« mes chers compatriotes … » les v°ux de fin d’année comme
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UNIVERSITÉ DE PARIS-SORBONNE (PARIS IV)
ENA
École des hautes études en sciences de l’information et de la communication
École nationale d’administration
Master professionnel 2ème année
Option « Communication des institutions publiques »
« Mes chers compatriotes … »
Les vœux de fin d’année comme vecteur d’image institutionnelle.
Quelques exemples européens.
Sous la direction de
Madame Françoise BOURSIN,
Professeur des universités au CELSA Paris-Sorbonne
et
Monsieur Jean-Emmanuel PAILLON,
Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA
Prénom et Nom : Mats GOCH
Promotion : George Orwell (2015-2016)
Option : Communication des institutions publiques
Soutenu le :
Mention :
Note du mémoire :
2
Remerciements
Je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui ont contribué au bon déroule-
ment de ce projet de recherche, et notamment :
Madame Françoise Boursin, professeur des universités au CELSA Paris-Sorbonne,
pour ses conseils précieux et sa constante disponibilité,
Monsieur Jean-Emmanuel Paillon, délégué général à l’administration des ressources et
des services, à l’INRIA, pour son dynamisme stimulant et ses idées enrichissants,
Madame Sandrine Blaison, responsable de l’organisation et de la mise en œuvre des
Masters à l’ENA, pour son incroyable patience et sa constante gentillesse,
Monsieur David Guilbaud, camarade de promotion de l’ENA, pour avoir pris le soin de
relire ce mémoire,
Ainsi que tous ceux parmi mes camarades de promotion qui, grâce à des échanges très
riches, m’ont permis d’avancer sur mes recherches et réflexions.
Je souhaite enfin remercier le Deutscher Akademischer Austauschdienst [Office alle-
mand d’échanges universitaires] dont le financement m’a permis de suivre cette forma-
tion.
3
SOMMAIRE
TABLE DES ILLUSTRATIONS ....................................................................................... 4
INDEX DES TABLEAUX ................................................................................................. 5
INTRODUCTION ............................................................................................................. 7
1. LA FORME DES DISCOURS : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE ENTRE RÉALITÉ CONSTITUTIONNELLE ET TRADITION NATIONALE ................................................ 12
Introduction partielle ................................................................................................ 12
1.1. En France : Un message rassembleur pour la Nation ................................... 13
1.2. En Allemagne : Deux messages personnels dans un jeu d’acteurs sophistiqué .............................................................................................................. 19
1.3. Au Royaume-Uni : Un message intime aux Royaumes du Commonwealth .. 29
Conclusion partielle ................................................................................................. 33
2. LE CONTENU DES DISCOURS : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE ENTRE ACTUALITÉ POLITIQUE ET COHÉSION NATIONALE............................................... 34
Introduction partielle ................................................................................................ 34
2.1. En France : Des vœux entre réaffirmation des valeurs de la République et commentaire de l’actualité politique ........................................................................ 35
2.2. En Allemagne : Des vœux entre réflexion personnelle et cohésion sociale .. 41
2.3. Au Royaume-Uni : Des vœux entre tradition chrétienne et cohésion du Commonwealth ....................................................................................................... 50
Conclusion partielle ................................................................................................. 55
3. LE DISCOURS COMME VECTEUR D’IMAGE : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE ENTRE AFFIRMATION INSTITUTIONNELLE ET MESSAGE SUBTIL ....................... 56
Introduction partielle ................................................................................................ 56
3.1. En France : Le Président de la République, à la fois homme politique et gardien de valeurs .................................................................................................. 57
3.2. En Allemagne : Le Président fédéral, gardien de la constitution ; le Chancelier, gestionnaire de l’urgence politique ....................................................... 62
3.3. Au Royaume-Uni : Le monarque, source de cohésion sociale ...................... 67
Conclusion partielle ................................................................................................. 70
CONCLUSION .............................................................................................................. 71
CORPUS ET BIBLIOGRAPHIE .................................................................................... 75
ANNEXE I : PERSONNALITÉS DONT ON EXAMINE LES DISCOURS DE FIN D’ANNÉE ...................................................................................................................... 82
ANNEXE II : EXTRAIT DU CORPUS ............................................................................ 83
RÉSUMÉ ..................................................................................................................... 106
MOTS CLÉS ................................................................................................................ 107
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Plan fixe des vœux du Président de la République de 2005 [3:30] ............... 17
Figure 2 : Plan fixe des vœux du Président de la République de 2008 [0:46] ............... 17
Figure 3 : Plan fixe des vœux du Président de le République de 2014 [0:43] ............... 18
Figure 4 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2009 [2:23] ............................... 26
Figure 5 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2013 [0:25] ............................... 27
Figure 6 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2010 [0:05] ............................... 27
Figure 7 : Plan fixe des vœux de la Chancelière fédérale de 2016 [6:05] ..................... 28
Figure 8 : Plan fixe des vœux de la Reine du Royaume-Uni de 2015 [2:05] ................. 31
Figure 9 : Plan fixe des vœux de la Reine du Royaume-Uni de 2006 [2:19] ................. 32
5
INDEX DES TABLEAUX
Tableau 1 : Comment le Président de la République s’adresse-t-il à son audience ? ... 15
Tableau 2 : Formules des vœux employées par le Président de la République ............ 16
Tableau 3 : Comment le Président fédéral s'adresse-t-il à son audience ? ................... 22
Tableau 4 : Formules de vœux employées par le Président fédéral .............................. 24
Tableau 5 : Formules de vœux employées par la Chancelière...................................... 25
Tableau 6 : Formules de vœux employées par la Reine du Royaume-Uni ................... 30
Tableau 7 : Thèmes abordés par le Président de la République ................................... 40
Tableau 8 : Thèmes abordés par le Président fédéral ................................................... 44
Tableau 9 : Thèmes abordés par la Chancelière fédérale ............................................. 48
Tableau 10 : Leitmotivs des vœux de la Reine du Royaume-Uni .................................. 50
6
« Notez que le dessin et les procédés manuels, quand il s’agit de représenter un ani-
mal, sont loin de valoir la parole et le discours, pour ceux du moins qui savent en faire
usage ; car pour les autres, les procédés manuels sont préférables. »
Platon, Le Politique
« En politique, « dire c’est faire », c’est plus exactement, se donner les moyens de faire
en faisant croire que l’on peut faire ce qu’on dit, en faisant connaître et reconnaître des
principes de vision et de division du monde social qui, comme les mots d’ordre, produi-
sent leur propre vérification en produisant des groupes et, par là, un ordre social. »
Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique
7
INTRODUCTION
Les vœux de fin d’année semblent être devenus un rituel républicain un peu dépassé.
On dirait presque « hors temps ». Quel est l’intérêt de rester sagement attentif devant un
discours de vœux à la télévision le soir du 31 décembre ? N’a-t-on pas autre chose à
faire à ce moment précis de l’année ? Préparer le repas du réveillon par exemple ? S’ha-
biller pour une soirée folle qui durera jusqu’au petit matin ?
Il semble que l’on porte tellement peu d’attention aux vœux qu’un technicien de la ZDF
(la deuxième chaîne allemande) a confondu les cassettes le 31 décembre 1986. Les
Allemands (de l’Ouest à l’époque) ont ainsi eu droit au discours de vœux du Chancelier
Helmut Kohl qui avait déjà été diffusé un an plus tôt, le 31 décembre 19851. Or, presque
personne n’a remarqué cette erreur tant les discours se rassemblaient. A-t-on alors af-
faire à un rituel convenu et sans surprise ? Pourquoi devrait-on porter une attention par-
ticulière à un discours qui ressemble tellement à celui de l’année précédente que l’on
peine à les distinguer ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intérêt de ces discours existe bien, et
c’est justement l’objectif de l’analyse qui va suivre de démontrer pourquoi il importe d’ac-
corder de l’attention à ces vœux de fin d’année.
Les vœux sont presque partout : rares sont ceux qui y échappent au mois de janvier
alors que toutes les administrations, entreprises et associations font leur cérémonie de
vœux, partagent la galette des rois ou diffusent un message écrit. Les vœux sont un
rendez-vous fixe pour beaucoup d’entre nous et le monde politique n’y échappe pas non
plus. Le calendrier républicain, si on ose employer cette expression, inclut ainsi les vœux
télévisés que prononcent généralement le chef de l’État à l’attention de la nation. C’est
notamment cette continuité et cette tradition qui seront au cœur de cette étude.
Deux aspects nous intéressent en particulier : premièrement, nous souhaitons com-
prendre la technique de ces vœux, car représenter un animal par la parole et le discours
est un métier en soi, si on reprend l’exemple métaphorique de Platon. Ce sont justement
les deux premières parties de notre étude qui s’intéressent en particulier à cette tech-
nique. Elles seront consacrées à la forme et au fond des vœux. Deuxièmement, nous
nous intéressons à ce qui est « produit » par les vœux. Quelle est l’image que transmet-
tent ces interventions ? À quoi sert-elle ? Ou dans les termes de Pierre Bourdieu : qu’est-
1 O. ZIEMER, T. PROSCHE, « Frohes neues Jahr ! – Bonne Année ! Politische Neujahrsansprachen in Deutschland und Frankreich » [Bonne année! Les discous de voeux politiques en Allemagne et en France], in Dokumente/Documents, no 4/2010, p. 5-7.
8
ce qui vérifie les discours de vœux ? Quel mode de vivre-ensemble est affirmé, « réa-
lisé » par les vœux ?
Délimitation du sujet
Quelle sera, alors, la démarche qui nous permettra de mener à bien cette analyse ?
Elle sera comparative. C’est pour cette raison que nous avons sélectionné trois pays
européens, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, dont nous analyserons les dis-
cours de vœux. Il ne s’agit pas de traiter l’ensemble des discours de vœux, c’est-à-dire
par exemple également ceux prononcés devant les corps constitués (diplomatique et
autres) : nous nous concentrerons sur les vœux à la population, généralement prononcés
pour Noël ou le Nouvel an. Le choix des pays s’est fait pour des raisons de pertinence,
mais aussi pour des raisons pragmatiques. Quant aux premières, nous avons commencé
les recherches avec la volonté d’apprendre davantage sur la France et l’Allemagne. L’au-
teur de la présente étude étant de nationalité allemande et ayant déjà passé plusieurs
années de sa vie en France, il est particulièrement attentif aux différentes dimensions du
fameux « couple franco-allemand ». Afin d’élargir la perspective, l’auteur a préféré choisir
un troisième pays lui permettant d’avoir une vision plus européenne, plus globale. Le
choix du Royaume-Uni s’est fait pour une raison très simple. Ce pays étant une monar-
chie constitutionnelle, on suppose a priori que la tradition des vœux y revêt des particu-
larités par rapport aux deux autres pays de l’étude (intuition que nous pourrons vérifier
plus tard) et offre dès lors des points de comparaison intéressants. La dernière raison est
de nature tout à fait pragmatique : afin d’appréhender aux mieux les subtilités des dis-
cours à analyser, nous avons préféré d’en choisir uniquement ceux dont la langue d’ori-
gine fait partie des langues parlées par l’auteur de la présente étude. Cela a contribué au
choix du Royaume-Uni comme troisième pays de notre étude. Le fait de comparer les
discours issus de trois pays nous permettra d’identifier non seulement des points de com-
paraison intéressants, mais également de mieux comprendre les particularités de chaque
pays grâce à la comparaison2.
2 Sur la pertinence de comparer des vœux issus de plusieurs pays, voir aussi : F. FINNISS-BOURSIN, Les discours de vœux des présidents de la République. La France au fond des yeux, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique », 1992, p. 59.
9
Concrètement, nous traiterons les discours du Président de la République française
intervenant le 31 décembre, les discours du Président de la République fédérale d’Alle-
magne intervenant le 24 décembre, les discours du Chancelier3 de la République fédérale
d’Allemagne intervenant le 31 décembre et finalement les discours de la Reine du
Royaume-Uni et des Royaumes du Commonwealth intervenant pour Noël. Afin de pou-
voir obtenir des résultats d’analyse pertinents, nous traiterons les discours des dix der-
nières années, c’est-à-dire de 2005 à 2015. Pour cette période, nous ferons abstraction
de la personnalité du personnage politique en question. L’analyse sera ainsi davantage
centrée sur les traditions, les règles et les coutumes nationales pour garantir une meil-
leure comparabilité entre les trois pays de l’étude.
Problématique et hypothèses
La problématique suivante nous servira de fil rouge pour nos analyses et explications :
Le rôle constitutionnel du personnage prononçant les vœux de fin d’année in-
fluence-t-il la forme et le fond de son discours ainsi que l’image transportée par ce
dernier ?
Cette problématique sera déclinée en trois hypothèses correspondant aux trois parties
de la présente étude :
(1) Le cadre général (formule d’appel, formule de vœux, mise en scène audio-
visuelle, etc.) des discours de vœux donne une première idée du position-
nement du personnage dans la vie politique de son pays.
(2) Les thèmes abordés dans les discours reflètent le rôle constitutionnel que
la personnalité en question incarne dans la vie politique de son pays.
(3) Les discours de vœux sont un moment crucial pour les personnages po-
litiques qui profitent de cette occasion pour définir leur image au sein de
la population.
Méthodologie
Quant à la méthodologie, l’analyse de contenu nous permettra d’avoir un regard plus
précis et orienté sur les discours à analyser. Deux fonctions incombent généralement à
3 En parlant de la fonction, nous emploierons le terme masculin et en parlant concrètement des discours de notre corpus, nous emploierons le terme féminin, Chancelière, car notre corpus comprend uniquement des discours de la Chancelière fédérale Angela Merkel.
10
l’analyse de contenu : une fonction dite heuristique enrichissant la démarche exploratoire
de notre étude, et une fonction dite d’administration de la preuve systématisant les lignes
directrices de la présente étude4.
L’analyste est comme un archéologue. Il travaille sur des traces : Les « docu-ments » qu’il peut retrouver ou susciter. Mais ces traces sont la manifestation d’états, de données, de phénomènes. Il y a quelque chose à découvrir à travers et grâce à elles. […] Si la description (l’énumération, résumée après traitement, des caractéristiques du texte) est la première étape, nécessaire, et si l’interpré-tation (la signification accordée à ces caractéristiques) est la phase ultime, l’infé-rence est la procédure intermédiaire qui permet le passage, explicite et contrôlé, de l’une à l’autre5.
Cette méthodologie consiste à comprendre le sens au second degré des discours trai-
tés. L’idée ne consiste non seulement à déchiffrer les signifiés, mais d’en atteindre
d’autres, notamment de nature politique et historique pour ce qui concerne notre cas6.
Une étape préliminaire de l’analyse de contenu consiste à définir le corpus à traiter par
le biais de critères bien définis : l’exhaustivité, la représentativité, l’homogénéité et la per-
tinence7. Nous nous servirons ainsi de l’ensemble des discours pour la période étudiée
(2005-2015)8. Ils correspondent tous aux mêmes critères de choix et leur analyse répond
parfaitement à notre problématique. Les discours dans leur version écrite sont tous dis-
ponibles sur les sites Internet des pouvoirs publics concernés. Quant aux vidéos des
discours qui nous serviront notamment pour notre analyse audiovisuelle de la première
partie, elles sont également, sauf quelques exceptions9, disponibles sur des portails vi-
déo en ligne.
Notre démarche s’inscrit dans une logique dite d’analyse catégorielle. Cela signifie
concrètement que nous allons découper les discours du corpus en unités pour permettre
une classification établie à cet effet. Cette méthode qui se focalise sur l‘investigation des
thèmes est particulièrement pertinente pour le traitement de discours10. Notre but n’est
alors pas de procéder à une analyse de l’énonciation considérant le discours comme
4 L. BARDIN, L’analyse de contenu, Paris, Presses universitaires de France, 2013 (2ème édition), p. 33. 5 Ibid., p. 43. 6 Ibid., p. 46. 7 Ibid., p. 127-128. 8 Notons que, pour éviter toute confusion, les discours de la Chancelière porte une autre numérotation. Exemple : Si on parle du discours du 31 décembre 2005, on le désigne comme celui de 2006 car il a été prononcé pour 2006. Nous avons préféré de garder cette numérotation officielle. 9 Les discours du Président fédéral allemand de 2005 à 2007 ne sont pas disponibles en ligne dans leur version vidéo. Cela est également le cas pour les discours de la Chancelière fédérale de 2005 à 2008 et de 2012. Les discours disponibles sont cependant en nombre suffisant pour répondre au critère de la re-présentativité. 10 L. BARDIN, op. cit. (4), p. 207.
11
parole en acte. Cette analyse insiste beaucoup plus sur le caractère inachevé de la pa-
role. Elle est dès lors particulièrement utile pour l’analyse d’entretiens spontanés. Notre
corpus se constituant de discours rédigés avec un soin particulier, nous procéderons à
une analyse catégorielle de ces derniers11. En même temps, nous garderons en tête que
le but de cette étude est de comprendre le « non-dit » dans les discours, et plus précisé-
ment les éléments servant de vecteur d’image.
Afin de contextualiser les discours, nous nous sommes servis d’articles de presse sur
les acteurs politiques en question ainsi que d’ouvrages de référence sur les systèmes
politiques des trois pays. Cela nous permet d’avoir une vision plus complète du position-
nement – politique et constitutionnel – des quatre personnages dont nous analyserons
les discours. Nous consulterons également les quelques ouvrages sur l’analyse des dis-
cours de vœux qui existent. On les nommera en cours d’analyse.
Annonce de plan
Notre étude se décline en trois parties qui traiteront de manière successive les diffé-
rents points de l’analyse :
Dans un premier temps, nous regardons de près la forme des discours. Cela nous
permettra de définir le cadre dans lequel ils interviennent. Par « cadre », nous compre-
nons les formules d’appel et de vœux et surtout la « mise en scène » audiovisuelle, à
savoir la transmission télévisée. Cette première partie nous servira également à contex-
tualiser les discours dans leur cadre constitutionnel et institutionnel.
Dans un deuxième temps, nous résumerons les thèmes abordés dans les discours.
Nous y identifierons les thèmes qui reviennent de manière récurrentes et ceux qui ne
sont mentionnés que de manière ponctuelle. Nous constaterons que les thèmes ne sont
pas forcément les mêmes en fonction du personnage politique. Il semble alors que les
choix dépendent de raisons spécifiques à chaque personnage politique.
Dans un troisième temps et avec en tête les enseignements des deux premières par-
ties, nous distinguerons deux types de discours. Les discours des quatre personnages
politiques traités rentrent chacun dans une de ces catégories, ce qui nous permettra de
définir des discours-types auxquels sont associés des images institutionnelles particu-
lières.
11 Ibid., p. 224.
12
1. LA FORME DES DISCOURS : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE ENTRE RÉALITÉ
CONSTITUTIONNELLE ET TRADITION NATIONALE
Introduction partielle
Cette première partie nous permettra d’identifier les aspects formels des discours de
vœux. Il faut entendre ici par « aspects formels » les conditions de diffusion, les éléments
récurrents et les caractéristiques générales des discours et non leurs contenus, que nous
examinerons plus précisément dans notre deuxième partie. La démarche retenue pour
la présente étude est la suivante : pour chaque pays étudié, un discours « type » sera
retenu et analysé afin d’obtenir un premier éclairage sur le positionnement institutionnel
du personnage politique en question.
Notre analyse portera tant sur les discours écrits que sur la « mise en scène » média-
tique. Cela permettra non seulement de traiter les éléments textuels que l’on retrouve sur
l’ensemble de la période étudiée, mais également de faire une première analyse audio-
visuelle qui sera approfondie dans la dernière partie dédiée à l’analyse de l’image véhi-
culée par les discours.
Nous constaterons dans ce chapitre que les traditions – institutionnelles, historiques
et politiques – diffèrent dans les trois pays étudiés. Cela s’explique en partie par les dif-
férences fortes qui distinguent les systèmes politiques de la France, de l’Allemagne et du
Royaume-Uni : pour rappel, on a affaire respectivement à une république semi-présiden-
tielle (France), une république parlementaire (Allemagne) et une monarchie constitution-
nelle (Royaume-Uni).
Mais l’intérêt de cette partie ne tient pas seulement au fait qu’elle permet d’identifier
des différences dans la forme des discours : elle permet aussi de démontrer qu’il existe
des éléments « types », des invariants que l’on retrouve dans chaque discours de vœux,
quelle que soit l’« origine » de ce dernier.
La première partie de la présente étude nous permettra également de rappeler
quelques caractéristiques constitutionnelles de chacun des pays étudiés, et ainsi de
mieux comprendre le contexte dans lequel ces discours de vœux s’inscrivent.
13
1.1. En France : Un message rassembleur pour la Nation
Le Président de la République française a coutume de s’exprimer devant les téléspec-
tateurs le soir du 31 décembre. Son intervention est diffusée depuis le palais de l’Élysée
– sa résidence officielle au cœur de Paris. Le Premier ministre, chef du gouvernement,
ne s’adresse pas aux Français, même s’il est à supposer qu’il adresse ses vœux dans le
cadre d’autres cérémonies et/ou devant un public plus restreint. Seul le chef de l’État
dispose ainsi du privilège d’adresser ses vœux à l’ensemble de la nation. À cette occa-
sion, le Président incarne véritablement la nation et assume pleinement son rôle de « Pré-
sident de tous les Français12 » comme le souligne Nicolas Sarkozy dans ses vœux de
2007.
Avant d’examiner les discours de vœux, nous rappellerons brièvement les caractéris-
tiques du système politique de la Ve République afin de pouvoir les mettre en perspective
avec le cadre général des vœux que nous examinons dans cette partie.
Le régime politique de la France est habituellement défini comme « semi-présidentiel »
compte-tenu du rôle central qui est dévolu au chef de l’État, c’est-à-dire au Président de
la République. Même si la conduite de la politique incombe au gouvernement, le cadre
constitutionnel de la Ve République donne au Président de la République une position
forte. Cela est d’autant plus frappant depuis la révision constitutionnelle de 2000, qui a
permis à réduire le mandat du Président à cinq ans et modifié le calendrier électoral.
Cette modification de la Constitution de 1958, en plaçant l’élection présidentielle avant
les élections législatives dans le calendrier électoral, s’est pour l’instant toujours traduite
par l’élection d’une « majorité présidentielle » au Parlement, qui permet une étroite colla-
boration entre le Président de la République et le Premier ministre. En l’absence de pé-
riodes dites de cohabitation, le rôle politique du chef de l’État semble s’être encore ren-
forcé13. Afin de ne pas prêter à confusion, il importe de souligner que la Constitution
donne au Président de la République le rôle d’un arbitre et que, par conséquent, ce der-
12 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes mises en œuvre et les priorités pour 2008, à Paris le 31 décembre 2007, in http://discours.viepublique.fr/notices/087000012.html (01/02/2016). 13 C. BOUILLARD, F. ESCALONA, « La France », in BRACK (Nathalie), DE WAELE (Jean-Michel), PILET (Jean-Benoît), Les démocraties européennes. Institutions, élections et partis politiques, Paris, Armand Co-lin, « Collection U Sciences politiques », 2015 (3ème édition), p. 165-176, 168-169.
14
nier est davantage l’incarnation d’un monarque constitutionnel que d’un dirigent poli-
tique14. En l’absence de cohabitation, la « prééminence présidentielle » se voit renforcée
de fait, même si en droit les prérogatives du Président restent inchangées15.
La période étudiée (2005-2015) ne nous permet pas de prendre en compte les vœux
intervenus en période dite de cohabitation, ce qui nous aurait offert la possibilité de cons-
tater d’éventuelles différences dans la manière dont le chef de l’État s’exprime chaque
31 décembre devant les Français. Peut-être prenait-il davantage de distance vis-à-vis de
la politique gouvernementale lorsque la majorité parlementaire n’était pas de la même
couleur politique ? Comme nous l’avons vu, la révision constitutionnelle de 2000 n’a pas
exclu la cohabitation de la vie politique française, mais elle l’a rendue très improbable : il
est difficile d’imaginer les électeurs ne donnant pas une majorité parlementaire au Prési-
dent qu’ils ont élu quelques semaines plus tôt. À ce sujet, nous conseillons la lecture de
l’étude de référence de Françoise Boursin16, qui a analysé les vœux présidentiels entre
1958 et 1987. Cela lui a permis d’examiner plus précisément la première cohabitation,
résultant des législatives de 1986, entre le Président François Mitterrand et son Premier
ministre Jacques Chirac.
Revenons au sujet principal de cette étude. Le Président de la République s’adresse
aux Français le soir du 31 décembre à 20 heures par un message vidéo diffusé sur plu-
sieurs chaînes de télévision et sur Internet. Les sujets évoqués lors de cette intervention
changent selon les années, mais la forme reste principalement la même, au moins pour
l’échantillon étudié ici. Comme l’évoque le titre de notre étude, le Président introduit ses
propos par la formule consacrée « Mes chers compatriotes », même si des variations
sont possibles comme le montre le tableau ci-dessous :
14 M.-A. COHENDET, Le Président de la République, Paris, Dalloz, « Connaissance du droit », 2012 (2ème édition), p. 54-57. 15 Ibid., p. 31. 16 F. FINNISS-BOURSIN, op. cit. (2).
15
Comment le Président de la République
s’adresse-t-il à son audience17 ? Années
« Mes chers compatriotes de métropole,
d’outre-mer et de l’étranger »
2005-2006
« Françaises, Français, mes chers compa-
triotes »
2007, 2009
« Mes chers compatriotes » 2008, 2010-2014
« Mes cher-e-s compatriotes » 2015
Tableau 1 : Comment le Président de la République s’adresse-t-il à son audience ?
Il y a plusieurs points qui méritent d’être précisés à la vue de ce tableau. D’abord, et
c’est peut-être le plus frappant, on constante que Jacques Chirac dans ces deux discours
faisant partie de notre corpus s’adresse très précisément aux Français « de métropole,
d’outre-mer et de l’étranger18 » ce qui témoigne de son attachement aux territoires
d’outre-mer dans lesquels un certain sentiment d’abandon par rapport à la métropole
pourrait s’installer. Quant aux Français de l’étranger, le Président Chirac, en les mention-
nant, souligne qu’il ne les a pas oubliés, même s’ils ne résident plus sur le territoire na-
tional. En comparant l’ensemble des discours de vœux aux Français de Jacques Chirac,
qui ne font pourtant pas partie de notre corpus dans leur ensemble, nous constatons qu’il
ne s’agit nullement d’une constante. Dans douze discours de vœux, il ne s’est adressé
explicitement que trois fois aux Français d’outre-mer et à ceux habitant à l’étranger.
Deux autres observations s’ajoutent à ce point : Nicolas Sarkozy s’adresse dans deux
de ses cinq discours aux « Françaises, Français, mes chers compatriotes », très certai-
nement dans un souci de cohésion nationale s’attachant au principe de la nationalité. Un
dernier point d’observation consiste à souligner que dans le plus récent des discours de
notre corpus, celui prononcé par François Hollande en 2015, se trouve dans la version
écrite la formule « Mes cher-e-s compatriotes » qui met en valeur l’égalité entre les sexes
(gender-mainstreaming).
17 Les citations dans ce tableau ainsi que dans ceux qui suivront sont issues des discours de vœux de la personnalité politique indiquée. L’année du discours est mentionnée dans la colonne de droite. Se référer aussi à la bibliographie. 18 François Hollande, dans l’ensemble de ces discours jusqu’en 2015, répète le même exercice, mais au cours de ses discours et non pas au début.
16
Quant à l’expression très concrète des vœux, on observe une certaine constance no-
tamment en termes de la formule choisie. Le tableau qui suit nous donne un aperçu gé-
néral sur la période étudiée :
Formules des vœux employées par le Président de la Ré-
publique Années
« mes vœux les plus chaleureux » 2005-2006, 2012
« une année de bonheur et de réussite » 2007
« mes meilleurs vœux » 2008, 2015
« mes vœux de bonheur » 2009, 2011
« mes vœux de bonheur les plus sincères et les plus chaleu-
reux »
2010
« Voilà mes vœux pour l’année nouvelle : cette bataille pour
l’emploi qui doit être la réussite de la France »
2013
« 2015 doit être une année d’audace, d’action et de solidarité » 2014
Tableau 2 : Formules des vœux employées par le Président de la République
En comparant ces différentes formules, on comprend alors qu’elles s’inscrivent dans
deux registres différents : sur un plan plus personnel, le Président de la République pré-
sente des « vœux de bonheur » ce qui s’adresse plutôt aux individus qu’au collectif. En
revanche, les vœux de « réussite », de « solidarité », voire même de réussite dans la
« bataille pour l’emploi », font partie d’un registre plus collectif. Des vœux liés à la situa-
tion sur le marché de l’emploi et la situation économique générale s’inscrivent dans un
registre beaucoup plus politique et reprennent le message principal des discours. Cela
traduit également la dimension « républicaine » et sobre des vœux (nous le constaterons
surtout en les comparant avec les deux autres pays de notre étude). On n’y retrouve
aucune référence à la foi, à la famille ou aux citoyens en tant qu’individus. Les Français,
destinataires du message présidentiel, sont alors considérés dans leur rôle de citoyens
de la République.
Après avoir identifié quelques éléments récurrents concernant la forme des discours
de vœux du Président de la République, nous évoquerons rapidement la « mise en
scène » audiovisuelle pour dépasser le seul cadre de l’analyse textuelle.
17
Pour la période étudiée, nous identifions trois mises en scènes types qui méritent que
l’on s’arrête un instant sur leur signification.
Figure 1 : Plan fixe des vœux du Président de la République de 2005 [3:30]
Ce premier scénario voit le Président se tenir debout, derrière un pupitre, avec en
arrière-plan le jardin du palais de l’Élysée de nuit. On aperçoit, au loin, les illuminations
des Champs-Élysées. Il s’agit alors d’un message du Président en tant que personne,
visiblement enregistré dans sa résidence. Il s’adresse aux Français depuis son domicile,
même s’il s’agit bien évidemment d’un logement de fonction.
Figure 2 : Plan fixe des vœux du Président de la République de 2008 [0:46]
À ce scénario « personnel » s’ajoutent deux autres. Utilisé par Nicolas Sarkozy en 2008,
le deuxième scénario montre le Président devant une bibliothèque, certainement celle de
18
l’Élysée. Cette mise en scène d’un intellectuel, d’un Président savant, permet de souli-
gner davantage le positionnement du chef de l’État en tant que « sage », arbitre de la
politique gouvernementale.
Un dernier scénario que nous souhaitons analyser ici est celui du Président assis derrière
son bureau. Cette « formule » a été notamment choisie en 2014 où le Président François
Hollande est intervenu après une année marquée par une situation très fragile sur le
marché de l’emploi. On dirait que le Président ne s’est qu’à peine extrait de la lecture de
ses dossiers pour adresser ses vœux à ses concitoyens.
Figure 3 : Plan fixe des vœux du Président de le République de 2014 [0:43]
L’ensemble des présentations des discours contient un élément récurrent : Les dra-
peaux français et européen se trouvent à côté du Président, comme deux symboles de
la nation et de la cohésion européenne. Pour quelques discours, notamment en 2006 et
2009, le drapeau français occupe tout l’arrière-plan : il s’agit alors d’un enregistrement en
studio.
Après cette analyse du cadre des discours de vœux en France, nous poursuivrons
avec une sous-partie consacrée aux discours de vœux en Allemagne. Nous constate-
rons, et cela répond à la problématique de la présente étude, que le système politique
influence fortement les usages quant aux vœux de fin d’année. La différence la plus frap-
pante entre ces deux pays tient certainement au fait qu’en Allemagne le Président fédéral
et le Chancelier s’adressent tous les deux à leurs concitoyens, mais à des dates diffé-
rentes, comme nous l’expliquerons ci-dessous.
19
1.2. En Allemagne : Deux messages personnels dans un jeu d’acteurs sophistiqué
En Allemagne, nous avons à faire avec deux personnages politiques exprimant leurs
vœux de fin d’année à la population : le Président fédéral dans sa fonction de chef de
l’État et le Chancelier dans sa fonction de chef de gouvernement. La pertinence d’une
étude comparative est ainsi manifeste, compte-tenu de ce que nous avons exposé plus
haut à propos de la France. L’existence de ces deux discours témoigne en premier lieu
du positionnement central du chef du gouvernement en Allemagne. De plus, nous cons-
taterons en analysant les textes de ces discours que la référence à la foi, et plus préci-
sément à Noël comme fête religieuse, fait partie intégrante des discours, l’Allemagne
n’étant pas un pays laïc comme l’est la France.
Tout d’abord, en reprenant la même structure d’analyse que dans la sous-partie pré-
cédente, nous nous arrêterons un instant sur le système politico-institutionnel de la Ré-
publique fédérale d’Allemagne afin de contextualiser les analyses qui suivront.
Par rapport à d’autres démocraties occidentales, le Président fédéral en Allemagne
demeure dans une position relativement faible. Lors de la rédaction de la Loi fondamen-
tale, on voulait corriger les défaisances du système constitutionnel de la République de
Weimar qui souffrait d’un Président trop fort ayant quasiment le rôle d’un « ersatz impé-
rial19 ». La République fédérale s’est alors dotée d’un chef de l’État avec des pouvoirs
très limités. Pour simplifier, on pourrait dire qu’il remplit deux fonctions principales : il a
un droit de contrôle formel des lois (les juristes divergent sur le point de savoir s’il détient
aussi un droit de contrôle matériel de ces dernières) et il représente le pays à l’intérieur
et à l’extérieur20.
À titre d’exemple, le parcours de l’actuel Président fédéral illustre bien le rôle qui in-
combe à sa fonction : travaillant comme pasteur en RDA, Joachim Gauck devient le pre-
mier directeur des archives de la Stasi21, le service de renseignement de la RDA après
la réunification. Dans cette fonction, il permet à un bon nombre d’Allemands d’accéder à
leurs dossiers établis sous le régime socialiste de la RDA par les services de renseigne-
ment. Ce poste, qu’il a occupé pendant dix ans, l’a doté d’une importante stature morale.
19 Voir à ce sujet également : H.-J. WINKLER, Der Bundespräsident – Repräsentant oder Politiker ? [Le Président fédéral – Représentant ou homme politique ?], Opladen, C. W. Leske Verlag, « Beiträge zur Sozialkunde », 1967, p. 44. 20 E. JESSE, « Bundespräsident » [Le Président fédéral], in ANDERSEN (Uwe), WICHARD (Woyke), Handwörterbuch des politischen Systems der Bundesrepublik Deutschland [Dictionnaire du système poli-tique de la République fédérale d’Allemagne], Heidelberg, Springer VS, 2013 (7ème édition), p. 56-58. 21 Le titre exact de cette fonction est le suivant : Bundesbeauftragte für die Unterlagen des Staatssi-cherheitsdienstes der ehemaligen Deutschen Demokratischen Republik [Mandataire fédéral pour la docu-mentation du service de sécurité de l'État de l'ex-République démocratique allemande].
20
Il est dès lors manifeste que le Président fédéral n’est pas un homme politique comme
les autres. Il est censé demeurer au-dessus de la politique et ne pas s’impliquer dans les
débats entre partis politiques. L’intégrité du personnage [« Unbescholtenheit »] et son
mode de vie [« Lebenswandel »] ont un rôle majeur dans la crédibilité d’un Président
fédéral22 Cela s’est confirmé de manière frappante en 2012 quand le Président de
l’époque, Christian Wulff, a dû démissionner en raison des conditions avantageuses dont
il avait bénéficié pour souscrire des crédits destinés à sa résidence personnelle.
Le Président fédéral a deux moyens d’influence : les voyages officiels et les discours.
S’agissant des premiers, il lui incombe d’en choisir les destinations (en Allemagne ou à
l’étranger) ce qui lui permet de définir les priorités de son mandat23. Cela est d’autant plus
vrai pour les discours du Président qui lui permettent de sortir de son « isolement » poli-
tique et constitutionnel24. Le discours du Président Richard von Weizsäcker du 8 mai
1985 a fait son entrée dans la mémoire collective des Allemands. Dans ce discours, pro-
noncé à l’occasion du 40ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, von
Weizsäcker analyse, de manière impitoyable, les raisons de la prise de pouvoir des na-
zies et ses conséquences pour l’après-guerre (notamment la division de l’Allemagne).
Quant au positionnement constitutionnel du Chancelier fédéral, il n’est pas opportun
d’aborder ici de manière exhaustive le positionnement que la Loi fondamentale lui ré-
serve. Il est le chef du gouvernement et ainsi, à la tête de l’exécutif. On retrouve cette
« fiche de poste », avec des spécificités nationales plus ou moins marquées, dans
chaque système de démocratie représentative. En Allemagne, deux particularités illus-
trent l’importance des interventions du Chancelier. Premièrement, le Chancelier bénéficie
du « principe de Chancelier » [« Kanzlerprinzip »] le plaçant très clairement à la tête du
gouvernement avec une certaine autorité sur ses ministres. Même si le « principe de
ressort » [« Ressortprinzip »] distribue les compétences (techniques) entre les différents
ministres, il incombe au Chancelier de définir les grandes lignes de la politique du gou-
vernement. Deuxièmement, le Chancelier, malgré la prééminence dont il bénéficie au
sein du gouvernement, ne peut pas dissoudre le parlement pour provoquer des élections
22 H.-J. WINKLER, op. cit. (19), p. 44. 23 Pour la France, nous pourrons donner un exemple assez récent : Joachim Gauck a fait des voyages vers des lieux de crime des nazies une de ces priorités pour son mandat. Ainsi, il s’est rendu, accompagné du Président français, à Oradour-sur-Glane, en Limousin, village « martyre » dont la population a été tuée en une seule journée par une compagnie de la SS en juin 1944. Moi-même, j’ai pu accompagner ce dépla-cement du Président fédéral. 24 H.-J. WINKLER, op. cit. (19), p. 47-48.
21
anticipées. Sans revenir sur les raisons historiques et constitutionnelles de cette particu-
larité constitutionnelle, nous pouvons constater que le Chancelier a intérêt à garder sa
majorité au parlement, car seule cette dernière lui permet de faire voter des lois25.
Les vœux du Chancelier allemand ressemblent plutôt aux vœux du Président de la
République en France car il s’agit dans ces deux cas de dresser un bilan politique de
l’année passée et d’évoquer les enjeux-phares pour l’année à venir. Par contre, le dis-
cours du Président fédéral, généralement prononcé le 24 décembre, donc la veille de
Noël, constitue un « échange » quasiment intime entre le chef de l’État et les citoyens26.
Les deux jours de fête, Noël et le réveillon de la Saint-Sylvestre étant alors répartis entre
ces deux personnages, nous comprenons que dans un pays où existe un concordat entre
les églises (catholique et protestante) et l’État, une intervention du chef de l’État à la veille
de Noël ne choque pas. Faute de lois sur la laïcité, Noël est une fête qui est également
célébrée dans la vie politique du pays.
En comparant deux éléments clés des vœux, nous constatons qu’il n’y a pas énormé-
ment de différences entre les discours du Président fédéral et de la Chancelière. Tout
d’abord s’agissant de la formule employée pour s’adresser à l’audience : la Chancelière,
dans les dix discours que nous analysons, se contente toujours de l’habituel « Liebe Mit-
bürgerinnen und Mitbürger » [Chères concitoyennes et chers concitoyens] contrairement
aux Présidents qui varient la formule. Cela peut être aussi dû au fait que sur la période
étudiée, nous comptons au total trois présidents dont chacun souhaitait probablement
innover par rapport aux habitudes de son prédécesseur. Le tableau ci-après résume les
différentes formules employées par les Présidents fédéraux :
25 B. GUGGENBERGER, « Bundeskanzler » [« Le Chancelier fédéral »], in ANDERSEN (Uwe), WICHARD (Woyke), Handwörterbuch des politischen Systems der Bundesrepublik Deutschland [Dictionnaire du sys-tème politique de la République fédérale d’Allemagne], Heidelberg, Springer VS, 2013 (7ème édition), p. 50-53, 51-52. 26 O. ZIEMER, T. PROSCHE, op. cit. (1), p. 5-7.
22
Comment le Président fédéral
s’adresse-t-il à son audience ? Traduction littérale27 Années
« Liebe Landsleute » Chers compatriotes 2005, 2007,
2008, 2009
« Liebe Mitbürgerinnen und Mit-
bürger »
Chères concitoyennes et chers
concitoyens
2006
« Fröhliche Weihnachten, liebe Mit-
bürgerinnen und Mitbürger »
Joyeux Noël, chères conci-
toyennes et chers concitoyens
2010-2011
« Liebe Bürgerinnen und Bürger
hier im Land, liebe Landsleute in
der Ferne »
Chères citoyennes et chers ci-
toyens ici dans le pays, chers
compatriotes loin du pays
2012
« Meine Damen und Herren » Mesdames, Messieurs 2013
« Guten Abend aus dem Schloss
Bellevue »
Bonsoir du château de Bellevue 2014-2015
Tableau 3 : Comment le Président fédéral s'adresse-t-il à son audience ?
Deux observations semblent être importantes à noter : Christian Wulff, pendant ses
deux ans de mandat, joignait à la formule d’appel de ses discours une première formule
de vœux afin de souligner le caractère solennel de son intervention à un moment de
l’année où, selon la tradition, les familles se réunissent autour du sapin de Noël. Par
ailleurs, il est notable que, depuis 2013, le Président Gauck emploie des formules
« neutres » ne désignant pas spécifiquement les citoyens allemands. On pourrait penser
qu’il s’adresse non pas seulement à la nation, concept d’ailleurs mis en cause par l’inté-
gration européenne, mais à l’ensemble de la population résident sur le territoire de la
République fédérale peu importe la nationalité de chacun28. Ce choix semble être mo-
derne et adapté à une société marquée par l’immigration et par le vivre-ensemble de
personnes issues de différents pays et cultures.
27 Traductions M.G. 28 Dans ce contexte, notons que l‘épigraphe au Reichstag, le siège du parlement allemand, « Dem deut-schen Volke » [Au peuple allemand] a été complété par une installation de l’artiste Hans Haacke portant l’épigraphe « Der Bevölkerung » [À la population] au moment où le parlement de la République fédérale d’Allemagne s’installait à Berlin après la réunification. La subtilité de signification entre les deux termes « Volk » et « Bevölkerung » consiste à inclure l’ensemble des personnes installées sur le territoire national et non seulement ceux ayant la nationalité allemande.
23
Quant aux formules employées pour exprimer les vœux, les différences entre les dis-
cours du Président fédéral et de la Chancelière sont généralement dues au fait que les
discours interviennent à un autre moment : Le Président s’exprime le 24 décembre, la
veille de Noël et la Chancelière prononce son discours le 31 décembre (comme le Prési-
dent français), juste avant le passage au nouvel an.
Par conséquent, les vœux du Président fédéral utilisent le registre de Noël en souli-
gnant même, dans la majorité des cas, le caractère chrétien de ces vœux. La tradition
chrétienne à laquelle il est fait référence fait partie intégrante de la vie publique en Alle-
magne. Il est tout à fait naturel que les églises participent à la formation de l’opinion pu-
blique, qu’elles œuvrent en matière d’action sociale et que la référence à la foi dont elles
sont les porteuses fasse partie de la vie politique outre-Rhin. Cependant, le multicultura-
lisme est une réalité en Allemagne, ce que les Présidents, dans la majorité des discours
étudiés29, soulignent en se référant à ceux qui ne sont pas croyants et à ceux qui appar-
tiennent à d’autres communautés religieuses. Dans quatre des dix discours analysés, le
Président fait même référence à des familles qui sortent du modèle dit traditionnel et
chrétien composé d’une mère, d’un père et d’enfants. Malgré l’importance accordée à la
tradition chrétienne du pays, les évolutions sociétales n’échappent pas au Président.
29 Il s’agit des vœux de 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013.
24
Formules de vœux employées
par le Président fédéral Traduction littérale30 Années
« Meine Frau und ich wünschen
Ihnen frohe Weihnachten. »
Mon épouse et moi vous souhai-
tons [un] joyeux Noël.
2005
« Meine Frau und ich wünschen
Ihnen frohe und gesegnete Weih-
nachten. »
Mon épouse et moi vous souhai-
tons [un] joyeux et béni Noël.
2006-2007
« Meine Frau und ich wünschen
Ihnen allen von Herzen ein frohes
und gesegnetes Weihnachstsfest »
Mon épouse et moi souhaitons à
vous tous de tout cœur une
joyeuse et bénie fête de Noël.
2008
« Meine Frau und ich, wir wünschen
Ihnen eine frohe und gesegnete
Weihnacht. »
Mon épouse et moi, nous vous
souhaitons une joyeuse et bénie
nuit de Noël.
2009
« Ihnen allen wünschen meine Frau
und ich ein frohes Fest. »
À vous tous, mon épouse et moi
souhaitons une joyeuse fête [de
Noël].
2010
« Meine Frau und ich wünschen
Ihnen frohe, gesegnete Weihnach-
ten. »
Mon épouse et moi vous souhai-
tons [un] joyeux, béni Noël.
2011
« … gesegnte Weihnachten. » … [un] béni Noël. 2012
« … wünsche ich Ihnen allen ein
frohes und gesegnetes Weih-
nachtsfest. »
… je vous souhaite tous une
joyeuse et bénie fête de Noël.
2013
« … wünsche ich Ihnen allen ein
fröhliches, gesegnetes Weihnachts-
fest. »
… je vous souhaite une joyeuse
et bénie fête de Noël.
2014
« … wünsche ich uns allen, dass wir
ein frohes und gesegnetes Weih-
nachten feiern können. »
… je souhaite à nous tous que
nous pouvons passer un joyeux
et béni Noël.
2015
Tableau 4 : Formules de vœux employées par le Président fédéral
30 Traductions M.G.
25
Dans cette même logique s’inscrivent les vœux exprimés par la Chancelière qui sou-
haite, dans une partie de ses interventions, « la bénédiction du Seigneur » à son au-
dience, une formule qui prononcée ainsi par un personnage public en France, choquerait
et serait très certainement contraire à la laïcité instaurée par la loi de 1905.
Formules de vœux employées
par la Chancelière Traduction littérale31 Années
« … ein gutes, ein erfülltes und ge-
segnetes neues Jahr … »
… une bonne nouvelle année
épanouissante et bénie …
2006-2007
« … ein erfülltes und gesegnetes
neues Jahr … »
… une année épanouissante et
bénie …
2008
« …ein erfülltes, ein glückliches und
ein gesegnetes Jahr … »
… une heureuse année épa-
nouissante et bénie …
2009-2010
« … Gesundheit, Kraft, Zufrieden-
heit und Gottes Segen… »
… santé, force, satisfaction et la
bénédiction du Seigneur …
2011
« … ein frohes, gesundes und ge-
segnetes neues Jahr … »
… une heureuse nouvelle année
bénie et en bonne santé …
2012
« … ein gesundes, erfülltes und fro-
hes neues Jahr … und Gottes Se-
gen… »
… une heureuse nouvelle année
épanouissante et en bonne santé
… et la bénédiction du Seigneur
…
2013
« …Gesundheit, Zufriedenheit und
Gottes Segen … »
… santé, satisfaction et la béné-
diction du Seigneur …
2014
« … Kraft, Gesundheit und Gottes
Segen … »
… force, santé et la bénédiction
du Seigneur …
2015
« … Gesundheit, Kraft, Zuversicht
und Gottes Segen … »
… santé, force, confiance et la
bénédiction du Seigneur …
2016
Tableau 5 : Formules de vœux employées par la Chancelière
Dans ce contexte, il faut également noter que la Chancelière est membre du Parti
chrétien-démocrate dont le nom fait référence à une certaine tradition chrétienne. Les
31 Traductions M.G.
26
partisans d’Angela Merkel attendent d’elle qu’elle s’affiche comme une « bonne chré-
tienne » au moment où elle exprime ses vœux de fin d’année.
La mise en scène audiovisuelle des discours de vœux suit, pour la période étudiée,
généralement les mêmes règles, ce qui est d’autant plus vrai pour la Chancelière. Parlons
d’abord du Président fédéral qui s’exprime devant la caméra dans sa résidence, le châ-
teau de Bellevue. Les éléments incontournables sont très certainement le sapin de Noël
richement décoré et le fanion du Président fédéral. Peut s’y ajouter encore le traditionnel
« Adventsgesteck » (une composition florale avec bougie qui ne devrait pas manquer sur
les tables à manger dans les ménages allemands pendant la période de l’avent) si le
Président est assis derrière un bureau.
Figure 4 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2009 [2:23]
Il semble alors au téléspectateur qu’il est entré « chez le Président » en retrouvant un
décor similaire à celui qu’il peut voir dans chaque maison allemande durant cette période
de l’année. En soulignant le caractère intime et gemütlich (en bon français, on dirait cosy)
de la résidence présidentielle, les conseillers du Président créent un effet de proximité
avec les citoyens.
27
Figure 5 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2013 [0:25]
Le Président Wulff, pour ses seuls deux discours, a joué encore plus sur cette proxi-
mité en associant des représentants de la société civile à ses vœux. On le retrouve alors
entouré de personnes issues de l’immigration, de représentants des différentes commu-
nautés religieuses, de scouts, de représentants des forces de l’ordre et aussi d’enfants
assis par terre sur un tapis. L’épouse du Président fait, quant à elle, aussi son apparition
parmi ce groupe de personnes. Cela nous fait penser à la formule des vœux employée
par le Président qui fait souvent référence au couple présidentiel32 et qui trouvent dans
cette mise en scène choisie par le Président Wulff son incarnation parfaite.
Figure 6 : Plan fixe des vœux du Président fédéral de 2010 [0:05]
32 Notons que le Président actuel, Joachim Gauck, habite la résidence présidentiel avec Madame Daniela Schadt, sa compagne tout en restant marié, mais vivant séparé avec son épouse Gerhild Gauck.
28
Quant à la Chancelière, elle prononce ses vœux en étant assise derrière un bureau
qui est installé devant une baie vitrée donnant sur la Platz der Republik [Place de la
République] où se trouve le Bundestag. La référence au parlement dont la majorité a élu
Merkel Chancelière fédérale (le Chancelier n’est pas élu au suffrage universel) est alors
très significative, et illustre la réalité constitutionnelle de l’Allemagne. Afin de bien identi-
fier la période des fêtes de fin d’année, on aperçoit, en arrière-plan, le grand sapin de
Noël illuminé devant le Bundestag.
Figure 7 : Plan fixe des vœux de la Chancelière fédérale de 2016 [6:05]
Ce regard sur les usages et traditions des vœux en Allemagne nous a permis de mettre
en évidence la pertinence des différents points de comparaison retenus. Le système
constitutionnel et les traditions républicaines semblent influencer substantiellement la
manière dont sont présentés les vœux de fin d’année par les personnages politiques de
première importance. Il est à présent intéressant de tourner notre regard vers le
Royaume-Uni, une monarchie constitutionnelle dans laquelle les vœux sont prononcés
par le monarque.
29
1.3. Au Royaume-Uni : Un message intime aux Royaumes du Commonwealth
Le troisième pays choisi pour cette étude, le Royaume-Uni, est une monarchie consti-
tutionnelle. En tant que telle, il présente des particularités qui se traduisent notamment à
l’occasion des vœux présentés pour la fin d’année. Seul le monarque, en l’occurrence la
Reine, s’exprime le jour de Noël par un message diffusé à la télévision et sur Internet. Le
Premier ministre, dans sa fonction de chef du gouvernement, ne s’adresse pas directe-
ment à la population : il ne diffuse qu’un message écrit qui ne relève pas du champ de
notre étude. Concernant les vœux du monarque, nous développerons brièvement les
points essentiels pour apprécier son positionnement au sein d’un système constitutionnel
britannique qui ne dispose pas de Constitution écrite.
La place de la Couronne dans le système politique du Royaume-Uni a considérable-
ment évolué depuis la Glorieuse Révolution (1688-1689) et les documents constitution-
nels qui devaient en suivre33. De nos jours, le rôle du monarque est devenu symbolique,
mais n’en demeure pas moins important. En un sens, le monarque est responsable de-
vant le Parlement : c’est lui qui nomme le Premier ministre en fonction de la majorité
parlementaire du moment. Par contre, lorsqu’il prononce son discours du Trône devant
la Chambre des Lords, il lit, en fait, le programme législatif du gouvernement, rédigé par
le Premier ministre et non par le monarque lui-même34. On pourrait résumer cette situa-
tion en disant que « le souverain règne mais ne gouverne pas ». Dans cette logique s’ins-
crit également le fait que le monarque ne s’exprime pas, et n’a pas vocation à s’exprimer,
sur des sujets politiques. Son influence se base sur un conseil au gouvernement, conseil
dont la substance reste volontairement confidentielle et éloignée de l’attention du public.
Les échanges hebdomadaires entre la Reine et le Premier ministre restent ainsi stricte-
ment confidentiels. La Reine est perçue par les citoyens comme gardienne de l’unité du
pays et comme protectrice de l’héritage du Commonwealth35.
Il est également intéressant de noter que le monarque britannique est à la fois le gou-
verneur suprême de l’Église d’Angleterre, le chef des forces armées et le chef de l’État
des seize Royaumes36 du Commonwealth37.
33 Citons notamment le Bill of Rights de 1689 et l’Act of Settlement de 1701. 34 J. LERUEZ, Le système politique britannique depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1994, p. 59. 35 Ibid., p. 60-61. 36 Parmi les États du Commonwealth reconnaissant la reine d’Angleterre comme leur chef de l’État, on trouve les États suivants : Antigua-et-Barbuda, l’Australie, les Bahamas, la Barbade, le Belize, le Canada, la Grenade, la Jamaïque, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Saint-Christophe-et-Nié-vès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, les îles Salomon et les Tuvalu. 37 B. LERUTH, N. STARTIN, « Le Royaume-Uni », in BRACK (Nathalie), DE WAELE (Jean-Michel), PILET (Jean-Benoît), Les démocraties européennes. Institutions, élections et partis politiques, Paris, Armand Co-lin, « Collection U Sciences politiques », 2015 (3ème édition), p. 413-426, 414-415.
30
Se trouvant figée dans un protocole strict et un peu « hors temps », la Reine du
Royaume-Uni tient visiblement beaucoup à ses Christmas broadcasts qui lui permettent
d’adresser à son peuple un message intime. La Reine en personne prend le soin de
rédiger ses discours de vœux et même la linguistique britannique s’est déjà mise à étudier
ce qu’on appelle outre-Manche le Queen’s English38.
Contrairement aux discours analysés dans les deux sous-parties précédentes, on ne
retrouve pas de formule d’appel dans les discours de la Reine. Elle s’adresse directement
à son audience, notons également que son public se constitue de l’ensemble des Nations
dont elle est le chef de l’État.
Quant à la formule de vœux, la Reine rentre en quelque sorte dans son rôle de gou-
verneur suprême de l’Église d’Angleterre en souhaitant Happy Christmas à son audience.
Au cours de la période étudiée, la formule de vœux de la Reine ne change pas de ma-
nière significative comme le démontre le tableau ci-dessous :
Formules de vœux employées par la Reine du Royaume-Uni Années
« I hope you will all have very happy Christmas this year and that
you go into the New Year with renewed hope and confidence. »
2005
« I wish you all a very happy Christmas together. » 2006
« I want to wish you all a blessed Christmas. » 2007
« I wish you all a very happy Christmas. » 2008, 2011-2013
« I wish you all, wherever you may be, a very happy Christmas. » 2009
« I wish you, and all those whom you love and care for, a very
happy Christmas. »
2010
« A very happy Christmas to you all. » 2014
« I wish you a very happy Christmas. » 2015
Tableau 6 : Formules de vœux employées par la Reine du Royaume-Uni
Une fois de plus, après avoir étudié le cas de l’Allemagne, nous constatons ici que les
vœux de fin d’année diffèrent sensiblement de ce qui prévaut dans un État laïc comme
38 F. REYNAERT, « Les silences de la Reine. Elle a traversé le siècle et poursuit le règne le plus long de l’Histoire britannique. Omniprésente et ultrapopulaire, Élisabeth II ne dit jamais rien. Même quand son royaume se déchire au sujet du « Brexit ». Un secret de longévité », in L’Obs, no 2685 du 21/04/2016, p. 40-44, p. 43.
31
c’est le cas en France. Les vœux prononcés par la Reine pour Noël s’inscrivent ainsi
clairement dans la tradition chrétienne anglicane du pays.
Même si le rôle de la Reine du Royaume-Uni est strictement apolitique, elle conserve
un rôle fortement rassembleur pour la population britannique. En temps de crise, de deuil
et de catastrophe, la Reine est là pour canaliser les émotions de la société et pour trans-
mettre un message de confiance et de cohésion39. Cela est également vrai pour ces
vœux de Noël qui sont enregistrés dans sa résidence royale, dans un décor assez inti-
miste, avec un sapin de Noël richement décoré et illuminé derrière elle ainsi que des
photos de sa famille soigneusement posées sur un bureau à côté d’elle. En représentant
la famille royale, ces photos évoquent les valeurs de la famille et le bonheur de pouvoir
partager les fêtes de fin d’année avec ses proches. Finalement, c’est une mère, une
grand-mère et une arrière-grand-mère autant qu’une monarque qui adresse ses vœux
aux familles du Commonwealth. Il s’agit alors d’un moment d’ « échange » privilégié entre
la Reine et la population. Le plan fixe qui suit illustre bien cette mise en scène destinée à
véhiculer un message de proximité à la population.
Figure 8 : Plan fixe des vœux de la Reine du Royaume-Uni de 2015 [2:05]
Pour la période de 2005 à 2015, une exception peut être relevée s’agissant de cette
mise en scène qui reste habituellement inchangée : en 2006, la Reine choisit de quitter
sa résidence royale et s’exprime depuis un centre d’accueil pour jeunes en interrompant
son discours par une séance de bricolage et de peinture avec des jeunes. En quittant le
39 C. SCHEUERMANN, « Man wird 90. Elizabeth II. feiert nächste Woche Geburstag. Die Königin ist beliebt wie selten zuvor, daheim und in der ganzen Welt. Warum ? » [On a 90 ans. Élisabeth II fête son anniver-saire la semaine prochaine. La Reine est aimée comme jamais, chez elle comme dans le monde entier. Pourquoi ?], in Der Spiegel, no 16/2016, p. 102.
32
cadre très festif et « chargé comme un service à thé40 », elle se rapproche davantage de
la population et tente ainsi d’effacer toute distinction entre la famille royale et le « citoyen
lambda ».
Figure 9 : Plan fixe des vœux de la Reine du Royaume-Uni de 2006 [2:19]
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni se distinguent ainsi par leur sobriété et leur
intimité, qui visent à transmettre un message de confiance aux citoyens des Royaumes
du Commonwealth. Contrairement aux autres responsables politiques dont on a déjà étu-
dié les vœux, la Reine apparaît le jour de Noël dans un cadre strictement apolitique que
la monarchie britannique lui impose. Une longue tradition – elle occupe le trône depuis
1952 – veut que le format du message royal ne change guère au cours du temps.
40 F. REYNAERT, op. cit. (38), p. 43.
33
Conclusion partielle
Cette première partie de notre étude comparative nous a permis d’identifier des élé-
ments caractéristiques des vœux de fin d’année dans chacun des trois pays étudiés. Ce
premier regard sur la forme des discours et les éléments « types » récurrents dans
chaque pays nous permettront par la suite d’étudier le contenu, c’est-à-dire les thèmes
abordés, dans ces mêmes discours.
Pour résumer les enseignements de l’analyse de ces discours sous l’angle de leur
forme, nous pouvons constater que le système politique, les traditions historiques et les
conditions sociétales influencent de manière importante les discours de vœux de fin d’an-
née. En France, celui qui est le « Président de tous les Français » prononce un discours
qui se veut rassembleur et pourrait être considéré comme l’incarnation de l’habitus répu-
blicain. En Allemagne, un chef de l’État politiquement peu influent et un chef de gouver-
nement tout-puissant s’expriment tous les deux devant les caméras avec, pour chacun,
une mise en scène reflétant une réalité constitutionnelle complexe. Enfin, au Royaume-
Uni, la Reine s’exprime devant les citoyens des Royaumes du Commonwealth en évitant
tout message politique.
Ces analyses qui précèdent nous ont permis de définir le cadre dans lequel intervien-
nent les interventions de ces chefs de l’État et de gouvernement au moment des vœux
de fin d’année. Ce cadre est fortement influencé par le positionnement politique et cons-
titutionnel du personnage politique en question, comme l’a suggéré notre première hypo-
thèse. Par la suite, nous nous intéresserons plus précisément aux thèmes qui sont abor-
dés dans ces discours, tout en gardant à l’esprit le contexte identifié précédemment ainsi
que la perspective d’une analyse globale de l’image institutionnelle transportée par les
discours. La dernière partie de notre étude sera consacrée à l’analyse de cette image.
34
2. LE CONTENU DES DISCOURS : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE ENTRE AC-
TUALITÉ POLITIQUE ET COHÉSION NATIONALE
Introduction partielle
Cette deuxième partie de notre étude est consacrée à une analyse de contenu stricto
sensu, avec pour objectif d’analyser les thèmes abordés dans les discours formant notre
corpus. Il s’agit notamment d’identifier les « unité[s] de signification qui se dégage[nt]
naturellement d’un texte analysé41 ». Dans ce but, notre démarche consiste à dégager
des « règle[s] de découpage (du sens, non de la forme)42 » afin de simplifier l’analyse du
corpus constitué de quarante discours.
Pour chacun des trois pays retenus pour notre étude, nous avons procédé à une ana-
lyse structurante nous permettant d’identifier la manière dont les acteurs politiques con-
cernés évoquent des thèmes, qu’ils apparaissent de façon récurrente ou au contraire
unique au sein du corpus. Afin de permettre une comparaison effective des quatre types
de discours analysés, la définition d’un nombre de catégories nous permettra de « fournir
par condensation une représentation simplifiée des données brutes43 ».
Très concrètement, nous identifierons des grands thèmes rhétoriques pour chacun de
ces quatre personnages politiques. Cette démarche de simplification a pour objectif de
dégager, sur l’ensemble de la période étudiée, les grandes tendances en matière de
thèmes abordés. Nous constaterons ainsi qu’un certain nombre de thèmes se répètent
quasiment chaque année, tandis que d’autres émergent en fonction de l’actualité poli-
tique et sociétale de l’année écoulée. Avec en tête les bases politiques et constitution-
nelles rappelées dans notre première partie, nous relèverons que le positionnement po-
litique d’un acteur donné influence la manière dont il présente ses vœux de fin d’année.
Cette démarche s’inscrit dans le contexte global de notre problématique qui consiste
à dire – et nous conclurons là-dessus dans notre dernière partie – que les discours de
vœux sont révélateurs d’une certaine image institutionnelle.
41 L. BARDIN, op. cit. (4), p. 136. 42 Ibid., p. 137. 43 Ibid., p. 152.
35
2.1. En France : Des vœux entre réaffirmation des valeurs de la République et com-
mentaire de l’actualité politique
Les vœux du Président français reflètent bien le positionnement que la Constitution de
1958 lui accorde. Étant à la tête de l’État et élu par suffrage universel pour une majorité
des votants, il est l’incarnation de la République et ses valeurs. Son message du 31 dé-
cembre est avant tout un message rassembleur en faveur de la cohésion nationale. En
regardant de près les thèmes qu’il retient, nous constatons qu’ils s’inscrivent pour une
large partie dans cette catégorie. Au sein de cette catégorie, nous retrouvons des réfé-
rences diverses et variées : les évènements qui ont marqué l’année, les références his-
toriques, la solidarité et surtout les valeurs de la République. Ces dernières jouent un rôle
central dans le discours présidentiel qui se termine – comme nous le savons tous – par
la formule coutumière « Vive la République ! Vive la France » que l’on retrouve dans l’en-
semble de notre corpus de discours.
Attardons-nous un instant sur les valeurs de la République : la référence à celles-ci
peut être faite de diverses manières : par exemple, en 2005, le Président Chirac a appelé
au « refus du communautarisme », au « respect dû à chacun », au « respect de la
laïcité » et à la « lutte contre les discriminations44 » dans un contexte de fortes tensions
dans les banlieues françaises. Le rappel des valeurs de la République et leur déclinaison
peut ainsi se faire par rapport à un contexte d’actualité, mais il peut également se faire
par simple volonté d’affirmation abstraite, comme le fait Jacques Chirac un an plus tard :
Je voudrais vous dire ce soir quels en sont, à mes yeux, les enjeux majeurs. Le premier, c'est l'unité et le rassemblement autour des valeurs qui font la France : la liberté, l'humanisme, le respect, et notamment le respect de la diversité et des différences, la laïcité, le combat contre le racisme, l'antisémitisme, le communau-tarisme45.
En 2010, Nicolas Sarkozy, dans le contexte du débat sur l’interdiction du voile intégral,
rappelle également « nos principes républicains les plus chers » en se référant notam-
ment à la laïcité, à l’égalité des chances, à la liberté et au « respect que chacun doit aux
autres46 ».
44 Toutes les citations sont issues de la Déclaration radiotélévisée de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la politique gouvernementale en faveur de l'emploi et de l'intégration sociale, à Paris le 31 décembre 2005, in http://discours.viepublique.fr/notices/067000007.html (01/02/2016). 45 Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les priorités de la politique gouverne-mentale, à Paris le 31 décembre 2006, in http://discours.viepublique.fr/notices/077000005.html (01/02/2016). 46 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2010, en particulier la crise économique et financière et les réformes engagées en France, le 31 décembre 2010, in http://dis-cours.viepublique.fr/notices/117000001.html (01/02/2016).
36
Les valeurs de la République, constante de la vie politique française, sont aussi solli-
citées au service de la politique étrangère de la France, comme l’a fait François Hollande
en 2013 :
La République, elle n'est pas négociable. Les lois ne sont pas négociables. Le modèle français n'est pas davantage négociable. Parce que c'est lui qui nous permet d'avancer, génération après génération. Ces valeurs, toutes ces valeurs de la République, nous les affirmons aussi dans le monde. La France est toujours au premier rang, et j'en suis fier, au service de la paix. C'est son honneur. C'est son devoir. C'est pourquoi nous sommes intervenus au Mali, pour lutter contre le terrorisme47.
Le Président de la République, en se référant aux valeurs de la République, se posi-
tionne comme garant de la Constitution, comme l’exige au demeurant l’article 5 de cette
dernière48. La référence aux valeurs de la République sert également à rassembler la
Nation, à créer de la cohésion sociale et à raviver un certain ersatz de cette religion qui
est bannie de la vie politique française depuis la loi de séparation des Églises et de l’État
de 1905.
Le lien fait par le Président Hollande entre la préservation des valeurs de la République
et l’engagement des forces à l’étranger nous mène à un champ politique traditionnelle-
ment occupé par le Président de la République : la politique étrangère. Dans une large
majorité des discours étudiés, il est question de politique étrangère et/ou d’affaires euro-
péennes. Le message porte très souvent sur deux volets : Le premier consiste à souligner
l’importance de la France sur la scène internationale, sachant que la France dispose
toujours de sa « force de frappe » nucléaire et d’un siège permanant au sein du Conseil
de sécurité des Nations-Unies. En outre, elle est engagée pour la résolution de nombreux
conflits internationaux et assume ce que Jacques Chirac appelait en 2006 des « respon-
sabilités particulières dans le monde » car « la vocation de la France et son honneur,
c’est d’affirmer sa voix avec force et avec indépendance pour la paix et la justice49. » Huit
ans plus tard, le Président Hollande, dans son discours de vœux, répète quasiment la
même phrase en l’adaptant à un contexte géopolitique différent : « La France, c’est une
47 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale, à Paris le 31 décembre 2013, in http://discours.viepublique.fr/notices/147000013.html (01/02/2016). 48Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonc-tionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. 49 Toutes les deux citations sont issues de la Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les priorités de la politique gouvernementale, à Paris le 31 décembre 2006, op. cit. (45).
37
diplomatie active, qui cherche inlassablement la solution à des conflits comme en Ukraine
où je me suis impliqué personnellement, ou au Proche-Orient50. »
En même temps, et cela est un autre leitmotiv des discours présidentiels, l’importance
de l’Europe est souvent mise en avant, surtout lorsque les enjeux du temps exigent de
trouver des solutions communes à des défis politiques qui concernent l’ensemble des
Etats membres de l’Union. Dans un contexte d’afflux massive de réfugiés en Europe,
François Hollande appelle en 2015 à définir des actions communes pour cet enjeu ma-
jeur :
Face à l’afflux des réfugiés provoqué par les conflits, l’Europe doit être capable de sécuriser ses frontières et d’accueillir ceux qui demandent l’asile tout en rac-compagnant dans la dignité ceux qui n’en relèvent pas. C’est un défi majeur ou alors ressurgiront les murs que l’on croyait abattus par l’Histoire51.
Il semble alors, et on le retrouvera en analysant les discours de la Chancelière alle-
mande, que le chef de l’État et le ministre des Affaires étrangères sont en concurrence
l’un avec l’autre sur la définition de la politique étrangère du pays.
L’implication et l’engagement du Président de la République ne sont pas limités au
« front extérieur » : il intervient aussi sur le « front intérieur », en évoquant notamment la
situation économique du pays.
Il est possible de considérer – mais ce n’est pas le sujet principal de notre étude – les
discours de vœux comme des indicateurs de la situation économique en général et de la
situation sur le marché de l’emploi en particulier. La manière dont ce sujet, évoqué dans
la quasi-totalité des discours étudiés, est traité évolue entre le début et la fin de la période,
témoignant d’une dégradation progressive de l’économie française. Ainsi, Jacques Chi-
rac, dans son discours de 2006, le dernier de son mandat, en tirant une sorte de bilan de
sa politique, déclare « le chômage baisse fortement : déjà 360 000 chômeurs de moins.
La croissance est là et elle est solide52. » En 2014, dans le discours de vœux de François
Hollande, le ton a considérablement changé car la France souffrait encore des consé-
quences de la crise économique et financière de 2008. On l’entend dire alors :
50 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale pour l'année 2015, à Paris le 31 décembre 2014, in http://discours.viepublique.fr/no-tices/157000036.html (01/02/2016). 51 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la France face au terrorisme, la lutte contre le chômage et sur la construction européenne, à Paris le 31 décembre 2015, in http://dis-cours.viepublique.fr/notices/167000017.html (01/02/2016). 52 Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les priorités de la politique gouverne-mentale, à Paris le 31 décembre 2006, op. cit. (45).
38
je pense ce soir aux familles qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants face au chômage et parfois même face à l’exclusion. Et je veux en finir avec le déni-grement et le découragement53.
Les Présidents de la République, et cela est aussi vrai pour d’autres acteurs politiques
prenant la parole en fin d’année, ne sont pas en mesure de prédire le futur : leurs discours
sont voués à demeurer des documents « historiques » témoignant de leur époque.
Il y a peut-être un thème qui persiste au-delà des évolutions politiques et écono-
miques : le besoin de réformer. Pour la période étudiée, ce « besoin de réforme » est un
fil rouge des discours, quelle que soit la couleur politique du Président de la République.
En commençant par la réforme de la protection sociale (2005, 2006), en passant par
« l’urgence des réformes qui attendent depuis 20 ans ou 30 ans54 » (2007) ou même les
réformes « vitales pour notre avenir55 » (2008), on arrive finalement à « des réformes
pour rétablir nos comptes publics56 » (2013). Le champ des réformes nécessaires semble
s’élargir, et c’est le Président de la République en personne qui porte ces réformes. Dans
une période de convergence politique entre le Président de la République et la majorité
parlementaire, le chef de l’État semble être dans une position lui permettant de définir les
grands axes de réforme pour le pays.
En regardant de près ces discours, nous pouvons constater que le Président ne s’érige
pas en seul décideur des politiques publiques. Les discours de vœux sont aussi un mo-
ment où il affirme l’étroite collaboration avec le Gouvernement. Parfois, le discours du
Président se lit comme un cahier des charges. C’est dans ce sens-là qu’il faut com-
prendre la phrase de Jacques Chirac qui charge son gouvernement, peu avant les élec-
tions de 2007, à s’engager pour la construction de logements. Ainsi, le Président de-
mande au Gouvernement d’agir
pour mettre en place un véritable droit au logement opposable, c’est-à-dire faire du droit au logement une réalité. Et je demande au Gouvernement d’avancer sur ce point dans les toutes prochaines semaines57.
53 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale pour l'année 2015, à Paris le 31 décembre 2014, op. cit. (50). 54 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes mises en œuvre et les priorités pour 2008, à Paris le 31 décembre 2007, in http://discours.viepublique.fr/notices/087000012.html (01/02/2016). 55 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2008, en particulier l'action de la France à la présidence de l'UE au moment de la crise financière mondiale, et sur les défis annoncés pour 2009 notamment en terme d'emploi, à Paris le 31 décembre 2008, op. cit. (12). 56 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale, à Paris le 31 décembre 2013, op. cit. (47). 57 Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les priorités de la politique gouverne-mentale, à Paris le 31 décembre 2006, op. cit. (45).
39
Nicolas Sarkozy, dans ses vœux de 2008 et dans un contexte de crise financière,
s’essaye même à faire un métadiscours concernant l’étroite collaboration entre les pou-
voir publics :
Mes chers compatriotes, toutes ces réformes, je les mènerai avec le Premier ministre François Fillon et le gouvernement, non par esprit de système mais parce qu’elles sont la condition qui permettra à la France de se faire une place dans ce nouveau monde qui se construit58.
Dans un registre de réformes et de transformation du pays, François Hollande engage
son jeune ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, à réformer l’économie de la
France :
La France est donc capable de se transformer et je sais que vous y êtes prêts. Et c’est ce que nous allons faire encore en 2015. D’abord avec la loi que va présenter le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, dès le mois de janvier. Elle va libérer les initiatives, casser les rentes, libérer les énergies, l’activité, dé-velopper l’emploi, simplifier la vie des entreprises tout en protégeant les sala-riés59.
Pour le Président de la République, son discours de vœux est alors l’occasion d’expo-
ser son programme politique pour l’année à venir et de revenir sur les points forts qui ont
marqué l’année écoulée. Il accorde une attention particulière à la politique étrangère, à
ce qu’on peut appeler aussi le rayonnement de la France, et à la situation économique
du pays.
Au-delà de l’actualité politique, certains éléments de discours semblent être incontour-
nables dans ces vœux de fin d’année : une pensée pour les plus défavorisés et pour les
soldats. Dans un souci de cohésion et de solidarité nationale, les vœux de fin d’année
sont l’occasion d’avoir « une pensée particulière pour les plus fragiles […], pour les per-
sonnes seules, pour les démunis et pour toutes les victimes des drames qui se sont pro-
duits60 » dans l’année écoulée en n’oubliant bien sûr pas « nos soldats qui passent cette
fin d’année loin de leur famille en risquant leur vie pour défendre nos valeurs et notre
liberté61. » Le soir du réveillon de la Saint-Sylvestre, les Français se rapprochent – au
moins dans le discours du Président de la République. D’ailleurs, nous retrouverons cet
58 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2008, en particulier l'action de la France à la présidence de l'UE au moment de la crise financière mondiale, et sur les défis annoncés pour 2009 notamment en terme d'emploi, à Paris le 31 décembre 2008, op. cit. (55). 59 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale pour l'année 2015, à Paris le 31 décembre 2014, op. cit. (50). 60 Ibid. 61 Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2010, en particulier la crise économique et financière et les réformes engagées en France, le 31 décembre 2010, op. cit. (46).
40
élément rhétorique dans les discours allemands et britanniques que nous traiterons dans
les deux sous-parties suivantes.
Il est dès lors possible de récapituler les thèmes abordés par le Président de la Répu-
blique de la manière suivante :
Thèmes abordés par le Président de la République Années
Retour sur l’actualité de l’année passée 2005-2006, 2008-2015
La situation économique et sur le marché de l’emploi 2005-2006, 2008-2015
La politique étrangère/les affaires européennes 2005-2006, 2008-2015
L’étroite collaboration entre le Président et le Gouvernement 2006, 2008, 2009-2012,
2014-2015
Le besoin de « réformer » le pays 2005-2015
Les valeurs de la République 2005-2006, 2009-2010,
2012-2015
Pensées aux soldats engagés à l’étranger 2005-2015
Pensées aux soldats morts pour la nation 2008, 2012-2013
Pensées aux plus défavorisés 2005-2010, 2012-2014
Tableau 7 : Thèmes abordés par le Président de la République
Pour résumer, nous avons pu identifier les éléments qui font un discours de vœux du
Président français : un bilan politique et économique de l’année écoulée, avec une pen-
sée particulière pour la cohésion sociale et les plus fragiles, sans oublier les enjeux de
politique étrangère.
41
2.2. En Allemagne : Des vœux entre réflexion personnelle et cohésion sociale
En Allemagne, deux personnages politiques s’expriment pour les fêtes de fin d’année,
chacun respectant le rôle que la Loi fondamentale lui réserve. Même si un spectateur
pourra dire que les discours se ressemblent pour une large partie, on constate, en les
analysant plus avant, que les thèmes abordés changent en fonction de l’orateur. En gé-
néral, un Président fédéral se garde de s’exprimer sur la politique intérieure et sur la
politique gouvernementale car il est censé demeurer au-dessus des débats politiques du
quotidien. En revanche, le Chancelier, dans son rôle de chef de gouvernement, profite
de cette occasion pour aborder les enjeux majeurs de la politique gouvernementale pour
l’année passée et l’année à venir.
L’analyse des vœux du Président fédéral, qui s’exprime la veille de Noël, nous permet
d’identifier deux messages principaux. Premièrement, il formule un message rassem-
bleur en faveur de la cohésion sociale et du vivre-ensemble. Deuxièmement, il fait part
d’un message plus personnel, quasiment intime, en parlent de l’année qu’il a vécu et de
l’importance des valeurs telles qu’elles sont transportées par les fêtes de fin d’année. S’y
ajoute une affirmation des valeurs de la République (même si ce terme n’existe pas en
allemand) et de la démocratie parlementaire instaurée par la Loi fondamentale de 1949 :
il incombe en effet au Président fédéral de préserver la freiheitlich-demokratische Grun-
dordnung [ordre fondamental libre et démocratique62] en s’assurant de la conformité des
lois à la Loi fondamentale.
L’objectif premier d’un discours présidentiel est ainsi de créer un sentiment de cohé-
sion nationale en soulignant les bénéfices du vivre-ensemble pour la société allemande.
Horst Köhler, en 2005, déclare :
Wir wissen: gemeinsam sind wir stark. Wenn wir zusammenstehen, offen für Ideen sind, hart arbeiten, einander zuhören und helfen, dann können wir auch diejenigen von uns wieder in unsere Mitte holen, die am Rand stehen und sich einsam und schlecht fühlen. Unsere Gedanken sind bei Ihnen63.
En 2011, le Président Wulff, dans ses vœux, élargit le champ du vivre-ensemble à
l’engagement des bénévoles qui sont présents à ses côtés au château de Bellevue le
62 On désigne par cette expression les principes fondamentaux de l’état de droit en Allemagne, dont le droit de vote, le caractère ferme des lois, le droit de former une opposition, la responsabilité du gouvernement devant le parlement, l’indépendance de la juridiction, l’interdiction du despotisme et les droits de l’Homme. 63 Weihnachtsansprache 2005 des Bundespräsidenten über Hörfunk und Fernsehen, in Bulletin der Bun-desregierung, No 104-1 du 24 décembre 2005. « Nous le savons : c’est ensemble que nous sommes forts. Si on est solidaires, ouverts aux idées des autres, si on travaille dur, écoute et aide les autres, on peut ramener les gens de nouveau vers le centre, ceux qui sont à la périphérie, et ceux qui se sentent seuls et mal. Nos pensées sont pour eux. » [Traduction M.G.]
42
soir des vœux comme nous l’avons souligné dans notre première partie. D’ailleurs, les
remerciements adressés aux bénévoles, c’est-à-dire à ceux qui s’engagent pour la cohé-
sion sociale, est un élément incontournable pour les vœux présidentiels allemands, en
tous cas pour la période étudiée ici. Christian Wulff explique alors à son audience : « Sie
helfen Mitmenschen und stiften Zusammenhalt, der unsere Gesellschaft letztlich trägt.
Auf diesen Zusammenhalt wird es auch weiterhin entscheidend ankommen64. »
Nous constatons à travers ces discours présidentiels que la cohésion sociale et la
bonne gestion des problèmes sociaux font l’objet d’un effort collectif de la société alle-
mande. Cela était d’autant plus vrai au moment où l’Allemagne a connu un afflux massif
de réfugiés, à savoir au deuxième semestre 2015. Le Président Joachim Gauck, dans
ses vœux, saluait donc l’engagement exceptionnel de ceux qui ont fait face à ce défi
sociétal.
Wir standen und stehen vor einer besonders großen Herausforderung. Wo die Behörden an ihre Grenzen kamen, haben Sie, liebe Mitbürgerinnen und Mitbür-ger, die Menschen willkommen geheißen. Spontan und wie selbstverständlich. Tausendfach haben Sie Essen und Trinken, Decken und Kleidung gebracht, Sprachkurse organisiert und Unterstützung bei Behördengängen geleistet65.
La vie en société se construit non seulement par l’entraide, mais également par le
débat politique. Une société démocrate vit de la confrontation des positions des uns et
des autres. Par contre, elle ne peut pas tolérer la violence et les incivilités, comme le
soulignent à plusieurs reprises les Présidents dans leurs discours. Dans un contexte où
l’accueil massif des réfugiés fait débat et bénéficie à certains mouvements d’extrême-
droite, Joachim Gauck réaffirme fortement son rôle de gardien des libertés publiques en
rappelant en 2015 :
Gegenwärtig belastet viele zwar die Heftigkeit der Debatte. Aber lassen Sie mich daran erinnern: Der Meinungsstreit ist keine Störung des Zusammenlebens, son-dern Teil der Demokratie. Lassen Sie uns einen Weg beschreiten heraus aus falschen Polarisierungen66.
64 Weihnachtsansprache 2011, in Bulletin der Bundesregierung, No 139-1 du 25 décembre 2011. « Ils aident leurs semblables et donnent de la cohésion qui font finalement notre société. Cette cohésion comptera davantage encore pour notre société. » [Traduction M.G.] 65 Weihnachtsansprache 2015, in Bulletin der Bundesregierung, No 167-1 du 25 décembre 2014. « Nous nous trouvions et nous nous trouvons devant un défi majeur : là où les administrations ont atteint leurs limites, vous avez, chères concitoyennes et chers concitoyens, accueilli les gens. De manière spon-tanée et comme quelque chose allant de soi. Des milliers de fois, vous avez amené de quoi à manger et à boire, des couvertures et des vêtements, vous avez organisé des cours de langue et apportez assistance lors des démarches administratives. [Traduction M.G.] 66 Ibid. « À l’heure actuelle, la vivacité du débat est pesante pour beaucoup de monde. Mais permettez-moi de rappeler : la controverse n’est une défiance du vivre-ensemble, mais elle fait partie de la démocratie. Lais-sez-nous trouver un chemin pour sortir des faux durcissements du débat. » [Traduction M.G.]
43
Horst Köhler, en définissant la bonne gouvernance des politiques publiques, souligne
également l’importance d’un débat ouvert et sincère. « Aber wir dürfen nicht erwarten,
dass es immer ohne Streit abgeht. Fairer Streit um die Sache und Ringen um vernünftige
Kompromisse sind in der Demokratie unerlässlich67. »
Le ton des vœux, focalisés sur la cohésion sociale et la préservation des libertés pu-
bliques, est complété par un ton beaucoup plus personnel, quasiment intime, qui amène
le Président fédéral à évoquer le message inhérent aux fêtes de fin d’année, un message
de paix et de repos. En se référant à la Nativité, les Présidents considèrent les fêtes de
fin d’année, où l’on se retrouve traditionnellement en compagnie de sa famille et de ses
amis, comme un temps d’apaisement, de relâchement, permettant de prendre du recul
après une année chargée. Citons à titre d’exemple, le Président Christian Wulff, qui dit
dans ses vœux de 2011 :
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger, liebe Gäste hier im Schloss Bellevue, Weih-nachten ist das Fest des Friedens und der Gemeinschaft. Jede Gemeinschaft braucht Zeit. Das gilt für Partnerschaften, für Familien und für Freundschaften. Nehmen wir uns alle diese Zeit füreinander68.
Ne s’exprimant quasiment pas sur la politique intérieure, le Président fait par contre
des allusions à la politique étrangère. Même si la Loi fondamentale ne prévoit pas une
intervention du chef de l’État dans les affaires politiques courantes, il représente l’Alle-
magne à l’étranger et c’est pour cette raison qu’il voyage à travers le monde. Le choix de
ses destinations, certainement arrêté après un arbitrage du ministère des Affaires étran-
gères et de la Chancellerie, est un moyen pour le Président de définir les priorités de son
mandat. Même si ces déplacements sont couverts par les médias, le Président juge par-
fois nécessaire de partager les enseignements qu’il a tirés de ces visites à l’étranger au
moment des vœux. A l’occasion de ses premiers vœux, le Président Gauck évoque son
déplacement en Afghanistan « Vor wenigen Tagen bin ich aus Afghanistan
zurückgekehrt. […] Eine solche Reise führt dem Besucher vor Augen, wie kostbar der
Frieden ist, der seit über 60 Jahren in Europa herrscht69. »
67 Weihnachtsansprache 2006, in Bulletin der Bundesregierung, No 131-2 du 25 décembre 2006. « Nous ne devons pas attendre que cela se passe sans polémique. Une polémique sincère sur le sujet et la recherche de compromis raisonnables sont indispensables en démocratie. » [Traduction M.G.] 68 Weihnachtsansprache 2011, op. cit. (64). « Chères concitoyennes, chers concitoyens, chers invités au château de Bellevue, Noël est la fête de la paix et la communauté. Chaque communauté a besoin de temps. Cela est valable pour les couples, les familles et les amitiés. Prenons du temps l’un pour l’autre. » [Traduction M.G.] 69 Weihnachtsansprache 2012, in Bulletin der Bundesregierung, No 122-1 du 25 décembre 2012. « Il y a quelques jours, je suis rentré de l’Afghanistan. […] Un tel voyage ouvre les yeux du visiteur sur le fait que la paix qui règne en Europe depuis plus de 60 ans est précieuse. » [Traduction M.G]
44
Résumons les thèmes abordés par les Présidents fédéraux dans leurs discours de
vœux :
Thèmes abordés par le Président fédéral Années
La cohésion sociale 2005-2013, 2015
Préserver les valeurs constitutionnelles 2005-2006, 2011, 2014-
2015
Noël comme temps de repos et de paix 2005-2007, 2010-2015
Ses déplacements 2005, 2007-2008, 2010-
2013
Le développement international 2008-2011, 2015
L’intégration européenne 2010-2012, 2015
L’accueil des réfugiés 2012-2015
La mémoire collective 2009, 2013-2015
Le football 2005-2006, 2014
Pensées aux soldats engagés à l’étranger 2005-2015
Remerciements aux bénévoles 2005-2015
Pensées aux personnes travaillant pendant les fêtes 2005-2008, 2014
Tableau 8 : Thèmes abordés par le Président fédéral
Le Président allemand, dont le rôle est essentiellement protocolaire, conserve cepen-
dant deux moyens pour exercer son pouvoir et pour définir son programme de mandat :
le pouvoir de prendre la parole – nous analysons une sélection de ses discours dans la
présente étude – et celui de voyager à travers le monde. Ses choix de destination et les
enseignements qu’il en tire attirent l’attention du monde politique allemand70.
Les priorités de la Chancelière sont différentes. Ses vœux reflètent le caractère beau-
coup plus « opérationnel » de sa fonction. Élue par la majorité du Bundestag, elle est à
la tête du gouvernement fédéral et par conséquent, ses préoccupations, même en fin
70 Finalement, le grand public est assez sensible aux interventions du Président. Rappelons les propos qu’a tenus le Président Horst Köhler devant des journalistes dans un avion en rentrant de l’Afghanistan où il justifiait la nécessité de mener des opérations militaires pour des raisons économiques. La réaction des médias et de la classe politique l’ont amené à démissionner neuf jours plus tard.
45
d’année, sont de nature beaucoup plus politique. Cela ne l’empêche pas de donner à ses
discours une petite « touche » personnelle en parlant de son propre parcours, qui a été
marqué, comme celui de Joachim Gauck d’ailleurs, par une première partie de vie passée
en RDA.
Un sujet majeur, et elle en est certainement jugée par beaucoup d’observateurs, est
la situation économique du pays et elle ne cache pas qu’elle en fait une priorité de son
mandat. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre son premier discours de vœux de 2006,
dans lequel elle affirme « Und dabei ein Ziel fest im Blick : unser Land in zehn Jahren
wieder an die Spitze Europas zu führen, und zwar weil jeder von uns ganz persönlich
etwas davon hat71. » En regardant l’ensemble de la période étudiée et le contexte éco-
nomique européen, on pourrait voir cette phrase comme un pronostic devenu une réalité
dix ans plus tard. Par contre, le monde a été touché par la crise financière entre-temps
et c’est dans ce contexte qu’Angela Merkel déclare le 31 décembre 2008, trois mois et
demi après le déclenchement de la crise, que
Der Staat ist der Hüter der wirtschaftlichen und sozialen Ordnung. Der Wettbe-werb braucht Augenmaß und soziale Verantwortung. Das sind die Prinzipien der sozialen Marktwirtschaft72.
Dans un temps marqué par un sentiment d’insécurité, Angela Merkel cherche à rassu-
rer la population en se référant au principe de l’économie sociale du marché, principe
fondateur de l’économie ouest-allemande depuis que Ludwig Erhard a été nommé mi-
nistre de l’Économie en 1949. Elle assume alors une position de protectrice de la nation,
dont les auditeurs doivent comprendre qu’elle se soucie de la situation de ceux qui sont
plongés dans la précarité. Dans son discours de 2016 et après avoir passé l’épreuve de
la crise financière et économique, elle se félicite des bons indicateurs économiques cen-
sés prouver le succès de sa politique en faveur de l’emploi et devant montrer à ses audi-
teurs qu’avec un effort commun, un certain succès (économique) est accessible à un
grand nombre. Dans le contexte d’un afflux massif de migrants, ce message se veut ras-
surant pour conjurer la peur que certains ressentent.
Wir sind als Nation zusammengewachsen. Wir haben die niedrigste Arbeitslosig-keit und die höchste Erwerbstätigkeit des geeinten Deutschlands. Der Bund hat schon zwei Jahre nacheinander keine neuen Schulden gemacht. Die Reallöhne
71 Neujahrsansprache 2006, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2006. « Et en même temps, avoir fermement un but en vue : reconduire le pays à la pointe de l’Europe et cela parce que chacun d’entre nous en profite personnellement. » [Traduction M.G.] 72 Neujahrsansprache 2009, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2009. « L’État est le gardien de l’ordre économique et social. La concurrence a besoin de mesure et de respon-sabilité sociale. Ce sont les principes de l’économie sociale du marché » [Traduction M.G.]
46
wachsen, die Wirtschaft ist robust und innovativ. Ich bin überzeugt: Richtig ange-packt ist auch die heutige große Aufgabe des Zuzugs und der Integration so vieler Menschen eine Chance von morgen73.
Un autre sujet d’importance pour la Chancelière est la politique extérieure. En œuvrant
elle-même pour les intérêts européens et internationaux, elle agit en tant que suppléante
du ministre des Affaires étrangères. Grâce au « principe du Chancelier », elle a autorité
sur ses ministres et peut influencer leurs actions. Angela Merkel, dans ces vœux, sou-
ligne notamment l’importance d’une Europe solidaire et œuvrant de manière commune
et coordonnée. Elle déclare ainsi dans son discours pour 2006, alors que l’Allemagne se
prépare à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne :
Wir sind ein geachteter und verlässlicher Partner in Europa und der Welt. « Eu-ropa gelingt gemeinsam » - das ist das Motto unserer morgen beginnenden eu-ropäischen Ratspräsidentschaft. Und ich füge hinzu: Europa gelingt nur gemein-sam. Nur ein einiges Europa kann die Herausforderungen von Globalisierung, also weltweitem Handel, aber auch von Gewalt, Terror und Krieg annehmen. Ein gespaltenes Europa ist zum Scheitern verurteilt74.
La politique internationale sert non seulement de prisme prospectif pour la Chance-
lière, mais également à faire un résumé de l’année passée. Le 31 décembre 2011, elle
introduit son discours avec une énumération des évènements internationaux ayant mar-
qué l’année passée :
Anfang dieses Jahres begannen die Menschen in Nordafrika und Nahost in ihrer Region die politische Ordnung entscheidend zu verändern. Im März wurde Japan von einem gewaltigen Erdbeben, einer furchtbaren Flutwelle und in der Folge einer verheerenden Reaktorkatastrophe heimgesucht75.
En commençant à parler des enjeux internationaux, la Chancelière introduit des défis
d’ordre national : en 2014 et 2015, la référence aux conflits au Moyen-Orient lui a servi
de transition pour souligner ensuite les efforts faits, en Allemagne, pour accueillir les ré-
fugiés.
73 Neujahrsansprache 2016, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2016. « Nous nous sommes unis en nation. Nous avons le chômage le plus bas et l’emploi le plus élevé de l’Allemagne unifiée. L’État fédéral n’a pas fait de dettes deux ans à la suite. Les salaires réels augmentent, l’économie est robuste et innovante. J’en suis convaincu : abordée correctement, le grand défi actuel de l’arrivée et de l’intégration d’autant de gens est une chance pour demain. » [Traduction M.G.] 74 Neujahrsansprache 2007, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2007. « Nous sommes un partenaire estimé et digne de confiance en Europe et dans le monde : « L’Europe réussit ensemble » - C’est le slogan de notre présidence européenne qui commencera demain. Et j’y ajoute : l’Europe ne réussit qu’ensemble. Seulement une Europe unifiée peut répondre au défi de la mon-dialisation, c’est-à-dire du commerce international, mais de la violence, du terrorisme et de la guerre. Une Europe divisée est condamnée à l’échec. » [Traduction M.G.] 75 Neujahrsansprache 2012, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2012. En début d’année, les gens en Afrique du Nord et en Moyen-Orient ont commencé à changer de manière considérable le régime politique dans leur région. En mars, le Japon a été éprouvé par un séisme violent, par un raz de marée terrible et par la suite, par une catastrophe nucléaire dévastatrice. » [Traduction M.G.]
47
Au-delà de ces thèmes de « fond », la Chancelière adresse avant tout un message
personnel à la population. Elle utilise ici deux moyens rhétoriques : elle évoque, de ma-
nière récurrente, ses projets personnels pour l’année à venir et elle se réfère à des mo-
ments clés de l’histoire allemande contemporaine. Ces deux thèmes lui permettent de
souligner ces priorités personnelles et de mettre en avant son propre parcours, fortement
marqué par la division de l’Allemagne.
Dans cette logique, elle nous confie le 31 décembre 2006 qu’elle profite du nouvel an
pour se détacher – ne serait-ce que pour quelques heures – du « tam-tam » du quotidien :
Das beginnt übrigens bei jedem von uns ganz persönlich: zum Beispiel mit einem Gespräch, einem ausgedehnten Spaziergang, einem Besuch oder indem wir mal das Handy ganz bewusst ausschalten, auch wenn dies manchem, wie zum Bei-spiel auch mir, zunächst einmal ungewohnt erscheinen mag. Sie werden sehen, wie gut all das für das Miteinander ist76.
La stratégie communicationnelle employée par Angela Merkel a certes comme effet
que son audience s’identifie plus facilement avec le chef du gouvernement allemand,
mais l’effet inverse est également possible. Parfois, ses objectifs personnels pour l’année
à venir paraissent peu plausibles et l’on a plutôt l’impression d’entendre la voix de son
conseiller de communication quand la Chancelière déclare qu’en 2014, elle souhaite
« mehr an die frische Luft kommen77 ». On a du mal à s’imaginer la Chancelière en train
de se balader dans Berlin-Mitte après une longue journée de travail…78
Un autre thème évoqué par la Chancelière évoque dans le double objectif de person-
naliser son discours et de créer davantage de cohésion nationale est la référence à l’his-
toire partagée avec ses compatriotes : la mémoire collective de moments heureux de
l’histoire récente du pays. En toute première ligne figure bien évidemment la chute du
mur et la réunification de 1990, qui ont permis aux Allemands de l’Est, dont la Chance-
lière, de faire tomber le régime socialiste de Berlin-Est. Notons que l’année 2014 a été,
pour les Européens et particulièrement pour les Allemands, marquée par des anniver-
saires importants : le centenaire de la Grande guerre, les 75 ans de la Seconde Guerre
76 Neujahrsansprache 2007, op. cit. (74). « Il [= le nouvel an] commence pour chacun d’entre nous de manière très personnelle : par exemple avec une conversation, une longue promenade, une visite ou en éteignant délibérément le portable, même si cela peut paraître, à moi aussi par exemple, inhabituel. 77 Neujahrsansprache 2014, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2014. « de prendre davantage un bol d’air frais » [Traduction M.G.] 78 Notons pour la petite histoire qu’Angela Merkel s’est blessé au bassin en faisant du ski de fond juste quelques jours après avoir prononcé ce discours.
48
mondiale, les 25 ans de la chute du mur. Angela Merkel, dans son discours du 31 dé-
cembre 2013, profite de la période des vœux pour rappeler ces faits historiques ayant
marqué profondément la situation politique, économique et sociale de l’Europe.
Résumons les thèmes abordés par la Chancelière fédérale dans un tableau :
Thèmes abordés par la Chancelière fédérale Années
La situation économique et sur le marché de l’emploi 2006-2016
Les projets politiques pour l’année à venir 2006-2008, 2010-2012
La politique étrangère/les affaires européennes 2006-2012, 2014-2016
La cohésion sociale 2008, 2011, 2013-2016
La politique d’éducation et d’enseignement supérieur 2007-2009, 2011, 2013
L’accueil des réfugiés 2015-2016
La mémoire collective 2006, 2009-2010, 2012,
2014-2016
Le football 2006-2007, 2010-2011,
2015-2016
Pensées aux soldats engagés à l’étranger 2007-2008, 2010-2016
Pensées aux soldats morts pour la nation 2008, 2011
Remerciements aux bénévoles 2008, 2013-2014, 2016
Pensées aux plus défavorisés 2009, 2013-2015
Tableau 9 : Thèmes abordés par la Chancelière fédérale
En Allemagne, se retrouve cette particularité consistant à voir deux personnages poli-
tiques adresser leurs vœux à la nation en fin d’année. Le Président fédéral, s’exprimant
la veille de Noël, souhaite rassembler la nation autour des valeurs promues par la Loi
fondamentale et partager ses réflexions sur les évènements ayant marqué l’année écou-
lée. Le Chancelier, dans son rôle de chef du gouvernement, s’adresse à la nation en
évoquant des sujets politiques de première importance. Ce qui unit finalement ces deux
discours de styles différents est un message personnel, et pour le cas du Président fé-
déral quasiment intime, qu’ils font passer à ce moment particulier de l’année. On com-
prend que les vœux sont un moment clé dans le calendrier politique de l’Allemagne pour
49
œuvrer en faveur de la cohésion sociale, ce qui explique aussi les pensées et remercie-
ments aux plus défavorisés, aux soldats et aux bénévoles.
Et pour terminer cette sous-partie par un stéréotype, n’oublions pas que le football,
sujet unissant et divisant les Allemands, est mentionné par ces deux personnages à plu-
sieurs reprises dans leurs discours de vœux.
50
2.3. Au Royaume-Uni : Des vœux entre tradition chrétienne et cohésion du Common-
wealth
Pour l‘instant, nous avons pu identifier deux types de discours : un discours assez
politisé et influencé par l’actualité politique, et un autre beaucoup moins politisé et dominé
par la réflexion et le recul. En étudiant le cas du Royaume-Uni, nous avons tendance à
le classer dans la deuxième catégorie avec la petite spécificité qu’il s’agit avant tout un
message personnel et chrétien. Ce qui marque surtout les vœux de la Reine du
Royaume-Uni, c’est son caractère quasiment apolitique. Les règles constitutionnelles du
Royaume-Uni imposent au monarque une neutralité politique totale, principe qui s’incarne
dans les discours de vœux. En évoquant des évènements qui ont marqué l’année écou-
lée, la Reine fait passer un message fédérateur. Elle évoque ses rencontres, la vie de la
famille royale, mais avant, elle fait référence au christianisme (rappelons qu’elle est à la
tête de l’Église d’Angleterre) comme source de valeurs.
Élisabeth II, de manière générale, introduit ses discours de vœux par un leitmotiv lié
au message principal qu’elle souhaite faire passer aux peuples du Commonwealth.
Leitmotivs des vœux de la Reine du Royaume-Uni Année
Le tsunami de 2004 2005
Le vivre-ensemble des générations 2006
Les valeurs de la famille 2007
La philanthropie 2008
Les 60 ans du Commonwealth 2009
Les 400 ans de la Bible de Saint-James 2010
La solidarité 2011
Le Jubilé de diamant 2012
La balance entre actions et réflexion 2013
La réconciliation 2014
La tradition du sapin de Noël 2015
Tableau 10 : Leitmotivs des vœux de la Reine du Royaume-Uni
51
Ces leitmotiv peuvent être de nature différente : des anniversaires importants (les 60
ans du Commonwealth, les 400 ans de la Bible de Saint-James, le Jubilé de diamant de
la Reine elle-même), des valeurs dites universelles (le vivre-ensemble, la philanthropie,
la solidarité, la réconciliation). Malgré leur diversité, tous s’inscrivent dans une perspec-
tive de cohésion sociale. En regardant cette liste, nous constatons qu’aucun sujet évoqué
par la Reine n’est d’ordre politique. Elle se sert par contre de ces sujets pour évoquer
des valeurs ayant vocation à unir la nation, voire le Commonwealth. En 2015, elle introduit
son discours en expliquant l’histoire du sapin de Noël, symbole des fêtes de fin d’année
et objet qui fédère les familles dans le monde chrétien :
At this time of year, few sights evoke more feelings of cheer and goodwill than the twinkling lights of a Christmas tree. The popularity of a tree at Christmas is due in part to my great-great grandparents, Queen Victoria and Prince Albert. After this touching picture was published, many families wanted a Christmas tree of their own, and the custom soon spread79.
Dans l’introduction pour ce discours, la Reine réussit à parler à la fois de coutumes de
Noël et de la famille. Elle est l’élément fédérateur dans un pays marqué par des affirma-
tions régionalistes assez fortes. En 2007, elle utilise ce même moyen, mais cette fois-ci
en soulignant son âge avancé lui permettant de prendre du recul par rapport aux chan-
gements de la société :
One of the features of growing old is a heightened awareness of change. To re-member what happened 50 years ago means that it is possible to appreciate what has changed in the meantime. It also makes you aware of what has remained constant. In my experience, the positive value of a happy family is one of the factors of human existence that has not changed. The immediate family of grand-parents, parents and children, together with their extended family, is still the core of a thriving community80.
Dans cette même logique, la Reine du Royaume-Uni se réfère à des évènements his-
toriques avec comme objectif d’appeler à la mémoire collective et finalement, d’unir la
Nation autour de son histoire commune. C’est ainsi qu’elle évoque le centenaire de la
Grande guerre dans son discours de 2014, mais en insistant sur la réconciliation désor-
mais établie entre les anciens ennemis. Elle revient, de manière assez détaillée, sur la
trêve de Noël de 1914 qui a permis aux soldats des deux côtés de passer des fêtes de
fin d’année sans bataille sanglante :
79 The Queen’s Christmas Broadcast 2015, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcast2015.aspx (14/02/2016). 80 The Queen’s Christmas Broadcast 2007, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcast2007.aspx (14/02/2016).
52
In 1914, many people thought the war would be over by Christmas, but sadly by then the trenches were dug and the future shape of the war in Europe was set. But, as we know, something remarkable did happen that Christmas, exactly a hundred years ago today. Without any instruction or command, the shooting stopped and German and British soldiers met in No Man’s Land. Photographs were taken and gifts exchanged. It was a Christmas truce81.
En insistant sur ce qui a unifié les gens pendant la guerre et non pas sur ce qui les a
divisés, elle prononce un message fédérateur et réussit à en tirer des leçons pour notre
temps. Plus loin dans son discours, elle évoque le conflit de l’Irlande du Nord et le refe-
rendum sur le maintien de l’Ecosse au sein du Royaume-Uni. Sans exprimer directement
son opinion, elle arrive quand même à faire passer un message fédérateur et réconcilia-
teur en liant des faits historiques à l’actualité politique de son pays.
En incarnant le Royaume-Uni, Élisabeth II œuvre dans ses discours pour une meilleure
cohésion sociale dans son pays et cela sur deux échelles : premièrement, elle souligne
l’importance de la famille constituant un lieu de repos et de sécurité. La famille royale lui
sert de bon exemple et c’est pour cette raison qu’elle n’hésite pas à évoquer la naissance
de ses arrière-petits-fils ou le soixantième anniversaire de son mariage avec le Prince
Philip, et ce d’autant plus que ces évènements attirent toujours l’attention du public bri-
tannique et international. Deuxièmement, elle évoque des faits historiques décisifs pour
l’histoire du pays, comme par exemple la Grande guerre.
Contrairement aux discours que nous avons analysés dans les sous-parties précé-
dentes, ceux d’Élisabeth II s’adressent à un public au-delà des frontières nationales.
Étant chef de l’État de seize Royaumes du Commonwealth, elle s’adresse à cette com-
munauté héritée du colonialisme britannique. Elle profite alors du soixantième anniver-
saire de cette communauté pour mettre en valeur l’importance du Commonwealth. Elle
explique :
It is sixty years since the Commonwealth was created and today, with more than a billion of its members under the age of 25, the organisation remains a strong and practical force for good. Recently I attended the Commonwealth Heads of Government Meeting in Trinidad and Tobago and heard how important the Com-monwealth is to young people82.
Deux ans plus tard et dans ce même contexte du Commonwealth, Élisabeth II donne
une définition large du terme communauté :
81 The Queen’s Christmas Broadcast 2014, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcast2014.aspx (14/02/2016). 82 The Queen’s Christmas Broadcast 2009, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcast2009.aspx (14/02/2016).
53
Of course, family does not necessarily mean blood relatives but often a descrip-tion of a community, organisation or nation. The Commonwealth is a family of 53 nations, all with a common bond, shared beliefs, mutual values and goals83.
Selon ces explications de la Reine du Royaume-Uni, nous comprenons qu’une com-
munauté existe notamment à cause de l’affirmation de celle-ci par des liens communs,
ces valeurs partagées et des objectifs mutuels. Ses arguments s’inscrivent dans un con-
cept d’une nation moderne où le jus sanguinis n’est plus en vigueur.
La communauté du Commonwealth existe aussi grâce au sport et plus précisément
grâce aux Commonwealth Games qui ont lieu tous les deux ans. Élisabeth II affirme donc
les vertus fédératrices du sport, qui fait oublier les différences entre les nations et les
personnes.
Sport has a wonderful way of bringing together people and nations, as we saw this year in Glasgow when over seventy countries took part in the Commonwealth Games. […] As with the Invictus Games that followed, the courage, determination and talent of the athletes captured our imagination as well as breaking down di-visions84.
Cet extrait de son discours de 2014 nous permet d’appréhender le lien qui existe entre
le sport et la cohésion au sein d’une communauté. Pour la Reine du Royaume-Uni, qui
l’exprime régulièrement dans ses discours de vœux des dix dernières années, le sport et
l’affirmation de défis partagés sont deux des facteurs les plus importants pour affirmer
l’existence du Commonwealth.
Notons en revanche que dans l’ensemble des discours étudiés, la Reine ne parle pas
de l’Europe de cette manière. Ses propos semblent être davantage orientés plus loin, au-
delà des frontières de l’Europe pour retrouver le ruban mondial qui unit le Commonwealth.
Le Royaume-Uni, pays important de l’Union européenne, affirme son particularisme par
ce silence de son chef de l’État, qui ne se réfère pas à l’idée européenne dans ses vœux
annuels à la Nation.
Un autre élément clé dans les vœux d’Élisabeth II est la référence au christianisme.
Chef de l’Église d’Angleterre, le monarque britannique occupe un rôle majeur dans le
monde chrétien. S’exprimant à l’occasion des fêtes, Élisabeth II n’hésite donc pas à rap-
peler l’histoire de Noël, celle de Jésus ou celle de l’Église d’Angleterre. C’est dans cette
dernière catégorie que rentre son discours de 2010, dans lequel elle mentionne les 400
ans de la Bible de Saint-James, traduction la plus répandue au Royaume-Uni.
83 The Queen’s Christmas Broadcast 2011, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/TheQueensChristmasBroadcast.aspx (14/02/2016). 84 The Queen’s Christmas Broadcast 2014, op. cit. (81).
54
Over four hundred years ago, King James the Sixth of Scotland inherited the throne of England at a time when the Christian Church was deeply divided. […] The King agreed to commission a new translation of the Bible that was acceptable to all parties. This was to become the King James or Authorized Bible, which next year will be exactly four centuries old. Acknowledged as a masterpiece of English prose and the most vivid translation of the scriptures, the glorious language of this Bible has survived the turbulence of history and given many of us the most widely-recognised and beautiful descriptions of the birth of Jesus Christ which we celebrate today85.
Au-delà de cette leçon d’histoire britannique, la Reine utilise la référence à l’histoire de
Noël et à la naissance de Jésus pour affirmer la cohésion sociale qui doit s’incarner dans
les fêtes de fin d’année.
At Christmas I am always struck by how the spirit of togetherness lies also at the heart of the Christmas story. […] This is the time of year when we remember that God sent his only son 'to serve, not to be served'. He restored love and service to the centre of our lives in the person of Jesus Christ. It is my prayer this Christ-mas Day that his example and teaching will continue to bring people together to give the best of themselves in the service of others86.
La cohésion sociale au moment de Noël se construit également par des pensées aux
soldats engagés sur des conflits partout dans le monde et à ceux qui ont perdu récem-
ment un proche. Les fêtes de fin d’année semblent ainsi être un moment permettant aux
citoyens de se rapprocher les uns des autres.
La Reine du Royaume-Uni, dans les discours de vœux étudiés, incarne ainsi pleine-
ment son rôle constitutionnel qui la maintient au-dessus de la vie politique du pays. En
renforçant la cohésion au sein du Commonwealth et du Royaume-Uni, Élisabeth II émet
un message fortement marqué par le christianisme. Ses déplacements, ses expériences
après tant d’années à la tête de seize Royaumes et la vie de la famille royale lui servent
très souvent de point de départ pour fédérer la Nation autour de valeurs communes.
85 The Queen’s Christmas Broadcast 2010, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcast2010.aspx (14/02/2016). 86 The Queen’s Christmas Broadcast 2012, in http://www.royal.gov.uk/ImagesandBroad-casts/TheQueensChristmasBroadcasts/ChristmasBroadcasts/TextofTheQueensChristmasBroad-cast2012.aspx (14/02/2016).
55
Conclusion partielle
Cette deuxième partie de notre étude nous a permis d’analyser le contenu des discours
afin d’en dégager de grandes tendances pour chacun des trois pays étudiés. Notre dé-
marche a consisté en une analyse quantitative, identifiant les thèmes abordés par les
acteurs politiques concernés dans leurs discours de vœux de fin d’année. Cela nous a
permis dans un premier temps d’énumérer les thèmes « incontournables » se répétant
chaque année ou presque. Nous avons pu ensuite identifier, dans un deuxième temps,
quelques thèmes issus de l’actualité politique qui ont été mentionnés de manière aléa-
toire. Dans cette même logique s’inscrivent les discours de la Reine du Royaume-Uni,
qui choisit toujours un thème particulier pour introduire ses discours. Cette analyse dite
quantitative a été enrichie avec des exemples issus du corpus qui nous ont permis d’il-
lustrer nos arguments. Il faut comprendre ces thèmes identifiés et les exemples choisis
comme autant d’éléments de cette analyse de contenu visant à en tirer des conclusions
concises. Le lien entre les thèmes abordés et le rôle constitutionnel a pu être établi
comme le suggère notre deuxième hypothèse.
Quels sont, alors, les enseignements mis en lumière par cette analyse approfondie de
notre corpus ? Avant tout, nous avons pu identifier trois éléments clés qui font un discours
de vœux, pour ce qui est des discours retenus dans le présent corpus :
(1) Un message rassembleur affirmant des valeurs positives (républicaines, cons-
titutionnelles, sociétales) et un passé commun ;
(2) Un message de solidarité avec les plus vulnérables (personnes isolées, per-
sonnes âgées, personnes ayant perdu un proche) et un message de remercie-
ment à ceux s’engageant particulièrement pour la société (soldats engagés à
l’étranger, bénévoles, personnes travaillant pendant les fêtes) ;
(3) Une référence à l’actualité politique plus au moins directe en fonction du posi-
tionnement constitutionnel du personnage politique en question.
Avant de passer à la dernière partie de notre étude consacrée à l’analyse de l’image
institutionnelle transportée par ces discours, il est opportun de rappeler deux limites des
discours de vœux : premièrement, ces discours sont marqués historiquement. Ils reflètent
les sujets de société et les analyses politiques de l’année en question, et portent un mes-
sage pouvant devenir caduc dès le lendemain. Deuxièmement, ils s’inscrivent dans une
logique nationale, sont adressés uniquement à un public national avec des particularités
et des priorités peu transposables à l’étranger.
56
3. LE DISCOURS COMME VECTEUR D’IMAGE : LES VŒUX DE FIN D’ANNÉE
ENTRE AFFIRMATION INSTITUTIONNELLE ET MESSAGE SUBTIL
Introduction partielle
Cette dernière partie de notre étude occupe une fonction de conclusion par rapport
aux deux parties qui la précèdent. Nous avons déjà étudié la forme (partie I) et le fond
(partie II) des discours de vœux. Dans cette troisième partie, nous reprendrons les élé-
ments recueillis précédemment afin de conclure nos réflexions par l’étude de l’image que
transmettent ces vœux.
Les acteurs politiques dont nous étudions les vœux incarnent tous le pouvoir et l’État,
mais les systèmes politiques dans lesquels ils s’inscrivent leur accordent des fonctions
et des pouvoirs divergents. C’est dans ce cadre que s’inscrivent leurs interventions en fin
d’année, qui visent à répondre aux exigences inhérentes à ce cadre. Ces vœux ont-ils
dès lors vocation à demeurer convenus, sans surprise, tant ils seraient conditionnés par
ces exigences ? La réponse est non, et c’est l’intérêt de cette étude, car les discours
permettent de révéler les règles (écrites ou non) et les coutumes d’un système politique
donné.
En analysant le « message complexe87 » transporté par les discours de vœux, nous
identifierons l’image du personnage politique en question. Pour cette analyse, nous nous
intéresserons plutôt à l’image de la figure politique (c’est-à-dire, en quelque sorte, du
mandat) et non pas à celle de la personne exerçant ce mandat pour la période étudiée.
Au cours de cette partie, nous identifierons deux types d’images transportées par un
discours de vœux. Le premier consiste en un discours de politique générale avec un
positionnement plus ou moins clair par rapport à l’actualité politique. Ce type concerne
notamment les discours du Président français et du Chancelier allemand. Un deuxième
type de discours est davantage marqué par un certain recul et la réflexion personnelle,
tandis que le positionnement politique y reste volontairement flou ou absent. Il concerne
les cas du Président allemand et du monarque britannique.
87 F. FINNISS-BOURSIN, op. cit. (2), p. 20-22.
57
3.1. En France : Le Président de la République, à la fois homme politique et gardien
de valeurs
Les discours de vœux du Président de la République renvoient très clairement à ce
qu’on a identifié ci-dessus comme un premier type de discours. Dans la majorité des cas,
il s’agit d’un discours de politique générale qui se présente sous une forme « bilan-pers-
pectives88 ». S’y ajoute une autre dimension qui comporte notamment l’affirmation des
valeurs de la République.
Le système politique français octroie précisément ce rôle à son Président. Il est à la
fois gardien de la Constitution et gestionnaire des affaires courantes, et cela tout particu-
lièrement en période de majorité présidentielle. Ses vœux à la nation reprennent dès lors
ces deux éléments, avec comme objectif de créer de la cohésion nationale.
Le Président de la République, en tant que chef de l’État, incarne le pouvoir en général
et l’État en particulier. Cela est d’autant plus vrai dans un pays centralisé où le Président
dispose d’une certaine autonomie dans la nomination de responsables politiques et de
hauts fonctionnaires. Dans le cadre d’un modèle d’action publique vertical et hiérar-
chisé89, le pouvoir politique semble être centralisé au palais de l’Élysée, même si le gou-
vernement engage de manière régulière sa responsabilité politique devant le Parle-
ment90.
Même si la tradition républicaine s’est progressivement installée depuis la Révolution
de 1789, le Président incarne, encore aujourd’hui, une figure symboliquement proche de
celle du monarque. Élu au suffrage universel, à la majorité absolue des suffrages expri-
més, le Président de la République est ce qu’on appelle selon la formule consacrée un
« Président de tous les Français ».
Le message présidentiel du 31 décembre s’adresse dès lors à la nation entière. Légi-
timé par le suffrage universel, le Président de la République est censé demeurer au-
dessus des affaires courantes de la politique. Son rôle fédérateur s’incarne dans son
intervention du 31 décembre. En s’adressant à ses « chers compatriotes91 », il réunit la
France entière devant les postes de télévision le soir du réveillon. Son audience peut, au
88 Ibid., p. 21. 89 Sans vouloir rentrer dans un débat de théorie politique, on constate quand même une certaine verticalité dans l’action publique en France malgré les étapes de décentralisation entamées depuis 1982. 90 Comme nous l’avons évoqué plus haut, le Président de la République n’est nullement le chef du gouver-nement. La Constitution de 1958 ne lui octroie pas ce rôle, même si on a pu constater une étroite collabo-ration entre le Président de « son » gouvernement pour la période étudiée. Voir également à ce sujet le chapitre 1.1. 91 Il s’adresse même parfois explicitement aux Français d’outre et à ceux installés à l’étranger.
58
moins théoriquement, se constituer de l’ensemble de la population française. Plusieurs
moyens lui permettent d’atteindre cet objectif que nous analyserons par la suite.
Commençons par la « mise en scène » audiovisuelle proprement dite : le Président
s’exprime à l’attention de la nation depuis le palais de l’Élysée. Ce faisant, il ouvre en
quelque sorte son bureau, son lieu de travail aux Français. Les discours télévisés du
Président de la République sont parmi les rares moments où les Français peuvent aper-
cevoir ce qui « se cache » derrière les murs de l’Élysée. Pour autant, si le Président pé-
nètre avec son discours dans les salons des Français, l’inverse n’est pas vrai. Contraire-
ment à ce qu’on peut penser au premier regard, le Président n’ouvre pas ses salons
privés pour ses vœux, métaphoriquement parlant. Dans la majorité de ses allocutions de
fin d’année, en regardant une période plus étendue que celle de notre étude, il se trouve
assis derrière son bureau. Par conséquent, on pourrait plutôt dire que le Président ouvre
son bureau aux Français et par cela, il ouvre un haut lieu du pouvoir républicain. Tout
bureau d’homme politique ou de haut fonctionnaire (tel que celui d’un préfet par exemple)
incarne, de manière symbolique, le pouvoir émanant des institutions de la République.
Les vœux du Président de la République n’ouvrent alors pas une fenêtre vers les salons
privés du Président, mais plutôt vers un lieu central du pouvoir républicain. Un autre élé-
ment intéressant dans le cadre de notre analyse est le fait que l’on trouve systématique-
ment à côté du Président les drapeaux français et européen. Ces insignes de la Répu-
blique affirment, comme la Marianne présente sur les documents officiels, qu’il s’agit bien
d’un représentant de l’État qui parle. Cette analogie peut paraître simplificatrice, mais les
édifices publics comme les vœux du chef de l’État portent le tampon « République fran-
çaise » grâce aux drapeaux soigneusement hissés.
Un autre élément qui souligne le caractère républicain des vœux est l’affirmation des
valeurs de la République. Comme nous avons pu le voir dans la deuxième partie de la
présente étude, le Président se réfère, d’une manière ou d’une autre, aux valeurs qu’in-
carne le modèle républicain français. La traditionnelle formule « Vive la République ! Vive
la France ! » qui clôture d’ailleurs chaque discours présidentiel, rentre également dans
ce registre. En effet, la Constitution de la Ve République fait du Président le gardien de
ces valeurs ; il lui arrive même de le rappeler explicitement, comme il l’a fait en 2015
après une année marquée par des actes terroristes dont les auteurs entendaient juste-
ment attaquer les valeurs de la République :
Mais, malgré le drame, la France n'a pas cédé. Malgré les larmes, elle s'est tenue debout. Face à la haine, elle a montré la force de ses valeurs. Celles de la Ré-publique. Françaises, Français, je suis fier de vous. Vous avez fait preuve dans
59
ces circonstances de détermination, de solidarité et de sang-froid. […] Aussi, mon premier devoir, c'est de vous protéger92.
Le rappel des valeurs qui unissent les Français servent aussi au Président, dans ses
discours de vœux, à créer davantage de cohésion sociale au sein de la population. En
refusant tout communautarisme, le message présidentiel du 31 décembre est avant tout
un message rassembleur. C’est Jacques Chirac qui, dans son discours du 31 décembre
2006, fait le lien entre les valeurs de la République, la cohésion sociale et le refus des
extrémismes et du communautarisme. Citons-le de nouveau :
Le premier, c'est l'unité et le rassemblement autour des valeurs qui font la France : la liberté, l'humanisme, le respect, et notamment le respect de la diversité et des différences, la laïcité, le combat contre le racisme, l'antisémitisme, le com-munautarisme. N'écoutez pas les apprentis sorciers de l'extrémisme. La France est forte, la France est belle quand elle sait, tout à la fois, faire respecter ses règles et tendre la main93.
L’effet rassembleur des discours de vœux du Président de la République joue alors
beaucoup pour raviver les valeurs que les Français partagent. En même temps, le Prési-
dent émet un message de confiance en soulignant que la protection desdites valeurs
figure parmi ses priorités.
Ces vœux s’adressent alors plutôt à un collectif qu’à chaque Français en tant qu’indi-
vidu. Même si le Président a très souvent une pensée pour les plus vulnérables et pour
les soldats engagés à l’étranger, il ne sort pas d’un certain cadre républicain. Son dis-
cours et la mise en scène restent sobres et neutres. Il ne montre ni émotions ni apparte-
nance à des systèmes de valeurs autres de celui des valeurs de la République. À la tête
d’un pays marqué par la laïcité, il lui est impossible d’utiliser toute formule religieuse ou
même de s’exprimer pour Noël. Ses vœux sont très clairement marqués comme étant
des vœux pour la nouvelle année94.
À ce discours focalisé sur les valeurs partagées par tous les Français, s’ajoute un autre
discours dit de politique générale. Celui-ci se divise en deux parties, un premier consacré
à la politique intérieure et un deuxième consacré à la politique extérieure. Contrairement
à ce que l’on pourrait croire, ce discours de politique n’est pas censé créer la polémique.
À l’occasion des fêtes de fin d’année, les clivages politiques entre droite et gauche, qui
92 Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la France face au terrorisme, la lutte contre le chômage et sur la construction européenne, à Paris le 31 décembre 2015, op. cit. (51). 93 Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les priorités de la politique gouverne-mentale, à Paris le 31 décembre 2006, op. cit. (45). 94 Voir à ce sujet également E. CLAIRON, L’analyse d’image : les vœux, transcription de l’émission ARTE Karambolage du 23 mai 2004, in http://www.arte.tv/magazine/karambolage/fr/lanalyse-dimage-les-voeux-karambolage (31/03/2016).
60
marquent profondément la France (contrairement à d’autres pays occidentaux) en étant
séparée dans un champ de droit et un autre de gauche. Par contre, les vœux de fin
d’année en étant un moment d’unité et de cohésion nationale, ne sont pas l’occasion à
réanimer des débats politiques. Le Président de la République se contente alors de faire
un bref bilan de l’année écoulée et d’évoquer ces projets de réforme pour l’année à venir.
Le chef de l’État se réfère alors à la situation économique du pays, au taux de chô-
mage, mais aussi aux évolutions en matière d’éducation et d’enseignement. Très souvent
des questions de sécurité intérieure et de logement pour les plus défavorisés sont éga-
lement à l’ordre du jour. Il ne s’agit alors nullement d’évoquer des sujets « exotiques »,
mais plutôt d’identifier des domaines politiques qui préoccupent particulièrement les
Français. Le choix des priorités pour les champs de la politique intérieure se fait alors de
manière consensuelle, même si le Président a certes davantage de marge de manœuvre
pour le choix des thèmes abordés que s’agissant de ce qu’il déclare sur le fond des dos-
siers.
Afin de trouver un juste équilibre entre le bilan, la prospective, la politique intérieure,
la politique extérieure et son « autre » discours consacré aux valeurs de la République,
le Président ne dispose finalement que d’une phrase ou deux pour évoquer chaque sujet.
Un discours de vœux n’est pas adapté au débat politique. Il ne serait pas opportun de se
lancer, à cette occasion, dans un exercice de prospective trop détaillée pour l’année à
venir. Des évènements singuliers, tel que des crises économiques, des mouvements de
société et des attaques terroristes, peuvent changer la donne d’un jour à l’autre. Afin de
ne pas s’exposer au ridicule, le Président et ses conseillers apportent un soin particulier
au discours de vœux afin qu’il puisse couvrir toute une année et non seulement les deux
semaines qui précédent et suivent le 31 décembre95.
Le même principe vaut pour la politique étrangère. Le Président se trouve finalement
dans une situation assez complexe : premièrement, il n’est pas en mesure de faire de la
prospective car des évènements extérieurs (conflits armés, putschs, négociations inter-
nationales, élections, etc.) peuvent changer les priorités de la politique internationale très
rapidement, et ce d’autant plus que la communauté internationale attend une réponse
forte de la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Deu-
xièmement, la France fait partie d’alliances et d’organisations multilatérales diverses (UE,
OTAN, etc.) : par conséquent, ses interventions à l’international s’inscrivent dans une
logique de négociation et de coordination avec ses principaux partenaires.
95 Voir à ce sujet également F. FINNISS-BOURSIN, op. cit. (2), p. 21-22.
61
Le Président de la République se contente alors souvent de mentionner des
échéances sur le calendrier international sans définir un projet de politique internationale
en particulier. Nous avons déjà évoqué la présidence française du Conseil de l’Union
européenne. Un autre exemple serait la tenue de la COP21 en France en 2015 qui a été
un défi particulier pour la diplomatie française.
Ce discours de politique générale est également un moyen pour le Président de la
République de mettre en avant l’étroite collaboration qui prévaut à la tête de l’État. La vie
politique en France repose en effet beaucoup sur le tandem entre le Président de la Ré-
publique et « son » Premier ministre : un témoignage de leur bonne coopération est ras-
surant pour les Français, soucieux que leur pays soit entre de bonnes mains. Le chef de
l’État profite dès lors des vœux pour souligner cette étroite coopération entre la prési-
dence et le gouvernement. Cette référence permet aussi au Président de clarifier le rôle
que la Constitution lui accorde : dans le régime dit « semi-présidentiel » de la Ve Répu-
blique, la gestion des affaires courantes n’incombe pas au Président de la République.
Les discours de vœux nous permettent ainsi d’apprendre beaucoup de choses sur la
France et son système politique. Le Président de la République rappelle les valeurs que
partagent les Français ; il revient sur les grands dossiers d’actualité de politique intérieure
comme de politique extérieure. Mais l’enseignement majeur est autre : C’est l’ « institu-
tion » même du Président de la République qui est mise en scène pendant ces dix petites
minutes de discours le soir du 31 décembre. Les Français se retrouvent face à un homme
d’État qui incarne non seulement les valeurs et la stabilité institutionnelle de la Ve Répu-
blique, mais qui émet avant tout un message de confiance et de cohésion. Les défis de
société, les clivages politiques et les conflits dans le monde sont oubliés le temps d’un
discours qui se veut encourageant et rassembleur.
62
3.2. En Allemagne : Le Président fédéral, gardien de la constitution ; le Chancelier,
gestionnaire de l’urgence politique
Dans les allocutions du 31 décembre du Président français, nous avons identifié deux
grands thèmes – un premier portant sur les valeurs de la République et un deuxième de
politique générale. En Allemagne, deux personnages politiques se répartissent ces deux
thèmes : le Président fédéral prononce un discours orienté sur les valeurs partagées par
les Allemands, tandis que le Chancelier fédéral, en tant que chef du gouvernement, s’ex-
prime principalement sur les affaires politiques courantes. Avant d’analyser le position-
nement de ces discours dans la vie politique allemande, il est important de rappeler que
ni le Président fédéral et ni le Chancelier ne sont élus au suffrage universel. Le premier
est élu par la Bundesversammlung [l’assemblée fédérale], une assemblée composée des
députés du Bundestag et de représentants des parlements régionaux qui se réunit dans
le seul but d’élire le Président fédéral. Quant au Chancelier, il est souvent la tête d’une
liste pour les élections législatives (les listes sont régionales), puis élu par les députés du
Bundestag avant d’être formellement nommé par le Président fédéral.
Commençons avec les discours du Président fédéral. En tant que chef de l’État dans
le système constitutionnel établi par la Loi fondamentale, le Président fédéral accomplit
principalement une mission de gardien de la constitution et de représentant du pays à
l’étranger. N’ayant pas de pouvoir législatif propre, il ne dispose que de deux moyens
pour exercer son pouvoir : les discours et les déplacements. Son positionnement le place
dès lors au-dessus des débats politiques : il ne lui incombe pas de s’exprimer en faveur
d’un parti ou d’un autre. Dans ses relations avec le parlement et le gouvernement, il lui
est seulement possible de s’opposer à leurs actes pour des raisons de non-conformité à
la Loi fondamentale. La définition de sa fonction comme « instance morale » décrit bien
les enjeux auxquels il est confronté : prendre du recul par rapport à la vie politique et
promouvoir les règles et valeurs véhiculées par la constitution.
Les vœux de Noël représentent pour lui la seule occasion de s’exprimer devant le
grand public. Il est rare que le Président fédéral s’exprime par message télévisé à la
population allemande et les vœux du 24 décembre représentent plutôt l’exception que la
règle. Mis à part ses déplacements, le Président fédéral est alors peu présent à la vie
politique allemande. Certes, ses déplacements sont médiatisés en Allemagne et à l’étran-
ger, mais le rythme auquel il s’exprime sur des sujets de société dépend de la personna-
lité du Président. Les vœux du 24 décembre restent cependant pour lui un moment crucial
pour définir son image au sein de la population.
63
Généralement, il profite de ce moment privilégié pour se présenter comme Président
« normal96 ». Cela est d’autant plus frappant quand on regarde de plus près la mise en
scène de ses vœux. Les téléspectateurs le retrouvent au château de Bellevue, résidence
présidentielle à Berlin, soit debout, soit assis derrière son bureau et entouré de décora-
tions de Noël (sapin de Noël entre autres). Contrairement à l’intervention du Président
français, il s’agit dans le cas du Président allemand d’une prolongation des salons des
Allemands. Même si tout le monde sait très bien que le Président fédéral, pour son dis-
cours de vœux, choisit un des salons représentatifs de sa résidence de fonction, les élé-
ments de décor reprennent ceux qu’on retrouve dans quasiment chaque maison alle-
mande pour la période de Noël. Le Président est montré comme étant « comme tout le
monde ». Il (ou plutôt le personnel de sa résidence) est allé acheter un sapin de Noël et
a pris son temps pour le décorer soigneusement. Le Président Wulff, pour les deux dis-
cours de vœux qu’il a prononcés, a choisi d’associer à ses vœux des représentants de
la société civile. Sur les images diffusées à la télévision, on aperçoit même des enfants
assis sur un tapis devant le Président. On n’est alors pas loin de l’image qu’on se fait des
salons un peu partout en Allemagne, dans lesquels les enfants sont en train d’ouvrir leurs
cadeaux (ouverture qui, selon la tradition, a lieu le soir du 24 décembre en Allemagne).
S’y ajoute un autre élément : les vœux du 24 décembre sont également une occasion
pour le Président de mettre en avant sa vie de couple. Les vœux pour les fêtes de fin
d’année sont prononcés par le Président au nom de son épouse et de lui-même. Même
si la first lady allemande (dans le cas d’un Président masculin) ne dispose d’aucun statut
officiel, elle forme avec son mari un couple qui occupe ensemble la résidence présiden-
tielle. Les vœux présidentiels véhiculent alors l’image d’une famille plutôt traditionnelle et
surtout chrétienne. Vivant en couple, utilisant les mêmes décorations de Noël que le reste
du pays et créant ainsi une atmosphère gemütlich [cosy], le Président fédéral semble être
« l’Allemand type » quand il s’exprime devant la nation le 24 décembre au soir.
Cet Allemand type est aussi un personnage marqué par la tradition chrétienne du pays.
La référence à la Nativité et le fait qu’il souhaite à ses compatriotes un « Noël béni »
soulignent l’importance pour la vie de la société allemande du lien qui existe entre l’État
et les Églises. C’est notamment à l’aide de cette référence à une fête religieuse impor-
tante que le Président fédéral transmet un certain nombre de valeurs à travers ses vœux.
Le Président fédéral insiste en particulier sur l’importance des familles pour le pays :
96 Nous nous permettons d’emprunter cette formule chez un certain Président français.
64
Weihnachten ist das Fest der Familie. Ich möchte deshalb heute ganz besonders die Familien in unserem Land grüßen - vor allem diejenigen, die in diesem Jahr ein Kind bekommen haben oder eines erwarten. Ich weiß um die Sorgen, die damit zusammenhängen können. Aber ich kenne auch das Glück und die Zuver-sicht, die die Geburt eines neuen Erdenbürgers bedeuten. Ich freue mich mit al-len Eltern. Und ich wünsche mir, dass unsere ganze Gesellschaft entschieden „Ja“ zu Kindern sagt97.
Le discours présidentiel ne se réduit pas à l’affirmation de certaines valeurs : il marque
également la préoccupation du Président pour les soucis de ses compatriotes. C’est dans
ce sens qu’il faut comprendre l’intervention du Président Joachim Gauck qui consacre
quasiment l’ensemble de son discours de 2015 à l’accueil des réfugiés – un sujet qui
avait déclenché de vives polémiques. Il clôt son discours avec des vœux presque timides,
car il semble connaître les préoccupations de ses compatriotes face au million de réfugiés
arrivés en un an seulement et auxquels il faut désormais proposer une perspective du-
rable d’intégration dans le pays.
Mit dieser leisen Ermutigung wünsche ich uns allen, dass wir ein frohes und ge-segnetes Weihnachten feiern können und miteinander in ein neues gutes Jahr gehen98.
Pour résumer, le Président allemand ne se prononce pas directement sur l‘actualité
politique du pays. Ce rôle, nous le verrons, est réservé au Chancelier. Le chef de l’État
préserve son image d’instance morale et de gardien des valeurs démocratiques et socié-
tales, conformément au rôle que les rédacteurs de la Loi fondamentale lui ont conféré. Il
parle aux Allemands « en homme et non pas en politique99 ». Ses discours de vœux
comme son rôle politique sont ceux de quelqu’un qui prend du recul, qui s’offre du temps
pour réfléchir et qui profite des fêtes de fin d’année pour faire passer un message de
confiance et de cohésion aux Allemands.
Pour le Chancelier fédéral comme pour le Président français, les vœux ne sont non
plus l’occasion de diviser le pays, mais ses interventions sont beaucoup plus marquées
par une actualité politique qui nécessite une réaction immédiate avec des positions
fermes. Ce dernier point est d’autant plus vrai pour le Chancelier allemand qui n’est pas
97 Weihnachtsansprache 2006, op. cit. (67). « Noël est la fête de la famille. C’est pour cela que je souhaite saluer les familles dans notre pays en particulier – et plus spécifiquement celles qui ont eu un enfant cette année ou qui attendent un. Je connais les soucis qui peuvent être liés à cela. Par contre, je connais aussi la joie et la confiance qui sont symboli-sées par la naissance d’un bébé. Je me réjouis pour tous les parents. Et je souhaite que toute notre société dise « oui » aux enfants. » [Traduction M.G.] 98 Weihnachtsansprache 2015, op. cit. (65). Avec ce léger encouragement [= la philanthropie de Dieu], je souhaite que nous puissions tous fêter un joyeux et béni Noël et nous diriger ensemble vers une bonne nouvelle année. [Traduction M.G.] 99 E. CLAIRON, op. cit. (94).
65
élu au suffrage universel, mais par une majorité des députés du Bundestag. Son posi-
tionnement n’est donc pas celui d’un « Chancelier de tous les Allemands », mais plutôt
d’un Chancelier de la majorité parlementaire. Pour pouvoir gouverner, le Chancelier a
besoin de la confiance du Bundestag (la chambre basse) et afin de pouvoir faire passer
un certain nombre de lois, il doit faire la preuve de son pouvoir de négociation avec le
Bundesrat (la chambre haute) où sont représentés les Länder [les États-régions].
Il est alors tout à fait évident que le chef du gouvernement allemand prononce un dis-
cours de politique générale le soir du 31 décembre. Son mandat consiste à gérer le quo-
tidien de la politique fédérale, à répondre aux urgences et à gouverner au sein d’une
coalition de plusieurs partis100.
Quant à notre corpus, nous constatons que la Chancelière Angela Merkel évoque dans
ses discours de vœux les domaines politiques qui préoccupent le plus les Allemands. Au
premier rang se trouve la situation économique et sur le marché de l’emploi, sujet majeur
qui sert souvent aux médias à juger de la réussite du mandat d’un Chancelier. S’y ajou-
tent d’autres sujets de première importance, comme la politique extérieure ou les ques-
tions d’éducation et d’enseignement.
Même si la Chancelière aborde les différents thèmes dans ses discours de manière
assez neutre, on comprend bien qu’elle se prononce au nom de sa majorité. Elle réussit
à glisser de temps en temps ses slogans qui ont été utilisés en cours d’année par le
gouvernement dans le cadre de sa communication publique. C’est ainsi qu’elle évoque
le slogan « Land der Ideen » [« Pays des idées »] issu d’une campagne de communica-
tion gouvernementale dont l’objectif était de labelliser les endroits (entreprises, institut de
recherche, associations, etc.) les plus innovants du pays. Pour son premier discours de
vœux, celui du 31 décembre 2005, Angela Merkel utilise même une variation d’un slogan
utilisé par son parti pendant la campagne électorale quatre mois auparavant. De « Mehr
Wachstum. Mehr Arbeit » [« Plus de croissance. Plus de travail »] est devenu « Arbeit
braucht Wachstum » [« Le travail nécessite de la croissance »]. Les discours de vœux ne
lui servent certes pas à critiquer ouvertement ses adversaires politiques, mais ils lui ser-
vent à exposer son programme politique et à définir ses priorités pour l’année à venir.
Comparée au Président français, elle prend moins de hauteur par rapport aux débats
politiques, mais là n’est pas son rôle. Elle doit, au contraire, défendre sa politique vis-à-
vis de l’opinion et du Parlement.
100 C’est notamment à cause d’un mode de scrutin proportionnel que l’Allemagne n’a pas encore connu de gouvernement à un parti depuis 1949.
66
En regardant la scénographie de son message télévisé, on comprend très vite son rôle
au sein du système constitutionnel allemand. En la voyant assise derrière un bureau dont
la baie vitrée derrière donne sur le Reichstag, on comprend tout de suite le lien visuel et
réel entre la Chancelière et le parlement devant lequel elle est responsable. Les specta-
teurs la trouvant derrière son bureau peuvent également penser qu’elle n’a interrompu la
lecture de ses dossiers que quelques brefs instants pour présenter ses vœux aux Alle-
mands. Cette mise en scène, avec l’architecture de la Chancellerie (que l’on aperçoit à
peine sur les images), peut créer, aux yeux de certains observateurs, une image plutôt
technocratique.
Le regard sur les discours de vœux de la Chancelière ne serait pas complet sans
évoquer leur côté personnel. Angela Merkel (ou son conseiller en communication) semble
apporter un soin particulier à la « petite touche » personnelle. Ainsi, la Chancelière n’hé-
site pas à partager avec la nation ses projets personnels pour l’année à venir. On se
souvient par exemple de son intention de passer plus de temps dehors, comportement
qui est jugé par la très grande majorité de ses compatriotes comme bon pour la santé.
Dans cette même logique, elle partage avec la Nation sa passion pour le football. Les
succès de la Mannschaft [l’équipe allemande], mais aussi de l’équipe féminine de foot-
ball, sont ainsi régulièrement mentionnés dans les vœux de la Chancelière.
Ce côté personnel, presque intime, des vœux de la Chancelière permet de créer de la
cohésion sociale. Ce n’est peut-être pas l’explication de texte du programme gouverne-
mental qui fait rêver les Allemands au soir du 31 décembre, quelques heures avant de
trinquer à la nouvelle année. Au contraire, voir un chef de gouvernement qui a les mêmes
préoccupations qu’un Allemand lambda permet de créer davantage d’adhésion au per-
sonnage de la Chancelière.
Contrairement au Président fédéral, la Chancelière prononce un discours de politique
générale qui est enrichi d’éléments personnels afin d’éviter toute impression de froideur
ou de technocratisme. En regardant les interventions de ces deux personnages politiques
allemands, nous y retrouvons deux manières de faire qui sont directement liée à l’image
de l’institution que chacun représente : un discours focalisé sur les valeurs partagées
pour le Président fédéral ; un discours focalisé sur l’actualité politique pour le Chancelier,
le tout formant un duo d’interventions conditionné par un système constitutionnel particu-
lier.
67
3.3. Au Royaume-Uni : Le monarque, source de cohésion sociale
Un article publié en avril 2016 dans L’Obs et consacré aux 64 ans de règne de la Reine
Élisabeth II a été intitulé « Les silences de la Reine ». C’est peut-être cette expression
qui décrit le mieux les vœux que la Reine du Royaume-Uni adresse au Commonwealth
pour Noël. Contrainte au silence sur tous les sujets d’ordre politique, la Reine choisit
d’adresser un message résolument personnel aux Royaumes du Commonwealth. Avec
le recul qui caractérise sa position par rapport aux autres institutions du Royaume-Uni,
elle prononce un discours que certains peuvent considérer comme « hors du temps ».
Le message de la Reine est avant tout personnel. En visionnant les images télévisées,
on la retrouve dans sa résidence royale soit debout, soit assise avec à côté d’elle des
photos de sa famille. C’est alors en quelque sorte l’ensemble de la famille royale qui
souhaite un Merry Christmas à tous. La vie de la famille royale, largement médiatisée au
Royaume-Uni et à travers le monde, est aussi un élément de ses discours. Même si elle
seule est formellement le chef de l’État, on peut avoir l’impression que le « collectif » de
la famille royale est à la tête de l’État – ce qui est d’ailleurs pour partie vrai. Son fils et
ses petits-fils représentent la Reine lors de déplacements à l’intérieur du pays et à l’étran-
ger, et il semble dès lors bien naturel que la Reine et sa famille (par le biais des photos)
transmettent leurs vœux aux Royaumes du Commonwealth.
Du contenu de ses discours émergent nombre de sujets qui semblent n’être liés ni à
l’actualité politique ni aux préoccupations de la population. La dernière occasion ayant vu
un monarque britannique se prononcer sur les affaires du gouvernement était en 1841,
quand la toute jeune Reine Victoria entendait conserver Lord Melbourne comme Premier
ministre101. Depuis lors, les journalistes n’ont pas relevé d’expression politique de la part
du monarque, et la Reine Élisabeth II ne fait pas exception. En focalisant son discours
de décembre 2014 sur la réconciliation et l’unité, elle a certainement fait un petit clin d’œil
au référendum sur l’indépendance écossaise qui s’était tenu trois mois auparavant. Le
Palais royal nierait très probablement toute référence à ce scrutin, mais le spectateur
attentif a sûrement compris le message.
Si ces discours sont complétement dépolitisés, que reste-t-il ? Rien moins qu’un véri-
table discours de cohésion sociale, un « letzter Fluchtpunkt in Zeiten der Krise102 »
comme le qualifie Der Spiegel. Dans un pays également touché par la crise financière et
101 F. REYNAERT, op. cit. (38), p. 41. 102 C. SCHEUERMANN, op. cit. (39), p. 102. « le dernier point de fuite dans un temps de crise » [Traduction M.G.]
68
économique de 2008, en quête d’un positionnement vis-à-vis de ses partenaires euro-
péens, la famille royale et surtout une Reine qui occupe le trône depuis désormais 64
ans sont le gage d’une certaine stabilité assez rare dans le monde d’aujourd’hui. Tandis
que le Royaume-Uni est souvent associé à la City de Londres et à son économie finan-
cière, la Reine semble représenter un autre pays, celui d’une certaine tradition, d’une
certaine réserve vis-à-vis de la modernisation et d’une permanence des valeurs chré-
tiennes. Cela ne veut pas dire que la monarchie britannique n’a pas évolué avec son
temps, mais il faut bien admettre qu’un monarque qui a accédé au trône en 1952 symbo-
lise nécessairement une certaine tradition et une certaine continuité.
Avec le même stoïcisme, Élisabeth II s’exprime chaque année à la période de Noël
devant la caméra en prononçant finalement un discours « sans surprises ». Elle choisit
un leitmotiv, très souvent de nature sociale ou religieuse, et commence un discours por-
tant toujours le même message : la cohésion au sein du Commonwealth. Qu’elle préfère
parler d’une tradition religieuse, d’un fait historique ou d’une expérience personnelle
change finalement peu le message qu’elle tente de faire passer. Avec cette continuité et
sans signe de fatigue ou de faiblesse103, elle donne à son pays un bon exemple de dé-
vouement.
Les interventions de la Reine du Royaume-Uni servent avant tout à créer une certaine
cohésion sociale. Cette cohésion est aussi celle qui existe au sein de la communauté de
l’Église d’Angleterre à la tête de laquelle se trouve le monarque britannique. Élisabeth II
parle donc à son audience en tant que chef de l’Église d’Angleterre quand elle évoque la
Nativité, la vie de Jésus ou même la tradition du sapin de Noël comme dans son discours
de 2015. S’affirme alors l’image d’une femme croyante qui porte les valeurs associées
habituellement au christianisme dans le monde. En employant des « vraies formules de
maman catéchiste104 », la Reine transmet un message résolument chrétien dans un pays
qui – comme beaucoup d’autres pays du monde occidental – est en voie de sécularisa-
tion. Ce message n’est pas forcément réservé aux croyants car il semble être universel
dans une société. L’importance des familles et le soutien aux plus défavorisés sont des
concepts qui, pour être hérités de la tradition chrétienne, n’en restent pas moins forts
dans des sociétés laïques. Souvenons-nous ici du Président français qui prône dans ses
vœux la cohésion de la société française.
103 Pourtant, on la voit de plus en plus souvent assise ou lieu d’être debout pendant ses discours. 104 F. REYNAERT, op. cit. (38), p. 42.
69
En refusant de prendre position et de se prêter à un quelconque jeu politique, la Reine
surmonte tous les clivages politiques qui prévalent dans un pays marqué par le bipar-
tisme. Elle ne s’exprime pas en faveur d’une couche sociale ou d’une autre et elle évoque
aussi peu que possible les sujets concrets. C’est ainsi qu’elle conserve sa neutralité et
perfectionne en quelque sorte les discours de vœux qui se veulent tous – dans les trois
pays de notre étude – neutres et rassembleurs. En dépassant tout clivage sociétal, Éli-
sabeth II arrive à créer davantage de cohésion au sein de son audience, à savoir les
peuples des Royaumes du Commonwealth.
L’image transportée par ces discours nous montre une famille royale soucieuse des
préoccupations de la population qui l’amène à s’engager davantage pour la cohésion
sociale et pour le vivre-ensemble. Pour ce faire, la famille royale représentée par la Reine
ne prend pas position et défend les valeurs portées par l’Église d‘Angleterre. L’affirmation
de la communauté du Commonwealth nous semble – ici en Europe continentale – dé-
passée, mais souligne à la fois les divergences dans la perception du monde par diffé-
rentes nations.
70
Conclusion partielle
Cette dernière partie nous a permis de dévoiler le « message complexe » contenu
dans les discours de vœux des trois pays étudiés. Afin de répondre à la problématique
globale de notre étude, cette partie a repris les enseignements majeurs issus des parties
qui la précèdent. Nous avons ainsi pu mieux discerner l’image institutionnelle transportée
par les discours de vœux.
Concrètement, nous avons distingué deux types de discours renvoyant à deux
« types » différents de personnages politiques. Un premier type de discours consiste en
un discours de politique générale qui résume principalement les évènements politiques
de l’année écoulée et qui sert à celui qui le prononce à définir son programme pour l’an-
née à venir. Ce type de discours se veut quasiment opérationnel et peut servir à décliner
une position politique, même si une attention particulière est souvent apportée au fait de
ne pas créer trop de clivages. Un deuxième type de discours de vœux consiste à faire
passer un message de recul et de réflexion. Sans faire trop de références au quotidien
politique du pays, ces discours offrent des pistes de réflexion sur la situation de la société
en général. Avec un certain recul, ces discours s’inscrivent dans un système de valeurs
défini par la constitution ou les coutumes du pays en question.
Sans créer de catégories artificielles, il est possible de dire que les interventions de fin
d’année du Chancelier allemand et du Président français s’inscrivent dans la première
catégorie de vœux, avec une légère nuance pour le Président français dont les vœux
servent également à affirmer les valeurs de la République. Dans la deuxième catégorie
se trouvent les interventions du Président allemand et du monarque britannique : ne fai-
sant pas réellement partie de la vie politique « active » de leur pays, ils insistent beaucoup
plus, voire uniquement, sur l’affirmation de la cohésion nationale et la déclinaison des
valeurs fondamentales de leur société. Le cas extrême est peut-être celui du monarque
britannique, qui n’a même pas le droit (coutumier) de s’exprimer politiquement. Contraint
à une stricte neutralité, il doit se contenter d’œuvrer pour le vivre-ensemble au sein du
Commonwealth.
Mais un élément unit tous ces discours : la volonté de créer davantage de cohésion
nationale en réaffirmant ce qui unit la population. En faisant cela, les personnages poli-
tiques exercent pleinement leur mission constitutionnelle.
Les vœux de fin d’année s’avèrent être un élément essentiel pour les acteurs politiques
concernés afin de définir leur image au sein de la population de leur pays, comme notre
troisième hypothèse l’suggère.
71
CONCLUSION
L’opinion publique reproche parfois aux anciens élèves de l’École nationale d’adminis-
tration d’être des machines à éléments de langage. La présente étude n’avait certes pas
comme objet d’examiner le degré de vérité de cette affirmation, mais elle avait pour ob-
jectif d’analyser des discours auxquels on reproche quasiment la même chose : être des
exemples de langue de bois. La réalité s’avère pourtant beaucoup plus complexe.
Il est question des discours de vœux de fin d’année qui – avec une régularité quasi-
ment républicaine – interviennent soit pour Noël soit pour le réveillon de la Saint-Syl-
vestre. Chaque année, le même jour, à la même heure, le chef de l’État ou le chef du
gouvernement s’adresse à la nation par un message télévisé. Ces messages, d’une du-
rée d’environ dix minutes, sont beaucoup plus riches qu’on ne le pense au premier abord.
L’objet de la présente étude était de les analyser avec un regard très spécifique : dans
quelle mesure les discours de vœux sont-ils les vecteurs d’une image institutionnelle ?
Autrement dit : la forme et le fond de ces discours correspondent-ils au rôle que le chef
de l’État (ou le chef du gouvernement) est appelé à occuper dans un système politique
donné ?
Dans une logique comparative, nous avons fait le choix d’analyser les discours de
vœux issus de trois pays européens : la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Plus
concrètement, nous avons analysé les discours du Président de la République (France),
du Président fédéral et du Chancelier fédéral (tous deux : Allemagne) et du monarque du
Royaume-Uni. Ce choix s’est avéré pertinent car nous avions affaire à trois systèmes
politiques différents et à deux types de discours différents. Quant à la période étudiée,
nous nous sommes consacrés aux discours des dix dernières années, c’est-à-dire ceux
de la période allant de 2005 à 2015.
À travers cette analyse, nous avons pu démontrer que l’image que les personnages
politiques en question souhaitent transmettre par le biais de leurs discours de vœux cor-
respond au rôle que le système constitutionnel leur donne. On distingue alors entre des
rôles plus « opérationnels » (de gestion des affaires courantes) et des rôles de réflexion
et de recul (de gardien de valeurs constitutionnelles et morales). C’est aussi à travers ce
prisme que l’on peut distinguer deux types de discours : un premier de politique générale
et un deuxième de réflexion.
Pour parvenir à ces résultats, nous nous sommes servis de l’analyse de contenu qui
nous a permis de faire une description catégorielle de notre corpus avant de l’interpréter
72
afin de répondre à la problématique de notre étude. Cette méthodologie nous a amené à
identifier les thèmes abordés dans les discours. En se servant des mêmes catégories
pour les quatre groupes de discours, il nous a été possible de comparer, de manière
assez claire grâce à des tableaux, les thèmes abordés par les quatre personnages poli-
tiques faisant partie de notre étude. Nous avons pu constater que ces thèmes correspon-
daient généralement aux domaines d’intervention de ces hommes et femmes politiques.
En amont de cela, nous avons consacré une partie à la contextualisation des discours
avec un double objectif : rappeler les principes constitutionnels les plus importants pour
les trois pays de notre étude et analyser les principaux éléments de forme : formule d’ap-
pel, formule de vœux, mise en scène audiovisuelle, etc.
Au-delà de la réponse (positive) à notre problématique, quels sont les enseignements
qu’on a pu tirer de cette étude ? Ils se déclinent sur plusieurs plans :
(1) Sur le plan épistémologique, nous avons pu démontrer qu’il y a un intérêt parti-
culier à analyser des discours de vœux. Ces derniers sont en effet très riches
de messages « cachés » et se situent dans un contexte constitutionnel, poli-
tique et social propre à chacun. Ils sont des documents de leur temps et répon-
dent à des exigences diverses et variées.
(2) Sur le plan politique, nous avons pu démontrer que les discours de vœux sont
de véritables documents politiques. Bien évidemment, ils ne donnent pas lieu à
débats (en tous cas pas de fond), mais ils témoignent de choix politiques : quels
thèmes sont abordés ? Quelles ont été les priorités retenues ? Comment l’ac-
teur interprète-t-il son rôle politique ?
(3) Sur le plan sociologique, nous avons pu démontrer qu’être homme politique est
un vrai métier. En revenons sur la citation de Platon que nous avons mise en
tête de notre étude, nous comprenons maintenant mieux que préparer et pro-
noncer un discours est un véritable art. Il y a de multiples facteurs à prendre en
compte pour cet exercice.
(4) Sur le plan communicationnel, nous avons pu démontrer que « dire, c’est
faire ». Sans vouloir faire une explication de texte du fameux ouvrage de John
L. Austin105, le lien entre la parole et les actes performatifs semble s’appliquer
également aux discours de vœux qui affirment avant tout un cadre institutionnel
105 J. L. AUSTIN, Quand dire, c’est faire. Introduction, traduction et commentaire par Gilles Lane, Paris, Seuil, 1970.
73
donné106. On laisse aux théoriciens de juger si ces actes performatifs instaurent
un ordre social comme l’a proposé le sociologue Pierre Bourdieu107.
Les pistes de développement et d’élargissement de la présente étude sont alors très
claires : il serait certainement possible d’élargir l’analyse de contenu déjà faite afin d’ob-
tenir des résultats encore plus précis. Des recherches supplémentaires et des entretiens
avec des responsables de la communication dans les services des personnages poli-
tiques en question soutiendraient les arguments que nous avons formulés dans la pré-
sente étude. Il serait tout à fait intéressant de mieux comprendre le processus de rédac-
tion de ces discours et de connaître les vraies intentions qui se cachent derrière telle ou
telle phrase ou derrière tel ou tel détail du message télévisé. De plus, nous avons com-
plétement laissé de côté une perspective pourtant essentielle s’agissant des discours de
vœux : celle du grand public. La perception d’un personnage politique change-t-elle vrai-
ment après la diffusion d’un message à la nation ? Cela serait d’autant plus intéressant
d’examiner ce point s’agissant des chefs de l’État pour lesquels le discours est un levier
d’action essentiel (c’est le cas pour le Président fédéral allemand ou la Reine du
Royaume-Uni) et pour lesquels le succès de leur mandat est difficilement réductible à
une analyse factuelle ou chiffrée.
On pourrait critiquer le rituel des vœux de fin d’année en disant qu’il ne donne guère
lieu à des surprises. C’est vrai, mais celui qui se contente de cette réponse a mal compris
l’intention de ces discours. Leur objectif principal, comme nous avons pu le démontrer
dans la présente étude, est de créer de la cohésion nationale. En soulignant ce que tous
les citoyens ont en commun, en ayant une pensée pour les plus défavorisés et en évo-
quant un passé et une histoire partagés, les orateurs créent ce que l’on peut appeler une
communauté nationale. Finalement, la démocratie occidentale, en se substituant aux mo-
narchies absolutistes, a créé des rituels108. Leur logique consiste justement à créer des
moments dans le calendrier républicain qui servent à revivifier ce système politique et à
proposer un complément, voire une alternative, aux fêtes religieuses. Un système poli-
tique, quelles que soient ses caractéristiques spécifiques, est créé par l’homme : en tant
que tel, il est artificiel. La construction d’un vivre-ensemble en société a besoin de cette
affirmation périodique du lien qui unit tous les sociétaires, et c’est notamment par le biais
de tels discours à la population que cette affirmation est possible.
106 Comme introduction, voir à ce sujet O. AÏM, S. BILLIET, Communication, Paris, Dunod, 2015, p. 101-103. 107 Voir à ce sujet P. BOURDIEU, Langage et pouvoir symbolique. Préface de John B. Thompson, Paris, Fayard, 2001. 108 F. FINNISS-BOURSIN, op. cit. (2), p. 338.
74
En outre, exclure les surprises ne signifie pas exclure toute innovation ou tout chan-
gement. À titre d’exemple, revenons sur les discours de vœux du Président fédéral alle-
mand Christian Wulff, qui, en 2010 et en 2011, a réuni autour de lui des représentants de
la société civile et même son épouse et son jeune enfant pour prononcer ses vœux. Cet
exemple témoigne des marges de manœuvre dont disposent les chefs de l’État et de
gouvernement qui s’expriment devant leur population. Même s’ils sont enserrés dans un
système de règles et de coutumes, les messages de vœux restent avant tout des mes-
sages personnels.
S’il y a une recommandation que l’on souhaite formuler à l’attention de ceux qui
s’adressent au grand public pour les fêtes de fin d’année, c’est de leur suggérer de faire
un discours résolument européen. Les discours de vœux restent, au moins en ce qui
concerne notre corpus, des messages nationaux adressés à un peuple bien précis. « Mes
chers compatriotes » – c’est la formule d’appel utilisée par le Président de la République
française. Mais pourquoi donc il ne s’adresse pas à l’ensemble de personnes habitant
sur le territoire national ? Parle-t-il aussi aux étrangers habitant en France ? Si les dis-
cours de vœux servent à construire une nation comme nous l’avons démontré, pourquoi
ils ne peuvent pas aussi servir à construire une communauté au-delà des frontières na-
tionales et des nationalités ?
Dans un temps où on parle d’une « Europe en crise », pourquoi parle-t-on encore de
« nation » ? N’est-ce pas un concept hors temps ?
75
CORPUS ET BIBLIOGRAPHIE
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France
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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2009, en particulier la crise économique et les réformes engagées en France et au niveau international, le 31 décembre 2009, in http://discours.viepublique.fr/no-tices/107000001.html (01/02/2016).
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2010, en particulier la crise économique et financière et les réformes engagées en France, le 31 décembre 2010, in http://discours.viepublique.fr/notices/117000001.html (01/02/2016).
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le bilan de l'année 2011, notamment la crise économique et financière, le 31 décembre 2011, in http://dis-cours.viepublique.fr/notices/127000002.html (01/02/2016).
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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale, à Paris le 31 décembre 2013, in http://discours.viepu-blique.fr/notices/147000013.html (01/02/2016).
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique gouvernementale pour l'année 2015, à Paris le 31 décembre 2014, in http://discours.viepublique.fr/notices/157000036.html (01/02/2016).
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76
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Weihnachtsansprache 2009, in Bulletin der Bundesregierung, No 129-2 du 25 décembre 2009.
Weihnachtsansprache 2010, in Bulletin der Bundesregierung, No 136-1 du 25 décembre 2010.
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Weihnachtsansprache 2012, in Bulletin der Bundesregierung, No 122-1 du 25 décembre 2012.
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Weihnachtsansprache 2014, in Bulletin der Bundesregierung, No 152-1 du 25 décembre 2014.
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Neujahrsansprache 2006, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2006.
Neujahrsansprache 2007, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2007.
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Neujahrsansprache 2009, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2009.
Neujahrsansprache 2010, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2010.
Neujahrsansprache 2011, in Bulletin der Bundesregierung, No 01-1 du 1er janvier 2011.
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Royaume-Uni
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Les vœux du president de la République de 2006, in https://www.you-tube.com/watch?v=e_-8IgB5Xxk (23/04/2016)
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Les vœux du president de la République de 2012, in http://www.elysee.fr/videos/v-oelig-ux-aux-francais/ (23/04/2016).
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Les vœux du president de la République de 2014, in http://www.elysee.fr/videos/v-oelig-ux-du-president-francois-hollande-aux-francais-pour-l-039-annee-2015/ (23/04/2016)
Les vœux du president de la République de 2015, in http://www.elysee.fr/videos/voeux-aux-francais/ (23/04/2016).
Allemagne
Les discours du Président fédéral109
Les vœux du Président fédéral de 2008, in https://www.you-tube.com/watch?v=S3n7v8cKpq4 (23/04/2016).
Les vœux du Président fédéral de 2009, in https://www.you-tube.com/watch?v=BFbDEN1o4LY (23/04/2016).
Les vœux du Président fédéral de 2010, in https://www.you-tube.com/watch?v=qFaHVwJdQhk (23/04/2016).
109 Les vidéos des vœux du Président fédéral de 2005 à 2007 ne sont pas disponibles sur Internet.
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Les vœux du Président fédéral de 2011, in http://www.bundespraesident.de/Sha-redDocs/Reden/DE/Christian-Wulff/Reden/2011/12/111225-Weihnachtsansprache.html (23/04/2016).
Les vœux du Président fédéral de 2012, in http://www.bundespraesident.de/Sha-redDocs/Reden/DE/Joachim-Gauck/Reden/2012/12/121225-Weihnachtsansprache.html (23/04/2016).
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Royaume-Uni
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2005, in https://www.youtube.com/watch?v=SO8PoCEaBRg (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2006, in https://www.youtube.com/watch?v=ge4jlNF2UZ8 (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2007, in https://www.youtube.com/watch?v=-IelUFNw1TI (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2008, in https://www.youtube.com/watch?v=vji74uZuBtk (23/04/2016). 110 Les vidéos des vœux de la Chancelière fédérale de 2005 à 2008 et de 2012 ne sont pas disponibles sur Internet.
80
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2009, in https://www.youtube.com/watch?v=oldI0UrizQM (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2010, in https://www.youtube.com/watch?v=j8wYmxvpN_s (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2011, in https://www.youtube.com/watch?v=g_OCttD8Y54 (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2012, in https://www.youtube.com/watch?v=GJNwVKCdWR8 (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2013, in https://www.youtube.com/watch?v=XvUcQzTivXE (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2014, in https://www.youtube.com/watch?v=ynKdYOQmD68 (23/04/2016).
Les vœux de la Reine du Royaume-Uni et des autres Royaumes du Commonwealth de 2015, in https://www.youtube.com/watch?v=8Mzor6Hf1tY (23/04/2016).
Les analyses des discours de vœux
CLAIRON (Elsa), L’analyse d’image : les vœux, transcription de l’émission ARTE Karam-bolage du 23 mai 2004, in http://www.arte.tv/magazine/karambolage/fr/lanalyse-dimage-les-voeux-karambolage (31/03/2016).
FINNISS-BOURSIN (Françoise), Les discours de vœux des présidents de la République. La France au fond des yeux, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, « Bi-bliothèque constitutionnelle et de science politique », 1992, 446 p.
REYNAERT (François), « Les silences de la Reine. Elle a traversé le siècle et poursuit le règne le plus long de l’Histoire britannique. Omniprésente et ultrapopulaire, Élisabeth II ne dit jamais rien. Même quand son royaume se déchire au sujet du « Brexit ». Un secret de longévité », in L’Obs, no 2685 du 21/04/2016, p. 40-43.
SCHEUERMANN (Christoph), « Man wird 90. Elizabeth II. feiert nächste Woche Geburs-tag. Die Königin ist beliebt wie selten zuvor, daheim und in der ganzen Welt. Warum ? » [On a 90 ans. Élisabeth II fête son anniversaire la semaine prochaine. La Reine est aimée comme jamais, chez elle comme dans le monde entier. Pourquoi ?], in Der Spiegel, no 16/2016, p. 102.
ZIEMER (Ortwin), PROSCHE (Thèrèse), « Frohes neues Jahr ! – Bonne Année ! Politi-sche Neujahrsansprachen in Deutschland und Frankreich » [Bonne année! Les discous de voeux politiques en Allemagne et en France], in Dokumente/Documents, no 4/2010, p. 5-7.
81
Les ouvrages méthodologiques
AÏM (Olivier), BILLIET (Stéphane), Communication, Paris, Dunod, 2015.
BARDIN (Laurence), L’analyse de contenu, Paris, Presses universitaires de France, 2013 (2ème édition), 291 p.
Les ouvrages sur des questions institutionnelles
BOUILLARD (Christophe), ESCALONA (Fabien), « La France », in BRACK (Nathalie), DE WAELE (Jean-Michel), PILET (Jean-Benoît), Les démocraties européennes. Institu-tions, élections et partis politiques, Paris, Armand Colin, « Collection U Sciences poli-tiques », 2015 (3ème édition), 464 p., p. 165-176.
COHENDET (Marie-Anne), Le Président de la République, Paris, Dalloz, « Connaissance du droit », 2012 (2ème édition), 187 p.
GUGGENBERGER (Bernd), « Bundeskanzler » [« Le Chancelier fédéral »], in ANDER-SEN (Uwe), WICHARD (Woyke), Handwörterbuch des politischen Systems der Bundes-republik Deutschland [Dictionnaire du système politique de la République fédérale d’Al-lemagne], Heidelberg, Springer VS, 2013 (7ème édition), 862 p., p. 50-53.
JESSE (Eckhard), « Bundespräsident » [Le Président fédéral], in ANDERSEN (Uwe), WICHARD (Woyke), Handwörterbuch des politischen Systems der Bundesrepublik Deutschland [Dictionnaire du système politique de la République fédérale d’Allemagne], Heidelberg, Springer VS, 2013 (7ème édition), 862 p., p. 56-58.
LERUEZ (Jacques), Le système politique britannique depuis 1945, Paris, Armand Colin, 1994, 192 p.
LERUTH (Benjamin), STARTIN (Nicolas), « Le Royaume-Uni », in BRACK (Nathalie), DE WAELE (Jean-Michel), PILET (Jean-Benoît), Les démocraties européennes. Institutions, élections et partis politiques, Paris, Armand Colin, « Collection U Sciences politiques », 2015 (3ème édition), 464 p., p. 413-426.
WINKLER (Hans-Joachim), Der Bundespräsident – Repräsentant oder Politiker ? [Le Président fédéral – Représentant ou homme politique?], Opladen, C. W. Leske Verlag, « Beiträge zur Sozialkunde », 1967, 99 p.
Les ouvrages philosophiques et sociologiques
AUSTIN (John L.), Quand dire, c’est faire. Introduction, traduction et commentaire par Gilles Lane, Paris, Seuil, 1970, 183 p.
BOURDIEU (Pierre), Langage et pouvoir symbolique. Préface de John B. Thompson, Paris, Fayard, 2001, 423 p.
PLATON, Le Politique, Paris, Flammarion, 2003, 316 p.
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ANNEXE I : PERSONNALITÉS DONT ON EXAMINE LES DISCOURS DE FIN D’AN-
NÉE
France : Liste des Présidents de la République (chef de l’État) depuis 2005
1995-2007 Jacques Chirac
2007-2012 Nicolas Sarkozy
2012- François Hollande
Allemagne : Liste des Présidents fédéraux (chef de l’État) depuis 2005
2004-2010 Horst Köhler (démissionné)
2010-2012 Christian Wulff (démissionné)
2012- Joachim Gauck
Allemagne : Liste des Chanceliers (chef du gouvernement) depuis 2005
2005- Angela Merkel
Royaume-Uni : Liste des monarques du Royaume-Uni et des autres Royaumes du
Commonwealth (chef de l’État) depuis 2005
1952- Élisabeth II
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ANNEXE II : EXTRAIT DU CORPUS
France
Déclaration radiotélévisée de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la po-
litique gouvernementale en faveur de l'emploi et de l'intégration sociale, à Paris le 31
décembre 2005.
Mes chers compatriotes de métropole, d'outremer et de l'étranger,
Au seuil de cette nouvelle année, j'adresse à chacune et à chacun d'entre vous mes
vœux les plus chaleureux. Et en ces instants de fête, je pense d'abord à toutes celles et
à tous ceux qui connaissent la maladie, la solitude, la peine.
Je pense aussi à nos soldats qui sont engagés sur tous les continents au service de
la paix.
Et je veux dire à la famille de Bernard PLANCHE, que les pouvoirs publics sont plei-
nement mobilisés pour obtenir sa libération.
L'année 2005 a vu s'exprimer les tensions et les interrogations qui traversent notre
société : le non au référendum et la crise des banlieues en portent le témoignage. Avec
en arrière-plan, une question, celle de la mondialisation : comment rester nous-mêmes
dans un monde qui change d'une manière accélérée ?
Mais 2005 a aussi été une année de succès pour la France. Avec l'A380 d'Airbus, avec
Ariane 5, avec le système de navigation par satellite Galileo, avec Iter pour l'énergie du
futur, notre pays s'est porté à la pointe de l'innovation mondiale. La croissance est repar-
tie. Et surtout, nous avons marqué des points face au chômage. C'est un fléau, source
de tant de difficultés, de malheurs, de blocages. Depuis huit mois, mois après mois, le
chômage baisse : déjà près de 160 000 chômeurs de moins. C'est la preuve que vos
efforts, que les réformes en profondeur engagées depuis 2002 et que l'action résolue du
Gouvernement commencent à porter leurs fruits. C'est un extraordinaire encouragement
à aller encore plus de l'avant pour gagner la bataille de l'emploi.
Mes chers compatriotes, il faut croire en la France. Nous devons retrouver toute la
force mobilisatrice et le sens profondément moderne du mot "patriotisme" : Aimer son
pays, en être fier, agir pour lui.
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Ensemble, nous allons accélérer notre action et nous inscrire dans un projet collectif.
Ce projet n'est pas à inventer, il est à faire vivre, dans les principes et dans les actes : ce
projet, c'est la République.
Au fondement même de la République il y a le respect de la loi et des règles. Nous
allons intensifier encore la lutte contre la violence et la délinquance. Lutter plus vigoureu-
sement contre l'immigration clandestine. Réformer notre justice, pour que plus jamais un
drame comme celui d'Outreau ne puisse se reproduire.
Et au cœur de la République, il y a le mérite : pouvoir réussir par son travail, sa volonté,
son talent, quel que soit le lieu où l'on vit ou quelle que soit son origine. Pouvoir progres-
ser, réussir dans la société sans être entravé par la barrière des castes ou des privilèges.
L'école, c'est la clé de tout. Nous allons mieux aider les établissements qui en ont besoin,
faire de l'apprentissage l'autre voie de la réussite, ouvrir plus largement les portes des
universités et des grandes écoles aux enfants des milieux modestes.
Et puis, l'honneur de la République c'est d'intensifier notre action au service des habi-
tants des quartiers en difficulté parce qu'il n'y a pas de République sans égalité des
chances.
Mes chers compatriotes, soyons intransigeants sur les idéaux de la République. Refus
du communautarisme. Respect dû à chacun. Respect de la laïcité. Lutte contre les dis-
criminations. Combat contre le racisme et l'antisémitisme. Parce que nous ne sommes
vraiment nous-mêmes que libérés de tout ce qui abaisse, de tout ce qui salit, de tout ce
qui sème la discorde. Parce que la diversité fait partie de notre histoire : c'est une ri-
chesse. C'est un atout pour notre avenir.
La République, c'est aussi l'esprit de conquête. Nous allons faire de la mondialisation
un atout pour notre croissance et pour nos emplois.
Parce que nous voulons renforcer nos atouts pour l'emploi et garantir un haut niveau
de protection sociale, nous allons ouvrir le chantier de la réforme de son financement.
Aujourd'hui, plus une entreprise licencie, plus elle délocalise et moins elle paye de
charges. Il faut que notre système de cotisations patronales favorise les entreprises qui
emploient en France.
Ensuite, nous allons, avec les partenaires sociaux, instaurer une véritable sécurisation
des parcours professionnels fondée sur le droit à l'accompagnement et à la formation,
pour tous, et tout au long de la vie de travail.
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La bataille de la mondialisation et de l'emploi, nous la gagnerons aussi par l'innovation,
en allant au-devant des progrès technologiques. Aujourd'hui, nous sommes confrontés
simultanément à deux révolutions industrielles majeures : l'énergie, avec l'après pétrole
qui est la grande affaire du siècle. Et le numérique.
J'ai décidé d'en faire les deux priorités de notre politique industrielle. La France sera
pionnière. Elle agira pour entraîner ses partenaires européens dans la voie de la cons-
truction de l'Europe industrielle.
L'Europe est essentielle pour notre avenir. Avec tous nos partenaires, nous avons
trouvé un bon accord sur le budget européen mais il faut à l'Europe des institutions plus
démocratiques, plus stables, plus efficaces. On ne peut pas attendre. C'est pourquoi, je
prendrai rapidement des initiatives pour relancer la construction de l'Europe politique, de
l'Europe sociale, de l'Europe des projets.
Mes chers compatriotes de métropole, d'outremer et de l'étranger,
Soyons nous-mêmes. Faisons de la mondialisation un atout pour notre avenir. La
France a toujours surmonté les défis auxquels elle était confrontée. À chaque fois, elle
en est sortie plus forte. La réponse, c'est l'ambition, c'est la fraternité, c'est le rassemble-
ment, c'est la République.
Vive la République ! Vive la France !
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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la France face au
terrorisme, la lutte contre le chômage et sur la construction européenne, à Paris le 31
décembre 2015.
Mes cher-e-s compatriotes,
Les vœux que je vous présente ce soir ne ressemblent à aucun de ceux qui les ont
précédés, car nous venons de vivre une année terrible.
Commencée avec les lâches attentats contre Charlie Hebdo et l'Hypercacher, elle a
été ensanglantée par les agressions commises à Montrouge, à Villejuif, à Saint-Quentin
Fallavier et dans le Thalys pour s'achever dans l'horreur avec les actes de guerre perpé-
trés à Saint-Denis et à Paris.
Ma première pensée va aux victimes du fanatisme, à leurs familles plongées dans le
chagrin, aux blessés atteints dans leur chair.
Ce soir, en votre nom, je leur exprime notre compassion et notre affection. Ces tragé-
dies demeureront gravées dans chacune de nos mémoires. Elles ne s'effaceront jamais.
Mais, malgré le drame, la France n'a pas cédé. Malgré les larmes, elle s'est tenue
debout.
Face à la haine, elle a montré la force de ses valeurs. Celles de la République.
Françaises, Français, je suis fier de vous. Vous avez fait preuve dans ces circons-
tances de détermination, de solidarité et de sang-froid.
En cet instant, je salue la bravoure de nos soldats, de nos policiers, de nos gendarmes
qui prennent tant de risques pour notre sécurité. J'adresse ma gratitude aux Services de
santé, aux pompiers, à la protection civile et à tous les bénévoles qui ont porté secours
à nos compatriotes en détresse. Mais je vous dois la vérité, nous n'en avons pas terminé
avec le terrorisme. La menace est toujours là. Elle reste même à son plus haut niveau.
Nous déjouons régulièrement des attentats.
Aussi, mon premier devoir, c'est de vous protéger. Vous protéger, c'est agir à la racine
du mal : en Syrie, en Irak. C'est pourquoi, nous avons intensifié nos frappes contre Daech.
Les coups portent, les djihadistes reculent, alors nous continuerons autant que néces-
saire.
Vous protéger, c'est agir ici sur notre sol.
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Au soir des attentats, j'ai, sur la proposition de Manuel VALLS, instauré l'état d'ur-
gence. Puis, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, j'ai, en conscience, fait
un choix à la mesure de ce que nous avions éprouvé. J'ai d'abord décidé de renforcer les
effectifs et les moyens de la Police, de la Justice, du Renseignement et des Armées. J'ai
engagé ensuite, une réforme de la procédure pénale pour lutter plus efficacement contre
le crime organisé, son financement et les trafics qui l'alimentent.
Enfin, j'ai annoncé une révision de la Constitution pour donner un fondement incontes-
table au recours à l'état d'urgence lorsqu'un péril imminent nous fait face et pour déchoir
de la nationalité française, les individus condamnés définitivement pour crime terroriste.
Il revient désormais au Parlement de prendre ses responsabilités. Le débat est légi-
time. Je le respecte. Il doit avoir lieu. Et quand il s'agit de votre protection, la France ne
doit pas se désunir. Elle doit prendre les bonnes décisions au-delà des clivages partisans
et en conformité avec nos principes essentiels. J'y veillerai car j'en suis le garant.
Aussi, je n'accepterai jamais que l'on puisse opposer les Français entre eux. Nous
diviser, c'est ce que cherchent les extrémistes. Je n'accepterai pas davantage que l'on
puisse s'en prendre dans notre République laïque à l'un de nos concitoyens pour la pra-
tique de sa religion. Ou encore que des lieux de culte puissent être profanés, comme une
salle de prière ces derniers jours en Corse. Ces gestes-là ne resteront jamais impunis,
qu'ils concernent une mosquée, une synagogue, un temple ou une église. Il y va de l'hon-
neur de la France.
Mes chers compatriotes,
En 2016, nous lutterons contre le terrorisme. Oui sûrement, intensément. Mais aussi
contre tout ce qui fracture notre société et qui nourrit autant le repli que l'exclusion.
S'il y a un état d'urgence sécuritaire, il y a aussi un état d'urgence économique et
social.
La lutte contre le chômage reste ma première priorité.
Ce sera l'objet des textes préparés par le Gouvernement pour simplifier le Code du
travail, instaurer une nouvelle Sécurité sociale professionnelle et saisir les opportunités
économiques offertes par la révolution numérique.
Parallèlement, un plan massif de formation des demandeurs d'emploi sera lancé : 500
000 personnes de plus seront accompagnées vers les métiers de demain. Mais chacun
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sait que c'est dans les PME que les emplois se créent. Aussi, de nouvelles aides à l'em-
bauche seront introduites, dès le début de la nouvelle année.
Enfin, les filières de l'apprentissage seront largement ouvertes. Je fixe l'objectif qu'au-
cun apprenti ne soit sans employeur et qu'aucun employeur ne demeure sans apprenti.
Tout jeune doit être en formation ou en emploi, quelle qu'en soit la forme. Cet effort en
faveur de la génération qui vient, c'est un devoir sacré. Il appelle à une mobilisation de
tous, de l'Etat bien sûr, des Régions qui viennent de s'installer et des entreprises. C'est
aussi cela l'Unité Nationale.
La France a besoin de mouvement. Elle a besoin d'actions. Elle a aussi besoin d'en-
gagement. Le Service civique est un facteur de brassage, d'intégration, d'insertion. Il a
montré son utilité pour les jeunes et pour notre société.
Je demande donc au Gouvernement d'engager par étapes sa généralisation. Les mis-
sions seront multiples : du soutien aux personnes les plus fragiles à la préservation de la
planète.
La réussite de la COP21 a été un événement mondial. Et un motif de fierté pour la
France qui a scellé, à Paris, un accord entre 195 pays pour réduire le réchauffement
climatique. C'est un résultat considérable.
La France a, désormais, la responsabilité de mettre en oeuvre ce qui a été décidé pour
la planète. Mais aussi de prendre un temps d'avance, d'être un exemple.
C'est pourquoi, nous lancerons un programme de grands travaux pour la rénovation
de nos bâtiments, pour le développement des énergies renouvelables et pour la crois-
sance verte. Nous ferons de la cause du climat un grand chantier pour l'emploi et pour la
qualité de la vie.
Françaises, Français,
Les événements que nous avons vécus nous l'ont confirmé : nous sommes habités
par un sentiment que nous partageons tous. Ce sentiment, c'est l'amour de la Patrie.
La Patrie, c'est le fil invisible qui nous relie tous, Français d'ici ou d'ailleurs, citoyens
de toutes conditions, de toutes croyances et de toutes origines.
Et la patrie, elle est au coeur de mon engagement, c'est celle qui s'accomplit dans
l'ouverture au monde, dans le respect des autres, dans l'égalité, dans la confiance dans
l'avenir, l'avenir de la France et jamais dans le repli, la fermeture, la discrimination ou la
nostalgie.
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La patrie, c'est en son nom que nous avons bâti l'Europe.
L'Europe, elle a réussi de grandes choses. Mais elle a révélé des insuffisances qui la
mettent aujourd'hui en péril.
Face à l'afflux des réfugiés provoqué par les conflits, l'Europe doit être capable de
sécuriser ses frontières et d'accueillir ceux qui demandent l'asile tout en raccompagnant
dans la dignité ceux qui n'en relèvent pas. C'est un défi majeur ou alors ressurgiront les
murs que l'on croyait abattus par l'Histoire.
En s'effaçant, l'année 2015 ne nous délivre pas des causes des drames que nous
avons endurés. Elle nous oblige à les regarder en face, à les traiter avec fermeté. Mais
ce qui s'est produit, nous a changés, transformés même. Et nous devons utiliser cette
vitalité, cette énergie qui a surgi de nous-mêmes – ce sursaut qui a été salué dans le
monde entier pour mener à bien toutes les réformes, pour être plus fort économiquement,
plus juste socialement, plus exemplaire démocratiquement. C'est ainsi que la France sor-
tira plus grande avec cette belle idée de nous faire réussir tous ensemble.
Mes cher-e-s compatriotes de Métropole, d'Outre-Mer et de l'étranger,
2015 fut une année de souffrance et de résistance, alors faisons de 2016 une année
de vaillance et d'espérance. C'est dans cet esprit que je vous adresse du fond de mon
coeur, mes meilleurs vœux pour vous, vos proches, votre famille parce que vous êtes la
France, toute la France.
Vive la République et vive la France.
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Allemagne
Weihnachtsansprache 2005 des Bundespräsidenten über Hörfunk und Fernsehen
Bundespräsident Horst Köhler hielt am 24. Dezember 2005 über den Hörfunk und am
25. Dezember 2005 über das Fernsehen folgende Weihnachtsansprache:
Liebe Landsleute!
Meine Frau und ich wünschen Ihnen frohe Weihnachten.
In vielen Häusern herrscht jetzt fröhlicher Trubel; in anderen geht es eher besinnlich
zu. Ich wünsche Ihnen da genau das Weihnachtsfest, das Sie am liebsten mögen.
Am Weihnachtsabend blicken wir auf ein Jahr zurück, in dem viel geschehen ist. In
Deutschland ging es in der Politik stürmisch zu, aber jetzt haben wir eine handlungsfähige
Regierung aus beiden Volksparteien, die bereit sind, gemeinsam anzupacken. Und unser
Land hat zum ersten Mal eine Bundeskanzlerin.
Unsere Regierungspolitiker beginnen, parteipolitische Gegensätze zu überbrücken.
Vielleicht ist das ein guter Ansatz, neue Wege bei der Lösung der Probleme zu gehen.
Bei meinen Besuchen im Land begegne ich jedenfalls immer wieder Menschen, die ver-
suchen, gemeinsam etwas für ihre Anliegen in der Heimat zu bewirken, und sie lassen
sich dabei von unterschiedlichen politischen Überzeugungen überhaupt nicht stören.
Diese Haltung der Bürger kann doch allen Vorbild sein. Dann können wir erleben: Ver-
änderungen lassen sich gemeinsam gestalten, und die Dinge fügen sich.
Wir alle wissen: Deutschland steht vor einem Berg von Aufgaben. Da liegt gerade vor
den Politikern viel Arbeit, und sie tragen eine hohe Verantwortung. Wir sollten uns dabei
klar machen: Wir können alle nicht zaubern, nur arbeiten. Es wird Zeit brauchen.
Doch unser Land hat sich auf den Weg gemacht. Unser Ziel ist klar: Jahrzehntelang
war Deutschland in Europa an der Spitze. Da wollen wir wieder hin. Das schafft Arbeits-
plätze und Sicherheit.
Wir sind bereit, neue Erfahrungen zu sammeln. Wir werden dazulernen, und so werden
wir neue Kraft gewinnen. Auf diesem Weg sollten wir die alten Tugenden nicht vergessen.
Ein bisschen mehr Ehrlichkeit, Anständigkeit und Redlichkeit im täglichen Umgang kön-
nen uns wirklich nicht schaden.
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Im kommenden Jahr wollen wir Fußball-Weltmeister werden. Die Welt wird bei uns zu
Gast sein, und wir können ihr zeigen: Deutschland ist ein offenes, ein dynamisches, ein
faires Land.
Wir wissen: gemeinsam sind wir stark. Wenn wir zusammenstehen, offen für Ideen
sind, hart arbeiten, einander zuhören und helfen, dann können wir auch diejenigen von
uns wieder in unsere Mitte holen, die am Rand stehen und sich einsam und schlecht
fühlen. Unsere Gedanken sind bei Ihnen.
Viel hat die Welt bewegt in diesem Jahr:
Wir haben Abschied genommen von Papst Johannes Paul II., und wir haben uns mit
Menschen in aller Welt gefreut über die Wahl seines Nachfolgers, unseres Landsmannes
Papst Benedikt XVI.
Wir haben die Dresdner Frauenkirche wieder, weil Bürger in aller Welt sich das so in
den Kopf gesetzt hatten.
Und die Natur hat uns Demut gelehrt, im Süden der Vereinigten Staaten und in Mittel-
amerika, in Pakistan, und vor allem am Indischen Ozean. Der Tsunami hat uns vor Augen
geführt, wie zerbrechlich die Welt ist und wie verletzlich der Mensch.
Die Überlebenden und die Hinterbliebenen sind dankbar für die Hilfsbereitschaft, die
sie erfahren haben. Und wir sollten denen dankbar sein, die am heutigen Abend nicht im
Kreise ihrer Lieben feiern, weil sie für ihre Mitmenschen da sind - im Krankenhaus, bei
der Polizei, als Bus- und Bahnfahrer oder als Soldaten, die fern der Heimat für Sicherheit
und Freiheit sorgen.
Viele unserer Landsleute leisten draußen in der Welt im Namen Deutschlands denen
Hilfe, denen es schlechter geht als uns. Das ist auch für Deutschland gut, denn wir sind
alle aufeinander angewiesen, ob wir Europäer oder Amerikaner sind, Asiaten oder Afri-
kaner.
Jens Weißflog, der Skispringer, hat einmal gesagt: "Man fliegt immer nur so weit, wie
man im Kopf schon ist." Ein Gedanke, der uns Ansporn gibt in unseren Anstrengungen
für die Menschen, die in Armut und Not leben, hier und überall auf der Welt. Wir wollen
eine Kraft sein, die zum Guten wirkt.
Aber jetzt lassen Sie uns erst einmal Weihnachten feiern. Finden Sie Zeit und Muße –
für sich und andere.
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Weihnachten ist ein Fest des Friedens, der Nächstenliebe und der Zuversicht. Ich wün-
sche uns allen, dass wir davon viel empfangen und viel geben können.
Frohe und gesegnete Weihnachten, wo immer Sie sind!
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Weihnachtsansprache 2015 von Bundespräsident Dr. h. c. Joachim Gauck am 25. De-
zember 2015 in Schloss Bellevue
Guten Abend aus dem Schloss Bellevue,
ein frohes Weihnachtsfest wünsche ich Ihnen allen.
Ein frohes Weihnachtsfest – so wünschen wir es einander jedes Jahr. Aber vielen von
uns fällt es in diesem Jahr nicht leicht, in weihnachtlicher Stimmung zu sein. Zwar hat
sich die Mehrzahl der Deutschen mit Freude und Dank daran erinnert, dass wir nun schon
seit 25 Jahren in einem wiedervereinigten, freien und demokratischen Land leben.
Aber das Jahr war doch in hohem Maß gekennzeichnet von Unglück, von Gewalt, Ter-
ror und Krieg. Wir erinnern uns an die schreckliche Flugzeugkatastrophe in den französi-
schen Alpen. Wir rufen die zahlreichen Krisen auf, die sich überlagerten, fast alle andau-
ern und bei zahllosen Menschen Unsicherheit, oft auch Angst auslösen. Ich nenne nur
die Finanzkrise und die zunehmenden Differenzen in der Europäischen Union, ich nenne
die intensiven Debatten um die Zukunft Griechenlands. Ich denke auch an die Ukraine,
Syrien, Afghanistan, die vom Terror bedrohten Gebiete Afrikas. Und heute, Weihnachten,
denke ich besonders an Menschen, die wegen ihres christlichen Glaubens verfolgt wer-
den. Dankbar grüße ich die zivilen Helfer, die inmitten von Hunger, Not und Bürgerkrieg
unermüdlich tätig sind. In gleicher Weise grüße ich die Soldatinnen und Soldaten, die im
gefährlichen Kampf gegen die Wurzeln des Terrors, der vor kurzem unter anderem auch
in Paris gewütet hat, eingesetzt sind.
Was uns gegenwärtig jedoch besonders umtreibt, ist die Frage: Wie sollen wir mit den
vielen Flüchtlingen umgehen, die in unserem Land Bleibe und Zukunft suchen?
Wir standen und stehen vor einer besonders großen Herausforderung. Wo die Behör-
den an ihre Grenzen kamen, haben Sie, liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger, die Men-
schen willkommen geheißen. Spontan und wie selbstverständlich. Tausendfach haben
Sie Essen und Trinken, Decken und Kleidung gebracht, Sprachkurse organisiert und Un-
terstützung bei Behördengängen geleistet.
Sie alle sind zum Gesicht eines warmherzigen und menschlichen Landes geworden.
Auch von Berufs wegen haben Unzählige getan, was in ihren Kräften stand: in Land-
ratsämtern und Stadtverwaltungen, in Sozial- und Gesundheitsbehörden, in Schulen und
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Kindergärten, bei den Landespolizeien und der Bundespolizei, in Bundesämtern und Mi-
nisterien.
Ob haupt- oder ehrenamtlich: Wir haben gezeigt, was in uns steckt – an gutem Willen
und an Professionalität, aber auch an Improvisationskunst. Und wir haben gesehen: Der
Einzelne wie auch die Gesellschaft können sich beständig neu entdecken und wachsen.
So kann sich das Land erkennen in den Herausforderungen, die es annimmt und, da bin
ich zuversichtlich, auch meistern wird.
Gegenwärtig belastet viele zwar die Heftigkeit der Debatte. Aber lassen Sie mich daran
erinnern: Der Meinungsstreit ist keine Störung des Zusammenlebens, sondern Teil der
Demokratie. Lassen Sie uns einen Weg beschreiten heraus aus falschen Polarisierun-
gen. Gerade die solidarischen und aktiven Bürger und Bürgermeister sind es ja oft, die
auf ungelöste Probleme hinweisen.
Eines allerdings ist klar: Gewalt und Hass sind kein legitimes Mittel der Auseinander-
setzung, Brandstiftung und Angriffe auf wehrlose Menschen verdienen unsere Verach-
tung und verdienen Bestrafung.
Genauso klar ist: Nur mit offenen Diskussionen und Debatten können wir Lösungen
finden, die langfristig Bestand haben und von Mehrheiten getragen werden. Wir sind es,
die Bürger und ihre gewählten Repräsentanten, die entwickeln und verteidigen werden,
was dieses unser liberales und demokratisches Land so lebenswert und liebenswert
macht. Wir sind es, die Lösungen finden werden, die unseren ethischen Normen entspre-
chen, und den sozialen Zusammenhalt nicht gefährden. Lösungen, die das Wohlergehen
der eigenen Bürger berücksichtigen, aber nicht die Not der Flüchtlinge vergessen.
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger,
das Weihnachtsfest erinnert uns daran, dass wir Menschen Kraftquellen benötigen,
um unser Leben immer wieder zu meistern – im Politischen wie im Privaten.
Für unzählige ist es die Familie, die ihnen Geborgenheit und das Gefühl von Sicherheit
vermittelt. Bei anderen sind es Freunde und Wahlverwandte, die sie motivieren, stützen
und tragen.
Aber es ist doch auch das Weihnachtsfest selbst mit seiner Botschaft, die uns in
schwierigen Zeiten hilft, Wege der Mitmenschlichkeit zu finden.
Die Heilige Schrift der Christen erzählt davon, dass sich im Weihnachtsgeschehen die
Menschenfreundlichkeit Gottes zeigt. Es ist schön, von dieser Menschenfreundlichkeit
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umfangen zu werden. Aber noch schöner ist es, diese Menschenfreundlichkeit selbst zu
leben und in unsere Welt hinein zu tragen.
Mit dieser leisen Ermutigung wünsche ich uns allen, dass wir ein frohes und gesegne-
tes Weihnachten feiern können und miteinander in ein neues gutes Jahr gehen.
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Neujahrsansprache 2006 von Bundeskanzlerin Dr. Angela Merkel am 31. Dezember
2005 über Hörfunk und Fernsehen
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger,
was kann man alles in einem Jahr erreichen? Es ist eine ganze Menge! Wie wäre es,
wenn wir uns heute Abend das Ziel setzen, im kommenden Jahr überall noch ein wenig
mehr als bisher zu vollbringen?
Sie hat gut reden, wird jetzt vielleicht der eine oder andere sagen. Ihr geht es gut, sie
hat in diesem Jahr doch einiges von dem erreicht, was ihr wichtig war. Aber mir? Wie soll
es weitergehen nach dem Verlust meines Arbeitsplatzes? Wann finde ich endlich einen
Ausbildungsplatz? Wie können wir die Pleite unseres Betriebes verhindern? Was wird
aus mir und meiner Familie?
Ich verstehe diese Fragen. Ich weiß, dass vielen bereits sehr viel abverlangt wird.
Ich wage es dennoch noch einmal: Ich möchte uns ganz einfach ermuntern herauszu-
finden, was in uns steckt! Ich bin überzeugt, wir werden überrascht sein!
Sie haben schon lange eine Idee? Es muss gar nichts Überragendes sein, aber sollte
2006 nicht das Jahr sein, in dem Sie versuchen, diese Idee in die Tat umzusetzen? Fan-
gen wir einfach an! Jeder Weg beginnt mit einem ersten Schritt. Sie werden sehen, wie
viel Freude es macht, wenn man Schritt für Schritt voran geht.
Das kann jeder von uns – zu Hause, in der Familie, mit Kindern, in der Schule, am
Arbeitsplatz, mit Kranken, mit Behinderten, mit bei uns lebenden Ausländern, in Vereinen,
in Selbsthilfegruppen, in Bürgerinitiativen, in Kirchen und vielem mehr.
Und auch in der Politik.
So ist die neue Bundesregierung an die Arbeit gegangen. Unerreichbare Ziele setzen?
Das ist nicht unsere Art. Unhaltbare Versprechungen machen? Davon haben Sie zu
Recht genug. Viele kleine Schritte gehen, die aber in die richtige Richtung. So haben wir
angefangen. Und dabei ein Ziel fest im Blick: unser Land in zehn Jahren wieder an die
Spitze Europas zu führen, und zwar weil jeder von uns ganz persönlich etwas davon hat.
Wir haben uns an die Arbeit gemacht, um die Arbeitsvermittlung zu stärken, die öffent-
lichen Finanzen zu stabilisieren, das, was an Arbeit rings um den privaten Haushalt getan
wird, steuerlich besser zu stellen, die Investitionsbedingungen für die Betriebe zu verbes-
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sern, neue Technologien stärker als bisher zu fördern. Denn unser Land wird im Wettbe-
werb mit anderen Ländern nur mithalten können mit immer neuen Ideen. Die Regierung
der großen Koalition wird daher angesichts der überaus schwierigen Haushaltslage über-
all sparen – nur nicht bei Forschung, Entwicklung, Bildung und Ausbildung.
Im kommenden Jahr haben wir als Land alle gemeinsam eine große Chance! Die Welt
wird auf Deutschland schauen wie zuletzt vor 16 Jahren beim Fall der Mauer. Natürlich,
die Dinge sind in ihrer Bedeutung überhaupt nicht zu vergleichen, aber dennoch: Im Er-
gebnis werden Milliarden Menschen die Fußballweltmeisterschaft am Fernseher verfol-
gen und Millionen Menschen werden uns besuchen kommen.
Natürlich drücken wir unserer Mannschaft die Daumen, und ich glaube, die Chancen
sind gar nicht schlecht. Die Frauenfußball-Nationalmannschaft ist ja schon Fußballwelt-
meister, und ich sehe keinen Grund, warum Männer nicht das Gleiche leisten können wie
Frauen.
Ein Sieger der Weltmeisterschaft steht für mich schon heute fest: Das sind wir, die
Menschen in diesem Land, weil wir mit der ganzen Welt ein Fest feiern können.
Die Weltmeisterschaft hat, wie ich finde, ein wunderbares Motto: Die Welt zu Gast bei
Freunden. Werden Sie Freund oder Freundin! Lassen Sie uns alle gemeinsam Freunde
unserer Gäste werden.
Das ist mein größter Wunsch für das neue Jahr: Dass Deutschland weiter in Freund-
schaft mit seinen Nachbarn und Partnern, in Frieden und Freiheit leben kann. Europa hat
große Erwartungen an unser Land. Ohne ein wirtschaftlich und sozial starkes Deutsch-
land kommt Europa nicht voran. Und ohne ein starkes Europa ist auch Deutschland
schwach. Die Finanzen haben wir beim letzten EU-Gipfel in Ordnung gebracht. Aber weil
Europa insgesamt handlungsfähiger werden muss, weil wir uns auch unserer gemeinsa-
men Werte bewusst sein müssen, sollte es nach der Denkpause beim europäischen Ver-
fassungsprozess bald zu greifbaren Ergebnissen kommen.
Auch außerhalb Europas gibt es große Erwartungen an unser Land – bei den Ver-
handlungen um den freien Welthandel, beim Auslandseinsatz von deutschen Soldaten
und Polizisten oder bei der Reform der Vereinten Nationen.
Wir Deutsche zeigen immer wieder, wozu wir bereit sind. Wir zeigen, dass wir zusam-
menstehen,
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dass wir auch nicht ruhen, bis in Not geratene Landsleute wieder in Sicherheit sind –
wie bei der Entführung von Jürgen Chrobog, seiner Frau und ihren drei Söhnen im Je-
men.
Wir denken auch bei großen Naturkatastrophen an andere. Für die beim Tsunami ein-
zigartige Spendenbereitschaft danke ich Ihnen sehr. Ich möchte Sie zugleich bitten, auch
an die stillen Tsunamis zu denken, also an die zum Teil vergessene Not. Zum Beispiel
durch Hungersnöte in Afrika, an die Opfer des verheerenden Erdbebens in Pakistan oder
an die Tragödien in manchen Regionen unserer Welt, die durch Kriege, Bürgerkriege,
Migrationsströme und Krankheiten verursacht werden. Vergessen wir sie nicht, öffnen wir
auch hierfür unsere Herzen – wie auch für Menschen, die bei uns zu Hause in Not leben.
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger, wir sehen, wir können gemeinsam so viel errei-
chen! Jeder kann seinen Beitrag leisten! Und wenn wir auch bei uns zu Hause künftig
unsere Probleme in den Griff bekommen wollen, und zwar auch das Problem Nummer
eins, das ist ohne Zweifel die erschreckend hohe Arbeitslosigkeit – dann müssen wir noch
mehr als bisher tun. Genau das hat sich meine Regierung vorgenommen.
Dazu werden wir Sie nach Kräften unterstützen, aber dazu müssen wir alle auch über-
kommenen Rituale in Politik und Verbänden überwinden. Und wir sollten uns an eine
einfache Weisheit erinnern, sie lautet: Arbeit braucht Wachstum und Wachstum braucht
Freiheit.
Deshalb machen wir Bürokratieabbau, eine wettbewerbsfähige Unternehmensbesteu-
erung, eine Reform von Bund und Ländern. Und wir arbeiten für eine echte Reform der
Kranken- und Pflegeversicherung im nächsten Jahr – für eine überzeugende Idee auch
dort, und die wird in die Tat umgesetzt.
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger, ich möchte, dass Sie Ihre Ideen für sich und Ihre
Familien verwirklichen können. Deutschland ist das Land der Ideen. Aber von unseren
Ideen leben – das können wir nur, wenn wir sie auch in die Tat umsetzen. Überraschen
wir uns damit, was möglich ist!
Fangen wir einfach an – ab morgen früh.
Heute Abend aber feiern wir erst einmal oder wir sind mit den Menschen zusammen,
die unsere Hilfe, ein liebendes Wort brauchen oder die umgekehrt uns Zuspruch und
Trost geben.
Ich wünsche Ihnen ein gutes, ein erfülltes und gesegnetes neues Jahr 2006.
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Neujahrsansprache 2016 von Bundeskanzlerin Dr. Angela Merkel am 31. Dezember
2015 über Hörfunk und Fernsehen
Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger,
schon vor einem Jahr, am Silvesterabend 2014, mussten wir auf ein Jahr zurückbli-
cken, das zu viele Kriege und Krisen bereithielt. Manches wie die Ebola-Katastrophe in
Afrika ist inzwischen aus den Schlagzeilen verschwunden. Anderes, was uns bereits
2014 bewegte, hat auch in diesem Jahr nichts an Aktualität verloren. Leider. Dazu gehö-
ren der Krieg in Syrien und das bestialische Morden der Terrororganisation IS. Am Sil-
vesterabend vor einem Jahr habe ich gesagt: Eine Folge dieser Kriege und Krisen ist,
dass es weltweit so viele Flüchtlinge gibt wie noch nie seit dem Zweiten Weltkrieg. Viele
sind buchstäblich dem Tod entronnen. Es ist selbstverständlich, dass wir ihnen helfen
und Menschen aufnehmen, die bei uns Zuflucht suchen.
Heute Abend wiederhole ich diesen Gedanken, weil es selten ein Jahr gegeben hat,
in dem wir so sehr herausgefordert waren, Worten Taten folgen zu lassen. 2015 war so
ein Jahr. Und deshalb möchte ich am heutigen Silvesterabend vor allem ein Wort sagen:
Danke. Danke für die überwältigende und tatsächlich bewegende Welle spontaner Hilfs-
bereitschaft, die wir in diesem Jahr erlebt haben, als so viele Menschen oft lebensgefähr-
liche Wege auf sich genommen haben, um bei uns Zuflucht zu suchen. Ich danke den
unzähligen freiwilligen Helfern für ihre Herzenswärme und ihre Einsatz-bereitschaft, die
immer mit diesem Jahr 2015 verbunden sein werden. Ich danke allen hauptamtlichen
Helfern, ich danke allen Polizisten und Soldaten für ihren Dienst, ich danke den Mitarbei-
tern der Behörden im Bund, in den Ländern, in den Kommunen. Sie alle tun weit, weit
mehr als das, was ihre Pflicht ist. Sie alle, Ehrenamtliche wie Hauptamtliche, haben mit-
einander Herausragendes geleistet und sie leisten es weiter, auch genau zu dieser
Stunde.
Es steht völlig außer Frage, dass der Zuzug so vieler Menschen uns noch Einiges
abverlangen wird. Das wird Zeit, Kraft und Geld kosten – gerade mit Blick auf die so
wichtige Aufgabe der Integration derer, die dauerhaft hier bleiben werden. Dabei wollen
und müssen wir aus Fehlern der Vergangenheit lernen. Unsere Werte, unsere Traditio-
nen, unser Rechtsverständnis, unsere Sprache, unsere Gesetze, unsere Regeln – sie
tragen unsere Gesellschaft, und sie sind Grundvoraussetzung für ein gutes, ein von ge-
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genseitigem Respekt geprägtes Zusammenleben aller in unserem Land. Das gilt für je-
den, der hier leben will. Von gelungener Einwanderung aber hat ein Land noch immer
profitiert– wirtschaftlich wie gesellschaftlich.
Ebenso steht völlig außer Frage, dass unser Land schon so viele große Herausforde-
rungen gemeistert hat und noch immer an ihnen gewachsen ist. Am 3. Oktober haben
wir den 25. Jahrestag der Wiedervereinigung Deutschlands gefeiert. Ist es nicht groß-
artig, wo wir heute, 25 Jahre später, stehen? Wir sind als Nation zusammengewachsen.
Wir haben die niedrigste Arbeitslosigkeit und die höchste Erwerbstätigkeit des geeinten
Deutschlands. Der Bund hat schon zwei Jahre nacheinander keine neuen Schulden ge-
macht. Die Reallöhne wachsen, die Wirtschaft ist robust und innovativ. Ich bin überzeugt:
Richtig angepackt ist auch die heutige große Aufgabe des Zuzugs und der Integration so
vieler Menschen eine Chance von morgen. Denn wir haben ein großartiges bürgerschaft-
liches Engagement und ein umfassendes Konzept politischer Maßnahmen.
National, in Europa und international arbeiten wir daran, den Schutz der europäischen
Außengrenzen zu verbessern, aus illegaler Migration legale zu machen, die Fluchtur-
sachen zu bekämpfen und so die Zahl der Flüchtlinge nachhaltig und dauerhaft spür-bar
zu verringern. Auch im Kampf gegen den Terror des IS leistet Deutschland einen wichti-
gen Beitrag. Unsere Soldatinnen und Soldaten stehen mit Leib und Leben für unsere
Werte, unsere Sicherheit und unsere Freiheit ein. Dafür danke ich Ihnen von Herzen.
Auch im nächsten Jahr kommt es ganz besonders auf eines an: auf unseren Zusammen-
halt. Es kommt darauf an, dass wir immer auch den Argumenten des an-deren zuhören,
auch wenn er Sorgen und Chancen anders gewichtet, als man selbst es tut. Es kommt
darauf an, dass wir uns nicht spalten lassen. Nicht in Generationen. Auch nicht sozial und
nicht in Alteingesessene und Neubürger. Es kommt darauf an, denen nicht zu folgen, die
mit Kälte oder gar Hass in ihren Herzen ein Deutschsein allein für sich reklamieren und
andere ausgrenzen wollen. Es kommt darauf an, auch in Zukunft ein Land sein zu wollen,
in dem wir selbstbewusst und frei, mitmenschlich und weltoffen sind – mit der Freude am
Gelingen, mit der Freude, die es machen kann, wenn wir unser Bestes geben. Die Wirt-
schaft, Arbeitnehmer und Arbeitgeber, damit sich die Kräfte der sozialen Marktwirtschaft
weiter entfalten können, auch die Wissenschaft, Kunst und Kultur. Einfach jeder in sei-
nem eigenen Leben.
Und natürlich auch der Sport, wenn unsere Athleten nächstes Jahr bei den olympi-
schen und paralympischen Spielen um Medaillen und persönliche Bestleistungen kämp-
fen oder unsere Fußballweltmeister in Frankreich auch Europameister werden wollen.
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Liebe Mitbürgerinnen und Mitbürger, es stimmt: Es ist eine besonders herausfordernde
Zeit, in der wir leben. Aber es stimmt auch: Wir schaffen das, denn Deutsch-land ist ein
starkes Land. In diesem Sinne wünsche ich uns allen gemeinsam Gesundheit, Kraft, Zu-
versicht und Gottes Segen für das neue Jahr 2016.
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Royaume-Uni
The Queen’s Christmas Broadcast 2005
The day after my last Christmas message was broadcast, the world experienced one
of the worst natural disasters ever recorded.
The devastating tsunami struck countries around the Indian Ocean causing death and
destruction on an unprecedented scale. This was followed by a number of vicious hurri-
canes across the Carib-bean and the inundation of the city of New Orleans. Then in the
autumn came the massive earth-quake in Pakistan and India.
This series of dreadful events has brought loss and suffering to so many people - and
their families and friends - not only in the countries directly affected, but here in Britain
and throughout the Commonwealth.
As if these disasters were not bad enough, I have sometimes thought that humanity
seemed to have turned on itself - with wars, civil disturbances and acts of brutal terrorism.
In this country many people's lives were totally changed by the London bombings in July.
This Christmas my thoughts are especially with those everywhere who are grieving the
loss of loved ones during what for so many has been such a terrible year.
These natural and human tragedies provided the headline news; they also provoked a
quite re-markable humanitarian response. People of compassion all over the world re-
sponded with imme-diate practical and financial help.
There may be an instinct in all of us to help those in distress, but in many cases I
believe this has been inspired by religious faith. Christianity is not the only religion to
teach its followers to help others and to treat your neighbour as you would want to be
treated yourself.
It has been clear that in the course of this year relief workers and financial support
have come from members of every faith and from every corner of the world.
There is no doubt that the process of rebuilding these communities is far from over and
there will be fresh calls on our commitment to help in the future.
Certainly the need for selflessness and generosity in the face of hardship is nothing
new. The vet-erans of the Second World War whom we honoured last summer can tell
us how so often, in mo-ments of greatest trial, those around them seemed able to draw
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on some inner strength to find courage and compassion. We see this today in the way
that young men and women are calmly serving our country around the world often in great
danger.
This last year has reminded us that this world is not always an easy or a safe place to
live in, but it is the only place we have. I believe also that it has shown us all how our faith
- whatever our religion - can inspire us to work together in friendship and peace for the
sake of our own and future genera-tions.
For Christians this festival of Christmas is the time to remember the birth of the one we
call "the Prince of Peace" and our source of "light and life" in both good times and bad. It
is not always easy to accept his teaching, but I have no doubt that the New Year will be
all the better if we do but try.
I hope you will all have a very happy Christmas this year and that you go into the New
Year with renewed hope and confidence.
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The Queen’s Christmas Broadcast 2015
At this time of year, few sights evoke more feelings of cheer and goodwill than the
twinkling lights of a Christmas tree.
The popularity of a tree at Christmas is due in part to my great-great grandparents,
Queen Victoria and Prince Albert. After this touching picture was published, many families
wanted a Christmas tree of their own, and the custom soon spread.
In 1949, I spent Christmas in Malta as a newly-married naval wife. We have returned
to that island over the years, including last month for a meeting of Commonwealth lead-
ers; and this year I met another group of leaders: The Queen's Young Leaders, an inspi-
rational group, each of them a symbol of hope in their own Commonwealth communities.
Gathering round the tree gives us a chance to think about the year ahead -- I am look-
ing forward to a busy 2016, though I have been warned I may have Happy Birthday sung
to me more than once or twice. It also allows us to reflect on the year that has passed, as
we think of those who are far away or no longer with us. Many people say the first Christ-
mas after losing a loved one is particularly hard. But it’s also a time to remember all that
we have to be thankful for.
It is true that the world has had to confront moments of darkness this year, but the
Gospel of John contains a verse of great hope, often read at Christmas carol services:
"The light shines in the dark-ness, and the darkness has not overcome it.
One cause for thankfulness this summer was marking seventy years since the end of
the Second World War. On VJ Day, we honoured the remaining veterans of that terrible
conflict in the Far East, as well as remembering the thousands who never returned. The
procession from Horse Guards Parade to Westminster Abbey must have been one of the
slowest ever, because so many people wanted to say 'thank you' to them.
At the end of that War, the people of Oslo began sending an annual gift of a Christmas
tree for Tra-falgar Square. It has five hundred lightbulbs and is enjoyed not just by Chris-
tians but by people of all faiths, and of none. At the very top sits a bright star, to represent
the Star of Bethlehem.
The custom of topping a tree also goes back to Prince Albert's time. For his family's
tree, he chose an angel, helping to remind us that the focus of the Christmas story is on
one particular family.
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For Joseph and Mary, the circumstances of Jesus's birth -- in a stable – were far from
ideal, but worse was to come as the family was forced to flee the country. It’s no surprise
that such a human story still captures our imagination and continues to inspire all of us
who are Christians, the world over.
Despite being displaced and persecuted throughout his short life, Christ's unchanging
message was not one of revenge or violence but simply that we should love one another.
Although it is not an easy message to follow, we shouldn't be discouraged; rather, it in-
spires us to try harder: to be thankful for the people who bring love and happiness into
our own lives, and to look for ways of spreading that love to others, whenever and wher-
ever we can.
One of the joys of living a long life is watching one’s children, then grandchildren, then
great grand-children, help decorate the Christmas tree. And this year my family has a
new member to join in the fun!
The customary decorations have changed little in the years since that picture of Victo-
ria and Al-bert's tree first appeared, although of course electric lights have replaced the
candles.
There’s an old saying that “it is better to light a candle than curse the darkness”.
There are millions of people lighting candles of hope in our world today. Christmas is
a good time to be thankful for them, and for all that brings light to our lives.
I wish you a very happy Christmas.
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RÉSUMÉ
Les vœux de fin d’année, généralement prononcés par les chefs de l’État et de gou-
vernement, sont révélateurs de règles, traditions et coutumes nationales, ils transportent
une certaine image de la personne qui les prononce et ils servent avant tout à renforcer
la cohésion nationale.
Sur le plan méthodologique, le renvoi à l’analyse de contenu offre la possibilité de
catégoriser le corpus avant de procéder à l’interprétation de ce dernier afin d’identifier
l’image institutionnelle transportée par les discours de vœux.
Pour la période allant de 2005 à 2015, une analyse comparative entre les vœux du
Président de la République française, du Président fédéral et du Chancelier fédéral de la
République fédérale d’Allemagne et du monarque du Royaume-Uni et des autres
Royaumes du Commonwealth permet d’identifier deux discours types : un discours de
politique générale et un discours de recul et de réflexion. Des acteurs politiques impliqués
dans les affaires courantes de la vie politique de leur pays (Président de la République,
Chancelier fédéral) font recours au premier. À l’inverse, des acteurs politiques ayant un
rôle d’instance morale (Président fédéral, monarque britannique) font recours au seconde
type de discours.
Le rôle politique et institutionnel d’un acteur politique s’avère alors déterminant pour la
forme (y compris la mise en scène audiovisuelle) et le fond (c’est-à-dire les thèmes abor-
dés) de ses vœux. Même si tous les discours du corpus se veulent rassembleurs, ceux
qui sont prononcés avec davantage de recul par rapport à la vie politique, réussissent
mieux à renforcer la cohésion nationale. Nonobstant, tous les discours répondent à un
objectif commun : créer un rituel « républicain » au service d’un État sécularisé, voire laïc.
En faisant abstraction de la personnalité de l’acteur politique en question, on constate
que les vœux suivent des règles influencées par l’histoire du pays, le système constitu-
tionnel et les valeurs qui priment dans la vie publique. Ces règles sont avant tout natio-
nales. Dans un contexte où l’intégration européenne est mise en danger, les tentatives
d’élargir la perspective des vœux au-delà de la communauté nationales restent pourtant
timides.
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MOTS CLÉS
Allemagne
Analyse de contenu
Discours politiques
France
Royaume-Uni
Systèmes politiques européens
Vœux de fin d’année