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Les fondations d’ Ambroise à Milan et la question des martyria Jean-Michel SPIESER Δελτίον XAE 20 (1998), Περίοδος Δ'. Στη μνήμη του Δημητρίου Ι. Πάλλα (1907-1995)• Σελ. 29-34 ΑΘΗΝΑ 1999

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  • Les fondations d Ambroise Milan et la question desmartyria

    Jean-Michel SPIESER

    XAE 20 (1998), '. . (1907-1995) . 29-34 1999

  • Jean-Michel Spieser

    LES FONDATIONS D'AMBROISE A MILAN ET LA QUESTION DES MARTYRIA*

    O 'il est maintenant acquis qu' la distinction entre marty-rium et glise destine la synaxe ne correspond pas une dis-tinction de plan, il reste prciser quelques points sur l'his-toire de ces deux types d'difices. Les fondations d'Am-broise Milan, en particulier l'une d'entre elles qui nous est connue par Ambroise lui-mme, permettent de voir comment cette distinction tend s'effacer vers la fin du IVe sicle. On en sait maintenant suffisamment sur les glises palochrtien-nes de Milan pour tirer quelques conclusions sur leur utilisa-tion, d'autant plus que des tudes rcentes sur Ambroise lui-mme permettent d'avoir un tableau substantiel de la situa-tion milanaise et d'en comprendre la cohrence, si bien que, par del les vnements particuliers qui ont marqu l'pisco-pat d'Ambroise, on peut en saisir un certain nombre d'enjeux et d'en rapprocher des faits isols observables ailleurs dans l'empire1. Il faut partir de la lettre bien connue d'Ambroise sa soeur, o il raconte celle-ci les circonstances qui ont conduit la

    * Les titres suivants sont cits de manire abrge : Milano capitale : Milano, capitale dell'impero romano, 286-402 d.c, Mi-

    lan 1990. McLynn, Ambrose : N.B. McLynn, Ambrose of Milan. Church and Court

    in a Christian Capital, Berkeley 1994. Schmitz, Gottesdienst : J. Schmitz, Gottesdienst im altchristlichen Mai-

    land. Eine liturgiewissenschaftliche Untersuchung der Initiation und Messfeier whrend des Jahres zur Zeit des Bischofs Ambrosius, Co-logne 1975.

    1. Voir, en particulier, le catalogue de l'exposition Milano capitale. On y trouvera, p. 91-151, sous diverses signatures, une mise au point sur la topographie et les monuments palochrtiens de Milan ; en appendice, M. Mirabella Roberti, Architetture paleocristiane a Milano, ibid., p. 433-439. Pour Ambroise, S. Mazzarino, Storia sociale del Vescovo Am-brogio, Rome 1989 ; Daniel H. Williams, Ambrose of Milan and the End of the Arian-Nicene Conflicts, Oxford 1995 ; McLynn, Ambrose. 2. Lettre 77 [22], d. M. Zelzer, CSEL 82, 3, p. 126-128. Ces v-nements ont lieu aprs la crise qui, Pques 386, a oppos Ambroise la cour de Milan : McLynn, Ambrose, p. 181-198 pour cette crise et p. 209-215 pour les circonstances de la ddicace de la Basilica Martyrum. Voir aussi G. Nauroy, Le fouet et le miel : le combat d'Ambroise en 386

    fondation de l'glise appele Basilica Ambrosiana ou Basilica Martyrum, l'actuelle S. Ambrogio2. Les chrtiens de Milan, crit l'vque, lui ont demand avec insistance de consacrer la nouvelle basilique de la mme manire dont il avait consacr la Basilica Romana, ou Basilica Apostolorum3, c'est--dire avec des reliques. Ambroise rpondit qu'il le ferait volontiers conditier d'en trouver et, effectivement, dans les jours qui suivirent, peut-tre le lendemain, on dcouvrit miraculeuse-ment la spulture des saints Protasius et Gervasius. Ambroise les fit ensevelir sous l'autel, prcisant qu'il leur abandonnait ainsi l'emplacement qu'il s'tait rserv pour sa propre tombe, car les martyrs du Christ devaient avoir la place d'honneur4. Ce changement de programme mrite que l'on s'y attarde5. On a soulign avec raison le caractre exceptionnel de l'em-placement qu'Ambroise s'tait rserv pour sa spulture et on y a vu, sans doute aussi avec raison, un dfi lanc la cour mi-lanaise6. Mais deux interprtations paraissent possibles : ou Ambroise se dsignait ainsi comme un futur martyr, du moins

    contre l'arianisme milanais, Recherches augustiniennes 23 (1988), p. 3-86. On a bien montr - voir les rfrences prcdentes ainsi que Williams, op.cit, p. 218-223 - le rle jou par la fondation de l'glise, mais plus particulirement par l'invention des reliques pour consacrer la victoire d'Ambroise dans ce conflit. Mais j'essaierai de montrer que cette fondation est aussi comprendre dans un cadre plus gnral. 3. Maintenant S. Nazaro. Des mosaques probablement dcoraient ces deux glises, fondes sans doute avec toute la splendeur qu'on est en droit d'attendre de fondations piscopales, mme si on n'en a gure de tmoignage vraiment assur (C. Bertelli, Mosaici a Milano,/!/ del 10 Congresso Intern, di studi sull'alto medioevo, Spolte 1986, p. 333-351). Mais on peut sans doute considrer les tituli d'Ambroise comme lis au dcor de la Basilica Martyrum : Mazzarino, op.cit, p. 64 et n. 115. Il renvoie l la principale tude sur ces tituli: S. Merkle, Die ambro-sianischen Tituli, RQ 10 (1896), p. 185-222. 4. Lettre 77 [22], 13 (cf. n. 2). 5. G. Righetto in Milano capitale dit que la foule tait choque par cette disposition insolite (le corps d'Ambroise destin tre plac sous l'autel) et que c'est par suite de cette opposition qu'Ambroise cde sa place aux deux martyrs. Le texte ne permet pas cette conclusion. 6. McLynn, Ambrose, p. 209.

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    comme un saint vnrer, ou il souhaitait ainsi se rapprocher le plus possible du lieu saint par excellence, l'autel, poussant ainsi le plus loin possible le principe de l'ensevelissement ad sanctos. Mais on peut s'en tenir aussi simplement l'explica-tion donne par Ambroise lui-mme, mme si elle parat invente pour la circonstance et ne bnficie d'aucune autre lgitimit que sa dclaration : il convient que le prtre re-pose l o il a clbr le sacrifice 7. On retiendra surtout de cette incertitude que nous sommes un moment o des rgles strictes n'taient pas encore tablies. La raction de la foule, telle qu'Ambroise la dcrit, qui rclame que des corps saints soient placs dans l'glise et, surtout, la formule utilise Con-sacre cette glise comme tu l'as fait pour la Basilica Romana montrent bien que l'utilisation de reliques pour ddier une glise n'tait pas ncessaire, ni mme une pratique courante. Les termes dont use l'vque pour communiquer sa dcision d'enterrer les martyrs la place d'honneur, la droite de l'autel, donnent aussi penser que nous sommes en prsence d'une innovation8. D'ailleurs la comparaison avec la Basilica Apostolorum montre aussi que nous sommes une priode o les pratiques voluent : ce qui s'tait pass dans cette glise ne correspond qu'approximativement au cas de la Basilica Martyrum. Dans le premier cas, les reliques dposes au-raient t des reliques des aptres Jean, Andr et Thomas, peut-tre de Pierre et de Paul, comme le veut une tradition mdivale9. De toute manire, il ne pouvait s'agir que de brandea, de reliques de contact qui ont bien t places sous l'autel au moment de la ddicace. Le rappel de ce fait par la multitude et l'invitation recommencer pour la nouvelle glise prouve bien que ce n'tait pas un rite habituel. On sait

    7. Pour la question des tombes Schmitz, Gottesdienst, renvoie encore L. Beltrami, La basilica Ambrosiana primitiva e la riconstruzione compiuta nel secolo X, Milan 1905, p. 34-37. Des interventions qui ont eu lieu vers 1884 semblent avoir provoqu la destruction de ce qui restait de l'tat primitif sous l'autel et la crypte. Voir encore ci-dessous p. 32 pour les possibles motivations d'Ambroise. 8. Lettre 76,13. 9. Jean, Andr et Thomas d'aprs le martyrologe hironymien : voir Schmitz, Gottesdienst, p. 264-265. Mais la question semble plus complexe : pour des hsitations sur les plus anciennes reliques dans la Basilica Apostolorum, voir, Milano capitale, p. 119 ; surtout, en dernier lieu, la dis-cussion in McLynn, Ambrose, p. 230-232, qui, entre les diffrentes possibi-lits, penche, cause du reliquaire trouv et des brandea qu'il contenait, admettre la prsence primitive de reliques de Pierre et de Paul, malgr le caractre tardif de la tradition qui les mentionne. Pour les corps saints trouvs sous les autels de S. Nazaro ainsi que pour le reliquaire en argent dcouvert l en 1578 l'occasion de travaux effectus sous l'archevque de Milan Charles Borrome, voir aussi H. Buschhausen, Die sptrmische Metalbcrinia und frhchristliche Reliquiare, I. Katalog, Vienne 1971, p. 223-234. Sur cette basilique, l'tude la plus complte me parat tre

    aussi qu'un peu plus tard, en 395, sans doute encore avant la mort d'Ambroise, le corps de S. Nazaro qui venait d'tre d-couvert, fut enterr dans l'abside, alors reconstruite, de la mme glise. Tout se passe comme si on tait un moment de transition o la signification du dpt de reliques ou de corps saint sous l'autel ou proximit de l'autel n'tait pas encore dfinitivement fixe. Mais il est clair que les choses changent l'poque d'Am-broise et, sans doute, cela est d en grande partie l'impulsion qu'il a donne. Un scnario analogue est attest Florence, dans une glise fonde par une veuve o des reliques des saints Vitalis et Agricola trouvs Bologne sont dposs10. Un texte d'Ambroise apprend qu' Bologne, il a lui-mme rassembl de ses mains quelques reliques pour les offrir l'glise de Florence11. En fait, ce ne sont pas des corps saints dont il a assur la translation, mais des clous et du bois trouvs en mme temps. Nous sommes alors en 393 et le sjour d'Ambroise Bologne et Florence tait d au fait qu'il te-nait tre loign de Milan pour ne pas rencontrer l'usurpa-teur Eugne12. On reste encore dans le milieu d'Ambroise en rappelant les reliques qui arrivent dans ces mmes annes Rouen et qui paraissent tre des dons d'Ambroise l'vque de Rouen Vitricius13. Un texte de Vitricius lui-mme nous apprend qu'il a reu d'Ambroise ou de Gaudentius, vque de Brescia, des reliques de Gervasius et de Protasius que, dit-il, il n'a d'abord pu placer que dans son coeur14. Mais d'autres reliques lui arrivent de Milan, fin 396 ou dbut 397, et qu'il peut cette fois abriter dans l'glise de la cit. Le nombre et la nature des re-liques mentionnes, Jean, Andr, Thomas, Gervasius, Prota-

    E. Villa, La basilica Ambrosiana degli Apostoli, Quaderni di Ambrosius 39 (1963), [15]-[74] ; voir aussi S. Lewis, The Latin Iconography of the Single-Naved Cruciform Basilica Apostolorum in Milan, ArtB 51 (1969), p. 205-219 ; idem, Function and Symbolic Form in the Basilica Apostolo-rum at MWanJSAH 28 (1969), p. 83-98. 10. AA.R. Bastiaensen, L. Canali, C. Carena ed., Vita di Cipriano, Vita di Ambrogio, Vita di Agostino, Milan 1975, 90 (29) (edition critique, tra-duction italienne et commentaire). Sur cet pisode, P. Porta, Devozioni Ambrosiane a Bologna, Atti del Wo Congresso Intern, di studi sull'alto medioevo, Spolte 1986, p. 459-473. \l.Exhort, virg. 1,5D. 12. Pour tout cet pisode, McLynn, Ambrose, p. 344-353. Voir aussi E. Dassmann, Ambrosius und die Mrtyrer,/MC 18 (1975), p. 49-68. 13. En particulier N. Gussone, Adventuszeremoniell und Translation von Reliquien. Victricius von Rouen, De laude sanctorum, Frhmitt. St. 10 (1976), p. 125-133. 14. PL 20, 445 ; R. Herval, Origines chrtiennes. De la Ile lyonnaise gallo-romaine la Normandie ducale (IVe-IXe sicles), Rouen et Paris 1966, avec le texte de Vitricius, p. 108-153 (cf. aussi PL 20,443-458) ; voir main-tenant, J. Le Maho, Le groupe episcopal de Rouen dans l'antiquit

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  • LES FONDATIONS D'AMBROISE A MILAN ET LA QUESTION DES MARTYRIA

    sius, Agricola, Euphmie, indiquent bien qu'il s'agit de nou-veau de petites reliques15. Ce n'est pas par hasard que l'on re-trouve ici la mention de saints que nous avons dj rencon-trs, Jean, Andr, Thomas propos de la Basilica Apostolo-rum, Gervasius et Protasius propos de la Basilica Martyrum, Agricola Florence. Ambroise a donc vritablement distribu, mieux redistribu, des reliques mme si, apparemment, il ne s'agissait, comme not ci-dessus, que d'objets accompagnant les corps saints ou du sang retrouv avec les reliques, ce qui confirmait leur authenticit16. Cette activit donne bien l'impression qu'il a jou un rle important dans l'habitude qui se rpand alors de dposer systmatiquement des reliques dans toutes les g-lises, ce qui va entraner, comme consquence invitable, leur dispersion. On avait mis l'hypothse que ces initiatives d'Ambroise entraient dans le cadre de sa lutte contre les ariens17. Il ne convient pas de chercher dans cette direction dans la mesure o ariens et non ariens ne semblent pas s'tre spcialement opposs sur le point des reliques. Cette d-marche doit au contraire tre intimement lie ce dont E. Dassmann avait dj considr comme tant la principale innovation d'Ambroise, savoir la liaison entre culte des mar-tyrs et clbration eucharistique18. Cette remarque doit ainsi attirer l'attention sur un autre aspect paradoxal des fondations d'Ambroise, le fait qu'il s'agit essentiellement sinon uniquement d'glises hors-les-murs. J'voquerai surtout le cas des deux glises dj mentionnes, la Basilica Apostolorum et la Basilica Martyrum. On attribue certes Ambroise d'autres glises19. La Basilica Fausta, dont l'emplacement reste inconnu, est mentionne par Ambroise puisqu'on y transporte d'abord les corps saints destins la Basilica Martyrum20, mais rien ne suggre qu'il s'agit d'une fondation de l'vque ou du temps de l'vque. La Basilica Salvatoris, l'Est de la Porta Argentea, devenue plus tard S. Dionigi, n'a pas pu tre fouille et mme son attribution au IVe sicle est incertaine21. La Basilica Virginum, devenue S.

    tardive, RA Cr 73 (1997), p. 292-294. 15.PL 20,448 VI ou Herval, loc.cit.,c. 6p . 123. 16. Voir encore Gussone, op.cit., p. 126 ; McLynn, Ambrose, p. 284 ; pour le sang, voir l'insistance avec laquelle Ambroise mentionne la prsence du sang lors de la dcouverte des restes des deux martyrs milanais : lettre 77 [22], 12. 17. Gussone, op.cit. avec les rfrences antrieures. 18. Dassmann, op.cit., p. 54 ; B. Ktting, Der frhchristliche Reliquien-kult, Opladen 1965, p. 29, . 104, remarque aussi que les diffrences entre martyrion et glise pour les synaxes tendent s'effacer chez Ambroise ; voir aussi, H. Brandenburg, Altar und Grab in Martyrium, Memorial L. Reekmans, Lwen 1995,71-98. 19. Pour toutes ces questions de topographie, Schmitz, Gottesdienst,

    Simpliciano, est situe prs de la Porta Comasina, en dehors des murs de la ville. Elle se trouvait donc dans une situation topographique analogue celle de la Basilica Romana et de la Basilica Martyrum, mais les circonstances de sa fondation ne sont pas connues. La technique de construction rappelle les fondations ambrosiennes et elle reoit des martyrs peu de temps aprs la mort d'Ambroise, en 39722. Il faut enfin rappe-ler qu'Ambroise mentionne encore la Basilica Porciana (let-tre 76 [20]), situe hors-les-murs, qu'on identifie parfois avec S. Lorenzo ou une basilique qui aurait prcd S. Lorenzo23, mais sans que cela puisse tre prouv. Dans la ville, il men-tionne une Basilica Vtus et une Basilica Nova ou Major, identifie avec S. Tecla. Le terme de Basilica Major tant souvent employ comme un terme technique pour dsigner l'glise episcopale, en parallle l'utilisation, dans le domaine grec, de ', on a pu proposer que la Basilica Nova ou Major tait une nouvelle glise episcopale qui en remplaait une plus ancienne, dsigne dsormais sous l'appellation de Basilica Vtus, mais l encore rien ne dit que ce changement soit d Ambroise24. Le premier point qui retient l'attention est la multiplication d'glises hors-les-murs, mme si on ne tient compte que des trois fondations qui paraissent pouvoir tre attribues de manire sre Ambroise. De plus il ne s'agit pas de vritables glises martyriales, de memoriae si l'on prfre, commmo-rant la spulture d'un saint martyr et destines ds leur fondation la clbration de son culte. La ddicace mme de la Basilica Apostolorum exclut qu'elle ait t fonde pour la vnration d'un saint martyr dont on aurait retrouv l la tombe et ce sont d'abord des reliques venues de loin qu'on d-pose sous l'autel. Quelques annes plus tard seulement on en-terre un corps saint (S. Nazaro) dans l'abside o il sera dsor-mais vnr. Dans la Basilica Ambrosiana, les corps sont d-couverts aprs la construction de l'glise, ce qui va la faire ap-peler Basilica Martyrum. Pour S. Simpliciano non plus, mal-gr l'incertitude de nos connaissances, le saint qui y sera vn-

    doit maintenant tre complt et corrig par Milano capitale, p. 106 sqq. ; les notices sur les diffrentes glises sont dues essentiellement S. Lusuardi Siena avec de prcieuses bibliographies. On peut aussi voir ead., Milano. La citt nel suoi edifici, Atti del lOo Congresso Intern, di studi sull'alto medioevo, Spolte 1986, p. 209-240, en particulier 228-233. 20. Lettre 77 [22], 2. 21. McLynn, Ambrose, p. 227, n. 31 ; S. Lusuardi Siena in Milano capitale, p. 117. 22. Ibid., p. 235. Lusuardi Siena op.cit., p. 135-136. 23. McLynn, Ambrose, p. 175-179. 24. Lusuardi Siena, op.cit., p. 106-108, en partie, p. 107.

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    r ne semble l'origine de la fondation. La prsence de re-liques apparat ainsi comme quelque chose qui apporte pour ainsi dire un plus au nouveau sanctuaire, sans que cela soit considr comme absolument indispensable, puisqu'Ambroi-se lui-mme a d'abord envisag une fondation mme en l'ab-sence de reliques. Il ne s'agit pas non plus de vritables glises cimtriales. La Basilica Apostolorum (Fig. 1) est construite de manire s'articuler sur la voie qui quittait la ville en direction de Rome, plus prcisment sur la portion de celle-ci qui tait encore borde de portiques. On y a vu, juste titre, cet em-placement situ entre un arc de triomphe et la porte de la ville, sur la principale voie d'accs celle-ci, une mani-festation du prestige et de la puissance de l'vque. La Ba-silica Martyrum, elle, est bien construite dans une zone de cimetires chrtiens, dans un secteur particulirement pres-tigieux, ct du martyrium de saint Victor, o tait enseveli Satyrus, le frre d'Ambroise25. Rien ne permet de dire, comme il a t suggr, qu'Ambroise projetait de faire con-struire cette glise, ou avait mme commenc la construire, avant la mort de Satyrus26. Rien n'indique qu'elle n'a pas t fonde comme une glise normalement destine la synaxe, malgr sa situation topographique. On a fait l'hypothse que ce lien entre glise destine la sy-naxe et glise situe hors-les-murs, dans des zones cimt-riales, tait purement conjecturel, d la ncessit de con-struire des glises en-dehors des murs de Milan cause de l'expansion de la ville. L'accroissement de la population qui aurait dbord en-dehors des remparts, aurait entran, auto-matiquement et presque par hasard, la construction d'glises dans des zones cimtriales27. Mais dans la mesure o nous n'avons pas affaire un cas isol, mais trois monuments comparables, il faut bien se demander si ces faits ne sont pas le reflet d'une politique systmatique d'Ambroise et donc s'in-terroger sur le but poursuivi par l'vque de Milan. L'hostilit d'Ambroise aux refrigerici privs, rappele bon escient par E. Dassmann, est bien connue grce Augustin,

    25. Sur S. Vittore in Ciel d'Oro, brve notice de G. Righetto in Milano capitale, p. 135 avec bibliographie antrieure. 26. Hypothse propose par McLynn, Ambrose, p. 78 et n. 92, ainsi que p. 229. 27. Schmitz, Gottesdienst, p. 274 sqq. ; voir aussi E. Villa, Corne risolse Sant'Ambrogio il problema delle chiese alla periferia di Milano, Am-brosius 32 (1956), p. 22-45. 28. Cf. Dassmann, op.cit. (ci-dessus n. 12) ; Augustin, Confessions, VI, 2. 29. Voir, par exemple, P.-A. Fvrier, A propos du repas funraire: culte des morts et sociabilit, CahArch 26 ( 1977), p. 29-45 ; A. Stuiber, Refrigeri-um interim: die Vorstellungen von Zwischenzustand und die frhchristliche Grabeskunst, Bonn 1957.

    qui rapporte comment sa mre fut empche de porter sur les tombes des saints des mets, comme elle le faisait en Afrique28. Il est inutile de rappeler l'importance du culte des morts dans le dveloppement du christianisme29, mais on connat aussi les attestations qui se multiplient prcisment vers 400 des excs, aux yeux de la hirarchie ecclsiastique du moins, qui accompagnaient ces manifestations30. Ces excs semblent contraires la moralit chrtienne et avoir un parfum de pa-ganisme qu'on souhaitait vincer. Mais le souci de conduites plus morales, plus chrtiennes, la lutte pour extirper le paga-nisme ne sont pas les seuls facteurs qui entranent cette dsap-probation. Un texte, peu prs contemporain, mais originaire de la partie orientale de l'empire, donne une indication sup-plmentaire. Il fait partie d'une collection de textes dite con-cile de Laodice date de la fin du IVe sicle ; le canon 9 de cet ensemble interdit aux fidles d'aller clbrer le culte dans les d'un hrti-que31. D'autres textes mentionnent le rle des cimetires comme lieu de rassemblement des chrtiens de toute sorte, en particulier de groupes qui cherchent chapper l'autorit de l'Eglise. On a rassembl rcemment quelques tmoignages qui permettent d'apprcier la situation telle qu'elle se prsen-tait Rome32. On pourrait dire que les cimetires apparte-naient la sphre prive et que l'Eglise essayait tendre son contrle sur ces zones pour occuper un des lieux o l'hrsie pouvait encore s'exprimer. C'est en ce sens que l'on peut con-sidrer, dans le cas d'Ambroise et de Milan, que la question des ariens jouait un rle dans la politique de construction d'Ambroise33. La vnration des saints martyrs, mais de ceux qui taient reconnus par l'Eglise, va servir encadrer et con-trler ce qui tait sans doute l'expression du christianisme la plus populaire encore au IVe sicle, le culte des morts. Une commmoration prive des dfunts va peu peu remplacer les crmonies publiques plus anciennes qui, elles, vont tre focalises sur les morts bien particuliers qu'taient les martyrs pour reprendre l'expression de P. Brown34. La situation particulire d'Ambroise Milan apparat ainsi

    30. Rfrences runies par exemple par M. Harl, La dnonciation des festivits profanes dans le discours episcopal et monastique, en Orient chrtien la fin du IVe sicle, dans F. Dunand (d.), La fte, pratique et discours, Paris 1981, p. 123-147. 31. Voir DTC VIII, 2,2611-2615 (E. Amann). 32. H.O. Maier, The Topography of Heresy and Dissent in Late-Fourth-Century Rom, Historia 44 (1995), p. 232-249. 33. H.O. Maier, Private Space as the Social Context of Arianism in Ambrose's Milan, JThS 45 (1994), p. 72-93. 34. P. Brown, Le culte des saints, son essor et sa fonction dans la chrtient latine, Paris 1984, p. 95 sq.

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    Fig. 1. Milan, Basilica Apostolorum (S. Nazaro) et la voie por-tiques (d'aprs Milano capitale).

    comme un aspect d'un problme beaucoup plus vaste et gn-ral. Nous avons cit essentiellement des tmoignages occiden-taux, mais, en plus du concile de Laodice dj mentionn, un certain nombre d'autres d'indications rappellent que, ce point de vue aussi, la situation entre Orient et Occident n'tait pas aussi diffrente qu'on ne le croit souvent, quelle qu'ait t, par ailleurs, l'volution ultrieure qu'il ne convient en aucun cas de projeter sur la fin du IVe sicle. Lorsqu'en 379 ou 380, Mltios, vque d'Antioche fait construire un martyrion en l'honneur de Babylas, puis s'y fait enterrer lui-mme, nous ne sommes pas trs loin de la manire d'agir d'Ambroise35. En ef-fet, si on rapproche les deux situations, on peut interprter la conduite de Mltios d'une manire plus subtile que la simple recherche d'une inhumation ad sanctos. Mltios et son suc-cesseur Flavianus visent, dans la situation trouble qui tait

    35. Cf. J.-P. Sodini, Les tombes privilgies dans l'Orient chrtien ( l'exception du diocse d'Egypte) in Y. Duval, J.-Ch. Picard (d.), L'inhu-mation privilgie du IVe au Ville s. en Occident, Paris 1986, p. 233-246 (cf. p. 236, avec rfrences aux fouilles de ce monument) ; voir le texte de Jean Chrysostome, De Sancto Babyla 3 (PG 50,533). 36. Voir H.-C. Brennecke, Studien zur Geschichte der Homer: der Osten bis zum Ende der homischen Reichslrche, Tbingen 1988, p. 154-155 (cit par McLynn, Ambrose, p. 209, . 172). 37. Cf. ci-dessus, p. 29. 38. Sodini, op.cit. (ci-dessus n. 35), p. 233, Cod. Theod. 9,17,6. 39. Jean Chrysostome, , G 49,394 sqq., sans doute prononc entre 386 et 397. 40. Pour la liturgie stationnale en gnral, J.F. Baldovin, The Urban Cha-racter of Christian Worship. The Origins, Development, and Meaning of Sta-tional Liturgy (OCA 228), Rome 1987 ; sur les stations Rome, cf. V. Saxer, L'utilisation par la liturgie de l'espace urbain et suburbain : l'exemple de

    celle d'Antioche, vraisemblablement un double but : lgitimer Babylas comme un martyr de la seule glise orthodoxe puis-que l'vque est enterr ct de lui, mais aussi lgitimer l'vque enterr ct d'un martyr bien reconnu An-tioche36. Pour Ambroise, il n'y a sans doute pas de difficult dire que la prsence du corps de l'vque lgitime en quelque sorte la nouvelle glise et, qu' dfaut de martyr, il comptait sur sa notorit pour tre le point focal d'un culte aprs sa mort. En forant peine, on pourrait dire qu'Ambroise, malgr l'apparente modestie des raisons qu'il avance, se donne le statut d'un saint37. Dans le mme ordre d'ides, il faut se demander si la loi de Thodose 1er du 30 juillet 381 qui interdit l'inhumation dans les Apostoleia ou les Martyria n'est pas mettre en rapport avec cette tactique38: loin de mettre systmatiquement fin cette pratique, elle a pu servir de filtre pour empcher les inhumations dans les martyria suspects. Ce souci d'occuper les ncropoles explique aussi pourquoi Jean Chrysostome clbre le Vendredi Saint dans une glise hors-les murs Antioche39, mais le fait mme que l'essentiel du sermon soit consacr l'explicitation de ce choix montre qu'une telle pratique, qui consistait clbrer une Fte dans une glise cimtriale, n'tait pas habituelle. La pratique de la liturgie stationnale qui se dveloppe dans la mme priode va dans le mme sens : on sait maintenant que celle-ci n'tait pas rserve quelques grands centres et qu'elle tait trs r-pandue40. Elle permettait l'vque de clbrer la liturgie, suivant un calendrier rparti sur toute l'anne, dans toutes les glises de sa ville et de marquer ainsi l'emprise de l'Eglise. L encore, ce ne sont pas tant les paens qui sont viss que les glises ou les groupes hrtiques41. Enfin, un dernier ensemble de faits peut se rapprocher de ceux que nous avons dj vus. Il a t maintenant bien d-

    Rome dans l'antiquit et le haut moyen ge,XIe Congrs International d'ar-chologie chrtienne, Lyon 1986 (Rome 1989), p. 917-1033 ; pour un exemp-le bien document dans une ville moyenne , A. Papaconstantinou, La liturgie stationnale Oxyrhynchos dans la premire moiti du Vie sicle. Rdition et commentaire de POxy XI1357, REB 54 (1996), p. 135-159. 4L Certains indices pourraient mme montrer que, au moins dans cer-taines rgions, le rseau des glises s'accrot considrablement dans cette priode : voir les remarques de P. Porta, op.cit. (ci-dessus n. 10), p. 463 sur le fait qu'il semble bien qu'il n'y avait pas d'difice ecclsiastique trs notable capable d'accueillir les reliques retrouves en 392 Bologne ; c'est peut-tre mme cette inventio qui est l'origine des constructions dans ce qui deviendra plus tard le complexe de S. Stefano. P. Porta, ibid., attire aussi l'attention sur la manire dont Agnellus rapporte la construction de la cathdrale de Ravenne par Ursus, vers la fin du IVe sicle (pour cette date, F. W. Deichmann, Ravenna , 1, Wiesbaden 1974, p. 3): ut plbes christianorum, que in singulis teguriis vagabat in unum ovile piissimus colegeret pastor (texte galement cit par Deichmann, loc.cit.).

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  • JEAN-MICHEL SPIESER

    montr que, au IVe sicle, la conscration d'une glise n'en-trane pas sa ddicace un saint et que les glises recevaient un nom42. J. Gascou a rsolu les difficults d'interprtation d'un papyrus en y reconnaissant les noms donns une glise et non des qualificatifs qui auraient t attribus une femme pieuse43. Encore sous le rgne d'Arcadius, l'glise difie sur l'emplacement du Marneion de Gaza est appele Eudoxia-na , du nom de l'impratrice Eudoxie44. A ces exemples et sans mme mentionner la Basilica Constantina, futur Saint-Jean-Latran, on pourrait ajouter ceux de Ravenne. Agnellus nous rapporte bien qu'Ursus appela l'glise qu'il avait fait construire Ursiana d'aprs son nom, mais le mme pas-sage rappelle qu'elle a aussi t appele Anastasis cause de sa conscration le jour de la rsurrection du Christ (et non cause de sa ddicace la Rsurrection)45. Cette habitude se trouve encore Ravenne sous la domination des Goths, puisque Agnellus rappelle que l'glise que lui-mme va d-dier saint Martin avait t fonde par Thodoric et qu'elle tait appele Caelum aureum 46. Ce sont des noms du mme type que l'on retrouve Milan, aussi bien pour la Basilica Romana que pour la Basilica Am-brosiana. Mais les deux autres appellations sous lesquelles ces deux glises sont connues, Basilica Martyrum et Basilica Apos-tolorum, rvlent dj une certaine ambigut, puisque ces dnominations, si elles ne donnent pas, comme plus tard, les noms de ceux dont les reliques sont prsentes, rappellent au moins leur qualit. Il est fort probable que Basilica Apostolo-rum est mettre en relation avec le modle constantinopoli-tain et que Basilica Martyrum est forg sur cet exemple. On se rappellera d'ailleurs que l'glise des Saints-Aptres Cons-tantinople n'avait reu que peu de temps auparavant ses pre-mires reliques47. C'est bien videmment la prsence de re-liques dans les glises destines la clbration eucharistique qui va entraner l'habitude des ddicaces.

    42. Malgr son titre, Th. Michels, Dedicatio und Consecratio in frh-rmischer Liturgie, in H. Edmonds (d.), Enkainia. Gesammelte Ar-beiten zum 800jhrigen Weihegedchtnis der Abteikirche Maria Laacham 24. August 1956, Dusseldorf 1956, p. 58-61, ne concerne pas le problme voqu ici. 43. J. Gascou, Notes d'onomastique ecclsiale ancienne, ZPE 96 (1993), p. 135-140. 44. Marc le Diacre, Vie de Porphyre, d. Grgoire et Kugener, 92,2 (p. 71). 45. Texte cit par F. W. Deichmann, Ravenna II, 1, p. 3. 46. Ibid., p. 127. 47. Voir sur cette question C. Mango, Constantine's Mausoleum and

    Tous ces faits prennent sens les uns par rapport aux autres et doivent tre relis les uns aux autres. Le culte des martyrs se dveloppe dans le dernier tiers du IVe sicle. L'Eglise, on l'a montr, joue un rle dterminant dans cette volution48. En Occident, on connat l'action de Damase49. Le tmoignage des fidles milanais qui interpellent Ambroise pour qu'il d-pose des martyrs dans la nouvelle glise qu'il avait fait con-struire, est particulirement important, car il permet de saisir la manire dont se met en place cette nouvelle forme du culte des martyrs qui n'est plus li au lieu de leur martyr ou de leur tombe, mais au lieu o leur corps est dpos. Le succs mme de ce culte a en effet comme consquence qu'il ne parat plus possible de se satisfaire de les honorer l o leurs restes avaient t ensevelis et o on avait difi des sanctuaires com-me Saint-Pierre de Rome qui en est un prototype sans parler du martyrion par excellence qu'tait le Saint-Spulchre50. On en vient donc une situation o on n'lve plus syst-matiquement une glise autour d'un corps saint qui vient d'tre dcouvert, mais o un corps saint apparat comme n-cessaire dans toute glise. La distinction de fait entre martyria et glises pour la clbration eucharistique tend s'effacer, ce qui suivant les modalits que nous avons laisses entrevoir ci-dessus, permet de renforcer le contrle de l'vque sur le peuple chrtien. A partir de ce fonds commun, l'volution en Orient et en Occident va prendre des directions diffrentes : en Occident, les ramnagements sous Grgoire le Grand de la zone du sanctuaire et l'installation de la crypte Saint-Pier-re de Rome serviront de modle pour de nombreux sanctuai-res51. En Orient, d'une certaine manire, l'volution conduira des glises, but de plerinage parce qu'elles abritent un corps saint particulirement vnr, qu'il s'agisse de sa tombe primitive ou de la consquence d'une translation, mais o le corps saint n'est pas en relation directe avec l'autel.

    Universit de Fribourg, Suisse

    the Translation of Relies, BZ 83 ( 1990), 51 -62. 48. Brown, op.cit. (voir n. 34). 49. Voir, par exemple, Ch. Pietri, Damase, vque de Rome, in Saecularia Damasiana. Atti del Convegno Intemazionale pere il XVI Centenario della morte di papa Damaso I (St. diAntxrist. 39), Vatican 1986, p. 29-58. 50. Pour l'emploi du mot martyrion en relation avec le Saint-S-pulchre, voir R. Ousterhout, The Temple, The Sepulchre, and the Mar-tyrion of the Savior, Gesta 29 (1990), p. 44-53. 51. Voir en dernier S.L. De Blaauw, Die Krypta in stadtrmischen Kir-chen: Abbild eines Pilgerziels, Actes XHe Congrs International d'ar-chologie chrtienne, I, Munster 1995,559-567.

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