zoom japon 10

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Mensuel gratuit numéro 10- mai 2011 www.zoomjapon.info Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon NUCLÉAIRE Le rejet

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Zoom Japon, numéro 10 (mai 2011)

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201

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www.zoomjapon.info

Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

NUCLÉAIRELe rejet

Page 2: ZOOM Japon 10

éDITO Radiations

La situation autour de lacentrale de FukushimaDai-ichi préoccupe de plusen plus les Japonais. Aprèsavoir été pendant desannées encouragés à

consommer davantage d’électricité par desentreprises garantissant la sécurité des instal-lations nucléaires, ils se réveillent aujourd’huisous le choc. Le manque de clarté dans lesdéclarations des pouvoirs publics et de Tepcoen charge de Fukushima a conduit nombre depersonnes à manifester leurs craintes et leurrejet de l’atome comme unique source d’éner-gie. La peur des radiations - on ne trouve plusde compteurs Geiger dans l’archipel - et la prisede conscience des dangers liés aux déchets per-mettent aux tenants du discours antinucléairede gagner du terrain.

LA RÉ[email protected]

zoom aCTu

EMPLOI Solidarité auniveau nationalLe ministère du Travail rapporte que

6 404 emplois sont ouverts aux survivants

qui ont tout perdu lors de la catastrophe

du 11 mars. 1 211 postes ont été proposés

à Tôkyô, 584 dans la préfecture de

Saitama et 449 dans celle de Kanagawa.

même les préfectures touchées par le

séisme ont des postes à pourvoir : 238 à

miyagi, 168 à Fukushima et 107 à Iwate.

TEnDAnCE Economiesd’énergie chez Sonyavec l’été qui arrive, la consommation

d’électricité va augmenter en raison de

l’utilisation massive de l’air conditionné.

C’est la raison pour laquelle le géant de

l’électronique grand public envisage de

donner deux semaines de congé estival à

ses employés. Cela devrait lui permettre

d’économiser 25 % d’électricité par

rapport aux années précédentes.

La société asahi

spécialisée dans

la vente de bicyclettes a vu son chiffre

d’affaires augmenter de 200 % dans la

région de Tôkyô depuis le 11 mars. Les

Tokyoïtes bloqués à la suite de l’arrêt des

transports après le séisme ont décidé

d’investir dans la petite reine au cas où.

+ 200 %

U n jOUR AU jAPOn

Pour ces enfants venus de Futaba, ville de la zone interdite autour de la centrale de Fukushima, larentrée scolaire a lieu à Kazo, au nord de Tokyo. La cité accueille des familles évacuées. Sous le soleilprintanier et le regard protecteur des koinobori (carpes en tissu), ils ont retrouvé le sourire.

Retrouvez d’autres photos du collectif Sha-dô sur www.shadocollective.com

Le 7 avril 2011, à Kazo, préfecture de Saitama

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Couverture : A Kôenji, le 10 avril par Jérémie Souteyrat

2 zoom japon numéro 10 mai 2011

Page 3: ZOOM Japon 10

zoom aCTu

Depuis le séisme qui a frappé le nord-est de l’archipel et l’accident de la centrale deFukushima, les étrangers boudent le Japon.

R amener la confiance. La tâche s’annonce déli-cate pour le gouvernement japonais après lacatastrophe du 11 mars et la crise nucléaire qui

en a découlé. Le plus difficile sera bien sûr de rétablir laconfiance avec la population qui manifeste de plus enplus sa défiance. Un récent son-dage montrait que 58 % des per-sonnes interrogées critiquaientla gestion gouvernementaleconcernant la centrale de Fuku-shima. La décision d’interdire àcompter du 21 avril la zone des20 kilomètres autour du site acci-denté n’est pas de nature à favo-riser un retour de la confianceparmi les Japonais. Mais le défides autorités ne se limite pas àla population nippone. Ilconcerne également les étrangersqui, en dépit d’un vaste élan desolidarité au niveau internatio-nal, boudent l’archipel depuis lesévénements du 11 mars. Près de500 000 nuitées ont été annuléesau cours des semaines qui ontsuivi. Et même si les voyagistes français ont annoncé, le19 avril, la reprise des circuits au Japon à partir du moisde mai, il est probable que les touristes étrangers conti-nuent à hésiter avant de se décider à retrouver le che-min vers le pays du Soleil-levant. Les séismes à répéti-tion et les incertitudes autour du dossier nucléaire

invitent à la prudence. En dehors des touristes, il est uneautre catégorie d’étrangers que les pouvoirs publics vontdevoir séduire à nouveau : les étudiants. Comme nousle rappelions dans notre numéro 5 de novembre der-nier, le Japon se démène pour accueillir de plus en plusd’étudiants étrangers afin de permettre à son systèmeuniversitaire en crise de ne pas sombrer totalement. Ils’est même fixé l’objectif de 300 000 personnes d’ici2020. Jusqu’au 11 mars, ce chiffre ne semblait pas déme-

suré puisque le nombre d’étu-diants étrangers n’a cessé decroître durant la dernière décen-nie. En 2009, ils étaient près de130 000, laissant penser que les300 000 seraient atteints assezaisément. Aujourd’hui, l’opti-misme n’est plus de rigueur. Denombreux programmesd’échanges sont en suspens, enattendant d’obtenir l’assuranceque la situation est sans risquepour tous ces jeunes motivéspar leur envie d’étudier auJapon. Cela veut à la fois direque les autorités japonaises doi-vent élaborer de nouvellesrègles en cas de catastrophepour éviter que la panique quis’est emparée de nombreuses

familles et responsables pédagogiques à l’étranger ne sereproduise lors d’un séisme de cette ampleur. Mais ellesdoivent surtout veiller à ce qu’une nouvelle crise nucléairen’ait lieu à nouveau. Sa crédibilité à l’intérieur et à l’ex-térieur des frontières est en jeu.

GABRIEL BERNARD

POLITIqUE Comment séduireà nouveau les étrangers

Couverture de Zoom Japon n°5 de novembre

2010 consacré aux études dans l’archipel

mai 2011 numéro 10 zoom japon 3

Page 4: ZOOM Japon 10

L ’été approche. Tout le monde va à la plage pours’amuser. Quand je cherche un coin tranquille pourme baigner, je tombe sur une centrale nucléaire.

Qu’est-ce qu’elle fout là ? Je n’en ai aucune idée dans cepetit pays qu’est le Japon. Summertime blues”. C’est ainsique commence la chanson du groupe rC Successionadaptée du célèbre titre signé Eddie Cochran. Sortieen 1988, Summertime blues, revue et corrigée par legénial IMAwANo Kiyoshirô, avait bien sûr fait scandaleau pays du consensus. La maison de disques du groupeTôshiba-EMI avait décidé de suspendre sa commercia-lisation alors que la chanson occupait la tête des meil-leures ventes. Mais il était inconcevable que l’on diffuseun disque aussi sulfureux mais pourtant prémonitoire.“La cheminée crache une fumée noire et le tremblementde terre redouté peut survenir. Malgré cela, ils continuent

de construire des centrales. Mais pourquoi donc ? Je n’enai aucune idée dans ce petit pays qu’est le Japon. Summer-time blues”, dit le second couplet. Depuis cette mémo-rable chanson, la voix d’IMAwANo Kiyoshirô s’est éteinte,mais son message est resté. Les récentsévénements à la centrale de FukushimaDai-ichi sont venus rappeler que lenucléaire pouvait être un poison dont ilétait difficile de se débarrasser. Ils ontaussi contribué à rallumer la flamme du mouvementantinucléaire dans l’archipel. Dans un pays atomiséen 1945, le nucléaire a toujours été un sujet sensible,notamment dans sa dimension militaire. L’opinionpublique s’est d’ailleurs souvent mobilisée pour rappe-ler son opposition à l’arme atomique, les commémora-tions de l’atomisation de Hiroshima et Nagasaki ser-vant de caisse de résonance au niveau mondial. En cequi concerne le nucléaire civil, les voix ont cependanteu plus de mal à se faire entendre comme l’a montrél’exemple de rC Succession. Il est vrai que dans un pays

dépourvu de matières premières, il a été facile deconvaincre la population des bienfaits de l’énergienucléaire. Par ailleurs, le gouvernement japonais, qui apris la tête dans la lutte contre le réchauffement clima-

tique, a eu beau jeu de rappeler l’intérêt del’atome qui ne rejette pratiquement aucungaz à effet de serre dans l’atmosphère.Quelques jours après le séisme, alors quela situation à la centrale de Fukushima Dai-

ichi était alarmante, on expliquait encore à la télévisionl’intérêt du nucléaire sur le plan environnemental. Ilfaut ajouter que le nucléaire civil est désormais consi-déré comme une source de devises non négligeablesdans un pays en crise depuis une vingtaine d’années.Pas facile dans ces conditions de prêter attention auxavertissements lancés y compris par ceux travaillantdans le secteur. En 1997, HIrAI Norio, technicien chezHitachi pendant 20 ans et chargé de l’installation decanalisations à la centrale de Fukushima, a publié undocument d’une vingtaine de pages dont nous sommes

nucléaire : le rejet

une prise deconscience qui progresse

MOBILISATIOn de l’énergie pour en sortirLa situation à la centrale de FukushimaDai-ichi incite un nombre croissant deJaponais à douter du nucléaire.

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Le 27 mars 2011, quelques centaines de personnes ont manifesté à proximité du siège de Tepco pour réclamer l’arrêt des centrales nucléaires dans l’archipel.

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Page 5: ZOOM Japon 10

zoom doSSIER

Quel est votre regard surl’accident de la centrale deFukushima ?AMAGASA Keisuke : je crois que c’estune tragédie qui dépasse l’accident deTchernobyl. Mon opinion repose surle fait que cet accident concerne qua-tre réacteurs et qu’il met en jeu degrandes quantités de plutonium et deretombées radioactives. A Fukus-hima, les fuites ne sont pas toutes col-matées et on n’a pas la moindre idéedu temps que cela va durer. quoi qu’ilen soit, la radioactivité se répand len-tement mais sûrement. je crois vrai-ment que la contamination serabeaucoup plus importante qu’àTchernobyl.

Quelle est la responsabilité du gou-vernement et de Tepco ?A. K. : On peut dire que cette tragé-die nucléaire devait se produire endépit des avertissements des acci-dents passés. Tepco et les autrescompagnies d’électricité, au lieu d’entirer les leçons ont non seulementpoursuivi la construction de centralesau nom de la politique contre leréchauffement climatique, mais ontaussi planifié une augmentation des

besoins en électricité, en promou-vant le tout électrique. Le gouverne-ment a soutenu cette politique etbâti une société dépendante dunucléaire. En ce sens, les pouvoirspublics et les compagnies d’électri-cité ont facilité la tragédie actuelle.La centrale de Fukushima Dai-ichi(voir pp. 6-7) est vieille. Mais l’acci-dent n’est pas lié à son âge. Il s’estproduit parce qu’il s’agit dunucléaire. C’est un accident dont onsavait qu’il aurait lieu sans pouvoirdire avec précision quand il se pro-duirait. Il a eu lieu parce que l’indus-

trie nucléaire et les compagniesd’électricité ont privilégié l’intérêtéconomique plutôt que la sécurité.

Comment voyez-vous évoluer lasituation à Fukushima Dai-ichi ?A. K. : Lors de l’accident à la centralede Three Mile Island aux Etats-Unis,il a fallu une année pour parvenir aurefroidissement complet du réacteur.Pendant ce temps-là, la situation aété très difficile. A Fukushima, il fau-dra sans doute plus de temps encorepour refroidir, ce qui signifie que leseffets nocifs vont durer. Actuellement,le plus insupportable, c’est de ne passavoir quand les rejets radioactifs vonts’arrêter. Il se peut qu’ils se poursui-vent pendant plus d’un an. Il estdonc difficile de savoir quand cettetragédie prendra fin. Une fois quele refroidissement sera atteint, ledémantèlement pourra alors com-mencer. La démolition n’interviendraqu’avec la baisse du niveau des radia-tions. Cela demandera des années.Le retour à la normale dans les zonesirradiées exigera le même nombred’années. Bref, on n’en a pas terminéavec le nucléaire.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

amagaSa Keisuke, l’homme inquiet

en possession dans lequel il dénonçait les négligenceset de nombreuses erreurs humaines dues à un person-nel sous-qualifié embauché par des entreprises sous-traitantes faisant appel aux paysans ou pêcheurs de larégion sans aucune formation spécifique. Aujourd’hui,l’ancien conseiller auprès de la Commission nationaled’enquête sur les accidents nucléaires et témoin dans leprocès pour l’arrêt de la centrale de Fukushima Dai-ni serait sans doute plus écouté et son message plus faci-lement relayé. Beaucoup de Japonais se sentent dé-sormais menacés et remettent en cause le discours desautorités. Un sondage réalisé par la chaîne TV Asahi,le 11 avril, révélait que 65 % des personnes interrogéesémettent des doutes sur la qualité de l’informationconcernant l’accident de Fukushima Dai-ichi. Ils veu-lent en savoir plus et se demandent si le nucléaire est labonne solution comme en témoigne le succès inattendudu documentaire suédo-finlandais Into Eternity [dif-fusé en France par Arte en janvier 2011] sur la construc-tion d'un sanctuaire conçu pour abriter des déchetsnucléaires. Sorti le 2 avril dans le petit cinéma Uplinkà Shibuya, il est l’illustration du doute qui gagne la popu-lation. “Notre salle ne peut contenir que 60 personnes,mais nous faisons salle comble à chaque fois. Nous sommesobligés de refuser des spectateurs. Nous avons donc décidéde le diffuser trois fois par jour et toujours avec le mêmesuccès. Plusieurs cinémas veulent le montrer et nous sommesen discussion pour une sortie nationale”, confie ASAI

Takashi, le patron d’Uplink. “Plus de la moitié des per-sonnes qui ont vu le film ne savait rien sur les déchets. J’enai vu certains pleurer à l’idée que leur génération allaitlaisser des déchets comme héritage à leurs petits-enfants”,ajoute-t-il. Il se peut que parmi tous ces gens qui “sontparfois venus spécialement de province”, certains d’entreeux aient décidé de rejoindre le corps des manifestantsantinucléaires de plus en plus nombreux. Alors qu’ilsn’étaient qu’une poignée le 27 mars à exprimer leur refusdu nucléaire devant le siège de Tepco, le 10 avril, ilsétaient plus de 17 000 à défiler dans le quartier de Kôenjipour demander l’arrêt des centrales nucléaires dans “cepetit pays qu’est le Japon”, comme le chantait IMAwANo

Kiyoshirô. Décédé en 2009, le leader de rC Successionne peut plus apporter son soutien à la cause, mais il existeune nouvelle vague d’artistes prêts à prendre la relève(voir Zoom Japon n°7, février 2011). SAITô Kazuyo-shi est de ceux-là. Sa dernière composition Zutto usodatta [on nous a toujours menti] adaptée d’un de sesgrands succès Zutto suki datta [Je t’aimais depuis tou-jours] résume bien l’état d’esprit actuel. “En vous bala-dant dans ce pays, vous tomberez sur 54 centrales. Les pubset les manuels scolaires nous disent qu’elles sont sûres. Aprèsnous avoir dupés, leur seule excuse, c’est celle de l’impré-visible. Je me souviens avec nostalgie de ce ciel qui se rem-plit désormais d’une pluie noire”, chante-t-il avec convic-tion, rappelant à tous ceux qui ont choisi de ne plusfermer les yeux que le mensonge n’est plus tolérable etles compagnies d’électricité qui ont “menti”ne sont quede “la merde”. Il y a dans ces paroles comme une sorted’énergie du désespoir. ODAIRA NAMIHEI

I nTERVIEw

Spécialiste de l’environnement,AMAGASA Keisuke a publié denombreux ouvrages sur lenucléaire. Il est directeur duBureau d’information citoyen surles biotechnologies.

mai 2011 numéro 10 zoom japon 5

Qui porte la responsabilité del’accident à Fukushima ?SONO Ryôta : Il s’agit assurément deTepco et du gouvernement. L’enga-gement nucléaire du japon est une“politique d’Etat”. En dépit des aviscontraires lancés par les spécialistes etles mouvements de citoyens, ils ontpoursuivi la construction des centrales,affirmant qu’elles étaient en mesurede résister aux séismes. Aussi aprèsl’accident de Fukushima, ils ontbrandi “l’imprévisible” comme ex-cuse, prenant du retard dans leurréaction, ce qui a mis en danger denombreuses vies. Toute cette situations’explique par leur refus de reconnaî-tre leurs responsabilités et d’abandon-ner leurs intérêts liés au nucléaire.

On dit que les médias japonais onttrop tendance à faire confianceaux autorités. Qu’en pensez-vous ? S. R. : Au japon, les journaux et latélévision sont inféodés au pouvoir etau capital. Ils ne peuvent donc pas

exercer correctement leur droit decritiquer. Avec le système des “clubsde la presse” auquel appartiennentles médias, ces derniers ne peuventpas avoir accès à des informations s’ilsécrivent des articles trop dérangeantspour le pouvoir. Même les journalistesles plus talentueux, une fois qu’ilssont entrés dans un journal, ils ne

peuvent plus exprimer de critiques àl’égard du gouvernement, y comprislorsqu’ils disposent de connaissancessur le nucléaire. Voilà pourquoi ilschoisissent de s’appuyer sur les infor-mations fournies par les autorités.

Comment va évoluer le mouve-ment antinucléaire ? S. R. : La plus importante manifesta-tion a réuni plus de 10 000 per-sonnes à Tôkyô. A l’avenir, il y auraencore plus de monde. j’espèrequ’elles prendront de l’ampleur pouramener les responsables politiqueset Tepco à prendre leurs responsabi-lités et favoriser un changement depolitique énergétique. je souhaiteégalement renforcer les liens avecd’autres mouvements dans lemonde et empêcher la vente de cen-trales à l’étranger. Il s’agit d’accélé-rer la prise de conscience dans notresociété et d’étendre le débat aumaximum.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

Sono Ryôta, le citoyen en colère

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Diplômé en sociologie, SONORyôta est un des principauxleaders du mouvement decontestation du nucléaire.

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Centrale de Shiga1993-2006

RIKUDEN

Centrale de Tsuruga1970-1987

JAPC

Centrale de Shimane1974-1989

ENERGIA

Centrale de Genkai1975-1997

KYÛDEN

Centrale de Mihama1970-1976

KEPCO

Centrale de Takahama1974-1985

KEPCO

Centrale de Hamaoka1987-2005

CEPCO

18 juin 1999Montée de pressidu réacteur. Deuxaccident de criticdu Japon (INES 2

9 février 1991Panne (INES 2)

Centrale d'Ôi1979-1993

KEPCO

4 avril 1991Baisse du niveau d'eaudans le réacteur(INES 2)

Centrale d'Ikata1977-1994YONDEN

Centrale de Sendai1984-1985KYÛDEN

Satsuma Sendai

Kitakyûshû

KôbeKyôto

Genkai

Ikata

Matsue

Ôsaka Nagoya

Tsuruga

Mihama

Makinohara

Takahama

Kanazawa

Hakui

Centrale de Shimane

Centrale de Sendai

Shiga

Omaezaki

Ôi

S h i k o k uK y û s h û

Sous l'emprise du nucléaire

150 km

Contexte sismique

Les centrales nucléaires

Types de réacteurs

Population vivant à proximité d'une centrale

Limites des plaques lithosphériques

Systèmes de failles

Nom

Localisation d'une centrale

Dates de mise en service(du premier au dernier réacteur installé)

Entreprise géranteNombre et types de réacteurs

Accidents (sur l'échelle INES)

Réacteur à eau pressurisée (REP)

Réacteur à eau bouillante (REB)

Réacteur avancé à eau bouillante (RAEB)

Nombre d'habitants des villes250 000200 000

50 00010 000

100 00025 0002 000

Centrale de Tsugura1970-1987

JAPC

6 zoom japon numéro 10 mai 2011

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zoom doSSIER

Centrale de Tomari1989-2009

HEPCO

Centrale de Higashi Dôri2005TOHOKU EPCO

a

Centrale de Fukushima Dai-ichi1971-1979

2 novembre 1978Premier accident de criticité du Japon (INES 2)

TEPCO

Centrale d'Onagawa1984-2002TOHOKU EPCO

Centrale deKashiwazaki-Kariwa1985-1997TEPCO

ion

xième cité

2)

9 septembre 1990Surchauffe du réacteur (INES 2)11 mars 2011Panne du système de refroidissement (INES 7)

Centrale deTôkaimura Dai-ni1978

30 septembre 1999Troisième accidentde criticité au Japon(INES 4)JAPC

Centrale de Fukushima Dai-ni1982-1987

1er janvier 1989Fuite de matière radioactive (INES 2)

TEPCO

Tôkyô

Fukushima

Sendai

Morioka

Mito

Tôkaimura

NaharaTomioka

Futaba

Ishinomaki

Mutsu

Kyôwachô

Higashi Dôri

Tomari

Hitachi

Kashiwazaki

Onagawa

Aomori

Sapporo

Centrale de Tomari

Centrale de Kashiwazaki-Kariwa

Centralede Fukushima

Centrale de Hamaoka

Centrale de Tôkaimura

Kariwa

H o k k a i d ô

H o n s h û

Site internet des entreprisesgérantes : Cepco www.chuden.co.jpEnergia www.energia.co.jpHepco www.hepco.co.jpJAPC www.japc.co.jpKepco www.kepco.co.jpKyûden www.kyuden.co.jpRikuden www.rikuden.co.jpTepco www.tepco.co.jpTohoku Epco www.tohoku-epco.co.jpYonden www.yonden.co.jp

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zoom doSSIER

L a confiance que les Japonais ont pu avoir vis-à-vis du nucléaire est largement liée à la façondont on la leur a présentée. Entre le discours offi-

ciel qui défendait le principe d’une énergie propre dansun pays dépourvu de matières premières et des compa-gnies d’électricité qui ont milité pour le développementdu tout électrique depuis le début des années 1980, iln’y a guère de place pour une offre alternative accessibleau grand public. Les Japonais ont donc vécu avec l’assu-rance que le nucléaire était la solution à nombre de leursproblèmes malgré quelques alertes matérialisées par desincidents dans quelques centrales. “Il y a des gens qui cri-tiquent les centrales nucléaires et qui demandent ce qui sepasserait si un réacteur tombait en carafe après un séisme.Moi je leur dis, au contraire, que l’endroit le plus sûr en casde tremblement de terre, c’est une centrale nucléaire. Acoup sûr, c’est là-bas que j’irai me réfugier (rires). Ceux quiprétendent que les nouvelles technologies sont dangereusesne sont que des jeunes imbéciles qui cherchent à se faire

bien voir par les médias”. Ces propos sont ceux de KITANo

Takeshi. Il les a tenus dans un entretien accordé au men-suel Shinchô 45 paru en mai 2010. Comme beaucoupd’autres personnalités, le réalisateur de Hanabi a sou-vent défendu l’industrie nucléaire dans des interven-tions que l’hebdomadaire Kinyôbi a recensées dans sonédition du 15 avril. Sous le titre Le Crime nucléaire desgens de la culture, SAKATA Makoto, l’un des membres dela rédaction du magazine, montre qu’un nombre nonnégligeable d’artistes (acteurs, mangaka) ou de chro-niqueurs connus ont contribué ces dernières années à lapromotion du nucléaire sans jamais évoquer la possibi-lité d’une faille dans la sécurité des installations. Il estévident que ce discours répété en a pris un sérieux coupdepuis le 11 mars 2011. Cela ne veut pas pour autant dire que les dangers dunucléaire au Japon n’aient jamais fait l’objet de critiquesdans l’archipel. Alors que le pays s’engageait sur la voiedu tout nucléaire le cinéaste HASEGAwA Kazuhiko asorti, en 1979, son film Taiyô wo nusunda otoko[L’Homme qui a volé le soleil] dans lequel il mon-trait les limites de la sécurité dans les centrales nucléaires

ATTITUDE Les croyances ont la vie durePendant des années, l’opinion publique avécu tranquille avec le mythe de la sécurité.

nippones, notamment celle de Tôkaimura dans la pré-fecture d’Ibaraki. Le film a connu un certain succès aumoment de sa sortie, mais c’était le moment où la puis-sance économique japonaise éclatait au grand jour etla consommation s’imposait comme le sport numéroun. L’information sur le nucléaire devenait alors biensecondaire aux yeux des Japonais qui continuaient néan-moins à avoir une attitude discriminatoire vis-à-visde ceux originaires de régions où il y avait présencede nucléaire. HIrAI Norio, qui a publié un documentsur la centrale de Fukushima peu avant son décès en1997, a rapporté des témoignages en ce sens, notam-ment celui d’une jeune femme qui devait se marier. “Ladate du mariage avait été fixée, mais il a été annulé àla dernière minute. Mon futur conjoint m’a dit que sesparents avaient appris que j’avais vécu dix ans près dela centrale de Tsuruga et que mes enfants auraient plusde risques de contracter des leucémies”, lui avait-elleraconté. A l’aune de ce récit, on peut se demander ceque les gens issus des zones proches de Fukushimaauront à souffrir dans les années à venir.

GABRIEL BERNARD

8 zoom japon numéro 10 mai 2011

Un récent sondage a montré qu’unelarge partie des Japonais doutait desinformations concernant la situation àla centrale de Fukushima Dai-ichi. Quelest votre sentiment à cet égard ? SOTOOKA Hidetoshi : La règle principaledans la divulgation de l’information estd’assurer la précision, la clarté et la rapidité.Si l’on n’y parvient pas, l’information perdde sa crédibilité. Cela peut alors donner lieuà des rumeurs ou des mensonges qui, à leurtour, ouvrent le chemin à la panique. En cequi concerne la centrale de Fukushima, en-tre le séisme du 11 mars et l’explosion auniveau du réacteur n°1 le 12 mars vers15h30, aucune information n’a été divul-guée. La première conférence de presse n’aeu lieu qu’à 18h ce jour-là. On peut direque les explications données pour justifierce silence n’ont guère convaincu. Commebeaucoup d’autres, je pense qu’il est dif-ficile d’apprécier les informations fournieslorsque Tepco, l’Agence de sécurité nu-cléaire et le secrétaire général du gouver-nement organisent des conférences depresse distinctes. Concernant l’évacua-tion des zones autour de la centrale, je croisque les gens n’ont pas su ce qu’il fallait fairelorsque le secrétaire général du gouverne-ment a confondu l’idée de directive qui im-pose un certain comportement et le prin-

cipe d’agir en fonction de sa propre appré-ciation. Le besoin de précision est donc im-portant, mais il est vrai qu’il permet sou-vent de dissimuler le manque de prépara-tion et cela contribue à mettre en péril latransparence et la rapidité de l’information.En l’absence d’informations, on peut se re-trouver dans des situations comme celle qui

a prévalu après que l’ambassade desEtats-Unis a demandé à ses ressortissantsd’évacuer les zones situées à 80 kilomètresde la centrale. Cela a contribué à favori-ser des rumeurs selon lesquelles “le gou-vernement japonais nous cacherait la vérité”.De la même façon, le classement de l’ac-cident selon l’échelle internationale des in-cidents nucléaires (InES) est une bonne il-lustration du problème. Le 15 mars, un ins-titut américain a expliqué que la situationà la centrale de Fukushima était “prochedu niveau 6”. Pourtant, trois jours plustard, l’Agence de sécurité nucléaire a dé-cidé de la classer au niveau 5 avant de lafaire passer le 12 avril au niveau 7. Cettedécision a donné l’impression que les au-torités japonaises ne savaient pas où ellesen étaient alors que ce choix est extrême-ment important pour évaluer l’ampleur del’accident.

Pourquoi les grands médias japonaisn’ont pas enquêté dans les zones situéesautour de la centrale de Fukushima ?S. H. : Chaque entreprise de presse a sesprincipes en matière de reportage. Pour al-ler enquêter dans les zones contaminées,les journalistes devaient être équipés decombinaisons et de matériels de mesure.je pense que cela a demandé un peu de

temps pour qu’ils s’équipent. j’ajoute quedepuis la mi-avril, avec le début des re-cherches entreprises par les autorités pré-fectorales dans les zones contaminées, lesjournaux publient des reportages réaliséssur place.

L’accident de Fukushima a ébranlé laconfiance que les Japonais pouvaientavoir à l’égard du nucléaire. Pensez-vous que cela puisse favoriser l’ouver-ture d’un débat sur une sortie dunucléaire ?S. H. : Comme beaucoup d’autres, jepense qu’il n’y a pas d’autres voies que desortir du nucléaire depuis que cette catas-trophe naturelle a remis en cause le“mythe de sécurité”. Il faut dans un pre-mier temps arrêter de façon progressive lescentrales qui représentent un danger im-portant tout en cherchant des énergies deremplacement. je pense aussi qu’il faut ré-duire notre consommation d’énergie. Poury parvenir, il va falloir mettre en place unconsensus, ce qui constitue un des objec-tifs les plus importants pour notre sociétéà l’avenir. je suis persuadé que nous y par-viendrons compte tenu du caractère des ja-ponais qui ont surmonté la défaite de 1945et le choc pétrolier des années 1970.

PROPOS RECUEILLIS PAR G. B.

SoTooKa Hidetoshi, l’information avant tout

I nTERVIEw

Ancien rédacteur en chef de l’AsahiShimbun, SOTOOKA Hidetoshi estnotamment l’auteur de Jishin to shakai[Séismes et société, éd. Misuzu Shobô].

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zoom doSSIER

d ans la voiture, le compteur Geiger se metà sonner. De 2,5 microsieverts, le dosimè-tre affiche 6,3, puis 17, redescend à 11, et

grimpe en flèche jusqu'à 49. “Bon, on ne va pas s’éter-niser là !” plaisante mon ami au volant. Nous man-quons de nous encastrer dans une faille de la chaus-sée de plusieurs centimètres. Autour de nous, le calmerègne dans la ville de Futaba avec ses avenues fleuries.Nous sommes dans la zone d’évacuation située à4,5 kilomètres de la centrale de Fukushima Dai-ichiet en ce beau dimanche de printemps, il n’y a pas âmequi vive. “On est venu finir de nettoyer le restaurant, les sushismaintenant ça ne marche plus !”En bordure de la natio-nale 6, à 30 kilomètres de la centrale, le restaurant desushis de ASAKAwA Fumio est fermé depuis exactement37 jours. Evacué dès le lendemain du séisme et du tsu-nami qui ont ravagé la côte nord-est du Japon le 11 mars2011, la famille de M. ASAKAwA loge depuis dans uncentre de refuge de la ville d’Iwaki. “Nous revenons àHisano Hama plusieurs fois par semaine pour ranger. Onécoute la radio ou la télévision pour connaître le niveaude radioactivité dans l’air, et on est attentif au vent”,explique-t-il. Depuis le 12 avril, l’accident de la centralede Fukushima Dai-ichi a été classé au niveau 7 del’échelle INES, au même niveau que celui de Tcherno-byl, et la zone d’évacuation élargie au périmètre des30 kilomètres [depuis le 21 avril, le périmètre des 20kilomètres est totalement interdit]. Une décision sou-daine de l’Agence japonaise de sûreté nucléaire renduepublique deux jours après la reélection du controverségouverneur de Tokyo, ISHIHArA Shintarô. Un assureurrentre dans le sushiya et la blancheur de sa veste tranchedans la pénombre. “Les gens ne sont même pas dédom-magés en pertes matérielles, car l’assurance séisme est tropchère, alors pour les radiations, vous pensez…”, lance-t-il.Tepco, la société gérante de la centrale de Fukushima,a annoncé il y a quelques jours une enveloppe de 50 mil-liards de yens [420 millions d’euros] pour les foyerssitués dans la zone d’évacuation, mais pour ces habi-tants le mal est irréparable. “La pollution de la mer estnotre principal souci, sans poissons nous n’avons pas detravail”, affirme l’épouse de M. ASAKAwA. Dans le portde pêche dévasté, quelques bateaux intacts attendentleur prochaine sortie en mer. Malgré les avertissements,quelques-uns des 6 300 habitants de Hisano Hamacommencent peu à peu à revenir chez eux, des per-sonnes âgées qui n’ont plus rien à perdre, ou quelquesbraves commerçants comme ce gars souriant qui étalesa marchandise dehors en déclarant “Makenai kara ! je

ne me laisserai pas faire !”.Dans la ville, le compteur Gei-ger marque 0,3 microsieverts, une dose infime par rap-port au seuil des 2,5, dose horaire admise durant uneannée d'exposition, mais qui peut exploser au moindreséisme près de la centrale. En direction de la côte, unbarrage nous indique l’entrée dans la zone des 20 kilo-mètres. Les policiers nous demandent aimablement lebut de notre visite. Derrière nous, quelques voituresattendent qu’on inscrive leur nom pour passer. Ce sontdes habitants, venus chercher des affaires dans leursmaisons. “Il y a eu beaucoup de cambriolages, car pen-dant longtemps les habitants n’ont pas osé revenir”, déclareune femme. Passé le point de contrôle, la route qui mèneà Fukushima Dai-ni, l’autre centrale, est coupée en deux.Nous rebroussons chemin. Un jeune Japonais sansmasque de protection marche seul sur la nationale gon-dolée. ”Je suis venu voir de mes propres yeux ce qui se passeici”, dit cet étudiant de Tokyo. Il nous guide vers la sta-tion balnéaire de Tomioka, à 4 kilomètres de la cen-trale. Dans un paysage de cataclysme, on entend seule-ment le vent faire craquer les planches arrachées. Unchien apparaît, la langue pendante. Plus loin, un chatse met à miauler, des râles terribles. Il y a quelques jours,plusieurs personnes avaient vu déambuler dans les villesdes vaches et des porcelets à la recherche d’eau. “Il y avait 49 maisons ici, maintenant il ne reste plus quecette construction en béton”, explique SATô Katsuyukien pointant le bord de mer dévasté. A Minami-Sôma,à 20 kilomètres de la centrale, plus d’un tiers de la popu-lation est partie. “Je suis revenu chercher du matériel

REPORTAgE un poison nommé Fukushima Dans la zone d’évacuation autour de la centrale accidentée, la population a de plus en plus de mal à croire en l’avenir.

de récupération pour mon nouveau bureau”, raconte cechef d’entreprise qui s’est établi dans la ville voisine deSôma. “J’ai travaillé chez Tepco pendant 4 ans. C’étaitun travail très exigeant et les mesures de sécurité sem-blaient parfaitement maîtrisées.” Comme beaucoup,M. SATô est tombé de haut quand il a appris la gra-vité des dégâts causés par la centrale. “Depuis l’accident,il est facile de se plaindre, mais le fait est que tous lesgens de la région ont bénéficié des revenus générés par lenucléaire. A présent, il faut tourner la page”. Il a perdusa mère lors du tsunami et n’a pas d’enfants. “Nous nesommes pas prioritaires pour les logements provisoiresalors autant ne pas y compter”, ajoute-t-il. Le maire deMinami-Sôma avait lancé un appel sur YouTube alorsque sa ville avait été oubliée par l’armée. La cité ne béné-ficiait pas des aides alimentaires et les centres de refugerefusaient les gens originaires de Fukushima sans cer-tificat de non-radioactivité pour entrer. Alors que notrecompteur Geiger se remet à sonner, nous passons sousune arcade de la ville de Futaba. “le nucléaire, une éner-gie pour un avenir radieux”, peut-on y lire. Mais cetteannée, il n’y aura probablement que les oiseaux pourchanter sous les cerisiers en fleurs de la ville irradiée.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

Le 17 avril 2011. Futaba est devenue une cité fantôme loin de l’avenir radieux promis par cette inscription.

mai 2011 numéro 10 zoom japon 9

SuR La ToILEaLISSa dESCoTES-ToyoSaKI a réalisé un reportagephotographique lors de son passage dans la zoned’évacuation. Vous pouvez le consulter en ligne :http://zoomjapon.info/diaporama.php

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zoom CuLTuRE

H UMEUR par KOgA Ritsuko

je rêvais de vivre dans un appartement ancien situédans un immeuble construit au XVIIe ou XVIIIe siècleà Paris comme j'avais pu en voir dans des revues dedécoration. Rien que l'idée m’exaltait, car, au japon,une maison du XVIIe siècle est considérée comme untrésor national ! En arrivant dans la capitale, j'ai cher-ché un charmant studio. Hélas, sans connaître per-sonne et sans maîtriser la langue, je n'avais aucuneidée de comment me présenter dans une agenceimmobilière. je me suis alors tournée vers la commu-nauté japonaise. grâce à une petite annonce, j'ai pusous-louer le studio d'une japonaise pour trois moistout en continuant à chercher. étant étudiantemineure, il était plus facile d'op-ter pour la colocation avec unejaponaise et nous avons doncvisité plusieurs appartements. Lacheminée et le parquet desappartements anciens étaientattirants. Mais nous avons vitecompris que le synonyme de“ancien” était “vieux” : salle debain trop sale, parquet trop abimé et bruyant... nousavons fini par habiter dans un immeuble neuf etmoderne, en rêvant malgré tout d'”ancien”. Plusieursannées plus tard, toujours étudiante, mais adulte avecun boulot, je suis allée voir une agence dans le but delouer un studio toute seule. Le monsieur m'a genti-ment écouté pour finalement me dire que j'avaisbesoin de deux garants ayant chacun un salaire repré-sentant trois fois le loyer. j’ai failli le taper. j'ai changéd'avis et cherché des annonces de particuliers avecun collègue français. Lors de la visite d'un charmant3 pièces, nous avons fait semblant d’être fiancés. Lapropriétaire avait l'air intéressé par le faux statut demon collègue et ma nationalité qui renvoie une forteimage d'honnêteté. Pour nous sélectionner elle m'aalors demandé notre nom. je ne connaissais pas lenom de famille de mon “fiancé”... Recalée ! Malgrétout mon rêve reste encore réalisable, car je sais qu’ily a des appartements anciens rénovés ! Il me fautun ou deux garants français, un zéro de plus sur mafiche de paie et un gentil banquier. je rêve ?

Sous les toits anciensde paris

éVénEMEnTZoom Japonlance son prixIl y a le prix goncourt, le prix Renaudot

sans oublier le Femina ou l’Interallié. Sans

prétendre remplacer ces prestigieux prix

littéraires, Zoom Japon a décidé de créer

son propre prix qui récompensera chaque

année la meilleure œuvre japonaise parue

en France. divisé en deux catégories :

littérature et manga, le prix zoom japon

vise notamment à mettre en valeur le

travail des

éditeurs et des

traducteurs qui

depuis des

années se

démènent pour

assurer la

diffusion de la

culture japonaise

en France. pour

décerner cette

récompense qui

sera annoncée

chaque année le

1er avril (ce n’est

pas une blague), Zoom Japon invite ses

lecteurs à faire partie du jury. Si vous êtes

amateur de lecture, si vous aimez le

japon, si vous êtes prêt à lire beaucoup au

cours des prochains mois et si vous avez

envie de partager votre passion avec

d’autres personnes, n’hésitez pas à faire

acte de candidature pour participer à la

remise du premier prix zoom japon qui

aura lieu le 1er avril 2012. pour y

participer, rien de plus simple, il vous

suffit de nous adresser avant le 15 juin

par courriel une lettre de motivation avec

vos goûts en matière de lecture et vos

coordonnées à : [email protected]

DISqUE Fraîcheuroriginaire de Fukuoka, le groupe sort son

premier album enregistré à Tokyo sous

son propre label KT Records. Les quatorze

titres de ce disque, qui rappelle la pop

britannique des années 1960-1970, sont

tous des succès potentiels tant par la

qualité de leurs mélodies que

l’interprétation. a écouter d’urgence.

THE CIgAVETTES (KT Records).

ROMAn Intrigues à la courCeux qui ont apprécié Shogun, la saga de

james Clavell, et aiment les histoires

policières ne seront pas déçus avec Le Lotus

noir. Le roman se déroule à la fin du XVIIe

siècle et met en scène Sano Ichirô,

enquêteur du shogun, qui doit retrouver

les auteurs d’un crime commis au sein du

temple du Lotus noir. Bien ficelée, l’histoire

nous plonge dans l’atmosphère qui régnait

à l’époque d’Edo. une belle lecture.

LE LOTUS nOIR, LAURA jOH ROwLAnD, TRAD. DE

L’AngLAIS PAR P. gHIRARDI ED. OUTSIDE, 21,90€.

CIné-CLUB nouveau filminédit à La pagodepour son avant-dernier rendez-vous de la

saison, le ciné-club de zoom japon fait

encore l’événement avec un film

complètement inédit le samedi 14 mai à

10h30. Sorti à l’automne 2010 au japon,

Les Feux d’artifice de mon grand frère, de

KunImoTo masahiro, nous plonge dans

l’univers des matsuri dans la région de

niigata avec pour fond une belle histoire

entre un frère et sa sœur malade.

57 bis, rue de Babylone 75007 Paris

Tél. 01 46 34 82 51

10 zoom japon numéro 10 mai 2011

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mai 2011 numéro 10 zoom japon 11

zoom CuLTuRE

S ’il est un aspect de la culture japonaise auquelnous demeurons toujours attentifs et réceptifs,c’est bien le caractère inventif et original de ses

artistes. Le festival de L’Expérience japonaise qui sedéroule les 28 et 29 mai en sera l’illustration à la GaîtéLyrique. Après deux éditions réussies à Nîmes, c’estmaintenant à ce magnifique lieu parisien, propice à lacréation et la découverte, de poursuivre l’expérience etrendre hommage à la culture nippone. L’aventure deL’Expérience japonaise est née de la volonté de mettreen exergue, le temps d’un week-end et dans un cadrecertes expérimental mais tout aussi convivial, les ten-dances et les nouvelles directions artistiques proposéesaujourd’hui au Japon. Au niveau de la programmation musicale, on retrouvedes artistes tout à fait insolites et intéressants. on peutdéjà citer Craftwife dont la performance musicale reposesur un programme développé sur un iPhone, De!nialgroupe électro-punk dont les membres sont intégrale-ment recouverts de collants et de masques en peluche,ou encore Doravideo joueur de batterie et performeurvidéo. Et ceci sans compter les très attendues 5.6.7.8’s,trio de rock garage féminin qui avait fait une appari-tion remarquée dans Kill Bill, l’un des grands succès deQuentin Tarantino. Quant aux projections, l’audito-rium de la Gaîté Lyrique présentera le 28 mai Un voyageà Tokyo de Paul ouazan et le lendemain 77 Boadrumde KAwAGUCHI Jun. Parallèlement, les éclaireuses de laGaîté Lyrique diffuseront une vingtaine de films d’ani-mations sélectionnés par l’agence tokyoïte 4d2a dans

le cadre de l’événement Japanese Motion Graphic Crea-tors 2011. Cette très belle programmation ne sauraittrouver sa perfection sans l’atelier chanson enka, genremusical encore méconnu du grand public et l’ateliergyoza voué à la confection de ces délicieux raviolis japo-nais. Ces deux ateliers confèrent en effet à ce court fes-tival un esprit tout à fait chaleureux et décalé. on aime !Et pour les nostalgiques du disque, des mangas et autresgoodies venues du pays du Soleil-levant, de nombreuxstands parsèmeront les lieux. Espérons que cet excel-lent échantillon de culture japonaise réussira à s’instal-ler de manière pérenne à Paris.L’Expérience japonaisen’aurait pu voir le jour sans l’im-mense travail réalisé par son programmateur FranckStofer, expatrié au Japon depuis quelques années. Avecson agence franco-japonaise JAAPAN, il a découvert

les talentueuses musiciennes Kokusyoku Sumire ouencore le très inspiré groupe Hip hop Hifana. L’accueilde L’Expérience japonaise au cœur même de la GaîtéLyrique n’aurait pu se faire, non plus, sans la volonté deson directeur, Jérôme Delormas. Pour cet ancien direc-teur de la Villa Kujôyama et de l’Institut Français duKansai à Kyôto, il était évident qu’un événement cul-turel spécifiquement japonais trouverait auprès de luiune réponse plus que motivée. Avec une politique tari-faire très basse (23€ le pass) et un désir fort de conser-ver une atmosphère conviviale, il parvient à rassemblerles ingrédients qui feront de cet événement un momentartistique à la fois pointu et populaire. L’Expériencejaponaise est un festival qui porte décidément très bienson nom !

ELODIE BRISSON

La Gaîté Lyrique, nouvel espace dédié à laculture à Paris, accueille les 28 et 29 maiL’Expérience japonaise. Un événement Zoom.

FESTIVAL plein les yeux et les oreilles

RéFéREnCEL’EXpéRIEnCE japonaISE 28 et 29 mai à La gaîtéLyrique, 3 bis rue papin 75003 www.gaite-lyrique.net

€Introduction par Claude Leblanc - Traduction Anne Cavarroc

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zoom CuLTuRE

d e tous les grands noms de la littérature japo-naise traduits en français, INoUE Hisashi estsans doute l’un des moins connus. Et pourtant,

son œuvre mériterait cent fois d’être publiée dans la languede Molière. on découvrirait alors toute l’étendue du ta-lent et toute la richesse de l’inspiration de cet auteur quinous a quittés en 2010. Après une première tentativeen 1997 avec Je vous écris, les éditions Philippe Pic-quier nous offrent une nouvelle possibilité de plon-ger dans l’œuvre de celui que l’on a surnomméle magicien du langage. La qualité de son écri-ture, sa tendance à jouer avec les mots et sonhumour parfois difficile à rendre dans uneautre langue expliquent probablementles réticences des éditeurs français à selancer dans la publication de cet au-teur qui a toujours porté un re-gard acéré sur le monde. Maislorsque le travail de traduction est confiéà un maître comme Jacques Lalloz qui, au-delà de lalangue elle-même, s’est imprégné de l’état d’esprit pro-pre à INoUE Hisashi, on ne peut pas être déçu. Lorsqu’onreferme le roman, on en redemande et on voudrait qued’autres ouvrages bénéficient de la même attentionmême si a priori ils sont moins difficiles à traduire.Les7 roses de Tôkyô (Tôkyô sebun rozu) est paru en 1999 auJapon. Il s’agit d’un des derniers romans signés par INoUE

qui avait alors décidé de participer quelques années plustôt à la création d’un nouveau magazine baptisé Kinyôbi.

Mensuel à l’origine, il est ensuite devenu un hebdoma-daire engagé, défendant des valeurs chères au romanciercomme la justice sociale ou le pacifisme. Estimant quesa position dans la société ne devait pas être celle d’unêtre passif, INoUE Hisashi a ainsi poursuivi son militan-

tisme en faveurdu pacifisme, en créant, en juin2004, avec huit autres intellectuels (parmi lesquels figu-raient ôE Kenzaburô et KATô Shûichi), Kyûjô no kai (As-sociation pour l’article 9) en référence au fameux arti-cle de la Constitution japonaise qui interdit l’usage dela guerre pour régler les différends. Quand on connaîtl’engagement de l’écrivain, on appréhende mieux son œu-vre, notamment son envie de montrer l’absurdité qui de-vient le quotidien de la population pendant et après unconflit. Dans Les 7 roses de Tôkyô, le personnage princi-pal, YAMANAKA Shinsuke, fabricant d’éventails de sonétat, rapporte dans son journal intime rédigé entre avril1945 et avril 1946 la vie quotidienne des Tokyoïtes à la

Avec Les 7 roses de Tôkyô, INOUEHisashi faitla démonstration de son immense talent etde son attachement à la langue japonaise.

LITTéRATURE Ils sont fous ces militaires veille et au lendemain de la reddition du Japon le15 août 1945. Dans la première partie de son récit, INoUE

Hisashi montre à la fois la cruauté de la guerre au traversdes bombardements américains qui emporteront une par-tie de la famille de son héros, mais aussi l’entêtement du

pouvoir à poursuivre la lutte par tous les moyens, encréant des bataillons d’assaut de francs-tireurs dont

l’une des armes sera “la bombe à excréments : grandeenveloppe de papier kraft renforcée à l’intérieur parune épaisse couche de cire et contenant des matières fé-cales solides. L’armée ne les fournissant pas, on est priéd’avoir en permanence une réserve de ces enveloppes”.Face

à un char d’assaut, on saisit tout de suite le côté déri-soire de cette mesure qui figure néanmoins dans le guide

du combattant que YAMANAKA Shinsuke est chargé dereproduire pour être distribué dans son quartier. Heu-reusement, la population n’aura pas à mener ce combatinégal face aux blindés américains. L’arrivée des troupesd’occupation sur le territoire japonais va aussi se traduirepar des mesures ou des tentatives tout aussi absurdes quecelles exigées par les autorités nippones avant l’arrêt deshostilités. INoUE Hisashi, l’amoureux de la langue japo-naise, s’intéresse notamment au désir de certains respon-sables américains de supprimer les kanji (caractères chi-nois) au profit du syllabaire katakana. “Au Japon, tout cequi a été produit d’important par le passé est transcrit parles idéogrammes. Pour ne pas parler des idées militaristes,bien entendu. En interdisant donc les kanji, on rendra àla longue les Japonais incapables de les lire et, du coup, oncoupera leurs liens avec le militarisme. En outre, si les Ja-ponais n’utilisent plus que ce syllabaire, la censure sera ren-due plus aisée”, explique l’un d’entre eux à un YAMANAKA

Shinsuke estomaqué qui va tout faire pour contrecarrerce projet. En choisissant de composer le titre original deson roman avec les kanjipour Tôkyô et les katakanapourSebun rozu (seven roses), INoUE Hisashi insiste sur l’im-portance du thème dans ce roman qui se dévore de la pre-mière à la dernière page. GABRIEL BERNARD

RéFéREnCESLES 7 RoSES dE TôKyô de InouE Hisashi, traduit par jacques Lalloz, éd. philippe picquier,26 €. www.editions-picquier.fr

12 zoom japon numéro 10 mai 2011

Rétrospective

Les 60 ans

de la toeiPour les amateurs

et de yakuza !8 – 26 JUIN 2011

Grands mécènes de La Cinémathèque française

La Cinémathèque française

Musée du cinéma - 51, rue de Bercy – Paris 12e

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La ballade de l'impossibleLa ballade de l'impossibleLa ballade de l'impossibleNorwegian Wood

LE 4 MAI AU CINÉMADécouvrez la bande-annonce sur prettypictures.fr

un film de Tran Anh Hungun film de Tran Anh Hungun film de Tran Anh Hung

Adapté du roman de Haruki Murakami - Musique de Jonny GreenwoodAdapté du roman de Haruki Murakami - Musique de Jonny GreenwoodAdapté du roman de Haruki Murakami - Musique de Jonny Greenwood

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zoom CuLTuRE

Q ue faites-vous le jeudi soir en troisième par-tie de soirée lorsque vous résidez au Japon etque vous êtes en quête de nouveauté ? Partez-

vous errer dans les rues, en espérant faire l’expérience devotre vie ou restez-vous sagement chez vous à attendrele début de Noitamina, le programme hebdomadaire quela chaîne Fuji TV consacre à l’animation. Il ne s’agit pasde ces dessins animés crétins que certaines chaînes ser-vent encore à un public pas encore assez averti, mais deséries de grande qualité. Celles-ci permettent aux créa-teurs les plus talentueux d’explorer de nouvelles pistes tantsur le plan de la forme que du fond. Cela donne souventnaissance à des chefs-d’œuvre. N’ayons pas peur du motni de Noitamina, terme pour le moins intrigant qui esttout simplement le mot animation écrit à l’envers. Cechoix sémantique en dit long sur la volonté de la chaînede casser les recettes habituelles de la série d’animation.Pour en profiter, il fallait jusqu’à présent soit vivre au Ja-pon et être noctambule (le programme commence ra-rement avant 1 heure du matin), soit jouer à l’apprentipirate en téléchargeant illégalement sur la Toile les épi-sodes de la semaine. Mais cela a changé lorsque Kazé amis en place, l’année dernière, son site de VoD Kzplay.frsur lequel il proposait des séries issues de Noitamina. Dé-sormais, grâce à sa nouvelle collection Kazé Néo de DVDet Blu-ray, l’éditeur permet au plus grand nombre d’ac-céder à ces perles de l’animation.Lancée au printemps 2011 avec Ghost Hound de NAKA-MUrA ryûtarô, Kazé Néo a déjà à son actif La Déchéanced’un hommed’ASAKA Morio (voir Zoom Japon n°9, avril2011) et propose aujourd’hui Eden of the East de KA-MIYAMA Kenji, série diffusée entre avril et juin 2009 dansle créneau horaire de Noitamina. Produite par le studioI.G à qui l’on doit notamment Ghost in the Shell (1995)

VIDéO une simple question de confiance

cipaux ont un côté léger qui permet au réalisateur d’al-terner des moments graves et des situations inattendueset assez comiques. C’est ce qui fait le charme de la sérieet son succès auprès du public japonais. Celui-ci a ainsipu se retrouver dans la description sans concession destravers d’une société dont l’excès de confiance dans lesautorités réserve de bien mauvaises surprises. L’accidentà la centrale de Fukushima Dai-ichi et ses conséquencesviennent de le rappeler cruellement.

ODAIRA NAMIHEI

RéFéREnCEEdEn oF THE EaST, de KamIyama Kenji, dVd (49,95 €) et Blu-Ray (59,95 €), coll. Kazé néo,éd. Kazé, www.kaze.fr

Nouveau coup gagnant pour Kazé qui sort la très belle série Eden of the Eastde KAMIYAMAKenji. A voir sans tarder.

d’oSHII Mamoru ou Steamboy (2004) d’oToMo Kat-suhiro, cette série s’intéresse au destin de MorIMI Sakiet de TAKIzAwA Akira qu’elle rencontre de façon cocassenon loin de la Maison Blanche, à washington. Nu, am-nésique et armé, le jeune homme est considéré commeun terroriste et va entraîner Saki dans sa fuite vers le Ja-pon. Elle se retrouve ainsi malgré elle au cœur d’une his-toire qui voit la capitale japonaise devenir la cible d’at-tentats sanglants. Mais ne vous y trompez pas, Eden ofthe East n’est pas une énième série mettant en scène ladestruction du Japon. Certes la violence terroriste n’estpas absente, mais elle est plutôt le prétexte à une étudede caractères et une exploration de la société japonaisecontemporaine qui n’a, semble-t-il, pas encore trouvé savoie. Malgré le sérieux de la situation, les personnages prin-

14 zoom japon numéro 10 mai 2011

Akira et Saki, les deux principaux protagonistes de cette histoire palpitante

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zoom CuLTuRE

Comme le rappelait justement Brigitte Koyama-richard dans le premier chapitre de son excel-lent ouvrage Mille ans de manga, [éd. Flamma-

rion, 2007], “contrairement aux fresques murales dontles dimensions sont limitées, les rouleaux enluminés ema-kimono offrent la possibilité de raconter de très longueshistoires, mêlant souventscènes peintes et textescalligraphiés”. En intro-duction du magnifiquecatalogue publié dansle cadre de l’expositionEmakimono & Tapisse-rie de Bayeux : Dessinsanimés du Moyen-Âge,le cinéaste TAKAHATA

Isao confirme ces pro-pos et rappelle qu’ilavait lui-même publié un ouvrage sur le sujet dans lequelil avait présenté des extraits de la Tapisserie de Bayeuxcomme “un exemple singulier de procédés d’expression dutemps et de l’espace, similaires à ceux en jeu dans les rou-leaux illustrés”. Pour prendre la mesure de ces similari-tés, il suffit donc de se déplacer au Musée de la Tapisse-rie de Bayeux à deux heures de Paris. Vous pourrez ydécouvrir non seulement la célèbre Tapisserie de la reineMathilde,mais aussi le Rouleau du grand conseiller Ban,l’un des rouleaux enluminés les plus remarquables duJapon. Cette rencontre entre deux trésors, qui rappor-tent deux faits historiques bien distincts, ne manque pasde surprendre en raison des nombreuses similitudes quisautent aux yeux du visiteur. Celui-ci assiste ainsi à un

dialogue entre deux cultures mis en scène de façon astu-cieuse et intelligente par les promoteurs de cet événe-ment unique. Dans la chapelle située au sein de la courd’honneur du Musée de la Tapisserie, on retrouve unevingtaine de détails du Rouleau du grand conseiller Banet de la Tapisserie de la reine Mathilde, permettant ainside voir de quelle façon les auteurs de ces deux chefs-d’œuvre ont évoqué des situations et des paysages sem-blables. Mais l’intérêt de cette exposition ne réside passeulement dans la présentation comparée des deux réa-

lisations du Moyen-Âge, ilse situe aussi dans ladémarche pédagogique quil’entoure. Il s’agit de fairedécouvrir au visiteur peufamilier avec la cultureextrême-orientale un nou-vel univers et une approcheartistique différente de celleen vigueur en occident. Ilse familiarise avec l’art desrouleaux dans les salles du

premier étage et la lecture cinématographique qui peuten être faite avant de pouvoir découvrir dans un face-à-face majestueux les reproductions intégrales de la Tapis-serie de Bayeux et du Rouleau du grand conseiller Ban.Et pour prolonger cette rencontre, n’hésitez pas à vousprocurer le catalogue richement illustré. Il vaut très lar-gement les 29€ qui vous en seront demandés.

G. B.

La rencontre inédite entre deux chefs-d’œuvre du Moyen-Âge est source de biendes surprises et de bonheur.

EXPOSITIOn Bayeux se met àl’heure de Tôkyô

pRaTIQuEEmaKImono & TapISSERIE dE BayEuX : dESSInSanIméS du moyEn-âgE. musée de la Tapisserie deBayeux, 13 bis rue de nesmond 14400 Bayeux.jusqu’au 31 décembre. 7,80€ (5,20€ tarif réduit).www.tapisserie-bayeux.fr

mai 2011 numéro 10 zoom japon 15

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Page 16: ZOOM Japon 10

de TATSUMI que l’on a souvent opposée à celle de TEzUKA

n’est en fait qu’une adaptation du manga alternatif qu’avaitréussi à inventer avant tout le monde le créateur d’As-tro le petit robot au sortir de la Seconde Guerre mondiale.Ce qui va les distinguer dans un premier temps, c’est lathématique abordée dans leurs histoires. A la différencede TEzUKA, l’auteur de L’Enfer s’imprègne du réelpour imaginer des histoires souvent sombres qui illus-trent le Japon tel qu’il est vécu par une grande partie dela population. Ce réalisme sans fioriture est parfois dé-rangeant, mais il a inspiré à son tour bien d’autres man-gaka qui ont apporté leur propre interprétation.Lars Martinson n’est pas Japonais, mais à sa manière ilfait du gekiga, en choisissant lui aussi de raconter son ex-périence au pays du Soleil-levant dans un très bel ouvrageque l’éditeur de Poitiers, Le Lézard Noir, publiera fin mai.Tônoharu, c’est son titre, rapporte l’histoire d’un Amé-ricain, assistant d’anglais dans un collège de province àKyûshû, qui découvre la vie japonaise loin de toutes les

16 zoom japon numéro 10 mai 2011

zoom CuLTuRE

I l y a bien des façons de raconter sa vie. on peut lefaire en remplissant des pages et des pages de textegrâce auxquelles les lecteurs découvrent dans le dé-

tail les petits et grands moments de l’existence de tel outel personnage public. on peut aussi à l’instar d’un TE-zUKA osamu ou d’un TATSUMI Yoshihiro le faire en des-sinant. Si le premier des deux noms cités est le plus connugrâce à ses personnages qui ont fait le tour du monde (As-tro le petit robotou leRoi Léopour ne parler que des pluscélèbres), son autobiographie graphique parue en plu-sieurs volumes, il y a quelques années, chez Castermanvaut tout de même le détour. Le second reste largementméconnu de la grande majorité des amateurs de mangaen France. Pourtant il a été l’un des premiers auteurs tra-duits en français à la fin des années 1970. Tout commeTEzUKA osamu dont il a apprécié l’approche révolution-naire de la bande dessinée, TATSUMI Yoshihiro a joué unrôle considérable dans l’histoire du manga, en imposantdans le courant des années 1960 un nouveau genre : legekiga. Les éditions Cornélius qui ont publié unebonne partie de l’œuvre de TATSUMI proposent le pre-mier volet de son autobiographie graphique intitulée UneVie dans les marges.Ce travail considérable est un témoi-gnage des plus intéressants non seulement sur la vie decet artiste, mais sur sa perception du monde et la manièredont son approche du manga a évolué au fil des années.Comme le rappelle justement dans l’introduction ASA-KAwA Mitsuhiro, éditeur et historien du gekiga, l’œuvre

Deux éditeurs bien inspirés nous offrent lapossibilité de plonger dans un Japon loin detoutes les idées reçues.

BAnDE DESSInéE Bienvenue dans la réalité

images d’Epinal véhiculées ici et là. Ce qui est particu-lièrement appréciable dans ce récit, c’est le refus de por-ter un jugement sur ce qui est bien ou non dans l’archi-pel. Voilà qui tranche avec la plupart des expériences rap-portées ces dernières années dans la littérature ou au ci-néma. Lars Martinson insiste plutôt sur la réalité du Ja-pon — son souci du détail dans le dessin en est la meil-leure preuve — et laisse au lecteur le soin de tirer desconclusions sur la vie qu’y mène son personnage prin-cipal. Une façon originale de découvrir l’archipel ou dumoins un petit coin paumé et une lecture obligatoire pourtoutes celles et tous ceux qui rêvent de s’installer au Ja-pon dans l’espoir d’y retrouver l’univers merveilleux qu’ilsse sont imaginé depuis des années. G. B.

RéFéREnCEunE VIE danS LES maRgES de TaTSumI yoshihiro,trad. de Victoria Tomoko okada et nathalieBougon, coll. pierre, éd. Cornélius, 33 €. www.cornelius.fr

RéFéREnCETonoHaRu de Lars martinson, trad. de l’anglaispar anne Cavarroc, éd. Le Lézard noir, 23 €. www.lezardnoir.org

Page 17: ZOOM Japon 10

zoom nIHongo

PIPO AU jAPOn

F uton, tatami,mais aussi maki, yakitori, wasabi,karaoke, zen ou encore origami… Un constatparmi d'autres en ces années d'engouement pour

la culture japonaise : les mots nippons sont de plus enplus présents dans notre langue. Le contraire n'est pasnouveau, et nombreux sont ceux encore aujourd'huià s'amuser de l'utilisation du français par des Japonaisqui entretiennent sans ménagement cette ambiancebon enfant des villes de l'archipel en baptisant bou-tiques, restaurants, cafés, salons de coiffure et autresrésidences avec des noms de rêve. Car on ne peut res-ter indifférent à la poésie de "petite lapin", "Bistro D'ar-bre", "Café de Amuse", "Décadence du Chocolat" ouencore "Choua la cream" (vus sur Le franponais.fr,la référence incontournable du franponais en ligne).La pénétration du japonais en français n'en est certespas encore là, mais on peut s'interroger parfois surl'utilisation de certains termes motivée par la volontéde faire genre sans chercher à coller au sens alors véhi-culé. De la même façon qu'il est de bon goût au Japond'employer des mots français dans des domaines tellesque la mode, la cuisine, la coiffure ou la pâtisserie, ons'est mis en France à recourir au japonais dès qu'il estquestion de culture nippone contemporaine, histoirede coller à l'image.Avant d'en arriver là, le japonais a traversé les époques,et c'est au cours de la deuxième moitié du XIXe siè-cle que les premiers mots nippons ont pénétré notrelangue. Parallèlement à l'intérêt du Japon pour l'oc-cident, la période de fin de siècle est marquée en Francepar un exotisme à la mode et un japonisme à son apo-

LAngUE Le japonais francisése ramasse à la pelle

gée. Expositions universelles (1867 et 1878), premiercongrès international des orientalistes à Paris et suc-cès croissant de l'école des Langues orientales (1873),publication de L’Art japonais (1883), ou encore fon-dation de la revue Le Japon artistique (1888), finis-sent par faire entrer dans le vocabulaire français touteune série de mots japonais issus des arts et de la cul-ture : kabuki, biwa, kimono, makimono ou encore kake-mono.L'essor des arts martiaux nippons marque ensuite leXXe siècle, et le français adopte sans complexe karaté,judo, aïkido, dojo et autre tatami. A partir desannées 1970, le vocabulaire de la cuisine entre dou-cement dans notre langue, mais c'est surtout la mul-tiplication des restaurants japonais de cette dernièredécennie qui a permis de faire adopter à un public pasforcément initié des termes comme maki, miso, tofu,wasabi ou sashimi.Aujourd'hui, les nouvelles générations, fans de manga,de jeux vidéos et de dessins animés nippons, s'abreu-vent de récits dont la traduction, en restant parfoistrès près de la version originale, offre une flopée determes "en japonais dans le texte" qui confortent latendance : s'approprier la langue pour mieux entrete-nir le rêve (l'illusion?) de faire vivre la culture de cepays qui fascine, le Japon.

PIERRE FERRAGUT

Le français recenserait une centaine de termesnippons, révélant une langue bien moinsénigmatique qu'on voudrait encore le croire.

pRaTIQuELE moT du moIS

通��

じる (tsûjiru) : passer, être compréhensible

「かわいい」という日本語����

はフランスでも通��

じるようになりました。"Kawaii" to iu nihongo wa furansu demo tsûjiru yô ninarimashita.Le mot japonais "kawaii" est aujourd'hui rentrédans le vocabulaire français.

mai 2011 numéro 10 zoom japon 17

Institut de Langue Japonaise de S3083833410:xaffa/☎ ( )serueh81à41edlieueccA arffrgns.www

angue Japonaise de [email protected]

Association culturelle Franco-Japonaise de

Cours de japonais : Stages intensifs d’été juillet et août-septembre

Programme d’échangeavec l’Université de Tenri, au Japon (étudier le japonais pendant 1 an)Stage linguistique au Japon en juillet (3 semaines)

TENRI

du 2 au 14 Mai Toru TAKAOKA

EXPOS

Mai 2011

1971 - 2011

du 16 au 21 Mai Machiko HASHIMOTOHikaru HORI

Braderie de solidarité au profit des enfants sinistrés. Samedi 7 mai 12h à 17h チャリティーバサー開催

Page 18: ZOOM Japon 10

aux plats venus du Japon. Son passage par le restau-rant Momonoki, situé Passage Choiseul et spécialisédans le tonkatsu, l’a convaincu que le porc pané et fritconstituait une excellente opportunité. “En plus, c’est unplat facile à préparer”, explique-t-il. Peut-être. Il n’em-pêche qu’il n’est pas facile de trouver un restaurant quiserve un bon tonkatsu à Paris. Celui de YUGAMI Kuni-mitsu est épatant. Cela s’explique à la fois par le choixde la viande, mais aussi et surtout par la maîtrise de la

cuisson dont il a le secret.Dans un décor modernequi ne laisse pas un sou-venir impérissable, le ton-katsu de YUGAMI Kuni-mitsu se laisse déguster.on apprécie la chapeluregénéreuse et croustillantequi se marie très bien avecla sauce et le chou servi enaccompagnement. Sivous choisissez le menu(12 € au lieu de 10 € à lacarte), vous aurez en plus

un amuse-bouche et une soupe de nouilles (udon). Sivous n’êtes pas fan de porc, le restaurant propose aussides spécialités de poisson ou de poulet (20 € et 12 € enmenu). Le soir, YUGAMI Kunimitsu mise sur la dégus-tation de petits plats entre amis qui coûtent entre 3 et5 €. Un bon endroit à fréquenter avant d’aller prendreson train.

GABRIEL BERNARD

zoom gouRmand

a u Japon, dans les gares ou autour d’elles, ontrouve souvent des restaurants où l’on sert letonkatsu, ce filet de porc pané et frit, dont

les Japonais raffolent. Est-ce la raison pour laquelleYUGAMI Kunimitsu a choisi d’implanter son restaurantTonkatsu-Tombo à unecentaine de mètres de laGare Montaparnasse ?L’histoire ne le dit pas, nid’ailleurs le cuisinier quia ouvert son établisse-ment en mars 2010. “Jevoulais servir de la cuisinetypiquement japonaise”,explique-t-il. Dès quel’on évoque les sushicomme plat typique, ilprend son air le plussérieux et répond : “Lessushi et les sashimi, c’est devenu une spécialité chinoise.Regardez le nombre de restaurants chinois qui se sont recon-vertis et proposent du poisson cru. Il fallait que j’assure avecautre chose. Le tonkatsum’est apparu comme une évi-dence”. Il est vrai qu’on ne fait pas plus japonais que ceplat si l’on entend par là qu’il s’agit d’une spécialité localeappréciée par le plus grand nombre. Arrivé en Franceen 1984, YUGAMI Kunimitsu a beaucoup travaillé dansla restauration française comme de nombreux cuisiniersjaponais venus faire leurs classes au pays de la gastrono-mie. Puis, au fil des années, il a renoué avec la cuisine deson pays avec le désir d’en faire découvrir de nouveauxaspects à une clientèle française de plus en plus ouverte

A proximité de la Gare Montparnasse, un établissement sympathique sert un excellent tonkatsu.

RESTAURAnT Tonkatsu-Tombo :le porc, c’est son affaire

La cuisine simplecomme on l’aimeLes ouvrages consacrés à la gastronomie

japonaise sont de plus en plus nombreux.

Certains mettent l’accent sur les recettes,

en oubliant parfois qu’ils s’adressent à un

public qui ne connaît pas du tout l’univers

gastronomique du japon. d’autres

préfèrent s’attarder sur l’aspect culturel

au détriment de la cuisine proprement

dite. aussi on ne peut que se féliciter du

livre signé Endô

Kaori dans lequel

l’auteur invite le

lecteur, apprenti

cuisinier

japonais, à la

suivre dans ses

souvenirs afin de

mieux

appréhender la

spécificité

culinaire nippone. Elle s’adresse à lui

comme s’il était un ami que l’on va

inititier à quelques bonnes recettes. Et on

se laisse prendre au jeu. Les textes

introductifs sont des petits amuse-

bouches qui remettent dans leur contexte

les recettes qu’elles appartiennent à la

cuisine de tous les jours ou qu’elles soient

un peu plus sophistiquées. Sophistiquées

ne signifie pas pour autant compliquées.

C’est ce qui fait aussi le charme de ce livre

parsemé de conseils donnés par la mère

de l’auteur. Cela donne l’impression de

faire partie de la famille. La mise en page

sobre et les photographies magnifiques

d’Iris L. Sullivan font de ce livre un must.

japon : Cuisine intime et gourmande, de EnDô Kaori,

Editions de la Martinière, 29,90 €

www.lamartinieregroupe.com

pRaTIQuES’y REndRE 14, rue de l’arrivée 75015 paris. Tél. 01 42 22 61 83 - 12h-14h30 et 19h-23h.Fermé le samedi midi, dimanche et jours fériés.

gab

riel B

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18 zoom japon numéro 10 mai 2011

Page 19: ZOOM Japon 10

L A RECETTE DE KUnIMITSU, chef de Tonkatsu-Tombo

INGRÉDIENTS (pour 4 personnes)

4 côtes porc dans le filet (2 cm d’épaisseur)

Sel, poivreFarine2 œufs1 sachet de chapelure japonaise (panko)disponible dans les épiceries japonaisesou chinoises1/2 litre d’huile

1/4 de chou blanc émincéSauce tonkatsu disponible dans les épiceries japonaises ou chinoisesRiz blanc pour l’accompagnement

PRÉPARATION

1 - Faire désosser les côtes de porc par le boucher ou le faire soi-même. 2 - Poivrer, saler et fariner chacun desmorceaux de viande. 3 - Battre les œufs en omelette et verser le tout dans une assiette. 4 - Disposer un peu dechapelure (panko) dans une autre assiette. 5 - Passer le porc dans l’assiette avec les œufs battus puis dans le panko,de manière à le paner généreusement. 6 - Faire chauffer l’huile dans une poêle ou un wok. Il faut que le porctrempe bien dans l’huile. 7 - Une fois l’huile chaude, déposer les quatre morceaux de porc et laisser cuire unedizaine de minutes environ, en retournant plusieurs fois. La croûte doit être bien dorée et croustillante. 8 - Egout-ter sur du papier absorbant. 9 - Servir avec le riz, le chou blanc émincé et la sauce tonkatsu.

zoom gouRmand

Déguster un bon tonkatsu accom-pagné de chou émincé et de safameuse sauce est un plaisir que lesjaponais se refusent rarement. Ontrouve d’ailleurs de très nombreuxrestaurants ou chaînes de restaura-tion qui proposent ce plat on nepeut plus appétissant. C’est à la findu XIXème siècle que le japon adécouvert l’art de préparer les côte-lettes sous l’influence de cuisiniersétrangers. En 1899, le restauranttokyoïte wangatei, spécialisé dans

la cuisine occidentale, a été le pre-mier établissement à servir des côtesde porc (pôku katsuretsu). En les pré-parant comme de la tempura, c’est-à-dire en les trempant dans une pâteavant de les faire frire, il a initié cequi est devenu un véritable platnational au cours des décennies sui-vantes. Au lendemain du grandtremblement de terre de Tôkyô en1923, la phase d’occidentalisationdu japon s’accélère et la cuisined’inspiration occidentale séduit un

nombre croissant de clients. La côtede porc frite, devenue tonkatsu pourla plupart des japonais, se banalisenotamment grâce au lancement en1929 de la chaîne de restaurantsPanchiken qui en fait son plat deréférence. Servi avec une soupemiso, du chou blanc émincé et unesauce brune et épaisse (tonkatsusauce), le tonkatsu s’impose dans lesassiettes. On parle d’ailleurs du ton-katsu bûmu (boom du tonkatsu)trois ans plus tard.

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Filet de porc pané(Tonkatsu)

mai 2011 numéro 10 zoom japon 19

Page 20: ZOOM Japon 10

S oyons honnêtes. Entreprendre aujourd’hui unvoyage au Japon donne souvent lieu à desréflexions du genre : “Tu n’as pas peur des trem-

blements de terre ?”, “Tu crois que c’est sûr avec toutesces radiations ?” ou encore “Tu n’es pas fou d’aller àTôkyô alors que la centrale de Fukushima n’est qu’àquelques kilomètres !” Vous aurez beau expliquer queFukushima est à 250 kilomètres de la capitale, que lesséismes ne sont heureusement pas tous de magnitude 9et que vous éviterez d’aller dans les régions dévas-

tées par le tsunami du 11 mars, il est peu probable quevous parveniez à convaincre vos amis, parents oumême voisins. Toutefois, il ne faut pas se résigner ethésiter à contre-attaquer en leur expliquant que denombreuses régions du Japon restent accessibles sanspasser nécessairement par Tôkyô et qu’elles proposentbien des sites merveilleux. Parmi elles, il y a le Chûbu,c’est-à-dire la partie centrale du pays située au nordde Nagoya. Pour y accéder, inutile de faire un détourpar la capitale. Il n’y a certes pas de vols directs Paris-Nagoya, mais la compagnie Finnair assure un vol quo-tidien via Helsinki, le chemin le plus rapide vers leJapon. Slogan publicitaire certes, mais pour une foisvéridique. Si vous êtes accro au vol direct, choisissez

alors de passer par ôsaka d’où vous pourrez atteindreTakayama en 3h30 par train. Cette cité située au cœurde l’archipel présente bien des atouts pour le voyageuren quête de dépaysement et de tradition. Entouréepar les Alpes japonaises, la ville a su préserver de nom-breux trésors. Sa taille relativement modeste inviteà la promenade, ce qui permet d’en apprécier encoreplus la richesse et les charmes. Pour appuyer ces pro-pos, on peut ajouter que le Guide vert Michelin lui aaccordé trois étoiles. Pour se mettre en condition, une petite visite dans levieux quartier (Furuimachi nami) dont la plupart desbâtiments ont plus de 400 ans. Surnommé le “petitKyôto”, c’est un merveilleux endroit pour débuter sa

Au cœur de l’archipel, la ville de Takayamaest une des cités les plus intéressantes àdécouvrir.

Dans le vieux quartier de Takayama, on trouve plusieurs brasseries de saké dont celle qui produit le fameux saké Sansha dont on peut voir ici trois tonneaux.

DESTInATIOn Takayama pour le sourire

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20 zoom japon numéro 10 mai 2011

Page 21: ZOOM Japon 10

zoom VoyagE

plongée dans la ville. Il ne s’agit pas d’une zone muséecomme il en existe dans d’autres villes, mais bien d’unquartier vivant où l’on trouve de nombreux commercestraditionnels que les habitants fréquentent pour seprocurer leur miso ou leur saké. on trouve en effetdans ces rues quelques brasseries de saké où l’on peutgoûter la production locale, de quoi vous égayer ouvous réchauffer, car les matinées sont fraîches. Un peuplus loin, le fabricant de miso vous expliquera la dif-férence entre l’aka miso (miso rouge) et le kôji miso(miso ocre). Le premier fermente 3 ans tandis quele second ne fermente qu’une année, ce qui lui donneun goût plus doux. Pour vous en convaincre, vousn’aurez qu’à les goûter et à en acheter un paquet dechaque. Une fois ouvert, le miso se conserve très bienpendant un an au réfrigérateur. De quoi épater vosamis à votre retour, d’autant que les marchands four-nissent à ceux qui le demandent un mode d’emploigrâce auquel vous saurez préparer une soupe misoaussi bien qu’un Japonais de souche. La gentillesseavec laquelle les gens vous accueillent dans tous cesendroits présage du reste de la journée. Entre certainsde ces vieux bâtiments, on découvre une bâtisse d’as-pect plus moderne, même si elle est également en bois.Il s’agit de garages. on y abrite des chars. Il ne s’agitpas bien sûr de blindés, mais de ces grandes construc-tions en bois qui sont utilisées lors de la Fête deTakayama (Takayama Matsuri), laquelle se déroule

en deux temps : au printemps et en automne. La pre-mière baptisée Sannô Matsuri se déroule les 14 et15 avril. Elle est organisée par le sanctuaire shintô deHie tandis que la secondeHachiman Matsuri est liéeau sanctuaire shintô de Sakaurayama Hachiman-gû.Elle a lieu les 9 et 10 octobre. Lors de ces deux ren-dez-vous, on sort de leurs hangars les magnifiqueschars qui paradent ainsi dans la ville. Considéréecomme l’une des trois plus belles fêtes de l’archipel, laFête de Takayama, quelle que soit la saison que vousaurez choisie pour vous y rendre, permet de pren-dre la température de l’âme japonaise. Elle aussi est denature à vous mettre du baume au cœur. Il n’est doncpas étonnant qu’elle attire chaque année des milliersde visiteurs impatients de prendre leur dose annuellede bonne humeur. Cette fête qui remonterait au XVIème siècle rappelleque Takayama est une cité fière de son passé. Une foistraversé le magnifique Nakabashi, pont rouge quienjambe la rivière Miya, on se retrouve face à la rési-dence historique des gouverneurs (Takayama jinya)qui fut le siège du gouvernement local à l’époque

d’Edo. Seul bâtiment de ce genre encore existant auJapon, sa visite s’impose. Même si les explicationsen langue occidentale (anglais) sont sommaires, onprend plaisir à déambuler dans ce vaste bâtiment quipermet de se faire une idée assez précise de la vie àcette époque. Pour peu que l’on ait lu un roman his-torique avant de partir, on s’y croirait notammentlorsqu’on pénètre dans la salle où les prisonniersdevaient avouer leur crime. Mais cela ne vous couperapas l’appétit. Ce serait dommage d’ailleurs, car unautre point fort de la ville est sa gastronomie. Le bœufde la région (Hidagyû) est savoureux. Il est servi dedifférentes façons, la plus étonnante étant le sushi debœuf qui permet d’apprécier toute la saveur de cetteviande délicate. Entourée de rivières, la ville disposeaussi de nombreuses spécialités de poissons. raisonde plus pour prolonger le séjour à Takayama et de pas-ser la nuit dans un de ces hôtels comprenant unesource d’eau chaude (onsen). Idéal pour passer unenuit paisible avant de prendre le chemin du marchéde Miya (Miyagawa Asa-ichi). Implanté le long dela rivère Miya, ce marché matinal est un vrai bonheur.on s’y bouscule pour acheter des légumes, des babiolesou des fleurs. Les petits producteurs locaux sont touslà, le sourire aux lèvres, contents de retrouver leurclientèle. C’est une balade très agréable qui peut seconclure par une dégustation de mitarashi dango, bou-lettes rôties au sirop de soja, ou de brochettes de bœufde Hida. Une fois restauré, direction le quartier dutemple Higashiyama (Higashiyama Tera-machi) pourune autre plongée dans le temps tout aussi récon-fortante que les autres. Si après tout ça, vous n’avezpas retrouvé le sourire, c’est à désespérer…

GABRIEL BERNARD

Le marché implanté le long de la rivère Miya (Miyagawa

Asa-ichi) est celui du sourire assuré.

pRaTIQuEpouR S’y REndRE au départ de nagoya, 2h20 en train. au départ d’ôsaka ou de Kyôto, 3h30 en train.pouR SE LogER Takayama green Hotel 2-180 nishino Isshiki-chô, Takayama 506-0031. Tél. : (0)577-33-5500. Etablissement de qualité avec un bel onsen.

mai 2011 numéro 10 zoom japon 21

NagoyaKyôto

Takayama

Gifu

Toyama

Mer du Japon

Kanazawa

H o n s h û

100 km

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Page 22: ZOOM Japon 10

zoom VoyagE

L es initiatives pour venir en aide aux sinistrésdu séisme du 11 mars sont extrêmementnombreuses et il est difficile de toutes les

relayer. Toutefois, deux d’entre elles ont retenu notreattention, car elles ont pour but de promouvoir deséléments méconnus de la culture japonaise et pour-tant très importants. La première concerne des ate-liers de Gujô Odori (Danse de Gujô), danse folklo-rique pratiquée chaque année dans la ville de GujôHachiman, préfecture de Gifu, au centre de l’archi-pel. Chaque année, de la mi-juillet jusqu’au début

Parmi tous les projets mis en œuvre pouraider les victimes du tsunami, deux d’entreeux concernent des fêtes traditionnelles.

MOBILISATIOn aider le japondu mois de septembre, la ville organise trente-deuxnuits de fête dans des quartiers différents au coursdesquelles les habitants, mais aussi et peut-être sur-tout les visiteurs sont invités à revêtir un yukata(kimono de coton) et chausser des geta avant d’en-trer dans la danse. Quatre ateliers sont organisés les7, 14, 21 et 28 mai par l’Association des Japonais deParis qui reversera les 5 € de participation aux vic-times du séisme du 11 mars. Pour valider cet appren-tissage, la Maison du Japon à la Cité universitaireorganisera le 29 mai une Gujô Odori à laquelle toutle monde est invité à participer comme il est de bonton de le faire à Gujô Hachiman.Contact et réservation au 01 47 27 31 66.

L’autre initiative concerne également une fête (mat-suri). Celle-ci n’a rien à voir avec la danse, mais elleconcerne les chevaux et les samouraïs. Elle a pourambition d’aider la région de Sôma où se déroulechaque année la fête de Nômaoi. Elle a lieu du 23au 25 juillet et rassemble des centaines de cavaliersen costumes d’époque qui rivalisent pour attraperdes chevaux sauvages. remontant au Xème siècle,cette tradition est directement menacée de dispa-rition, car la ville de Sôma est située à quelques kilo-mètres de la centrale de Fukushima Dai-ichi. Voilàpourquoi TAKEMoTo Motoichi, grand amateur decette fête et qui fut à la fin des années 1970 un pion-nier dans l’introduction des mangas sur le territoirefrançais, lance un appel à la mobilisation pour lasauver. Au travers de son association ANFAA, iltente de mettre sur pied un spectacle avec des artistespour récolter des fonds en faveur de la ville de Sôma.Il a notamment besoin d’une salle et d’un soutienlogistique. Pour tout renseignement complémen-taire, merci de vous adresser à TAKEMoTo Moto-ichi : [email protected]

G. B.

L E BOn PLAn

Au lendemain du séisme et du tsunami qui ontdévasté la côte nord-est de l’archipel, les japonaisont plus ou moins spontanément fait preuve de rete-nue (jishuku) dans leur comportement de tous les

jours, évitant de manifester leur joie ou réduisant defaçon notable leurs déplacements. Cette attituderespectable a pesé sur l’économie du pays, en par-ticulier dans le secteur du tourisme. Depuis le12 avril, les appels à tourner la page et à revenir àdes comportements ordinaires se multiplient. A Hok-kaidô, les collectivités locales et des entreprises pri-vées ont lancé le Projet de reconstruction par le tou-risme qui consiste à mener diverses opérations afinde donner aux touristes l’envie de revenir. Cet ambi-tieux programme s’est doté d’un logo qui ressem-ble à un smiley formé à partir du caractère kokoroqui signifie “cœur”. A quelques semaines de la FêteYosakoi Soran (Yosakoi Soran Matsuri) qui aura lieudu 8 au 12 juin ou encore du Festival estival de Sap-poro (Sapporo Natsu Matsuri) qui se déroulera entrele 21 juillet et le 20 août, toutes les idées sontbonnes pour relancer l’activité touristique, sachantque cela permettra d’accélérer la reconstruction desrégions touchées par la catastrophe naturelle. “Unpour tous, tous pour un”, comme le dit si bien le slo-gan qui accompagne cette belle initiative qui devraitinciter les touristes à reprendre le chemin du japon.projet de reconstruction par le tourismewww.visit-hokkaido.jp

Le cœur à l’ouvrage

22 zoom japon numéro 10 mai 2011

Page 23: ZOOM Japon 10

0.845€0.730€0.693€1.150€0.780€0.122€

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RESTAURAnT Ils sont bons etpas chers mes soba

pour déguster de bons soba à Tôkyô, il

existe de très bonnes adresses, mais elles ne

sont pas forcément bon marché. Soba yoshi

propose pour sa part des plats à moins de

500 yens. parmi eux, l’anago soba (soba au

congre) est à découvrir pour 440 yens [3,70

euros]. a ce prix-là, il ne faut pas se priver.

SOBA YOSHI

1-1-7 nihonbashi Honchô, Chûô-ku, Tôkyô

Tél. : 03-3241-0884. Ouverture : 7h30-20h

DéCOUVERTE Le vin nippon etson histoire

Le premier producteur de vin s’est

implanté à Kôshû dans la préfecture de

yamanashi en 1877, faisant de cette région

le centre de production du pays. depuis le

26 mars, les bâtiments de cette entreprise

pionnière sont ouverts au public qui peut

s’initier à l’histoire du vin produced in Japan.

MIYA Kô En

1741 Shimoiwazaki, Katsunumachô, Kôshû 409-

1313, Tél. : 0553-44-0444. Ouverture : 9h-16h30

zoom VoyagE

p our découvrir le Japon sous un angle inattenduet contemporain, un petit séjour à New Yorks’impose. La Japan Society, qui organise chaque

année de très nombreux événements, propose jusqu’au12 juin une exposition originale baptisée Bye Bye Kitty !!!où l’on peut voir les créations de jeunes artistes japonaisdont le point commun est le rejet de la culture kawaiidont les occidentaux raffolent tant. Leurs œuvres sou-vent colorées abordent en revanche des thèmes pour lemoins sombres. Elles traduisent cette anxiété qui habiteles Japonais, peuple victime de la bombe atomique etde séismes parfois meurtriers comme celui du 11 mars2011. Si certains peuvent regretter le côté morbide deces œuvres, d’autres estiment qu’elles illustrent bien mieuxla réalité japonaise que les personnages issus de la cul-ture pop. Ces derniers finissent par donner une fausseimage de la société nippone. Pour contrer leur influence,les artistes présents à l’exposition de la Japan Societys’interrogent sur le rapport à la nature ou les dérivesde la société moderne. Un tour d’horizon iconoclaste

dont on espère qu’il pourra trouver un écho en Europe.La moitié des recettes récoltées sera versée aux victimesdu 11 mars. ODAIRA NAMIHEI

A New York, de jeunes artistes japonaisdisent non à la dictature du kawaii.

EXPOSITIOn Société déjantée

S’y REndREjapan SoCIETy 333 East 47th Street entre lapremière et la Seconde avenue, new york. Tél. 212-832-1155 - www.japansociety.org ouvert : 11h-18h (mardi-jeudi), 11h-21h (vendredi)et 11h-17h (samedi et dimanche). Entrée : 15 $.

mai 2011 numéro 10 zoom japon 23

Suicide de collégiennes (détail) de AIDA Makoto

Page 24: ZOOM Japon 10

www.japan-expo.com

LE FESTIVAL DES LOISIRS JAPONAIS

PARC DES EXPOSITIONS DE PARIS-NORD VILLEPINTEDU 30 JUIN AU 3 JUILLET 2011

ACCÈS RER B - Autoroute A1, A3 ou A104 (Sortie 2) - Parc des Expositions (Accès Visiteurs) HORAIRES D’OUVERTURE 11h - 19h (tous les jours) TARIFS Jeudi : 9€ 12€ 15€ 12€ 31€ 35€

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