et une curiosité solide, faites preuve de bonnes capaci-tés d’adaptation et de communication et savez travailler en équipe, le beau métier de chercheur est fait pour vous.

Anna Venancio Marquez

Discipline : ChimieLieu de recherche : École normale supérieure – Unité mixte de recherche microfluide

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E nfant, j’ai toujours aimé les mathématiques, et mon père m’a encouragée dans une carrière scientifique, même si peu de filles choisissaient cette voie à l’époque. J’ai eu la chance de pouvoir entrer au CNRS à 22 ans. Bien que l’entrée au CNRS se fasse plus tard actuellement, celui-ci permet aux jeunes femmes de fonder une famille et de mener un

travail de recherche dans un cadre serein. Dans mon cas, j’ai pu fonder une famille nombreuse, un autre de mes rêves.

Je me suis orientée très tôt vers ce que l’on appelle à présent la « ma-tière molle », une matière qui n,est ni solide, ni liquide. Notre prix Nobel Pierre Gilles de Gennes a été le physicien pionnier du domaine. Mon travail m,a valu la reconnaissance de mes pairs, notamment une élection à l’Academia Europea en 2000 et divers prix, dont le prix L’Oréal-Unesco « Women in Science » en 2005. Le travail de recherche est une passion, voire une addiction : on découvre constamment de nouveaux horizons, rien n,est jamais répétitif, impossible de s’ennuyer. Bien sûr, il faut tra-vailler beaucoup, mais cela en vaut la peine. Par ailleurs, l’image du cher-cheur isolé dans son laboratoire n,est plus de mise, son travail est toujours effectué en équipe, il collabore avec des scientifiques du monde entier qui deviennent souvent des amis, toutes ces relations sont extrêmement enrichissantes. Si je peux donner un conseil aux jeunes femmes attirées par la science, ce sera : allez-y, cela en vaut la peine.

Discipline : PhysiqueLieu de recherche :CNRS Paris Orsay Sud – Laboratoire de physique des solides

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Dominique Langevin

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A près mon doctorat en médecine, c’est au la-boratoire de Carlos Sonnenschein à Boston que j’ai fait mon post-doc. Un événement

inattendu s’est produit durant nos re-cherches : un paradoxe. De là, on a pu découvrir des choses importantes au niveau théorique (la prolifération cel-lulaire comme état par défaut), et aussi expérimental (des œstrogènes dans les plastiques).

En 1999, Carlos Sonnenschein et moi avons écrit le livre La Société des cellules. Notre pensée sur le cancer a radicalement changé en l’écrivant : nous sommes passés du niveau cellulaire au niveau tissulaire. Écrire un livre signifie prendre du recul et aborder une perspective plus globale. On s’ouvre à de nouveaux paradoxes, ce qui demande d’approfondir de plus en plus

son champ, et même d’explorer d’autres disciplines, comme la philosophie.

Je suis maintenant professeur titulaire à l’école de médecine de l’université de Tufts. Mes intérêts de recherche couvrent différents domaines  : le contrôle de la prolifération cellulaire ; les origines fœtales des maladies de l’adulte, tout particulière-ment le rôle des perturbateurs endocri-niens sur la cancérogenèse ; le rôle des interactions tissulaires sur l’organogenèse et la cancérogenèse ; le rôle de la bioméca-nique sur la morphogenèse.

J’ai reçu plusieurs prix, dont le Prix Gab-bay 2012, avec le Dr Sonnenschein et le Dr Hunt, en raison de notre contribution dans le domaine de la santé publique. J’ai été élue membre du renommé Collegium Ramazzini en 2011, et je suis titulaire, pour 2013-2015 de la chaire Blaise Pascal en bio-logie à l’École normale supérieure de Paris.

Anna Soto

Discipline : Anatomie et biologie cellulaire, endocrinologieLieu de recherche : École normale supérieure – Centre Cavaillès

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20 – Têtes chercheuses, 16 portraits de femmes qui font avancer la recherche

J e réalise actuellement une thèse en épidémiologie nutritionnelle, por-tant sur les liens entre la vitamine D et le risque de survenue d’un cancer. Je suis issue d’une formation d’ingénieurs en sciences du vivant

(AgroParisTech), intégrée par concours à l’issue de deux ans de classes préparatoires Biologie, chimie, physique, sciences de la Terre (BCPST).

Mon parcours a toujours été guidé par un intérêt fort pour la biologie et par une vo-lonté de contribuer à améliorer la santé de la population. Lors de ma formation d’in-génieur, j’ai pu appréhender l’importance de la nutrition dans la prévention des ma-ladies chroniques (cancers, diabète, obési-té…) et le rôle de la recherche en épidémio-logie pour établir les recommandations

de santé publique. L’épidémiologie nutri-tionnelle permet en effet d’étudier l’état de santé de la population et les facteurs nu-tritionnels qui l’influencent en analysant statistiquement des données récoltées par enquête (alimentation, mode de vie…), sur la base d’hypothèses biologiques. Le doctorat, au-delà d’un diplôme, est surtout une première expérience professionnelle de conduite d’un projet de recherche : récolte et analyse des données, interpré-tation des résultats, rédaction d’articles et valorisation. La recherche permet d’allier la rigueur scientifique, la communication, l’esprit de synthèse et le travail en équipe. Elle représente pour moi la curiosité, l’ap-prentissage et la possibilité de faire partie d’une communauté dédiée au progrès des connaissances, avec pour objectif à terme d’améliorer la santé de la population.

Mélanie Deschaseaux

Discipline : CancérologieLieu de recherche :Université Paris Nord-Paris XIII – Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle

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J ’ai toujours été attirée par le métier de chercheur et les possibilités qu’il offre : découvrir, comprendre, transmettre. Passionnée de biologie, je me suis donc

tournée vers un parcours universi-taire au cours duquel j’ai pu décou-vrir l’écologie, l’étude des relations entre les organismes et leur envi-ronnement. J’ai ensuite décidé de poursuivre en thèse sur l’étude des relations plantes-pollinisateurs.

Ce qui me plaît dans mon travail de recherche, c’est de pouvoir soulever de nouvelles questions, travailler sur le terrain et en la-boratoire, communiquer mon travail, enseigner. C’est très diver-sifié. Les interactions avec d’autres

chercheurs, parfois même de do-maines différents, sont aussi pas-sionnantes. Elles permettent de développer curiosité et créativité scientifiques, essentielles dans un métier où il faut souvent remettre en question son travail face aux apports de la communauté scien-tifique. Cela peut être déstabili-sant, mais c’est un des côtés fasci-nants de ce métier. Bien sûr, vu la conjoncture actuelle, j’ai quelques appréhensions quant à mon in-sertion professionnelle à l’issue de mon doctorat. Néanmoins la compréhension des relations plantes-pollinisateurs me paraît primordiale dans le contexte en-vironnemental actuel et je reste donc déterminée à poursuivre mon travail de recherche.

Floriane Flacher

Discipline : Environnement, écologie, climatLieu de recherche : CNRS – Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris

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Pascale Cossart

Discipline : Biologie cellulaireLieu de recherche : Institut Pasteur – Unité « Interactions bactéries cellules »

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C ela fait plus de 40 ans que je fais de la recherche à l’Ins-titut Pasteur et jamais je n’ai regretté de m’être engagée dans cette voie. Quoi de plus satisfaisant que de vivre en temps réel les progrès d’une discipline que l’on aime. En plus, ce XXIe siècle sera vraiment celui de la biologie et peut-être même celui de la microbiologie. C’est une

véritable révolution dans les concepts qui est en marche ! Qui d’entre nous, par exemple, se serait douté il y a trente ans qu’on en serait en ce début de siècle à analyser le rôle de la composition de la flore intestinale sur la santé humaine ? Qui aurait imaginé que l’étude des bactéries et de leurs mécanismes de résistance aux virus allait révolutionner l’analyse des gènes humains ?

À toutes les jeunes femmes qui lisent ce texte, je souhaite dire haut et fort qu’il y a de la place dans les carrières scientifiques pour toutes celles qui croient à l’importance de la recherche fondamentale pour le progrès humain. J’en vois beaucoup qui s’auto-limitent, qui perdent courage ou même qui ne vont pas au-delà de la thèse, car le chemin leur semble trop long et trop ardu ou non combinable avec une vie de famille. C’est faux. Il est certes difficile. Bien sûr il faut être organisée, travailler beaucoup, parfois vivre dans la culpabilité de ne pas faire exactement de ce que l’on souhaiterait faire soit au travail soit à la maison (eh oui !). Les contraintes sont réelles et parfois très fortes, mais les plaisirs intellectuels sont telle-ment vrais…

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Marie Potiron

Discipline : PsychologieLieu de recherche : Université Paris-Descartes – Laboratoire psychologie clinique, psychopathologie, psychanalyse

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P sychologue clinicienne et psychologue du travail, docto-rante au laboratoire PCPP (psychologie clinique, psycho-pathologie, psychanalyse) de l’université Paris-Descartes, je prépare une thèse sur la « psychodynamique de la souf-france et du plaisir au travail dans le métier de comédien  », dirigée par Christophe Dejours.

Auparavant, j’ai fait des études de lettres, exercé le métier de journaliste, et longtemps été serveuse, pour financer mes études et parce que j’aimais cet univers de travail. J’ai toujours travaillé et presque toujours étudié. L’université française, en particulier dans le mode d’organisation qui était le sien lorsque j’ai commencé ma vie d’adulte, a représenté pour moi un es-pace essentiel d’accès au savoir classique, aux idées critiques et à la pensée.

Une carrière scientifique ne se mène pas dans un monde « de bisou-nours », et certains n’en apprennent les codes ni par la voie familiale ni au cours de leur formation. C’est justement pourquoi il me semble important que des femmes, jeunes ou pas, en particulier issues de « milieux popu-laires » (expression un peu vague mais qui a le mérite d’être compréhen-sible), osent investir ce champ.

Il ne faut en effet pas oublier que l’arrivée de femmes et de représentants de « minorités » dans la recherche a permis d’importantes avancées : sans des paléontologues femmes, la vision des femmes de la préhistoire resterait celle de cueilleuses cantonnées aux travaux subalternes, et sans Frantz Fanon, les effets de la colonisation sur les êtres seraient sans doute encore confondus avec des « traits naturels » de tel ou tel peuple.

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D octorante au sein de l’unité Environnement et grandes cultures de l’INRA-AgroParisTech à Grignon, j’étudie le de-venir des antibiotiques

dans les sols amendés par les boues d’épura-tion et les fumiers. Travailler sur ce projet de recherche avec des scientifiques très compé-tents est vraiment motivant : bibliographie, laboratoire, terrain et interprétations de ré-sultats transforment le quotidien en passion.

La décision de faire un doctorat n’a pas été évidente. Se lancer pour trois nouvelles années, considérées comme un « sacri-fice » par un grand nombre de personnes, m’a demandé beaucoup de réflexion : « Suis-je faite pour une thèse de recherche ? » Mais j’ai réalisé qu’après tout, ce n’étaient que trois ans, et que le statut d’étudiant- chercheur me laisserait le choix d’apprécier le métier.

Mes études à l’université de pharmacie m’ont permis d’accéder aux sciences de la santé. Cependant, mon rêve était de travailler dans l’environnement. Des pharmaciens comme Guillaume Decocq, Jean-Marie Pelt, Yves Lévi, actifs en éco-logie et environnement, me motivaient à trouver ma voie. Je souhaitais à mon tour établir les liens entre santé et environne-ment. Je me suis donc inscrite, en plus de mes dernières années de pharmacie, à des cours de master pour compléter mes connaissances en toxicologie envi-ronnementale ou encore en agronomie. Deux stages, consistant à développer des méthodes d’analyses, m’ont permis de découvrir le monde de la recherche en inter agissant avec ingénieurs et cher-cheurs. C’est pourquoi je suis aujourd’hui en 1re année de thèse. Déjà, au bout de huit mois, mes résultats vont être valo-risés dans des colloques en France et à l’étranger.

Anaïs Goulas

Discipline : Agriculture, alimentation, sécurité alimentaireLieu de recherche : INRA – Unité mixte de recherche ECOSYS

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IE30 – Têtes chercheuses, 16 portraits de femmes qui font avancer la recherche

M on goût pour les sciences humaines s’est formé par contraste, à une époque où, encroûtée dans les habitudes d’une ville fade, d’une adolescence routinière, je n’étais encore qu’une espèce. Et si je suis frappée par les émotions ordinaires et les idées reçues, c’est finalement dans ce qu’elles ont de

plus injuste – leur tranquille et rassurante tyrannie. De même qu’un mot révèle spontanément sa charge d’arbitraire et de bizarrerie s’il est répété plusieurs fois, jouer avec les lieux communs les transforme vite en pay-sages absurdes, éventuellement trop contraignants.

Or il se trouve que l’étude critique du droit se prête particulièrement bien à ce type d’exercice ; elle nécessite une grande souplesse de pensée, beaucoup de patience et de détermination, bien sûr, ainsi qu’une sorte d’humilité. Cette faculté d’assimiler plusieurs logiques éventuellement contradictoires se double parfois de ce qu’il faut bien appeler une forme d’ubiquité : occuper plusieurs lieux théoriques à la fois, s’adresser à dif-férents auditoires en même temps, mais sans rien perdre de la force et de la rigueur de la démonstration. C’est à ce moment précis, je crois, que quelque chose comme un nouveau domaine d’étude apparaît – celui du possible, qui nécessite sa part d’audace et une créativité indéniable. Il me semble que c’est cet irrémédiable désir d’utopie qui donne son sens premier à l’activité du chercheur, et me la fait aimer.

Emmanuelle Lê

Discipline : DroitLieu de recherche : École de droit de Sciences Po Paris

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J e suis actuellement en thèse en science politique sur la professionnalisation du militantisme féministe au Mouvement français pour le Planning familial, dans le cadre du groupe d’études sur le travail et la souffrance au travail.Cette association est prin-cipalement connue pour son rôle majeur dans la

lutte pour la contraception et l’avortement, mais l’est moins pour ses activités actuelles : éducation à la sexualité dans les établissements scolaires, conseil conjugal, prévention des risques sexuels, accompagnement des femmes dans leurs choix de contraception, etc. Dans ma thèse, je m’in-téresse au travail, aux parcours, aux engagements de ces femmes.

Bien loin de l’image de l’intellectuelle solitaire, mon quo-tidien est fait d’échanges, de rencontres et de découvertes. Je mène une enquête de terrain en suivant au plus près les militantes du Planning familial, en les accompagnant dans leurs activités en Île-de-France mais aussi dans plusieurs autres régions.

Mon parcours est marqué par des rencontres : des objets d’études que je ne connaissais pas avant la fin de ma li-cence et des enseignantes-chercheuses qui m’ont soutenue et m’ont donné envie de m’engager dans la recherche.

Alice Romerio

Discipline : Science politiqueLieu de recherche : Université Paris VII – Laboratoire Théories du politique

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E34 – Têtes chercheuses, 16 portraits de femmes qui font avancer la recherche

J e suis chercheuse (CNRS) au Laboratoire de physique des solides à Orsay. Je tra-vaille dans le domaine de la « matière molle », qui vise à comprendre le comporte-

ment riche des matériaux complexes comme les mousses, les émulsions, les polymères ou les cristaux li-quides. Ce qui m’intéresse le plus, c’est de mettre des bulles dans des li-quides ou solides et de comprendre comment leur présence et leur orga-nisation modifient les propriétés du matériel.

Le début de mon chemin vers cette voie professionnelle a été plutôt hé-sitant. Même si j’étais très passionnée par la physique, je me voyais diffici-lement exercer ce métier que je trou-vais difficile, car je pensais que c’était une profession trop rationnelle, dans laquelle il me manquait l’élément hu-main. J’ai donc essayé de nombreuses alternatives, comme l’enseignement des sciences à l’école ou le journa-

lisme. Ce n’est que lorsque j’ai com-mencé à faire de la recherche que je me suis rendu compte que la vie d’une chercheuse (et d’un chercheur) combine très naturellement tous ces éléments. On a besoin de mettre en place un large éventail d’activités afin d’assurer la progression d’un projet de recherche. Même si le but final de nos projets est une compré-hension objective d’un phénomène scientifique, il faut mettre en œuvre beaucoup d’éléments humains pour y parvenir. Ces éléments incluent le travail quotidien en équipe, des collaborations avec de nombreuses personnes différentes (souvent à l’étranger) ou l’enseignement. En plus, nous communiquons très régu-lièrement notre travail de différentes manières écrite ou orale. La vie d’une chercheuse est pleine de surprises et les jours ne sont jamais pareils. C’est une grande chance de pouvoir faire de sa passion un métier – et d’être entourée par des collègues qui par-tagent ce point de vue.

Discipline : PhysiqueLieu de recherche : CNRS Paris Orsay Sud – Laboratoire de physique des solides

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