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Supplément au n° 647 - 27 janvier 2007 Plus de 50 ans de militantisme Étienne Camy-Peyret Étienne Camy-Peyret Serrazin, Patard, A. Krakowski, Sorel, Rouyer, Alaphilippe, E. C.-P., Berge, M. Lagane, Petite, N. Hurbain, F. Regnaut, Dellinger, A. Béhotéguy, Weber, Reynaud, M. Vuaillat, Aschieri, Deshaies, Chaigneau, Ralite, C. Hurbain, Odent, Drubay, Renard

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Supplément au n° 647 - 27 janvier 2007

Plusde 50 ans

demilitantisme

ÉtienneCamy-PeyretÉtienneCamy-Peyret

Serrazin, Patard, A. Krakowski, Sorel, Rouyer, Alaphilippe, E. C.-P., Berge, M. Lagane, Petite, N. Hurbain, F. Regnaut, Dellinger, A. Béhotéguy, Weber, Reynaud, M. Vuaillat,Aschieri, Deshaies, Chaigneau, Ralite, C. Hurbain, Odent, Drubay, Renard

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Face à la disparition d’une personnalité commeÉtienne Camy-Peyret, la première chose qui vientà l’esprit est le souvenir de l’homme que l’on aconnu. Revient le son d’une voix, l’image d’unsourire, d’une façon d’écouter ; revient la gen-tillesse ou l’humanisme. Et l’on se dit que c’estune part de notre histoire personnelle qui s’enest allée.Mais bien vite, apparaît le sentiment que c’estaussi et surtout une part de notre histoire collec-tive, l’histoire de notre syndicalisme, l’histoire denotre système éducatif, voire celle de notre pays.Et l’on se dit que là, il n’est pas besoin d’avoirconnu l’homme pour mesurer la perte.C’est pour cela qu’il y a une sorte de devoir moralde conserver la mémoire de cette histoire et de larendre sensible à tous. Le but de cette publication est bien celui-là : sim-plement, sans hagiographie mais avec respect etaffection, porter témoignage de ce qu’a été ÉtienneCamy-Peyret, de ce qu’ont été son rôle et sonimportance et à travers lui ce qu’ont été des grandsmoments de notre histoire.Il nous a semblé que c’était le meilleur moyen delui rendre hommage.

Gérard Aschieri,secrétaire général de la FSU

Bernard Boisseau,cosecrétaire général du SNES

Notes de la rédactionCe numéro spécial d’hommage syndical à Étienne Camy-Peyret (plus souvent dénommé « Camy » ou ECP) a été préparé par l’IRHSES (Institut deRecherches Historiques sur le Syndicalisme dans les Enseignements de Second degré), en exploitant les archives (documents et iconographie) de l’Institut.La biographie rédigée par son président A. Dalançon, est celle qui devrait être publiée dans le tome 3 du Dictionnaire biographique Nouveau Maitron.Nous n’avons pas été en mesure de publier tous les témoignages ; ceux qui l’ont été ne sont souvent que des extraits : ils résument, à travers leur variété,la richesse et le caractère exemplaire d’un parcours militant exceptionnel.

Devoir de mémoire

Du SNET (congrès 1961) au nouveau SNES : Rabier, E. C.-P., Plaisance

1er congrès de la nouvelle majorité Unité et Action du SNES, Villeurbanne, mars 1968 : Drubay, J. Chapard, E. C.-P.

Après le Congrès de 1971E. C.-P. devient secrétaire généralavec G. Alaphilippe, secrétaire général adjoint

L’Université Syndicaliste, supplément au n° 647 du 27 janvier 2007, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements du second degré (FSU), 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13 -Directeur de la publication : Gérard Anthéaume - Compogravure : CAG, Paris - Imprimerie : SIPE, Paris (75) - N° CP 0108 S 06386 - ISSN n° 0751-5839. Dépôt légal à parution

ÉDITION SPÉCIALE - US MAGAZINE - 3

Né le 20 juin 1922 à Mauléon (Basses-Pyré-nées), mort le 21 décembre 2006 à la Verrière(Yvelines) ; marié, quatre enfants ; profes-seur ; secrétaire de la section départemen-tale de la Moselle de la FEN (1947-1954) etresponsable de la FEN-CGT dans ce départe-ment, membre de la CA nationale de la FEN,suppléant puis titulaire (1951-1981), membrede la CA nationale puis du bureau national(courant UASE) du SNET (1952-1966), secré-taire général adjoint (1967-1971) puis secré-taire général (courant Unité et action) duSyndicat national des enseignements desecond degré (1971-1981) ; conseiller tech-nique du ministre d’État, ministre des Trans-ports (1982-1984).

Fils aîné d’un instituteur laïque, directeurd’école à Bizanos (Basses-Pyrénées), fon-dateur et animateur de la société sportive

« L’Avenir de Bizanos », partisan du Frontpopulaire, et d’une mère, titulaire du brevet élé-mentaire, qui démissionna de l’administrationdes PTT après trois naissances d’enfants rap-prochées, Étienne Camy-Peyret fut élevé avecsa sœur et son frère dans le Béarn, auquel il restaattaché et dont il garda une pointe d’accent.

Il alla au catéchisme, fit sa communion et sui-vit la voie tracée par son père pour devenirinstituteur, depuis l’école communale, en pas-sant par l’école primaire supérieure de Pau,jusqu’à l’École normale de Lescar (Basses-Pyrénées), promotion 1938-1941. D’abordaffecté à l’école d’Igon, il exerça ensuite commeinstituteur délégué au collège moderne de Nay(1941-1942). En juillet 1943, à la suite d’une 4eannée d’élève-maître à Toulouse, il fut admis-sible au concours d’entrée à l’École de Saint-Cloud et admis à celui de l’École nationalepréparatoire à l’enseignement dans les sectionstechniques des collèges (ex-ENSET). Maisl’Occupation et ses conséquences interrompirentce parcours. Son père, qui n’avait jamais cachéson opposition à Munich, au pétainisme et à lacollaboration fut arrêté et emprisonné en 1944.Lui-même, réfractaire au Service du travailobligatoire, entra dans l’Armée secrète et devintaspirant au moment de la Libération, attachéauprès du commandant départemental des FFI,ce qui lui valut la carte et la Croix du combat-

tant volontaire de la Résistance.Fin octobre 1944, Camy-Peyret choisit derejoindre l’École normale supérieure de l’en-

seignement technique (section A1) à Paris, y fitdeux années d’études, à l’issue desquelles ilobtint le certificat d’aptitude au professorat desécoles normales et des collèges modernes etcelui au professorat de l’enseignement tech-nique (sciences). À cette école mixte, dotéed’un foyer dynamique, il rencontra MartheVuillaume, une lorraine qu’il épousa en sep-tembre 1945 à l’église ; elle devint égalementprofesseur, avant de faire carrière dans la direc-tion des établissements techniques ; ils eurentquatre enfants.

En 1946, Camy-Peyret entama une carrière deprofesseur certifié de mathématiques à l’Écolenationale professionnelle de Metz jusqu’en1954 puis à l’ENP (qui devint lycée technique)de Creil (Oise) jusqu’en 1966. Il suivit ensuiteson épouse nommée proviseur au lycée Flaubertà Rouen (Seine-maritime), lui-même étantnommé au lycée Fontenelle, de 1966 à 1970, ettermina sa carrière (nommé pour ordre) aulycée Raspail de Paris de 1970 à 1982. Il prit saretraite au grade de professeur certifié.Syndiqué dès octobre 1944 au SNET, s’en-gageant de façon enthousiaste dans la réali-sation du programme du Conseil national dela Résistance, il assura, à partir de janvier1945jusqu’en juin 1946, le secrétariat de la section

CAMY-PEYRET Jean, Étienne, Henri

Jean PETITEAncien RésistantAncien secrétaire général adjoint du SNESÉtienne nous a quittés et ceux qui, comme moi, ont partagé l’aventurede la construction d’un nouveau SNES, se sentent un peu orphelins. Avec André Drubay, puis à sa suite, il a été non un chef ou un commandeur,mais un facilitateur, un pondérateur.Alors, l’édification d’un avenir pour l’école se heurtait au retour du passé, dansun contexte politique, économique, social, qui développait déjà des contraintesde crise. Enseignant syndicaliste, il se trouvait, avec nous, dans une FEN qui, deplus en plus « désorientée », perdait ses repères, suscitaitles conflits au lieu de les résoudre. (…) Il fallait alors de la sagesse pour éviterles impasses. Étienne fut de ceux qui y contribuèrent. Ses discoursau terme de nos congrès savaient trouver des mots justes, qui en appelaientà l’intelligence de chacun, comme aux exigences de la solidarité.Sa voix était alors entendue au-delà même des découpages, plus ou moinsartificiels, de tendances partisanes.Il le devait sans doute d’abord à son amour du métier qu’il avait choisi (…).Arrivé à une responsabilité qui lui permettait d’en modifier la conception, il fut,avec André Drubay, de ceux qui accordèrent un soin particulier aux discussions

dans les commissions officielles, dont il faisait des compte-rendus méticuleux. Il acquit de ses interlocuteurs, techniciens des programmes et des projetspédagogiques, voire de politiques avisés qui ne partageaient pas ses idées, un respect dont l’organisation qu’il incarnait profita. Aussi était-il plus librepour refuser les faux débats où les gouvernants cherchaient à enfermer des syndicats à la recherche de nouveaux équilibres. Les exigences du métierqu’il fallait transformer commandaient alors sa capacité de dire non. (…)Il apportait ainsi au SNES tout entier (classique, moderne, technique)l’expérience acquise à travers son parcours de l’enseignement technique (…),avant tout celle d’une équipe qu’il représentait, équipe plus soudée que celle,classique et moderne dont il partageait le destin. (…)Mais tout cela n’aurait pas été possible s’il n’avait partagé avec nous l’espoird’une autre société. De l’engagement dans la Résistance de notre jeunesse, auxchangements que l’année 1981 laissait espérer, nous avions tenté, chacun ànotre manière, d’en formuler les contours. Nous eûmes nos différences maissans que jamais celles-ci n’effacent notre amitié. Sans doute parce qu’elles’enracinait dans l’histoire de ceux qui, travailleurs, avaient eu à souffrir del’exploitation de leurs talents par les plus puissants. Cette solidarité, nous lavivions ensemble, attentifs à la voix de ceux qui l’exprimaient dans leursorganisations avec leurs succès et leur révolte, comme il advint quand Étiennemanifestait avec les ouvriers qui avaient fait ManuFrance.

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de l’ENSET qui comptait 220 élèves, toussyndiqué(e)s, et participa à ce titre à l’inter-syndicale des ENS dans le cadre de la Fédé-ration générale de l’enseignement puis de laFédération de l’Éducation nationale. Il eutalors l’occasion de rencontrer AdrienLavergne (voir ce nom), secrétaire généralde la Fédération générale de l’enseignementavec lequel il entretint par la suite des rapportstrès cordiaux et Philippe Rabier (voir ce nom),secrétaire général du SNET, qui fut pour luiun maître en syndicalisme et avec lequel iléchangea une très profonde et durable amitié.Devenu professeur, Camy-Peyret participa àla mise sur pied d’un syndicat unique du seconddegré de la Moselle, conformément aux déci-sions prises en 1945 par l’Union des trois syn-dicats nationaux du second degré de la FGE(SNES-SNET-SNCM), fut secrétaire de la sec-tion du SNET (Ecoles et services) de l’ENP deMetz et de la Moselle de 1947 à 1954, et com-missaire paritaire académique des certifiés del’enseignement technique à partir des premièresélections de 1948. Durant cette période, il étaitaussi membre du conseil d’administration de laMutuelle générale de l’Éducation nationale,chargé de la trésorerie et fut surtout secrétairede la section départementale de l’EN de 1947à 1954, ce qui lui permit de siéger à la CAnationale fédérale en tant que suppléant (1951-1954).En décembre 1947, sa section départementaleparticipa activement à la grève fédérale déclen-chée à la suite de celle des instituteurs de laSeine. En 1948, Camy-Peyret, favorable aumaintien du SNET et de l’EN à la CGT, appelales élèves de l’ENSET à se prononcer de lasorte, dans un appel cosigné avec les secré-taires (anciens et nouveaux) de la section syn-dicale. Mais bien qu’étant militant de la FEN-CGT à partir de 1948, il eut par-dessus tout lesouci de maintenir l’unité de la fédération et dusyndicat, comme le congrès national du SNETl’avait proclamé. Il ne voyait en effet pas de

contradiction dans cette double affiliation. Res-ponsable départemental de la FEN-CGT, il sié-gea à ce titre à la CA de l’Union départemen-tale CGT jusqu’en 1952, en même temps qu’ilétait secrétaire de la SD-FEN autonome depuis1949, situation unitaire originale, dont l’espritrégnait dans la direction nationale du SNETqui réunit des militants « cégétistes » et « auto-nomes » jusqu’en 1956, en dépit du vote enfaveur de l’homogénéité des exécutifs par lecongrès fédéral de 1949, acquis d’extrême jus-tesse contre l’avis du congrès du SNET.

Camy-Peyret demeura secrétaire de la seulesection départementale EN autonome, ce quicorrespondait à sa préférence profonde, étantdonnée la très grande représentativité des syn-dicats autonomes de la fédération et il ne per-sista pas dans son adhésion individuelle à laCGT en 1954, estimant réaliste l’appel auxinstituteurs du bureau politique du Parti com-muniste français du mois de janvier. Quand ilpartit de Metz à la fin de l’année scolaire 1953-1954, il fit en sorte que Paul Berger (voir cenom) lui succède comme secrétaire de la sectiondu SNET (responsabilité qu’il exerçait depuis1949) et dans la CA de la SD-FEN.Au cours de ces années passées en Lorraine,Camy-Peyret mena, au premier rang, la bataillecontre les lois anti-laïques et le statut d’Al-sace-Moselle ; secrétaire du cartel moselland’action laïque en 1950, il fut cosignataire de

l’appel départemental à la manifestation et auserment de Saint-Dié (30 septembre 1951). Ilparticipa également à la vie régionale et natio-nale du SNET, en étant membre de la CA de lasection académique de Strasbourg (dont dépen-dait alors la Moselle) de 1949 à 1954, exerçantà titre temporaire, en 1953, la responsabilité desecrétaire de ce S3 et en devenant à partir de1952, membre titulaire de la CA nationale surla liste Unité et action conduite par Rabier.Malgré des divergences, les militants « uni-taires » se félicitaient de l’unité de vues, pourla défense de l’enseignement technique, avecleurs camarades « autonomes » et en particulieravec Georges Lauré (voir ce nom) devenu co-secrétaire général en 1949-1950 puis secrétairegénéral à partir de 1950-1951.Muté à Creil, Camy-Peyret s’investit un peuplus dans la vie syndicale, devint titulaire dela CA fédérale à partir de 1955 au titre de lasection départementale de l’Oise, après avoiraccédé en 1954 au bureau national du SNETsur la liste des « unitaires », qui prit en 1956le nom d’« Union pour une action syndicaleefficace » et dont il fut tête de liste jusqu’en1966, succédant ainsi à Rabier. Ce changementd’appellation correspondait à une conviction :la défense du service public d’éducation laïque,de l’enseignement technique et de ses per-sonnels, dans l’unité de l’EN et avec les fédé-rations de fonctionnaires et confédérationsouvrières, devait prévaloir sur toute autreconsidération ; par conséquent, le système destendances ne pouvait que freiner l’efficacité del’unité d’action syndicale. C’était aussi uneréponse à la volonté des majoritaires auto-nomes de mettre un terme à l’hétérogénéité del’exécutif national du syndicat. En 1956, lesecrétaire général Lauré n’eut en effet plusque deux adjoints également autonomes.Camy-Peyret qui s’était préparé à succéder àRabier au poste de secrétaire général adjoint,comme cela avait été convenu au congrès de1954, en conçut un certain dépit, ce qui ne

Pierre ANTONINIAncien membre du BN du SNESAncien secrétaire du S3 de MontpellierJ’ai connu Étienne Camy-Peyret bienavant la fusion SNES-SNET. Il auraitsouhaité me voir passer au lycéetechnique de Montpellier dans sondésir qui ne l’a jamais quitté de faireune place plus grande dans notreenseignement français à la culturetechnique. Un précurseur, avec quellevolonté ! Classique jusqu’au bout des ongles, j’aicompris grâce à lui, devenu mon ami,que la culture des humanités classiquesn’était pas la seule.

Gilbert BLANCAncien secrétaire de catégorie des personnelsd’orientationJeune conseiller d’orientation dans l’académie de Dijon, j’avais été délégué « hors tendance » au Congrès qui créa le nouveau SNES en 1966. Les interventions d’Étienne Camy-Peyret ont sans aucun doute accéléré mon engagement avecUnité et Action. Camy m’avait fortement impressionné,autant par la profondeur de ses propos que par sonintraitable bonhomie. Comme on disait alors : « Il nejoue pas l’homme, il joue le ballon, lui. » J’aimais sadéfense de la valeur culturelle de l’enseignementtechnique, dimension incontournable de tout processusde démocratisation de l’école et de la société. Puis je suis venu travailler rue de Courty avec JacquesRomian. J’ai pu alors connaître un peu mieux Étienne,son sourire, ses yeux pétillants derrière ses lunettes, safaçon bien à lui de remettre de l’ordre dans un débat quidérapait ou de redonner du sens à l’action, les jours dedoute… J’essayais de le déranger le moins possible,mais je savais qu’il était là et qu’il était disponible.

Gérard ROULICAncien secrétaire du S3 de NantesJ’ai rencontré Étienne Camy-Peyret pour la première fois à Creil en 1959, à l’occasion de mon stage de CAPET sous la houlette de Louise Coudanne. Tous deux m’ontconvaincu d’adhérer au SNET. Et à ma sortie de l’ENSET,Étienne m’a conseillé de postuler pour le Lycée techniqueSt-Cricq de Pau, près de son village natal de Bizanos.Simple adhérent en 1959-60, c’est à la lecture des c.r. de la CA nationale du SNET dans Le Travailleur de l’Enseignement technique que j’ai compris, à travers ses interventions et les commentaires souvent agressifsqui les accompagnaient, ce que pouvait être un syndicalisme authentique, responsable, unitaire, humain et indépendant de tout calcul politicien. Tel était selon moi, l’esprit du courant UASE qu’il incarnaitavec Philippe Rabier.C’est ainsi que, moi aussi, je suis devenu militant enm’investissant à divers niveaux de responsabilité à Paupuis à Nantes. Sans nul doute, l’exemple de l’actionmilitante d’Étienne, source de mon propre engagement,demeurera toujours à mes yeux une référence, sa conception du syndicalisme aussi.

BIOGRAPHIE

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l’empêcha pas de rester fidèle à la concep-tion de l’orientation syndicale UASE durant lesmandats de secrétaire général de Bernard Rou-let (voir ce nom) qui succéda à Lauré devenusecrétaire général de l’EN en janvier 1957puis de Louis Astre (voir ce nom) de 1960-1961 à 1966.La tendance UASE formula des appréciationsvariables sur l’activité du syndicat présentéedésormais au seul nom de la majorité du BN.Si la lutte contre la loi Debré fit l’unanimité, iln’en alla pas de même de l’appréciation dureclassement de 1961-1962 et des résultats dela commission Laurent. Durant les années sui-vantes, les divergences s’atténuèrent cepen-dant, Camy-Peyret bénéficiait d’une demi-décharge de cours, les réunions hebdomadairesdu BN permettaient une réelle information etun débat permanent entre les deux principauxcourants : les élus UASE approuvèrent, avecdes réserves, les rapports d’activité fédéraux,présentés par Lauré et ceux du SNET présen-tés par Astre. Il fut candidat à la Commissionadministrative paritaire nationale des person-nels certifiés et assimilés en 1956, 1960 et en1965.Au cours de la période 1948-1966, la défensede l’enseignement technique ne fut pas la seulepréoccupation du syndicat. Camy-Peyret et sescamarades UASE jouèrent un rôle importantdans les prises de position unanimes en faveurde la paix, contre les armes nucléaires et laforce de frappe française. L’entente sur l’ana-lyse de la Guerre d’Algérie et les solutionspour la paix fut plus difficile, la tendance UASEétant hostile dès le départ à la formule de la« Table ronde » à laquelle le SNI et l’EN furentlongtemps favorables ; pourtant dès 1958, lecongrès du SNET avait demandé une négocia-tion « avec les responsables politiques et mili-taires de l’insurrection algérienne » et à la fin del’année 1959, le Travailleur de l’Enseignementtechnique publia un encart de 4 pages « Laguerre d’Algérie doit finir » qui faisait l’ac-

cord entre les deux principaux courants ; aucongrès de l’EN de 1961, après débats, lamotion présentée par Astre put faire la quasi-unanimité.

Camy-Peyret estimait aussi que le syndica-lisme enseignant ne pouvait rester muet quandla démocratie était en danger. Comme sescamarades UASE, il s’investit dans la réussitede la grève du 28 mai 1958 décidée par l’EN ;il aurait souhaité que la CA de son syndicat seprononce plus clairement contre la constitutionde la V

e République en septembre 1958 et

trouvait meilleur l’appel de la CA de l’EN. Aucongrès fédéral de 1959, alors que la loi Debréétait en préparation, il fut chargé de présenterla motion d’orientation des « unitaires » (sec-tions des Bouches-du-Rhône, Ardèche, Marne)et joua un rôle pour que les motions soientvotées à l’unanimité (laïcité, Algérie, explo-sions nucléaires…). Il était également de ceuxqui poussaient à l’unité d’action avec la CGTet la CFDT et estimaient que l’EN, encoreaccrochée à la stratégie du Mouvement syn-dical uni démocratique, n’assumait pas sa res-ponsabilité dans ce but.Pour permettre la nécessaire unification etdémocratisation des enseignements de seconddegré, selon les principes du Plan Langevin-Wallon, Camy-Peyret était partisan depuislongtemps, de la mise en œuvre du vieux pro-jet de constitution d’un grand syndicat dusecond degré dans l’EN, qui avait achoppéen 1947. Il fut donc un des nombreux arti-sans déterminés de la fusion entre le SNES(classique et moderne) et le SNET, qui futrelancée par une proposition du secrétairegénéral Roulet en 1959 au congrès du SNESavec l’accord du BN unanime. Il fit partie dela délégation permanente mixte, mise en placeen 1963, et de la commission pédagogiqueSNES-SNET préparatoires à cette fusion, quimit un peu de temps à mûrir dans les esprits etfut entérinée par les deux congrès en 1966après un vote individuel de tous les syndi-qués. Le nouveau Syndicat national des ensei-gnements de second degré (SNES), devenaitune force plus importante dans l’EN. Lauré, endépit de ses efforts, n’avait pas réussi à rééqui-librer la fédération trop dominée par le SNI àson goût ; sa démission en septembre 1966, àquelques semaines de l’expiration de son man-dat de secrétaire général de l’EN, afin d’atti-rer l’attention de tous sur les dangers quecomportait cette situation, fut saluée par lesmilitants « unitaires » et soutenue par les deuxsecrétaires généraux autonomes du nouveau

Félicie WEINSTEINAncienne Résistante, secrétaire d’E. C.-P.de 1969 à 1983Camy-Peyret était un responsable rigoureux et exigeant, un bourreau de travail. Il tenait à ce qu’il soit répondu à tous les courriers et très rapidement. Il traitait lui même des courriers en dehors des secteurs (même certaines affaires personnelles). Il me dictait chaque jour ou il écrivait lui-mêmejusqu’à 40 lettres sans compter les articles et les comptes-rendus de ses nombreusesréunions. La plus souvent nous déjeunionsensemble de deux sandwichs.À ce rythme il est tombé malade des yeux en 1975. La direction du SNES était une tâchecomplexe et difficile. Malgré cela je garded’Étienne Camy-Peyret le souvenir d’un militantremarquable. Je l’estimais beaucoup et sondécès m’a beaucoup touché. Nos deux famillesétaient devenues amies.

André SIREDEYAncien secrétaire du S3 de ReimsAncien secrétaire national du SNESJ’ai débuté mon militantisme syndical dans les années1970 comme secrétaire du S3 de la nouvelle académie de Reims : années de construction et de luttes, où le camarade Camy-Peyret fut un pilier de référencesur lequel on pouvait s’appuyer en toute confiance. Ensuite de 1979 à 1983, je fus élu secrétaire national du SNES, responsable du secteur laïcité-vie scolaire. Ce furent des années charnières, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, le positionnement syndical à définir dans ce contexte nouveau, les grandes bataillesà mener contre une droite réactionnaire et virulente,tout en définissant une laïcité progressiste non-sectaire,ce qui ne fut pas toujours facile à faire admettre dans la FEN ni même – pour des raisons différentes – au seindu SNES. Là encore, jusqu’en 1981, Camy-Peyret a joué un rôle essentiel dans la recherche des justes équilibreset de l’unité, afin de préparer le syndicat à promouvoirune action efficace.Merci Étienne pour tous ces apports au combat syndical !

Violette NUNEZEmployée au SNESÀ l’époque d’Étienne Camy-Peyret, ECPcomme nous l’appelions, nous n’avions pastous les moyens technologiques actuels, nousfaisions avec les moyens du bord « jusqu’àpas d’heure » pour tout boucler.ECP nous faisait confiance, il avait un motpour chacun de nous mais était très exigeant.Il était fier de l’équipe administrative quenous formions car il savait qu’il pouvaitcompter sur nous pour toutes épreuves caren tant qu’employés nous étions impliquésavec nos responsables syndicaux pour labonne marche du SNES.

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SNES (Astre et Mondot, voir ces noms).Le courant Unité et action s’organisait entremilitants de la liste B du SNES et UASE duSNET et envoyait des circulaires régulièressous la signature d’André Drubay (voir ce nom)et de Camy-Peyret. En juin 1966, les élus U etA proposèrent la mise en place d’un exécutifhétérogène du nouveau SNES, mais, bien quedisposant de la majorité relative dans la nouvelleCA, ils furent écartés de la direction, à la suited’une entente entre militants autonomes et de laliste C du SNES et de l’abstention des élus desdeux autres listes École émancipée et de PaulRuff (voir ce nom).La victoire électorale en mai-juin 1967 de laliste U et A aux premières élections au col-lège unique des membres de la CA du nou-veau SNES marqua un tournant dans l’histoirede l’EN et ouvrit une nouvelle phase dans l’iti-néraire militant de Camy-Peyret. Élu secré-taire général adjoint au côté de Drubay, secré-taire général, conformément à la conventionde garantie de la fusion, il succéda à ce dernieren 1971 et demeura secrétaire général du secondsyndicat national de l’EN jusqu’en mai 1981,avec Gérard Alaphilippe (voir ce nom), secré-taire général adjoint.Au cours de cette décennie, cette responsabi-lité l’amena à siéger dans diverses instances

consultatives, où il acquit un grand créditauprès des hauts fonctionnaires en raison de sarigueur et du sérieux de la préparation desdossiers qu’il défendait : Conseil supérieurde l’Éducation nationale (section permanenteet section contentieux et disciplinaire), Conseilde l’enseignement général et technique,Conseil national de la formation profession-nelle, de la promotion sociale et de l’emploi(où il fut remplacé en 1980, à la demande dela direction de l’EN). Il était toujours membrede la CA de l’EN au titre du SNES mais enrestant exclu du bureau fédéral, où siégeaientles anciens dirigeants autonomes (devenusUID) du SNES, situation qu’il dénonça tou-jours avec vigueur, de même que le refus desdirigeants du Comité national d’action laïqued’admettre le SNES comme membre à partentière, alors que « le SNES était l’EN dans lesecond degré », répétait-il souvent.Au cours de cette période, Camy-Peyret eut

l’occasion, dans le cadre du courant U et A et dusyndicat, de développer sa conception de l’ac-tion syndicale. La base du syndicalisme résidait,selon lui, dans le sérieux du suivi des affairespersonnelles car derrière chaque problème indi-viduel, une revendication d’ordre plus généralméritait examen et recherche de solution ; laconnaissance rigoureuse des textes réglemen-taires et de leur histoire était un élément indis-

pensable, pour défendre les droits des personnelsmais aussi définir les revendications à promou-voir ; l’association hardie de jeunes militant(e)saux responsabilités devait se développer maissans brûler les étapes, l’expérience du terrainétant un passage obligé avant de devenir militantnational ; la recherche de relations suivies avecles organisations de parents d’élèves et syndicatsouvriers était le seul moyen de construire l’unitéd’action syndicale nécessaire - non opposable àla recherche de l’unité d’action dans l’EN ; pluslargement le syndicat devait rechercher descontacts avec le monde extérieur, en France etau plan international, mais en gardant son indé-pendance totale.Ses nombreux déplacements dans les sectionssyndicales, le volumineux courrier personnaliséqu’il échangeait avec militants et syndiqués de

Jean REYNAUDAncien secrétaire du S3 d’Aix-MarseilleAncien trésorier national du SNESC’est autour d’Étienne Camy-Peyret que nousavons gagné, entre 1967 et 1972, la bataille du« Technique », de son égale dignité et de sondéveloppement.Fin des discriminations (recrutement desprofs, maxima de services) à tous les niveauxd’enseignement secondaire et supérieur(techniciens, baccalauréats, technicienssupérieurs, IUT, prépas, Ecoles d’Ingénieurs,ENNA).Développement à tous ces niveaux des contenus théoriques des programmes,des volumes d’accueil d’élèves, de l’éventaildes spécialités enseignées, de l’éventail des concours de recrutement.Le saut qualitatif et quantitatif a étéconsidérable. Et, effet secondaire important,l’homogénéité du SNES en a été accrue.

Annette KRAKOWSKIAncienne secrétaire nationale du SNESJ’ai eu la chance de côtoyer E. C.-P. au S4 des années1970 à 1981, notamment dans l’exercice de nosresponsabilités syndicales au CEGT et au CSEN, alorsqu’il y avait tout à construire pour les enseignementsde second degré, dans le technique en particulier.Je pense qu’il aura beaucoup apporté aux militants de cette génération, par son honnêteté intellectuelle,sa sincérité, son intransigeance ; il y croyait vraiment,il ne jouait pas.À la tribune des congrès, au cours d’âpres débats, il nous prenait « aux tripes » tant par la nature de ses propos que par la façon de les exprimer.Humain, au sens fort du terme, il a su réaliserl’osmose entre sa vie personnelle et sa vie publique,militante ; je me souviens entre autres de l’amour d’un père pour ses enfants et de sa fierté nourrie de leur réussite universitaire et professionnelle.Merci Étienne pour tout ce que tu nous as apporté.

BIOGRAPHIE

Films du SNES de 1972

Manifestation nationale du 27 janvier 1979 à Paris

Joseph GRIVELAncien secrétaire du S3 de PoitiersParmi les acquis de la lutte syndicale du SNES, durant lapériode où Étienne Camy-Peyret fut Secrétaire généraladjoint puis Secrétaire général, doit figurer en bonneplace la promotion interne. Dans le programmerevendicatif du nouveau syndicat, c’était en effet, dès lecongrès d’étude de 1968 de Villeurbanne, un voletimportant de la revalorisation du métier, dont la nouvelledirection Unité et Action s’attachait à souligner lacohérence avec l’objectif de démocratisation du servicepublic d’éducation.S’appuyant sur la mobilisation de 1968 puis sur les luttesqu’il impulsa au début des années 70, le SNES obtint ainsiun plan de titularisation et d’intégration dans le corpsdes certifiés d’une ampleur exceptionnelle, qui trouvason prolongement dans les décrets de 1972, instituant defaçon permanente la promotion interne dans le corps descertifiés et celui des agrégés. Étienne s’investit pleinement dans cette action syndicaleefficace dont profitèrent des dizaines de milliers decollègues.

ÉDITION SPÉCIALE - US MAGAZINE - 7

base, sa connaissance approfondie de toutesles questions syndicales, son penchant pour larecherche du consensus acceptable par toussans céder quoi que ce soit sur les principes, luidonnaient une autorité incontestable, mesu-rable dans l’écoute de ses interventions dans lescongrès du SNES et de l’EN, à une époque oùles tensions entre courants de pensée furentextrêmement vives.Son activité durant cette décennie fut doncindissociable de celle du SNES (qui connutson maximum de syndicalisation en 1975-1977 avec plus de 91 000 adhérents) et plus lar-gement du courant U et A dans l’EN. Il s’agis-sait pour Camy-Peyret de développer unsyndicalisme « de masse et de lutte », en liant« le combat contre l’aggravation et pour l’amé-lioration des conditions de travail et d’emploi,l’action pour l’augmentation du pouvoird’achat et la revalorisation de la fonction ensei-

gnante, à l’expansion et la démocratisation dusecond degré ». Parmi les acquis de la lutte syn-dicale, ceux concernant la fin des discrimina-tions du technique par rapport aux autres ensei-gnements de second degré, dans la continuitédes luttes entreprises par le SET puis le SNET,lui tinrent le plus à cœur (unification desconcours de recrutement des professeurs avecle développement des CAPET et agrégations,arrêt du recrutement des professeurs techniquesadjoints et leur intégration par concours spécialdans le corps des certifiés et assimilés, équi-valence des enseignements pratiques et théo-riques dans les maxima de service...)

Camy-Peyret fut toujours un partisan de l’unionde la gauche mais en restant à sa place de syn-dicaliste. Il appela à la réussite d’une expé-rience politique fondée sur le Programme com-mun de la gauche ouvrant la perspective de lasatisfaction des revendications syndicales, maisne participa à aucun groupe de travail d’unparti.Ses qualités lui permirent de tempérer bien destensions dans la direction du SNES et de resterainsi secrétaire général pendant 10 ans. En juin1981, à l’approche de ses 60 ans, Alaphilippe,

qui attendait depuis longtemps le passage dutémoin, lui succéda comme secrétaire général.Camy-Peyret fut chargé durant quelques moisde la documentation du SNES, puis CharlesFiterman, ministre d’État, ministre des Trans-ports dans le gouvernement de Pierre Mauroy,l’appela le 1er janvier 1982 comme conseillerdans son cabinet, où il demeura jusqu’en juillet1984. Il mit à profit son expérience pour s’oc-cuper des affaires sociales. Il adhéra au Particommuniste au cours de cette période et ydemeura quelques années. De mars 1985 à sep-tembre 1986, il siégea à la section des rela-tions extérieures du Conseil économique etsocial. Il revint ensuite militer au bureau natio-nal des retraités du SNES et apporta sa contri-bution à l’IRHSES. Il fut membre du jury duprix Maitron, de son origine jusqu’à la fin desannées 1990.Soutenu par son épouse qui accompagna son iti-néraire de bout en bout avec compréhension etdévouement, Camy-Peyret suivait toujours l’ac-tualité en 2005 et était syndiqué à la section desretraités du SNES.Étienne Camy-Peyret fut une figure du syndi-calisme enseignant, attaché à son indépendance,son fonctionnement démocratique, son unité,fidèle à ses amis et aux idéaux de sa jeunessecontenus dans le programme du CNR, notam-ment à la laïcité, à la promotion de l’enseigne-ment technique pour la démocratisation del’École et de la société. Parmi les fondateurs ducourant U et A, il milita pour que se créentconstamment, à tous les niveaux, les conver-gences nécessaires à l’unité d’action entre unsyndicalisme enseignant représentatif, les orga-nisations de parents d’élèves et de la classeouvrière. Homme de gauche, il n’était pas unidéologue, mais un militant pragmatique, refu-sant les combinaisons politiciennes, estimantqu’il fallait toujours être attentif à ce que sen-tait et souhaitait la base.Camy-Peyret était Chevalier de la Légiond’Honneur et officier des Palmes académiques.

Alain Dalançon

Annie CLAVEL Ancienne secrétaire du S3 de GrenobleResponsable de la catégorie des retraitésJusqu’à ce que la maladie l’en empêche, ÉtienneCamy-Peyret a participé régulièrement aux travauxdu « bureau national » des retraités du SNES.Dans un registre différent de celui de secrétairegénéral, il apportait tout à la fois une sagessedistanciée et des moments d’humeur et de passion,selon les sujets : jamais blasé ou indifférent ! À chacun de nos déplacements syndicaux – qu’ilavait renoncé à faire – nous lui écrivions. Il répondait avec application à chacun de noscourriers et manifestait de l’intérêt pour d’ancienscamarades dont il demandait des nouvelles. (…)Il s’est effacé et du coup il revient plus fort dansnos mémoires, dans sa fonction de secrétairegénéral, élégamment vêtu, parlant notre langueavec gourmandise et une pointe d’accent, l’œil vif,de celui qui écoute, comprend, et ne s’en laisse pasconter…

Jacques GIRAULTProfesseur à l’Université de Paris 13Président de l’HIMASE Je connaissais Étienne Camy-Peyret depuis 1961. Il vint, avec Philippe Rabier, assurer une réunion à l’ENSET. Peu après,une délégation du bureau syndical se rendit chez lui, à Creil,dans la 2 CV de Michel Chignier. Je fus alors impressionné par son sérieux, son dynamisme, son calme, son jugementferme mais ouvert, son désintéressement. Quel magnifique exemple pour un jeune militant ! Quand, au début des années 1980, représentant du CRHMSS de l’Université de Paris I, j’ai participé au lancement, avec le Centre fédéral de la FEN, d’un séminaire de recherchessur l’histoire du syndicalisme enseignant, j’ai souhaité, aprèsavoir obtenu son accord qui fut immédiat, qu’il soit invité. Dans chacune des séances, il intervenait avec chaleur,archives à l’appui, et tous, chercheurs et militants, y apprenaient beaucoup. Quand la FEN créa le prix Maitron en 1989, je proposai qu’il entrât au jury, ce qui ne posa aucune difficulté. Il lisait avec passion les travaux et ses rapports frappaienttoujours juste. (…)

André GUILLEMONTAncien secrétaire du S3 de RouenEn 1966, Mme Camy-Peyret fut nomméedirectrice au lycée Flaubert à Rouen.Étienne et moi nous rencontrions doncdans le train pour nous rendre auxréunions statuaires du nouveau SNES. (…)Nous bavardions et c’est ainsi que je mesuis trouvé chargé de la correspondancedes « affaires personnelles » et que nousavons créé dans L’US la rubrique« Écrivez ! on vous répondra », alors queles « autonomes » avaient souvent laisséle courrier sans réponse. Ce fut un grandsuccès.

Meeting pour le 2e tourde l’élection présidentielle de 1974

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Hubert COUDANNEAncien RésistantAncien militant du SNET et du SNESup,président de l’université de Paris-SudJanvier 1945 : l’ENSET (hébergée par les Arts etMétiers, bld de l’Hôpital) reçoit les nouvellespromotions quelque peu désemparées : il fait froid,il faut trouver une chambre et organiser sa viedans le cadre d’une petite bourse... Mais parmi lesanciens qui nous accueillent, je garde le souvenird’Étienne Camy-Peyret : réaliste et décisif pourrégler les aléas de la vie au quotidien (je pense auFoyer de la rue Pinel), il crée une section syndicaledes élèves – sans doute l’une des toutes premièresde l’immédiat après guerre – et établit, dans la foulée, des relations syndicales inter-ENS. Je pense n’avoir pas été le seul à êtreprofondément marqué par la conviction dynamiqued’Étienne à définir la sauvegarde des intérêts dechacun de nous comme les grandes lignes dedéfense de l’Enseignement Public, laïque,disposant de moyens pour accomplir sa mission…

Daniel RENARDAncien membre de la CA fédérale et secrétaire de la SD-FEN 78Jeune normalien, militant de la FEN-CGT (àl’époque à double affiliation), j’ai rencontréÉtienne – et André Drubay – à l’occasion descongrès de Rennes en 1951 et à la Grange-aux-Belles en 1953. Par la suite, lors deréunions des camarades Unité et Action à laveille et pendant les congrès de la FEN, puis àla CA fédérale, j’ai souvent discuté avecÉtienne. C’était un camarade très travailleur,modeste, attentif à la réflexion des autres. Secrétaire de la FEN de Seine-et-Oise puis du Val-d’Oise, il m’a beaucoup aidé pour quej’appréhende mieux les problèmes del’enseignement technique, me fournissantdonnées et analyses et me conseillant deslectures. Dans la dernière période, j’ai eu la chance dem’entretenir encore avec lui, lors desréunions du CA de l’IRHSES.

Appel aux élèves de l’ENSET à rester à la CGT

De la CGT à la FEN

René DESHAIESAncien secrétaire de la SD-FEN 45et secrétaire de catégorie des PTA J’avais rencontré Étienne Camy-Peyret en 1966 lors de labataille pour le reclassement des stagiaires PTA. C’est sursa proposition, que j’ai figuré l’année suivante sur la listeUnité et Action qui gagna les élections à la CA nationale,puis je fus élu secrétaire de catégorie de 1969 à 1979.Au cours de ces dix années, une grande confiance a régnéentre nous, permettant une collaboration de tous lesinstants au secrétariat du SNES comme dans toutes lesinstances officielles où nous avons siégé. C’était un plaisir de travailler avec lui, il ne blessait jamais mais cherchait à améliorer. Comme Rabier, E. C-P avait une grande connaissance desenseignements technologiques et de leurs maîtres. Il s’investit beaucoup dans la bataille du SNES pour la défense et la promotion des PTA dans le corps des certifiés.Eux deux m’ont également permis de parfaire ma culturemilitante sur la Résistance et les grands espoirs de la Libération.

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Après le vote des lois anti-laïques Marie et BarangéLe combat laïque

Meeting en 1975Berger, E. C-P

Congrès SNES 1972Alaphilippe, E. C-P, Antonini

Paul BERGERAncien secrétaire de la section SNET de l’ENP de Metz, de la SD-FEN 57et secrétaire national du SNESÉtienne Camy-Peyret avait une haute idée des valeurs du syndicalisme.Alors qu’il était promis à une brillante carrière, il a consacré sa vie ausyndicat, y sacrifiant sa santé et sa vie de famille du fait d’un travailexcessif. Au-delà de l’exigence du devoir militant, sa passion étaitentretenue par les brillantes réussites de ses interventionspersonnelles, que ce soit pour régler d’innombrables problèmesindividuels ou en faveur de certaines catégories. Il a donné, en tantque secrétaire à la Section FEN de Moselle, une impulsion qui aperduré jusqu’à 1992.L’essentiel de son œuvre a été accompli à la direction du SNES. Il abeaucoup contribué à maintenir la cohésion de celle-ci durant lesannées 70. Il mérite d’être salué avec respect, admiration etreconnaissance. Les personnels du second degré, ceux du technique etleurs élèves notamment, lui doivent beaucoup.Durant 53 ans, il fut pour moi un ami exceptionnel, très confiant etfidèle.

Michel CHIGNIERAncien membre de la CA nationale, collaborateur du secteur national laïcitéJe ne vois guère d’étapes de mon activité syndicale durant 40 années,sans souvenirs très divers de Camy. Jeune militant à l’ENSET, j’étais impressionné par son calme et son autorité. Plus tard en Moselle, lors de mon premier poste et de la fusion SNES-SNET, son image est inséparable de celle de Paul Berger pour la défense des services publics et de la laïcité.Années 70, collaborateur au secteur politique scolaire et laïcité du S4,je me souviens de son rôle d’animateur de l’équipe dirigeante, son écoute et sa disponibilité.Au congrès du SNES à St Étienne, moment de bonheur du militant,fierté d’un père à côté de son fils attaché au cabinet deJ. Sanguedolce…Nous nous sommes retrouvés régulièrement lorsque Étienne travaillaitau cabinet de Charles Fiterman. Au lycée Raspail, où il était nommépour ordre et dont j’étais le secrétaire de S1, Guy Michel Christian etmoi animions une cellule du PCF, dont il était membre : réunions aucafé du coin, enthousiasme pour cette nouvelle expérience maisinquiétude sur les difficultés politiques d’alors.

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André DELLINGERAncien membre du BN du SNETet secrétaire national du SNESLe fondateur d’UASE Le passage à l’autonomie de la FEN en 1948, s’il préservait en façadel’unité syndicale des enseignants, l’ébréchait gravement à l’intérieur,sous la forme d’un droit de tendance finalisé par l’homogénéité del’exécutif. Les communistes, et avec eux tous ceux, dont Étienne Camy-Peyret était une grande figure, qui ne partageaient pas l’ostracismeanticommuniste, se voyaient exclus des directions syndicales. Ilss’organisèrent en tendance, afin de rallier les suffrages des syndiquésqui partageaient leurs convictions et de siéger dans les organesdélibératifs. C’est dans le SNET, sous l’impulsion d’Étienne, épaulé par ses amis du BNet de la CA, que les choses avancèrent le plus rapidement, avec lacréation au milieu des années 50 d’un courant de pensée – Étiennepréférait ce terme à celui de tendance.À la fusion en 1966 du SNET et du SNES correspondit la fusion de la listeUASE conduite par Camy-Peyret et de la liste B conduite par Drubay enun courant qu’on connaît encore aujourd’hui, qui allait rapidementdevenir majoritaire : Unité et Action.

L’unité d’abord. L’indépendance du syndicat, sa nature d’organisation de masse chargée de défendre les intérêts professionnels et ceux du service public, interdisent qu’on y introduise des clivages politiques. Le programme revendicatif harmonisait les deux versants de la revendication : l’enseignement, les enseignants ; l’esprit de servicepublic et l’esprit de corps des fonctionnaires ; ni corporatisme, qui ignore les attentes légitimes des usagers, ni pédagogisme, qui bradeles intérêts non moins légitimes des personnels. L’action formait le complément indispensable de l’unité, tant il est vraique les acquis sociaux sont le fruit de dures luttes et la cible d’attaquesincessantes, tant il est vrai également que la voie des améliorationsnécessaires est sans fin. L’orientation UA a rapidement prouvé sa fécondité, au SNES, au SNEP et dans toute la FEN. Celle-ci n’y a pas résisté, la FSU en est sortie.Étienne Camy-Peyret, André Drubay et les autres pionniers d’U et A ont manifesté à maintes reprises, en opposition au projet des autonomesde créer une centrale sociale-libérale (PUMSUD : Pour un MouvementSyndical Uni et Démocratique, appellation à laquelle répondit par la suitecelle de la tendance autonome, changée en : UID, Unité, Indépendance et Démocratie), leur profond désir de reconstruire en France cette grandeconfédération syndicale unitaire qui manque au syndicalisme français.

Déclaration UASE pour les élections du SNET 1962

D’UASE à Unité et Action

Philippe RabierAmi et maître en syndicalisme

Conférence de presse SNES-SNEP 1971Dellinger, Berge, E. C.-P.

E. C.-P. à la tribune syndicale du 1er Mai unitaire en 1974

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Marcel BERGEAncien secrétaire de la SD-FEN 07et secrétaire général du SNEPUn éducateur citoyenJ’avais déjà dans les années 60 une grande admiration pour E.C-P. aumoment où nous constituions ce qui allait devenir le courant Unité etAction de la FEN. Mais c’est surtout après mon élection commesecrétaire général du SNEP en 1969 que j’ai pu apprécier les trèsgrandes qualités d’Étienne. Rigoureux, méthodique, il n’en conservaitpas moins un grand sens des relations humaines et mettait sonexpérience au service de chacun. Nous avons pu mieux coordonnernotre stratégie et nos actions dans le respect de l’originalité de chacunde nos syndicats et de leurs revendications spécifiques. Au cours deconférences de presse ou d’interviews souvent communes, Étiennefaisait preuve d’une force de conviction tranquille et d’un grand espritd’unité.Passionné de questions pédagogiques, il ne séparait jamais lanécessaire défense corporative des personnels – notamment en matièrede formation – du rôle que devait jouer nos syndicats pour une réformedémocratique de l’Education permettant une véritable égalité deschances. C’est sans doute cela qui nous a le plus rapproché.

François BLANCHARDAncien membre du BN du SNETet secrétaire national du SNESBien avant qu’une majorité Unité et Action du nouveau SNES nousamène à nous situer dans les structures classiques d’une directionsyndicale, j’ai milité longtemps aux côtés d’Étienne Camy-Peyret dans la minorité UASE du SNET dont il était l’âme. Au prix d’un énormetravail, il avait développé un réseau de correspondants qui vivaient les problèmes syndicaux dans les établissements et qui participaient,tous égaux, quelles que soient leurs options politiques ou autres, au débat qui élaborait la déclaration d’orientation de notre courant de pensée, tout en assumant eux-mêmes le coût des échanges postauxque ce débat supposait. C’est là que j’ai appris l’indépendancesyndicale.Sans mandat officiel ni moyens afférents, « Camy » traitait déjà des centaines de cas individuels de collègues confrontés à une administration dont il avait une connaissance encyclopédique.C’est dans ce travail de fourmi, fondement de l’action syndicale, qu’il enracinait les convictions qui nous étaient communes :contestation du capitalisme, action de masse, recherche opiniâtre de l’unité des travailleurs. Il leur est resté fidèle.

Réception de syndicalistes algériens au SNES en 1976

Le Travailleur de l’Enseignement technique (décembre 1959)

(Dellinger, Haddad, Petite, E. C.-P., Blanchard, syndicalistes Algériens)

Le Combat contre le colonialisme

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Raphaël SZAJNFELDPorte parole du courant de pensée Unité et Action FENde 1987 à 1996 J’ai fait la connaissance d’Étienne en 1974, quand j’ai étéélu au titre des sections départementales à la CA nationalede la FEN, dans laquelle il siégeait en tant que secrétairegénéral du SNES. À l’occasion des réunions de cette instance et de nosrencontres préparatoires au sein du collectif national Unitéet Action, j’ai pu apprécier sa connaissance approfondie desdossiers, la qualité de son argumentation, son souci de faireprendre en compte les revendications du Second degré parles responsables de la Fédération. Instituteur exerçant en collège, il m’a aidé à élargir monhorizon à l’ensemble du système éducatif. Secrétaire depuis peu d’une section départementale de laFEN – la Seine-Saint-Denis –, il m’a fait prendre consciencede l’ampleur du champ de compétences du mouvementsyndical, en France, en Europe et dans le monde.Je lui dois beaucoup.

Eugenio BRESSANSecrétaire national du SNES« Camy », comme on l’appelait fraternellement à l’époque, était le Secrétaire général duSNES de mes premières années militantes. Je garderai de lui le souvenir d’une profondehumanité et d’une grande opiniâtreté. Travailleur acharné, il approfondissait bien sûr lesgrands dossiers et restait attentif à la situation de chacun. Je me souviens toujours deses interventions répétées au ministère pour que le maître auxiliaire sans garantied’emploi que j’étais, puisse bénéficier d’une dispense partielle de service pour assurerdes responsabilités académiques, quand celle-ci était réservée aux seuls fonctionnaires.Nous fûmes des défricheurs dans ce domaine.Je garde en mémoire cette image forte d’Étienne à la tribune du congrès national deMontpellier de 1981 aux côtés de costauds mineurs cévenols en lutte pour défendre leuremploi. Il leur exprimait la solidarité du SNES et en même temps celle qui étaitprofondément enracinée en lui, car il a été de tous ces combats solidaires et de toutesces luttes pour plus de justice.Sous le verre qui recouvrait son bureau de la rue de Courty, on pouvait lire le Serment deBuchenwald. Nous en partagions l’appel final « Notre idéal est la construction d’unmonde nouveau dans la paix et la liberté ». Étienne a toujours été fidèle à cet idéal.Merci pour ce que tu as apporté à l’avancement du genre humain sur le « cheminpierreux » du progrès.

Éditorial de l’US de septembre 1971

Congrès CMOPE 1974Ouliac, E.C-P, Drubay

Manifestation unitaire du 26 juin 1975

ÉDITION SPÉCIALE - US MAGAZINE - 13

Guy ODENTAncien secrétaire général adjoint du SNESupJ’ai connu Étienne Camy-Peyret au début des années 60 à la CA de laFEN où je représentais le SNESup et lui la minorité du SNET et de la FENdite « Bouches-du-Rhône », qui devint Unité et Action. Les interventionsd’Étienne étaient toujours très écoutées par tous et Georges Lauré,alors Secrétaire général, dans ses réponses aux intervenants, en tenaittoujours compte.Camy-Peyret était très attaché à la démocratie syndicale. Je mesouviens d’une réunion du BN du SNET où Louis Astre, alors Secrétairegénéral, m’avait invité pour discuter de l’évolution des écolesd’ingénieurs (…) mais sans en avertir les minoritaires UASE, ce quiprovoqua une intervention de protestation d’Étienne, très ferme et trèscalme.J’ai eu par la suite bien des occasions d’évoquer avec lui ledéveloppement des formations techniques dans l’enseignementsupérieur, avec la création des agrégations correspondantes, la mise enœuvre de licences et de maîtrises de technologies, la création des IUT. Notre camarade Georges Innocent, qui avait connu ECP au lycée deCreil, devenu ensuite enseignant à l’IUT d’Orsay, puis en 1969-1970,Secrétaire général du SNESup, évoquait souvent sa personnalité : il étaitun exemple pour sa rigueur, sa manière d’agir et son engagement…

J.-J. KIRKYACHARIANAncien secrétaire du S3 de Grenoble(…) Camy-Peyret était tenu pour le sage par excellence au SNET. Camy,c’était le syndicalisme au plus près de la vie des syndiqués ; il analysait lebesoin, formulait la demande, définissait l’action possible.Dans les années qui ont suivi la fusion, je l’ai connu de plus près sanscesser d’être une sorte de recours, de conseil amical ; il était à l’aisedans le contexte embrouillé, et de plus en plus tendu, de ces années là.Beaucoup de camarades ont eu du mal à comprendre que l’événementpris en lui-même pouvait avoir beaucoup de significations, et qu’il fallaitne pas être submergé ; beaucoup ont dû à Camy de voir un peu plusclairement le sens de la succession des choses. Camy, sur les faits, étaittrès attentif, irréprochable, mais très méfiant à l’encontre desextrapolations oratoires.Était-il spécifiquement mathématicien, dans l’attention qu’il portait à cequi se vivait comme désordre ? Il vaut mieux dire que pour lui l’espritscientifique était une exigence à vocation universelle. Sans doute il avécu comme nous tous les déceptions de ces dernières années ; mais jene l’imagine pas maugréant, rancunier à l’égard des choses ! En réalitécet occitan était un latin serein, impliqué dans le sérieux de l’histoire, etsouriant du coin des yeux ; il demeure comme ces Romains inconnusqu’on trouve dans les musées, et qui nous regardent en amis discrets.

Edito de l’US, octobre 1976

Manifestation unitaire de 5 syndicats du second degréet des Sd-FEN et SNI de la RP, avril 1980

ECP accueille A. Henry au congrès de Nancy en 1977

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Louis WEBERAncien secrétaire général adjoint du SNESJ’ai vraiment eu l’occasion de connaître Étienne Camy-Peyret à la fin desannées 70 quand j’ai intégré le groupe du S4 chargé de l’enseignementtechnique, un secteur alors en pleine effervescence revendicative. Au cours decette décennie, grâce à l’action du SNES, les situations statutaires allaient êtrealignées sur celles de l’enseignement général, au nom de « l’égale dignité del’enseignement technique ». Étienne ne négligeait aucun dossier, même s’il neconcernait que quelques dizaines de syndiqués. Il conduisait tous les mois unedélégation à la direction des personnels enseignants, où chaque dossier étaitépluché, avec une ténacité qui a fini par payer. Et lorsque l’objectif risquaitd’être perdu de vue, il rédigeait un article dans L’US pour faire le point sur cequi était acquis et ce qui restait à gagner. Pour moi et celles et ceux qui ontpartagé cette expérience, ce fut une extraordinaire école de formation in situ. Il faut mesurer en particulier ce qu’a signifié l’intégration des PTA, recrutéspour leur expérience professionnelle plutôt qu’au vu de leur diplôme, dans lecorps des certifiés et l’alignement de leurs horaires sur ceux del’enseignement général. Convaincre de la légitimité de cette revendicationdans le syndicat n’a pas été un long fleuve tranquille. Étienne n’était certespas seul à mener cette bataille. Mais il en a été l’opiniâtre héraut pour faireaccepter ce qui, d’une certaine façon, a constitué une révolution culturelledans le regard porté sur le système éducatif.

Pierre TOUSSENELAncien secrétaire du S3 de ParisEt secrétaire général adjoint du SNESAndré Drubay et Étienne Camy-Peyret ont été élus Secrétairesgénéraux du SNES au moment où je découvrais le syndicalismeenseignant. Ils ont symbolisé pour moi la passion unitaire qui amarqué son histoire dans le second degré. Leur rôle dans lacréation du nouveau SNES et leur capacité à faire réussir la fusionde deux histoires syndicales, celle du classique et moderne etcelle du technique, en porte témoignage. En porte aussitémoignage leur impulsion au côté de Gérard Alaphilippe de lastratégie fédérale du courant de pensée Unité et Action. Chacund’eux apportait sa contribution. ECP comme nous l’appelions, yajoutait un souci méticuleux de ce qu’il appelait les « affairespersonnelles », c’est-à-dire les problèmes individuels descollègues. André et Étienne avaient choisi de vivre en communleur passion du syndicalisme, le hasard les aura réunis à peu dedistance dans la mort. C’est un triste moment pour le syndicalisme.

Edito de l’US de septembre 1979

ÉDITION SPÉCIALE - US MAGAZINE - 15

Monique VUAILLATSecrétaire générale du SNES de 1984 à 2001Cosecrétaire générale de la FSUTout le monde l’appelait « Camy », son nom était devenu prénom.Il aimait cette proximité familière, le contact simple qui crée le lien.Qui ne se souvient de ses tournées dans les établissements, du pointd’honneur qu’il mettait à répondre à toutes les lettres ? Pour Camy,ce sont les syndiqués qui construisent leur syndicat, les militants nepensent pas à leur place ; le syndicat opère les synthèsesrevendicatives, met en cohérence les propositions des S1. C’est ainsique prirent corps des projets comme celui d’École progressiveproposé par le SNES dans les années 70-80. « Faites le syndicat quevous voulez ! », fut une démarche beaucoup inspirée par sa pratiquede militant ; par ses déplacements nombreux dans les S1, il a faitécole pour développer la démocratie dans le SNES. Camy avait une vision très prospective de l’enseignement technique.D’importantes évolutions des diplômes et des contenus de formationde ces enseignements ont été proposées, défendues avec un certainsuccès. C’est ainsi que les formations professionnelles et techniquesréduites à deux années d’enseignement au lycée sont passées à trois,pour déboucher sur des brevets de techniciens. Puis grâce à un

Edito de l’US de septembre 1980

meilleur équilibre entre enseignement général et professionnel et technique, il a été possible de faire créer des baccalauréats de techniciens, devenus ensuite baccalauréats technologiques.Toutes ces évolutions ont permis de conquérir progressivementl’égalité de cette voie technologique avec la voie d’enseignementgénéral. À l’époque, nous ramions à contre-courant des idées dupatronat, parfois de celles des syndicats de travailleurs, d’une partiedu milieu enseignant regroupé dans la FEN, voire dans le SNES. En définitive tout ce travail collectif pour définir les contenus deformation appropriés, pour construire un véritable projet alternatif au système existant a été d’une grande efficacité dont on mesureencore aujourd’hui l’impact. Camy a joué un rôle moteur dans la coordination de ce chantier ainsi qu’au sein du CEGT, instanceconsultative de l’époque.Camy était un militant attaché viscéralement à des valeurs qui ontguidé son combat syndical, celles de l’égalité d’accès aux formationsles plus élevées, de la laïcité, du service public, des libertésindividuelles et collectives et de la paix.

Dernière conduite d’une délégation du secrétariat nationaldu SNES au ministère de l’EN en juin 1981