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« « A A u u t t a a n n t t e e n n e e m mp p o o r r t t e e l l e e t t e e m mp p s s » » textes de Michel MAGNY Bernard MILLET François VERNOTTE χρòνοs Transcription de la conférence-débat organisée le mercredi 26 janvier 2000 par l'équipe départementale d'appui pédagogique de l'Inspection Académique de la Haute-Saône en partenariat avec le projet Aurore, l'Université de Franche-Comté et l'IUFM de Franche-Comté, site de Vesoul. CDDP site IUFM, bâtiment B route de Saint-Loup BP 2 Annee 1 70000 VESOUL

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Michel MAGNYBernard MILLET

François VERNOTTE

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Transcription de la conférence-débat organisée le mercredi 26 janvier2000 par l'équipe départementale d'appui pédagogique de l'InspectionAcadémique de la Haute-Saône en partenariat avec le projet Aurore,l'Université de Franche-Comté et l'IUFM de Franche-Comté, site de

Vesoul.

CDDPsite IUFM, bâtiment Broute de Saint-Loup

BP 2 Annee 170000 VESOUL

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François VERNOTTE

Maître de Conférence au Laboratoire Temps-Fréquence de l'Observatoire deBesançon

« Les systèmes modernes d'échelle de temps - La précision et la stabilité des horloges »

_______________________

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LES ÉCHELLES DE TEMPSMODERNES

François VernotteObservatoire de Besançon

I. Temps-Durée et Temps-Date :

le sablier et le calendrierLa langue française, contrairement à

d'autres langues telles que l'allemand et l'anglais,présente une ambiguïté : elle ne distingue pas letemps-durée du temps-date. Par exemple si unepersonne dit : "Je suis ici depuis une heure", on nesait pas si cette personne a passé ici une duréed'une heure (eine Stunde, one hour), ou si elle estarrivée ici à la date une heure (eine Uhr, oneO'clock).

Une durée est la différence de deux dates :elle correspond à une différentielle de la date. Demême, en intégrant des durées constantes, on peutrepérer la date. Historiquement, le temps a étémesuré avec des instruments indiquant la date, telsque le calendrier et le cadran solaire, et desinstruments accumulant des durées fixes, tels quele sablier ou la clepsydre.

Cette différence correspond aux notions plusrécentes d'unité de temps et d'échelle de temps :

• l'étalon de temps définit l'unité detemps-durée : la seconde ;

• l'horloge compte les unités de temps etdéfinit le temps-date : l'échelle de temps.

Une échelle de temps moderne doit vérifier quatrequalités :

• Pérennité :

Une échelle de temps doit pouvoircontinuer à dater tous lesévénements futurs.

• Accessibilité - Universalité :

Une échelle de temps doit êtreaccessible à tous les utilisateurspotentiels.

• Stabilité :

La durée de l'unité d'une échellede temps doit être constante dansle temps.

• Exactitude :

La durée de l'unité d'une échellede temps doit être égale à ladéfinition de l'unité.

Par exemple, une horloge qui réalise desunités de temps toujours rigoureusement égales à0,9 seconde est parfaitement stable mais trèsinexacte. À l'inverse, une horloge dont laréalisation de l'unité de temps varie de 0,9 s à 1,1 smais dont la moyenne vaut précisément 1 s, est trèsinstable mais exacte. On distingue aussi souvent lastabilité à court terme (propriété d'une horloge dontla réalisation de l'unité de temps varie très peu surdes temps courts, mais évolue lentement au coursdu temps) et la stabilité à long terme (propriétéd'une horloge dont la réalisation de l'unité detemps varie beaucoup sur des temps courts, maisdont la moyenne évolue peu au cours du temps).

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II. Le Temps Atomique

A. L'Horloge Atomique à Jet deCésium

Le principe d'une horloge atomique estbasé sur un aspect fondamental de la physiquequantique : un atome peut exister sous différentsniveaux d'énergie qui sont quantifiés, c'est à direque l'énergie d'un atome ne peut prendre que desvaleurs bien précises, caractéristiques de la naturede l'atome (hydrogène, césium, etc.), et il lui est"interdit" de se trouver entre ces valeurs. Pour fairepasser un atome d'un niveau d'énergie à un autreplus élevé (on parle de transition atomique), il doitrecevoir un photon (un "grain élémentaire" delumière) dont l'énergie correspond exactement à ladifférence d'énergie entre le niveau final et leniveau initial. À l'inverse, pour revenir au niveaud'énergie initial, il doit lui même émettre unphoton de même énergie.

Or, l'énergie transportée par un photon estdirectement proportionnelle à la fréquence del'onde électromagnétique associée (à la couleur dela lumière). Par exemple, un photon de lumièreviolette transporte deux fois plus d'énergie qu'unphoton de lumière rouge, qui en transporte plusqu'un photon infra-rouge, qui en transporte plusqu'un photon d'onde radio ; rappelons que lesondes radio, même si elles ne sont pas visibles,sont de même nature que la lumière ; seule leurfréquence, nettement plus basse, les distingue.

Puisque les différences d'énergie entre lesétats d'un atome ont des valeurs parfaitementdéfinies, il en est de même de la fréquence del'onde électromagnétique pouvant changer leurétat, ou pouvant être générée par leur changement

d'état. Pour construire une horloge, il suffit doncd'utiliser la fréquence de cette ondeélectromagnétique et de compter ses périodes.Ainsi, de la même façon qu'une horloge comtoisecomptabilise les oscillations de son balancier (enfaisant avancer les aiguilles de son cadran à chaquepériode), ou qu'une horloge à quartz comptabiliseles périodes des vibrations de son oscillateur àquartz, une horloge atomique comptabilise lespériodes de l'onde électromagnétique ayantprovoqué le changement d'état d'atomes (étalonspassifs) ou ayant été générée par ce changementd'état (étalons actifs).

L'horloge atomique la plus stable et la plusexacte (elle est exacte par définition, puisque laseconde est définie par rapport à sonfonctionnement) est actuellement l'horlogeatomique à jet de césium. Son fonctionnement,illustré par la figure 2, peut être résumé de la façonsuivante :

1. un oscillateur à quartz génère un signalélectrique de fréquence 10 MHz (10 mégahertz,soit dix millions d'oscillations par seconde) aussiexactement que possible ;

2. un dispositif électronique multiplie lafréquence de base du signal issu de l'oscillateur àquartz pour obtenir un signal dont la fréquencevaut 9.192.631.770 Hz (étage multiplicateur defréquence) ;

3. ce signal très haute fréquence (on parlede signal hyper-fréquence ou micro-onde) estinjecté dans un guide d'onde dont la géométrie esttelle qu'il entretient une résonance à cettefréquence particulière (cavité de Ramsey) ;

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4. un four envoie un jet d'atomes decésium 133, qui, au départ, se trouvent dansplusieurs états d'énergie différents (symbolisés parétat A et état B sur la figure 2) ;

5. un système de déflexion magnétiquedévie les atomes qui ne sont pas dans l'état A :seuls les atomes dans l'état d'énergie A pénètrentdans la cavité de Ramsey (étage de sélectiond'entrée) ;

6. si la fréquence injectée dans la cavité atrès exactement la valeur 9.192.631.770 Hz, ungrand nombre d'atomes passe de l'état A à l'état B(phase d'interrogation) ;

7. un second système de déflexionmagnétique sépare la direction des atomes dansl'état A de celle des atomes dans l'état B (étage desélection de sortie) ;

8. un détecteur, placé sur le trajet desatomes dans l'état B, compte le nombre d'atomesreçus (étage de détection) ;

9. en fonction de la réponse du détecteur,un système modifie la fréquence du quartz de tellesorte que le nombre d'atomes détectés dans l'état Bsoit maximal (boucle d'asservissement).

C'est donc un oscillateur à quartz qui est àla base d'une horloge atomique à jet de césium, lesatomes de césium n'étant là que pour contrôler etajuster la fréquence du signal généré par le quartz :c'est un étalon passif.

Il existe d'autres types d'horlogesatomiques : les horloges à rubidium dont lesperformances sont moindres, les masers àhydrogène passifs et les masers à hydrogène actifs,dont la stabilité à court terme (durées inférieures àun jour) est meilleure que les étalons à césium,

mais qui présentent une stabilité à long terme (etune exactitude) moins bonne.

B. La Nouvelle Définition de laSeconde et le Temps AtomiqueInternational

Troisième définition de la seconde (depuis 1967):

La seconde est la durée de 9.192.631.770 périodesde la radiation correspondant à la transition entreles deux niveaux hyperfins de l'état fondamental del'atome de Césium 133.

L'échelle de temps qui en découle est le TempsAtomique International (TAI) :

Le Temps Atomique International TAI est lacoordonnée de repérage temporel établie par leBureau International de l'Heure (remplacémaintenant par le Bureau International des Poidset Mesures) sur la base des indications d'horlogesatomiques fonctionnant dans divers établissementsconformément à la définition de la seconde, unitéde temps du Système International d'unités.

Le TAI est maintenant la référence officielle pourdater les événements.

Détermination du TAI :

1. Chaque laboratoire concerné doitréaliser une échelle de temps atomique locale(accessibilité) : il doit disposer de plusieurs étalonsatomiques (pérennité).

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2. Les échelles de temps atomique localdoivent être intercomparées : chaque laboratoiredoit connaître l'avance ou le retard de son échellelocale par rapport à celles d'autres laboratoires.

3. Le TAI est calculé par une moyennepondérée des diverses échelles de temps atomiquelocale : le coefficient de pondération est déterminépar les performances (stabilité, exactitude) dechaque échelle locale.

4. Chaque laboratoire reçoit lacorrespondance entre son échelle locale et le TAIpour la période écoulée (universalité) : tous lesévénements le concernant peuvent être "redatés"par rapport au TAI.

Intercomparaison des échelles de temps locales :

Il est clair que la réalisation du TAIrepose sur l'utilisation d'étalons atomiques trèsstables et très exacts, mais aussi sur des moyenstrès performants pour intercomparer les différenteshorloges participant à l'élaboration du TAI, etréparties sur toute la surface du globe terrestre.

À l'heure actuelle, c'est surtout grâce àl'utilisation "à l'envers" du Global PositioningSystem (GPS), que ces intercomparaisons sontréalisées. GPS est à la base un système delocalisation : un récepteur GPS qui observesimultanément 4 des satellites GPS peut en déduireses 3 coordonnées d'espace (latitude, longitude etaltitude) et le temps. Les satellites de laconstellation GPS sont en effet équipés d'horlogesatomiques dont ils diffusent les signaux, et leurposition absolue est connue à chaque instant. Uncalcul de triangulation permet ensuite dedéterminer la position du récepteur.

À l'inverse, considèrons maintenant deuxstations, munies chacune d'un récepteur GPS etd'une échelle de temps locale. Connaissantprécisément la position des deux récepteurs GPSqui datent le même signal issu d'un satellite en vuecommune de ces deux récepteurs, il est possibled'en déduire l'écart entre les échelles de tempslocales des deux stations.

Une telle intercomparaison est réaliséeavec une exactitude de l'ordre de 3 nanosecondes (3milliardièmes de seconde).

Il existe d'autres méthodesd'intercomparaison qui, bien que nettement pluscoûteuses (le prix d'un récepteur GPS est de l'ordrede 2000 F), donnent des exactitudes et surtout desstabilités bien supérieures. Les méthodes "aller-retour", par exemple, consistent à envoyer depuisune première station un signal à un satellite qui leréfléchit sur une deuxième station qui renvoie àson tour un signal vers la première station via lesatellite. La stabilité (reproductibilité) de cesméthodes est meilleure que 100 picosecondes (unepicoseconde vaut 10-12 seconde) mais sonexactitude est souvent limitée par uneméconnaissance des délais internes, dans lessystèmes d'émission, de réception, au sol et dans lesatellite, à une valeur de l'ordre de la nanoseconde.

Estimation des instabilités du Temps AtomiqueInternational :

Le TAI étant considéré comme l'échelle detemps la plus précise dont nous puissions disposerà l'heure actuelle, et, surtout, le TAI étant l'échellede temps de référence, il est impossible de mesurerni sa stabilité ni son exactitude (par rapport à

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quelle échelle de temps pourrions-nous effectuerune telle mesure ! ). Par contre, il est possibled'estimer ses caractéristiques en prenant en compte

1. l'écart de chaque horloge participant auTAI avec le TAI lui-même,

2. les incertitudes de raccordement.

À l'heure actuelle (1998, les valeurs pour1999 n'étant pas encore connues), la stabilité aussibien que l'exactitude du TAI sont estimées à 2.10-

14 (1 seconde pour 1.500.000 ans).

C. La révolution du tempsatomique

La définition et l'usage du temps atomique aconstitué une révolution à plus d'un titre :

• L'échelle de temps (temps-date) estréalisée en "juxtaposant" les unités detemps (temps-durée) d'un étalon detemps-fréquence : avant, l'unité de tempsétait définie comme la durée d'unesubdivision de l'échelle de temps.

• Le TAI cesse d'être une échelle de temps"naturelle" : avant, les échelles de tempsse manifestaient directement.Aujourd'hui, il faut utiliser une multituded'horloges fabriquées par l'homme.

• Le temps devient un problème dephysiciens : avant, c'était un problèmed'astronomes. Cependant, plusieursobservatoires ont poursuivi leur rôle de"gardiens du temps" en se dotantd'horloges atomiques : c'est le casnotamment de l'observatoire deBesançon, fidèle à sa "vocation

horlogère", du Laboratoire Primaire duTemps et des Fréquences (BNM-LPTF)de l'observatoire de Paris, qui dispose del'horloge la plus stable du monde (lafontaine atomique), ainsi que, àl'étranger, de l'observatoire de Neuchâtel(en cours de construction d'une horloge àatomes froids), de l'United States NavalObservatory (USNO), etc.

• Le temps (temps-durée) est la grandeurphysique déterminée le plus précisément(quelques 10-14) : c'est la base permettantde redéfinir les unités d'autres grandeurs.Le définition du mètre, par exemple, estbasée depuis 1983 sur la distanceparcourue par la lumière dans le vidependant une durée de 1/299.792.458seconde : c'est donc une mesure de duréequi conditionne la précision des mesuresde longueur.

L'adoption du TAI a constitué un gain enstabilité et en exactitude de plus de 4 ordres degrandeur par rapport aux précédentes échelles detemps. Une amélioration aussi spectaculaire s'estinévitablement accompagnée de difficultésnouvelles.

De très nombreux effets, qui jusqu'alorsétaient complètement négligeables devant lesincertitudes liées à la détermination du temps, sontdevenus très nettement sensibles. C'est le casnotamment d'effets relativistes. La relativitégénérale prévoit en effet que le temps s'écoule pluslentement à proximité d'une masse, telle que laTerre par exemple.

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Par conséquent, il importe de tenir comptede l'altitude d'une horloge (donc de sa distance à laTerre) pour utiliser son temps propre dans le calculdu TAI. De même, il faut corriger l’effet dû au"rayonnement du corps noir" : tout corps, à unetempérature donnée, émet un rayonnement defréquence donnée, par exemple de l'infra-rouge à20°C, de la lumière rouge à 2000°C (lorsqu'uncorps est chauffé au rouge), etc. Le rayonnementémis par l'horloge, à la température du laboratoire,interagit avec l’onde hyperfréquence et induit undéplacement de la fréquence de transition desatomes de césium. Il faut donc, là aussi, mesurer latempérature afin de connaître la correction àappliquer au temps local de l'horloge. Une dizained'autres effets du même type doivent égalementêtre pris en compte pour arriver au degréd'exactitude et de stabilité du TAI.

D'autre part, un autre inconvénient estdirectement lié aux précisions relatives du TAI etde UT : le TAI se décale par rapport à UT.Pourtant, comme UT est lié à la rotation de laTerre et donc aux alternances jour-nuit, c'estl'échelle de temps qui rythme naturellement nosvies. Il est important qu'une échelle de temps resteen phase avec elle, et que midi ne sonne paspendant la nuit ! Une alternative a donc été choisie,c'est le Temps Universel Coordonné (UTC) qui suitle TAI, et possède donc la même stabilité et lamême exactitude, sans jamais s'écarter de UT1 deplus de 0,9 seconde. Comment réussir une telleopération ? En ajoutant dès que nécessaire une"seconde intercalaire" à UTC (voir figure 3) ! Ladernière seconde intercalaire a été ajoutée entre le31 décembre 1998 à 23h59m59s et le 1er janvier1999 à 0h0m0s ; la succession des secondes a été :23h59m59s, 23h59m60s, 0h0m0s. C’est en fait

UTC qui est utilisé pour générer le temps légal detous les pays.

III. Perspectives

A. Le temps des pulsars

À la fin des années 80, après avoir étudiéles impulsions reçues par le premier pulsarmilliseconde identifié (PSR 1937+21, découvert en1982), il est apparu que ces astres présentaient lescaractéristiques de stabilité nécessaires pourpouvoir constituer une nouvelle échelle de tempsastronomique, peut-être plus stable que le TAI.

Un pulsar est une étoile qui, à la fin de savie, s'est contractée considérablement pour devenirune étoile à neutrons. Son diamètre ne mesure plusque quelques dizaines de kilomètres, provoquantdes effets spectaculaires :

• par conservation du moment cinétique, lepulsar tourne très rapidement sur lui-même (période de l'ordre de la secondepour les pulsars "standards", de l'ordrede la milliseconde pour les pulsarsmillisecondes) ;

• son champ magnétique, confiné dans unvolume très réduit, et augmenté parmagnéto-hydro-dynamique, est trèsintense.

Les pôles magnétiques captent toutes lesparticules chargées (électrons, protons) passant àproximité et ces particules piégées émettent desondes radio par effet synchrotron.

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Les pôles magnétiques du pulsar secomportent ainsi comme de véritables pharesémettant un faisceau d'ondes radio trèsdirectionnel.

De plus, comme les pôles magnétiques del'étoile ne coïncident généralement pas avec lespôles géographiques, ce faisceau tourne dansl'espace, à l'image d'un phare de marine. À chaquerotation, si le faisceau se trouve dirigé vers laTerre, on reçoit une impulsion d'ondes radio, d'oùle nom de "pulsar".

À cause du très faible rapport signal surbruit des observations de pulsars millisecondes,leur stabilité à court terme est très médiocre. Parexemple, dans le cas de PSR 1937+21, dont lapériode vaut 1,6 ms, on ne peut dater sesimpulsions qu'avec une précision de l'ordre de 0,5µs (1 microseconde vaut un millionième deseconde), soit une stabilité à court terme de 3.10-4

seulement.

Par contre, leur stabilité à long terme estexcellente puisque, toujours dans le cas de PSR1937+21, on n'a pas perdu le compte desimpulsions qu'il a envoyé depuis le moment où il aété découvert. Malheureusement, la cosmologieprévoit que l'univers est baigné par un bruitd'ondes gravitationnelles, qui serait un "écho" duBig Bang. L'effet de ce bruit d'ondesgravitationnelles serait de faire fluctueraléatoirement la métrique de l'espace-temps del'univers. Tout se passerait donc comme si ladistance entre un pulsar et nous variait de manièrealéatoire, induisant des avances ou des retards dansla réception des impulsions. Les théoriciens ontcalculé que cet effet serait très lent, et qu'on ne

pourrait le détecter que sur des temps très longs(l'effet serait maximal pour une durée égale autemps mis par la lumière pour aller du pulsarjusqu'à nous, soit 15000 ans dans le cas de PSR1937+21 ! ). Cet effet pourrait donc limiter lastabilité à très long terme des pulsarsmillisecondes.

Au sein de l'équipe Temps-Fréquence del'observatoire de Besançon, nous avons participé àla caractérisation de la stabilité à long terme despulsars millisecondes, notamment PSR 1937+21 etPSR 1855+09. Il n'a été possible que de fixer unelimite supérieure aux instabilités à long terme deces deux "horloges astronomiques". Suivant nosrésultats, leur stabilité serait meilleure que celle duTAI uniquement pour des durées comprises entre 6mois et un an : avant 6 mois les instabilités à courtterme dominent, après un an les instabilités à longterme commenceraient à se manifester.

Ces conclusions ne sont pas définitives carla durée de la séquence d'impulsions étudiée étaittrès courte (de l'ordre de 10 ans) pour mettre enévidence de façon sûre des instabilités à très longterme. D'autre part, l'étude du mouvement orbitaldes pulsars binaires semble aussi une piste trèsprometteuse et pourrait permettre d'envisager uneautre échelle de temps. Cependant, il faut aussiconsidérer que la stabilité du TAI ne cesse des'améliorer, et pourrait encore gagner un ordre degrandeur dans les années à venir grâce aux progrèsréalisés dans les nouvelles générations d'horloges.

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B. La nouvelle générationd'horloges atomiques

Une des causes majeures d'instabilité deshorloges atomiques réside dans l'agitationthermique des atomes utilisés (la température esten fait une mesure de l'agitation désordonnée desatomes). La vitesse d'agitation des atomes conduità modifier la fréquence de transition atomique pareffet Doppler. Cet effet peut être résumé de la façonsuivante : imaginons que nous voulions mesurer lafréquence d'un signal émis par une source enmouvement (ou, ce qui revient exactement aumême, par une source immobile, l'observateur étanten mouvement) et dont la fréquence vautexactement f0 ; si la source s'approche de nous,

nous mesurerons une fréquence plus élevée que f0 ;

si, au contraire, la source s'éloigne, mousmesurerons une fréquence plus basse que f0 (cet

effet est couramment utilisé pour mesurer desvitesses, en particulier celle des automobilistes ! ).Par conséquent, si, du fait de l'agitation thermique,un atome de césium se déplace dans la cavité deRamsey, il verra une modification de la fréquencedu signal micro-onde injecté dans cette cavité. Onparle alors d'un élargissement de la fréquence detransition atomique : si la fréquence micro-onde esttrès légèrement inférieure à la fréquence detransition, elle interagira avec les atomess'éloignant de la cavité ; si elle est très légèrementsupérieure, elle interagira avec les atomess'approchant. Le rôle de "contrôleur de fréquence"assuré par les atomes est par conséquent moinsprécis.

L'idéal serait donc d'utiliser des atomes àune température proche du zéro absolu (0 Kelvin =

-273°C). Malheureusement, l'intensité du jetd'atomes est directement lié à la température dufour les éjectant. Il faut donc refroidir les atomes,après les avoir éjectés du four par chauffage. Leprincipe utilisé est le refroidissement parirradiation laser. Il est basé sur le fait qu'un atome,lorsqu'il absorbe un photon correspondant à une deses transitions atomiques, subit une impulsion quitend à le pousser dans la direction et le sens duphoton qu'il vient d'absorber. Imaginons unfaisceau laser, horizontal, dont la fréquence est trèslégèrement inférieure à une fréquence de transitiond'un atome. Si un atome, éclairé par le laser, estimmobile, il n'interagit pas avec le faisceau et restedonc immobile. Si, par contre, il s'approche de lasource laser, il voit la fréquence du faisceau commeétant égale à sa fréquence de transition (encorel'effet Doppler). Il absorbe un photon et subit uneimpulsion dans le sens opposé à son mouvement :il est donc freiné. En ajoutant un deuxièmefaisceau laser dans le sens opposé, un autre couplede laser dans la direction horizontaleperpendiculaire (un dans un sens, l'autre dans lesens opposé), et enfin, un dernier couple de laserdans la direction verticale, on réalise une "mélasseoptique" et l'atome est freiné quels que soient ladirection et le sens de sa vitesse. De plus, cet effetse conjugue avec un autre effet quantique, appelél'effet Sisyphe, qui a tendance à confiner encoreplus les atomes. On arrive par ce procédé àrefroidir les atomes à une température de 2 micro-Kelvin (1 µK vaut un millionième de degréKelvin), soit une vitesse moyenne d'agitation de 1,5cm.s-1.

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L'horloge à fontaine d'atomes de césiumrefroidis par laser, qui fonctionne au BNM-LPTFde l'observatoire de Paris, utilise cet effet (voirfigure 4). Outre le refroidissement des atomes, laprincipale différence avec une horloge à césiumclassique réside dans le fait que le jet d'atomes n'estpas continu : on lance une "boule d'atomes"refroidis (environ 10 millions d'atomes dans unvolume d'un cm3), on attend qu'ils retombent, puis,environ une seconde après, on en lance unesuivante, etc.

La stabilité de cette horloge a été évaluée àenviron 5.10-16 sur une journée. Certainesaméliorations prévues pourraient même luipermettre de descendre à une valeur de 10-16 (10picosecondes par jour). Lorsque plusieurs horlogesdu même type (une dizaine sont actuellement encours de réalisation, notamment en France, enSuisse, aux USA, au Japon ...) interviendront dansle calcul du TAI, la stabilité de ce dernier en seragrandement améliorée. Il est aussi à noter qu'uneversion spatiale d'une horloge à atomes refroidis(PHARAO), à laquelle sera adjoint un maser àhydrogène, devrait prochainement être embarquéeà bord de la Station Spatiale Internationale afin depermettre des transferts de temps avec uneprécision de l'ordre d'une dizaine de picosecondes(projet ACES, Atomic Clock Ensemble in Space).

IV. Utilité d'une échelle de tempsultra-stableSachant que dans la plupart des activités

de la vie courante, telles que prendre un train, par

exemple, une précision de l'ordre de la minute surla détermination du temps est suffisante, on est endroit de se demander quelle est l'utilité d'uneéchelle de temps dont l'exactitude et la stabilitésont de l'ordre de quelques 10-15 (soit un dizièmede nanoseconde par jour).

En fait, bien qu'on en soit rarementconscient, un grand nombre d'applications utilisedes bases de temps très précises. Certainestechniques n'auraient même pas pu voir le jour sinous ne pouvions déterminer le temps avec uneaussi grande exactitude.

Les progrès en télécommunications, parexemple, sont indissociables des progrès de lamesure du temps et des fréquences. On peut êtresceptique en associant l'idée de progrès autéléphone portable, mais il n'en demeure pas moinsque l'oscillateur interne d'un tel appareil doit avoirdes qualités suffisantes pour que son canald'émission "n'empiète" pas sur les canaux voisinsattribués à d'autres utilisateurs. De plus, denombreuses communications, notamment parsatellite, sont maintenant multiplexées : c'est à direque sur une même ligne on fait transiter plusieursconversations. L'opération consiste à "comprimer"un fragment de conversation durant, par exemple,une seconde, et à le transmettre dans la lignependant par exemple 10 ms. De l'autre côté de laligne, il faudra "décomprimer" le signal et letransmettre à qui de droit. Il est clair que lasynchronisation entre le poste d'émission et le postede réception doit être très grande, sinon lesconversations entre les différents interlocuteursrisquent de se mélanger !

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Une deuxième application qui commenceà devenir presque grand public concerne lepositionnement et l'aide à la navigation. Lesavions, les bateaux, et même des automobiles sontaujourd'hui équipés de récepteur GPS permettanten temps réel de connaître leur position avec uneprécision de l'ordre de la dizaine de mètres. Cecine serait pas possible si les satellites de laconstellation GPS ne possèdaient pas une horlogeatomique à leur bord.

Enfin, la recherche fondamentale, etparticulièrement l'astronomie, ont des besoins sanscesse grandissants dans le domaine de la mesure dutemps et des fréquences. Les tests de la théorie dela relativité, par exemple, exigent des échelles detemps possèdant une grande stabilité à long terme.La radio-astronomie VLBI (Very Long BaseInterferometry), dont le principe consiste à faireinterférer des signaux reçus par des radio-télescopes distants de plusieurs milliers dekilomètres de façon à avoir la résolution d'unradio-télescope dont le diamètre correspondrait àcette distance (on atteint couramment desrésolutions de l'ordre du millième de seconded'arc), nécessite de mesurer la phase de l'ondereçue avec une très grande précision (grâce à unmaser à hydrogène) et une très bonnesynchronisation des deux sites concernés. Enfin,citons l'application la plus exigente vis à vis deséchelles de temps : l'étude des pulsarsmillisecondes.

Bibliographie1. C. Audoin et B. Guinot : Les fondements de la

mesure du temps, Masson, Paris, 1998.2. F. Vernotte : Les échelles de temps naturelles,

Actes du premier colloque transfrontalier,Besançon, 1993, pp. 199-202.

3. M. Granveaud : Échelles de temps atomique,Collection des monographies BNM, Paris,1986.

4. A. Danjon : Astronomie générale, 2ème édition,J. & R. Sennac Éditeurs, Paris, 1959.

5. Chronos : La mesure de la fréquence desoscillateurs, Masson, Paris, 1991.

6. J. Vanier et C. Audoin : The quantum physicsof atomic frequency standards, 2 volumes, IOPPublishing Ltd, Bristol et Philadelphie, 1989.

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Bernard MILLET

Professeur émérite de l'Université de Franche-Comté

« Les horloges du vivant »

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LES HORLOGES DU VIVANT

Bernard Millet

Professeur émérite, Université de Franche-Comté

Institut des Sciences Naturelles, Place Leclerc,25030 Besançon

Introduction

A en juger par le nombre et la diversité desémissions télévisées, des colloques, des expositions etautres manifestations, le passage à l’an 2000 sembleavoir suscité la curiosité et l’intérêt du grand publicpour les questions se rapportant au temps et la dernièreexpérience de M. Siffre - d’isolement dans une grotteen l’absence de tout repère temporel - a été largementsuivie par le grand public.

Jusqu’à ces dernières années, les biologistes -médecins aussi bien que scientifiques - n’ont accordéque peu d’intérêt au facteur « temps » dans leurstravaux. On savait pertinemment que tout être vivant aune origine (la naissance) et une fin (la mort), deuxévénements majeurs qui peuvent être datés et portéssur l’échelle de mesure du temps telle qu’elle nous estfournie par le calendrier. Mais on s’est plus attachédans l’histoire de la biologie à comprendrel’organisation spatiale des êtres vivants — à traversl’embryologie, l’ontogenèse ou la morphogenèse — etleur fonctionnement, que leur organisation temporelle.Aujourd’hui, on constate, grâce aux élémentsnouveaux recueillis dans tous les domaines, que letemps est au cœur des problèmes de la Biologie et qu’il

faut prendre en compte cette donnée aussi bien dans ledomaine de la santé que dans le domaine du travail oudes loisirs.

La Biologie temporelle se situe dans le cadreespace-temps et prend naturellement en compte à lafois le niveau d’organisation (molécule, cellule,organisme, populations) et les échelles de temps. Eneffet, le temps de l’évolution qui se chiffre en millionsd’années n’a rien de comparable avec le temps dufonctionnement des cellules nerveuses. Lestienne

rappelait récemment qu’il y a environ 1014 synapses(connexions) dans le système nerveux central et que laprécision dans la coordination temporelle estinférieure à 1 ms !

Dans le vocabulaire couramment utiliséaujourd’hui par les biologistes, on parle volontiersd’horloge moléculaire, d’horloge cellulaire ou demanière plus large d’horloge biologique .

On s’efforcera de préciser ce que recouvrentces vocables en choisissant des exemples concrets,sachant que ce terme d’horloge n’est qu’une imagecommode pour parler des mécanismes complexes quisous-tendent la mesure du temps par les êtres vivants.

I. L’horloge moléculaire

L’évolution des espèces est liée àl’intervention de mutations et à la sélection naturellepour reprendre le point de vue darwinien. Lestechniques biochimiques actuelles permettent decomparer les gènes de milliers d’espèces vivantes et dequelques espèces disparues.

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Grâce à ces outils, on peut connaître lesdifférences entre les produits des gènes. Les mutationsse succédant à un rythme régulier sur de longuespériodes de temps, on peut établir un rapportchronologique entre l’apparition des mutations et letemps écoulé (à condition d’avoir d’autres critères,notamment paléontologiques pour pouvoir procéder àun étalonnage). D’où l’expression d’horlogemoléculaire utilisée quelquefois (Zuckerkandl etPauling, 1965). Les tenants de cette hypothèse donnentcomme exemple l’évolution de la structurebiochimique du cytochrome C, un constituant de lachaîne de transport d’électrons des mitochondries quiparticipe à la respiration cellulaire.

C’est une protéine constituée d’au moins 104acides aminés. La succession des acides aminés le longde la macromolécule est connue depuis les organismesprimitifs (levures - moisissures) jusqu’à l’Homme. Ons’aperçoit en comparant les séquences que 35 positionssur les 104 sont occupées par les mêmes acidesaminés. Corrélativement, cela veut dire que les autrespositions ont varié. Les substitutions se sont faites, enmoyenne, au rythme d’environ 3 acides aminés par100 millions d’années (Fig. 18.18 dans « le mondevivant », p. 418). Mais, l’existence de cette horlogemoléculaire est maintenant controversée. Selon J.Covey (1998), la validité de l’hypothèse « horlogemoléculaire » repose sur le postulat que l’évolution estune réalité. D’autre part, l’horloge fonctionne dans desorganismes différents pour chaque protéine étudiée etles données de l’horloge moléculaire ne sont pastoujours corroborées par les datations radiométriques.

II. L’horloge cellulaire

L’unité de constitution des êtres vivants est lacellule. La durée de vie des organismes est doncétroitement dépendante de la durée de vie des celluleset de leur aptitude à se renouveler. C’est ce quiconditionne la longévité des espèces.

1. La longévité des espèces

Un premier regard sur le monde vivant nousmontre que la longévité des espèces est très variable :quelques heures pour les papillons, trois semaines pourles abeilles, 2 à 3 ans pour la souris. A l’inverse, onconnaît des durées de vie beaucoup plus longue : 100 à115 ans pour l’homme, 200 ans pour des brochets,plus de 1000 ans pour certains arbres à condition bienentendu d’échapper aux cataclysmes naturels et auxinterventions néfastes de l’homme.

La question qui se pose est de savoir si l’onpeut prolonger la vie humaine et jusqu’à quellelimite ? Le fait qu’il y ait des familles de centenairesest un argument fort en faveur de l’intervention d’unfacteur héréditaire et donc génétique à la base de lalongévité des espèces. Le projet « Chronos » lancé aucours des dernières années a pour objectif de recenserces familles de centenaires en vue de procéder à uneanalyse génétique. On peut déjà travailler sur 800personnes âgées de 100 ans ou environ 100 ans. Maisla confirmation d’un fondement génétique à la base dela longévité des espèces est venue de travaux menéssur un Ver (Coenorhabditis) dont la durée de vie estde 25 jours. On a bombardé des millions de vers auxrayons X pour provoquer des mutations.

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Comme on ne peut pas orienter les mutations,il est nécessaire de travailler sur une populationnombreuse et de réaliser un screening, c’est-à-dired’identifier et caractériser les mutations. Pour pouvoirdire que la longévité est bien sous la dépendance d’ungène, seul le paramètre « longévité » doit être affectéchez le mutant, les autres caractères restant inchangés.Le screening a révélé que certains mutants pouvaientvivre 80 jours. Ceci montre que la longévité est biensous le contrôle du génome.

L’analyse de certaines maladies humaines estune autre source d’information : dans le cas de latrisomie 21, de la progeria, du syndrome de Werner, ladurée de vie est abrégée. Cet état de fait est lié aufonctionnement de l’ « horloge cellulaire ».

Entre la naissance et la mort, les deuxévénements qui bornent la vie, quelques repèrespeuvent être introduits. Quelle mère n’enregistre-t-ellepas dans sa mémoire la date de la première dent, despremiers pas de son bébé ? Les brochures du CETIOMrelatives aux plantes de grande culture destinées auxagriculteurs montrent bien que le développement chezles végétaux, s’effectue par étapes, répondant à uneprogrammation dans le temps.

Une plante qui produirait des feuilles et desfleurs avant de construire son système racinaire seraitcondamnée à disparaître.

Le grand mérite de la biologie moléculaire estde nous avoir permis de prendre conscience du fait quesi tous les gènes qui constituent le patrimoinehéréditaire d’un être vivant sont présents dans l’œufqui résulte de la fécondation, ils ne s’expriment pas

tous simultanément. Pour reprendre un aphorismecélèbre, « un développement harmonieux est le résultatde l’expression des bons gènes, au bon moment, dansles bonnes cellules ».

2. Le vieillissement et la sénescence

« Partout où quelque chose vit, il y a, ouvertquelque part, un registre où le temps s’inscrit »(Bergson - L’évolution créatrice). Comment cettemarque du temps se traduit-elle ? Chacun de nous peuts’en rendre compte et vit à sa manière son proprevieillissement. Mais que recouvre le termevieillissement ?

a/ Définitions

Pris au sens large, le vieillissement estl’ensemble des phénomènes qui modifient lamorphologie et la physiologie d’une manière qui, àbrève ou longue échéance, conduit à la mort del’organisme ou d’une partie de l’organisme. Dans unsens plus restreint, il est le résultat de l’usure de lamachine vivante, usure consécutive aux stress. Levieillissement se distingue alors de la sénescence quiest le résultat de transformations qui ont leur originedans le patrimoine génétique.

b/ Manifestations

Chez les sujets humains : le thymuss’atrophie dès l’adolescence, les neurones du cerveaumeurent très tôt et ne sont pas remplacés, la souplessedes artères diminue.

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Chez les espèces végétales qui ne fleurissentqu’une fois dans leur vie, par exemple les Agaves, lafloraison annonce la mort de la plante. Chez lesespèces pérennes, le vieillissement se traduit aussi parune dimininution de la vigueur : le taux de croissancediminue, le nombre de feuilles produites par unité detemps se ralentit. Disons, pour résumer, En quoiconsiste le vieillissement ? Tout dépend du niveaud’organisation auquel on se place. Globalement, onpeut dire qu’avec l’âge apparaissent des altérations destructure et de fonctionnement très variables et qu’onassiste à une baisse progressive des performances.

Cela se traduit par un ralentissement desdivisions cellulaires et de l'activité métabolique, parune déshydratation progressive et par l’accumulationde graisses ou de déchets.

c/ Hypothèses sur les mécanismes de lasénescence

Deux théories principales sont avancées pourexpliquer la sénescence. Elles se réfèrent toutes deuxaux modalités de l’expression des gènes.

Pour la première théorie, des erreurs de plusen plus fréquentes apparaîtraient avec le temps dans leprocessus de transcription de l’ADN et de traductiondes ARNm, avec pour conséquence l’apparition deprotéines et de produits non conformes quis’accumuleraient et qui perturberaient lefonctionnement cellulaire.

La seconde théorie considère que lasénescence est la dernière étape de la vie et en fait ladernière partie du développement. Elle serait sous le

contrôle de gènes particuliers qu’on peut appeler« gènes de mort ». En d’autres termes, selon cettethéorie la mort est programmée génétiquement cequi signifie que tout individu animal ou végétal estcondamné à mourir de par la constitution de sonpatrimoine génétique. On a pu montrerexpérimentalement, à partir de divers travaux (Carrel,Hayflick & Moorhead), que d’une part les cellulesmeurent après 50 à 60 doublements en moyenne. maisque quelquefois elles s’établissent en culture continue.C’est ce qui se passe dans le cas du cancer.

On sait aujourd’hui que les cellulescancéreuses ont un génome modifié, que le nombre etla forme des chromosomes sont différents de lanormale. Mais le plus souvent, elles incorporent dansleur ADN l’ADN d’un virus, processus qui modifiecomplètement le fonctionnement cellulaire.

Ces travaux qui ont abouti à montrer que lenombre de dédoublements cellulaires étaitproportionnel à la durée maximale de vie de quelquesespèces ont été réalisés sur des cellules cultivées invitro. Peut-on considérer que les résultats sontsemblables à l’échelle d’un individu ? Le temps sedéroule-t-il différemment pour la cellule intégrée dansl’organisme et pour la cellule isolée ? Les expériencesde Lecomte du Noüy sur la cicatrisation des plaies enapportaient, avant l’heure, la démonstration.

Lecomte du Noüy a démontré, en effet, queles plaies se cicatrisent plus vite chez le jeune enfantque chez le vieillard, ce qui signifie a contrario queles cellules se régénèrent plus vite.

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Pour comprendre les mécanismes qui sont encause, on a comparé le comportement de cellulesprélevées sur des embryons humains et sur despersonnes adultes âgées de 40 à 65 ans. Les cellulesmises en culture prolifèrent. Dans le cas des cellulesprovenant de la population adulte, le nombre moyen dedoublements se situent entre 20 et 25 contre 50 à 60avec les cellules d’embryon. Il y aurait donc uncouplage entre l’horloge cellulaire et l’horloge del’organisme. La mort des cellules saines après 50 à 60divisions serait liée à la structure des extrémités dechromosomes, les télomères. Ceux-ci comportent unmotif simple répété à l’identique plusieurs dizaines,sinon plusieurs centaines de fois (Blackburn, 1991). Achaque division, ces télomères se raccourcissent.Quand il n’y en a plus, la lignée cellulaire meurt. Lescellules germinales humaines et les cellules« immortalisées » sont apparemment protégées contrel’érosion de leurs chromosomes. Elles produisent latélomérase, qui ajoute des unités de répétition àl’extrémité des chromosomes, évitant leurraccourcissement. La télomérase est unerétrotranscriptase capable de copier en ADN une partiede sa propre séquence (Blackburn, 1991, Nature, 350,569-573 in M/S, 1992, p. 700). Ce résultat estintéressant car il offre une perspective : en inhibant lasynthèse de la télomérase, on peut espérer contraindreles cellules cancéreuses à mourir (voir aussi M/S,1994, 10, 912-913).

La même équipe a pu confirmer, à partird’observations sur des lymphocytes prélevés d’une partchez des personnes d’âge différent, d’autre part dansle cas de la trisomie 21, que le processus de sénescencecorrespondait bien à une élimination progressive desgènes des télomères.

La compréhension des mécanismes de lasénescence est du plus grand intérêt lorsqu’il s’agit dela biologie humaine, car beaucoup d’affectionstouchant les personnes dites « âgées » (par référence àleur date de naissance) sont dues à des modificationsphysiologiques survenant au cours du vieillissement.Aujourd’hui, il est possible d’y remédier : ex. : défautde fixation du calcium conduisant à l’ostéoporose,diminution de la production d’oestrogènes après laménopause. Cette question de la sénescence concerneaussi les productions végétales. La maturation desfruits relève de cette problématique :les chercheursaméricains se sont déjà intéressés à la question.

Ils sont parvenus à modifier génétiquementdes tomates pour retarder la maturation des fruits etfaciliter ainsi leur transport.

III. L’horloge biologique.

Tout ce qui vient d’être dit concerne le tempstel que notre esprit le perçoit, c’est-à-dire s’inscrivantsur une ligne continue allant de moins l’infini à plusl’infini. Mais une analyse plus fine nous révèle qu’ungrand nombre de processus se répètent identiques àeux-mêmes à intervalles de temps égaux ou subégauxet par conséquent qu’il existe un temps cycliquevenant se superposer au temps linéaire dont nousavons parlé jusqu’ici.

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1. Définitions

Cette branche de la Biologie qui s’attache àétudier la structure temporelle des êtres vivants et enparticulier les manifestations rythmiques de l’activitévitale des organismes a un nom, c’est lachronobiologie. Comme pour beaucoup d’autresdécouvertes qui ont contribué à fonder la Biologie (parexemple l’organisation de la cellule, le déroulement dela mitose), ce sont les observations faites dans lemonde végétal qui ont retenu l’attention. Théophrasterapporte dans son « Histoire des Plantes »qu’Androsthènes, Général d’Alexandre le Grand, aobservé en Asie mineure un arbre « dont les indigènesdisent qu’il dort ». Il s’agit probablement dutamarinier, arbre à feuilles composées dont les foliolesse replient la nuit et s’ouvrent le jour à la manière decelles de la Sensitive.

Un rythme correspond la répétition àintervalles de temps égaux ou subégaux dephénomènes identiques ou semblables. Les analogiesexistant entre les phénomènes périodiques rencontrésdans le monde vivant et les phénomènes oscillatoiresdécrits en physique ont conduit les chronobiologistes àutiliser le vocabulaire des physiciens pour caractériserun rythme biologique:

• la période (τ) correspond à la durée d’un cycle.L’inverse de la période est la fréquence (1/τ);

• l’amplitude est la moitié de l’intervalle qui séparela valeur maximale et la valeur minimale qui prendla variable considérée au cours d’une oscillation;

• la phase représente la valeur de la variable à uninstant donné par rapport à une originepréalablement définie.

Si beaucoup de phénomènes périodiquespeuvent être représentés par une fonction périodiquesimple (une sinusoïde), ce n’est pas une règle absolue.D’autre part, le signal qu’on enregistre est souventbruité et l’on doit alors mettre en œuvre des techniquesd’analyse mathématique très élaborées pour extrairedu signal la fonction périodique (analyse de Fourier,analyse au sens du maximum d’entropie, cosinor,...).

Corrélativement, les événements répétéspeuvent nous renseigner sur les durées écouléescomme le font les aiguilles d’une horloge. La mise enmémoire, au sens informatique du terme, d’uneactivité périodique aboutit dans certains cas àl’édification de structures tenant lieu de marqueurstemporels et dans lesquelles le «temps se trouvearchivé». Des exemples? la striation des grainsd’amidon, des couches de cellulose dans les paroiscellulaires (ex.:poil de Coton), de la cuticule descarapaces d’insectes.

Ces structures répétitives s’observent aussi àdes niveaux d’organisation plus élevés : dans lesécailles de Poisson ou de Tortue, dans les cernesd’accroissement des arbres ou des coraux, dans lasuccession des nœuds et des entre-nœuds de la tige desplantes à fleurs ou des ramifications le long d’une tige,la zonation des Champignons.

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Il est évident que la striation desamyloplastes, des écailles est à mettre en relation avecune activité de synthèse, que l’élaboration des cernesdes arbres est corrélée au mode de fonctionnement dela couche de cellules responsables de sa formation. Larégularité de ces dépôts oblige à se demander s’il y aune relation linéaire entre espace et temps. Si oui, ondispose d’un marqueur temporel. Les cernesconstituent de ce point de vue un bon marqueurtemporel puisqu’il se forme un cerne par année.

Mais d’autres exemples pris dans la vie detous les jours sont tout aussi démonstratifs sans pourautant laisser de trace : par exemple, les battements denotre cœur, notre rythme veille-sommeil, lesfluctuations journalières de la température corporellesont autant de manifestations rythmées de nosfonctions physiologiques.

On peut en dire autant de la photosynthèse, dela transpiration ou des mouvements foliaires chez lesplantes. Linné avait eu le génie de proposer sonHorloge de Flore. Certaines fleurs ont en effet laparticularité de s’ouvrir et de se fermer à des heuresdifférentes de la journée.

Ainsi, celles du Mouron rouge s’ouvrent lematin et se ferment à 14 heures, celles du petit Liseronà 16 heures. Les pétales de l’onagre s’ouvrent aucoucher du soleil. La simple observation de ces plantespermet de savoir approximativement l’heure qu’il est.Pour ce qui nous concerne plus directement, le creux àl’estomac aux alentours de midi, les yeux quipapillotent plus ou moins tard dans la soirée, l’activitéqui décuple sur les coups de 11 heures du matin sontautant de signes qui se répètent quotidiennement et quinous permettent de dire avec une bonne

approximation : « tiens, il va être midi, 23 heures ou11 heures du matin ». On s’aperçoit ainsi que lesfonctions vitales fonctionnent à la fois sur une base de24 heures et sur une base d’une année.

2. Origine de la rythmicité

Cela étant, on est tenté de voir dans lesmanifestations du fonctionnement rythmique de lacellule ou de l’organisme l’influence des variationspériodiques des facteurs du milieu. Si cette relationparaît justifiée dans certains cas, elle ne l’est pas pourd’autres.

Les physiologistes végétaux ont montrédepuis longtemps que toute modification de latempérature, de l’éclairement, de l’hygrométrie del’air ou de sa teneur en CO2 a un retentissement sur ledéveloppement et l’activité physiologique desvégétaux. Tous ces facteurs de l’environnementvarient de manière périodique. En raison même descaractéristiques de notre planète, la rotation de laTerre sur elle-même et autour du soleil détermine lasuccession des jours et des nuits, et celle des saisons. Ilfaut ajouter à cela l’influence des variationspériodiques de l’activité solaire ou des marées liéesaux mouvements de la lune. On ne doit donc pass’étonner de rencontrer chez les plantes cultivées dansles conditions naturelles des périodicités de 24 heures(durée de la rotation de la Terre sur elle-même), de 24heures 50 (durée du jour lunaire), de 1 an (durée de larotation de la Terre autour du Soleil), de 11 ans (duréedu cycle d’activité solaire), de durées correspondant àdes sous-multiples (ex. : 12 heures 25) ou à lacombinaison de certains d’entre elles (Baillaud, 1964)(cas des stries de coraux).

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Toutefois, à mesure que progresse l’inventairedes phénomènes rythmiques rencontrés dans le mondevivant, on constate qu’à côté des rythmes journaliers etannuels (ou même pluriannuels) que l’on s’attendait àrencontrer, il existe un grand nombre de rythmes dontla période n’a rien à voir avec celle des variationspériodiques des facteurs de l’environnement connues àce jour !

3. Classification

L’inventaire auquel on a procédé a conduit àmettre en évidence un très grand nombre dephénomènes périodiques dans le monde vivant. Face àla multitude des rythmes rencontrés, le besoin d’uneclassification s’est fait sentir. Parmi tous les critèresavancés, on a retenu la durée de la période du rythme.On distingue trois catégories de rythmes :

• les rythmes circadiens ( de circa : environ etdies :jour) dont la période est 24 heures ouencore comprise entre 20 et 28 heures etindépendante de la température ,

• les rythmes infradiens dont la période estsupérieure à 28 heures. Sont inclus dans cetteclasse, les rythmes de quelques jours aussi bienque les rythmes annuels et pluriannuels,

• les rythmes ultradiens de période inférieure à20 heures.

4. Notion d’organisation temporelle

Une étude systématique de la distributiondans le temps des activités physiologiques qui

s’exercent au sein d’une cellule ou d’un organismepluricellulaire conduit à faire un double constat :

• pour une fonction déterminée, on rencontreplusieurs rythmes de période différente. Ainsi, lafréquence des battements cardiaques varie enfonction de l’heure de la journée et également aucours de l’année. L’analyse mathématique de lacourbe de croissance en longueur d’une plante telleque la Fève révèle l’existence d’au moins cinqpériodicités différentes ;

• à l’échelle d’un organisme uni-ou pluricellulaire,on constate que les activités liées à telle ou tellefonction sont étalées dans le temps. C’est le caspour la production hormonale chez l’Homme.

C’est ce dont on veut rendre compte lorsqu’onparle d’organisation temporelle.

5. Fondements génétiques de la rythmicité

La rythmicité est-elle inhérente àl’organisme, ce qui signifierait un déterminismed’origine génétique ou bien est-elle tout simplement laréponse aux signaux que représentent les variationsdes facteurs externes ? Ce débat qui a opposé pendantplusieurs années les chronobiologistes sembleaujourd’hui dépassé. Il y a dans tout rythme à la foisune composante endogène et une composante exogène.

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Pour connaître le rôle des facteurs del’environnement sur l’expression de la rythmicité, ilest nécessaire de soustraire l’organisme à leurinfluence. Cela consiste à placer la plante ou l’animaldans des conditions telles que l’on ne puisse pasincriminer l’intervention de variations périodiquesd’un facteur quel qu’il soit. Dans la pratique, on utilisedes enceintes dans lesquelles on élève les animaux oubien où l’on cultive les plantes en lumière continue, àtempérature et hygrométrie constantes, l’éclairement,la chaleur ou le froid, l’approvisionnement en eauétant les principaux facteurs intervenant dans ledéveloppement des végétaux. Travailler en conditionsconstantes n’est pas toujours aussi simple qu’il yparaît, surtout lorsqu’il s’agit d’expériences s’étendantsur plusieurs mois.

Un rythme est qualifié d’exogène s’il semanifeste seulement en réponse à des stimulationsexternes périodiques (exemple des cultures d’Algues).On qualifiera d’endogènes les rythmes capables de semanifester dans un environnement maintenu constant(c’est-à-dire en libre-cours) ou dont la période diffèrenettement de celle des variations périodiques desfacteurs du milieu (exemple du rythme d’activité de lasouris). Au fur et à mesure que progressent lesinvestigations, on constate que la plupart des rythmesobservés chez les êtres vivants ne sont pas simplementla réponse à des stimulation externes périodiquesvenant de l’extérieur, mais sont de nature endogène.Les variations périodiques des paramètres externes(lumière, température notamment) ne font quesynchroniser le rythme endogène avec le rythmecosmique.

D’autres arguments que ceux avancés plushaut viennent confirmer leur nature endogène.

1/ Les mesures effectuées, en conditions demicrogravité, sur des organismes embarqués àbord des navettes spatiales qui tournent autour dela terre en 1 h 30 - 2 heures montrent que larythmicité d’environ 24 heures observée au solsubsiste (Sulzmann et al., 1984).

2/ Le fait qu’au sein d’une population de plantescultivées en conditions contrôlées (éclairementcontinu, température constante) la durée de lapériode observée soit quelque peu différente pourchaque individu est en soi la preuve de la natureendogène du rythme. Si des facteurs externesinsoupçonnés, variant périodiquement jouaient lerôle de « donneurs de temps » (Zeitgeber desauteurs allemands), la période serait la même pourtous les individus de la population.

3/ On a identifié depuis peu au sein d’une mêmeespèce des mutants qui placés dans les mêmesconditions expérimentales ont une périodedifférente de celle des individus appartenant à lasouche sauvage (Feldman, 1982).

Il devient ainsi de plus en plus évident que ledéterminisme du comportement périodique a unfondement génétique et que c’est sur cette base qu’ilfaut orienter les recherches.

6. Apports de la génétique

Les premiers travaux sont attribués à Bünningqui a isolé des mutants de Haricot dont lesmouvements foliaires avaient une période différente decelle qu’il pouvait mesurer chez le type normal.

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Les croisements qu’il a effectués ont permisd’obtenir des hybrides dont les feuilles manifestaientun mouvement dont la période était intermédiaire decelle des deux parents.

Depuis les travaux de Bünning, lesinformations se sont accumulées. On disposeaujourd’hui de mutants de phase aussi bien que demutants de période tant dans le domaine animal quedans le monde végétal. Ainsi chez les filaires(Schistosoma mansoni) qui sont responsables desbilharzioses intestinales, il existe des mutants dephase. Le pic d’émission des cercaires a lieu à 11 h àla Guadeloupe et à 15 h 30 au Brésil. des mutants depériode se rencontrent chez les Drosophiles ou lesNeurospora (moisissure).

Le cas des vrais jumeaux est intéressant. Laquestion qui est posée de manière implicite quand onaborde le problème de l’hérédité des phénomènesrythmiques est celle de savoir si c’est le processus detranscription de l’ADN en ARNm ou de traduction desARNm en protéines qui est en cause. Pour le savoir, ilfaut isoler les ARNm. Leur extraction fait apparaîtreque c’est le plus souvent au moment de la transcriptionque s’effectue le contrôle.

La biologie moléculaire offre aujourd’hui lapossibilité de visualiser l’expression spatiale ettemporelle des gènes. La progression desconnaissances dans ce domaine est freinée par lalourdeur des techniques mises en œuvre dansl’utilisation des marqueurs moléculaires et par le faitqu’elles nécessitent la destruction du matériel. Unenouvelle technique proposée par Millar et al. (1992),non invasive celle-là, va permettre de suivre in vivol’expression spatiale et temporelle des gènes quiassurent le contrôle circadien d’une fonction

physiologique. Ces auteurs ont eu l’idée detransformer un Tabac avec un gène hybride constituédes séquences promoteur du gène cab-2 régulé demanière circadienne et de la séquence codante du gènede la luciférase (Luc) de la luciole. On sait que laluciférase de la luciole catalyse la décarboxylation

oxydative de la luciférine en utilisant O2 et Mg2+ -ATP comme substrats avec libération d’un photon.L’émission de lumière est mesurée à 560 nm. Lesplantes transformées sont pulvérisées avec unesolution de luciférine. On constate alors que labioluminescence varie de manière circadienne. Lecaractère endogène de la périodicité est attestée par lefait que, si les plantes sont transférées en obscuritécontinue après avoir été cultivées en régime LD, lerythme se maintient. L’expérience montre quel’activation du phytochrome n’est pas indispensable àl’expression de la rythmicité. Millar et sescollaborateurs créent ainsi un phénotype circadien. Ilsapportent en outre la démonstration de l’expressionspatiale du gène. En effet, la luminescence n’est pasuniformément répartie. Elle se manifeste seulement auniveau des cotylédons de la jeune plante et pas dansl’hypocotyle ni dans la racine.

La transformation d’Arabidopsis par ce mêmegène hybride cab-2 : Luc conduit aux mêmes résultats.

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IV. Mécanismes

Différents modèles ont été proposés pourrendre compte du caractère ultradien ou circadien dela période (oscillations glycolytiques de la levure àpériode ultradienne - rythme circadien de productiond’oxygène chez Acetabularia - mouvement desfeuilles).

Il est évident que chez les organismesunicellulaires, le mécanisme responsable de larythmicité se trouve dans la cellule.

Mais existe-t-il un mécanisme unique — unehorloge-mère — responsable de chacune des activitérythmiques rencontrées ou bien chaque rythme est-ilsous le contrôle d’un mécanisme propre ? Des résultatsrécents montrent qu’il existe plus d’un mécanisme decontrôle. Cela est vrai également au niveau d’un tissu,par exemple dans le pulvinus des feuilles de Haricotqui manifestent à la fois un mouvement rapide et unmouvement lent, ayant des réponses différentes à latempérature. On est tenu d’admettre ici l’existenced’un mécanisme double.

Le problème se pose en d’autres termes chezl’animal et chez l’Homme. Des structures spécialiséessemblent en effet jouer un rôle fondamental dans lagenèse et le contrôle de la rythmicité. Ce sont d’abordles noyaux suprachiasmatiques localisés dansl’hypothalamus. Leur destruction chez l’animal estsuivie de la disparition d’un certain nombre derythmes (activité locomotrice, prise d’aliments,température centrale, sécrétions hormonales).

Une autre structure identifiée est la glande pinéale(épiphyse). Cette glande fonctionne comme unoscillateur. Elle sécrète une hormone, la mélatonine.Cette hormone est toujours sécrétée la nuit, aussi bienchez le rat animal à activité nocturne que chezl’Homme et les animaux à activité diurne. Ceci montrele rôle que peuvent jouer la lumière et les signauxextérieurs dans l’ajustement de nos rythmes auxvariations journalières d’éclairement et detempérature.

Si le noyau suprachiasmatique fonctionnecomme un oscillateur, les organes autres que lecerveau peuvent posséder un mécanisme générateur dela rythmicité. On est arrivé à se demander si dans lapratique des transplantations d’organes, les différencesobservées d’un individu à l’autre du point de vue deleur organisation temporelle peut avoir ou non desconséquences sur l’acceptation ou le rejet du greffonpar le receveur.

Des arguments forts viennent à l’appui del’idée selon laquelle il n’y a pas une seule horloge.Dans les expériences d’isolement prolongé (grottes,bunkers), il arrive chez certains sujets que le rythmeveille-sommeil et le rythme de la températurecorporelle se désynchronisent. Ceci n’aurait pas lieus’il n’y avait qu’une seule horloge.

Une autre question que l’on doit se poser estcelle de la fonction biologique du mécanisme demesure du temps par les êtres vivants.

Leur organisation temporelle fait que leursactivités sont distribuées au cours de l’année, de lajournée ou même dans des intervalles plus courts.

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Je vois, personnellement, dans la mise enplace d’un fonctionnement rythmique, un moyen pourla cellule ou l’organisme de régler au mieux saconsommation d’énergie. On peut comparer lefonctionnement de la cellule ou de l’individupluricellulaire à celui d’une zone industrielle.

Les différentes usines implantées sur cettezone ont besoin d’énergie pour assurer le travail desmachines. Si ces machines fonctionnent à haut régime,toutes en même temps, 24 heures/24 dans l’ensemblede la zone, la puissance du transformateur qui lesalimente devra atteindre une valeur très élevée. Onpeut imaginer que les usines ne tournent que de8 heures du matin à 18 heures le soir. Cela nechangera rien : la somme des puissances consomméess’élèvera à la même valeur. En revanche, si certainesde ces usines fonctionnent la nuit, d’autres le jour, lademande en énergie diminuera et si de plus uneprogrammation échelonnée des temps d’activité estmise en place, la zone industrielle pourra fonctionneravec un niveau d’énergie très inférieur à celui qui étaitenvisagé initialement. On peut donc concevoir quel’existence d’une organisation temporelle permette à lacellule ou à la plante de fonctionner en réduisant saconsommation d’énergie au minimum.

Mais le fait que les activités physiologiquessoient organisées dans le temps constitue un avantageadaptatif. Dans beaucoup de rythmes circadiens, parexemple dans le cas des mouvements foliaires leschangements d’orientation du limbe précèdent lesmodifications d’éclairement. Cette anticipation dumouvement par rapport au passage lumière-obscuritéet obscurité-lumière place les feuilles dans unesituation qu’on peut considérer comme optimale.

Toujours dans le domaine végétal, la floraisonsimultanée de certains arbres des régions tropicales —sensibles à des écarts très faible de la durée du jour, del’ordre d’1/4 d’heure favorise les fécondations croiséeset par conséquent l’apparition de formes génétiquesnouvelles.

Chez les animaux, la compétition entreprédateurs et proies dans la lutte pour la vie estpermanente. La disjonction des rythmes d’activité estune manière pour la proie d’échapper à son prédateur.

Enfin, une dernière interrogation vient àl’esprit: l’influence de l’âge, donc du stade dedéveloppement, sur les manifestations rythmiques desorganismes. C’était l’objet de l’expérience de M.Siffre. Il y a plusieurs années déjà Hellbrügge, deMunich, a montré que chez le nouveau-né humain cesont seulement des rythmes ultradiens qui semanifestent : rythme de veille et de sommeil, rythmed’alimentation. Il faut une maturation pour passer durégime ultradien au régime circadien, vers le 2ème moisaprès la naissance pour le rythme veille-sommeil, versle 4ème mois pour le rythme de la température centrale,plus tard pour d’autres fonctions. Au cours de lasénescence, les désordres physiologiques etpsychologiques chez l’Homme (insomnies,dépressions) ont été associées à une perturbation dufonctionnement des rythmes circadiens (Travaux deBrock, 1991). Des observations comparables ont étéfaites chez l’animal. On vient de montrer que l’on peutrétablir chez des vieux hamsters les types de réponseobservés chez des individus jeunes par des greffesfœtales de noyaux suprachiasmiques dans le noyausuprachiasmatique. Certaines drogues comme lasubultiamine ont le même effet.

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On peut donc restaurer l’aptitude à mesurer letemps, remettre à neuf les mécanismes de l’horloge(voir P. Cugini et al., 1994, Chronobiol. Int., 11 (6),381-392).

V. Applications

Pour le chercheur

Les connaissance relatives au fonctionnementde l’horloge biologique chez les êtres vivants ontconduits les chercheurs à prendre en compte cesnouvelles données dans des situations diverses. Pourles chercheurs, connaître l’évolution temporelle d’unefonction ou d’un paramètre attaché à une fonctionpermet d’expliquer une partie de la variabilitérencontrée.

Si l’on met « en pool » les données recueilliesle matin et celles de l’après-midi et si l’on entreprendune étude statistique sur ces données, on pourracalculer la moyenne et l’écart-type. Si la variablemesurée oscille sur la base de 24 heures et atteint sonmaximum le matin et son minimum le soir, lamoyenne obtenue ne reflétera pas la réalité. Lavariabilité annoncée est supérieure à ce qu’elle est enréalité car on n’a pas tenu compte du fait que leparamètre mesuré n’évolue pas de manière linéairemais périodique.

D’autre part, savoir qu’un paramètre varie demanière régulière et reproductible est un avantageconsidérable pour plusieurs raisons.

Cela peut permettre au chercheur d’organiserson propre temps en fonction de celui du matériel qu’ilétudie et d’optimiser ses techniques de recherche.N’Doye qui étudiait la teneur en polyamines de jeunestomates a montré non seulement que celle-ci variait demanière circadienne, mais encore qu’elle était 10 foisplus élevée la nuit que le jour. Il a pu en outre établirque c’est le niveau de température et pas les conditionsd’éclairement qui détermine le niveau des polyaminesdans la plante : leur concentration est plus élevée auxbasses qu’aux hautes températures. Le chercheur quis’intéresse aux polyamines sans connaître laprogrammation de leur métabolisme et qui a uneactivité diurne comme c’est le cas le plus général,prélève des plantes le jour quand la température estélevée, c’est-à-dire quand la teneur en polyamines estbasse. Le résultat qu’il va afficher est entaché d’erreur.Tout dosage devrait être précédé par une analysetemporelle pour savoir si le paramètre qu’on mesureest constant ou s’il fluctue au cours du temps.

Pour le médecin

Le médecin dont la mission est soit depréserver soit de rétablir la santé de l’Homme trouvedans les fondements de la chronobiologie des raisonsd’être attentifs aux modifications du fonctionnementde l’organisme.

La découverte de fluctuations régulières dansles variations des paramètres caractérisant unefonction physiologique remet partiellement en cause ceque les médecins appellent le dogme de l’homéostasie,de la constance du milieu intérieur proclamé parClaude Bernard. En effet, on est bien obligé deconstater que la valeur de certains paramètres varie aucours de la journée et de l’année.

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On l’a vu avec la pression artérielle dont leniveau des maxima et des minima change au coursd’une période de 24 heures. Certes, les écarts ne sontpas très importants mais il importe de connaîtrel’organisation temporelle du patient, c’est-à-diremoment de la journée auquel la pression artériellepasse par un maximum et un minimum avant dedécider d’un traitement hypo ou hypertenseur.

A. Reinberg, G. Labrecque et M. Smolenskyviennent d’éditer un ouvrage remarquable de précisionet de clarté sur ce qu’ils appellent lachronothérapeutique. Sachant que les fonctionsphysiologiques se déroulent avec des hauts et des baset pas nécessairement en phase les unes avec lesautres, des situations variables peuvent se rencontrer.

Si, dans les conditions normales, nousdormons tous la nuit plutôt que le jour, certains sontdits « du soir », les autres « du matin » parce que lepic de la fonction du sommeil est décalé. Mais commeles différentes fonctions sont corrélées les unes auxautres, les pics des autres fonctions sont eux aussidécalés. La chronothérapeutique vise à tenir compte dela structure temporelle du patient dans l’admnistrationdes traitements qui lui sont nécessaires pour rétablir lastructure temporelle ou remettre en phase des rythmesqui seraient décalés.

L’une des découvertes majeures de lachronobiologie médicale a été la mise en évidence devariations journalières de la susceptibilité del’organisme à une drogue ou à un stress. Des sourisgénétiquement identiques sont soumises au mêmetraitement (administration d’ouabaïne) à différentesheures de la journée.

On constate que le taux de mortalité varie dusimple au double (ce type d’expérience doit attirerl’attention de ceux qui ont la tâche de déterminer latoxicité des médicaments et qui utilisent la DL 50comme test de référence).

Le corollaire de l’existence de phase demoindre résistance dans le cycle journalier estl’existence de phase de résistance ou de tolérance àl’égard des stress ou des médicaments. Ainsi lesanesthésies locales que peut pratiquer un chirurgiendentiste (ou un dermatologue) à l’aide d’anesthésiqueslocaux (bupivacaïne - lidocaïne) durent 2 à 4 fois pluslongtemps lorsqu’elles sont effectuées vers 15 h que sile traitement est appliqué de bonne heure le matin oule soir.

On dispose aujourd’hui, grâce au travailpatient de certains médecins, de tables qui indiquentl’heure préférentielle d’administration d’unmédicament. Un exemple, celui du traitement del’asthme nocturne. La crise d’asthme résulte d’unediminution du diamètre bronchique. Elle survientsouvent la nuit et elle est liée à la chute du débitexpiratoire de pointe qui se manifeste à la même heurechez le sujet sain mais avec moins d’ampleur. Il fautdonc trouver le moyen de rétablir le diamètrebronchique. La théophylline est un broncho-dilatateurefficace. En tenant compte d’une part de la vitesse àlaquelle elle agit et du moment de la journée où elle estla plus tolérée, d’autre part du moment où la criseapparaît, on peut optimiser l’efficacité de traitement enconseillant au patient de prendre son médicament à unmoment donné. Dans ce cas précis, il est conseillé deprendre la théophylline le soir plutôt que le matin.

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C’est au patient lui-même qu’il revientd’apprécier l’heure à laquelle il doit prendre sonmédicament pour tenir compte de la variabilitéindividuelle.

On pourrait multiplier les exemples. J’enciterai encore un car il illustre bien l’intérêt quis’attache à la connaissance de notre organisationtemporelle.

C’est le traitement de certains cancers. Bienqu’on ne dispose pas encore du recul nécessaire etd’un nombre de données important, on peut entrevoirl’intérêt qui s’attache aux modalités du traitement. Lesagents chimiques administrés ont pour but de romprele processus cancéreux c’est-à-dire de limiter laprolifération cellulaire. Ils sont souvent mal tolérés parl’organisme si bien que les doses efficaces ne peuventpas être administrées au patient. Des étudeschronobiologiques ont montré que l’on pouvait obtenirdes résultats encourageants en modulant la dose deproduit actif au cours de la journée. Cela se fait parl’intermédiaire de minipompes programmables. Onpeut de la sorte associer plusieurs médicaments endissociant le moment de leur administration et enrégulant les doses apportées. On a obtenu dans letraitement des cancers colorectaux des résultats 2 foismeilleurs que ceux obtenus à partir d’autreschimiothérapies.

Les sujets sains sont eux aussi concernés parles recherches de chronobiologie dans leurs activitésquotidiennes. Des test psychométriques, par exempletest de vigilance, de fatigue, de temps de réaction,montrent que la fréquence des accidents est plus oumoins grande selon l’heure de la journée. Reinberg etses collaborateurs qui ont étudié de près cette

corrélation disposent d’un grand nombre d’exemples àce sujet. L’attention ne peut pas être soutenue avec lamême intensité pendant l’état de veille. La baisse devigilance se manifeste aux environs de midi et vers 3 hdu matin. La première est associée au besoin de sieste,la seconde correspond au milieu de la période desommeil. Le pic des accidents du travail et desaccidents de voiture se situ vers 3 - 4 h du matin. Detelles observations expliquent pourquoi le travail en 3x 8 — travail posté — n’est pas toujours bien toléré :on demande à l’homme de fournir un effort aumoment où son organisme exige du repos.

Le mal-être que l’on ressent après un voltransméridien relève des mêmes causes.

Les fonctions rythmiques de l’organisme setrouvent déphasées par rapport aux signaux del’environnement.

Après un vol transatlantique, le décalagehoraire fait que la durée du jour est accrue ou réduiteselon le sens du vol. La réadaptation de l’organismeexige alors un certain temps pour s’ajuster à sesnouvelles conditions environnementales. Notons aupassage que les équipages sont soumis en plus de cettecontrainte à celle des travailleurs postés.

On pourrait citer beaucoup d’autres exemplesmontrant que le temps n’est pas le même pour chacund’entre nous dans sa vie quotidienne.

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Pour les professionnels du secteuragronomique

L’agronome peut mettre à profit lesconnaissance réunies par les chronobiologistes pouroptimiser les résultats de son travail, par exemple dansl’amélioration de la production végétale, dans lecontrôle de la reproduction animale, dansl’optimisation des pratiques culturales et dansl’utilisation des produits du métabolisme secondaire.

1. L’amélioration de la productionvégétale

L’une des acquisitions les plus significativesest peut être le contrôle de la reproduction. Laproduction de carpophores par les Champignons estsous le contrôle des conditions d’éclairement(Manachère). Les volées successives se succèdent àintervalles de 7 à 12 jours. Il est de l’intérêt descultivateurs de champignons de pouvoir maîtriser larégularité de la production pour faire en sorte que larécolte et la livraison sur les marchés puissent se faireau début et en milieu de semaine plutôt que lessamedis et les dimanches !

Beaucoup d’espèces sont cultivées soit pourleurs fleurs, soit pour leurs fruits ou leurs grains.Concernant les plantes à fleurs qualifiées dephotopériodiques, le problème se pose dans les mêmestermes que pour les champignons. Baillaud a trèsjustement écrit qu’ « avec le photopériodisme on a unexemple de rythme annuel commandé par une‘horloge’ circadienne ». La floraison a lieu, selon lemodèle de Bünning, s’il y a coïncidence entre lerythme de photosensibilité de la plante et celui de la

durée relative du jour par rapport à celle de la nuit.Dans les conditions naturelles, les plantes dites dejours courts, comme le Chrysanthème, fleurissent enautomne. Mais, pour un horticulteur, il est intéressant,économiquement parlant, de pouvoir produire àcontre-saison.

Il devra donc soit réduire la durée quotidienned’éclairement quand celle du jour dépasse une certainevaleur pour produire en été soit forcer les plantes enhiver pour leur permettre d’atteindre la floraison auprintemps.

2. Le contrôle de la reproduction animale

Connaissant les mécanisme de l’ovulationchez les Mammifères et le rôle des facteursclimatiques qui la régulent, on est aujourd’hui enmesure de la contrôler. Ainsi, les ovins se reproduisentà la fin de l’été. La gestation dure 5 mois, la naissancesurvient au printemps, à une période favorable à leursurvie. C’est la durée quotidienne d’éclairement quicontrôle par le biais de la sécrétion de mélatonine etpar suite de réactions en cascade sur les systèmenerveux les processus physiologiques de lareproduction.

3. Optimisation des pratiques culturales

Le contrôle de la morphogenèse est un autresujet de préoccupation plus particulièrement pour lespépiniéristes. La mise sur le marché de jeunes arbresest une activité consommatrice de temps. Elle entraînedes coûts de production d’autant plus élevés que lesplants doivent séjourner plus longtemps en pépinière.

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L’étude des mécanismes de la croissancerythmique des végétaux ligneux mérite intérêt car unemeilleure connaissance des causes possibles de l’arrêtde croissance caractéristique des pousses à élongationrythmique, arrêt qui peut être de plusieurs mois dansles conditions naturelles (cas du Chêne et du Frêne)conduira à apporter les remèdes à cette situation, àgagner du temps et à réduire le prix de vente.

Cette manière de voir s’applique aussi auxtechniques actuelles de production. Les Citrus sont desarbres chez lesquels l’élongation des rameauxs’effectue typiquement de manière rythmique. ElMorsy a quantifié les paramètres du rythme. Il amontré également comment on peut optimiser laproduction de nouveaux plants par le biais de laculture in vitro en prenant en considération le rythmede croissance des pieds-mères : le moment auquel onprélève les boutures de nœud et le niveau de la poussesur lequel elles sont prélevées doivent être bien choisiscar de la sorte on peut gagner 2 semaines sur la duréenécessaire à la production des racines adventives quiva rendre la bouture autotrophe.

C’est là une manière d’expliquer le bien-fondé de certaines pratiques empiriques. Dès 1953,Hudson indiquait que la capacité de régénération desboutures de framboisier suit une fluctuation annuelle etqu’il y a antagonisme entre ce processus et lafloraison.

4. Utilisation des produits dumétabolisme secondaire

Les produits du métabolisme secondaire desvégétaux constituent quelquefois la matière première

utilisée dans l’industrie pharmaceutique ou enparfumerie. Là encore, l’existence d’une périodicitédans l’activité physiologique de la plante a uneincidence sur les conditions de la collecte de cettematière première. Matile et Altenburger montrent quechez Stephanotis floribunda l’émission des composésvolatiles responsables du parfum suit une variationcircadienne endogène. La quantité libérée de l’un deces composés, le méthyl-benzoate est maximum versminuit et minimum en milieu de journée dans desrapports qui sont respectivement de l’ordre de 6 à 1.On aura donc intérêt à effectuer la collecte sur desplantes prélevées au milieu de la nuit plutôt que dansla journée. On notera encore que ce qui est vrai pourcette espèce ne l’est pas nécessairement pour d’autres.Les Citrus ne montrent pas cette régularité.

Conclusion

L’approche des phénomènes périodiques entermes physico-chimiques et les développements de lathermodynamique des processus irréversibles(Prigogine, 1967) d’une part, l’intérêt porté depuis peupar les Biologistes moléculaires d’autre part laissentprévoir de nouveaux développements pour lachronobiologie. Si l’étude des algues unicellulaires oudes champignons a permis des avancées considérables,celle des végétaux supérieurs souligne la complexitédes mécanismes d’intégration des activités temporellesà l’échelle d’un organisme pluricellulaire. Nul douteque les travaux engagés sur Arabidopsis avec toutesles possibilités de manipulation transgéniques qu’ilsoffrent, viendront préciser et expliquer les résultatsrecueillis antérieurement. On a écrit que « l’oscillationest une propriété de la matière vivante ». De fait, onn’imagine pas le développement et le fonctionnementdes animaux et des plantes sans activité rythmique.

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Les conditions de vie sur terre l’imposent.« Rythme » et « harmonie » semblent avoir la mêmeracine indo-européenne. Il est normal alors que toutemodification des paramètres de l’environnemententraîne une perturbation de ces activités rythmiqueset par contre-coup du développement (Ysé TarðMasquelier, Courrier Unesco, Sept. 93).

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Michel MAGNY

Professeur au laboratoire de Chrono-écologie de l'Université de Franche-Comté

« La datation des sols et des sous-sols(au service de l'archéologie par exemple) »

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LA DATATION DES SOLS ET DESSOUS-SOLS

Michel Magny,Professeur au laboratoire de Chrono-écologie

de l'Université de Franche-Comté

Plusieurs chronomètres

L’étude sédimentologique d’une séquencestratigraphique permet de reconstituer lesfluctuations du niveau d’un lac. Il reste maintenantà en fixer la chronologie. Le sédimentologuedispose de plusieurs chronomètres qu’il ne peut pastoujours utiliser en même temps et qui, de plus, ontune précision très inégale.

La méthode du carbone 14 (voir encadrépage 4) exige que l’on dispose de matériauxorganiques. Dans le domaine lacustre, elles’applique donc bien à la datation des couches detourbe, ou à celle de fragments de bois que l’onrencontre plus rarement dans les craies.L’utilisation d’un accélérateur de particules permetaujourd’hui de dater les échantillons de quelquesmilligrammes ce qui a considérablement élargi lespossibilités d’application de cette méthode. Enraison de la marge statistique d’imprécision de lamesure, une date radiocarbone n’indique en faitqu’une fourchette de temps à l’intérieur de laquellel’âge du matériau a une certaine probabilité de setrouver.Elle est donc affectée d’un certain «flou».Cependant, grâce à la dendrochronologie, lacalibration de ces dates permet de disposeraujourd’hui de fourchettes exprimées en années

solaires pour des événements postérieurs à 9450avant J.-C.

La palynologie offre un autre cadrechronologique par référence aux chronozonespalynologiques. La position chronologique decelles-ci est assez bien connue dans le Jura grâceaux dates radiocarbone obtenues par lespalynologues sur les nombreux sites qu'ils ontétudiés dans la région ou dans les régionslimitrophes au cours des 30 dernières années. Ainsi,suivant qu’un échantillon se trouve à la base, aumilieu ou au sommet d’une couche correspondant àune chronozone donnée, il pourra être placé audébut au milieu ou à la fin de la plagechronologique couverte par cette chronozone. Larichesse exceptionnelle des sédiments lacustres enpollens fait qu’ils se prêtent parfaitement bien àl’analyse palynologique. Ajoutons encore que lapremière apparition de certains taxons fournitd’autres repères chronologiques. L’expansion dunoyer dans nos régions à partir de la période gallo-romaine en est un exemple.

La dendrochronologie (voir encadré page3), qui s’appuie sur la mesure de la largeur descernes de croissance des arbres, est une méthodeparticulièrement performante puisqu’elle permetd’obtenir des dates absolues exprimées à l’annéeprès en calendrier solaire. Elle est cependantsoumise à quelques contraintes. Tout d'abord, toutesles espèces ne se prêtent pas avec un égal bonheur àce type de datation : les étalons de référence ont étéconstitués à partir de tronc de chênes ou de résineux(pin et mélèze). Ensuite, un échantillon doitprésenter un nombre minimum de cernes (au moins60) pour assurer la fiabilité de son raccord à l'étalonde référence et donc de sa date.

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Ces exigences font que, dans lesrecherches exposées ici, le recours à cette méthodese limite le plus souvent aux sites archéologiqueslacustres, qui de ce fait présentent un très grandintérêt pour les paléoclimatologues, comme nous leverrons plus loin. La saturation du milieu en eau apermis une conservation exceptionnelle descentaines de pieux utilisés par les hommespréhistoriques pour construire leurs villages. Lessites archéologiques lacustres offrent ainsi deremarquables lots de bois qui assurent la fiabilitédes dates obtenues. Dans certains cas cependant, iln'est pas possible d'aboutir directement à une datedendrochronologique en raison des essencesutilisées comme bois d'œuvre ou du diamètre tropfaible des troncs retrouvés. Reste alors la possibilitéd'une approche indirecte en se référant aux datedendrochronologiques obtenues sur d'autres sitesayant livré un matériel archéologique de mêmetypologie. La typologie des objets recueillis dansles couches archéologiques constitue, en effet, uneautre source de repères chronologiques. Elles'appuie sur la datation au carbone 14 (voir encadrépage 4).

La méthode du radiocarbone ne date pas àl'année près mais indique seulement une fourchettechronologique à l'intérieur de laquelle unévénement (en l'occurrence ici, la mort d'un arbre) aune certaine probabilité de se trouver.

Le principe de base de la méthode estd'admettre que la teneur de l'atmosphère en 14C aété constante au cours du temps. En fait, en datantdes objets dont on connaissait déjà l'âge par d'autresmoyens, en particulier des objets égyptiens, on s'estaperçu que le calendrier radiocarbone montrait desécarts de plusieurs siècles par rapport au calendrier

solaire (années réelles). Il fallait donc admettre quela teneur de l'atmosphère en 14C avait pu varier aucours des siècles et chercher un moyen pourcorriger les âges donnés par le radiocarbone.

La technique utilisée a été de dater desbois dont on connaissait déjà l'âge grâce à ladendrochronologie (voir encadré page 3). Leslaboratoires de dendrochronologie disposaient d'unegrande collection de bois qui, en 1993, permettaientde remonter jusqu'en 9494 avant J.-C. Grâce à larichesse de cette collection, il a été possible deprélever des échantillons de bois comprenantchacun 10 ou 20 cernes annuels de croissance.

L'écart observé pour chaque échantillonentre son âge donné par la dendrochronologie etcelui indiqué par le radiocarbone a permis derestituer la courbe de fluctuations de la teneur del'atmosphère en 14C au cours des 11 450 annéespassées. Cette courbe a permis à son tour d'établirdes tables de calibration, c'est à dire de correctiondes âges donnés par le radiocarbone. Ainsi, onparlera de date radiocarbone calibrée. Soit, parexemple, la date 1705+- 65 BP obtenue pour unbois. Calibrée , elle devient 1575 +- 160 cal. BP,soit 375+- 160 cal. AD, c'est à dire que la mort del'arbre auquel appartenait la bois a deux chances surtrois d'être survenue entre 215 et 535 après J.-C.

La méthode de datation au 14C peutdifficilement être utilisée au-delà de 40 000 ans : laradioactivité d'un échantillon devient alors trèsfaible et les appareillages disponibles ne sont passuffisamment précis pour donner des résultatsfiables

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Au-delà de 40 000 ans, on aura doncrecours à des méthodes similaires mais quis'appuient sur les corps radioactifs dont la périodede désintégration est plus longue que celle du 14C.la méthode de datation à l'uranium/thorium permetpar exemple de remonter jusque vers 350 000 ans.

En datant conjointement par le carbone 14et la méthode de l’U/Th des coraux édifiés sur lesflancs de l’île de la Barbade aux Antilles tout aulong de la déglaciation et de remontée du niveaumarin, une équipe de chercheurs français etaméricains est parvenue à établir une calibrationdes dates radiocarbone pour la période antérieur à9450 cal. BC. Cette calibration parl’uranium/thorium relaie ainsi la calibration par ladendrochronologie qui n’a pas encore permis deremonter au-delà de l’Holocène. Elle indique quevers 20 000 BP, c’est à dire aux environs du derniermaximum glaciaire, les âges radiocarbone seraienttrop jeunes d’environ 3500 ans.

Avec graphique :

Après soustraction des effets induits par lechamp géomagnétique, on obtient la courbe desvariations de la teneur de l’atmosphère en 14Crésiduel. Elle reflète les variations de l’activité dusoleil, mais aussi les variations de la répartition duradiocarbone dans les trois réservoirs entre lesquelsil se distribue après une formation dans la hauteatmosphère : l’atmosphère où il est produit, labiosphère par le biais de la respiration des plantes etdes animaux, et l’océan par l’intermédiaire deséchanges de sa couche superficielle avecl’atmosphère. Le niveau 0 utilisé comme référencecorrespond aux valeurs obtenues à partir de cernes

de croissance des pins de l’Oregon, aux Etats-Unis,entre 1870 et 1890. D’après M. Stuiver et T.Braziunas, 1993.

Dans ce livre, la nomenclature suivante a étéadoptée :

- les dates radiocarbone non calibrées, dites<<conventionnelle>>, sont indiquées en annéesBP (Before Present, soit avent 1950 de notreère) ;- les dates radiocarbone calibrées (calendriersolaire)sont indiquées en années cal. BP, ouencore selon les cas en années cal. BC (c’est àdire Before Christ, ou avant J.-C.) ;- Les dates dendrochronologiques sontexprimées en années BC ou AD.

La dendrochronologie

La dendrochronologie est une méthode dedatation très précise puisqu'elle permet de dater àl'année près, contrairement aux dates radiocarbonequi ne livrent qu'une fourchette chronologique àl'intérieur de laquelle un événement a un certainnombre de probabilités d'être survenu. La méthodes'appuie sur les variations que montre la largeurdes cernes de croissance annuels des arbres, ensupposant qu'elles reflètent l'influence d'un facteurcommun : le climat.Le dendrochronologue cherche tout d'abord àétablir une courbe étalon qui remonte le plus loinpossible dans le temps et qui servira ensuite deréférence pour dater. Pour cela il collecte des boisqui se relaient dans le temps et en mesure lescernes.

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L'étalon une fois établi, il devient possiblede dater un bois par comparaison de la courbedendrochronologique qu'il a livrée avec la courbeétalon. Pour que cette comparaison soit possible etque la datation présente un minimum de fiabilité, ilest nécessaire que le nombre de cernes du bois àdater soit suffisant (environ 60). Les corrélationsentre les courbes sont effectuées par une approchevisuelle mais elles font aussi l'objet d'évaluationsstatistiques.

La dendrochronologie est une techniquerécente mise au point par un astronome américain,A. Douglass. Nommé directeur-adjoint del'observatoire de Lowell, en Arizona, à la fin dusiècle dernier, il remarqua au cours de sespromenades en forêts les cernes de croissance quiapparaissent sur les troncs de pins abattus. Lamesure de ces cernes lui permit d'observer que leurlargeur variait dans le temps en fonction du climat.Il s'efforça alors, mais en vain, de montrer que lecycle solaire de 11 ans se trouvait enregistré dansles variations de la largeur des cernes. Douglasseut même des échanges épistolaires avec Maunderqui recherchait des preuves susceptibles de validersa théorie sur l'affaiblissement de l'activité solaireaux XVIIe et XVIIIe siècles.

Datation au carbone 14 et calibration

La méthode de datation au carbone 14 aété inventée en 1947 par l'américain W. F. Libbyauquel elle valut le prix Nobel de Chimie en 1960.Il faut reconnaître que cette méthode avéritablement révolutionné l'étude de la préhistoireet des paléoenvironnements quaternaires.

Le principe de la datation est la suivantToute matière vivante contient une faible quantitéde 14C radioactif qui provient du gaz carboniquede l'atmosphère. Lorsqu'une plante ou un animalmeurt, ses échanges avec l'atmosphère cessent et laquantité de 14C qu'il renferme diminue de moitiétous les 5 570 ans (période de désintégrationconventionnelle). Ainsi, en mesurant laradioactivité d'un échantillon de bois, il est possiblede reconstituer le temps qui s'est écoulé entre cettemesure de mort de l'arbre dont il provient. Si cetteradioactivité est réduite au quart de sa valeurinitiale, la date de la mort du bois est donc de 11140 années (5 57 x 2).

Les dates sont exprimées en années BP(Before present), c'est à dire en annéesradiocarbone avant l'année 1950 de notre ère quiest l'année de référence adoptée par tous leslaboratoires.

A chaque date radiocarbone est associéeune marge statistique d'imprécision de mesure(déviation standard). Ainsi, la date 11 140 +- 70BP signifie que le bois analysé à la formation de14C est liée au bombardement dans la hauteatmosphère de noyaux d'azote les rayonscosmiques. On appelle ainsi un flux de particulesqui bombardent sans arrêt la terre qui proviennentde l'espace; certaines de ces particules viennent degalaxies lointaines et sont parties avant l'époquedes dinosaures ! Lorsque l'activité du soleil estfaible (tâches peu nombreuses ) à sa surface), lesrayons cosmiques atteignent sans difficultés lahaute atmosphère ; la production de 14C est alorsrelativement forte.

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Inversement, lorsque l'activité du soleil estplus importante (nombreuses taches à sa surface),le vent solaire se renforce et tend à dévier lesrayons cosmiques ; la production de 14C s'affaiblit.Les variations de l'activité du soleil modulent aussila production d'autres éléments tels que leBéryllium(10Be) dans la haute atmosphère.

D'après pour la science, 1990, modifié.

Outre l'influence du soleil, la productionde 14C subit aussi celle du champ magnétique de laterre. Ce dernier fait d'autant plus efficacementécran aux particules des rayons cosmiques que sonintensité est forte ; une forte intensité du champgéomagnétique va donc de pair avec unediminution de la production de 14C dans la hauteatmosphère, et inversement. C'est l'influence duchamp géomagnétique que reflètent leschangements à long terme, à l'échelle des derniers12 000 ans, de la teneur atmosphérique en 14C.

D'après M. Stuiver et T. Braziunas 1993

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Autres publications du CDDP de la Haute-Saône :

Annuaire des Documentalistes des Collèges Publics de la Haute-Saônenovembre 1996

Du Bicycle au Tricycle (tome 1)juillet 1996

Collège 2000. Synthèsemars 1999

Etats Généraux de la Lecture et des Langages. Initiatives et Propositionsmai 1999

L'Invitation aux Voyages. Parcours Pédagogiquejuin 1999

Annuaire des Documentalistes. Mise à Jour 1999octobre 1999

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La brochure « Autant en Emporte le Temps » est téléchargeable surle site Web du CDDP :

http://crdp-ac-besancon.fr/ressourc/cddpdoc/cddp70/cddp70.htm

directeur de la publication : Gérard BOUVIER. Avril 2000