1. principes d'economie - chapitre 1
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PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
Introduction
Section 1 : Qu’étudient vraiment les économistes ?
I. Le problème de la rareté :
II. Offre et demande
III. Les deux branches de l’économie :
1. La macroéconomie
2. La microéconomie
a. La question du choix
b. Choix et coût d’opportunité
c. Choix rationnels
d. Coûts et bénéfices marginaux
e. Objectifs microéconomiques
Section 2 : Des systèmes Economiques différents
I. La classification des systèmes économiques
II. L’économie dirigée
III. Forces et faiblesses de l’économie dirigée
IV. L’économie de marché :
1. Liberté de décision accordée aux individus
2. Mécanisme des prix
3. Effets d’une variation de l’offre et de la demande :
a. Variation de la demande
b. Variation de l’offre
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4. Interdépendance des marchés : Interdépendance des marchés de biens et de
facteurs
V. Forces et faiblesses de l’économie de marché
VI. L’économie mixte
Section 3. La nature du raisonnement économique
I. L’économie en tant que science :
1. Modèles économiques
2. Construction des modèles
3. Utilisation des modèles
4. Evaluation des modèles
II. L’économie en tant que science sociale
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Introduction
Nul besoin d’avoir un jour étudié l’économie pour lire dans un quotidien un article
signé du service économique ou pour regarder un reportage sur l’état de l’économie à
la télévision, ou pour qu’une conversation s’engage entre amis, et très souvent, la
discussion portera sur le prix de tel ou tel produit, ou sur notre capacité financière de
réaliser telle ou telle chose.
C’est fait que l’économie touche directement notre vie quotidienne. Nous sommes sans
cesse informés des problèmes économiques locaux, nationaux et internationaux, qu’il
s’agisse de l’augmentation des prix, de l’évolution du taux d’intérêt, des fluctuations
du taux de change, des chiffres du chômage, de la récession ou des effets de la
mondialisation. Mais nous sommes également confrontés, en permanence, à des
questionnements et à des choix économique d’ordre privé. Que dois-je acheter au
super marché ? Dois-je épargner pour me payer des vacances l’été prochain ou
dépenser d’avantage au jour le jour ? Vaut-il mieux que je m’inscrive à l’université de
Kairouan (c’est votre cas) ou que je cherche tout de suite un travail ?
Qu’est-ce que exactement que l’économie ? Ce chapitre se propose de répondre à cette
question et d’apporter quelques éclairages sur le sujet. Nous verrons d’abord les
diverses composantes de l’économie avant de distinguer ses deux grandes branches :
microéconomie et macroéconomie. Nous étudierons aussi les mécanismes
fondamentaux de différents types d’économie aujourd’hui en vigueur sur la quasi-
totalité du globe. Nous nous attacherons de la sorte à comprendre de quelle manière les
marchés fonctionnent.
Section 1 : Qu’étudient vraiment les économistes ?
Les gens croient souvent que l’économie se rapporte à la question de l’argent. C’est
vrai dans une certaine mesure. L’économie a beaucoup à voir avec l’argent : le salaire
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qu’on touche, les sommes qu’on dépense, ce que coûte les produits, ce que gagent les
entreprises, et la masse totale d’argent qui circule. Mais elle ne se limite pas à cela.
L’économie s’intéresse en premier lieu à:
• La production des biens et services. Les quantités produites au total et
individuellement ; les volumes de production de chaque entreprise et de chaque
individu ; les techniques de production utilisées ; le nombre d’employés.
• La consommation des biens et services. Les sommes dépensées (et épargnées) ;
les schémas de consommation ; les quantités achetées ; les produits choisis par
telle ou telle personne ; l’influence des prix, de la publicité, de la mode et des
divers autres facteurs.
Mais il ne s’agit encore là qu’une description des grands traits. Il faut creuser un peu
plus. Quel est donc l’élément primordial qui permet d’accoler à un problème le
qualificatif d’économique ? La réponse réside en un problème central auquel tous les
individus et toutes les sociétés se trouvent confrontés : ce problème central est celui de
la rareté, qui ne concerne pas seulement à un pays comme la Tunisie. Il s’applique
tout autant aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Japon ou à la France et dans tous les
autres pays du globe. De ce problème découlent tous les autres problèmes
économiques que nous étudierons au fil de cet ouvrage.
I. Le problème de la rareté :
Lorsqu’on demande aux gens s’ils aimeraient avoir davantage d’argent, l’immense
majorité répond « oui » sans hésiter. Ils voudraient plus d’argent pour pouvoir acquérir
plus de biens et services, et cela s’applique aussi bien aux personnes modestes qu’à la
plupart des gens aisés. Le fait est que nos désirs d’être humains ne connaissent pour
ainsi dire aucune limite.
Les moyens de les assouvir ne sont pourtant pas extensibles. A un instant donné, seule
une quantité limitée de biens et services peut être produite dans le monde, en fonction
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des ressources disponibles. Ces ressources, ou facteurs de production, se répartissent
en trois grandes catégories :
• Ressources humaines : le travail. La main d’œuvre se trouve limitée à la fois par
le nombre et par les compétences.
• Ressources naturelles : la terre et les matières premières. La surface des terres
du globe est limitée, au même titre que les matières premières qu’elles abritent.
• Ressources manufacturées : le capital. Le capital réunit l’ensemble des facteurs
de productions (usines, machines, moyens de transport et autres équipements)
qu’il a fallu mettre en œuvre avant de pouvoir commencer la production d’un
bien ou d’un service. Le stock de capital est naturellement, lui aussi, limité. La
productivité du capital (la production par unité de capital) est conditionnée par
l’état d’avancement des technologies.
Pour un économiste, la notion de rareté renvoie ainsi à une définition plus précise : la
rareté caractérise l’écart entre ce que les gens désirent et ce qui peut être
effectivement produit. Elle oblige à choisir entre différentes options.
Bien entendu, suivant le cas, le problème de rareté ne se pose forcément avec la même
acuité. Tout est relatif : une personne dans le besoin, incapable de se nourrir
correctement ou d’obtenir un logement décent, aura du mal à plaindre le nanti qui
regrette de ne pouvoir s’offrir une deuxième BMW. Mais les économistes ne
prétendent pas que nous sommes tous égaux face à la rareté. Il s’agit même là d’un de
leurs plus grands sujets d’étude : comment s’opère la distribution des ressources, que
ce soit d’un individu, d’une région ou d’un pays à un autre.
Pour autant, que l’on soit riche ou pauvre, le fait même de désirer toujours plus que ce
qu’on a nous conduit à adopter certains comportements qui intéressent
particulièrement la science économique. Celle-ci a précisément pour objet l’étude du
comportement des individus au travail, occupés à produire les biens demandés par la
clientèle, des consommateurs qui les achètent, et des Etats qui influent sur le niveau et
les schémas de production et de consommation. En résumé, elle étudie tout ce qui se
rapporte au processus de satisfaction des désirs humains.
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II. Offre et demande :
L’économie s’intéresse donc aux questions de consommation et de production, qui
peuvent aussi s’envisager en termes d’offre et de demande. Ces deux notions, et les
relations qu’ils entretiennent, constituent d’ailleurs le cœur même de l’économie. Mais
que signifient-elles et en quoi se rattachent-elles au problème de la rareté ?
La demande dépend des désirs humains. Si les biens et les services étaient gratuits, les
gens réclameraient simplement tout ce qu’ils veulent, sans aucun autre frein que celui
de leur imagination. L’offre, en revanche, demeure bel et bien limitée. Elle est liée aux
ressources, qui déterminent directement, en fonction des technologies disponibles, les
quantités que les entreprises seront capables de fournir.
Compte tenu du problème de rareté, et du fait que les désirs humains dépassent les
capacités réelles de production, la demande potentielle est supérieure à l’offre
potentielle. La société doit donc imaginer une solution pour que la demande et l’offre
s’équilibrent. Au niveau de l’économie globale, il faut que la demande et l’offre
globales (incluant tous les biens et tous les services) soient équivalentes (en d’autres
termes, pour que la dépense totale et la production totale s’équilibrent). Cette même
problématique se retrouve au niveau de chacun des biens et services commercialisés.
La demande et l’offre de pomme de terre doivent ainsi s’équilibrer et il en va de même
pour les graveurs de DVD, les voitures, les maisons individuelles ou les voyages
organisés.
Comment peut-on s’y prendre concrètement ? Trois options sont envisageables :
influencer la demande, augmenter l’offre ou agir sur les deux à la fois. Les
économistes s’intéressent de près à ces processus. Ils étudient la manière dont la
demande s’adapte à l’offre disponible, et comment l’offre s’ajuste à la demande des
consommateurs.
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III. Les deux branches de l’économie :
On divise traditionnellement la science économique en deux branches principales : la
macroéconomie et la microéconomie, ou « macro » signifie grand, et « micro » petit.
La macroéconomie étudie l’économie comme un tout. Elle utilise donc les notions de
demande globale et d’offre globale. La demande agrégée désigne le montant total des
dépenses enregistrées au sein d’une économie, qu’elles soient le fait des
consommateurs, des clients étrangers, de l’Etat ou des entreprises (équipement en
capital ou achats de matières premières. L’offre globale correspond à la production
nationale totale de biens et services.
La microéconomie s’intéresse aux différentes composantes de l’économie. Elle étudie
l’offre et la demande de biens, de services et de ressources spécifiques : les voitures,
les vêtements, les électriciens, les secrétaires, les ordinateurs, le pétrole, etc.
1. La macroéconomie :
Parce que les ressources sont rares, les sociétés cherchent à utiliser le plus pleinement
possible, et à ce que leur production nationale s’inscrive sur la durée dans une optique
de croissance.
Ces deux objectifs ne sont pas si faciles à atteindre, comme le démontrent les périodes
de chômage et de stagnation que le monde entier a pu connaitre au cours de l’histoire
(notamment dans les années 30, ainsi que le début des années 1980, 1990, 2000 et ces
derniers mois). En outre les efforts des gouvernements pour stimuler la croissance et
l’emploi se sont souvent soldés par une hausse de l’inflation et un accroissement
massif des importations. Du reste, même quand la croissance est au rendez-vous,
l’embellie peut très bien se révéler éphémère. Les économies mondiales se sont
souvent caractérisées par une succession de cycles alternant des périodes de croissance
et des périodes de stagnation, avec une fréquence variant de quelques mois à quelques
années.
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Les problèmes macroéconomiques sont étroitement liés à l’équilibre entre la demande
globale et l’offre globale. Une situation où la demande globale est trop élevée par
rapport à l’offre se traduit généralement par l’inflation et un déficit extérieur :
• L’inflation : fait référence à une hausse générale du niveau des prix à travers
toute l’économie. Si la demande globale enregistre une hausse substantielle, les
entreprises répondront probablement par une hausse des prix. En effet, elles
pourront sans doute continuer de vendre autant (sinon plus) qu’avant et
accroitre ainsi leurs profits. Dans ce cas, l’inflation apparait.
• Le déficit extérieur : traduit un excédent des importations par rapport aux
exportations. Si la demande globale augmente, les gens achèteront selon toute
probabilité davantage de produits d’importation. En d’autres termes, une partie
de la dépense supplémentaire s’orientera vers les téléviseurs japonais LCD, les
automobiles allemandes, etc. En outre, si l’inflation est élevée, les biens
produits sur le sol national ne seront plus aussi concurrentiels que les biens
étrangers. Les exportations trouveront preneur moins facilement.
Une situation où la demande globale est trop faible par rapport à l’offre conduit le plus
souvent au chômage et à une récession.
• La récession : correspond à un déclin de l’activité économique. En d’autres
termes, la croissance devient négative (Le Royaume-Uni a connu une situation
pareille en 2009). Une récession est associée à un affaiblissement des dépenses
de consommation. Dans ce cas, les magasins risquent de conserver un stock
important d’invendus. Ils achèteront donc moins de nouveaux articles auprès
des fabricants, qui à leur tour réduiront leur production.
• Le chômage : est la conséquence probable d’un recul de la production. Si les
entreprises produisent moins, elles n’auront pas besoin d’employer autant de
personnes.
La politique macroéconomique se focalise par conséquent sur l’équilibre entre la
demande globale et l’offre globale. Il peut s’agir soit d’une politique de la demande,
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visant à influer sur le niveau des dépenses, et par la suite, sur celui de la production,
des prix et de l’emploi, soit une politique de l’offre, qui cherche à agir directement sur
le niveau de production, en essayant, par exemple, d’inciter d’avantage les entreprises
à innover.
2. La microéconomie :
a. La question du choix :
Compte tenu de la rareté des ressources, certains choix doivent être faits. Ils se
traduisent par trois questions principales, applicables à toute société.
• Quels biens et services va-t-on décider de produire, et en quelles quantités, étant
entendu que les ressources disponibles ne permettront pas de satisfaire les
désirs de tout le monde ? Combien de blé, de voitures, de manteaux, ou de
concerts de rock, etc. ?
• Combien les biens et les services en question vont-ils être produits, sachant
qu’il existe généralement plus d’une façon de s’y prendre ? Quelles ressources
va-t-on utiliser et en quelques quantités ? Quelles techniques de production va-
t-on adopter ? Les voitures vont-elles être assemblées par des robots ou par des
ouvriers ? L’électricité sera-telle tirée du charbon, du pétrole, du gaz, des
ressources renouvelables ou d’un mélange de tous ces moyens ?
• Pour qui va-t-on produire ? En d’autres termes, comment le revenu national va-
t-il être parti ? En effet, plus un individu gagne d’argent et plus il peut
consommer. Quel salaire va-t-on donner aux ouvriers agricoles, aux
imprimeurs, aux agents de nettoyage et aux comptables ? Quelle pension les
retraités vont-ils percevoir ? Quelle part de revenu national sera affectée aux
actionnaires et aux propriétaires fonciers ?
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Toutes les sociétés se trouvent confrontées à ce genre de choix, qu’ils soient du ressort
des individus, de groupes constitués ou de l’Etat lui-même. Puisqu’ils ne concernent
pas la production totale du pays, mais les différents biens et services qui la composent
– leur nature, leur mode de production et la possibilité ou pas de les acquérir -, ils
peuvent logiquement être envisagés comme des choix microéconomiques.
b. Choix et coût d’opportunité :
Choisir impose des sacrifices. Plus on choisit d’acheter de la nourriture, moins il reste
d’argent pour acheter autre chose. Plus un pays produit de biens alimentaires, moins il
lui reste de ressources pour produire d’autres biens. Ce qui revient à dire que la
production ou la consommation d’un bien entraine nécessairement le sacrifice de
certains autres. Ce sacrifice porte le nom de coût d’opportunité. Le coût d’opportunité
d’une activité représente le sacrifice consenti pour l’accomplir. Il correspond à la
meilleure option à laquelle on a dû renoncer.
1er
exemple : Si les ouvriers d’une exploitation agricole sont capables de produire, au
choix, 1000 tonnes de blé ou 2000 tonnes d’orge, le cout d’opportunité associé à la
production de 1 tonne de blé est égal à 2 tonnes d’orge auxquelles on a renoncé. Le
cout d’opportunité lié à l’achat d’un manuel scolaire correspond à la nouvelle paire de
jeans que l’on désirait mais dont on a dû se priver ; celui d’une heure de travail
supplémentaire équivaut au temps libre ainsi sacrifié.
2ème
exemple : Quels sont les couts d’opportunité liés à la poursuite d’études
supérieures ? Au premier abord, on aurait tendance à lister les couts suivants : frais
d’inscription, manuels, fournitures, logement, transport, nourritures, divertissements et
autres dépenses courantes. Mais leur addition n’aboutit pas au cout d’opportunité.
Celui-ci correspond au sacrifice consenti pour aller à l’université, au détriment d’un
autre choix de vie. Imaginons que l’alternative ait consisté à accepter une proposition
d’emploi. La liste des couts d’opportunité d’une poursuite d’études inclura alors en
réalité les éléments suivants : manuels et fournitures, frais de logement et de transport
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additionnels (par rapport à ce qu’il aurait dépensé en tant que salarié), salaires qu’il
aurait perçus, diminués des allocations étudiantes qui lui sont octroyées, proportion
des frais d’inscription payé par l’étudiant.
c. Choix rationnels :
Les économistes font souvent référence à des choix rationnels. Il s’agit en fait
simplement de mettre en balance les couts et les bénéfices d’une activité : le choix
pour une entreprise de produire un bien plutôt qu’un autre en plus au moins grande
quantité, le choix pour un employé d’accepter un poste ou de faire des heures
supplémentaires, le choix pour le consommateur d’acquérir tel ou tel produit.
Prenons le cas d’un individu en train de faire ses courses au supermarché et qui
souhaite acheter une bouteille d’huile. Va-t-il mettre le prix et choisir un huile premier
choix Tunisien de qualité supérieure, ou opter pour un vin bon marché venu des pays
de concurrents ? Pour prendre une décision rationnelle, il lui faudra peser les couts et
les bénéfices de chacune des deux possibilités. Une huile de qualité lui procurera
certes un certain plaisir, mais il représente un cout d’opportunité élevé : si le client
décide de l’acheter, cela l’obligera à sacrifier la consommation de nombreux autres
biens. A l’inverse, l’achat de la bouteille d’huile bon marché, sans doute moins
agréable au gout, lui laissera suffisamment d’argent pour remplir son Caddie : elle
possède un cout d’opportunité plus faible.
L’adoption d’une décision rationnelle impose donc, au niveau du consommateur, de
choisir les articles qui offrent le meilleur rapport qualité/prix, autrement dit, le plus
grand bénéfice comparé au coût.
Les mêmes principes s’appliquent aux entreprises, lorsqu’elles doivent décider ce
qu’elles vont produire. Faut-il par exemple qu’un constructeur automobile mette en
place une nouvelle ligne de production ? Une décision rationnelle nécessitera ici
encore de soupeser les couts et les bénéfices. Ces derniers correspondront aux revenus
générés par la vente d’un plus grand nombre de voitures. Mais il lui faudra compter
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avec une augmentation des couts de main d’œuvre, inclure le cout des matières
premières, celui des éléments d’assemblage, etc. L’ouverture d’une nouvelle ligne de
production ne se révèlera donc rentable qu’à partir du moment où les revenus générés
couvriront les couts induits, c’est-à-dire à la seule condition qu’elle soit source de
profit.
Concernant le choix plus complexe du modèle ou des quantités à produire, l’entreprise
devra mesurer les couts et les bénéfices relatifs de chacune des options envisageables,
en d’autres termes, élaborer le mix de produits le plus rentable possible.
d. Coûts et bénéfices marginaux :
En économie, on explique qu’un choix rationnel nécessite de mettre en balance les
couts marginaux et les bénéfices marginaux. Ce sont les couts et les bénéfices liés à
l’augmentation (ou à l’abandon) d’un degré supplémentaire d’une activité donnée, par
opposition avec les couts et les bénéfices totaux de la dite activité.
Exemple : Prenons le cas du consommateur qui se rend au supermarché pour ses
courses hebdomadaires. Imaginons qu’il n’ait que 30 dinars à dépenser : il lui faudra
de toute évidence les répartir judicieusement. Pour chaque article qu’il envisage
d’acquérir, il devra évaluer le bénéfice marginal que ce produit représente pour lui,
soit la somme qu’il serait prêt à y mettre. Tout sera fonction du prix et des avantages
relatifs des diverses autres solutions possibles. Au lieu de dépenser deux dinars pour
acheter un bien spécial, il pourra se demander si ces deux dinars ne seraient pas mieux
employés autrement – pour du pain blanc, des biscottes ou des petits biscuits salés, par
exemple. La meilleure de ces autres solutions (qui pourra aussi correspondre à une
combinaison de plusieurs produits) représente le cout d’opportunité marginal. Si le
client a le sentiment de profiter d’un meilleur rapport qualité/prix en achetant du pain
complet, cela signifie que le bénéfice marginal excède le cout d’opportunité marginal,
et qu’il fait un usage sensé de son argent en abandonnant les autres options.
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Le même principe s’applique aux choix rationnels effectués par les consommateurs,
les travailleurs et les entreprises. Le constructeur d’automobile, par exemple,
comparera les couts et les bénéfices marginaux liés à la production d’une quantité de
véhicule supplémentaire. Si ce surcroit de production lui rapporte plus qu’elle ne lui
coute, il sera rentable de le réaliser.
Une prise de décision rationnelle suppose donc de mettre en balance le bénéfice
marginal et le cout marginal de l’activité considérée. Si le bénéfice marginal excède le
cout marginal, il est rationnel de réaliser cette activité (ou de l’intensifier). Dans le cas
inverse, la rationalité commande au contraire de ne pas l’entreprendre (ou de le
diminuer).
e. Objectifs microéconomiques :
La microéconomie s’intéresse à l’affectation de ressources dont on a précédemment
constaté la rareté, avec une triple question : quoi, comment et pour qui. Le caractère
plus ou moins satisfaisant des réponses apportées dépendra des objectifs poursuivis par
la société, les deux principaux étant l’efficience et l’équité.
• L’efficience : Une modification des choix ou des méthodes de production qui
présente l’avantage de profiter à tous (ou du moins à quelques-uns sans que les
autres en pâtissent) correspond à une évolution efficiente. Pour qu’une société
parvienne à l’efficience économique totale, il lui faudra remplir les trois
conditions suivantes :
o Efficience de production (efficience productive) : Situation dans laquelle
la production de chaque article s’effectue au moindre cout, tout autre
mode de production se révélant plus onéreux ;
o Efficience de consommation : Situation dans laquelle les consommateurs
répartissent au mieux leurs dépenses, de manière à tirer une satisfaction
maximale des revenus perçus, tout autre schéma de consommation
donnant l’impression d’être moins bien loti ;
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o Efficience de spécialisation et d’échange : Situation dans laquelle les
entreprises se spécialisent dans la production de biens de consommation,
et où les individus se spécialisent dans le travail afin d’acquérir ces
biens, de sorte que chacun maximise les bénéfices obtenus par rapport
aux couts associés.
Ces deux derniers types d’efficience se trouvent réunis sous l’appellation d’efficience
allocative. Dans toute activité économique, elle augmente aussi longtemps que
l’intensification de cette activité (et donc la diminution d’une autre) génère un bénéfice
marginal supérieur au cout marginal. L’efficience absolue est atteinte lorsque toutes
les améliorations sont été menées.
L’efficience économique correspond ainsi à la situation dans laquelle chaque bien se
trouve produit par un cout minimal, et où les individus et les entreprises reçoivent un
bénéfice maximal des ressources investies.
• L’équité : Si certaines personnes sont pauvres et d’autres sont pauvres, les
niveaux de production et de consommation actuels, aussi efficients soient-ils,
peuvent être considérés comme vecteurs d’injustice. L’autre objectif
microéconomique consistera par conséquent à rechercher l’équité. La
répartition des revenus est jugée équitable à partir du moment où elle est
considérée comme juste et honnête. Mais l’idée même de justice est variable en
fonction de chaque personne. Quelqu’un de riche défendra sans doute un degré
d’inégalité bien plus élevé que le ne souhaiterait quelqu’un de pauvre.
L’équité correspond ainsi à la situation où les revenus sont considérés comme
justement et honnêtement répartis. La notion d’équité, elle aussi variable selon les
individus, n’est pas synonyme d’égalité.
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Section 2 : Des systèmes Economiques différents
I. La classification des systèmes économiques :
Toutes les sociétés sont confrontées au problème de la rareté. Mais elles diffèrent
néanmoins considérablement dans la façon de l’aborder. Le degré d’intervention de
l’Etat dans l’économie constitue en l’occurrence l’une de leurs principales spécificités.
Le spectre s’étend d’une économie entièrement planifiée ou dirigée, où le
gouvernement décide de tout, à une économie de marché totalement libre qui
abandonne l’ensemble des décisions aux individus et aux entreprises, sans la moindre
intervention étatique. Les ménages décident des quantités de travail et des autres
facteurs qu’ils offrent, et des biens qu’ils consomment. Les entreprises choisissent les
biens qu’elles produisent et des facteurs qu’elles emploient. Le schéma de production
et de consommation qui en résulte dépend alors des interactions de toutes ces décisions
individuelles d’offre et de demande.
En pratique, toutes les économies se situent quelque part entre ces deux extrêmes,
appelées économies mixtes, et c’est par conséquent le degré d’intervention de l’Etat
qui permet de distinguer les différents systèmes économiques. Dans les anciens pays
communistes de l’Europe de l’Est, le gouvernement jouait ainsi un rôle essentiel, qui
apparait au contraire beaucoup plus limité aux Etats-Unis.
On remarque depuis le début des années 1980, un mouvement généralisé des
économies mondiales se dirigeant de plus en plus vers une économie de marché
totalement libre. Dans les anciens pays communistes, le phénomène s’explique par
l’abandon de la planification centralisée et l’adoption dans une large mesure des
principes de l’entreprise privée, surtout à partir de la fin des années 1980. Pour les
économies occidentales, il s’agit plutôt des conséquences de la déréglementation du
secteur privé et des privatisations d’entreprises.
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II. L’économie dirigée :
L’économie dirigée se trouve généralement associée à un système socialiste ou
communiste, caractérisé par la propriété collective de la terre et du capital. L’Etat
planifie sur trois niveaux l’affectation des ressources :
• Il opère un arbitrage entre la consommation actuelle et l’investissement futur.
En sacrifiant une partie de la consommation présente au profil de
l’investissement, il peut stimuler la croissance de l’économie. La quantité de
ressources qu’il décide de consacrer à l’investissement dépendra de sa stratégie
macroéconomique globale, en d’autres termes, de l’importance qu’il accorde à
la croissance par opposition à la consommation courante ;
• Au niveau microéconomique, il planifie le rendement de chaque industrie et de
chaque entreprise, les méthodes de production utilisées et les ressources
nécessaires (main-d’œuvre, notamment). Pour s’assurer de la disponibilité de
l’ensemble des intrants requis, l’Etat conduira probablement une analyse
intrants-extrants (appelée input-output). Toutes les industries sont considérées
comme des utilisateurs d’intrants en provenance d’autres industries, et comme
producteurs d’extrants à destination d’autres industries ou de consommateurs.
L’industrie sidérurgique, par exemple, utilise ainsi des intrants fournis par
l’industrie minière et produit des extrants pour l’industrie automobile et le
bâtiment. L’analyse mettra en lumière pour chaque industrie, l’origine de tous
ses intrants et la destination de tous ses extrants. L’Etat exploitera cette analyse
dans une optique d’harmonisation, de sorte que la demande et l’offre planifiées
des produits de chaque industrie soient d’un niveau équivalent.
• Il planifie la répartition de la production entre les consommateurs, en fonction
des objectifs du gouvernement. Il pourra répartir les biens sur la base d’une
appréciation des besoins de la population, ou donner d’avantage à ceux qui
produisent le plus afin d’inciter les gens à travailler d’avantage. Il pourra
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procéder à une répartition directe (au moyen d’un système de rationnement, par
exemple), ou arbitrer la répartition des revenus monétaires et laisser les
individus décider de leur utilisation. Dans ce dernier cas, l’Etat cherchera
éventuellement à conserver une certaine influence sur le schéma des dépenses,
par le biais d’une fixation appropriée des prix : prix bas pour encourager la
consommation, et prix élevés pour la restreindre.
III. Forces et faiblesses de l’économie dirigée :
Avec la planification centralisé, l’Etat peut avoir une vision globale de l’économie et
orienter les ressources du pays en fonction d’objectifs nationaux spécifiques :
privilégier l’investissement pour stimuler la croissance, réduire largement le chômage
par une répartition scrupuleuse du travail, répartir le revenu national d’une façon plus
équitable ou répondant d’avantage aux besoins , ou encore se préoccuper des
répercussions sociales et environnementales des activités de production et de
consommation, sous réserve qu’il soit capable de prévoir lesdits effets et décide
effectivement de s’en inquiéter.
Dans la pratique, une économie planifiée ne saurait atteindre ces objectifs sans qu’il en
résulte, pour les raisons suivantes, un cout social et économique considérable :
• Plus l’économie se développe et se complexifie, et plus il devient difficile de
recueillir et d’analyser les informations nécessaire à la planification, qui par
suite devient elle–même de plus en plus complexe. Or, la gestion d’une
planification complexe est généralement couteuse et génère d’importantes
lourdeurs bureautiques.
• Il n’existe aucun système des prix, ou si les prix sont fixés arbitrairement par
l’Etat, la planification risque fort d’entrainer une utilisation inefficiente des
ressources. Difficile en effet d’évaluer l’efficience relative de deux
technologies utilisant des intrants différents, à partir du moment où il est
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impossible d’estimer la valeur de ces intrants. Comment, par exemple, opter de
façon rationnelle pour une chaudière au fioul ou une chaudière à charbon,
lorsque les tarifs du fioul et du charbon ne reflètent pas la rareté respective ?
• Lorsque l’Etat exerce un contrôle absolu sur l’affectation des ressources, il en
résulte une réduction considérable des libertés individuelles. Les travailleurs
n’ont plus le choix de leur employeur, et les consommateurs ne peuvent plus
décider de ce qu’ils achètent.
• Les gouvernements possèdent le pouvoir d’imposer ses plans, même s’ils sont
impopulaires.
• Si on planifie la production, mais que les consommateurs restent libres de
dépenser leur argent comme bon leur semble, l’évolution de leurs désirs n’ira
pas sans poser quelques difficultés. S’ils décident de dépenser d’avantage, des
pénuries risquent de survenir ; inversement, s’ils choisissent de dépenser
moins, il faudra craindre l’apparition d’excédents.
La plupart de ces problèmes ont jadis frappé l’ex-Union soviétique et les autres pays
du bloc de l’Est, et justifié en partie le renversement des régimes communistes.
IV. L’économie de marché1 :
L’économie de marché désigne, un contexte de l’économie ou une partie substantielle
de l’activité est organisée autour de marchés.
1. Liberté de décision accordée aux individus :
Dans une économie de marché, les individus sont libres de leurs décisions. Les
consommateurs décident librement de l’utilisation de leurs revenus, ou en d’autres
1 Distribuer aux étudiants l’encadré n° 1.9 « Adam Smith ».
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
19
termes de la demande qu’ils expriment. De leur côté, les entreprises décident librement
de ce qu’elles vendent et des méthodes de production utilisées, c'est-à-dire de l’offre
qu’elles proposent. Ces décisions d’offre et de demande sont transmises des uns aux
autres par le biais de leurs effets sur les prix, autrement dit par le mécanisme des prix.
Les valeurs marchandes qui en résultent s’imposent alors à la fois aux entreprises et
aux consommateurs.
2. Mécanisme des prix :
Les prix réagissent aussi bien aux pénuries qu’aux excédents, soit en augmentant, soit
en diminuant. Examinons chacun de ces deux cas.
Si les consommateurs décident d’acheter une plus grande quantité d’un bien donné (ou
si les producteurs décident d’en fournir moins), la quantité demandée va dépasser la
quantité offerte. Il s’ensuivra une situation de pénurie qui provoquera une hausse du
prix de ce bien. Cela incitera les entreprises, motivées par une rentabilité accrue, à
produire davantage. Dans le même temps, elle dissuadera les consommateurs
d’acheter. Par suite, le prix continuera d‘augmenter jusqu’à ce que la pénurie
disparaisse.
Si les consommateurs décident à l’inverse de ne plus acheter une aussi grande quantité
d’un bien donné (ou si les producteurs décident d’en fournir d’avantage), la quantité
offerte va dépasser la quantité demandée. Il s’ensuivra une situation d’excédent, qui
provoquera une baisse du prix de ce bien. Cela incitera les entreprises, confrontées à
une rentabilité moindre, à réduire leur production. Mais elle aura en, revanche pour
effet de stimuler la consommation. Par suite, le prix continuera de baisser jusqu’à ce
que l’excédent soit résorbé.
On appelle prix d’équilibre le prix pour lequel la demande est égale à l’offre. Le
terme d’équilibre désigne ici un point de stabilisation ou de repos –autrement dit un
point vers lequel la situation à tendance à converger.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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La même analyse peut aussi s’appliquer au marché de travail (et des autres facteurs), à
cette différence près que l’offre et la demande y jouent un rôle inversé. Les entreprises
sont demandeuses du travail fourni par les individus. Si pour un type de main-d’œuvre
donné, la demande vient à dépasser l’offre, la pénurie qui en résulte tirera le taux de
salaire (le prix du travail) vers le haut, réduisant de la sorte la demande de l’entreprise
et encourageant un plus grand nombre de travailleurs à solliciter ce type d’emplois.
Les salaires continueront alors d’augmenter jusqu’à ce que la demande finisse par
égaler l’offre, et que la pénurie de la main d’œuvre soit éliminée.
A l’opposé, si un certain type de main d’œuvre se trouve en excédent, le salaire
chutera jusqu’à ce que l’offre et la demande se stabilisent. De la même manière que
pour le prix, on parle alors d’un taux de salaire d’équilibre.
La réaction de l’offre et de la demande par rapport à une variation des prix illustre
l’une des caractéristiques essentielles du fonctionnement de l’économie, à savoir que
les gens répondent à des incitations. Il est donc important que celles-ci soient adaptées
à la situation et qu’elles sachent produire les effets désirés.
3. Effets d’une variation de l’offre et de la demande :
Comment le mécanisme des prix réagit-il aux variations de la demande des
consommateurs et de l’offre des producteurs ? Qu’il s’agisse d’une variation de l’offre
ou de la demande, elle entraine dans tous les cas une variation du prix.
a. Variation de la demande :
Une augmentation de la demande se traduit par une hausse du prix, qui encourage à
son tour un accroissement de l’offre. Le prix élevé d’un bien, en regard de son cout de
production, signale en réalité le fait que les consommateurs sont prêts à voir certaines
ressources détournées d’autres usages. Et c’est précisément ce à quoi les entreprises
s’emploient. Elles réorientent les ressources consacrées à des produits au rapport
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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prix/coût plus faible (et qui génèrent donc moins de profits) vers ceux qui sont les plus
rentables. Un recul de la demande se signale à l’inverse par une chute du prix, qui
incite à réduire l’offre du fait que les biens concernées sont à présent moins profitables
à produire.
b. Variation de l’offre :
Une augmentation de l’offre se signale par une baisse du prix, qui encourage à son tour
un accroissement de la demande. Réciproquement, un recul de l’offre se signale par
une hausse du prix, qui motive alors une baisse de la demande.
Les variations de l’offre et de la demande obligent les marchés à s’adapter. Lorsque
ces variations surviennent, le « déséquilibre » qui en résulte provoque une correction
automatique des prix permettant de rétablir une situation stable (c’est-à-dire
rééquilibrer l’offre et la demande).
4. Interdépendance des marchés : Interdépendance des marchés de biens et de
facteurs :
L’augmentation de la demande d’un bien provoque une hausse du prix et accroit sa
rentabilité. La réaction des entreprises consiste à augmenter l’offre. Mais elles doivent
pour cela utiliser plus d’intrants. La demande d’intrants augmente donc à son tour et
en fait grimper le prix. Les fournisseurs d’intrants réagissent alors à cette sollicitation
en augmentant leur offre. L’ensemble de cet enchaînement peut se résumer comme
suit :
• Marché des biens :
o La demande du bien augmente ;
o Elle entraine l’apparition d’une pénurie ;
o La pénurie provoque une augmentation du prix ;
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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o La hausse du prix décourage une partie de la demande et incite les
entreprises à produire d’avantage, résorbant dans le même temps cette
pénurie.
• Marché des facteurs de production :
o L’accroissement de l’offre du bien augmente la demande de facteurs de
production ;
o Il en résulte une pénurie d’intrants ;
o Celle-ci provoque une augmentation de leur prix ;
o La hausse des prix étouffe une partie de la demande et incite les
fournisseurs à augmenter leur offre d’intrants, résorbant par la même
cette pénurie.
L’interdépendance vaut également dans la direction opposée, lorsque les marchés de
facteurs influent sur les marchés de biens. La découverte de nouvelles sources de
matières premières entrainera par exemple une baisse de leur prix, qui réduira les couts
de production des entreprises utilisatrices et augmentera l’offre de produits finis. Le
surplus ainsi crée fera chuter le prix du bien et stimulera donc la consommation.
V. Forces et faiblesses de l’économie de marché :
Le fonctionnement « automatique » d’une économie de marché constitue l’un de ses
principaux avantages. En effet, aucun besoin de mettre en place une couteuse et
complexe bureaucratie, chargé de coordonner les décisions : l’économie possède en
elle-même la capacité de réagir instantanément aux variations de l’offre et la demande.
Sur les marchés hautement concurrentiels, aucun acteur ne se trouve en position de
force. Les entreprises se livrent bataille sur les prix et sont encouragées à améliorer
leur efficience. Plus les concurrents sont nombreux, plus ils font preuve de réactivité
vis-à-vis des souhaits des consommateurs.
Les entreprises réalisent des profits d’autant plus importants qu’elles se montrent
capables d’agencer efficacement leurs facteurs de production. Plus les travailleurs font
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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preuve d’efficacité, et plus ils ont des chances a priori de conserver leur emploi et de
toucher un salaire élevé. Plus les consommateurs choisissent avec discernement ce
qu’ils achètent, et plus ils en ont pour leur argent.
Le fait même que chacun vende et achète selon son intérêt contribue en définitive à
atténuer le problème central de la rareté, dans la mesure où une utilisation efficiente
des ressources nationales, en accord avec les souhaits des consommateurs, se trouve de
la sorte encouragée. Au reste, les défenseurs de l’économie de marché s’appuient
souvent sur cet argument pour déduire que « la recherche du gain personnel se révèle
profitable à la société ».
En pratique, cependant, les marchés n’atteignent jamais une efficience maximale dans
l’allocation des ressources, et c’est pourquoi les gouvernements jugent nécessaire
d’intervenir pour corriger, entre autre, ce défaut. Car l’économie libérale peut en effet
présenter les problèmes suivants :
• La concurrence est souvent limitée. Quelques grosses entreprises dominent
parfois tout un secteur industriel et peuvent être tentées d’imposer des prix
élevés et d’engranger ainsi de confortables profits. Plutôt que de répondre
aux souhaits des consommateurs, elles chercheront à les influencer par la
publicité, à la quelle ils seront d’autant plus réceptifs que le produit leur sera
inconnu.
• L’absence de concurrence et les profits élevés peuvent ôter (enlever) aux
entreprises toute motivation relative à leur efficience.
• Pouvoir et propriété risquent d’être inéquitablement répartis. Ceux qui
détiennent l’un et/ou l’autre (milieux d’affaires, syndicats, propriétaires
fonciers, etc.) en tireront profit aux dépens de ceux qui en sont privés.
• Les pratiques de certaines entreprises, tout en étant profitables, peuvent
paraitre comme socialement condamnables, à l’instar d’une usine chimique
qui se rendait coupable de pollution.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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• L’entreprise privée ne prendra pas l’initiative de produire certains biens
pourtant socialement souhaitables. Quelle entreprise accepterait de bâtir et
d’entretenir un phare, si l’Etat n’en assurait pas le financement ?
• L’économie de marché peut conduire à l’instabilité macroéconomique, avec
des périodes de récession marquées par un fort chômage et une chute de la
production, et d’autres caractérisées par une augmentation des prix.
• L’économie de marché se voit enfin objecter son manque d’éthique, tant il est
vrai qu’en récompensant les comportements intéressés elle risque
d’encourager l’égoïsme, le matérialisme et le soif de pouvoir.
VI. L’économie mixte :
Compte tenu des problèmes associés tant à l’économie de marché qu’à l’économie
dirigée, toutes les économies mondiales mêlent en réalité les deux approches. Dans
une économie de marché mixte, l’Etat peut contrôler :
• Le prix relatif des biens et celui des facteurs de production par le biais de taxes
ou de subventions, ou en exerçant un contrôle direct ;
• Les revenus relatifs des individus, par le biais de l’impôt sur le revenu, des
prestations sociales, ou d’un contrôle direct des salaires, des bénéfices, des
loyers, etc.
• Les schémas de production et de consommation, par le recours à la loi
(prohibant par exemple la commercialisation de produits dangereux), l’offre
directe de biens et services (en matière d’éducation et de défense, notamment),
les taxes et les subventions, ou par la nationalisation ;
• Les problèmes macroéconomiques du chômage, de l’inflation, du manque de
croissance, du déficit de la balance commerciale et des fluctuations du taux de
change, par le biais de divers instrument : la fiscalité ou la dépense publique, le
contrôle des prêts bancaires et des taux d’intérêt, le contrôle direct des prix, le
contrôle du cours des devises, etc.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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L’idée que l’intervention de l’Etat puisse servir à corriger les diverses défaillances du
marché est un concept fondamental de la théorie économique. On notera cependant
que les gouvernements ne sont pas parfaits, et que leurs actions peuvent engendrer des
conséquences aussi bien néfastes que bénéfiques.
Section 3. La nature du raisonnement économique
L’économie fait partie des sciences sociales. Mais dans quel sens peut-on dire qu’il
s’agit bien d’une science ? Peut-elle comparer aux sciences naturelles, comme la
physique ou l’astronomie ? Et que recouvre réellement ce qualificatif de « sociale » ?
En quoi consiste le travail des économistes, et quel rôle jouent-ils par rapport à la
définition de la politique économique des Etats ?
I. L’économie en tant que science :
Les économistes utilisent une méthodologie qui se rapproche beaucoup de celle
adoptée par leurs collègues des sciences naturelles. Les uns comme les autres
cherchent à bâtir des théories ou des modèles permettant d’expliquer et de prédire.
1. Modèles économiques :
Pour être en mesure d’expliquer et de prédire, l’économiste construit des modèles,
reflétant tout ou partie du système économique, qui offre une vision simplifiée des
phénomènes économiques et des relations qu’ils entretiennent. Une modélisation du
marché illustrera, par exemple, les rapports qui peuvent exister entre la demande,
l’offre et le prix. Bien que la plupart des modèles puissent être décrits verbalement,
une représentation graphique ou mathématique est en général plus précise.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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2. Construction des modèles :
Les modèles sont construits sur la base d’hypothèses globales quant aux causes des
phénomènes économiques, comme le fait que la demande des consommateurs
augmente lorsque leurs revenus progressent. Ces hypothèses s’appuient sur des
observations concrètes et spécifiques.
3. Utilisation des modèles :
Les modèles expliquent les choses en montrant ce qui les provoque : quelles sont les
causes de l’inflation, pourquoi certains travailleurs gagnent plus dans tel secteur que
dans tel autre, etc.
Les modèles sont parfois utilisés pour émettre de simples pronostics, comme l’annonce
d’une inflation inférieure à 5% pour l’année suivante, par exemple. Mais le plus
souvent, les prédictions seront de type « si … alors » : si la demande du bien x
s’accroît, alors son prix va augmenter. On appelle déduction le processus visant à tirer
des conclusions d’un modèle.
Lorsqu’on effectue ce genre de déduction, il convient de supposer qu’aucun autre
élément susceptible de modifier le résultat n’a connu entre-temps la moindre variation.
Si la demande d’un bien x s’accroit, son prix augmentera ainsi à la condition que le
cout de production n’ait pas baissé. On parle en l’occurrence de l’hypothèse de
« toutes choses égales par ailleurs ».
4. Evaluation des modèles :
Les modèles peuvent être évalués en fonction de la qualité des explications et des
prédictions qu’ils fournissent.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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Si les prédictions se révèlent fausses, la première chose à faire consistera à vérifier
l’exactitude des déductions. Le cas échéant, le modèle devra être adapté ou abandonné
au profit d’un autre, doté de meilleures capacités prédictives.
Il arrive parfois qu’un économiste souhaite malgré tout conserver un modèle déficient
sur le plan des prédictions. C’est le cas lorsque celui-ci permet néanmoins d’éclairer
d’une manière ou d’une autre les rouages du système. Le modèle d’un monde parfait,
dans lequel les objectifs d’efficience, de croissance et d’égalité, seraient tous réalisés,
pourra constituer ainsi un point de repère extrêmement utile pour analyser et
appréhender les faiblesses d’une situation réelle.
II. L’économie en tant que science sociale :
L’économie s’intéresse au comportement humain. Or les individus se comportent de
façons très variées : ils expriment des gouts spécifiques et affichent des attitudes qui
leur sont propres. Mais ce problème n’est finalement pas aussi grave qu’il en a l’air.
Le plus souvent, les gens adoptent en effet en moyenne un comportement beaucoup
plus prévisible. Si le prix d’un produit augmente de 5%, on pourra ainsi sans doute
prédire, « toutes choses égales par ailleurs », un recul de la demande situé par exemple
autour de 10%. Ce qui ne signifie pas que chaque individu réduira sa consommation de
10%, mais seulement que la demande totale baissera dans ces proportions-là. Elle
baissera beaucoup plus chez certaines personnes, tandis qu’elle restera stable chez
d’autres.
Pour autant, il existe malgré tout divers aspects du comportement humain qui
demeurent difficiles à prévoir, y compris lorsqu’on parle de groupes et non
d’individus. Dans le cadre de leurs décisions d’investissement, quelle sera par exemple
la réaction des entreprises confrontées à une augmentation des taux d’intérêt ? Tout
dépendra, entre autres, de leur niveau de confiance, autrement dit d’une variable qui
est notoirement difficile à prédire.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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Le champ reste donc suffisamment ouvert pour accueillir de nombreux modèles
concurrents, fondés chacun sur des hypothèses spécifiques et débouchant sur des
conclusions différentes. D’où les débats houleux que suscitent parfois les questions
économiques. Les parties politiques adhèrent à différentes écoles de pensées. Les
organisations de gauche pourront ainsi défendre un modèle préconisant une
intervention de l’Etat pour résoudre le problème du chômage, là ou la droite
privilégiera plutôt le libre jeu du marché.
Il ne s’agit pas ici de laisser penser que les économistes ne tombent jamais d’accord.
En dépit des apparences, il existe bel et bien un marge consensus sur les méthodes
d’analyse et les conclusions qu’on peut tirer.
PRINCIPES D’ECONOMIE - CHAPITRE I : Objet et Méthode de la science économique
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Bibliographie :
1- Stiglitz J.E, Walsh C.E, Lafay J.D, (2007) principes d’économie moderne, 3ème
édition, De Boeck ed.
2- ABRAHAM-FROIS, Gilbert, (1996), Economie politique, Economica.
3- BARRE, Raymond, (1980), Economie politique, T.1., PUF.
4- BSAIS, Abdeljabar, (1999), Initiation économique, CPU, Tunis.
5- MANKIW, N. Gregory, (1998), Principes de l’économie, Economica.
6- ABDELJAOUED, I., BOUZAIANE L, BESAIES A, Introduction à l’économie,
CPU, 1999.