-285- n° 6628...plète et pratique du régime de la stichting. l'interdiction d'avoir des membres...

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-285- 6628 ADMINISTRATIEKANTOOR DE DROIT NÉERLANDAIS ET ACTIONS DE SOCIÉTÉS DE DROIT BELGE : CONVENTION DE VOTE ET DE BLOCAGE ? La réforme récente du droit beige des sociétés ainsi que l'intro- duction en 1993 du nouveau code civil néerlandais a remis l'opé- ration de << certification >> d'actions de sociétés belges par des << bureaux d'administration >> néerlandais à l'ordre du jour. Cette pratique, qui jusqu'à présent était admise (1) en règle générale, est-elle remise en question par la réglementation des conventions relatives au droit de vote et à la cessibilité des titres (articles 41, § 2 et 74ter nouveaux) Pour répondre à cette question, il y aura lieu de tenir compte de la réforme du droit néerlandais. Cette réforme jette également un jour nouveau sur les controverses qu'ont suscitées cette prati- que au regard de l'article 200 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales qui punit ceux qui prennent part au vote en se pré- (1) ÜNKELINCX, I., <<Belgische fiscale aspecten van het certificeren van aande- len van een Belgische vennootschap via een Stichting Administratiekantoor>>, A.F.T., 1992, p. 167; GEENS, K., <<Een alternatief voor de certificering bij fami- liale opvolging : de commanditaire vennootschap op aandelen>>, dans Liber Ami- corum E. Krings, Brussel, Story Scientia, 1991, p. 575; DE BROE, L., <<Fiscale aspecten van het certificeren van Belgische aandelen, middels een Nederlandse stichting-administratiekantoor>>, T.R. V., 1991, p. 115; VAN ÜMMESLAGHE, P., <<Interventie over het gebruik van het Nederlandse Administratiekantoor voor de certificering van Belgische aandelen >>, dans Openbaar bod en beschermingsconstruc- ties, recente evoluties in wetgeving en praktijk naar Belgisch, Nederlands en Europees Recht, Kalmthout, Biblo, 1990, p. 216 ; PEETERS, B., <<Het Nederlandse Stich- ting-administratiekantoor>>, A.F.T., 1988, p. 165 et seq.; EcKER, M. en HAEL- TERMAN, A., <<Het Nederlands Administratiekantoor», Fiskofoon, 1988; VAN GERVEN, W., dans diverses contributions dont une intervention spécifique au sujet de la fondation de droit néerlandais dans Ie cadre d'un colloque relatif à dif- férentes techriiques destinées à préserver Ie caractère familial de l'entreprise à Louvain, Ie 20 mai 1971; contra SwENNEN, H., <<Concentratie van zeggenschap in het beleid van de onderneming>>, Beleid, 1973, nr. 5, p. 3. (Sans justification et avec la remarque qu'il n'existe pas de raison à cette interdiction !) voyez toutefois plus récemment SWENNEN, H., << Trustachtige rechtsfiguren in België, T.P.R., 1992, p. 1097 et seq.; BoucKAERT, F., <<Nederlands administratiekantoor en Bel- gisch Internationaal Privaatrecht>>, T.R. V., 1989, p. 182. Voyez aussi !'exposé personnel du représentant du Ministre de la Justice auprès de la Commission de réforme du droit des sociétés, qui ne fut pas adopté par la Commission et qui concerne plutOt Ie projet de bureau d'administration de droit beige.

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    N° 6628

    ADMINISTRATIEKANTOOR DE DROIT NÉERLANDAIS ET ACTIONS DE SOCIÉTÉS DE DROIT BELGE :

    CONVENTION DE VOTE ET DE BLOCAGE ?

    La réforme récente du droit beige des sociétés ainsi que l'intro-duction en 1993 du nouveau code civil néerlandais a remis l'opé-ration de > d'actions de sociétés belges par des

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    sentant sciemment comme propriétaires d'actions qui ne leur appartiennent pas.

    Afin de répondre à ces différentes questions, il sera également nécessaire de procéder à une analyse en droit international privé de la certification d'actions.

    Par conséquent, après une description sommaire de la pratique de certification d'actions par des bureaux d'administration néer-landais, nous procéderons à cette analyse de droit international privé, puis examinerons la question de l'éventuelle infraction à l'article 200 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, pour termineren confrontant la certification d'actions de sociétés de droit beige à la réglementation des conventions relatives au droit de vote et à la cessibilité des titres.

    l. CERTIFICATION D 'ACTIONS CONFORMÉMENT AU DROIT NÉERLANDAIS

    La certification d'actions consiste en la cession d'actions à un nouveau propriétaire en échange de la remise de certificats. Ces certificats représentent une série de droits de créance que les détenteurs de certificats possèdent en vertu de la convention de certification et des conditions d'administration. Par la convention de certification, le nouvel actionnaire accepte de devenir proprié-taire des actions à des fins de gestion ( >) et s'engage à les gérer conformément aux conditions d'administra-tion.

    Ce dernier document est l'instrumentum de la convention conclue entre la personne morale (le plus souventune fondation) qui devient propriétaire des actions et ceux qui lui ont cédé ces dernières. Il détermine les droits de créance et les droits non sta-tutaires relatifs aux actions cédées des détenteurs de certificats à l'égard du propriétaire. Il s'agit principalement du droit aux dividendes et du droit à la restitution des actions dans des oir-constances déterminées ( ce droit de conversion [ >], peut ou non être limité).

    La personne morale qui devient ainsi propriétaire des actions peut revêtir différentes formes juridiques en fonction des objec-tifs de la construction mise en place, par exemple la forme d'une société oommerciale ou d'une fandation de droit néerlandais. Les

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    statuts de cette personne morale forment le troisième texte juridi-que sur lequel rej:>Ose la construction. C'est par ses statuts que la personne morale elle-même est organisée : objet, règles de prise de décision, compétences, représentation, etc.

    Les détenteurs de certificats ne deviennent pas actionnaires ou membres de la personne morale. Au demeurant, lorsque la forme de la personne morale utilisée est une fondation, il va de soi qu'ils ne pourraient pas devenir actionnaires ou membres, puisque la fondation ne connaît ni actionnaires ni membres (2). Dans la suite de cette étude, il sera supposé que la personne morale actionnaire est une fondation (art. 285, l, livre 2, Code Oivil néer-landais).

    Il sera démontré ei-dessous qu'une analyse correcte du droit des biens néerlandais, qui repose sur une application du postulat de perméabilité sans lequelle droit international privé serait une démarche dépourvue de sens, permet de considérer que la certifi-cation est une opération compatible avec notre système juridi-que.

    II. CONFLITS DE LOIS

    De nombreuses critiques adressées à la certification d'actions de sociétés de droit beige reposant sur une application erronée des règles de droit international privé beige, nous nous permet-tons de rappeler brièvement ei-dessous les principes de base de eet te ma tière.

    Les règles belges de conflits de lois appréhendent les situations qui ne relèvent pas exclusivement de l'ordre juridique beige. Elles consistent principalement en une série de règles de rattache-ment qui indiquent quel ordre juridique régira un ensemble com-plexe de faits déterminés (3).

    (2) Voyez, SCHWARZ, C.A. en VAN DEN lNGH, F.J.P., Almanak voor de Stichting en de Vereniging, Diemen, De Bussy, 1992, pour une description générale, com-plète et pratique du régime de la Stichting. L'interdiction d'avoir des membres et l'obligation d'avoir un organe de direction sont quasiment les seules règles impératives de l'organisation d'une Stichting.

    (3) Les cas ou la règle de conflit de lois est ramenée à une règle matérielle constituent des exceptions à ce principe. Ces situations sont réglées par des dispo-sitions de droit privé matériel oude droit international privé matériel sans qu'au préalable un rattachement n'ait été effectué à l'ordre juridique compétent. Dans la plupart des cas toutefois, les règles de conflit de lois désigneront les différents

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    Une règle de rattachement se campose d'une catégorie de rat-tachement et d'un facteur de rattachement.

    La catégorie de rattachement est l'hypothèse de la règle de rat-tachement, c'est-à-dire la situation de fait qui constitue l'objet de la règle de rattachement. Confronté à un ensemble complexe de faits déterminés, il convient de le comparer aux différentes catégories de rattachement existantes pour identifier la règle applicable.

    Le facteur de rattachement est plus spécifiquement l'élément qui, dans la situation de fait, permet de déterminer la loi qui s'appliquera à cette situation de fait.

    La certification d'actions par un bureau d'administration doit être démembrée en autant d'éléments juridiques distincts qu'existent de catégories de rattachement relevantes du point de vue de l'analyste de droit belge.

    Les différents facteurs de rattachement qui correspondent à ces catégories de rattachement détermineront les différentes règles applicables.

    La loi qui sera ainsi déclarée applicable à chaque dimension de la certification déterminera à queUes règles celles-ei sont sou-mises.

    Le démembrement de la certification d'actions par un bureau d'administration suivant les principes exposés ci-dessus conduit aux différentes catégories de rattachement suivantes :

    1. les droits réels dont les actions sont l'objet ; 2. les droits devote attachés aux actions et, de façon plus géné-

    rale, les droits liés à la qualité d'associé, ainsi que la qualité d' actionnaire ;

    3. la convention de cession des actions au bureau d'administra-tion et les droits de créances qui sont établis par les conditions d' administration ;

    4. la fandation ou toute autre forme juridique qui incarne le bureau d'administration et son organisation.

    ordres juridiques compétents et fonctionneront comme des règles de rattache-ment. Voyez à ce sujet VAN HECKE, G. et LENAERTS, K.,

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    Les facteurs de rattachement qui correspondent à ces catégo-ries de rattachement sont respectivement les suivants : I. Ie lieu de situation des actions lorsqu'il s'agit d'actions au por-

    teur (4) ; la loi applicable à la société en tant que telle pour les actions nominatives (5) ;

    2. la loi applicable à la société en tant que telle (6) ; 3. la loi applicable à la convention, c.-à-d. les conditions d'admi-

    nistration; les parties peuvent choisir cette loi dans la conven-tion (7) ;

    4. la loi applicable à la fondation en tant que telle ou à une autre forme juridique qui incarne Ie bureau d'administration (8).

    Le juge beige peut toutefois, dans un nombre limité de cas, écarter ces règles et facteurs de rattachement.

    a) Ceci sera Ie cas lorsque Ie ju ge estime que la loi étrangère qui serait applicable en vertu de ces règles n'est pas compatible avec l'ordre public international beige (9).

    b) La théorie de la fraude à la loi est quelquefois invoquée pour empêcher les parties d'organiser une situation particulière comportant un facteur de rattachement qui exclurait l'applica-tion d'une règle impérative. La fraude à la loi consiste en l'utili-sation malicieuse d'une technique licite et non simulée afm d'échapper à l'application d'une disposition légale à caractère impératif ou d' ordre public.

    (4) V oir p.e. VANDER ELST, R., , dans Répertoire Notarial, Tome XV, Livre XIV, p. 78; RIGAUX, F., Droit International Privé, II, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 482.

    (5) VAN HECKE, G. et LENAERTS, K., o.c., n° 658; BoucKAERT, F., l.c., p. 183; VANDER ELST, R. et WESER, M., Droit International Privé Belge et Droit Conven-tionnel International, I, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 248. Vair aussi PRroux, R.,

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    Cette doctrine est toutefois loin d'être soutenue de manière unanime en Belgique, en tout cas en droit interne (10).

    La doctrine de la fraude à la loi a plus de succès en droit inter-national privé, en ce sens que le concept y est plus précisément défmi (11). En réalité, comme en droit interne, certains auteurs présentent ces doctrines comme une émanation d'autres principes tels l'abus de droit ou la simulation.

    En droit international privé, la doctrine de la fraude à la loi serait plus correctement appliquée uniquement lorsque la situa-tion de fait des parties est restée inchangée, tandis qu'elles se seraient soustraites à ses conséquences juridiques en donnant un nouvel habillage juridique international à cette situation de fait.

    Dans ce cas, il est question de simulation, et plus particulière-ment de simulation de l'élément d'extranéité (12). En d'autres mots, en suivant cette interprétation minimaliste pour autant

    (10) VAN HECKE, G. et LENAERTS, K., o.c., n° 305 et seq. ; VAN ÜMMESLAGHE, P.,

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    que celie-ei soit recormue, il ne serait question de fraude à la loi que lorsque les parties ne respectent pas les conséquences de leur construction juridique, éventuellement malicieuse (par exemple ne tierment pas effectivement des réunions des organes dans le pays dont les lois régissent l'être juridique créé, ne mettent pas en place des organes de direction, conformément aux règles appli-cables dans ce pays, etc.).

    c) Enfin, il convient également de tenir compte de l'existence de règles immédiatement applicables. Il s'agit de règles de l'ordre juridique interne qui contierment également une règle de conflit de lois et qui par conséquent règlent les conflits de lois relatifs à l'hypothèse de la règle de droit interne (13).

    Appliqué au problème étudié, ceci signifie qu'il y a lieu de se demander s'il existe une règle de conflit de lois spécifique impo-sant l'application de la loi beige à une disposition contractuelle ou statutaire qui détermine la façon dont le bureau d'administra-tion doit exercer le droit de vote lié aux actions cédées ou déter-mine les conditions auxquelles il peut aliéner les actions. Les règles belges en matière de convention de vote et de restrietion à la cessibilité d'actions (même au porteur) de sociétés belges pourraient ainsi être immédiatement applicables et par consé-quent écarter la règle de conflit de loi normale (14) (15).

    L'application de ces principes conduit à la constatation que les règles suivantes sont applicables.

    (i) Personne morale

    Le droit néerlandais détermine si une fandation de droit néer-landais est une persorme morale. La recormaissance par le juge

    (13) RIGAUX, F., o.c., tome I, na 290 et seq. et bibliographie citée au na 273; PRioux, R., >, R.D.C.B., 1988, p. 271 ; VANDER ELST, R.,

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    belge de cette personnalité morale ne heurte pas l'ordre public international beige (16).

    (ii) Conditions d'administration

    Les relations contractnelles entre la fondation et les détenteurs de certificats sont réglées par la loi que les parties ont choi-sie (17).

    (iii) Droits réels dont les actions sont l'objet et transfert de ceux-ci

    a) Actions au porteur

    Le droit néerlandais détermine si les actions au porteur qui se trouvent aux Pays-Bas peuvent être cédées et de quels droits réels elles peuvent faire l'objet.

    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de déterminer si le droit de propriété néerlandais établi dans le chef du bureau d'ad-ministration doit être traité comme une catégorie de droits réels séparée ou correspond à une propriété au sens commun à laquelle sont associés un certain nombre de droits de créances (voyez ei-après), le droit néerlandais déterminera si cette cession en pro-priété est possible et opposable aux tiers.

    b) Actions nominatives

    Un des facteurs de rattachement relevant pour la certification d'actions au porteur est différent de celui relevant pour la certifi-cation d'actions nominatives. Il s'agit du facteur qui désigne la loi applicable aux droits réels dont les actions peuvent être l'ob-jet. Cette loi est la loi applicable à la société en tant que telle et, par conséquent, dans notre cas, la loi beige.

    (16) Traité européen du 29 février 1968 concernant la reconnaissance récipro-que des sociétés et persarmes morales; Cass., 13 januari 1978, Pas., 1978, I, p. 543; VAN ÜMMESLAGHE, P.,

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    La possibilité d' établir ce qui est désormais habituellement appelé > sur des actions nominatives d'une société de droit beige ou Ie cédant aurait retenu un certain nombre de droits de nature réelle n'existe probablement pas dans l'état actuel du droit beige. Le code civil ne permet pas en effet de réaliser une telle di vision des droits réels ( 18).

    Est par contre acceptable au regard des règles de droit réel beige une > par laquelle la propriété pleine et entière est cédée, sans que le cédant retienne un quel-conque droit réel. La nature des droits de créance personnels créés entre Ie cédant et les cessionnaires, pour peu qu'ils soient purement personnels et ne soient pas établis erga omnes, peut être déterminée librement entre les parties (19). Il sera démontré au point suivant qui si la loi néerlandaise est respectée la certifica-tion ne peut avoir pour effet que de conférer !'ensemble des attri-buts réels sur les actions à la fondation.

    Ceci n'empêche d'ailleurs pas que l'octroi de certains droits de créance à cel ui qui cède les actions à des fms de gestion reste sou-mis au droit néerlandais.

    (18) DERINE, R., VAN NESTE, F. et VANDENBERGHE, H., Zakenrecht, I, A., dans Beginselen van Belgisch Privaatrecht, Antwerpen, Standaard, 1974, p. 59; voyez aussi en droit néerlandais, VAN MENS, H.L., Schenking, Deventer, Kluwer, 1985, p. 325. Le droit néerlandais connaît aussi un système de numerus clansus des droits réels: HIJMA, J. et ÜLTHOF, MM., Compendium van het Nederlands Ver-mogensrecht, Deventer, Kluwer, 1990, p. 68. Ceci explique pourquoi le NBW par une disposition spécifique relative à la cession à des fms de gestion (voyez ei-des-sous note 33) a exigé la cession complète du droit réel concerné. Sur la portée en général du principe du numerus clausus, voyez en droit suisse, FoEx, B., Le numerus clausus des droits réels en matière mobilière, Lausanne, Payot, 1987, p. 120 et seq.

    (19) Cette construction est similaire à de nombreuses relations juridiques par-ticulières p.e. dans Ie cadre d'une association en participation avecapport en pro-priété au gérant, d'une convention de croupier (art. 1861 O.C.) et de l'émission de certificats immobiliers (ou la propriété reste chez l'émetteur, mais ou les droits au bénéfice et au controle revierment au détenteur de certificat). Voyez aussi : HAELTERMAN, A.,

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    (iv) Droits de vote et droits liés à la qualité d 'associé

    C'est principalement en matière de droits liés à la qualité d'as-socié que des critiques se sont élevées à l'endroit de la certifica-tion d'actions de sociétés belges. Le droit beige détermine qui dis-pose du droit de vote, ou du moins qui peut disposer du droit de vote (20) (21). Il est ainsi remarquable que le droit de vote ne revienne pas exclusivement à l'actionnaire. L'usufruitier et le nu-propriétaire peuvent chacun dans une certaine mesure exercer un droit de vote (22).

    En principe, c'est le propriétaire des actions qui dispose du droit de vote. L'identité de celui qui doit être considéré comme propriétaire est déterminée par les règles de droit néerlandais pour des actions au porteur qui se trouvent aux Pays-Bas et sui-vant les règles de droit beige pour des actions au porteur qui se trouvent en Belgique et des actions nominatives (23).

    Le commerce juridique international serait rendu fort difficile si seul ce qui est précisément compris en droit beige sous les vocables propriété, nue-propriété ou usufruit est considéré comme propriété, pleine propriété ou usufruit par le juge beige. Tout comme les catégories de rattachement en droit internatio-nal privé doivent être suffisamment larges pour pouvoir com-prendre des concepts juridiques étrangers, les règles internes belges doivent pouvoir être appliquées avec une certaine sou-plesse à des situations dont le droit international privé beige accepte que certains aspects doivent être réglés par le droit étranger.

    (20) Bruxelles, 8 juin 1982, F.J.F., 1982, p. 265 applique les lois de la société de gestion (beige) aux relations entre les détenteurs de certificats et cette société (certificats d'actions d'une société espagnole). Appliquée à notre hypothèse, cette jurisprudence n'est pas compatible avec Ie fait que les détenteurs de certificats ne sont pas des actionnaires ou des membres de la Stichting. Quoi qu'il en soit, cette jurisprudence ne concerne que les relations entre l'entité qui émet les certifi-cats et leurs détenteurs et non les relations entre la société dont les actions sont certifiées et ces derniers.

    (21) Voyez BoucKAERT, F., l.c., n° 7 et les auteurs cités. (22) La mesure des droits de chacun est assez incertaine. Voyez par ex. VAN

    RILLE, J.-M., Aandelen en obligaties in het Belgisch recht, Brussel, Bruylant, 1977, n° 1346; RESTEAU, Oh., Traité des Sociétés Anonymes, II, Bruxelles, Swinnen, 1982, n° 1162.

    (23) Voyez (ii) ci-dessus.

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    Dans Ie cas de la propriété de la Stichting Administratiekantoor de droit néerlandais, l'application de ce > des ordres juridiques conduit à considérer que les différences entre cette forme de propriété ou cette forme modalisée de pro-priété et la propriété de droit beigene sont pas suffisantes pour refuser Ie droit de vote à la Stichting.

    En effet, cette forme de propriété de droit néerlandais n'est pas différente du concept de propriété en droit beige dont elle com-porte l'essentiel des caractéristiques. Ainsi, la Stichting dispose du droit de suite et du droit de revendication et non pas Ie fondateur de la Stichting ou Ie détenteur des certificats (24). C'est elle qui agit en justice pour protéger sa propriété ou les revenus qui en sont issus. C'est elle qui en principe dispose du pouvoir de céder Ie bien à un tiers de bonne foi, sans que Ie détenteur de certificats puisse revendiquer Ie bien. C'est seulement par une clause statu-taire ou une clause contractuelle que la Stichting s'interdit, Ie cas échéant, d'aliéner les actions qui lui sont confiées. De façon géné-rale, c'est uniquement sur base d'un jeu d'obligations dépourvues de caractère réel que la manière dont la Stichting peut exercer son droit de propriété est déterminée.

    Cette situation est comparable à celle d'un propriétaire en droit beige qui souscrit l'obligation à l'égard d'un créancier de ne pas aliéner un bien déterminé, de ne pas Ie grever de charges et de Ie gérer en bon père de familie, voire d'en déléguer la gestion. Ces obligations ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi, si bien que Ie droit réel de propriété lui-même n'est ni atteint ni démembré.

    Le fait que, dans Ie cas de la certification, ces droits de créance soient généralement plus étendus qu'un simple droit de percevoir desrevenuset dans certains cas comprennent également un droit de gage (article 259, livre 3, BW), un droit d'assister à !'assem-blée des actionnaires (art. 227, § 2, livre 2, BW) ou un droit d'in-tervenir dans Ie cadre d'un contentieux en cas de rachat des actions ne signifie pas que Ie détenteur de certificats a conservé des droits réels sur les actions certifiées.

    Il ne nous paraît pas exact ou relevant d'affirmer que la certi-fication d'actions n'implique pas nécessairement Ie transfert de

    (24) BoucKAERT, F., l.c., n° 3, ainsi que les références citées à la note 30.

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    propriété (25) (26). La certification est une technique spécifique qui permet la séparation de ce qu'il est convenu d'appeler la pro-priété juridique et la propriété économique et permet en cela de confier une mission de gestion étendue au nouveau propriétaire. Par contre, il est exact d'affirmer que toute mission de gestion n'implique pas la cession des droits de propriété. Mais si un pro-priétaire est prêt à céder sa propriété pour permettre au nouveau propriétaire de disposer de moyens suffisants afm de remplir sa mission et respecte les conséquences d'une telle cession ( exclusion de la simulation), cette cession ne peut être mise en question, si elle entraîne la cession de l'ensemble des attributs réels de la pro-priété.

    L'article 84 § 3 du Code Civil néerlandais est révélateur à eet égard.

    Cet artiele dispose que l'acte juridique qui a pour objet de transférer un bien à titre de sûreté ou sans faire tomher ce bien après la cession dans le patrimoine du cessionnaire n'est pas un titre valable de cession de ce bien. De l'exposé des motifs, il res-sort d'après les auteurs que senles les cessions qui ont pour effet de maintenir des droits réels, même s'ils sont limités, dans le chef du cédant sont visées par cette sanction. C'est là une consé-quence logique du système fermé de droits réels que connaît le droit néerlandais à l'instar du notre.

    Par conséquent, ne sont valables en droit néerlandais que les certifications qui ont effectivement pour conséquence que la pro-priété pleine et entière, ou tout autre droit réel qui fait l'objet de l'opération, revient à celui qui est devenu propriétaire (27).

    (25) Contra ÜNKELINCKX, I., l.c., p. 172. (26) VAN GERVEN, W., Bewindsbevoegdheid. Rechtsvergelijkingsbijdrage tot een

    algemene theorie van bewind over andersmans vermogen, Brussel, Bruylant, 1962, p. 31 et seq. estime qu'il n'est pas nécessaire de transférer la propriété pour construire une institution propre à organiser lagestion de biens d'autrui en géné-ral. Il relève toutefois que les droits continentaux ont tendance à copier le trust et à organiser un transfert de propriété.

    (27) Au sujet de l'interprétation de cette disposition, voir UNIKEN VENEMA, C. AE. et EISMA, S.E., Eigendom ten titel van beheer naar komend recht, Preadvies van de Vereniging Handelsrecht, 1990, p. 284-285; VAN DEN lNGH, F.J.P., Certi-ficering en certificaat van aandeel bij de besloten vennootschap, Kluwer, 1991, p. 25; SANDERS, P., Het nieuwe ondernemingsrecht, Kluwer, 1991, n° 4.17; ÛNKE-

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    En raison de cette évolution du droit néerlandais, l'utilisation des termes > pour décrire la situation de la Stichting est impropre. Ainsi Hijma et Olthof intitulent un para-graphe de leur ouvrage : (28).

    Ces auteurs décrivent d'ailleurs une autre institution qui devra être organisée par Ie Code Civil néerlandais, à savoir l'institution du , comme Ie réceptacle juridique de la fiducie en droit néerlandais (29).

    Le droit néerlandais prend ainsi clairement ses distances par rapport aux droits anglo-saxons et ne connaît en principe pas la figure de la propriété fiduciaire du trustee, ou un certain nombre de droits réels revierment au beneficiary ( droit de suite et subra-gation réelle) (30).

    L'exigence que Ie bien cédé appartienne effectivement au patrimoine du cessionnaire a pour conséquence qu'en cas de fail-lite, ce bien fait partie de la masse faillie et que les créanciers du propriétaire à des fins de gestion (Ie bureau d'administration) d'une part, les créanciers qui sont les détenteurs de certificats (propriétaires économiques) d'autre part peuvent en principe faire valoir leurs droits sur un pied d'égalité (31) (32).

    LINCKX, W., o.c., p. 172-173, qui développe une argumentation essentieHement inspirée par des considérations fiscales.

    (28) HIJMA, J. et ÜLTHOF, MM., o.c., p. 76. (29) HIJMA, J. et ÜLTHOF, MM., o.c., p. 75. (30) Voyez UNIKEN VENEMA, C.AE. et EISMA, S.E., o.c., p. 14; DE WULF, C.,

    De trust en enige vergelijkingen met het Belgisch recht, à publier; UNIKEN VENEMA, C.AE. et EISMA S.E., Trustrecht en Bewind; Rechtsvergelijkende beschouwingen m.b.t. het Anglo-Amerikaans trustrecht i.v.m. het bewind, de executele en andere parallel-figuren in het Nederlands recht, Zwolle, Tjeenk Willinck, 1954, p. 203 et seq.; ScHNITZER, A.,, Rev. Grit. D.i.p., 1965, p. 485; BouCKAERT, F., Dossier n° 6080, Travaux du Comité d'Etudes et de Législation, Fédération royale des notaires de Belgique, 1981, p. 317-321; SoNNEVELDT, F. et VAN MENS, H.L., The trust. Bridge or Abyss be-tween Oomman and Civil Law Jurisdictions, Deventer, Kluwer, 1992. WITZ, C.,

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    Même si certains auteurs regrettent qu'il ne soit plus possible de donner un fonctionnement externe aux droits des proprié-taires économiques, ou précisément pour cette raison, il est rnain-tenant certain que seules les cessions de droits réels organisées légalement sont possibles (33).

    Cette analyse nous conduit à considérer que la Stichting doit être considérée comme un propriétaire au sens le plus complet du terme tant suivant les critères du droit néerlandais (actions au porteur qui se trouvent aux Pays-Bas) que du droit belge ( actions nominatives), de sorte que le droit de vote lié aux actions cédées lui revient (34).

    La solution est au demeurant la même en droit international privé néerlandais (35).

    La simulation ne peut pas davantage être invoquée.

    D'une part, le seul fait que le droit de propriété du propriétaire soit conventionnellement limité n'est pas suffisant pour considé-rer la cession de propriété comme une simulation (36).

    D'autre part, le seul fait qu'une construction déterminée se soit développée dans un droit étrange.r applicable qui ne se ren-contre pas en Belgigue n'est pas un indice que les parties qui y

    fiducie, dans Mélanges de suggestion de lois en hommage à Pierre Harmel, 1992, Faculté de droit de l'université de Liège, p. 115.

    (33) Avant l'introduction du NBW, il était incertain en droit néerlandais que la propriété aux fins de gestion connaisse un fonctionnement externe dans la mesure ou certaines compétences réelles étaient maintenues dans le chef du cédant ou >. L'article 84 § 3 tente de mettre un terme à cette incertitude qui régnait suite à une interprétation difficile de l'arrêt Slis-Stroom du Haut Conseil du 3 février 1984, N.J., 1984, 752, ou dans un obiter dic-tum, le conseil aurait affirmé qu'un versement fait à un notaire serait resté en dehors de la masse faillie s'il avait été versé sur un compte séparé au nom du notaire avec mention de sa qualité de fiduciaire, dans une opération de venteet achat. Le Conseil ajoute qu'un tel montant serait également resté en dehors de la masse si les parties avaient choisi une autre formule qui aurait pu être compa-rée à un tel>. les formules visées par le Conseil en ces termes n'ont jamais pu être déterminées.

    (34) MEINERTZHAGEN-LIMPENS, A., , dans Les opérations fiduciaires, Paris, Feduci, 1985, p. 395; LurJTEN, E.A.A., ,T.V. V.S., 1969, p. 103. Voyez aussi la position de la oommission bancaire et financière beige rapportée par HAELTERMAN, A., Fiscale Transparantie, Theorie en Praktijk in België, Kalm-thout, Biblo, 1992, p. 262.

    (35) VLAS, P., Rechtspersoon in het internationaal privaatrecht, Kluwer, 1982, p. 109.

    (36) FORIERS, P., o.c., p. 29.

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    ont fait appel ont cherché à contourner frauduleusement une règle impérative beige, lorsque Ie facteur de rattachement n'a pas été simulé (voir ci-dessus II 3 b.). Les règles du droit internatio-nal privé beige ne penvent pas ainsi sans autre forme de procès être sacrifiées sur l'autel d'une doctrine hypertrophiée de la simu-lation (37).

    (v) Ordre public international

    Il nous paraît difficile de trouver une raison pour laquelle l'ordre public international beige s'opposerait à l'application du droit néerlandais à la propriété des actions au porteur qui se trouvent aux Pays-Bas, aux conditions d'administration et à la convention de cession des actions à la Stichting, après la consta-tation que les deux formes de propriétés sont quasi identiques.

    (vi) Fraude à la loi et règles immédiatement applicables

    La question de savoir si la certification d'actions de sociétés belges dans un bureau d'administration néerlandais constitue une fraude à l'article 200 des lois coordonnées sur les sociétés oom-merciales et si les règles belges en matière de conventiondevote et de cessibilité de titres doivent être considérées comme immé-diatement applicables et excluent la certification seront traitées ei-après.

    lil. ARTICLE 200 DES LOIS COORDONNÉES SUR LES SOCIÉTÉS OOMMERCIALES

    L 'artiele 200 des lois coordonnées sur les sociétés commercial es est une disposition de droit pénal. Les règles normales de droit international privé ne sont par conséquent pas applicables : Ie principe de la territorialité de la loi pénale s'impose (38).

    (37) VANDER ELST, R., >, l.c., p. 358.

    (38) RIGAUX, F., o.c., n° 108. Ce principe ne signifie toutefois pas que, si l'hy-pothèse d'une règle de droit pénal comprend une qualification juridique, celie-ei ne doit pas être faite conformément au droit international privé.

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    Les dispositions de droit pénal doivent être interprétées restric-tivement. Par conséquent il est fort douteux, vu les discussions doctrinales relatives à la nature de la propriété à des fms de ges-tion telle qu'elle est pratiquée en droit néerlandais, qu'une peine puisse être prononcée sur base de l'article 200 par le seul fait que les administrateurs d'une Stichting auraient exercé le droit de vote lié à des actions de sociétés de droit beige qui lui auraient été cédées (39).

    De plus il est démontré ci-dessus que la propriété de la Stich-ting Administratiekantoor est de la même nature qu'une propriété au sens du droit belge. Il est par conséquent clair que l'ar-ticle 200 des lois coordonnées est respecté lorsque la certification réalise conformément à la loi néerlandaise un véritable transfert de propriété ( 40).

    La certification d'actions de sociétés de droit belge n'est pas davantage une fraude à la loi, comprise comme le rattachement artificiel à un ordre étranger afm d'obtenir des conséquences qui ne seraient pas réalisables en droit belge. En effet, l'article 200 des lois coordonnées ne s'oppose pas à des constructions mises en place en droit beige qui ont le même effet. En voici deux exemples.

    (i) La constitution d'une holding de droit belge, à laquelle des actions de sociétés de droit beige sont vendues ou apportées, qui prend la forme d'une société en commandite par actionsou d'une S.P.R.L., ou le cédant des actions assume des fonctions de gérance statutaire et en cette qualité exerce le droit de vote lié aux actions apportées ou vendues, permet de réaliser un effet similaire à celui obtenu par la certification d'actions.

    (39) Comm. Bruxelles, 6 février 1969; et note BERLEMONT, M., R.P.S., 1971, p. 300 et seq. Cette dernière défend l'idée que même un prête-nom (ce qui n'est pas Ie cas de la Stichting) peut voter avec des actions dontil est propriétaire erga omnes, maïs qui font l'objet de la convention de prête-nom, en !'absence de fraude à la loi ou aux droits des tiers. Contra BoucKAERT, F., o.c., p. 184. Voyez aussi : LIEVENS, J.,

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    (ii) L'association en participation peut également conduire à la mise en place de rapports juridiques similaires. L'apport d'ac-tions à une telle association peut prendre la forme d'une cession de la propriété de ces actions au gérant (41). Ce gérant est néan-moins tenu sur base du contrat de société de gérer les actions conformément à la convention de l'association en participation, qui peut ainsi être comparée aux conditions d'administration.

    En réalité on peut même être plus audacieux et comparer la certification à !'apport à une société de droit beige quelle qu'en soit la forme (42). En un certain sens, la société beige peut être considérée comme un propriétaire } des biens qui lui ont été apportés, puisqu'elle est tenue d'exercer les droits relatifs à ces biens en vue de la réalisation de son objet social. Les diffé-rences principales sont d'une part que les droits de la société rela-tifs aux biens qui lui sont apportés sont généralement beaucoup plus étendus que ceux d'une Stichting, bien que rien ne s'oppose à ce que la convention d'apport réserve certains droits de créance aux apporteurs, et d'autre part que les droits de créance qui revierment à l'actionnaire ne sont généralement pas directement liés aux biens apportés à la société.

    A !'inverse, les limitations des pouvoirs de la Stichting sur les biens qui lui sont cédés, que l'on rencontre généralement dans ces constructions, ne sont pas essentiels, tels l'interdiction de l'alié-nation ou Iereversement obligatoire des dividendes. Ainsi, la cer-tification est compatible avec une forme de subrogation réelle des biens certifiés. Les certificats représentent les biens qui se substi-tuent aux biens certifiés qui ont été aliénés. Ceci indique que l'étendue des obligations et des droits de la Stichting peut être très variabie pour peu que ces obligations aient uniquement pour effet de modaliser l'exercice du droit de propriété et ne soient pas incompatibles avec Ie principe de cette propriété.

    (41) W ALLEMACQ, L., Traité et formulaire des associations momentanées et en participation, Bruxelles, Bruylant, 1943, p. 99.

    (42) La certification peut être vue comme un exemple de plus de l'affectation d'un patrimoine à un objectif déterminé. Beaucoup d'autres comparaisons sont possibles telle une comparaison à un trust sans personnalité juridique ou à l'éta-blissement d'utilité publique de droit beige avec personnalité juridique.

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    La comparaison ne peut toutefois pas être poussée plus loin puisque la certification ne suppose aucune affectio societatis et ne confère pas la qualité d'associé au détenteur de certificats.

    Enfm, il est évident que l' artiele 200 des lois coordonnées vise essentieHement les constructions de prête-nom, qui sont par ail-leurs souvent associées à des cas de simulation (43).

    La convention de cession d'actions à une Stichting Administra-tiekantoor ne peut pas être assimilée à un prête-nom (44) parce que le caractère secret, essentie! à la convention de prête-nom, est absolument absent. Elle ne comporte, en outre, aucune simu-lation puisque la propriété est réellement cédée de manière telle que les parties acceptent les conséquences de cette cession sous réserve des droits de créance effectivement retenus et rien qu'eux.

    En revanche il est évident que si la cession de la propriété au nouveau propriétaire est simulée l'application de l'article 200 ne peut plus être exclue, ni le cas échéant l'application de la doc-trine de la fraude la loi (voyez ci-dessus) (45) (46) (47).

    (43) Encore qu'il ne soit pas certain que Ie seul fait qu'il y ait prête-nom soit suffisant, en !'absence de fraude. Voyez BERLEMONT, M., o.c., p. 312 et seq.

    (44) Voyez, Cass., 15 janvier 1982, Pas., 1982, I, p. 602, ou la convention de prête-nom est définie comme un contrat ou une personne pose un acte en son propre nom, mais pour Ie compte d'un mandant dontIe nom doit rester secret pour les tiers. Une telle convention ne suppose pas nécessairement la simulation. Si les parties respectent les conséquences de cette convention, les tiers n'auront pas une action directe à l'encontre du mandant secret. Voyez FoRIERS, P., o.c., p. 279-280; HAELTERMAN, A., o.c., p. 222. Voyez aussi pour la différence entre la fiducie et Ie prête-nom : MALAURIE, Ph. et AYNES, L., Les cantrats spéciaux, Paris, Cujas, 1990, p. 271 et WILz, C., o.c., p. 235 :en cas de prête-nom ce sont les rela-tions entre fiduciaire et les tiers qui forment Ie coeur du contrat, dans la conven-tion du fiducie ce sont les relations entre Ie propriétaire et le fiduciant.

    (45) Voyez Cass., 13 janvier 1978, R.C.J.B., 1979, p. 40. (46) Une comparaison historique intéressante peut être faite entre la fiducia

    cum amico de droit néerlandais tel que décrite ei -dessus et la fiducie de I' ancien droit français ou l'héritier fiduciaire ne devient pas effectivement propriétaire. Cette forme de fiducie repose sur une simulation précisément parce que la pro-priété n'est pas transmise. Voyez WITZ, C., La fiducie en droit privé français, Paris, Economica, 1981, p. 50.

    (47) Voyez aussi BERLEMONT, M., o.c., p. 312 et seq.

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    IV. CoNVENTIONDEvoTE ET DE RESTRICTION À LA CESSIBILITÉ DES ACTIONS

    Dans la mesure ou la convention de cessiondes actions ou les conditions d'administration comprennent une conventiondevote ou un accord de restrietion à la cessibilité des actions, la question peut être posée de la compatibilité d'un tel accord avec Ie droit beige.

    Il convient tout d'abord de déterminer si la construction que nous décrivons peut relever des hypothèses des artiel es 41, § 2 et 7 4ter des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, pour autant que cette loi soit applicable (48).

    Il paraît difficile de parvenir à une telle condusion si, confor-mément à !'analyse menée ci-dessus, la validité de la cession de propriété à la Stichting est reconnue (49). Les dispositions rela-tives au blocage des certificats telles qu'on les retrouvent souvent dans les conditions d'administration ne peuvent être assimilées à un blocage des actions de la société beige puisque les détenteurs de certificats ne sont pas actionnaires de celle-ci.

    Les statuts de la Stichting disposent souvent par ailleurs que l'aliénation des actions par la Stichting est interdite ou soumise à des limitations, parmi lesquelles parfois la nécessité de recueillir Ie consentement des détenteurs de certificats. La Stichting peut

    (48) Savoir si ces articles sont des dispositions unilatéralement et immédiate-ment applicables ou s'ils doivent être appliqués parce qu'il y a fraude à la loi ou encore parce que suivant les règles de droit international privé la lex societatis serait applicable, n'est pas nécessaire si l'on constate que la construction décrite n'est absolument pas concernée par l'hypothèse de ces articles.

    (49) Un parallèle intéressant peut être tracé avec un débat organisé dans Ie cadre du Colloque

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    toutefois difficilement être considérée comme étant une partie à ses propres statuts, si bien qu'il ne peut être question de conven-tion entre actionnaires ( 50).

    Le même raisonnement vaut pour les conventions devote.

    C'est uniquement lorsque respectivement les fondateurs ou les détenteurs de certificats, détiennent encore des actions que res-pectivement les statuts ou les conditions d'administration, de la Stichting pourraient être considérés comme une convention entre actionnaires.

    Pour cette raison il peut être indiqué d'éviter les conventions de vote qui ne répondent pas aux conditions de 1' artiele 7 4ter et les conventions de restrietion à la cessibilité des actions qui ne respectent pas l'article 41, § 2, dans les statuts, lorsque les fonda-teurs détiennent encore des titres, ou dans les conditions d'admi-nistration, lorsque les détenteurs de certificats sont également actionnaires ( 51).

    En outre, le texte de l'article 74ter ne permet pas de détermi-ner si le législateur a entendu permettre toute autre forme d'at-teinte à la liberté de vote que les limitations établies par une convention entre actionnaires. Ainsi, le trafic des suffrages n'est probablement pas rendu licite par la loi du 18 juillet 1991. La prudenee s'impose par conséquent lorsqu'en vertu de ses statuts ou des conditions d'administration, !'administratiekantoor se voit imposer des restrictions à sa liberté de vote. Il se pourrait bien que la doctrine et la jurisprudence antérieures à cette dernière loi ne soient pas dépourvues de toute pertinence à l'égard des res-

    ( 50) V oyez en ce qui concerne la portée des mots > d'après I' artiele 41 des lois sur les sociétés VAN GERVEN, D., , T.R. V., 1992, p. 302; RoMBOUTS, A.,>, T.R. V., 1992, p. 149; contra CoRBISIER, I.,>, R.P.S., 1989, p. 290. Laproposition de loi modifiant les lois coordonnées sur les sociétés commerciales semble également aller dans Ie sens d'une interprétation limitée aux conventions liant aux mêmes deux actionnaires (Doe. parl., Chambre, 1992-93, n° 1005/1).

    ( 51) Remarquons que eet exercice deviendra moins périlleux si la proposition de loi modifiant les lois coordonnées sur les sociétés commerciales Doe. Parl., Chambre, 1992-93, nr. 1005/1 est adoptée. Cette proposition assouplit et clarifie Ie texte de l'article 41, § 2. En ce qui concerne l'article 74ter, Ie texte prévoit la réduction à cinq ans des conventions de durée plus longue.

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    trictions au droit devotequine sont pas convenues entre action-naires (52). Il en và de même pour certaines atteintes à la cessibi-lité des actions. Ainsi, un engagement d'inaliénabilité absolue est critiquable. Dans ces différents cas, il y a toutefois lieu de se demander préalablement si ces questions relèvent de la lex socie-tatis ou de règles d'application immédiate. D'après la Cour de cassation française, la lex societatis s'applique aux relations entre la société et ses actionnaires et en particulier détermine les con di-tions dans lesqueUes s'acquiert, se conserve et se perd la qualité d'actionnaire. Les conventions de blocage ont sans aucun doute pour objet de régler les conditions d'acquisition oude perte de la qualité d'actionnaire (53).

    En ce qui concerne les pactes de votation, il pourrait être défendu que Ie droit devote relève par essence des relations entre la société et ses actionnaires qualitate qua, puisque c'est ainsi qu'ils expriment leur position quant aux décisions à prendre par !'assemblée générale, organe de la société.

    Van Hecke, G. et Lenaerts, K. indiquent que cette question est controversée et citent des sourees étrangères en sens opposés. Eux-mêmes semblent favorables à l'application de la lex societa-tis (54).

    La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles quant à elle exclut de son champ d'application les questions relevant du droit des sociétés, sans défmir la portée de cette exclusion autrement que par une liste d'exemples : constitution, capacité juridique, fonctionnement

    (52) Voyez à titre d'exemple de cette doctrine et jurisprudence :VAN ÜMME-SLAGHE, P., (note sous Cass., 13 avril 1989), R.C.J.B., 1991, p. 219; DE WoLF, P. et FERON, B.,

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    interne, dissolution, responsabilité des associés et organes pour les dettes de la sociétés (55).

    La convention permet également d'appliquer à certaines condi-tions les règles immédiatement applicables d'un pays autre que celui de la loi du contrat et permet, dans tous les cas, d'appliquer de telles règles, qualifiées de lois de police (56), lorsqu'elles relè-vent de la loi du for (57).

    Savoir si les articles 41 et 74ter ou plus généralement les règles relatives aux modalisations conventionnelles du droit de vote ou de la cession des actions sont des lois de police dépend de la volonté du législateur (58). En ce qui concerne les restrictions à la cessibilité des actions d'une société anonyme et à la liberté de vote, l'application d'une loi étrangère trop libérale pourrait éga-lement être écartée par le juge en vertu de l'ordre public interna-tional (59).

    Nous ne développerons pas plus avant toutes ces questions, parce que chacune d'entre elles exigerait de longs développe-ments et parce qu'elles ne sont réellement relevantes que dans des cas particuliers.

    Il semble en effet que ce ne soit que dans des cas exceptionnels ou spécifiques que la certification d'actions puisse entrer en conflit avec ces dispositions de la loi belge.

    L'exemple d'un tel pas est celui ou la cession de la propriété des actions de la société belge à la Stichting serait simulée. Une telle simulation pourrait être prouvée par le fait que les parties n'acceptent pas les conséquences de cette cession : la fondation n'exerce pas le droit devote lié aux actions, ne reçoit pas les divi-dendes, ne connaît pas une vie autonome (réunion du conseil d'administration, tenue d'une comptabilité etc.).

    (55) Voyez art.2, § 2, e. de la loi du 14 juillet 1987 portant approbation à cette convention, M.B. 9.10.1987.

    (56) Sur la distinction entre lois de police et lois d'application immédiate, voyez PRIOUX, R., l.c., p. 273 et les auteurs cités.

    (57) Art. 7., § 1 et 2. (58) FAJTMANN, M,

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    Enfm, la question de savoir si Ie recours artificiel à une construction licite pour contourner des règles de droit impératif tels les articles 41, § 2 et 74ter, en supposant ceux-ci applicables, peut être considérée comme une fraude à la loi doit être exami-née.

    Nous avons déjà discuté la question de la fraude à la loi en droit international privé ci-dessus. Nous examinons ici la ques-tion en droit interne. Comme Ie professeur P. Van Ommeslaghe le démontre, en dehors des cas de simulation, de fraude aux droits destierset d'abus de droit, qui, par hypothèse, ne sont pas des cas de fraude à la loi, il est difficile de déterminer à partir de quand une construction est suffisamment malicieuse pour être retenue comme un cas de fraude à la loi (60). L'application de cette théorie à la certification d'actions de droit beige pourrait au demeurant conduire à la mise en question d'autres situations beaucoup plus courantes, tel Ie recours à des sociétés holding ou des sociétés holding intermédiaires afin de mieux gérer des parti-cipations. Une telle comparaison montre une fois de plus que cette théorie n'est pas utilisable à défaut de précision (61) (62).

    Il convient par conséquent de donner la préférence à l'applica-tion exclusive des théories existantes de simulation et d'abus de droit.

    La portée de cedernier argument n'est pas d'exclure toute cri-tique à 1' endroit des constructions comprenant un administratie-kantoor et qui auraient pour objet d'organiser le vote relatif à une participation dans une société beige mais de limiter ces critiques

    (60) VAN ÜMMESLAGHE, P., , o.c., p. 355 et seq.

    (61) NELISSEN-GRADE, J.M., l.c., p. 219, n° 9. (62) La Commission de la Banque, dans son Rapport Annuel, 1956-57, p. 135-

    136 explique les raisons qui l'ont poussée à favoriser dans eertailles hypothèses l'exercice du droit de vote par !'organisme émetteur de certificats représentatifs d'actions de sociétés étrangères même en !'absence d'instructions des fiduciants. Ces raisons sont inspirées par le souci de protéger le détenteur de certificats. La Commission et le Ministère des finances ne semblaient pas éprouver de problèrnes particuliers avec le caractère fiduciaire de l'intervention de !'organisme émetteur. ll est vrai qu'il ne s'agissait pas de sociétés belges. Quoiqu'il en soit cette hypo-thèse est différente de celle d'un administratiekantoor à qui les titres ont été transférés en propriété erga omnes et intra partes. En règle générale les détenteurs de certificats n'ont pas le pouvoir de donner des instructions à !'administratiekan-toor relatives au droit de vote .

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    aux cas exceptionnels de constructions bien connues, comme celle de la holding de droit belge ou de droit étranger (63) (64).

    V. CoNCLUSION

    La certification d'actions de sociétés belges par des bureaux d'administration de droit néerlandais constitue un réel transfert de la propriété des actions sans réserve de droits réels. La qualifi-cation de propriété fiduciaire est à eet égard impropre, tout autant que la dénomination administratiekantoor (65). Une telle certification ne peut pas automatiquement être assimilée par conséquent à une cessjon simulée. L'exercice du droit devote lié aux actionspar la Stichting ne peut pas être constitutif, à défaut de simulation, d'une infraction à l'article 200 des lois coordon-nées sur les sociétés commerciales.

    Une application correcte du droit international privé belge per-met également d'exclure toute fraude à la loi, à défaut de simula-tion ou d'abus de droit, et toute infraction à l'ordre public inter-national beige sauf dans des cas exceptionnels ou spécifiques.

    La cession valable des actions à la Stichting est également la raison principale qui explique pourquoi les règles belges relatives aux conventions de vote et de restrietion à la cessibilité des

    (63) Ainsi, il a été soutenu, avant l'introduction de l'article 13ter dans les lois coordonnées sur les sociétés commerciales, qu'une société holding de droit belge ayant pour objet de réaliser une convention de vote était nulle en raison de son objet illicite (NELISSEN-GRADE, J.M., o.c., p. 219, note n° 8). Voyez aussi, certains exemples de solutions structurelles à la nécessité d'organiser le controle de cer-taines sociétés dans RALET, 0.,

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    actions ne sont généralement pas relevantes ou plus exactement pas plus relevantes qu'en cas de cession à une personne morale de droit beige, en !'absence de simulation.

    Philippe HAMER

    ASSISTANT À L'UNIVERSITÉ

    CATHOLIQUE DE Louv AIN

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    N° 6629

    Cour d'appel d'Anvers (17e eh.) - 3 mars 1992

    Siég. : MM. LIEVENS, prés., VANDEPUTTE, av. gén.

    Plaid : MMes GHEYSEN, DECRAMER et BoURGEOIS.

    ( L. e.a. cf D. e.a.)

    Association.- Association sans but lucratif.- Adminis-trateurs.- Responsabilité à l'égard des tiers.- Respon-sabilité aquilienne.

    Les administrateurs d 'une association sans but lucratij peuvent être rendus responsables à l'égard des tiers lorsque, dans l'accomplis-sement de leur fonction, ils ont commis une jaute leur ayant causé dommage.

    En application de ce principe, les administrateurs d 'une associa-tion dissoute sont, en raison de leur négligence, laquelle ne constitue pas seulement une faute de gestion mais également une jaute extra-contractuelle, condamnés individuellement, à titre de dédommage-ment, à payer aux membres du personnel le montant net de leur salaire non versé.

    ARRÊT ( traduetion)

    OIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE ET POSITION DES PARTIES

    1. - Le litige entre les parties ( ... ) se résume en substance à une action intentée sur base de la négligence (se fondant sur les articles 14 de la loi du 27 juin 1921 sur les A.S.B.L., 1382 et 1383 du Code civil) et dirigée contre les ex-administrateurs d'une association sans but lucra-tif (à savoir l'A.S.B.L. H., constituée le 18 mars 1974, dissoute et mise en liquidation le 2 février 1980).

    Les données faotuelies de l' affaire et le déroulement de la procédure (à savoir les montants requis par les demandeurs originaires, anciens

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    employés de l'A.S.B.L.) ayant été adéquatement relevés par le premier juge, la cour se réfère à eet exposé.

    APPRÉCIATION

    ( ... )

    2. - L'article 14 de la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique dispose que

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    nistrateurs- excepté lorsqu'il s'agit d'opérations dontil est question à l'article 24 des Statuts- ne peuvent décider et agir séparément (c'est pour cette raison que le président Lep. passait de temps à autre pour obtenir la signature de tous les administrateurs).

    C'est le conseil d'administration qui dirige l'association et qui la repré-sente à l'égard des tiers (article 13 de la loi sur les A.S.B.L.). Le conseil d'administration est cependant tenu de se justifier auprès de !'assemblée générale et peut être démis par cette dernière (cf. art. 4, point 2); le conseil d'administration est tenu de soumettre chaque année à l'appro-bation de !'assemblée générale les comptes de l'exercice écoulé (cf. art. 13, alinéa 2).

    6. - En ce qui concerne la responsabilité, la réglementation légale est très claire :

    - Les administrateurs sont les mandataires de l'association et leur mandat est de fait soumis au droit commun en la matière. Cette respon-sabilité n'est pas solidaire, contrairement à ce qu'il en est pour les admi-nistrateurs d'une S.A. ayant commis certaines fautes. Les administra-teurs sont également responsables des actes commis par un fondé de pouvoir désigné par eux. Les administrateurs sont déchargés de leur res-ponsabilité lors de l'approbation des comptes par !'assemblée ou au moment de leur démission.

    - Vis-à-vis des tiers, les administrateurs peuvent être rendus respon-sables à leur égard chaque fois que, dans l'accomplissement de leur fonc-tion, ils oommettent une faute leur eausant préjudice.

    En vertu de l'article 14 de la loi du 27 juin 1921, les administrateurs d'une association sans but lucratif sont responsables de l'accomplisse-ment de la mission qui leur est confiée ( qui, dans ce cas précis, était défi-nie de manière très large par l'article 19 des Statuts; même l'embauche du personnel rémunéré relevait de la compétence du conseil d'adminis-tration, conformément à l'article 19, dernier alinéa) ainsi que des erreurs oommises dans leur gestion (cf. Cass., 29 juin 1989, Arr. Oass., 1988-89, n° 640 ; R.G.A.R., 1922, ll0 11902).

    7. - En ce qui concerne les comptes et les évaluations, il est effecti-verneut correct d'affirmer que la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises ( qui ne concerne que les commerçants et les sociétés) n'est pas applicable aux A.S.B.L. ; l'A.S.B.L. qui n'a d'ailleurs pas d'objet lucratif ou commercial n'est pas de ce fait tenue de tenir une comptabilité oommerciale (l'A.S.B.L. ne doit donc pas déposer un bilan ou un compte de pertes et profits) ; le ministère de la justice se contente d'ailleurs également d'un compte rela-tivement simple des recettes et des dépenses ( cf. J. LINDEMANS &

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    L. V ANDENEEDE, De vereniging zonder winstoogmerk. Praktische handlei-ding, 3e éd., Licap, Bruxelles, 1987, p. 53) étant donné que, dans le sec-teur de la proteetion de la jeunesse, le controle porte sur le calcul du prix de journée.

    Ceci n'ote cependant rien au fait que la gestion comptable de l'A.S.B.L. n'était en réalité qu'une

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    part de leur intention de remettre de l'ordre dans les affaires de l'asso-ciation eu égard à sa situation fmancière -, les choses étant restées inchangées et aucune mesure efficace n'ayant été prise (il n'y eut même plus d'assemblée générale), le contraire s'est même produit (le conseil d'administration n'a pas réagi lorsque furent projetées des transforma-tions et des réparations pour plus de 1 ,5 million, par lesquelles il ne fût pas procédé à l'aménagement de dix pièces d'habitation, mais bien de quatre chambres à coucher privées).

    Etant acquis qu'aucun de~ administrateurs n'a fourni les efforts qui peuvent être attendus de la part d'un administrateur réfléchi, compétent et prudent, les négligences décrites ci-dessus ne constituent pas seule-ment une faute de gestion maïs également une faute aquilienne pour laquelle ils sont tenus d'indemniser les préjudices causés à des tiers (cf. Jean VAN RYN & Xavier Dmux, , J.T., 1988, 401/ 404).

    8. - Les intimés D. Vanb. et Vers. étaient membres du personnel de l'A.S.B.L. ; en cette qualité, ils n'avaient de rapports qu'avec la per-sonne en charge de la gestion journalière et non avec les membres du conseil d'administration (qui pourtant, en vertu de l'article 19 des Sta-tuts, étaient chargés de mettre en oeuvre une politique du personnel nor-male et saine). Dès lors, il n'est prouvé, dans le chef des intimés sus-nommés, aucune négligence ou imprudence, et ce abstraction faitede ce que leur imprudence éventuelle n'est juridiquement pas relevante (cf. Cass., 23 septembre 1977, Arr. Cass., 1978, 107 avec les conclusions de M. Krings, Pas., 1978, I, 100 et R. W., 1977-78, 933).

    9. - En outre, l'argument tiré de l'autorité de la chose jugée atta-chée à l'arrêt du 25 octobre 1983 manque en droit.

    En effet, il est décidé dans eet arrêt que le non-versement de la rému-nération à D., Vanb. et Vers. (étant les incriminations 22, 23 et 25 de la lettre C de la poursuite au pénal) constitue un abus de confiance (art. 491 C. pén.) dans Ie chef de Lep., qu'il a en d'autres termes (cf. Cass., 9 avril 1991, R. W., 1991-92, 461) détourné ces montants du but pour lequel il les avait à sa disposition.

    En réalité, l'autorité de la chose jug~e erga omnes ne s'attache qu'à ce que le juge a décidé sûrement et nécessairement en matière pénale. Par contre, en ce qui concerne ce à propos de quoi le juge pénal n'a rien dit (dans ce cas précis la responsabilité des administrateurs du fait de leur négligence, laquelle ne constitue pas un délit pénalement sanctionné), le juge civil conserve son entière liberté d'appréciation. De plus, il est évi-dent que l'action ne repose pas sur la même cause et qu'elle n'affecte pas les mêmes parties. Dès lors la décision du juge pénal à propos de la

  • -315-

    demande au civil ne jouit pas de l'autorité de la chose jugée erga omnes maïs doit être appréciée conformément aux dispositions des articles 23 et suivants du Code judiciaire (cj. Cass., 16 septembre 1985, J.T.T., 1986, 313 ; voy. également Strafprocesrecht voor rechtspractici, p. 170).

    10. - Etant donné que l'A.S.B.L. a cessé d'exister du fait de sa dis-solution, il n'est pas dû aux intimés D., Vanb. et Vers. une rémunération brute, maïs bien une indemnisation qui est en principe identique aux montants nets non perçus ( cj. le calcul du liquidateur en charge de l'A.S.B.L. H. Quant à Mme Vers., il convient en outrede procéder à une déduction pour 13 jours de congé pris en août 1979).

    Messieurs Lee. H., Ler., Vand. et Der. sont donc chacun redevables à titre de principal :

    - à monsieur D. : 334.695 fr.: 5 = 66.939 fr.; - à monsieur Vanb. : 142.986 fr. : 5 = 28.597 fr.; - à madame Vers. : 88.010 fr.: 5 = 17.602 fr.;

    Etant donné que les Statuts ne prévoient pas la responsabilité soli-daire, la responsabilité est individuene (cf. LINDEMANS, A.P.R., Vereni-ging zonder winstoogmerk, p. 229).

    Condusion : confirmation, avec une correction en ce qui concerne les montants.

    Observations. - Cet arrêt porte application des principes régissant la responsabilité aquilienne des administrateurs d'une personne morale à l'égard des tiers. Nous nous proposons, dans une prochaine livraison de cette Revue, de revenir sur certaines questions inhérentes à la matière de la responsabilité d'adminis-trateurs de personnes morales.

    Par conséquent, nous nous bornerons à formuler deux observa-tions spécifiques à l'espèce reproduite.

    La première est que l'arrêt, s'il s'attache à caractériser la faute retenue à charge des administrateurs défaillants (à savoir la désertion pure et simple de leurs fonctions par Ie manque d'inté-rêt qu'ils portèrent aux affaires sociales), est par contre totale-ment muet quant au lien de causalité nécessaire qui doit pour-tant exister entre la faute relevée et Ie dommage allégué (à savoir la non-perception de rémunérations). Le peu d'attention qu'ac-corde la jurisprudence à eet élément pourtant constitutif de la

  • -316-

    responsabilité aquilienne a déjà été relevé (2) et déploré (3) par la doctrine. Il importe, une fois de plus, d'attirer l'attention du juge et des plaideurs sur le soin qu'il s'agit d'apporter dans la caracté-risation du lien causal.

    La seconde observation que suscite l'arrêt concerne la nature, individuene (notons néanmoins que le dispositif de l'arrêt n'est pas dénué d'ambiguïté puisqu'il y est précisé que les administra-teurs sont > du montant dû à titre de dédommagement), de la responsabilité retenue au motif que les statuts de la personne morale concernée ne prévoyaient pas de responsabilité solidaire.

    Tout d'abord, il ne nous semble pas que l'on puisse reconnaître aux dispositions statutaires régissant la responsabilité des admi-nistrateurs à l'égard de leur mandante une quelconque vocation à fixer les règles gouvernant la mise en oeuvre de la responsabi-lité aquilienne des administrateurs à l'égard de tiers. Certes, il existe une tendance qui, de lege ferenda, préconise une fusion des responsabilités contractuelle et quasi délictuelle aux motifs d'identité des notions de faute (4) et de causalité dans les deux

    (2) Voy. B. VAN BRUYSTEGEM, , J.O.B., 1980, IV, p. 487 et spéc. p. 492.

    (3) Cons. not. C. P ARMENTIER,

  • -317-

    regimes de responsabilité et d'absence de distinction entre les deux ordres de responsabilité observée dans eertailles législations contemporames instaurant des responsabilités objectives (telle que la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux) (5). Cette position ne fait cependant pas l'unanimité (6). De lege lata, il semble que celle-ci néglige les diffé-rences existant entre les deux ordres de responsabilité quant à leurs régimes de réparation respectifs (7). Il n'est à eet égard pas sans intérêt de relever que le Professeur Dalcq laisse lui-même entendre que le problème essentie! que risque de susciter une fusion des responsabilités contractuelle et aquilienne réside dans la question de l'opposabilité aux tiers des clauses aménageant la responsabilité entre des parties contractantes (8). En formulant cette observation, l'auteur avait essentieHement en vue l'imposi-tion à des non-contractants de clauses limitatives de la responsa-bilité. L'espèce annotée révèle que la question envisagée pourrait également se poseren termes d'invocation par un tiers de clauses qui, entre parties, alourdissent la responsabilité par rapport à ce qu'elle eût dû être en application du droit commun de la respon-sabilité contractuelle.

    Ensuite, et plus particulièrement à propos du caractère indivi-duel de la responsabilité retenue, il semble ressortir de l' arrêt que les intimés ( demandeurs originaires) se montrèrent peu explicites quant à la nature, individuene ou solidaire, de la responsabilité

    (5) Pour l'expression de ce souhait de lege ferenda : voy. not. R.O. DALCQ, (( Perspectives au sujet de la responsabilité des entreprises >>, DAOR, 1993, n° 26, pp. 29 et suiv. et spéc. pp. 31-32.

    (6) Voy. L. CORNELIS, >, note sous Cass., 11 avril 1986, R.C.J.B., 1990, pp. 81 et suiv. et spéc. pp. 102-104.

    (7) Voy. J. VAN RYN, ibid., n° 74. Il est à eet égard intéressant de relever que Ie nouveau Code civil néerlandais (NBW dont Ie livre 6 contenant Ie droit des obligations est en vigueur depuis Ie 1 er janvier 1992) conserve cette dichotomie faute contractuelle- faute aquilienne quant à la détermination des conséquences de ces fautes (comp. les art. 6:74 et suiv. NBW pour Ie régime des conséquences de la violation d'une obligation en ·général-laquelle inclut l'obligation contrac-tuelle- et les art. 6:162 et suiv. pour la réglementation de la réparation ensuite de la perpétration d'une faute aquilienne et cons. A.S. HARTKAMP, Verbintenissen-recht. Deel lil. De verbintenis uit de wet, ge éd., Zwolle, Tjeenk Willink, 1990, nr 8).

    (8) ibid., p. 32.

  • -318-

    recherchée (9). Toutefois, il échet de faire observer que la faute commune (10) des oorresponsables d'un dommage peut donner lieu à une responsabilité solidaire dans leur chef. Ce principe résulte d'un arrêt du 15 février 1974 de la Cour de cassation (11). Une intéressante application en a été faite récemment en vue de retenir la responsabilité solidaire résultant d'une faute commune cammise par une société mère et sa filiale au titre de la culpa in contrakendo (12). Celui-ei est incontestablement d'application dans le contexte de la responsabilité aquilienne des administra-teurs d'une pers.onne morale en général et d'une A.S.B.L. en par-ticulier (13). En l'espèce, le camportement qui était reproché aux administrateurs de l'A.S.B.L. était celui de leur commune indiffé-rence à l'endroit des affaires sociales. Il ne semble donc pas dérai-sonnable de prétendre qu'une responsabilité solidaire en raison

    (9) ce qui donne à penser que le juge a pu s'estimer contraint par les limites que lui trace le principe dispositif. Sur ce principe, autrefois qualifié de principe général de droit et aujourd'hui repris au texte de l'art. 1138, 2° du Code judi-ciaire, voy. not. J. VAN CoMPERNOLLE, >, J.T., 1983, p. 513, spéc. n°8 9 et 12bis; A. FETTWEIS, Manuel de procé-dure civile, Liège, ULg, 1987, n°8 54-62; P. VAN ÜMMESLAGHE, (< L'exécution de bonne foi, principe général de droit ~ >>, R.G.D.O., 1987, p. 101 et spéc. n° 2, note 10.

    (10) On peut parler de faute commune lorsque plusieurs personnes cammet-tent ensemble la faute eausant Ie dommage dont la réparation est recherchée (en l'espèce, il semble bien que l'on ait affaire à une faute de ce type eu égard au fait que ce qui était reproché aux appelants était leur camportement de commune indifférence envers les affaires sociales). Cette faute se distingue des fautes concurrentes (fautes distinctes en !'absence desqueUes Ie dommagene se serait pas produit) lesqueUes sont susceptibles d'être sanctionnées par la responsabilité in solidum des oorresponsables (sur cette distinction cons. e.a. J.-L. FAGNART, >, note sous Cass., 17 juin 1982, R.O.J.B., 1986, p. 684 et spéc. p. 686).

    (11) Précité, publié en texte intégral in Pas., 1974, I, 632 (texte original néer-landais in Arr. Oass., 1974, 661 et R. W., 1973-1974, col. 1715). Voy. également Cass., 17 mars 1864, Pas., 1864, I, 217, 14 mars 1907, Pas. 1907, I, 160, 3 janvier 1922, Pas., 1922, 117, 24 janvier 1924, Pas., 1924, 159, 22 décembre 1947, Pas., 1947, I, 555, 24 juin 1955, I, 1151, 11 décembre 1991, Bull., 1992, no 194, p. 278 et cons. les observations formulées par le Professeur VAN ÜMMESLAGHE dans son cours de droit des obligations (P.U.B., pp. 1987/662 et 1985/789).

    (12) Comm. Bruxelles, 3 février 1988, J.T., 1988, p. 516. (13) Voy. dans ce sens, en ce qui concerne les A.S.B.L., D. MATRAY, >, Les A.S.B.L. Evaluation critique d'un succès, Liège, C.D.V.A., Story-Scientia, 1985, pp. 384 et suiv. et spéc. n° 40.

  • -319-

    d'une faute commune eût pu être recherchée à l'encontre des administrateurs défaillan ts.

    Isabelle OoRBISIER

    N° 6630

    Cour d'appel de Mons (1 re eh.) - 10 février 1993

    Siég. : MM. JASSOGNE, prés., M. VAN WuYTSWINKEL et Mme LEFEBVE, cons., M. BERNARD, av. gén.

    Plaid : MMes BoRN, HALBRECQ et WEINARD loco KANINDA:

    (Barn q.q. cj Halbrecq q.q., Oharlier et S.A. Générale de Oarrelages)

    Faillite.- Extension.- Confusion des Masses.

    En cas de faillites successives d 'une société et d 'une personne phy-sique, maître de l'affaire, les masses des deux faillites doivent, en règle, demeurer distinctes à moins que la confusion des patrimoines soit telle que le maintien de masses distinctes conduise à des liquida-tions parallèles matériellement impossibles au lésionnaires pour eer-tains créanciers.

    ARRÊT

    Attendu que le jugement dont appel rendu le 17 décembre 1991 par le tribunal de commerce de Charleroi a notamment déclaré ouverte la faillite de Géry Charlier, sur assignation de Maître Hugues Born, agis-sant en qualité de curateur à la faillite de la SPRL Entreprises Géry Charlier, et a désigné Maître Jean Halbrecq aux fonctions de curateur à la faillite personnelle de Monsieur Géry Charlier ;

    Que Ie premier juge a par ailleurs dit n'y avoir lieu à prononeer la confusion des masses des deux faillites ;

    I. - FAITS ET ANTÉCÉDENTS DE LA CAUSE

    Depuis 1979, Géry Charlier a exercé l'activité d'entrepreneur en jardi-nage;

  • -320-

    Le 10 janvier 1985, il a fondé la SPRL Terra dont le siège a été établi à son propre domicile, société ayant ses activités dans le domaine du ter-rassement, de la démolition et du jardinage;

    Par décision du 3 décembre 1987, !'assemblée générale extraordinaire de la SPRL Terra a modifié la dénomination de la société en SPRL Entreprises Géry Charlier et a porté le capital social de 250.000 frs à 1.080.000 frs, essentieHement par l'apport du màtériel d'entretien de jar-din et d'une camionnette appartenant à M. Géry Charlier;

    Celui-ei s'est vu attribuer 830 parts nouvelles d'une valeur de 1.000 frs. et a été désigné comme gérant unique;

    Par jugement du 26 février 1991, le tribunal de commerce de Charleroi a prononcé la faillite de la SPRL Entreprises Géry Charlier et a désigné Maître Hugues Born en qualité de curateur;

    Celui-ei a assigné M. Géry Charlier personnellement par exploit du 17 mai 1991 pour :

    - à titre principal, entendre prononeer sa faillite et la confusion de la masse a vee celle de la SPRL Entreprises Géry Charlier,

    - à titre subsidiaire, l'entendre condamner, pour fautes dans lagestion de la société, au paiement de domrnages et intérêts évalués à 2.000.000 frs. et 1.080.000 frs.,

    - à titre plus subsidiaire encore, l'entendre condamner à rembourser le solde de son compte courant auprès de la SPRL Géry Charlier, soit 1.401.110 frs. ;

    Après avoir déterminé la qualité de commerçant de M. Géry Charlier, l' existence d'une créance de la curatelle de la SPRL Géry Charlier à charge de M. Géry Charlier et la réunion des conditions de cessation de paiement et d'ébranlement du crédit, le tribunal de commerce de Charle-roi a prononcé, le 17 décembre 1991, la faillite personnelle de M. Géry Charlier, mais n'a pas fait droit à la demande de Maître Hugues Born qui sollicitait également que soient confondues les deux masses faillies ;

    Le premier juge a en effet estimé que le critère du maître absolu de l'affaire n'est pas adéquat pour envisager l'éventualité d'une confusion des masses des faillites prononcées à charge d'une société et du maître de l' affaire ;

    En l'espèce, selon le premier juge, il ne résulte d'aucun élément que les actifs ne pourraient aisément être attribués à chacune des masses faillies et réalisés de manière distincte ;

    Le tribunal de commerce en a conclu que les masses des deux faillites ne devaient pas être confondues;

    L'appel de Maître Hugues Born tend, en ordre principal, à voir pro-noneer la confusion des masses actives et passives des deux faillites et,

  • -321-

    à titre subsidiaire, à entendre condamner Ie sieur Géry Charlier à lui payer qualitate qua la somme évaluée à 2.000.000 de francs en raison des fautes oommises par ce dernier en sa qualité de gérant de la SPRL et à dire pour droit que cette somme devra être admise au passif chirogra-phaire de la faillite personnelle du dit Charlier ;

    II.- DISCUSSION

    Attendu qu'en cas de prononciation de faillites successives d'une société et d'une personne physique, maître de !'affaire, les masses des deux faillites doivent en règle demeurer distinctes à moins que la confu-sion des patrimoines soit telle que Ie maintien de masses distinctes conduise à des liquidations parallèles matériellement impossibles ou lésionnaires pour certains créanciers par rapport à l'étendue normale de leurs droits ;

    Attendu qu'il résulte d'une information répressive, versée aux débats, que Ie sieur Géry Charlier a reconnu avoir complètement confondu les avoirs et les dettes résultant de sa vie privée, de son activité personnelle et de I' activité de sa société ;

    Attendu qu'il a en effet notamment déclaré Ie 14 août 1991 :

    .

    Qu'à propos du elient Manu Moderne, il a indiqué

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    être utilisés aussi bien pour couvrir des dépenses personnelles que profes-sionnelles puisque je vous répète que je ne faisais pas de distinction I ... 1

    Que le comptable des deux faillis, Monsieur Philippe W olteche a égale-ment confirmé le 22 août 1991 la confusion totale des actifs et des comptes :

  • -323-

    Par ces motifs,

    Confirme Ie jugement dont appel sauf en tant qu'il a

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    conduit à la condamnation des gérants d'une S.P.R.L. sur base des articles 63ter et 133bis des lois sur les sociétés.

    Le curateur est dispensé d 'établir le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif, ce lien étant présumé. Le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire pour déterminer la condam nation - solidaire ou non - des gérants. Il peut prononeer des condamnations différentes notamment eu égard à la répartition des táches entre les gérants, à l'incidence de leurs fautes respectives sur la faillite, voir m~me l'état de fortune de chacun.

    ARRÊT

    Attendu que la SPRL Catermin, ayant pour objet l'exploitation de mines à ciel ouvert, fut constituée le 24 avril 1984 par Messieurs Dislaire et Damanet, titulaires chacun de 125 parts de 1.000 francs du capital de 250.000 francs;

    Attendu que la société gérée par ces fondateurs ainsi que par Mes-sieurs Gaston et Jean-Michel Cuvelier a fait l'aveu de sa faillite Ie 20 novembre 1985;

    Attendu que l'action du curateur à cette faillite tendait à entendreces quatres persounes condamnées solidairement à lui payer, en tant qu'in-suffisance d'actif, la somroe de 15.343.919 francs à titre provisionnel; que le jugement déféré y a fait droit sur pied des articles 133bis et 63ter des lois coordonnées sur les sociétés commerciales en considérant que ceux-ci avaient commis une faute grave et caractérisée, cause de la fail-lite et de l'insuffisance d'actif;

    Attendu que les appelants Dislaire et Damanet ont conclu une trans-action avec le curateur aux termes de laquelle André Dislaire s'est engagé à payer une somroe de 2.000.000 et Philippe Damanet une somroe de 1.775.000 francs pour solde de compte à la curatelle, conven-tion qui fut homologuée par jugement du tribunal de commerce de Char-leroi le 7 novembre 1988;

    Attendu qu'il convient dès lors, à la demande du sieur Dislaire, de dire l'action originaire devenue sans objet à son égard en vertu de l'effet déclaratif de la transaction intervenue;

    Qu'il y a lieu également de donner acteau sieur Damanet de son désis-tement d'appel et à Maître Eringard qualitate qua de l'acceptation de ce désistement;

    Que chacune de ces parties supportera les frais et dépens par elle exposés dans le cadre de cette procédure ;

  • -325-

    Attendu qu'il reste dès lors à procéder à l'examen de l'appel interjeté par Messieurs Gaston et Jean-Michel Cuvelier ;

    Attendu que eet appel est reeevabie ;

    Attendu que l'action du curateur en paiement de l'excédent du passif de la société faillie se fonde, à titre principal, sur les fautes graves et caractérisées qui auraient été commises par ces gérants au sens des arti-cles 133bis et 63ter des LCSC et auraient contribué à la faillite et, à titre subsidiaire, sur les fautes prétendument commises en vialation des articles 62 des LCSC et 1382 du Code civil;

    Attendu qu'il résulte des explications des parties et des documents versés aux débats que Monsieur Gaston Cuvelier et Monsieur Jean-Michel Cuvelier, son fils, étaient respectivement le directeur général et le commissaire aux comptes d'une SA ETC, (Entreprises-Terrassements-Constructions) qui avait été fondée en 1961 avec une familie Monseur de Liège et qu'à dater de 1980, cette société a connu des difficultés fman-cières dues à une insuffisance caractérisée de trésorerie et à un recours abusif au crédit bancaire ( cfr rapport du réviseur d'entreprises Philippe Hault du 10 février 1988) ;

    Attendu que les appelants exposent que ces difficultés, dues à un man-que de paiement des créances sur l'Etat beige, principal partenaire d'ETC, ont amené cette société à reehereher une diversification de ses activités en s'intéressant à l'exploitation de terrils et de mines à ciel ouvert et que, dans cette perspective, ETC fut amenée à conclure en mars 1984, un contrat de sous-traitance avec une société Socmin pour la valorisation de terrils du site de Gosselies II;

    Que ce contrat lui imposait toutefois d'accepter le transfert de 21 tra-vailleurs de Socmin qui bénéficiaient de la législation protectrice des ouvriers mineurs et qu'afin d'éviter tout amalgame entre les catégories de personnel de ETC et les travailleurs de Socmin, il fut décidé de constituer la société Catermin, ayant donc pour tàche d'exploiter les sites de Gosselies et de facturer ses prestations

  • -326-

    après amortissements, 5.583.014 francs au bilan établi le 28 février 1985;

    - ils devaient prévoir que des frais de personnel devraient être exposés dès les premiers jours de l'activité d'extraction puisque 21 ouvriers représentant 11 emplois à plein temps avaient été engagés ; qu'ainsi, dès le mois de mai 1984, les frais de salaires s'élevaient à 351.417 francs ;

    - tout le matériel nécessaire n'était pas mis à disposition par la SA ETC puisque des machines furent prises en location, les frais de loca-tion s'élevant à 350.000 francs et ceux de carburant à 230.000 francs dès le premier mois d' activité, en mai 1984 ;

    - les gérants devaient dès lors se rendre compte dès l'origine de ce que le capital de départ, soit 250.000 francs, était nettement insuffisant pour faire face aux dettes à court terroe;

    - ainsi le curateur observe-t-il que le précompte professionnel demeu-rera impayé depuis le mois d'août 1984 et atteindra une somroe de 1.800.000 francs environ;

    Attendu d'autre part que force est de relever que la société Catermin n'avait conclu aucun contrat de sous-traitance, soit avec Socmin, soit avec ETC et qu'elle ne disposait dès lors d'aucune garantie quant aux conditions fmancières dans lesqueUes pourrait se dérouler l'exploitation et quant à la durée de celle-ci; qu'elle ne jouissait dès lors d'aucune sécurité juridique, son avenir économique étant entièrement soumis au bon vouloir de la SA ETC et de la SA Socmin ;

    Attendu qu'il n'est guère étonnant que dans ces conditions la SPRL Catermin ait pu se plaindre des méthodes de travail de Socmin, du caractère peu performant du matériel de cette société ou de retards de paiement des factures adressées à Socmin puisqu'elle s'était abstenue de négocier un contrat conforme à ses intérêts;

    Attendu de surcroît que la société faillie s'est abstenue de toute vie sociale et a négligé de tenir une comptabilité régulière;

    Que par jugement de la 13e qhambre du tribunal correctionnel de Liège du 7 mai 1990, les deux appelants ont été reconnus coupables de la prévention d'avoir

  • -327-

    Attendu que lagestion de la SPRL ne pouvait qu'être vouée à l'échec en !'absence de fonds propres suffisants, de comptabilité régulière, de vie sociale et de contrat défmissant les conditions économiques et fman-cières de l'exploitation des mines à ciel ouvert de Gosselies;

    Que c'est dès lors à bon droit que Ie premier juge a pu décider qu'

  • -328-

    contribué à la faillite de celle-ci, le curateur est dispensé d'établir le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif, ce lien étant pré-sumé;

    Que dans ce cas, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation discré-tionnaire pour déterminer la condamnation à concurrence de l'insuffi-sance d'actif; qu'il peut non seulement prononeer une condamnation avec ou sans solidarité, mais réserver aux dirigeants des condamnations différentes notamment compte tenu de la répartition des taches et des responsabilités et en considération de l'incidence des fautes respectives sur la faillite (Parmentier, La responsabilité des dirigeants en cas de fail-lite, RDC 1986, p. 776, n° 50);

    Attendu que les pièces versées aux débats, et notamment le dossier répressif produit en extraits, si elles démontrent que c'est avec une négli-gence et une légèreté impardonnables que Gaston Cuvelier a géré la SPRL Catermin créée dans le but de diversifier les activités d'ETC dont il assurait la direction et la gestion comptable et administrative, cette gestion a toutefois eu lieu dans le but de sauver ETC et l'emploi des tra-vailleurs de cette entreprise et que son oomportement quoique haute-ment critiquable pour avoir, en quelques mois d'activités, provoqué un important passif au préjudice de tiers, a eu lieu sans intention fraudu-leuse et sans recherche d'un profit personnel ;

    Attendu que son fils Jean-Michel Cuvelier, a surtout eu le tort d'ac-cepter la charge de cogérant de la SPRL Catermin n'ayant manifeste-ment pas assumé cette fonction dans les faits puisqu'il s'occupait princi-palement de l'entretien et de la réparation du matériel;

    Attendu qu'il convient d'autre part de tenir compte de ce que les appelants Cuvelier ont déjà été durement frappés par la survenance des faillites d'ETC et Catermin et par la sanction pénale qui s'ensuivit, de ce que Gaston Cuvelier, qui a atteint actuellement l'age de la pension, affirme avoir été dépossédé de tous ses biens et de ce que la situation fmancière de Jean-Michel Cuvelier ne paraît pas plus florissante puisque le curateur n'a pu obtenir, dans le cadre de l'exécution forcée de la condamnation provisionnelle prononcée par Ie premier juge, qu'une somme de 300.000 francs représentant la valeur du mobilier des appe-lants racheté le 20 septembre 1988 par un membre de leur famille avec l'accord du curateur ;

    Qu'il paraît raisonnable dans ces conditions de prononeer des condam-nations limitées, telles qu'elles seront précisées au dispositif du présent arrêt;

    Par ces motifs,

  • -329-

    Confirme Ie jugement dont appel en tant qu'il a déclaré la demande originaire reeevabie et fondée en son principe à l'égard de ces appelants;

    Le met à néant pour Ie surplus et réformant;

    Condamne solidairement Gaston Cuvelier et Jean-Michel Cuvelier à payer à Maître Bringard, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Catermin, la somme de 1.000.000 francs majorée des intérêts judi-ciaires à dater du prononcé du présent arrêt jusqu'au parfait paiement, dont a déduire la somme de 300.000 francs versée au curateur par Ie sieur Thierry Cuvelier en exécution d'une convention du 20 septembre 1988 et des intérêts produits par cette somme ;

    Condamne en outre Gaston Cuvelier à payer à la curatelle une somme de 2.000.000 francs, majorée des intérêts judiciaires à dater du prononcé du présent arrêt jusqu'au parfait paiement.

    N° 6632

    Tribunal de commerce de Charleroi (1 re eh.) - 8 sep-tembre 1992

    Siég. : MM. LEBEAU, juge, HESPEL et STEENWINCKELS, juges cons., CoLLARD, subst.

    Plaid : MMes BoRN, FORTONet REGNIER loco DESCAMPS.

    (Barn q.q. cf Guignet, Wertz et Gheysels)

    Faillite.- Société anonyme.- Responsabilité des admi-nistrateurs.

    L'absence ou l'irrégularité de la comptabilité, l'absence de procès-verbaux des réunions de l'assemblée générale et du conseil d'admi-nistration, la méconnaissance de l'article 103 des lois sur les sociétés, la confusion des avoirs personnels d'un oude plusieurs des administrateurs et de ceux de la société ainsi que diverses violations des statuts sant de nature à entraîner la responsabilité des adminis-trateurs sur base de l'article 62, alinéa 2, des lois sur les sociétés. Pareille responsabilité est solidaire, sauf aux administrateurs à

  • -330-

    prouver qu'ils n'ont pas pris part aux infractions relevées, les ont dénoncées à l 'assemblée générale la plus proche et qu 'aucune faute ne leur est imputable.

    La faute «grave et caractérisée >>, visée à l'article 63ter des lois sur les sociétés est la faute qu 'un dirigeant raisonnablement prudent et diligent n 'aurait pas cammise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société : c'est la faute « impardonnable >>, dont l'auteur devait être conscient qu 'elle contribuerait à la faillite de la société. ll faut que l 'acte incriminé soit perçu comme gravement fautif par tout homme raisonnable. La responsabilité existe dès lors que la faute a contribué à la faillite sans qu 'elle doive être nécessairement à l 'ori-gine de l'insuffisance d'actif.

    La comparution des administrateurs de la société faillie devant Ze service d 'enquêtes cammerciales n 'est pas de nature à écarter leur responsabilité. N éanmoins, Ze róle joué par ce service au cours des mois qui ont précédé la faillite sera pris en considération lorsqu 'il s'agira, pour Ze tribunal, d'apprécier Ze caractèrefautif du camparte-ment des administrateurs.

    La démission d'un administrateur est sans effet à l'égard des tiers qui n'en ont pas eu connaissance, tant qu'elle n'a pas été publiée.

    JU GEMENT

    Suivant acte authentique passé devant notaire le 20 avril 1984, Mon-sieur L. Guignet, Madame Th. Wertz, Monsieur F. Gheysels ainsi que 4 autres personnes ont fondé la S.A. ECBM, société ayant pour objet l'entreprise générale de travaux publies et privés, au capital de 1.250.000 francs, libéré à concurrence de 25% et réparti de la façon sui-vante:

    Lucien Guignet :

    Thérèse W ertz :

    Fernand Gheysels :

    Les 4 autres fondateurs :

    560 actions

    125 actions

    560 actions

    5 actions

    Après la constitution de la société, les associés ont élus comme admi-nistrateurs les trois défendeurs; le conseil d'administration ainsi formé a nommé Monsieur Guignet à la présidence du conseil d'administration,

  • -331-

    Madame Wertz et Monsieur Gheysels étant désignés comme administra-teurs délégués à la gestion j ournalière ;

    Suivant même délibération, il a été décidé que chacun des administra-teurs avait Ie pouvoir d'engager seul la société à concurrence de 50.000 francs et que leur mandat serait gratuit;

    Par lettre du 25 février 1985, Monsieur Gheysels a notifié au président du conseil d'administration et à la société sa décision de démissionne