zimmer marguerite - histoire de l'anesthésie

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  • Histoire de lanesthsie

    Mthodes et techniques au XIXe sicle

    Marguerite Zimmer

    17, avenue du HoggarParc dActivit de Courtabuf, BP 112

    91944 Les Ulis Cedex A, France

  • Sciences & Histoire

    La collection Sciences & Histoire sadresse un public curieux de sciences. Sous la forme dun rcit ou dune biographie, chaque volume propose un bilan des progrs dun champ scientifique, durant une priode donne. Les sciences sont mises en perspective, travers lhistoire des avances thoriques et techniques et lhistoire des personnages qui en sont les initiateurs.

    Dj paru :Lon Foucault, par William Tobin, adaptation franaise de James Lequeux, 2002

    La Physique du XXe sicle, par Michel Paty, 2003

    Jacques Hadamard. Un mathmaticien universel, par Vladimir Mazya et Tatiana Shaposhnikova, 2004. Traduit de langlais par Grard Tronel

    LUnivers dvoil, par James Lequeux, 2005

    Pionniers de la radiothrapie, par Jean-Pierre Camilleri et Jean Coursaget, 2005

    Charles Beaudouin. Une histoire dinstruments scientifiques, par Denis Beaudouin, 2005

    Des neutrons pour la science. Histoire de lInstitut Laue-Langevin, une coopration internationale particulirement russie, par Bernard Jacrot, 2006

    Histoire dun pionnier de linformatique. 40 ans de recherche lInria, par Alain Beltran et Pascal Griset, 2007

    Un nouveau regard sur la nature. Temps, espace et matire au sicle des Lumires,par Jacques Debyser, 2007

    Franois Arago, un savant gnreux. Physique et astronomie au XIXe sicle, par James Lequeux, 2008

    Imprim en France

    ISBN EDP Sciences : 978-2-86883-896-4

    Tous droits de traduction, dadaptation et de reproduction par tous procds, rservs pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 nautorisant, aux termes des alinas 2 et 3 de larticle 41, dune part, que les copies ou reproductions strictement rserves lusage priv du copiste et non destines une utilisation collective , et dautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dillustration, toute reprsentation intgrale, ou partielle, faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite (alina 1er de larticle 40). Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait donc une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du code pnal.

    2008 EDP Sciences

  • Sommaire

    Remerciements v

    Avant-propos vii

    PREMIRE PARTIE

    1. La priode pr-anesthsique 1

    DEUXIME PARTIE

    2. La priode empiriquede lanesthsie chirurgicale lther sulfurique : 1846-1847 63

    3. Les inhalations thresdans les hpitaux franais 143

    TROISIME PARTIE

    4. Lanesthsie au chloroforme 229

    5. Procds de ranimationpour remdier aux accidents de lthrisation 319

    6. la recherche de nouveaux agentsanesthsiques : 1848-1863 369

    7. Anesthsie et mdecine militaire 405

    8. Amliorations dans la fabricationdes gaz utiles lanesthsie 413

    9. Inhalateurs chloroformer : 1859-1869 427

    10. Une grande varitde nouveaux composs chimiquespour lanesthsiologie 431

  • iv Histoire de lanesthsie

    QUATRIME PARTIE

    11. Lanesthsie au protoxyde dazoteet les nouveaux instrumentsdans lart dthriser 437

    12. Les nouveaux instrumentset les innovations dans lart dthriser :1867-1902 499

    13. Les anesthsies mixtes 521

    CINQUIME PARTIE

    14. Lanesthsie gnraleau chlorure dthyle 555

    15. Les appareils et les masquesdu dbut du XXe sicle 565

    SIXIME PARTIE

    16. Loxygne et loxygnothrapie 571

    SEPTIME PARTIE

    17. Le chloral 591

    Conclusion 623

    Notes et rfrences 629

    Index 735

  • Remerciements

    Sil ny avait quune seule personne remercier pour sa patience, ses encouragements et son aide au cours de ces douze annes de recherches et de dplacements dans les six coins de lHexagone, ce serait assurment mon mari Bernard. Mais je voudrais aussi remercier mes enfants, Alain et Pascal, mes parents, beaux-parents et toute ma famille.

    Ma reconnaissance va galement Nicole et Georges Hergu, qui mont reue avec tant de chaleur, Paris, pendant ces nombreuses annes. Et je noublierai pas mon amie Liliane Schroeter, professeur agrge de physique et de chimie au lyce Klber de Strasbourg, pour la relecture des points les plus dlicats de la partie chimique. Jai eu grand plaisir travailler avec elle.

    Cette entreprise na pu tre mene bien que grce aux sources archivistiques des Archives de lAcadmie des sciences. Que mesdames Florence Greffe, Claudine Pouret, Marie-Josphe Mine et monsieur Pierre Leroi, qui mont conforte tout au long de ce travail, reoivent ici toute ma gratitude. Il mimporte dassocier galement ces remerciements madame Danielle Gourevitch, Directeur dtudes la IVe section de lcole pratique des hautes tudes, pour lenseignement quelle a su me dispenser, le jeudi aprs-midi, au cours de ses sminaires. Ma gratitude va aussi aux professeurs Henri Kagan, Pierre Potier, Philippe Juvin, Jean-Franois Belhoste, Michel Guillain, aux Docteurs Jean Horton, Jean Granat, Thibault Monier, Grard Braye, Madame Lydie Boulle, Monsieur Olivier Schiller, directeur des Laboratoires SEPTODONT/ZIZINE, Monsieur Michel Philibert, directeur du Laboratoire PRED, ainsi quaux membres de la Socit franaise dhistoire de lart dentaire.

    Bien des richesses ont pu tre examines dans les bibliothques. Ma gratitude va tout particulirement au personnel des bibliothques suivantes : Bibliothque de lAcadmie de mdecine, Bibliothque interuniversitaire de mdecine de Paris, Centre franais de documen-tation odonto-stomatologique de Paris, Bibliothque de la facult de mdecine, de la section sciences et techniques de luniversit Louis Pasteur et de la facult de pharmacie de Strasbourg. Je voudrais remercier galement monsieur Franois Muller, directeur de lInstitut national de la proprit industrielle de Strasbourg, lensemble des documentalistes et responsables des divers centres darchives nationales, dpartementales et municipales, qui mont toujours bien reue au cours de mes recherches.

  • Avant-propos

    Mon intrt pour lhistoire de lanesthsie a commenc en 1993, au retour dun voyage en Sude, o javais t invite, en tant que Secrtaire de la Socit dodontologie pdiatrique de Strasbourg, suivre les activits du professeur Anna-Lena Hallonsten, lInstitute for Postgraduate Dental Education, Jnkping. La prise en charge et les conditions dans lesquelles se droulaient les soins des enfants handicaps, souvent dficients mentaux, mavaient pro-fondment impressionne. Assis dans leurs chaises roulantes, les enfants repartaient heureux, aprs avoir t traits, sans la moindre apprhension, sous analgsie relative au protoxyde dazote-oxygne. Lquipe mdicale et dentaire de cette institution spcialise tait merveil-leusement bien entrane ce type dexercice. Les enfants problmes taient soigns normalement, les dents caries ntaient pas extraites de manire systmatique et les bouches ne prsentaient pas ddentations compltes. Il nexistait alors aucune structure similaire en France.

    Comprendre ce qutait cette forme danesthsie et pour quelles raisons elle avait t inter-dite, chez nous, au moment mme o jentrais dans la vie professionnelle (1971), fut le point de dpart de ces recherches historiques. Ayant inventori lensemble des brevets dinventions du XIXe sicle qui se rapportaient de prs ou de loin lanesthsie et la ranimation, lide mtait venue de les intgrer dans le contexte gnral du dveloppement scientifique et mdical, en cherchant, autant que possible, tablir mon argumentation daprs des documents et des manuscrits originaux. Seules les archives pouvaient me fournir des informations prcises, des renseignements fiables, sur cette mdecine du XIXe sicle, dont de nombreux personnages et de nombreux rcits ont t oublis.

    Ce livre est donc avant tout un ouvrage de rfrence, conu partir de textes autographes et de correspondances indites. Ltude de lhistoire de lanesthsie a t maintes fois aborde, dans des livres et des articles, par la compilation des sources imprimes. Celles-ci ne sont que les parties merges dun vaste corpus dont les fonds darchives reclent probablement encore des richesses insouponnes. Ce livre a donc pour but de faire revivre certains fonds et de permettre une nouvelle approche de lhistoire de cette spcialit. Il reste bien entendu entreprendre des recherches plus approfondies dans dautres centres darchives, non visits vu lampleur de la tche.

    Il ma sembl important de commencer ce travail au moment o la chimie fit un vrita-ble bond en avant, au moment o la mdecine tentait de sortir de lempirisme, linstant o les nouvelles applications industrielles taient mises profit pour exploiter les minraux et, finalement, o la thrapeutique mdicale en fit un large usage. Ltude du dveloppement de la chimie de quelques gaz propres endormir la sensibilit, et celle de la mdecine inha-latoire, lhistoire de la prparation de lther, de ses drivs, du chloroforme, du protoxyde dazote, celle des appareils utiliss pour administrer ces agents anesthsiques, entre la fin du XVIIIe et la premire moiti du XIXe sicle, permettent de comprendre comment lanesthsie, cette

  • viii Histoire de lanesthsie

    rvolution mdicale, a russi pulvriser les anciennes habitudes chirurgicales et supprimer leffroyable peur du malade souffrant.

    Un autre but de cet ouvrage, issu dune thse soutenue lcole Pratique des Hautes tudes, de la Sorbonne, Paris, a t de tenter de rpondre aux questions poses par les brevets dinvention dlivrs par lInstitut National de la Proprit Industrielle. taient-ils uniquement le reflet de lvolution des techniques industrielles ? Ont-ils trouv une application relle dans le domaine chirurgical, ou sont-ils tombs trs rapidement dans loubli ? La conservation des appareils danesthsie permet certes denrichir nos connaissances historiques dans un domaine aussi pointu que lanesthsiologie, mais encore fallait-il rendre compte des ttonnements aux-quels staient livrs les fabricants dinstruments chirurgicaux avant daboutir la conception dun inhalateur de qualit. Seuls les manuscrits des brevets dinvention pouvaient nous en rvler les dtails techniques, tant au niveau de lencombrement de certains appareils que sur leur fonctionnement. Ils font ressurgir du pass les noms dinventeurs, de scientifiques, de mdecins et de pharmaciens dont on ne souponnait mme pas lexistence.

    Jai dlibrment omis de parler du brevet dinvention n 4848, dpos lUnited States Patent Office par Charles Thomas Jackson et William Green Morton, le 12 novembre 1846. Barbara Duncum en a reproduit sa spcification, en 1947, dans lAppendix A de son livre TheDevelopment of Inhalation Anesthesia. Elle a galement prsent le brevet (n 5365) dAugustus A. Gould et William Green Morton, qui avait t dpos au County of Suffolk and State of Massachusetts, le 13 novembre 1847.

    Jai prouv le besoin, dans une premire partie de louvrage, de clarifier les ides au sujet de la priode pr-anesthsique, de la fin du XVIIIe sicle 1846. Mais il reste sans doute encore bien des choses dcouvrir ce sujet. La deuxime partie traite de la priode empirique de lanesthsie chirurgicale lther sulfurique ; la troisime, de lanesthsie au chloroforme et de la diversit des nouveaux composs chimiques expriments par les physiologistes et les mdecins pour soulager un malade ; la quatrime, de lanesthsie au protoxyde dazote et des nouveaux procds dans lart dthriser. Une cinquime partie examine la question de lanesthsie gnrale au chlorure dthyle, ainsi que des inhalateurs utiliss au dbut du XXe sicle. Nous aborderons ensuite, dans une sixime partie, la prparation de loxygne et loxygnothrapie, et terminerons par quelques considrations sur le chloral et ses applications mdico-chirurgicales.

    Ce livre intressera les historiens de lanesthsie, ainsi que les historiens de la mdecine, de la chimie, de lindustrie, et tous les lecteurs que lhistoire du XIXe sicle touche autant que moi.

  • PREMIRE PARTIE

  • Chapitre 1

    La priode pr-anesthsique

    la fin du XVIIIe sicle, les travaux scientifiques de JosephBlack1 (fig. 1.1), Tobern Olof Bergmann2, Joseph Priestley3

    (fig. 1.2), Carl Wilhelm Scheele4, Henry Cavendish5,Antoine-Laurent de Lavoisier6 et Claude-Louis Berthollet7

    posaient les jalons dune nouvelle re scientifique. Nous leurs devons les plus belles dcouvertes chimiques, rv-lations dont les mtallurgistes, les teinturiers, les blan-chisseurs, les salptriers, les tanneurs, les distillateurs, les porcelainiers et les mailleurs surent amliorer rapide-ment les procds dextraction et de prparation.

    Les anciens chimistes, que lon appelait alors les Artistes ou les alchimistes, staient efforcs de porter leur attention sur les substances combustibles. Ils sup-posaient que, dans tout corps susceptible dtre brl, existent un ou plusieurs lments inflammables ; ce qui les orienta vers ltude des huiles et des soufres mais, ne sachant ni les isoler, ni les prsenter sparment, ils firent bien la distinction entre les huiles, les soufres bruts et les substances du mme nom. Ces dnominations furent bientt abandonnes leur tour et, la suite des travaux de Johann Joachim Becher8 et de Georg Ernst Stahl9, les chimistes adoptrent universellement, sous le nom de phlogistique ou feu fixe, le principe dinflammation com-mun, toujours semblable lui-mme, quon pouvoit enlever auxdiverses substances, et transfrer de lune lautre, dans certai-nes circonstances 10.

    Vers la fin du XVIIIe sicle, les chimistes reconnurent que la temprature des corps, ou ce quils appelaient le calorique, se retrouvait aussi bien dans les corps incom-bustibles que dans les corps combustibles. Pour eux, le phlogistique ntait plus le feu fixe, mais une substance combustible susceptible de sunir, une certaine temp-rature, lair respirable, et de dvelopper ou de dgager de la chaleur. Le chimiste et gologue irlandais RichardKirwan11 avanait lhypothse suivante : le phlogistique est lair inflammable lui-mme, dans un tat de combi-naison. Cet air inflammable des mtaux ne pouvait tre

    Figure 1.1. Joseph Black (1728-1799), mdecin et chimiste dimbourg, lAthnes du Nord. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.2. Joseph Priestley (1733-1804), chimiste, physicien et thologien, membre de la Socit Royale de Londres et de la Lunar Society de Birmingham. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

  • 2Figure 1.3. Antoine-Franois comte De Fourcroy (1755-1809).

    Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.4.

    isol quen prsence de leau. Comme Kirwan ne pouvait apporter toutes les preuves ncessaires ltablissement de sa thorie, il labandonna, tout simplement.

    Les chimistes antiphlogisticiens qui lui succdrent Antoine-Franois de Fourcroy12 (fig. 1.3), Nicolas-LouisVauquelin13, Antoine-Laurent de Lavoisier rejetrent entirement la thorie du phlogistique et lui substitu-rent une thorie nouvelle, celle de la combinaison rapide de lair inflammable avec l air minemment respirable 14,lair vital ou gaz oxygne (fig. 1.4). Le mlange de cet air inflammable et de loxygne saccompagnait dun dgage-ment de chaleur, qui avait pour consquence de changer les proprits des produits de la calcination des mtaux et den augmenter le poids.

    Avant la Rvolution, le livre de chimie , tel que nous lentendons aujourdhui, est une chose rare. Les lments de chymie15, le Dictionnaire de chimie de Pierre-Joseph Macquer16, ainsi que les articles de Paul-JacquesMalouin et Franois-Gabriel Venel17, dans lEncyclopdieou Dictionnaire raisonn des sciences, des arts, et des mtiersde Denis Diderot18 et Jean Le Rond DAlembert, sont plu-tt des plaidoyers en faveur de la chimie que des textes prcis et complets sur lanalyse des corps chimiques. Pour que cette science du travailleur artisanal, isol dans son laboratoire, devienne enfin une science part entire, il fallait que les chimistes tablissent une terminologie rationnelle. Ce besoin irrsistible de rationalisation se concrtisa en 1787 lorsquAntoine-Laurent de Lavoisier (fig. 1.5) fixa, avec laide dAntoine-Franois Fourcroy, de Claude-Louis Berthollet et de Louis-Bernard Guyton de Morveau, magistrat et amateur de chimie Dijon, la nomenclature de la chimie, fonde sur la notion moderne dlment chimique19.

    Seuls le trait de chimie du vnitien Vincenzo Dandolo20

    (publi21 Venise en 1792) et celui de William Nicholson22

    (publi en anglais en 1795) parlaient de la nouvelle thorie des fluides ariformes. Il nexistait encore rien de sembla-ble en France. Les savants franais devaient se familiariser avec les ides nouvelles et lensemble de la communaut scientifique devait sefforcer de convaincre les classes diri-geantes franaises de limportance de crer une Socit de physique. Avec laide de son pouse Anne-Marie-Pierrette Paulze, Lavoisier23 y consacra une grande partie de sa fortune, dans son laboratoire, lArsenal. En 1789,Lavoisier dressait le premier tableau densemble de la

    Histoire de lanesthsie

  • 3chimie rige en tant que science dans son Trait lmen-taire de chimie, prsent dans un ordre nouveau et daprs lesdcouvertes modernes. Il y donne la dfinition de la liqueur dnomme ther 24, tout en affirmant quil en avait dj tudi sa vaporisation, dans un mmoire, lu lAcadmie des sciences en 1777, en collaboration du marquis PierreSimon de Laplace. Mentionnons quen 1775 Lavoisieravait dj reconnu la nature et la composition de lacide carbonique, un gaz auquel Jan-Baptist Van Helmont avait, ds 1648, donn le nom d esprit sylvestre ou gaz acide crayeux . Ce gaz, irrespirable, capable dteindre les corps en ignition, provenait de la combustion du char-bon ou se dgageait des pierres calcaires soumises la calcination. Van Helmont avait constat sa prsence la surface des liqueurs en fermentation, en particulier dans la fermentation vineuse.

    la mme poque, on assiste la cration de nou-velles socits scientifiques. La Society for PhilosophicalExperiments and Conversations (la Socit anglaise de physique et de chimie), fonde en janvier 1794, runis-sait ses membres, chaque semaine, Londres, dans le but de se familiariser avec les ides et les termes de la nou-velle nomenclature chimique. Bryan Higgins ( ne pas confondre avec son neveu William Higgins25, professeur de chimie et de minralogie Dublin), qui avait cr une cole de chimie pratique Soho, y exerait les fonctions d Instituteur en office26 et dExprimentateur didactique .Le premier volume des Minutes, ou actes de la Socit, parut lanne suivante. Cadell le Jeune et Gilbert Davies27

    en publirent le rsum dans la Bibliothque Britanniquedes Sciences et Arts, ou Recueil extrait des ouvrages anglais,priodiques et autres Mmoires et Transactions des Socitset Acadmies de la Grande-Bretagne, dAsie, dAfrique etdAmrique.

    Naissance de la chimie mdicale

    Lhydrogne

    Les alchimistes, dont Theophrastus Bombast von Hohenheim, dit Paracelse, savaient quen mettant de leau et de lhuile de vitriol (lacide sulfurique) au contact dun mtal (des petits clous en fer faisaient parfaitement

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.5. Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794). Portrait offert au nom de la famille Lavoisier par M. de Chazelles. Offert par le Gal. J.-B. Dumas. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

  • 4Figure 1.7. Extrait dun cahier manuscrit,

    non dat, non sign. Collection prive.

    laffaire) il se dgageait une vapeur, laquelle ils ne don-nrent aucun nom particulier. Au XVIIe sicle, le chimiste irlandais Robert Boyle fut le premier recueillir cet air dans un matras en verre, mais il le confondit avec de lair commun et, surtout, fut loin de simaginer que ce gaz pt tre un corps lmentaire. On tait capable de crer arti-ficiellement de lair et de le conserver dans un vase, mais sans savoir lanalyser. Lapothicaire et chimiste franais Nicolas Lmery28 dmontra que ce gaz est inflammable.

    En 1727, le naturaliste britannique Stephen Hales29 fit savoir dans ses Vegetable statics, or an account of some sta-tical experiments on the sap, being an essay towards a naturalhistory of vegetation, quen distillant un demi-pouce cubi-que (= 158 grains) de charbon de Newcastle, prs dun tiers de son poids se volatilisait. Lair , crivait-il, sortfort vite .

    En distillant de la houille, en 1739, John Clayton30, de Newcastle (fig. 1.6), obtenait un liquide noir, aqueux, et un gaz qui traversait les luts et brisait les cornues par sur-pression. Le combustible contenait plusieurs substances :du goudron que lon pouvait condenser par le froid, et une liqueur alcaline, de laquelle se dgageait un gaz invi-sible, que le refroidissement ou son mlange avec leau ne pouvait condenser ou absorber. En recueillant le gaz dans des vessies, il put montrer aux amis et aux chimistes tran-gers qui lui rendaient visite, quen forant lair sortir du rcipient membraneux par la pression, et en lexposant la flamme dune bougie, il senflammait instantanment, avec violence. Il fallait le conserver dans une vessie de buf, car dans celle de veau, le gaz perdait son inflam-mabilit en moins de vingt-quatre heures. Le 12 mai 1766, Henry Cavendish31 montra que le gaz, connu sous le nom dair inflammable, a besoin dair commun pour brler. Lorsque cet air inflammable est expos lair et quil est approch dune flamme, il explose. Cavendish dtermina sa densit. Ce gaz, onze fois plus lger que lair, changeait le timbre de la voix lorsquil tait inspir partir dune vessie.

    Le terme gaz inflammable prtait cependant confu-sion et les donnes sur sa vritable nature restaient extr-mement vagues.

    Ainsi, dans un manuscrit32 (fig. 1.7) non dat et non sign, lauteur indique les noms de plusieurs sites ita-liens o brlaient des flammes qui slevaient de la terre. Lauteur de ce texte tentait dtablir une comparaison

    Figure 1.6. Titre de larticle de John Clayton, paru dans les

    Philosophical Transactionsof the Royal Society

    of London, en 1739-1740.

    Histoire de lanesthsie

  • 5entre les gaz qui schappaient de la fontaine ardente du Dauphin et lair que lon pouvait recueillir en mettant de leau et de lhuile de vitriol au contact du fer. Les noms de ces sites italiens apparaissent galement dans lun des chapitres du tome V des Voyages dans les Deux Siciles etdans quelques parties des Apennins, publis en 1795 et 1796 par le naturaliste et physiologiste de Modne, puis de Pavie, Lazzaro Spallanzani33. Pietra-Mala, en Toscane, on comptait autrefois quatre feux appels del Legno, del Peglio, lAcqua Buja et di Canida. Quant aux feux de Barigazzo, ils sont situs en milie-Romagne, sur les Apennins de Modne ; ceux de della Raina se trouvent prs de Boccasuolo.

    Dans ses Mmoires sur la Minralogie du Dauphin,Jean-tienne Guettard34 parle dune fontaine brlante, situe prs dun endroit appel Saint-Barthlmi, une demi-heure de marche du hameau de la Pierre. Nayant pas pu voir ce feu par lui-mme, Guettard en avait parl Jean-Charles-Philibert Trudaine de Montigny, direc-teur de ladministration des Ponts et Chausses. Ce der-nier sy tait rendu, le 18 septembre 1768, accompagn de Regemorte, inspecteur gnral des turlies et leves. Ils navaient pas pu la voir, car cette fontaine ardente stait teinte en 1699. Philippe De la Hire avait demand Dieulamant, ingnieur du Roi au dpartement de Grenoble, de sy rendre et den envoyer la description lAcadmie des sciences. Cet officier avait reconnu que ce ntait pas une fontaine, mais un rocher mort, un petit volcan, duquel on voyait slever une flamme errante. Pour Guettard, la vapeur qui sen chappait tait de mme nature que lair inflammable des marais. Il la comparait celle qui sortait de la terre glaiseuse de Pietra-Mala. Alessandro Volta35 venait tout juste de publier de nombreuses observations sur le sujet. On sait aujourdhui que ces jets enflamms appartiennent la famille des carbures dhydrogne, abondamment prsents dans la nature. Ce gaz pouvait provenir de la dcomposition des matires organiques, de la distilla-tion, des feux naturels qui se dgageaient des salses, des volcans dair, des volcans vaseux ou de boue, des feux des houillres ou de la vase des marais.

    Ce nest quen 1789, dans son Trait lmentaire dechimie, que Lavoisier attribua le nom hydrogne (gn-rateur de leau) au gaz inflammable, drivant des mots grecs : XGRUeau, et JHLQRPD : jengendre.

    La priode pr-anesthsique

  • 6Au dbut du XIXe sicle, poursuivant leurs recherches sur le gaz de houille, les chimistes appelrent gaz hydro-carbonate le gaz le plus lger quils obtenaient par la dis-tillation et gaz olfiant le gaz le plus pesant. Le mlange de ces deux gaz brlait avec une flamme trs lumineuse. En 1792, lingnieur britannique William Murdoch en rclama lapplication pour le gaz dclairage, mais lide premire de se servir du gaz hydrogne tir de la com-bustion du bois pour clairer nos maisons revient lin-gnieur franais des Ponts et Chausses, Philippe Lebon. Ce dernier en avait conu le projet ds 1785. Il dposa un brevet dinvention pour la thermolampe, le 6 vend-miaire an 9 (28 septembre 1800). La fume et lodeur que dgageait le gaz non consum ne permettaient cepen-dant pas den faire un usage gnral, et la dcouverte franaise fut abandonne, puis rhabilite Vienne et en Angleterre partir de 1802 et 1804. Le gaz hydrogne car-bur tir de la houille devint alors lun des moyens les plus conomiques pour clairer les ateliers et, quelques annes plus tard, les rues de nos villes. Le gaz inflamma-ble permit aussi de faire fonctionner des cautrisateurs hydrogne. Trois brevets (n1850, 6268, 59869) furent dposs ce sujet, par les dentistes Pierre-Honor Penot (fig. 1.8), Julien-Louis Descot (fig. 1.9) et Paul-Edm-Auguste-Martin comte Viton de Saint-Allais (fig. 1.10). Ces instruments servaient soulager les patients atteints de pulpites.

    Mentionnons encore que le gaz des marais, CH4,fut appel tour tour, hydrogne protocarbon C2H4,hydrure de mthyle ou formne. Laction du chlore sur lhydrogne protocarbon donne du chlorhydrate de mthylne C2H3Cl. En continuant substituer du chlore lhydrogne, on obtenait du chlorhydrate de mthy-lne chlor C2H2Cl2, puis du chloroforme C2HCl3 et, fina-lement, du perchlorure de carbone C2Cl4.

    Les travaux de Joseph Priestley sur les gaz

    Le 25 mai 1771, Priestley (fig. 1.11) observe pour la pre-mire fois que lair inflammable, obtenu daprs la mthode de Cavendish, au moyen du fer, du zinc ou de ltain, puis conserv pendant plusieurs mois, est toujours aussi inflammable. Il dcouvre galement le gaz acide car-bonique, souponne quil existe dans lair, et saperoit que

    Figure 1.8. Le Denticure de Pierre-Honor Penot, instrument propre

    gurir le mal de dent par le gazinflammable ,

    invent le 24 juillet 1845. Les substances ncessaires la

    production du gaz inflammable sont introduites dans le matras, le

    gaz recueilli dans le ballon, et la pointe du chalumeau, enflamme,

    et transporte lintrieur de la chambre pulpaire de la dent.

    Archives de lInstitut National de la Proprit Industrielle.

    Figure 1.9.Le phlogothrapeudonte

    du dentiste-mcanicien Julien-LouisDescot, de Dijon, brevet

    le 2 septembre 1847. Archives de lInstitut National

    de la Proprit Industrielle.

    Histoire de lanesthsie

  • 7la respiration et la combustion ne peuvent se faire dans un air vici. La prsence dacide carbonique, ou dair fix dans certaines eaux minrales, donna bientt Scheele et Priestley lide dutiliser ce gaz en thrapeutique ou, du moins, de tenter de soulager les patients atteints de mala-dies cancreuses. Les deux savants pensaient que ce gaz pourrait sopposer au phnomne de la putrfaction.

    Lanne suivante, Daniel Rutherford36 et Priestley37 ta-blirent de manire claire et nette la diffrence entre le gaz nitreux ( nitrogen ) et les autres vapeurs permanentes, le grisou des mines ou les ptroles. Les mineurs connais-saient les deux varits dair factice que lon pouvait ren-contrer dans les mines : la vapeur suffocante, appele chokedamp , plus pesante que lair commun, qui tue les animaux et teint les chandelles au fond des puits, et lair plus lger que lair commun, dnomm firedamp ,une vapeur inflammable que lon rencontrait, prs de la vote, dans les souterrains et dans les galeries. Les ter-mes employs jusque-l taient : air fix, air mphitique, air inflammable, sans que lon st exactement de quelles substances ces diffrents airs taient composs.

    En 1772, Priestley isola le bioxyde dazote38, ou deu-toxyde dazote, NO2 (encore appel gaz rutilant), et dcouvrait le gaz chlorhydrique en faisant agir de lacide chlorhydrique sur du cuivre. En relisant les observa-tions et les procds exprimentaux de Stephen Hales, Priestley39 fut frapp par le fait que lair commun et lair extrait des pyrites de Walton par lesprit de nitre (le sangde salamandre des Alchimistes) produisaient un mlange rouge, parfaitement trouble. Encourag par des obser-vations auxquelles Stephen Hales navait pas prt une attention particulire, Priestley fit agir de lacide nitrique dilu (laqua fortis, eau forte, obtenue par la distillation dun mlange de salptre et dargile) sur du cuivre et du mercure, et, le 4 juin 1772, obtint un gaz nouveau : lair nitreux ou oxyde nitrique NO. En faisant agir sur cet air nitreux un mlange humide de soufre et de limaille de fer, il obtenait de lacide gazeux dazote, dont les propri-ts taient sensiblement diffrentes. Une chandelle y br-lait avec une flamme agrandie. Il lui donna le nom dair nitreux dphlogistiqu, ou oxyde nitreux N2O, le mot dphlogistiqu signifiant : additionn doxygne.

    Le 1er aot 1774, Priestley russissait produire le gaz oxygne en chauffant de loxyde rouge de mercure, op-ration appele prcipit per se. Il le nomma vital air ,

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.10.Le phlogothrapeudonte de Paul-Edm-Auguste-Martincomte Viton de Saint-Allais, brevet le 23 juillet 1863. En ajoutant de loxygne, la combustion tait de meilleure qualit et la flamme plus stable. Archives de lInstitut National de la Proprit Industrielle.

    Figure 1.11. Cartoon du Musum Northumberland, P.A., tats-Unis. On y voit Joseph Priestley aux prises avec le phlogistique. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

  • 8air vital, oxygen gas , gaz oxygne, pure air , air pur, dephlogisticated air , air dphlogistiqu, ou encore air du feu de Scheele.

    De nos jours, ces appellations sont encore sources de confusion, la fois pour les non-chimistes et pour les historiens. Il nest donc pas inutile de tenter de compren-dre le sens exact de ces diffrents termes et de sintres-ser lhistoire de leur dcouverte. Plusieurs historiens des sciences, dont Maurice Delacre40 et James Raddick Partington41 sy sont attels au XXe sicle. La question int-ressait dj les historiens du XIXe sicle, tels Ferdinand Hoefer42 et Paul-Antoine Cap (fig. 1.12). En tmoigne cette lettre autographe (fig. 1.13), date du 24 mai 1864, dans laquelle Cap crivait, en sadressant au Secrtaire perptuel de lAcadmie des sciences :

    Je moccupe dune tude sur Pierre Bayen, laquelle jedsire rattacher un prcis historique de la dcouverte deloxygne, et je viens vous prier de vouloir bien me fairesavoir comment je pourrais prendre communication loisirdes deux volumes des uvres compltes de Lavoisier, djpublis par vos soins 43

    Un mois plus tard, dans une seconde lettre, date du 24 juin 1864, Cap envoyait la mme information son neveu Francis Lacroix, en ajoutant quil comptait atta-cher ltude sur Pierre Bayen un prcis historique sur la dcouverte de loxygne, laquelle il avait contribu puis-samment par la rduction des oxydes de mercure, sans addition de charbon. Il avait recueilli le gaz, lavait mesur, avait reconnu quil tait plus lourd que lair atmosphri-que, mais ne lavait pas tudi plus longuement, laissant une telle gloire Scheele, Priestley, et surtout, Lavoisier, qui en avait fait la base dune thorie toute nouvelle44.

    Comme le confirme le plumitif de sance du 17 octo-bre 1864, Cap45 eut le plaisir de prsenter ses recherches sur Bayen et sur lhistoire de la dcouverte de loxygne.

    Lacide muriatique oxygn, gaz oxymuriatique ou chlore

    En 1774, alors quil travaillait sur le bioxyde de manga-nse, Scheele dcouvrait lacide muriatique dphlogis-tiqu. Quatre ans plus tard, Nicolas-Christian De Thy, comte de Milly, associ libre de lAcadmie des sciences,

    Figure 1.12. Le pharmacien Paul-Antoine Cap (1788-1877),

    demeurant 9, rue dAumale, Mcon.

    Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.13. Extrait de la lettre indite

    de Paul-Antoine Cap. Archives de lAcadmie des

    sciences de lInstitut de France.

    Histoire de lanesthsie

  • 9suggrait dassainir les murs des maisons en versant de lhuile de vitriol (acide sulfurique) et du sel marin (muriate de soude) sur du salptre ltat brut et, en 1785, dans son trait sur les fosses daisances, Jean-Nol Hall signalait la proprit antiseptique de lacide muriatique dphlogisti-qu gazeux. La mme anne, puis, nouveau, en 1786 et 1787, Claude-Louis Berthollet46,47 (fig. 1.14) laissait enten-dre que lacide marin dphlogistiqu peut redevenir un vritable acide muriatique en prsence dune substance phlogistique et que lacide muriatique oxygn (= chlore) est susceptible de se combiner avec un grand nombre de bases acidifiables. Au contact du carbone, les sels que forme cet acide sont capables de produire des explosions trs dangereuses. En 1791, Fourcroy les recommanda pour la dsinfection des cimetires, des caveaux funraires, des tables, et contre les miasmes dltres en gnral.

    Mais de quoi tait compos cet acide muriatique ?Du temps de Lavoisier, on ntait pas encore arriv

    reconstituer ni dcomposer lacide que lon retirait du sel marin. On savait quil tait form par lunion dune base acidifiable et doxygne. Cette base inconnue fut appele base muriatique, nom qui drivait de lancienne dnomination latine du sel marin : muria. Les chimistes dcidrent dappeler acide muriatique un acide volatil qui se prsentait sous la forme gazeuse la temprature ordi-naire et qui se dissolvait facilement dans leau. Lavoisier avait remarqu que laddition doxygne rendait cet acide encore plus volatil. Cest pourquoi les savants le nomm-rent acide muriatique oxygn ou, daprs les noms anciens inscrits au Tableau des Combinaisons binaires de loxygneavec les substances mtalliques et non mtalliques oxidables etacidifiables de Lavoisier48 : acide marin dphlogistiqu.

    Des discussions sengagrent aussitt dans les socits. En Grande-Bretagne, Humphry Davy49 et plusieurs autres chimistes anglais considraient ce gaz jaune comme tant une substance simple, et lui donnrent le nom de chlorine,alors quen France, on le dsignait sous le nom de gaz acide muriatique oxygn ou, plus simplement, gaz oximuria-tique. Au cours des leons Bakriennes50, professes la Royal Institution, Londres, Davy proposa de simplifier la nomenclature pour dfinir les diffrentes combinaisons de la chlorine . Ainsi, la terminaison ane devait dsigner la combinaison dune premire dose de chlorine51 avec un mtal ; la terminaison ana sa combinaison avec une dose double ; la terminaison ane avec une dose triple. Davy52

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.14. Mmoire de Claude-Louis Berthollet sur lacide marin dphlogistiqu, Extrait des Mmoires de lAcadmieRoyale des Sciences, 1786-1787, Imprimerie royale, 1788. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    reconnaissait que son frre John, ainsi quun parent de la famille (qui na pas encore t identifi), et son ami W. Moore, lavaient aid dans ces expriences, ralises au laboratoire de la Royal Institution.

    En France, entre le 18 fvrier 1807 et le 26 fvrier 1809, Louis-Joseph Gay-Lussac (fig. 1.15) et Louis-Jacques Thenard53,54 lurent plusieurs mmoires sur le sujet, lInstitut de France et la Socit dArcueil. Or, Adolph Ferdinand Gehlen55 avait dj fabriqu de lther muriati-que en 1804, en faisant agir, quantits gales, du muriate dtain fumant sur de lalcool ou, la manire de Frdric-Henri Basse56, un chimiste de Hameln, par le mlange de sel marin, de chaux vive, de potasse, et dun alcool tir du grain (la nature du fruit partir duquel cet alcool tait extrait importait peu). Sans entrer dans le dtail de ces controverses, nous pouvons dire que, pour Gay-Lussac et Thenard, lacide muriatique contenait de leau, et que le gaz muriatique oxygn ntait pas dcompos par le charbon. Tout laissait supposer que ce gaz tait un corps simple.

    En octobre 1811, le physicien et chimiste Pierre-LouisDulong57 publiait un mmoire sur une nouvelle subs-tance dtonante, la chlorine (fig. 1.16). Le physicien suisse Auguste De La Rive58 le confirmera : ce nest quaprs ces expriences, que Burton, de Cambridge, russit former un compos dtonant en exposant le gaz oximuriatique sur une solution de sel ammoniacal. Davy laurait expri-ment aprs Burton. Or le chimiste John Murray59, ddim-bourg, crivait en 1813 que lacide muriatique nexiste par lui-mme que sous la forme dun gaz. Son analyse complte navait toujours pas t faite. Lacide muriati-que, capable de soxygner fortement, fut alors appel acide oximuriatique . Combin loxygne dans une proportion encore plus importante, on le nommait acideoximuriatique suroxign . En 1815, Jns Jacob Berzelius60

    publia une lettre, adresse Jean-Claude Delamtherie, dans laquelle il est dit que le chlore peut se combiner avec loxygne pour former des acides appels chlorates, avec lhydrogne pour former des hydrochlorates, et que le sel marin est un hydrochlorate de soude.

    Quoique lide ait dj t exprime plusieurs annes auparavant, lapplication, grande chelle, dune dm-phitisation des hpitaux, des prisons, des cimetires, des fosses daisances et des curies, revient lopinitre Guyton de Morveau61 (fig. 1.17). Le gaz chlorhydrique,

    Figure 1.15. Louis-Joseph Gay-Lussac (1778-1850).

    Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.16. Appareil eudiomtrique de Pierre-Louis Dulong (1785-1838).

    Dans Thomas Andrews, On the heat disengaged during the

    combination of bodies with oxygen andchlorine, dont il existe une traduction

    manuscrite, en franais. Archives de lAcadmie

    des sciences de lInstitut de France.

    Histoire de lanesthsie

  • 11

    encore appel acide muriatique ou acide hydrochlorique, fut employ essentiellement sous la forme gazeuse. FlixVicq dAzyr en conseilla lemploi lors de lpizootie de Gascogne. Ce nest qu partir de 1815 quon utilisera la lotion de chlore.

    Le septon, un oxyde gazeux dazote

    la fin de lanne 1795 et au dbut de lanne 1796, deux auteurs new-yorkais vont porter leur attention sur les effets mdicaux de loxyde gazeux dazote ou nitrogne.

    Samuel Latham Mitchill62, professeur de chimie, dhis-toire naturelle et dagriculture New York, fut le premier auteur qui tudia les ractions de loxyde dazote lors-quil se forme dans lestomac, lorsquil est inspir par les poumons ou appliqu sur la peau. Dans son mmoire63

    Remarks on the gazeous oxyd of Azote or of Nitrogene, Mitchillcrit que Priestley a dcouvert le dephlogisticated nitrousair , lair nitreux dphlogistiqu (encore appel gazeousoxyd of nitrogene ou gazeous oxyd of azote) en chauffant de lacide nitreux et du fer dissous. En deux mois, ce fluide gazeux se transforme en un gaz spcifique, particuli-rement nocif pour les animaux, et pouvant entraner la mort. Mitchill va montrer quil est facile de sparer un mlange dair phlogistique et dair nitreux dphlogisti-qu laide de leau.

    Lazote peut se combiner de quatre manires diff-rentes avec loxygne. Loxygnation la plus forte donne de lacide nitrique64 (leau-forte), un acide utilis par les graveurs pour attaquer le cuivre ; un degr moindre, loxygnation de lazote forme de lacide nitreux, souvent utilis par les chimistes ; un degr encore plus faible, il donne du gaz nitreux et, dans la proportion la plus faible, du nitrogne ou de loxyde gazeux dazote. En parlant de fermentation putride dans son Trait lmentaire de Chimie,Lavoisier montrait que lacide nitreux est trs abondant dans la matire animale et que cest lazote qui en favorise la putrfaction65. On trouvait de lazote dans les excr-ments et dans les carcasses des animaux dcomposs. La qualit et le taux dazote de la terre dpendaient donc de ltat de putrfaction des substances animales ou de ce que Mitchill appelait les acides animaux. Mitchill ntait pas daccord avec les dnominations azote et nitrognedes acadmiciens franais. Il proposait de faire driver le

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.17. Appareil permettant de purifier lair dans les salles de malades des hpitaux militaires de la Rpublique.C C ( droite sur la figure): Aspirateurs en tle, de 13 pouces de longueur, dcrivant un cne. Invents par Salmon, chirurgien- major de lhpital militaire de Nancy.Le fourneau tait garni dune petite chaudire ou dune capsule en fer, demi remplie de cendre tamise, sur laquelle on posait une capsule en grs, en verre ou en faence, charge de muriate de soude lgrement humect. Le feu tant allum, le pharmacien en chef versait de lhuile de vitriol sur le sel marin. Dans :Instructions sur les moyens dentretenirla salubrit et de purifier lair dans leshpitaux militaires de la Rpublique,rdiges par le Conseil de sant du dpartement de la guerre, en excution du Dcret de la Convention Nationale du 14 Pluvise de lan II de la Rpublique, une et indivisible, Imprimerie de Guillaume, imprimeur du dpartement de la guerre. Archives dpartementales de la Cte dOr. Cote L 1036.

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    radical du verbe grec SHPW, putrefacio, et de le remplacer par SHPION, putridum.

    Or les tats-Unis avaient t envahis plusieurs repri-ses par une pidmie de fivre jaune. Confront aux consquences de cette affection, Mitchill avait mis lhy-pothse suivante : en se combinant loxygne66 (base de lair vital), le radical nitrique de lazote forme un compos dont les proprits sont particulires et dont lapplication mdicale pourrait tre trs intressante pour lutter contre la contagion et, ventuellement, sen prserver. Mitchillpensait que lorigine des fivres et des pestes tait due lingestion, par les animaux, daliments infects, et quel-les taient le rsultat dune combinaison de lazote et de loxygne. Il en rsultait de mauvaises flatulences et des effets pervers au niveau des intestins. Lauteur ira jusqu comparer les effets de lazote ceux de larsenic, et en dduisit que les personnes qui se nourrissaient exclusi-vement de vgtaux ou celles qui conservaient un ventre souple ntaient jamais incommodes par ce gaz. Il cite les mdecins arabes qui, pour se prvenir de la peste, conseillaient aux populations de manger des fruits acides (grenades, citrons, pommes aigres) et, surtout, de boire du vinaigre de vin en petites quantits. En liminant toute alimentation carne, crivait-il, on empchait lazote de pntrer dans lestomac.

    Au mois de mai 1796, Winthrop Saltonstall67, disciple de Mitchill, revint sur les ides de son matre. Sappuyant sur ses thories sur les maladies contagieuses et les moyens de conserver la sant, Saltonstall centrait sa dissertation inaugurale sur lhistoire chimique et mdicale du septon (lazote) et sur le principe de lacidit 68. Saltonstall attri-buait la non-respirabilit de loxyde gazeux de septon (lair nitreux dphlogistiqu de Priestley) aux deux effets principaux de la respiration animale, qui sont :

    lun, de fournir de loxygne au phosphore, au soufre etau carbone qui existent dans le sang ; lautre, denlever ausang un excs de carbone qui schappe par lexpirationaprs stre uni loxygne sous la forme dacide carbonique(air fix). Ces deux effets ne peuvent avoir lieu dans linspi-ration de loxyde gazeux de septon dans lequel laffinit duprincipe oxygne est dj presque sature 69.

    Le rapporteur de la Bibliothque Britannique estimaitque cette explication tait peut-tre vraie dun point de vue chimique, mais ne ltait plus lorsquil sagissait

    Histoire de lanesthsie

    Nomenclature propose par SamuelLatham Mitchill :

    Septon : la place du mot azote ou nitrogene (nitrogne).

    Septous gas (gaz septeux) : la place de azotic gas (gaz zotique) ou

    nitrogene gas (gaz nitrogne).

    Gazeous oxyd of septon (oxyde gazeux du septon) : la place de

    gazeous oxyd of azote (oxyde gazeux dazote) ou de nitrogene (oxyde

    gazeux de nitrogne).

    Septic gas (gaz septique) : la place de nitrous gas (gaz nitreux).

    Septous acid (acide septueux) : la place de nitrous acid (acide nitreux).

    Septic acid (acide septique) ; la place de nitric acid (acide nitrique).

    Septate (septate) : la place de septite (septique).

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    dexpliquer les effets dltres de lazote. Saltonstall cher-chait prouver que loxyde gazeux se formait surtout lorsque les hommes taient entasss dans les navires et dans les prisons, ou que la temprature de lair ambiant tait trop leve. Ce gaz, qui tait dangereux, se formait surtout dans les villes, cause de lentassement ou de la putrfaction des ordures mnagres, animales et vgta-les. Des miasmes nocifs sexhalaient des lieux marcageux et des eaux stagnantes. Consquence de lvaporation cyclique des cours deau (Nil, Gange, Mississippi), ils taient lorigine de maladies contagieuses, de fivres, et mme de la peste. Pour Saltonstall, de nombreuses maladies endmiques et pidmiques taient le rsultat de la combinaison du septon avec loxygne. Il estimait quil tait tout fait erron dattribuer le phnomne de la contagion au gaz acide carbonique ou l alkali vola-til (gaz ammoniaque) qui schappait en abondance des matires en putrfaction. Il fallait, au contraire, limputer un oxyde particulier et dltre : lazote.

    La thse de Saltonstall entrait en contradiction avec celle de langlais Carmichal Smith70, qui, prnant une thorie diamtralement oppose, prouvait, en dcembre 1795, que les vapeurs nitreuses taient un excellent moyen pour neutraliser les effets des exhalaisons schappant des prisons ou pour arrter les contagions fivreuses dans les hpitaux. Smith et le chirurgien cossais ArchibaldMenzies avaient appliqu leur thorie Scheerness, sur le navire-hpital LUnion, en versant, graduellement, du nitre71 en poudre sur de lacide sulfurique concentr et en chauffant modrment le mlange sur un bain de sable. Ils constatrent que les patients qui inhalaient les vapeurs de lacide nitreux se portaient nettement mieux.

    Smith et Menzies ne furent toutefois pas les premiers exprimenter les effets du gaz nitreux. Le 31 dcembre 1796, Gaspard de la Rive, prsident de la Royal Societyof Medicine, avait rdig une lettre, publie par Marc-Auguste Pictet72 (fig. 1.18). Elle faisait tat dune dcou-verte rcente de William Scott, mdecin Bombay. En septembre 1793, souffrant dune maladie du foie, Scottavait absorb de lacide nitreux mlang de leau. Peu peu, il en augmenta les doses et gurit. Peu aprs, il traita plusieurs malades atteints dhpatites chroniques, de fi-vres intermittentes, de diabte ou de syphilis avec le mme remde. Ds que la nouvelle arriva dimbourg, DanielRutherford, professeur de botanique, Hope, professeur

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.18. Marc-Auguste Pictet (1752-1825), physicien, professeur lAcadmie de Genve et rdacteur de la Bibliothque Britannique,Sciences et Arts. Lithographie de G. Engelmann. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    Figure 1.19. Appareil utilis par les chimistes hollandais pour

    la rcupration de loxyde gazeux dazote.

    Voir Jan Rudolph Deiman, Adrian Paets Van Troostwyk, Anthonie Lauwerenburgh et

    Gerard Vrolik, Natuur-scheikundigeVerhandelingen, W. Holtrop,

    Amsterdam, 1799-1802, pl. II. Clich de la Bibliothque nationale

    de France, Paris.

    de chimie, et Hamilton, mdecin lhpital ddimbourg, entreprirent quelques essais avec le traitement de Scott.Thomas Beddoes73 lexprimenta galement et obtint la gurison dune syphilis pour laquelle le traitement habi-tuel par le mercure navait donn aucun rsultat positif. De La Rive prcise quil fallait employer lacide nitreux fumant, tel quil tait retir des cornues aprs la premire distillation du nitre avec lacide sulfurique.

    En 1796, lIrlandais Stephen Dickson74 proposait dadopter une nouvelle dnomination pour dsigner lazote. En suivant lanalogie des radicaux grecs, il pro-posait dappeler loxygne, oxygone , et dintroduire un nouveau nom pour dsigner le nitrogne : le nitrone .Le gaz qui avait pour base le nitrone serait alors un airnitrien et sa combinaison avec loxygne, qui constitue le gaz nitreux, un air pinitreux .

    Il semble bien quen juillet 1801 les choses ntaient pas encore trs claires. La lettre dun correspondant anonyme75

    de Londres, adresse William Nicholson, rdacteur de la revue A Journal of Natural Philosophy, Chemistry, and theArts, le montre parfaitement. Lauteur souhaitait que cer-tains points de la nomenclature soient claircis, tout en prcisant quen 1774 Priestley avait appel le protoxyde dazote gaz nitreux dphlogistiqu . Ctait un gaz dont on discutait beaucoup dans le cercle des chimistes et des amateurs dinhalations mdicinales. Les chimistes hollan-dais, qui avaient beaucoup tudi ses proprits aprs la dcouverte de Priestley (fig. 1.19), lavaient appel oxideof azote gaz , loxyde du gaz azote, ou gazeous oxide ofazote , loxyde gazeux dazote. Ce nest quen 1801 que le monde scientifique saccordera finalement pour appeler ce fluide lastique gazeous oxide , oxyde gazeux.

    On trouvera peut-tre dans ce qui prcde une explica-tion aux questions poses rcemment par N. A. Bergman76.Il nest pas tonnant que Davy se soit intress au gaz hilarant, les hsitations des chimistes du tournant du XIXe sicle ly incitaient. Comme tous les savants de lpo-que, Davy tait lafft de nouveauts. Les recherches des mdecins et des chimistes taient tout aussi thma-tiques que de nos jours. Le problme de la nomenclature des composs du nitre nayant pas encore t lucid, et les proprits mdicales du gaz azote et de ses combinai-sons avec loxygne pas encore suffisamment exprimen-tes, les questions relatives lazote et ses composs entraient dans la logique de lvolution scientifique et,

    Histoire de lanesthsie

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    de ce fait, dans la logique de lexprimentation mdicale. Rien de surprenant ce que Davy ait port son attention sur un sujet, somme toute dactualit, et quil ait tent, en mme temps, de rsoudre certains points encore obscurs, comme la puret du protoxyde dazote ou ses effets sur le systme nerveux.

    Le 7 Germinal an XI (28 mars 1803), Antoine-FranoisFourcroy, Nicolas-Louis Vauquelin et Louis-JacquesThenard crivaient que si lon excepte la nature et lanalysede ce gaz (lair nitreux dphlogistiqu), ainsi que les effetssur lconomie animale, tout ce qui a t nonc par M. Davy,se retrouve dans louvrage de Priestley : il y a mme dans cedernier, sur plusieurs proprits de ce gaz, des dtails que neprsente pas celui de M. Davy 77 (fig. 1.20). Davy prparait loxyde nitreux laide dun procd que Priestley ne connaissait pas, en chauffant trs doucement du nitrate dammoniaque dans une cornue. Cette mthode de pr-paration du gaz nitreux, partir de lalkali volatil , avait dj t dcrite, en 1785, par Claude-Louis Berthollet78.Ce dernier avait dpos deux onces de nitre ammonia-cal sch dans une petite cornue de verre, y avait adapt deux tubes, lun recourb, qui souvrait dans le fond dun flacon, et lautre, galement recourb, tablissant une com-munication avec un deuxime flacon. De ce flacon partait un nouveau tube qui se rendait vers un appareil hydro-pneumatique. Les deux flacons, vides, taient entours de glace. En allumant un feu sous la cornue remplie de nitre ammoniacal, il se dgageait une grande quantit de gaz, qui avait la proprit de se dissoudre dans leau, et dans lequel une bougie brlait presque aussi bien que dans loxygne pur. Berthollet pensait quil fallait le regardercomme un gaz nitreux qui contient un peu plus dair vital qulordinaire . Fourcroy, Vauquelin (fig. 1.21) et Thenard79

    estimaient que Davy avait fait des tentatives heureuses danalyse du gaz oxyde nitreux, tandis que Priestley, qui avait observ lair nitreux dphlogistiqu NO, navait pas su reconnatre la nature intime de ce gaz, ni faire la diff-rence entre lair dphlogistiqu (le gaz oxyde nitreux) et le gaz nitreux. Quoique Davy et analys les deux gaz, Fourcroy, Vauquelin et Thenard souhaitaient confirmer ces rsultats, en utilisant de nouvelles mthodes dinves-tigation. En 1803, leurs travaux portaient sur lanalyse de la pesanteur spcifique du gaz oxyde nitreux et du gaz nitreux et, nous le verrons plus loin, sur les effets du gaz oxyde dazote dans la respiration.

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.20. Extrait du mmoire dAntoine-Franois Fourcroy, Nicolas-Louis Vauquelin et Louis-Jacques Thenard sur La Nature compare du gaz oxiduledAzote ou de lOxide nitreux deMr. Davy..., 7 Germinal an XI. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.21. Nicolas-LouisVauquelin (1763-1829), professeur de chimie au Musum dhistoire naturelle, au Collge de France, lcole de pharmacie et la Facult de mdecine de Paris. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    Histoire de la fabrication et de la composition chimique des thers

    Il est extrmement difficile de dterminer lorigine du pro-cd de fabrication de lther sulfurique. On ne connat pas les raisons qui poussrent les alchimistes mlanger les produits de la distillation de lesprit de vin rectifi et de lesprit vineux avec une partie dhuile de vitriol, cri-vait Antoine Baum80, en 1757, en prsentant un extrait de la dissertation de Johannis Henrici Pott, de Berlin, dans la prface de sa Dissertation sur laether dans laquelle on exa-mine les diffrens produits du mlange de lEsprit de Vin avec lesAcides minraux. Les travaux de Pott81 avaient t rassem-bls, en 1738, dans Exercitationes Chymicae De Sulphuribusmetallorum, De Auripigmento, De Solutione corporum par-ticulari, De Terra foliata tartari, De Acido Vitrioli Vinoso etDe Acide Nitri Vinoso . Lun des fascicules de cet ouvrage, crit en latin, comprend la Dissertatio medico-chymica deAcido Vitrioli Vinoso, respond D. D. Carolo Hoffmanno ,rdige Halae en 1732. Ils furent traduits du latin et de lallemand par Jacques-Franois Demachy82, apothicaire, gagnant Matrise de lHtel-Dieu, en 1759. Dans la note 1 du premier volume, Demachy ajoute que la disserta-tion sur lacide vitriolique vineux que quelques auteursattribuent Charles Hoffmann, parce que ce dernier la publieen 1732, tait alors incomplte. Pott fut oblig de la retoucheret la publieCest un fait quil ma confirm lui-mme .La version de Pott ne correspond donc pas ldition princeps de Charles Hoffmann. Demachy rappelle que les Anciens appelaient lacide vitriolique vineux Aquatemperata, noms quils donnaient aussi aux esprits de nitre etde sel dulcifis. Krugner, dans ses essais chymiques, lappelleAcetum principale .

    Pott affirme que le premier ouvrage dans lequel il est fait mention de lhuile douce de vitriol est celui de Valerius Cordus, De artificiosis extractionibus83, et il ajoute : qui ipsius annotationibus in Dioscoridem a Gesnero, 1561 (que Demachy traduit par et que Gesner a insr dans sesnotes sur le Dioscoride du mme Cordus, publies en 1561 ).Selon Pott, Gesner avoue, dans sa prface, quil a reu le manuscrit de Johann Cratone, de Wratislavia (ancien nom de Breslau). On trouverait la description, mot pour mot, de lhuile douce de vitriol, dans une dition de Gnes que Wolphius (alias Volfius) nous a laisse en 1569. Aprs la mort de Wolphius, Crollius (alias Osvaldi Crollii) aurait

    Histoire de lanesthsie

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    recopi la recette en labrgeant ; lui-mme fut copi ult-rieurement par Beguinus et insr dans Les lments deChymie.

    Valerius Cordus donna les noms doleum vitrioli dulceet naphta vitrioli aux produits obtenus par la distillation dun mlange desprit de vin et dacide vitriolique, ou plutt dalcool et dacide sulfurique. Lun des produits de cette distillation, une huile lgre, trs volatile, fut nomm tour tour esprit de vitriol volatil, huile douce de vitriol, eau tempre, esprit doux de vitriol ou liqueur de Frobenius. Pour Jean-Baptiste Dumas84, cette dnomina-tion trompeuse fut souvent lorigine de confusions entre le vritable ther, non huileux, et le sulfate dhydrogne carbon, daspect huileux.

    La prparation de lther serait aussi vaguement indi-que dans les rcits de lalchimiste catalan RaimundoLulio85,86, surnomm le docteur illumin et, daprs James Raddick Partington87,88 dans les thories mdi-cales de Theophrastus Bombast von Hohenheim (alias Paracelse), notamment dans le De Naturalibus Rebus,en 1537-41 et dans le trait de Conrad Gesner, ThesavrusEvonymi Philiatri, De Remediis Secretis, publi Zrich en 1552.

    Dans une collection de lettres dAndreas Libavius89,publies en 1599, lther ou sweet-oil , sobtenait par la distillation de lalcool et de lacide sulfurique.

    En 1609, Osvaldi Crollii (fig. 1.22) dcrit nettement la prparation de ce compos. Hic Spiritus Vitrioliutileest medicamentum & curationibus necessariumQui voletulterius persequi destillationem habebit Oleum Vitrioli,supernatans aqu suavissimi odoris & Oleum Vitrioli sub-dulce (Cet esprit de vitriol ... est un mdicament utile et ncessaire la gurison. Celui qui dsire poursui-vre la distillation ... obtiendra de lhuile de vitriol, sur-nageant sur leau, lodeur trs douce, et de lhuile de vitriol, dune douce saveur agrable), crit Crollii90 dans sa Basilica Chymica, continens Philosophicam propri laborumexperimenti confirmatam descriptionem et usum RemediorumChymicorum Selectissimorum et Lumine gratiae et naturaedesumptorum.

    Il semblerait que Basilius Valentinus ait galement obtenu de lther vers 1400, mais ses crits ne furent publis quen 1624.

    Un peu plus tard, en 1650, Angelus Sala91 (fig. 1.23)consacre plusieurs chapitres au spiritus vitrioli ,

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.22. Osvaldi Crollii, BasilicaChymica, continens Philosophicampropri laborum experimenticonfirmatam descriptionemet usum Remediorum ChymicorumSelectissimorum et Lumine gratiaeet naturae desumptorum,G. Tampachius, Francofurti, 1609.

    Figure 1.23. Angelus Sala, AngeliSalae vicentini chymiatri candidissimiet archiatri megapolitani opera medico-chymica quae extant omnia,Johannis Berthelin, 1650. dition lectronique de la Bibliothque nationale de France.

  • 18

    Figure 1.24. Antoine Baum (1728-1804), matre apothicaire,

    rue Coquillire, Paris. Archives de lAcadmie

    des sciences de lInstitut de France.

    dans un ouvrage intitul Angeli Salae vicentini chymiatricandidissimi et archiatri megapolitani opera medico-chymicaquae extant omnia.

    En 1675, Willisius suppose dans sa pharmacope que lacide sulfurique absorbe une partie de lalcool et libre la vini pars sulphurea pura 92.

    Daprs Pott, Friederici Hoffmanni aurait fait lloge des vertus mdicinales de la liqueur quil retirait du mlange desprit de vin et dhuile de vitriol dans ses leons de chimie, publies dans les Observationibus Chymicis. Hoffmann , dit Antoine Baum93 (fig. 1.24), prend sixparties dEsprit de Vin trs rectifi sur une partie dHuile deVitriol, mais il ne me paroit pas que son intention ait t de fairede lther . La quantit dhuile de vitriol tait trop fai-ble ; il ne pouvait en rsulter que ce que lon a appel laliqueur minrale anodine de Hoffmann . Pour Baum, le but des premiers chimistes tait dextraire de lesprit de vin, la partie appele huile de vin. Les uns employaient pour lusage mdicinal un mlange desprit de vin, de vitriol et de tartre, quils distillaient ; dautres sen servaient pour les teintures. Comme lindique Pott, les chimistes qui sui-virent les indications de Hoffmann, taient Tretscherus94

    (on ne sait pas si ce personnage correspond Frobenius ou si ce nom est un pseudonyme), le baron de Baer, Zittmannum, Geelhausen et Johann Thomas Hensingium (lun de ces deux auteurs auraient parl de lther dans une dissertation sur larthrite, lautre dans une disserta-tion sur la goutte). Baum cite encore Michel Crugner qui, dans son Printemps chymique a appel lther vinaigreprincipal , et sen est servi pour la prparation des lixirs. Il parle aussi de Johann Friedrich Henckel, savant mtal-lurgiste, qui mentionne lther dans le quatrime volume de son Journal de la Nature curieuse. Baum indique gale-ment les noms de Sachsius, Juncken (Notes sur Agricola), et Agricola lui-mme, ceux de Chrtien Dmocrite, Johann Samuel Carl, un mdecin danois, qui aurait recommand ce mdicament Gotzius pour le traitement de la goutte ou pour dautres affections.

    De fait, la composition de la liqueur tait reste secrte. Schultze la publia, le premier, en juillet 1734, dans sa dissertation sur les calculs de la vessie. Il fut suivi par Hummel. Johann Kunckel, Cruser, Gohl et Zobel la recom-mandrent pour diverses maladies, migraines, manies et maladies du foie. Baum cite encore une dissertation de Paul-Christian Mullerus, de Leipzig, soutenue en 1735.

    Histoire de lanesthsie

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    Cette liqueur minrale anodyne vitriolique de Hoffmann, qui possdait des vertus sdatives, tait deve-nue un remde familier pour lensemble du monde mdi-cal europen. Sa base ntait rien dautre que de lesprit de vin, dune odeur lgrement thre, obtenu par la dis-tillation, sous une chaleur douce, de six parties desprit de vin et dune partie dacide vitriolique. Cest proprementun ther manqu , crivaient Diderot et DAlembert95 dans leur Encyclopdie ou Dictionnaire raisonn des sciences, desarts et des mtiers.

    Peu aprs, le chimiste allemand Ambrose Godfrey Hanckwitz, qui stait tabli Londres, fit les premi-res analyses de la liqueur de Hoffmann. En mai 1730, Hanckwitz fit insrer dans les Philosophical Transactionsof the Royal Society of London une traduction dun mmoire de Sigismund Augustus Frobenius96 (fig. 1.25) sur les expriences que ce chimiste avait ralises avec le Spiritus Vini thereus , le gaz threux du vin ou ther vinique. la fin de ce mmoire, Hanckwitz97 avait fait ajouter deux paragraphes dun article quil avait publi le 19 fvrier 1729. Il y rappelait que la liqueur thre tait fort apprcie des anciens chimistes, notamment par Robert Boyle, son matre. La traduction franaise de ces deux extraits se trouve dans un mmoire de Johann Grosse98 (ou Gross), mdecin allemand, qui avait rsid pendant trente ans chez lapothicaire Gilles-Franois Boulduc, rue des Boucheries-Saint-Germain, Paris. Le mmoire de Grosse a t lu, en sance, lAcadmie des sciences, le 5 mai 1734, par celui qui ntait alors quad-joint-chimiste, Henri-Louis Du Hamel du Monceau. Le manuscrit original du mmoire de Grosse na pas t retrouv, mais il a t annonc par Geoffroy (fig. 1.26). Son contenu, intgral ou partiel, galement manuscrit, a t conserv sous la forme dun fac-simil99 (fig. 1.27). Larticle de Du Hamel et Grosse100 a t imprim, en 1736, dans Histoire et Mmoires de lAcadmie royale des scien-ces, aprs quelques petites modifications et en adoptant un ordre diffrent dans lagencement des paragraphes. La comparaison des deux textes montre quune partie de lextrait des procs-verbaux (pages 114 et 115, recto verso) correspond en ralit une lettre de Jean Hellot. Grosse ne mentionne absolument pas que cette partie du texte ne lui appartient pas. Sa lecture laisse entendre que toutes les observations relatives aux procds de fabrication de lther lui revenaient. Or, il nen est rien.

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.25. Sigismund Augustus Frobenius, The PhilosophicalTransactions, London, 1730, vol. XXXVI, n 413, pp. 283-288.Fac-simil, 1963-64, Nieuwkoop, Amsterdam.

    Figure 1.26. Mr. Geoffroya l une lettre que Mr. Gross lui acrite sur une huile trs subtile vendAngleterre quon nomme Ether.Il en donnera un Mmoire , Extrait des procs-verbaux des sances de lAcadmie des sciences, t. 50, fol. 184.

  • 20

    Figure 1.28. Fragment dun manuscrit, en latin, attribu

    Jean Grosse, dans lequel lauteur parle de lhuile de vin thre.

    Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    moins que Du Hamel, charg de la lecture de la com-munication de Grosse, ou le rapporteur des procs-verbaux, ne se soient tromps lors de la transcription, une erreur qui aurait t rattrape deux ans plus tard, au moment de la publication du mmoire (fig. 1.28 et 1.29).

    la demande de Boyle, Hanckwitz avait ralis un certain nombre dexpriences, au cours desquelles il avait spar l aether , qui surnageait au-dessus de la solution per tritorium (par lentonnoir) du produit de la dissolu-tion dune solution de mercure brut, unie au phlogistique du vin ou un autre vgtal. Hanckwitz nous apprend quIsaac Newton connaissait fort bien cet ther. Mais, cause de sa mort, et surtout parce que les chimistes ne savaient pas le prparer en grande quantit, lexprience navait pas pu tre termine. Frobenius, apparemment plus heureux que ses collgues, stait rendu au labo-ratoire de Hanckwitz, o il avait russi prparer une quantit dther plus importante, tout en vrifiant lexac-titude des donnes de Newton. Lther de ce dernier avait bel et bien t fabriqu partir de quantits gales, en termes de mesure mais non en poids, dhuile de vitriol et desprit de vin fortement rectifi. Il correspondait au Vini thereus, un esprit de vin thr. Chaque chimiste avait en ralit sa propre mthode de fabrication. Do lobtention de liqueurs sensiblement diffrentes aprs leur distillation.

    Valerius Cordus, crit Baum101, laissait reposer le mlange parties gales dhuile de vitriol et desprit de vin pendant trois mois environ. Aprs distillation au bain-marie, il obtenait de lesprit vineux, dont il ne conservait que la partie suprieure, le phlegme jaune. La partie infrieure, lodeur sulfureuse, spare du restant par la mthode de lentonnoir, tait rejete, tandis que la liqueur suprieure, jaune, tait place dans une cornue et chauffe modrment sur un bain de sable. La distilla-tion de la liqueur thre devait tre poursuivie jusqu ce que la partie suprieure de la cornue se soit refroidie. En la retournant, on pouvait rcuprer un gaz sulfurique trs thr. Afin de faire prcipiter le soufre que contenait cette liqueur, on y ajoutait un alkali, jusqu cessation de lbullition. Daprs Hanckwitz102, ctait la mthode de fabrication de Newton ; daprs Du Hamel et Grosse103,ctait plutt celle de Frobenius. Le point de vue des trois auteurs diffre lgrement.

    Figure 1.27. Johann Grosse, Recherches chymiques sur la

    composition dune liqueur trs volatileconnue sous nom daether, lu par

    Du Hamel de Monceau, en sance, le 5 mai 1734. Procs-verbaux des

    sances de lAcadmie des sciences, 5 mai 1734, t. 53, pp. 110-117.

    Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Histoire de lanesthsie

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    Frobenius estimait que lther obtenu tait le plus noble, le plus efficace et le plus utile des produits chimi-ques et pharmaceutiques, car il permettait dextraire instantanment les essences et les huiles essentielles des plantes et des animaux (notamment du castor). Le chimiste allemand dmontra que cet ther est inflammable, volatil, quil procure une sensation de froid lorsquon lapplique sur la main. Lune des expriences de Frobenius consistait remplir plusieurs flacons avec de leau thre. Dans le premier, il laissait tomber de lhuile de vitriol ; dans le deuxime, de lesprit de sel marin ; dans le troisime, de lesprit de nitre, de lalun, du sel dammonium dilu ou du vinaigre de vin rectifi. Les sels tombaient instantan-ment au fond du flacon. Frobenius en dduisit que lther est la plus lgre de toutes les liqueurs. Ce qui signifie quil avait bien not que lther ntait pas dissous dans leau et quau repos les deux liquides se sparaient en deux couches bien distinctes.

    Hanckwitz et les chimistes de lpoque estimaient toutefois que le procd de fabrication de lther tait encore bien obscur. En 1730, Frobenius avait envoy quel-ques chantillons Claude-Joseph Geoffroy (fig. 1.30).Plusieurs autres chimistes franais tentrent alors de rpter les expriences de Frobenius et de Newton.Henri-Louis Du Hamel, Jean Grosse, Jean Hellot, Claude-Joseph Geoffroy, et mme son frre an tienne-Franois(dcd peu aprs, le 6 janvier 1731), se mirent distiller des quantits plus ou moins importantes dhuile de vitriol et desprit de vin, dans lespoir den retirer lther le plus parfait. Grosse104 nous dit qu un chimiste, avec lequel noussommes trs li damiti, qui est connu pour tre trs exact, etqui a beaucoup travaill sur cette matire, la suivi scrupuleu-sement, sans aucun succs . Dans son manuscrit, Grosse a gard secret le nom de ce chimiste ; deux ans plus tard, lors de limpression de son mmoire dans Histoire etMmoires de lAcadmie des sciences, il indique quil sagis-sait de Jean Hellot.

    Aprs de nombreuses tentatives de distillations dun mlange dhuiles essentielles avec diffrents acides, Grosse se rendit compte quil narrivait pas fabriquer le mme ther que Frobenius. Il dtermina la composition des chantillons de Hanckwitz, et parvint, dans un pre-mier temps, en distillant de lesprit de vin sur une solu-tion dalun, fabriquer un ther aromatique, dodeur suave, proche de celui de son collgue de Londres.

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.29. Lettre de Du Hamel du Monceau, en rponse celle de Jean Grosse. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.30. Claude-Joseph Geoffroy (1685-1752), dit Geoffroy le Cadet, chimiste, matre apothicaire, membre de la Facult de mdecine de Paris et de lAcadmie des sciences. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    Il modifia bientt son procd et se mit distiller diff-rentes combinaisons desprit de vin et dhuile de vitriol, en variant leurs proportions. Ainsi fut-il en mesure dannoncer lAcadmie des sciences, en 1731, quen mlangeant trois parties dhuile de vitriol une partie desprit de vin, on obtenait plusieurs liqueurs qui ne res-semblaient pas de lther, et une huile quon appelait depuis Paracelse, Huile de vitriol douce. En fonction de lintensit et de la dure de la distillation, cette huile tait rouge, verte ou presque blanche. Ayant prlev une livre dhuile de vitriol trs blanche, trs bien rectifie, et aprs lavoir verse sur deux livres environ desprit de vin rectifi, Grosse laissa reposer le mlange dans la cornue pendant deux jours, puis procda sa distillation. Une simple addition deau permettait de sparer la liqueur thre des autres produits de la distillation. Comme cet ther ntait pas encore dune puret parfaite, Grosse fit absorber le reste de lacide quil contenait par une solu-tion de sel de tartre105. Grosse et Du Hamel finirent par indiquer trois mthodes diffrentes de rectification de lther. La premire permettait dobtenir un produit par-faitement rectifi qui ne sentait presque pas lesprit de vin et ressemblait de leau de Rabel (lacide sulfurique alcoolis). Le deuxime procd sentait beaucoup lther et passait sous forme de vapeurs blanches, et le troisime dgageait une odeur de soufre. Pour obtenir la liqueur qui contenait le bon ther , il fallait trouver le moment opportun o il convenait dteindre le feu. Ctait lins-tant prcis o apparaissaient les vapeurs blanches. On continuait ensuite distiller trs lentement ce qui tait pass dans le rcipient, aprs lavoir transfr dans une cornue. Noublions pas que le thermomtre mercure de Fahrenheit datait de 1721, et quau cours de la distilla-tion, les chimistes ntaient pas forcment en mesure de contrler les tempratures des composs106.

    Grosse ne pensait pas que lther pouvait possder des proprits applicables la thrapeutique mdicale. Il le dit bien clairement et signale quun tranger, qui sjournait Paris depuis plusieurs annes, avait attribu certaines vertus lther rouge et que quelques malades en auraient t satisfaits. Le nom de cet tranger nest pas connu, mais daprs Du Hamel107, il sagissait dun italien.

    Les chimistes continurent leurs expriences et JeanHellot publia les rsultats de ses travaux, en sance,

    Histoire de lanesthsie

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    lAcadmie des sciences, le 9 mai 1739. Ses recher-ches portaient essentiellement sur La liqueur thre deM. Frobenius 108 et sur les liqueurs qui ntaient pas de lther. Ces travaux furent imprims dans ldition de 1741 de Histoire de lAcadmie royale des sciences. Pour Hellot, les meilleures quantits et qualits dther sobte-naient partir de la distillation de deux livres au moins desprit de vin tir du marc de raisins et de deux livres de la bonne huile de vitriol anglaise ou hollandaise. Daprs Pierre-Joseph Macquer109, Hellot aurait communiqu plusieurs chimistes son procd de prparation rapide de lther vitriolique, en lindiquant, en 1752, dans lEncy-clopdie ou Dictionnaire raisonn des sciences, des arts et desmtiers de Diderot et DAlembert110.

    En 1742, Du Hamel111 fit connatre aux acadmiciens de lAcadmie des sciences les deux nouveaux procds de fabrication de lther (fig. 1.31), sans distillation et sans feu, que Pierre-Toussaint Navier, mdecin Chlons-sur-Marne, venait de mettre au point. Pour obtenir une huile thre qui avait peu prs les mmes proprits que celle de Frobenius, il suffisait de remplacer lhuile de vitriol par de lesprit de nitre. Sa distillation donnait une sorte desprit de nitre dulcifi, trs odorant. Navier lappellera huile thre martiale. Elle lui a pru approcher beaucoup,surtout quand elle a pass sur lhuile de tartre par dfaillance,de lEter, dont Mr. Grosse a, le premier, dcouvert la compo-sition et qui a t, depuis, perfectionn par les recherches deMr. Hellot 112. Il y reviendra le 11 fvrier 1745, comme le confirme une autre lettre113.

    Le mercredi 11 juin 1755, par ordre de lAcadmie, Macquer et Hellot lurent un mmoire dAntoine Baum sur lanalyse du rsidu de lther vitriolique filtr tra-vers une bouteille de grs (fig. 1.32). Le rapport de ce mmoire114 a t conserv sous la forme dun fac-simil dans les procs-verbaux des sances de lanne 1755. Il at rdig par Macquer et Hellot, et non par Bourdelinet Macquer, comme lindiquent les procs-verbaux. Les signatures115 du manuscrit original lattestent formelle-ment. Ce mmoire116 fut publi en 1760 dans les Mmoiresde Mathmatiques et de Physique prsents lAcadmie royaledes sciences par divers savans (fig. 1.33).

    Pour obtenir de lther, Baum procdait comme ses prdcesseurs, en versant une quantit gale dhuile de vitriol concentre, soit environ trois kilogrammes, sur six livres desprit de vin bien rectifi. Le mlange

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.31. Extraits du mmoire de Pierre-Toussaint Navier (1712-1779) sur lhuile thre : 22 aot 1742.Navier avait suivi les mthodes de Nicolas Lmery (1645-1715), apothicaire du roi, Paris, en dissolvant de la limaille de fer avec de lacide vitriolique, ou avec de lacide de sel marin. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    schauffait considrablement, en dgageant une forte odeur aromatique. La premire liqueur quil retirait de la distillation du mlange, chauff nergiquement sur du charbon, correspondait six onces117 desprit de vin aromatique (lesprit acide vineux de Hellot, lacide vitriolique vineux de Pott, le spiritus naphtae des chimis-tes allemands). Une deuxime et une troisime distilla-tion, laide dune chaleur infiniment plus douce, lui permettait de retirer seize onces desprit sulfureux extr-mement volatil, sur lequel surnageaient bientt quatre gros dhuile douce de vitriol. La liqueur de la premire distillation ntait pas de lther pur, mais un mlange desprit de vin aromatique, dther, dhuile douce de vin et desprit sulfureux. Il fallait la rectifier, chercher sparer les diffrents constituants, en absorbant lacide sulfureux laide de lhuile de tartre, puis distiller le mlange petit feu. Baum en retirait deux livres quatre onces dun bon ther, bien sec, non miscible avec leau. En poursuivant lopration laide dun feu plus cons-quent, on obtenait huit dix onces de liqueur anodyne minrale de Hoffmann. En t, lorsquil faisait chaud, la production tait moins importante. On nen extrayait quune livre douze onces. Baum est le premier auteur avoir utilis de grandes quantits desprit de vin et dhuile douce de vitriol, avoir observ laction des hui-les verses sur lesprit de vin avant la distillation, ainsi que les diffrentes qualits dther qui en taient retir. Il donne galement la description des rsidus demi-dcomposs qui restaient dans la cornue. Ces rsidus, traits par une nouvelle distillation trs longue et fort complique, se transformaient entirement en acide sul-fureux volatil et en une matire charbonneuse. Baum rechercha le moyen de sparer lesprit de vin dissous par lacide vitriolique de la matire grasse huileuse tou-jours prsente dans les rsidus. Il songea aux bouteilles de grs de cuisson moyenne qui constituaient dexcel-lents filtres. Au bout de dix-huit mois dessais, il russit obtenir quatre livres quinze onces dune liqueur acide, dpouille de toute matire grasse. Ce fut le dbut de lanalyse complte des rsidus de lther. En ajoutant du sel de tartre au rsidu non filtr, il dtermina une grande varit de nouvelles combinaisons, non connues jusque-l.

    En mlangeant lesprit de vin de lacide nitreux et de lacide marin, Baum avait mis au point de nouvelles

    Figure 1.32. Extraits du mmoire dAntoine Baum sur lanalyse du

    rsidu de lther vitriolique, lu par Macquer et Hellot,

    le 11 juin 1755. Archives de lAcadmie des

    sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.33. Le mme mmoire dAntoine Baum, publi dans les

    Mmoires de Mathmatiques et dePhysique prsents lAcadmie royale

    des sciences par divers savans et lusdans les assembles,

    1755, t. III, pp. 209-232, dit en 1760 par lImprimerie royale.

    Histoire de lanesthsie

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    mthodes de fabrication des thers et souponn lexis-tence dun acide semblable aux acides vgtaux dans le rsidu de lther vitriolique.

    En 1757, dans sa Dissertation sur lther, dans laquelle onexamine les diffrens produits du mlange de lEsprit de Vinavec les Acides minraux, Baum118 donnait un excellent historique sur la fabrication de lther, tout en dcrivant ses expriences. Pierre-Joseph Macquer119 en fit lloge, en 1766, dans son Dictionnaire de Chymie, en crivant quil sagit de la dissertation la plus tendue quon ait eue jusquprsent sur cette matire . Les deux auteurs insistaient sur le fait que Frobenius avait remplac le groupe de mots spiritus vini thereus par le mot ther .

    Le 10 juin 1758, Louis-Lon-Flicit Brancas, comte de Lauraguais (fig. 1.34), relisait lInstitut de France un mmoire quil avait dj prsent comme corres-pondant tranger120, le 27 avril 1757. Ce mmoire, qui traitait des mlanges qui donnent lther, de lther lui-mme et de sa miscibilit dans leau, avait t remise Joseph-Marie-Franois de Lassone, premier mdecin de Louis XVI et de Marie-Antoinette, et Hyacinthe-Thodore Baron dHnouville, chimiste, docteur-rgent et doyen de la Facult de mdecine de Paris, chargs den rendre compte121. Il fut imprim, en 1763, dans Histoire de lAcadmie Royale des sciences122 (fig. 1.35). Lauraguais y montrait quen versant de lther sur de leau, lther surnage, mais que leau en absorbe aussi une certaine quantit. Comme le firent remarquer De Lassone et Baron123, leau est un excellent moyen pour rectifier lther et, une fois rectifi, ce dernier nest plus miscible avec leau.

    De Lassone et Claude-Melchior Cornette124 prsen-trent une nouvelle mthode de prparation de lther nitreux et de la liqueur anodyne nitreuse, lAcadmie de mdecine, le 15 fvrier 1785. Leur mthode consistait placer une livre dacide nitreux pur et la mme quantit deau-de-vie double du commerce ou desprit de vin dans une cornue en verre. Lassociation des deux composs pro-voquait une lvation de temprature de trois ou quatre degrs. Aprs avoir adapt un ballon la cornue et lut lensemble, on plaait linstrument sur un bain de sable. De la distillation du mlange, on retirait quatre cinq onces dther nitreux, de couleur jaune, et lodeur pn-trante. Il fallait rectifier le produit, le purger des acides quil contenait, puis le re-distiller. Cet ther nitreux fut

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.34.Louis-Lon-Flicit Brancas, comtede Lauraguais (1733-1824), chimiste, philosophe et auteur dramatique. Archives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

    Figure 1.35.Louis-Lon-Flicit Brancas, comtede Lauraguais, Expriences sur les mlanges qui donnent lther, sur lther lui-mme, et sur sa miscibilit dans leau , Histoire de lAcadmieroyale des Sciences, avec les Mmoiresde Mathmatiques et de Physique pourla mme anne 1758, Imprimerie royale, 1763.Imprimerie royale, 1763.

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    utilis comme mdicament. La liqueur anodyne nitreuse, un autre mdicament, sobtenait par le mme procd, en mlangeant une livre dacide nitreux pur et deux livres desprit de vin. De Lassone et Cornette utilisaient lther nitreux et la liqueur anodyne nitreuse contre les affec-tions vaporeuses, les vomissements spasmodiques, la migraine, le hoquet, les palpitations cardiaques, les pince-ments douloureux de lestomac, ou encore, contre toutes les maladies qui provoquaient une rtention urinaire ou des toux convulsives. Ils estimaient que leur liqueur ano-dyne tait plus sdative que la liqueur anodyne vitrioli-que de Hoffmann.

    Le 23 fvrier 1786, dans une communication la RoyalSociety de Londres, Henry Cavendish125 rappelait que JohnMc Nab, de Albany Fort, dans la baie de lHudson, avait montr que lhuile de vitriol, lesprit de nitre et les oxy-des gazeux dazote pouvaient tre congels. Cavendish126

    revint sur la question, le 28 fvrier 1788.Dans son Trait de Chimie (fig. 1.36), Jean-Baptiste

    Dumas127 (fig. 1.37) prcise, que les chimistes franais avaient eu beaucoup de mal obtenir de lther, car ils ajoutaient trop, ou pas assez, dhuile essentielle ou dacide sulfurique. Il tait prpar partir dun sel plong rapi-dement dans leau, du phlogiston des plantes, dun acide trs pur, le tout trs subtilement dissous et mlang, pour en obtenir une fermentation complte.

    Fourcroy et Vauquelin furent les premiers, en 1801, faire la distillation simultane de leau et de lther ;peu aprs, en combattant les thories de Fourcroy et de Vauquelin sur laction de lacide sulfurique sur lalcool et sur la formation de lther, le pharmacien-chimiste nantais Dabit128 dcouvrit les sels de lacide sulfovini-que. Puis, Fourcroy, Vauquelin, Thenard, A. Bussy et Nicolas-Thodore de Saussure129 tudirent les varia-tions de volume de lther sous leffet de la chaleur. Au mme moment, Gay-Lussac130 ralisa une srie dexp-riences sur les vapeurs thres et prouva que lalcool et lther ne diffrent entre eux que par la quantit deau quils contiennent. Un ther bien lav ne retenait pas une grande quantit deau. En 1807 et 1813, Saussure131

    publiait les rsultats de nouvelles recherches sur la com-position chimique de lalcool et de lther sulfurique en basant ses calculs sur les travaux de Jean-Baptiste Biot et Dominique-Franois-Jean Arago sur les pesanteurs spci-fiques des gaz.

    Figure 1.36. Page de garde de louvrage de Jean-Baptiste-Andr

    Dumas, publi en 1835.

    Histoire de lanesthsie

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    Les appareils de distillation et de rectification de lether

    Les appareils de Polydore-Flix G. Boullay et de Wahren

    Prparer de lther sans altrer lacide sulfurique ntait pas simple. Cest au pharmacien franais Polydore-FlixG. Boullay, chevalier de la Lgion dHonneur, membre des Socits de mdecine, dmulation et de pharma-cie de Paris, quil convient dattribuer la mise au point dune mthode judicieuse de prparation des thers. Les 23 mars et 25 mai 1807, Boullay prsentait deux mmoi-res132,133 sur les thers la Premire Classe de lInstitut de France (fig. 1.38). Fourcroy et Vauquelin, commissaires nomms par lInstitut, reconnurent dans cet ther uneidentit parfaite avec lther sulfurique le plus pur 134 .

    Lappareil de Wahren135 (fig. 1.39), de Berlin, pour la distillation et la rectification de lther, a t dcrit dans le Bulletin de Pharmacie de mars 1810. Wahren plaait dans un fourneau rverbre ordinaire une cornue en verre, contenant un mlange de deux parties dalcool et deux parties et quart dacide sulfurique. Lther obtenu aprs la premire distillation tait un mlange dalcool, dther et dacide sulfureux. Wahren qualifiait lodeur particulire qui se dgageait du compos, dempyreu-matique, au got cre. Pour sparer lther de ces diff-rentes substances, le pharmacien-chimiste remplissait un flacon de liquide thr impur aux trois-quarts, y ajou-tait de loxyde noir de manganse en poudre fine, lagi-tait fortement, et laissait reposer lensemble sur de leau froide. Lopration pouvait tre renouvele jusqu ce que lodeur de lacide sulfureux provenant de lhuile douce contenue dans lther ait disparu. Il fallait laisser dcanter la liqueur thre laide dun entonnoir, en y ajoutant de la poudre de muriate de chaux dessch, jusqu obtenir trois couches bien distinctes. Le fond du flacon se garnis-sait doxyde ou de sulfate de manganse, la couche inter-mdiaire, constitue dalcool, tait charge de muriate de chaux. Sur le dessus surnageait une couche dther purifi. Lther purifi pouvait toutefois contenir quel-ques traces dhumidit ou dacide sulfureux. Il suffisait de lui soustraire ces substances, en le rectifiant sur 1/8 decharbon pulvris et 1/16 de chaux teinte. Ce procd permettait dobtenir un liquide parfaitement limpide et incolore, qui svaporait trs facilement lorsquon le

    La priode pr-anesthsique

    Figure 1.37.Jean-Baptiste-Andr Dumas (1800-1884), chimiste et homme dtat, doyen de la Facult des sciences de Paris, professeur la Facult de mdecine de Paris, fondateur de lcole centrale des Arts et Manufactures. Archives de lAcadmieArchives de lAcadmie des sciences de lInstitut de France.

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    versait sur la main. Sa pesanteur spcifique tait de 0,636, la temprature de 15,5 C.

    La couche infrieure du vase de dcantation, compose dalcool et de muriate de chaux, doxyde et de sulfate de manganse en dissolution, pouvait tre utilise, aprs dis-tillation, pour la fabrication de la liqueur dHoffmann.

    Aprs avoir pris connaissance de la publication de Wahren, Boullay136 mit un avis favorable sur son procd de fabrication, mais conseilla de placer la cornue de verre dans une chaudire en fonte, puis sur un bain de sable. Il proposa de rectifier lther sulfurique par de la potasse, du muriate de chaux ou de la magnsie, tandis que Fourcroy et Wahren donnaient la prfrence la magn-sie, afin de dpouiller lther de lodeur empyreumatique due lacide sulfureux. Le manganse, disait Wahren137,beaucoup moins cher que les autres alcalis desschants, lui avait toujours donn la plus grande satisfaction.

    De nouvelles expriences de Boullay pour thrifier lalcool au moyen de lacide arsnique permirent dobte-nir un nouvel ther et de montrer que lacide arsnique trs concentr et chaud a la proprit de convertir lalcool en ther. Les travaux de Boullay furent approuvs par Thenard et Vauquelin138, le 15 avril 1811.

    On retiendra galement la description139 des enton-noirs double robinet, employs pour la prparation de lther phosphorique et applicable aux autres thers.

    Lorsquon mlangeait rapidement, parties gales, de lacide sulfurique 65,5 Baum et de lalcool rectifi 36, il se produisait une bullition tellement violente, que le vase risquait de se briser. Aussi Boullay conseillait de rajouter de lalcool au mlange initial au fur et mesure de la formation de lther. Pour raliser les expriences dans de bonnes conditions, et surtout, cause de la cor-rosion, Boullay avait fini par construire trois appareils dont les lments constitutifs taient lgrement diff-rents. Le premier se composait dun entonnoir en cristal. Le deuxime avait des robinets en platine et, le troisime, tait form dun entonnoir et de robinets en cuivre. Ils lui permirent de prparer de lther arsnical, de lther phos-phorique, de lther sulfurique et de lacide muriatique.

    Boullay140 soutiendra sa thse la Facult des sciences de Paris, le 4 janvier 1815. Ce travail, ddi Vauquelin,a t supervis par Sylvestre-Franois Delacroix, doyen de la Facult des sciences. Aprs avoir rappel quil avait publi ses premiers essais sur lther dans les Annales de

    Figure 1.38. Premiers appareils de Polydore-Flix G. Boullay.

    Bibliothque de Pharmacie, ULP Strasbourg.

    Fig. 5 n 1 :AB : entonnoir formant la partie

    suprieure de lappareil en cristal.D : robinet, qui communique avec

    le vase.E : tubulure bouche lmeri. Elle permet le passage de lair

    atmosphrique vers lintrieur de lappareil.

    F : robinet qui tablit la communication entre lallonge et le

    tube CG.Fig. 5 n 2:

    D et F : robinets en platine.Fig. 5 n 3:

    PQ : allonge garnie dun couvercle de cuivre HI qui y est mastiqu.

    AB : entonnoir en cuivre.D et F : robinets en cuivre.

    E : tube de cuivre, qui remplace la tubulure E

    des modles prcdents.Il est perc dune virole.

    N : garniture KL, vue par le dessus.M : couvercle HI, vu par le dessus.

    O : bouchon de plomb devant entrer dans la tubulure du vaisseau

    distillatoire.

    Histoire de lanesthsie

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    Chimie et