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    demande, fut-elle aussi radicale que celle que jnonce comme demande de sant.De ce point de vue, toute cure sengage ncessairement sur un malentendu, et il nest

    pas abusif de dire que lanalyste est un marchand dillusions, ceci prs quil rve de faire

    faillite. Savoir quand et comment il se rveille de ce rve revient poser la question du dsir de

    lanalyste, et de sa fonction dans la cure. (Le dsir du thrapeute nest au contraire, et par

    principe, lobjet daucune interrogation de cet ordre.)

    Lanalyste se trouve ainsi face une demande quil a pris soin de ne pas entriner; ilpeut alors aisment remarquer que cest une demande qui ne vise rien dautre que sa propre

    disparition, une demande dun tat o il ny aurait plus rien demander. Ceci, bien sr, nest en

    rien spcifique de la psychanalyse, mais cette dernire connat bien ce genre de demandes qui

    se prennent elles-mmes pour objet, et qui dveloppent du coup systmatiquement ce quejaimerais taxer dexaspration du phnomne subjectif.

    Jintroduis l le terme de sujet pour autant quil est impliqu par celui de demande et que,

    plus encore, cette implication est rciproque: pas de demande sans sujet, fut-elle la plusprimaire, la plus inarticule. Or, loin quil y ait une harmonie naturelle entre un sujet et ses

    demandes, ce que rvle le travail psychanalytique, cest au contraire et dans tous les cas le

    plus profond divorce; que ces demandes soient ou non satisfaites nest certes pas indiffrentau regard des besoins de lindividu, mais pour le sujet, de toute faon, il en sera pour ses frais.

    Car ce quil vise, cest lexpression de ce qui le tourmente, savoir son dsir et dans cette

    perspective, toute demande particulire se rvle fourbe, trompeuse en son principe comme en

    ses effets.

    Que la demande soit le rideau derrire lequel le dsir du sujet joue sa partie, jen

    donnerai maintenant un exemple. Aprs un flirt assez pouss, un jeune homme dune vingtaine

    dannes se risque dclarer son amour, mais la nvrose qui dj lembarrasse beaucoup lui

    souffle loreille cet aveu, quil adresse illico sa bien-aime, trouvant au passage la formule

    assez bonne:

    Est-ce que je peux te dire que je taime

    ?

    Sur quoi il reoit immdiatement

    une paire de claques. Je naurais jamais d lui dire que je laimais, en conclut-il.Dix ans plus tard, revoquant ce souvenir dans la cure, ce patient en vient mesurer

    brutalement lcart quil y a entre dclarer sa flamme, et demander la permission dedclarer sa flamme. Diffrence que sa jeune interlocutrice dont je ne sais rien, mais que jeme plais imaginer spirituelle lui a interprte sur le champ, un peu sauvagement il est vrai.

    Remarquons cependant que si le jeune homme avait dit tout crment : Je taime peut-tre naurait-il pas reu une rponse aussi cinglante, et peut-tre aussi son destin en ett chang mais il naurait pas moins demand aimer et tre aim, car telle est la

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    fonction de la parole quil suffit douvrir la bouche pour tre en position de demandeur.

    Cest l un point dont tout nvros est parfaitement averti, ce pourquoi il forge trs

    frquemment un fantasme qui se rduit ceci: un cadrage, une mise en scne ou sexhibelabolition de lesclavage de la demande. Ce que je voudrais vraiment, dit une patiente, cestcrier; mais si je crie, il y aura toujours quelquun pour penser que je demande de laide, ilviendra, et a recommencera encore une fois. Fantasme, certes, que ce cri pur qui, nevouloir rencontrer aucune oreille, se confondrait avec le silence le plus pur; car de silence, ilny en a pas plus dans la cure que dans les espaces infinis. Au bruit de fond de lunivers rpond

    le bruit de fond du sujet qui nest autre que la litanie de ses demandes, laquelle fait obstacle

    ce qui lui importe essentiellement: la reconnaissance de son dsir.

    La vrit que recle ce fantasme, cest que si le silence nexiste pas, a ne signifie paspour autant quil ne faut pas le prendre en considration. Jaurais beau jeu dinvoquer ici le zro

    absolu dont on sait quil est lui aussi parfaitement inatteignable, aussi prs quon lapproche, ce

    qui ne lempche pas dtre lun des termes-clefs de la thermodynamique.

    Ainsi en va-t-il de la sant, telle du moins que la demande de sant nous la rvle; cardemander lobtention dun Bien alors mme quon singnie en dmontrer linexistence nest

    pas une vaine spculation rserve aux philosophes: cest une aporie constitutive de ltreparlant. La sant, vue sous cet angle, nest pas une catgorie de lentendement; elle est undes noms de ce qui toujours se drobe une saisie conceptuelle mais qui, se drobant, creuse

    devant nous le sillon o nous logeons cette parole qui nous habite et bien souvent nous

    encombre.

    Journes Nationales de lA.F.P.E.P.

    Evian 0ctobre 1978